Dictionnaire historique d’argot /Édition Dentu/1881/B

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BABILLARD : Confesseur. (Vidocq.) — Allusion aux efforts persuasifs des aumôniers de prison.

BABILLARD, BABILLARDE, BABILLE : Livre, lettre. — Le dernier mot est une abréviation. Comparaison de leur lecture au babillage d’une personne qui cause sans s’arrêter. — « Ma largue part pour Versailles aux pieds de Sa Majesté ; elle lui fonce un babillard pour me faire défourailler. » (Vidocq.)

BABILLER : Lire. (Vidocq.) — Même comparaison.

BAC : Baccarat. — Abréviation. — « La musique n’arrivant pas, on a taillé un petit bac pour prendre patience. » (A. Second.)

BACCHANTES (les) : Les favoris, la barbe.(Rabasse.)

BACHASSE : Galère. — Augmentatif de bac : bateau. — « En bachasse, tu pégrenneras jusqu’au jour du décarement. » (Vidocq.)

BACHE : Enjeu. V. Bachoteur.

BACHI-BOUZOUCK : Soldat irrégulier. — Mot turc francisé depuis la guerre de Crimée où l’armée turque comptait beaucoup de bachi-bouzoucks. — « Le Pays, le bachi-bouzouck de l’armée impériale, est bonapartiste par conviction. » (Figaro, 75.)

BACHO : Cette abréviation de bachelier désigne indifféremment : 1° le bachelier. On dit, je suis bacho. 2° L’examen du baccalauréat. On dit : il prépare son bacho, il passe son bacho. 3° L’aspirant bachelier. 4° L’école préparatoire au baccalauréat. V. Potasser, Cornichon.

BACHOTTER : Escroquer au jeu de billard.

BACHOTTEUR : Filou chargé du rôle de compère dans une partie de billard à quatre. Il règle la partie, tient les enjeux ou baches et paraît couvrir la dupe de sa protection. Les deux autres grecs sont l’emporteur chargé de lier conversation et la bête qui fait exprès de perdre au début pour l’allécher. (Vidocq.)

BACKER. V. Bookmaker.

BÂCLER : Fermer. — (Vidocq.) — Vieux mot.

BACON : Pourceau. (Idem.) — Vieux mot encore usité dans nos campagnes de l’Est.

BADERNE (vieille) : Personne qui n’est plus bonne à rien. — Ce terme nous vient de la marine où baderne se dit d’une sorte de paillasson fait de vieux cordages.

BADIGEONNER (se) : Se farder excessivement la figure. Mot à mot : se badigeonner comme un mur.

BADINGUïSTE, BADINGOUIN : Bonapartiste. — « Le reporter d’une feuille non moins badingouine qu’hystérique. » (Tam-Tam, 75.) — Du sobriquet de Badinguet, (Badingue par abrév.) donné à Napoléon III dès le début de l’Empire. Badinguet était, paraît-il, le maçon sous la blouse duquel le prince avait fui sa prison de Ham. Quoi qu’il en soit, ce sobriquet devint fort populaire. Si on s’en servait par ironie dans l’opposition, on l’employait sans malice dans le peuple et dans l’armée. En 1870, lors de la démonstration qu’on fit sur Sarrebruck, je demandais à un soldat resté en gare de Saint-Avold si l’empereur était à Forbach : « Oui, dit-il tout naturellement, Badinguet est arrivé. » — V. Capitulard.

BADOUILLARD : « Pour être badouillard, il fallait passer trois ou quatre nuits au bal, déjeuner toute la journée et courir en costume de masque dans tous les cafés du quartier Latin jusqu’à minuit. » (Privat d’Anglemont.) — Le badouillard fut de mode de 1840 à 1850.

BADOUILLE : Mari qui se laisse mener par sa femme. (J. Choux.)

BADOUILLER : Faire le badouillard.

BADOUILLERIE : Art de badouiller. — « La badouillerie est la mort des sociétés de tempérance. » (44, Catéchisme poissard.)

BAFRE (mettre une) : Donner un soufflet. (Rabasse.)

BAGATELLES DE LA PORTE : Parade destinée à faire entrer le public dans une baraque de saltimbanque. — Désigne aussi : toute chose accessoire donnée comme insignifiante à côté de celle qui doit suivre. — « S’amuser aux bagatelles de la porte ; c’est regarder les parades d’un polichinelle. » (Caillot, 29.) V. Postiche.

BAGOU, BAGOULT : Verve, faconde, volubilité extrême. — Du vieux mot bagouler, parler. L’ancien catalan a bagol : babil, bavardage. En Provençal, on dit bagoul.

Nos différents auteurs ne s’accordent guère sur la signification précise de ce mot. 1° Nodier trouve dans le bagou une « langue factice dont le secret consiste à former des phrases composées de mots étonnés d’être ensemble et qui ne présentent aucune espèce de sens. » — 2° Il est défini ainsi par Balzac : « Ce mot (bagou), qui désignait autrefois l’esprit de repartie stéréotypée, a été détrôné par le mot blague. » — 3° M. Francisque Michel se contente de dire : « Bagou ; bavardage, jactance. » — 4° Auguste Luchet paraît être de l’avis de Nodier dans cet exemple : « Tout un argot enfin, tout un bagou barbare et vieux même à Bobino. » (Luchet.)

BAGOU : Nom propre. (Vidocq.)

BAGUE : Nom propre. Vidocq.) — Abréviation de bagou.

BAHUT : Petit logement. — « Et moi je ne lui paye peut-être pas son bahut, à Milie ? Quoi qu’elle a à se plaindre ? » (Monselet.)

BAHUT : Pension, institution académique. — « Je te croyais au bahut Rabourdon. Jamais j’aurais pensé qu’ t’étais devenu potache. Et Furet, as-tu de ses nouvelles ? en v’là un bahuteur. Il a fait la moitié des bahuts au Marais et une douzaine au moins dans la banlieue. » (Les Institutions de Paris, 58.) V. Potasser.

BAHUT PATERNEL : Quelques fils de famille disent, par extension : le bahut paternel, en parlant du logis de leurs auteurs.

BAHUT SPÉCIAL : École spéciale militaire de Saint-Cyr. — « L’École de Saint-Cyr ! j’ai le bonheur d’être admis à ce bahut spécial. » (La Cassagne.)

BAHUTÉ : Ceci est bahuté : Ceci a le chic troupier (digne du bahut spécial).

BAHUTER : Faire tapage. Terme propre aux élèves de Saint-Cyr.

BAHUTEUR : Tapageur — Vient du vieux mot bahutier. — « Quand un homme fait plus de bruit que de besogne, on dit qu’il fait comme les bahutiers. Car, en effet, les bahutiers, après avoir cogné un clou, donnent plusieurs coups de marteau inutiles avant d’en cogner un autre.» (P. Le Roux, 1718.) « Cette écorce rude et sauvage qui allait au bahuteur de Saint-Cyr.» (La Barre.)

BAHUTEUR : Écolier nomade, coureur de pensions ou bahuts. V. ce mot.

BAIGNEUSE : Chapeau de femme. — Du nom d’une coiffure à la mode vers la fin du siècle dernier.

BAIN DE PIED : Excédant de liquide versé pour faire bonne mesure ; il déborde et fait prendre à la tasse ou au verre un bain de pied dans la soucoupe. De là le mot.

BAIN DE PIED (prendre un) : Être déporté à Cayenne.

BAISSIER : Homme spéculant à la Bourse sur la baisse des fonds publics. — « Les baissiers ont fait répandre le bruit que M. Thiers est très-souffrant. » (Liberté, 7 juin 72.) — « Voici comment opèrent les baissiers. Sans avoir d’actions, ils en vendent des quantités plus ou moins considérables, suivant le crédit dont ils peuvent disposer. Or, plus une marchandise est offerte, plus son cours baisse. Quand les actions sont descendues à un cours inférieur à celui auquel ils les ont vendues, ils les rachètent et gagnent ainsi la différence. » (Calemard de Lafayette.)

BAÏTE : Maison. — « Jorne et sorgue, tu poisseras boucart baïte chenument. » (Vidocq.)

BALADE : Flânerie, promenade. — On dit : être en balade, faire une balade.

BALADER : Chercher, choisir. (Colombey.)

BALADER (se), ÊTRE EN BALADE : Flâner. — Du vieux mot baler : se divertir — «Je suis venu me balader sur le trottoir où j’attends Milie. » (Monselet.)

BALADER : Choisir, chercher. (Vidocq.) — Même racine. Le choix comporte toujours un déplacement.

BALADEUR, BALADEUSE : Fainéant, coureuse. — « Elle t’a trahi sans te trahir. C’est une baladeuse, et voilà tout. » (G. de Nerval.)

BALADEUSE : Voiture de bimbelotier forain. Elle court sans cesse la campagne.

BALAI : Gendarme. (Vidocq.) — On appelle de même raclette une ronde de police ; elle racle comme la gendarmerie balaie.

BALAI (donner du) : Mettre quelqu’un à la porte. Le Dictionnaire de P. Leroux (1718) a dans le même sens : donner du manche à balai.

BALANCEMENT : Renvoi. — « Le conducteur de diligence appelle son renvoi de l’administration un balancement. » (J. Hilpert, 1841.)

BALANCER : Berner quelqu’un, lui faire perdre son temps. Mot à mot : lui conter des balançoires. V. ce mot.

BALANCER : Jeter au loin. — On sait que l’action de balancer imprime plus de force à une projection. V. Litrer, Escrache.

BALANCER, ENVOYER À LA BALANÇOIRE : Congédier, renvoyer. — « J’ai conservé provisoirement les anciens employés ; quand ils auront formé les patriotes, nous les balancerons. » (Delahodde, 1850.) — « Elle m’a traité de mufle. Alors il faut la balancer. » (Monselet.) — « Là-dessus v’là mon Chinois qui se fâche… Je l’envoie à la balançoire. » (Idem.)

On dit aussi exbalancer. — « Je vais les payer et les exbalancer à la porte. » (Vidal, 1833.)

BALANCER SON CHIFFON ROUGE : Parler. Mot à mot : remuer la langue.

BALANCER SA CANNE : Voler, se mettre à voler. Mot à mot : rompre son ban. V. Canne.

BALANCER SES CHASSES : Regarder à droite et à gauche. V. Chasses.

BALANCER SA LARGUE : Quitter sa maîtresse.

BALANCER SES HALÈNES ; Cesser de voler, jeter ses outils de voleur. V. Halène.

BALANCER UNE LAZAGNE : Adresser une lettre. V. Lazagne.

BALANCIER (faire le) : Attendre quelqu’un. (Rabasse.)

BALANÇOIR, BALANÇON : Barreau de fenêtre. (Vidocq.)

BALANÇOIRE (envoyer à la). V. Balancer.

BALANÇOIRE : Mystification. — « Le rappel des acteurs est devenu une mauvaise plaisanterie et dégénère en véritable balançoire. » (De Jallais, 1854.)

BALANÇOIRE : Mensonge, conte en l’air. — « Non, monsieur !je n’avais pas fait un accroc. — C’est une balançoire » (P. de Kock.) V. Balancer.

BALAYER : Se dit des femmes qui marchent sans relever une jupe longue, formant queue et balayant le terrain.

BALAYEUSE : Femme marchant comme ci-dessus. — « Te verra-ton au concert des Champs-Elysées ? Il y a en ce moment une collection de balayeuses. » (E. Villars.)

BALAYEUSE : Longue redingote balayant la terre. — « Une redingote noisette, dite balayeuse, dont la jupe drapée en tuyaux d’orgue, ondoyait à chaque-mouvement. » (Villemessant.)

BALLE : Tête. — Comme boule et coloquinte, balle fait allusion à la rondeur de la tête. — « Tu fais bien ta tête. Est-ce que ma balle ne te va pas ? dit-il à la maîtresse du chevalier. » (Macaire, 1833.)

Bonne balle : Tête ridicule.

Rude balle : Tête énergique, caractérisée.

Balle d’amour : Jolie figure. (Vidocq.)

BALLE : Franc. — Allusion à la forme ronde d’une pièce de monnaie. — « Je les ai payées 200 francs. — Deux cents balles, fichtre ! » (De Goncourt.)

BALLE (être rond comme) : Avoir bu et mangé avec excès. V. Rond.

BALLE DE COTON : Coups de poing. — Allusion aux gants rembourrés des boxeurs. — « Il lui allonge sa balle de coton, donc qu’il lui relève le nez et lui crève un œil. » (La Correctionnelle, 1841.)

BALLON : Derrière. — Enlever le ballon : donner un coup de pied au derrière. — « Inutile de faire remarquer l’analogie qu’il y a ici entre la partie du corps ainsi désignée et une peau gonflée de vent, qu’on relève du pied. » — (Fr. Michel.)

BALLON : « Ce mot est du domaine de la chorégraphie : Le ballon consiste à s’enlever de terre avec une grande vigueur de jarrets, et à retomber mollement et avec grâce sur les pointes, si c’est possible ; madame Montessu est un des premiers ballons connus. » (J. Duflot, 1865.)

Bien que l’image présentée ici paraisse être celle d’un ballon s’élevant du sol, c’est dans la légèreté traditionnelle de M. et Mme  Ballon, célèbres danseurs de ballet sous Louis XIV, qu’il faut chercher l’origine du mot. Un Dictionnaire de la danse du siècle dernier le constate bien avant l’invention des aérostats.

BALLON (se donner, se pousser du) : Porter une crinoline d’envergure exagérée, faire ballonner sa jupe.

BALLON (se lâcher du) : S’enfuir avec la vitesse d’un aérostat. — « Tu te la casses, il se pousse de l’air ou il se lâche du ballon, nous fendons notre équerre ou nous affûtons nos pincettes, vous vous déguisez en cerf ou vous graissez le tourniquet, ils pincent leur télégraphe ou ils accrochent leur tender. » (Villars.)

BALOCHARD, BALOCHEUR : « Le balochard représente surtout la gaieté du peuple ; c’est l’ouvrier spirituel, insouciant, tapageur, qui trône à la barrière. » (T. Delord.) V. Balocher.

Pardon ! pardon ! Louise la Balocheuse,
De t’oublier, toi, tes trente printemps.
Ton nez hardi, ta bouche aventureuse,
Et tes amants plus nombreux que tes dents.
(Nadaud.)

BALOCHARD : Personnage de carnaval, — C’était une variété du chicard, avec un feutre défoncé pour casque. À la mode comme lui de 1840 à 1850.

BALOCHER : « C’est quelque chose de plus que flâner. C’est l’activité de la paresse, l’insouciance avec un petit verre dans la tête. » (T. Delord.) — Augmentatif du vieux mot baler : se divertir.

BALOCHER : S’occuper d’affaires véreuses. (Vidocq.)

BALOCHEUR, BALOCHEUSE. V. Balochard.

BALOUF : Très-fort. — « La satonnade roule à balouf. » (Rabasse.)

BALTHAZAR : Repas plantureux. — Allusion au fameux repas biblique. — « Je vais me donner une bosse et faire un balthazar intime. » (Murger).

« Maria. Ah ! voilà le balthazar qui arrive.

Éole. Comment appelez-vous ça ?

Maria. Un balthazar… et vous ?

Éole. Moi, j’appelle ça un déjeuner, tout bonnement. » (Barrière.)

BALUCHON : Paquet. (Vidocq.) Mot à mot : petit ballot. V. Paqueçin.

BANBAN : Personne de petite taille, aux membres noués. — Abréviation redoublée de bancroche : rachitique. — « J’entrai chez Dinah, jolie petite brune un peu banban. » (Céleste Mogador.)

BANCAL : Sabre courbe. — Allusion aux jambes arquées du bancal. — « Voilà M. Granger qui apporte le bancal. » (Gavarni.)

BANCO, BANCOT, BANQUO (faire) : Tenir tout l’argent placé par le banquier devant lui. — Terme de lansquenet. — « Certains joueurs arrivent avec dix louis ; ils font des banco de cent, deux cents, trois cents louis. » (A. Karr.) — « Il se trouvait sans argent, et dit à M. de Maucroix qu’il faisait bancot sur parole. » (Dumas fils, le Demi-Monde)

Un coup trop incertain fait soupirer le ponte,
Mais un hardi banquo tout à coup le remonte.
(Alyge, 1854.)

BANDE (coller sous) : Acculer dans une situation difficile. — Terme de billard. — « Oui, nous voilà collés sous bande. Ah ! nous nous sommes bien blousés. » (L. de Neuville.)

BANDE NOIRE : Association occulte de spéculateurs réunis dans le but de morceler et vendre en détail de grandes propriétés. — « Alors la bande noire achetait vos palais pour les revendre au détail. » (Rienzi, 1825.)

BANNIÈRE (être en) : N’avoir qu’une chemise flottante pour vêtement. — Le mot date du temps où notre bannière était blanche.

BANQUE : Réunion de saltimbanques.

BANQUE : Opération dont la valeur réelle est déguisée dans le but d’exploiter le public. — De banc : tréteau de charlatan. — « Ah ! c’est une bonne banque. » (Labiche.)

BANQUE : Payement des ouvriers imprimeurs. V. Salé.

BANQUE (être de la) : Être d’accord pour escroquer. (Rabasse.)

BANQUE (faire la) : Allécher le client. Terme employé par les camelots vendant sur la voie publique.

BANQUE (faire une) : Imaginer une ruse pour duper. (Colombey.)

BANQUETTE : Menton. (Vidocq.) — La saillie du menton forme en effet banquette au bas du visage.

BANQUISTE : Faiseur de banques, saltimbanque. — « Adieu, z’agréables banquistes, je n’ peux plus frayer avec vous. » (Festeau.)

BANQUO. V. Banco.

BAPTEME (se mettre sur les fonts du) : Se mettre dans l’embarras. — « Nous ne voulons enquiller chez aucun tapissier, c’est se mettre sur les fonts du baptême. » (Vidocq.) — En argot, parrain veut dire témoin à charge. On s’expose donc au parrain en se mettant sur les fonts du baptême. V. Parrain.

BAQUET DE SCIENCE : Baquet de cordonnier. — « Elle a été débarbouillée dans le baquet de science, où trempent le cuir et la poix. » (H. Lierre.)

BAQUET INSOLENT : Blanchisseuse. (Halbert.) Allusion au baquet professionnel. Les blanchisseuses passent pour avoir le verbe haut. Colombey donne baquet insolpé, (c’est insolent avec changement de finale).

BARANT : Ruisseau. (Colombey.) Il barre.

BARAQUE : Mauvaise maison, établissement mal administré. — « J’suis dans une mauvaise baraque, chez des avaricieux qui me coupent le pain pour mon dîner. » (Marco-Saint-Hilaire, 1841.) — « Il y a longtemps que vous êtes au service de Madame ? — Un mois. — Est-ce une bonne maison ? — C’est z’une vraie baraque. » (M. Perrin, 1847.)

BARBAUDIER : Guichetier. (Vidocq.) — Pour barbotier. V. ce mot.

BARBE (avoir de la barbe) : Vieillir. V. Pipe (casser sa). — On dit d’une histoire déjà connue : elle a de la barbe.

BARBE (prendre la), AVOIR SON EXTRAIT DE BARBE : S’enivrer. — « La Saint-Jean d’hiver, la Saint-Jean d’été, la Saint-Jean-Porte-Latine, le moment qui commence les veillées, celui qui les voit finir, sont autant d’époques où (pour les compositeurs d’imprimerie) il est indispensable de prendre la barbe. » (Ladimir.) — « L’un d’entre eux, qui avait déjà son extrait de barbe, chancelle. » (Moisand, 1841.)

BARBEROT : Barbier. (Vidocq.) — Dimin. de barbier.

BARBET (le) : Le diable. — « Mon cher camerluche, me voilà enfin décarré, par la grâce du mek ou du barbet. » (Rabasse.)

BARBICHE : Large bouquet de poils couvrant et dépassant le menton. — « En ce temps-là, Boudefer, lieutenant aux dragons, et possesseur d’une taille de guêpe et d’une barbiche soyeuse. » (Marx.)

BARBICHON : Moine. (Colombey.) Allusion à sa barbe.

BARBILLON, BARBILLE, BARBEAU : Souteneur de filles. V. Mac.

BARBISTE : Élève ou ancien élève de l’institut de Sainte-Barbe. — « Jurez, Lexoviens, Barbistes, Moinillons et Ludovicistes, vous viendrez célébrer en frères les haricots de Montaigu. » (Léger, 1819.)

BARBOT : Canard. (Vidocq.) — Il barbote volontiers.

BARBOT : Vol. — Allusion à l’action des doigts, fouillant dans une poche, comme le bec du canard barbote dans un trou. — « Je fis le barbot et je m’emparai de quelques pièces de vingt et quarante francs. » (Canler.)

BARBOTE : Fouille des prisonniers avant leur incarcération.

BARBOTER : Voler. (Vidocq.) Mot à mot : faire le barbot. — « Tous deux en brav’s nous barbotions, d’or et d’billet nous trouvons un million. » (Paillet.)

BARBOTER : Fouiller. (Rabasse.)

BARBOTEUR : Voleur.

BARBOTIER : Guichetier ; il fait la barbote des détenus.

BARBUE : Plume. (Vidocq.) Allusion à sa barbe. V. Arguemine.

BARON DE LA CRASSE : Se dit d’un homme mal bâti, habillé ridiculement, et qui se donne des manières de cour. (Caillot, 1829.)

Poisson a fait une pièce intitulée le Baron de la Crasse.

BARONIFIER : Donner le titre de baron. On peut appliquer à la formation de ce mot nouveau la remarque que nous avons faite à propos d’archi. « D’Aldrigger fut alors baronifié par S. M. l’empereur. » (Balzac.)

BARRE : Aiguille. (Vidocq.) — Ironie.

BARRE : Comparaison des mâchoires aux barres de cheval. — « Ne compte que sur le liquide pour te rafraîchir les barres, cavalièrement parlant. » (A. Lecomte, 61.)

BARRER : Rompre, cesser une affaire. (Rabasse.)

BARTHOLO : Surveillant, vieux et jaloux. — Surnom dû au succès du Barbier de Séville, pièce où le tuteur incommode se nomme Bartholo. — « Nos mondaines Parisiennes… pourront défier ensuite les Bartholo les plus adroits. » (Figaro, 75.)

BAS BLEU : Femme auteur, ou affichant des goûts littéraires. — Anglicanisme. — Au siècle dernier, lady Montague, dont le salon était des plus littéraires, aurait déclaré que les touristes pouvaient s’y présenter en tenue de voyage et en bas bleus. Selon d’autres, elle portait elle-même des bas bleus, ce qui lui aurait valu, de la part d’un amant congédié, le poëte Pope, le sobriquet de blue stocking, bas bleu. — « Voyez-la donc dans la rue, trottinant les coudes serrés contre la taille, la tête haute, le regard baissé, un manuscrit sortant de son cabas ; voyez dans cette vieille chaussure ce bas qui se déroule ; est-ce un bas bleu ? C’est un bas sale ! Tope là ! vous avez l’origine du mot. C’est la grande habitude des femmes de lettres de ne jamais s’occuper de ces minces détails de la vie de chaque jour. » (Jules Janin.) — « Molière les appelait les femmes savantes, nous les avons nommées bas bleus, » (Fr. Soulié.)

Bas bleu a même droit de cité dans des sphères plus hautes, si nous en croyons ces lignes : « La comtesse de Liéven, bas bleu politique de la plus haute distinction. » (H. de Viel-Castel.)

BAS DE BUFFET (vieux) : Vieille femme à prétentions. (Delvau.)

BAS DU CUL : Homme de petite taille.

BAS DU DOS : Postérieur.

BAS PERCÉ (être) : Être dans l’indigence. — Du temps des culottes courtes, un bas percé se voyait, et il fallait être bien misérable pour ne pouvoir payer la ravaudeuse.

BASANE : Amadou. (Colombey.) — L’amadou ressemble assez à une vieille peau de basane.

BASANE : Peau humaine. — Animalisme.

BASE : Derrière. — Ne se dit que d’un homme assis, car s’il était debout, l’allusion ne serait plus justifiée. — « Les brusques mouvements de l’animal qui souvent écorchent votre base. » (A. Lecomte. 1861.)

BASE (se porter sur la) : S’aligner. — Abréviation de : se porter sur la base de l’alignement. — « Prenez un pinceau et portez-vous sur la base, » dit un brigadier de semaine aux hommes désignés pour la corvée du balayage. (Idem.)

BASILE : Fourbe hypocrite, calomniateur. — Du nom d’un personnage du Barbier de Séville. — « Après 1830, on se déguisait beaucoup en Basile. » (Privat d’Anglemont.) — « Son premier soin sera d’envoyer promener les Basiles. » (L. Bienvenu.)

BASOURDIR : Assommer. — (Vidocq.) — Abrév. d’abasourdir.

BASSIN, BASSINOIRE : Importun.

Allons, vieux bassin,
Avez vous fini vos manières ?
(Becquet, chansons.)

BASSINER : Importuner. Mot à mot : échauffer comme une bassinoire. — « Il me bassine, cet avoué. » (Labiche.)

BASSINOIRE : Grosse montre de cuivre. Moins le manche, elle offre un diminutif assez exact de la bassinoire classique. — « C’était une vénérable montre de famille, dite bassinoire. » (Champfleury.) V. Bassin.

BASTRINGUE : Scie à scier le fer. (Halbert.)

BASTRINGUE : Étui conique en fer d’environ quatre pouces de long sur douze lignes de diamètre, contenant un passe-port, de l’argent, des ressorts de montre dentelés pour scier un barreau de fer. (Vidocq.) — Les malfaiteurs arrêtés cachent dans leur anus cette sorte de nécessaire d’armes, qui doit être introduit par le gros bout. Faute de cette précaution, il remonte dans les intestins et finit par causer la mort. Un détenu périt il y a quelques années de cette manière, et les journaux ont retenti du nombre prodigieux d’objets découverts dans son bastringue, après l’autopsie.

BATAILLE (chapeau en) : Chapeau à cornes tombant sur chaque oreille. Mis dans le sens contraire, il est en colonne. — Terme de manœuvres militaires. — « Les uns portent d’immenses chapeaux en bataille, les autres de petits chapeaux en colonne. » (La Bédollière.)

BATEAU : Souliers. — Allusion de forme. — « Je lui dis : Antoine, t’as pris mes bateaux ; je me jette sur lui et je trouve mes souliers. » (La Correctionnelle, 1841.) Se dit aussi d’un soulier énorme. — « Il chausse aussi cette excellente marquise… une frégate. Eh bien ! il y a des jours où, ma parole, ce n’est guère plus grand qu’un bateau. » (E. Villars.)

BATEAU (mener en) : Escroquer.

BATH (du) : De l’or, de l’argent. (Rabasse.)

BATH : Bon et beau. — Abréviation de batif : joli. — « Nous avons fait un lansquenet un peu bath cette nuit. » (A. Vitu.)

BATIF, BATIFONNE : Neuf, neuve, joli, jolie. (Vidocq.) — De battant avec finale changée.

BÂTIR : Être enceinte. (J. Choux.) — Mot à mot : bâtir un enfant.

BÂTON CREUX : Fusil. (Halbert.) — Vieux mot. — Au moyen âge les armes et bouches à feu s’appelaient bastons à feu.

BÂTON MERDEUX : Homme de relations difficiles. — Mot à mot : homme semblable à un bâton merdeux qu’on ne sait par quel bout prendre. — « Bâton merdeux, homme brusque qui repousse tous ceux qui s’adressent à lui. » (Dhautel.)

BATOUSE : Toile. (Grandval.) — « La batouse à limace est plus chenue aussi. » (Rabasse.)

BATTAGE : Mensonge. V. Batterie.

BATTANT : Cœur. (Vidocq.) Mot imagé. — Le battant est le cœur à son état ordinaire. Il ne mérite pas encore le nom de palpitant.

BATTANT, BATTANTE : Neuf, neuve. (Idem.) On a conservé l’expression de battant neuf.

BATTANT : Gosier. V Pivois. — Se pousser dans le battant : boire. — Rien dans le battant : je suis à jeun.

BATTANT : Langue. — Allusion au battant de la cloche. — On dit d’une bavarde qu’elle a un bon battant.

BATTANTE : Cloche. Elle bat les heures. — « Ho ! les amis, sept plombes qui crossent à la battante d’Élisabeth ! » (Catéchisme poissard, 1844.)

BATTERIE, BATTAGE : Mensonge. (Vidocq.)

BATTEUR : Menteur. (Idem.)

BATTEUR DE DIG DIG : Voleur simulant une attaque d’épilepsie dans un magasin pour que ses compères volent plus à l’aise. (Colombey.)

BATTOIR : Main large, main de claqueur, sonore comme un battoir de blanchisseuse. — « Dieu ! la belle tragédienne ! En avant les battoirs ! » (L. Reybaud.)

Mais les battoirs du parterre
Font un tel bruit de tonnerre.
(Rienzi, 1826.)

BATTRE : Tromper. (Vidocq.)

BATTRE L’ANTIFLE : Battre le pavé, marcher. V. Antiffe.

BATTRE L’ENTIF : Espionner. (Rabasse.) — Forme moderne du mot précédent.

BATTRE LE BRIQUET : Rapprocher les jambes en marchant, ce qui produit un frottement analogue au battement du briquet.

BATTRE COMTOIS : Jouer le rôle de compère. (Colombey.)

BATTRE COMTOIS, BATTRE JOB : Faire le niais. (Vidocq.) V. Comtois, Job.

BATTRE EN DUEL (se) : On dit des yeux louches qu’ils se battent en duel. — Allusion à leur rencontre. — On dit aussi de petites portions offertes sur un grand plat, qu’elles se battent en duel. — Allusion à l’espace sur lequel elles se meuvent par trop librement.

BATTRE LA PAUPIÈRE (s’en) : Ne faire aucun cas d’une chose. — C’est un synonyme de s’en battre l’œil. — « Moustache ou barbe, je m’en bats la paupière… Il faut qu’un homme pèse deux cents ; s’il ne pèse pas deux cents, c’est pas la peine de se déranger. » (A. Scholl.)

BATTRE MORASSE : Crier au secours. V. Morasse.

BATTRE SA FLEMME : Paresser. V. Flemme.

BATTRE SON QUART : Raccrocher. V. Quart.

BAUCHER : Se moquer. (Colombey.)

BAUCOTER : Agacer. (Idem.)

BAUDE : Mal vénérien. (Vidocq.) — Du vieux mot baude : débauché. — La baude serait donc la débauchée, c’est-à-dire le mal de la débauche.

BAUDRU : Fouet. — Du vieux mot baudre : qui a fait courroie, baudrier.

BAUGE : Coffre. (Grandval.)

BAUGE : Ventre. (Colombey.) — Animalisme.

BAUME D’ACIER : Instrument de chirurgie. — Moyen ironique de faire entendre que tous les baumes du monde ne peuvent dispenser d’une opération. — « Quant aux dents, si gâtées qu’elles soient, il n’est pas de dentifrice qui ne leur promette de les mettre à l’abri du baume d’acier. » (Le Nil, journal, août 1872.)

BAUSSE, BAUSSERESSE : Patron, patronne.

BAVARDE : Langue. (Rabasse.)

BAVAROISE AUX CHOUX : Verre d’absinthe et d’orgeat. — « On nous apporte deux bavaroises aux choux. Nous en étouffons encore deux autres. » (Monselet.)

BAVER : Parler. Abréviation de bavarder.

BAYAFE : Pistolet. — C’est un vieux mot languedocien qui veut dire souffleur. Or, soufflant veut dire aussi pistolet. V. Soufflant. — « On peut remoucher les bayafes. Alors le taffetas les fera dévider et tortiller la planque où est le carle. » (Vidocq.) On dit aussi bayafre.

BAYAFER : Fusiller. (Colombey.)

BAYONNETTE INTELLIGENTE : Garde national et par extension militaire s’occupant de politique. — Le mot date de 1848, et a été dans l’origine une flatterie maladroite qu’on a ridiculisée. — « Notre horreur des bayonnettes intelligentes est telle que nous voudrions… » (Saint-Genest, 75.)

BAZAR : Maison chétive. — « Petit bazar entre cour et jardin. » (Labiche.)

BAZAR se dit aussi par ironie d’un établissement quelconque. — « Si tu ne veux pas ouvrir ta boîte, dis-le ! Allons chercher un autre bazar. » (Cavaillé.)

BAZAR : Mobilier. — Mot contemporain de notre entrée en Afrique. — « J’ai vendu la moitié de mon bazar pour payer le médecin. » (E. Sue.)

BAZARDER : Vendre. — « L’autre semaine je vous ai encore bazardé trois pendules, même que vous avez été trop rat et que j’ai été refait dans le dur. » (Du Boisgobey).

BEAU : Homme à la mode. — « Le beau de l’Empire est toujours un homme long et mince, qui porte un corset et qui a la croix de la Légion d’honneur. » (Balzac.)

BEAU (vieux), ex-beau : Vieil homme ayant conservé des prétentions à une grande élégance. — « Un vieux chef de division, ancien beau, sonne son huissier. » (Figaro, 75).

BEAU DU JOUR : Élégant, homme à la mode. — Le beau du jour reçoit d’autres noms qui varient avec le temps. Depuis Louis XVI on l’a successivement appelé petit-maître, incroyable, merveilleux, fashionable, dandy, mirliflor, gant jaune, lion, gandin, petit crevé, gommeux, etc.

BEAU FILS. — Jeune beau.

BEAUCE, BEAUCERESSE : Revendeur, revendeuse du marché du Temple.

BEAUSSE : Riche bourgeois. (Colombey.)

BEAUTÉ (la) : Le sexe féminin, fût-il aussi laidement représenté que possible.

BEAUTÉ DU DIABLE : Se dit de la fraîcheur de la jeunesse et non de la beauté. Vénus n’y est ici pour rien. « Elles ont ce qu’il est convenu de nommer la beauté du diable, ce qui veut dire de la jeunesse. » (P. de Kock.)

BÉBÉ : Poupard. — De l’anglais baby. — « Emma arriva au sortir du bal de la Porte-Saint-Martin, en costume de bébé. » (Ces Dames, 1860.) — M. Gustave Droz a fait un livre intitulé : Monsieur, Madame et Bébé. On adopta ce mot, vers 1860, mais il est plus ancien.

BÉBÉ : Avorton. — « Ce bébé littéraire et turlupin tragique. » (Epître à l’Empereur, par une muse-villageoise, 1808, in-8.) Allusion à Bébé, nain célèbre du roi de Lorraine Stanislas (xviiie siècle.)

BÉBÉ : Terme d’amitié. Mot à mot : petit-fils. — « Eh bien, mon bébé, je t’avertis que je compte et compterai éternellement sur ton cœur. Bonjour, mon bon bébé, mon ancien et éternel ami. » Sophie Arnould, Lettre à Bellanger, 27 février 1793.)

Voici un exemple plus moderne qui prouve que, si les mots changent, les besoins ne changent pas. — « Tu sais, mon petit homme, que je n’ai plus un sou, et que ton petit bébé ne doit pas rester sans espèces. » (Ces Dames, 1860.)

Un mot dont on nous favorise,
Mot aux nourrices dérobé,
C’est (aurait-on la barbe grise) :
Comment ça va ! Bonjour, bébé.
(Fr. de Courcy.)

BEC : Bouche. — Animalisme. — Le mot est de toute antiquité. Villon, dans son Testament, parle des commères « qui ont le bec affilé. » Dans la ballade des Femmes de Paris, on retrouve encore : « Il n’est bon bec que de Paris. »

Casser, chelinguer du bec : avoir mauvaise haleine.

Fin bec : gourmand.

Passer devant le bec : passer sans répondre à l’espoir de quelqu’un. — « Il ne sera pas mal de profiter du brouillard pour leur passer devant le bec. » (L. Desnoyers.) On dit souvent : Cela m’a passé devant le bec.

Rincer le bec : faire boire.

River le bec : faire taire.

Taire son bec : se taire. — « Pour lui faire taire son bec, mon homme s’est vu forcé de jouer du couteau. » (M. Perrin.)

Tortiller du bec : manger.

BÉCASSE : Femme maigre et guindée comme une bécasse. — « La femme a l’air d’une fameuse bécasse. » (Villemot.)

BÉCHER : Battre, dire du mal. — Du vieux mot béchier : frapper du bec. — « Je suis comme je suis, c’est pas une raison pour me bécher. » (Monselet.)

BÉCHER, BÉCHEUSE : Médisant, médisante.

BÉCHEUR : Mendiant (Rabasse).

BÉCHEUR : Magistrat chargé du ministère public. Mot à mot : bécheur de prévenu. — « Malgré le crachoir de mon parrain, le bécheur ayant demandé l’application de la peine, je fus condamné. » (Journ. d’un pris. Maz.)

BÉCOT : Petit baiser pris du bout des lèvres avec la prestesse de l’oiseau qui donne son coup de bec. — « Encore un bécot. » (Champfleury.) V. Chouette.

BÉCOTER : Donner un bécot. — « Tiens, j’effarouche les tourtereaux… On se bécotait ici. » (Cormon.)

On écrit aussi : bécotter.

Petit bossu,
Noir et tortu,
Qui me bécottes…
De me baiser finiras-tu ?
(Béranger.)

BECQUETER : Manger. Mot à mot : travailler du bec. — « Dis donc, Boizamort, si nous becquetions une croûte ? » (1842, Ladimir.)

BÉDON : Ventre (Rabasse.)

BÉDOUIN : Dans un volume de souvenirs sur 1814, M. Labretonnière dit en parlant des bisets de la garde nationale : « Quelques gibernes se croisaient avec le briquet sur une pacifique redingote, et constituaient ce que nous devions, quinze ans plus tard, gratifier du nom de Bédouins. »

BEFFEUR, BEFFEUSE : Faiseur, faiseuse de dupes. (Colombey.)

BÈGUE : Avoine. (Idem.)

BÉGUIN : Passion. — Du mot béguin : chaperon, coiffure. — Allusion semblable à celle qui fait appeler coiffée une personne éprise. — « Il y a un bel âge que je ne pense plus à mon premier béguin. » (Monselet.)

BÉGUIN : Tête. — « Tu y as donc tapé sur le béguin. » (Robert Macaire, 1836.)

BELETTE : Pièce de 50 centimes. V. Pastille.

BÉLIER : Mari, trompé. (Vidocq.) — Allusion aux cornes symboliques du cocuage.

BELLE (Jouer la) : Tout risquer d’un seul coup. — Deux joueurs jouent la belle (partie), lorsque après en avoir gagné chacun une, ils conviennent d’en jouer une décisive. — Pris souvent au figuré.

BELLE (la perdre) : Perdre, gain presque assuré.

BELLE À LA CHANDELLE : Laide. — Ironie. La chandelle est un triste éclairage.

BELLE DE NUIT : Raccrocheuse, ne se montrant, comme la fleur de ce nom, que pendant la nuit. — Se dit aussi d’un visage flétri, qui ne brille qu’aux lumières. — « La plupart de ces belles de nuit ne seraient pas présentables au grand jour. » (P. de Mairobert, 1776.)

BÉNEF : Bénéfice. — Abréviation. — « Un billet, mon maître, moins cher qu’au bureau ! Deux francs cinquante de bénef ! » (A. Second.)

BÉNISSEUR : Moraliste banal. Se dit aussi d’un personnage solennel sans nécessité. Il fait hors de propos des allocutions attendries. — « Cet ensemble donne au placide vieillard la physionomie consacrée d’un bénisseur. Le langage onctueux complète l’illusion. » (L’Éclair, 1872.)

BENOÎTON, BENOÎTONNE. — Digne (par l’extravagance de sa toilette, de ses mœurs, de ses allures) d’être confondu avec les types mis en scène par M. Sardou dans sa Famille Benoîton. — « L’Église et le théâtre semblent se donner la main pour flétrir avec indignation les mœurs benoîtonnes. » (Dupeuty, 1866,) — « Madame ***, très-connue par les audaces benoîtonnes de son langage. » Yriarte, 1866.)

BENOÎTONNER : Porter une toilette ridicule, c’est-à-dire : à la Benoîton.

Et, le soir, les gandins sur vos pas s’étouffant,
Croiront tous, à vous voir ainsi Benoîtonnée,
Que dans la bicherie une autre biche est née.
Et tous, ceux du MOUTARD et ceux du MIRLITON,
Avec leur pince-nez et leurs cols de carton,
Et leurs gilets ouverts sur la blancheur du linge,
Crîront, en se pâmant ; « Quel adorable singe ! »
(Vie parisienne, 1866.)

BENOÎTONNERIE : Genre Benoîton, V. ce mot.

BÉOTIEN : Bête, inintelligent. — Dans l’ancienne Grèce, les Béotiens passaient pour illettrés. — « L’entretien suivant, éminemment béotien, s’il nous est permis d’emprunter cette expression au très-spirituel écrivain qui l’a popularisée, Louis Desnoyers, auteur des Béotiens de Paris. » (E. Sue.) V. Philistin.

BEQUILLARD, BÉQUILLEUR. — Bourreau. (Colombey.) Il vous pendait à la béquille (potence).

BÉQUILLE : Potence. (Vidocq.) La potence ressemble à une béquille monumentale.

BÉQUILLER : Pendre, accrocher à la béquille. V. Farre.

BÉQUILLER, BECQUETER. Manger. Mot à mot : travailler du bec. — « C’est égal, je lui ai envoyé un coup de tampon sur le mufle qu’il ne pourra ni béquiller, ni licher de quinze jours. » (T. Gautier). — « On béquille, on s’amuse, on s’ donne du bon temps, on oublie sa misère. » (H. Monnier.)

BÉQUILLEUR : Mangeur.

BERGÈRE : Dernière carte d’un jeu battu. (La bergère marche derrière son troupeau.) — « Le Grec en regardant la bergère a vu qu’elle ne pouvait lui servir. » (Cavaillé.)

BERIBONO : Nigaud. (Vid.)

BERLUE : Couverture. (Idem.)

BERNIQUER : S’en aller pour ne plus revenir. Mot à mot : agir comme si on disait bernique. Ce dernier mot se trouve dans le Dictionnaire de l’Académie.

BERRY : Capote d’études à l’École polytechnique. — « Toujours plus ou moins culottée, veuve d’un certain nombre de boutons. » (La Bédollière.)

BERTRAND : Fripon dupé par son complice. — Le drame populaire de l’Auberge des Adrets a mis ce terme à la mode. — « Il s’était posé à mon endroit en Robert Macaire, me laissant le rôle désobligeant de Gogo ou de Bertrand. » (E. Sue.)

BESOUILLE : Ceinture. (Colombey.)

BÊTE : Escroc. V. Bachotteur.

BÊTE À CORNES : Fourchette. — Les cornes sont les dents, qui étaient au nombre de deux dans les anciennes fourchettes.

BÊTE À DEUX FINS : « Cet aimable époux prenait sa bête à deux fins (c’est ainsi qu’il nommait sa canne, parce qu’elle lui servait à faire taire et à faire crier sa femme.) » (Privat d’Anglemont.)

BÊTISES (dire des). — Tenir des propos grivois. — Passer des paroles à l’action, c’est faire des bêtises. C’est à ce dernier sens que s’applique l’exemple suivant : -« Elle est belle, ma Joséphine… Mais pas de bêtises ! a vous donnerait du mal ! » (Dernier jour d’un condamné.)

BETTANDER : Mendier. (Colombey.) — On dit aussi Battander.

BETTERAVE : Nez rouge comme betterave. — « Il a un nez de betterave, c’est-à-dire un gros nez, rouge et enluminé. » (Caillot, 1829.)

BETTING-BOOK : Livre sur lequel on inscrit les paris de courses. (Paz.) Anglicanisme. — « Vous la trouverez inscrivant ses paris sur le betting-book comme au bal ses valses sur son carnet. » (E. Villars, 1866.)

BETTING-ROOM : Salon ouvert aux parieurs de courses. (Idem.)

BETTING’MEN : Parieur. (Idem.) V. Cocotterie.

BEUGLANT : Café chantant. — « Nous allâmes au beuglant, c’est-à-dire au café chantant… Vous devez juger par le nom donné à cet établissement que les chants des artistes sont fort peu mélodieux. » (Les Étudiants, 1860.) — « Des caboulots de toute sorte, des beuglants grands et petits. » (Vie parisienne, août 1868.)

BEUGNE : Coup violent. — Du vieux mot beigne.

BEURRE : Argent. — « Pas plus de beurre que ça, dit la Zoé au major qui lui remet une trentaine de francs. » (Jaime fils.) V. Graisse.

Nous v’là dans le cabaret
À boire du vin clairet,
À c’t’heure
Que j’ons du beurre.
(Chansons, Avignon, 1813.)

BEURRE (au prix où est le) : Par le temps de cherté qui court.

BEURRE (faire son). — Prélever un bénéfice illicite. — Le terme aurait-il été primitivement à l’adresse des cuisinières faisant danser l’anse du panier ? En tout cas, ces gras synonymes s’appliquent volontiers à l’argent mal acquis. On sait ce que veut dire : Se faire graisser la patte. L’argent est aussi appelé huile. Deux voleurs mettant la main sur un riche porte-monnaie, diront : Il y a gras. — « Un fonctionnaire, puni pour avoir fait son beurre en prévariquant, trouve souvent ce même beurre un peu salé. » (Commerson.

BEURRE DANS SES ÉPINARDS (mettre du) : Augmenter son bien-être. Car les épinards sont la mort au beurre, chacun sait ça. — « Dans l’espoir que l’or étranger mettrait du beurre dans les épinards de la famille, Chamouillez père s’était payé un paletot de cent francs. » (E. d’Hervilly.)

BEURRE : Chose agréable. — « On recevra un coup de canon comme on avale un petit verre. Ce sera un beurre. » (Lockroy.) — « A propos d’une sonate de Mozart, ce jugement résumé avec tant de grâce : c’est un petit beurre. » (Aubryet.)

Beurre en ce sens se prend ironiquement parfois : « Il ne faisait pas bon parfois n’être pas de son avis. Il vous engueulait que c’était un vrai beurre. » (Commerson, 75.)

BEURRE NOIR (œil au) : Abréviation de : œil poché au beurre noir, dont la paupière est noircie de sang extravasé à la suite d’un coup. — « L’ouvrier a un œil au beurre noir ; le cocher cherche partout, un morceau de son nez. » (Sauger.)

Terme ancien, Rabelais l’a employé : « Il resta tout estourdy et meurtry, un œil poché au beurre noir. » (Pantagruel, liv. IV, ch. 12.)

BEURRE SUR LA TÊTE (avoir du) : Être couvert de crimes. — Allusion à un proverbe hébraïque. (Vidocq.)

BEURRIER : Banquier. (Vidocq.) Mot à mot : marchand d’argent (beurre).

BEZI, BEZIG, BEZIGUE : Jeu de cartes. — « Ma femme est en train de jouer au bezi… ou bezig. » (De Leuven.) — « Au piquet, au bezigue… je suis homme à donner leçon au plus malin. » (About.)

BIBARD : Grand buveur. (Dhautel.) — « Par rapport à ces vieux bibards d’invalides. » (La Bédollière.)

BIBASSE : Vieille femme. Pour birbasse.

BIBELOT, BIBELOTTER : Biblot, bibloter.

BIBI : Petit chapeau de femme. — « Malaga portait de jolis bibis. » (Balzac.)

BIBI : Non d’amitié donné à l’ami ou à l’amie dont on est coiffé. — « Paul, mon bibi, j’ai bien soif. — Déjà ? » (Montépin.) — « Encore à boire ? — Tiens, mon bibi ! t’as pas mal au cœur ? » (H. Monnier.)

BIBI : Fausse clé.

S’il faut en croire un feuilleton publié par M. Holstein, dans le Constitutionnel du mois de septembre 1872, bibi aurait détrônémonseigneur depuis longtemps. « C’était un bout de dialogue recueilli à la police correctionnelle (en 1848 )

« Accusé, disait le président, au moment de votre arrestation, on a surpris sur vous un trousseau de fausses clefs. — Non, citoyen président. — C’était donc un monseigneur ? — Il n’y a plus de monseigneur, citoyen président. — Vous comprenez ce que je veux dire ; pour employer votre langue, j’entends un rossignol. — Eh bien ! moi je ne l’entends pas, le rossignol, sans doute parce que je suis en cage. — Prenez garde ! Trêve de jeux de mots ; ils sont déplacés ici plus qu’ailleurs. Vous savez fort bien ce que je veux dire par fausses clefs, rossignol, monseigneur ? — Parfaitement, citoyen président, vous voulez dire bibi. » (Hostein.)

Nous devons ajouter qu’au moment même où paraissait le feuilleton de M. Hostein, les journaux judiciaires disaient, en parlant de l’arrestation de faux monnayeurs, qu’on avait trouvé à leur atelier, boulevard de Grenelle, un monseigneur. Donc monseigneur n’est pas encore détrôné tout à fait par bibi.

BIBINE : Cabaret. Mot à mot : cabine à biberons, à ivrognes.

BIBLOT : Objet de fantaisie ou curiosité propre à décorer une étagère. — De bimbelot : jouet d’enfant.

« On nomme biblots, en style d’amateur, cet inimaginable amas de bronzes, chinoiseries, filigranes, ivoire, saxe, sèvres, bonbonnières, médaillons, éventails, cassolettes, écaille, laque, nacre, cristal, jade, lapis, onyx, malachite, marcassite, poignards, kangiars, bijoux, joujoux, qui doivent nécessairement orner, j’ai voulu dire encombrer, les étagères d’une femme posée dans le monde par sa célébrité ou sa beauté. Être sans biblot, c’est le dernier degré du discrédit et de la honte. Toutes ces dames du quartier Bréda ont du biblot ; les danseuses en ont ; ma portière en possède aussi. » (F. Mornand.)

BIBLOT : Outil d’artisan. (Vidocq.)

BIBLOT (mon) : Dans la bouche d’un soldat, signifie : mon attirail militaire.

BIBLOT : Bijou. — « Trouve-moi des dentelles chouettes, et donne-moi les plus reluisants biblots. » (Balzac.)

BIBLOTER : Acheter des objets de curiosité.

BIBLOTER : Faire sur toutes sortes de choses de petits bénéfices.

BIBLOTER : Vendre. — « Venir vendre ses vêtements, s’appelait bibelotter ses frusques ; s’habiller, se renfrusquiner. » (Petit Journal, 1865.)

BIBLOTER : Arranger avec soin. — « Je me munis d’une petite réclame que j’avais bibelottée la veille à propos des toilettes de mariées. » (Villemessant.)

BIBLOTEUR : Collectionneur de bibelots ; homme qui biblote. V. bibloter.

BIBLOTIER : Qui concerne les biblots. — « On comprend que le sens artistique et biblotier du patient soit un peu émoustillé. » (A. Marx, 75.)

BICEPS : Solidité musculaire de l’arrière-bras. — Terme scientifique vulgarisé par les étudiants en médecine. — « Mon frère George a raison. Il faut qu’un valseur ait du biceps. » (1866, Vie parisienne.)

BICEPS (tâter le) : Prendre par la flatterie. (1851, Almanach des débiteurs.)

BICHE : Lorette. — Abréviation de biche d’Alger, synonyme poli de chameau. — « Une biche, il faut bien se servir de cette désignation, puisqu’elle a conquis son droit de cité dans le dictionnaire de la vie parisienne, se trouvait cet été à Bade. » (Figaro, 1858.) V. Benoîtonnée.

Forte biche : Lorette élégante.

BICHERIE : Monde galant. Mot à mot : réunion des biches. — « Madame Marguerite V…, de la haute bicherie du quartier d’Antin. » (Les Cocottes, 1864.) V. Benoîtonnée.

BICHE, BICHETTE, BICHON : Mots d’amitié pour chaque sexe. — Bichette est, comme biche, la femelle du cerf. Bichon se dit d’un petit chien du genre havanais. — « Viens ici, ma biche, viens t’asseoir sur mes genoux. » (Frémy.) — « Oui, ma bichette, oui, mon petit chien-chien. » (Leuven.) — « Mon bichon, tu seras gentil, faudra voir ! » (Gavarni.)

BICHON : Souliers à bouffettes — « J’avais apporté des amours de souliers. Prenez nos bichons, que je lui dis. » (P. de Grandpré.)

BICHOT : Évêque. (Colombey.) — Germanisme. — L’évêque allemand est un bischoff.

BIDET : Ficelle transportant la correspondance des prisonniers enfermés à des étages différents. (Vidocq.) C’est leur bidet de poste.

BIDOCHE : Viande. (Vidocq.)

BIDONNER : Boire copieusement. — Le bidon est un fort récipient à liquide. — « Hier, j’ai bidonné et ce matin j’avais la bouche pâteuse. — Fallait repiquer pour te remettre. » (Ladimir.)

BIEN : D’apparence distinguée. — « Elle aime à causer, surtout avec les messieurs bien. » (P. d’Anglemont.)

BIEN (être) : Être gris. Mot à mot : éprouver le bien-être factice causé par un commencement d’ivresse. — Ironique.

BIEN MIS : Fashionable. — « Ohé ! ce bien mis, il vient faire sa tête parce qu’il a du linge en dessous. » (E. Sue.)

BIENSÉANT : Derrière. — Jeu de mots. — De toutes les parties du corps, c’est, en effet, celle sur laquelle on sied bien.

BIER : Aller. (Vidocq.) Abréviation d’ambier. V. ce mot.

BIFFER : Manger goulûment. (Vidocq.) C’est bouffer avec changement de la première syllabe.

BIFFIN, BIFIN : Chiffonnier. — « Ce n’est pas le chiffonnier pur sang, c’est celui qui a déchu d’une position meilleure. De là sans doute le nom de biffin : goulu, donné par l’ancien chiffonnier au nouveau venu. » (Privat.) — « J’ vois deux bifins et leurs femelles. » — (Chans. 36.)

BIGARD : Trou. (Vidocq.)

BIGE, BIGEOT : Dupe (Vidocq.)

BIGORNE : Argot. — Du vieux mot biguer : changer, troquer. L’argot n’est qu’un langage bigué, d’où le diminutif bigorne. — « Rouscaillons bigorne. Qui enterver le saura, à part sézière en rira, mais les rupins de la vergne ne sont dignes de cela. » (Vidocq.) V. Jaspiner.

BIGORNEAU : Soldat de marine. — Terme de matelot. — Comme le petit coquillage de ce nom, le soldat de marine reste attaché à la côte.

BIGORNEAU. — Sergent de ville. (Halbert.)

BIGOTTER : Prier. (Vidocq.) Mot à mot : faire le bigot.

BIGRE : Juron lancé dans les cas difficiles. Ah ! bigre ! se dit comme ah ! diable ! C’est une forme de bougre !

BIGREMENT : Superlativement. Forme de bougrement. — « C’est bigrement embêtant, allez. » (Gavarni.)

BIJOUTIER. — Marchand d’arlequins. V.Arlequin.

BIJOUTIER EN CUIR. — Savetier. (Colombey) — Ironie.

BILE (ne pas se faire de) : Ne pas se tourmenter. — « Ne vous faites pas de bile, elle sera heureuse avec moi. » (Marquet.)

Après 1’ service on peut sans retard…
Venir chez ses parents, sans s’ faire de bile
Savourer une bonne soupe au lard.
(A. Cahen.)

Il ne se fait pas de bile se dit d’un insouciant.

Il se fait une bile se dit d’une personne qui se tourmente constamment.

BILLANCHER : Payer comptant. Mot à mot : donner de la bille.

BILLE, BILLEMONT, BILLON : Monnaie. Billemont et Bille viennent de billon. — « L’argent au Temple est de la braise, ou de la thune, ou de la bille. » (Mornand.) — « Nous attendions la sorgue, voulant poisser des bogues, pour faire du billon. » (Vidocq.) V. Attache, Flacul. — Billon se dit toujours pour monnaie de cuivre.

BILLET À LA CHÂTRE. — Garantie illusoire.

« Vous connaissez, sans doute, l’anecdote qui a donné naissance à cette expression tant répétée. Pour le cas, cependant où elle ne serait pas venue jusqu’à vous, la voici en deux mots : — Le marquis de la Châtre aimait tendrement Ninon. Obligé, par un voyage, de la quitter pendant quelque temps, il s’était demandé si, pendant l’absence, Ninon l’aimerait toujours. Nous ne savons quelle idée le marquis se faisait de l’amour et de la fidélité d’une fille d’Ève, mais il voulut, pour mettre fin à ses anxiétés, que Ninon s’engageât, par écrit, à lui rester fidèle. Ninon signa, le marquis partit, et… Ninon qui n’aimait pas les entr’actes, oublia bientôt promesse et signature. Comme il était un peu tard quand son billet lui revint en mémoire, elle ne put s’empêcher de s’écrier : Ah ! le bon billet qu’a la Châtre ! C’est depuis ce temps ou plutôt depuis cette histoire, que le mot est passé dans la langue. Ayez dans les mains un billet sans valeur, un engagement peu sérieux, et l’on dira pour caractériser votre situation : Le bon billet qu’a la Châtre ! » (Rozan.)

« Voilà M. Quarteret tranquille. Il a la parole de M. Marque. Oh ! le bon billet à la Châtre… » (Éclair, juillet 1872.)

BILLET DE 500, BILLET DE 1000 : Billet de 500 francs, billet de 1,000 francs. — « Te faut-il beaucoup ? — Un billet de cinq cents… » (Balzac.) — « Les ressources d’une lorette pour extraire un billet de mille. » (Idem.)

BILLET (donner ou ficher son) : Certifier. Mot à mot : se déclarer prêt à signer un billet d’attestation. — « Rienzi ne la gobera jamais que de ma main. Je t’en donne mon billet. » (Rienzi, parodie, 1826.) — « Il ne faut pas avoir la goutte aux pattes dans votre état. Je vous en fiche mon billet. » (Cabarets de Paris, 1821.)

Prendre un billet de parterre : tomber par accident. V. Parterre.

BINELLE : Faillite. (Vidocq.)

BINELLELOPHE : Banqueroute. (Halbert.)

BINELLIER. — Banqueroutier. (Vidocq.)

BINETTE : Tête, dans le sens de physionomie. — On dit souvent : « Quelle drôle de binette ! » — « Vous demandez ma tête, monsieur le procureur du roi… Je regarde votre binette et je comprends votre ambition. » (Dernier jour d’un condamné.)

Le Journal des Coiffeurs revendique ainsi l’origine de ce mot : « Binette, le coiffeur du roi, ne cédait jamais une de ses belles perruques pour moins de trois mille livres tournois. Il est vrai que ce grand perruquier ne se contentait pas de mettre une simple petite bande d’implanté sur le milieu, et qu’il garnissait toute la partie frontale de fine toile de crin, chose qui donnait à ses devants de perruque in-folio une légèreté extraordinaire. Aussi, comme les élégants de l’époque aimaient à parler toilette, parlaient-ils souvent de binette (leur perruque ), surtout lorsqu’elles sortaient de chez le grand faiseur. — Vous avez là une bien jolie binette ! disait-on lorsqu’on, voulait complimenter quelqu’un sur la beauté de sa perruque. Aujourd’hui, et sans savoir pourquoi, on dit souvent par moquerie : Oh ! la drôle de binette ! » (Journal des Coiffeurs.) — Nous devons toutefois faire observer que les exemples justificatifs de cette étymologie manquent totalement. En attendant qu’on en trouve quelques-uns, nous verrions plus volontiers dans binette une abréviation de bobinette. V. Bobine.

BINETTE À LA DÉSASTRE : Tête du créancier impayé. (1851, Almanach des Débiteurs.)

BINÔME : « Aux laboratoires, nous verrons chacun des élèves (de l’École polytechnique) manipuler avec un camarade qu’il nomme son binôme. » (La Bédollière.) — Allusion à la signification algébrique de binôme : quantité composée de deux termes.

BIQUE ET BOUC : V. Être (en.)

BIRBADE, BIRBASSE, BIRBE, BIRBETTE, BIRBON : Vieux, vieille. — Italianisme. — « Les dames des tables d’hôte ont adopté trois mots pour peindre la vieillesse : à cinquante-cinq ans, c’est un birbon ; à soixante ans, c’est un birbe ; passé ce délai fatal, c’est une birbette. On ne lui fait plus même les honneurs du sexe masculin. » (Lespès.) Vidocq donne birbasse : vieux, et birbe dabe : grand-père.

BIRBASSERIE : Vieillerie. (Vidocq.)

BIRBE : V. Birbade : « Monsieur le président, vous êtes un vieux birbe. J’em… la cour, je respecte messieurs les jurés. » (Dernier jour d’un condamné.)

BIRLIBI : Jeu de dés tenu par des filous dans les foires. (Vidocq.) — C’est l’ancien biribi.

BISARD : Soufflet. (Vidocq.) Mot à mot : souffle bise.

BISCAYE : Bicêtre. — Changement de finale.

BISCHOFF : Mélange de vin blanc, de sucre et de citron ; la recette est, l’on s’en doute, d’origine allemande. — « René agite le bischoff avec une cuiller à punch. » (Frémy.)

BISMARCK : Couleur brune, dite auparavant aventurine. Elle fut à la mode en France après Sadowa, car, ne l’oublions pas, M. de Bismarck eut sous l’Empire ses admirateurs. — « La baronne est en bismarck de pied en cap. » (Vie parisienne, 1867.)

BISTOURNÉ : Cor de chasse. Allusion aux tours du tuyau. — Participe du verbe bistourner : tourner, qui se trouve dans le dictionnaire de l’Académie.

BISSER : Répéter une seconde fois. — Latinisme. — « L’usage de bisser un couplet, un air, un finale ne remonte qu’en 1780. Mlle Laguerre mit tant d’expression à chanter l’hymne de l’Amour à la première représentation d’Écho et Narcisse, de Gluck, que le parterre voulut l’entendre deux fois. La partie intelligente du public eut beau protester contre cette innovation qui entravait l’action en substituant l’acteur au personnage, ce fut en vain ; l’usage du bis fut désormais introduit sur la scène française. » (J. Duflot.)

BITUME : Trottoir. — Du bitume qui le recouvre ordinairement.

BITUME (demoiselle du) : Raccrocheuse. V. Côtes en long.

BITUME : (fouler, polir le) : Aller et venir sur le trottoir. V. Asphalte.

BITUMER : Faire le trottoir. (J. Choux.)

BITURE, BITTURE : Consommation copieuse. — Du vieux mot boiture : goinfrerie. — « N’aspirons-nous le grand air que pour l’ineffable joie d’engloutir impunément du piqueton jusqu’au gobichonnage majeur, jusqu’à prendre une biture ? » (Luchet.) — « Le cortège fait halte pour une biture générale. » (La Bédollière.) — « Je peux me flatter de m’être donné une biture soignée. » (L. Desnoyers.)

BITURER (se) : Se donner une biture.

BLACKBOULAGE : Refus, échec dans une demande d’admission. V. Blackbouler. — « Le jockey-club devient de plus en plus sévère. Le blackboulage sévit impitoyablement. » (Virmaitre, 1867.)

BLACKBOULER : Refuser. — « Pour rejeter on dépose une boule noire. En anglais, noir se dit black. Or, lorsqu’un candidat est repoussé, on dit qu’il a été blackboulé ! Quel mot sauvage ! » (G. Claudin.)

BLAGUE : Autrefois ce mot si répandu signifiait hâblerie. Aujourd’hui il a quatre sens : 1° causerie, 2° faconde, 3° raillerie, 4° mensonge.

Son étymologie a donné matière à bien des conjectures. On ne peut admettre celle de M. Albert Monnier, qui, dans un article du Figaro, fait dériver blaguer du braguer de Rabelais ; ni celles de MM. A. Luchet et Fr. Michel, qui voient dans blague une acception figurée de la vessie employée par les fumeurs sous le même nom.

Il est à remarquer que le mot blaque (valaque) désigne, dans le Dictionnaire de Ménage, les hommes de mauvaise foi (comme Grec : escroc). — M. Littré, qui relègue blague et blaguer parmi les termes du plus bas langage, donne une étymologie gaélique beaucoup plus ancienne (Blagh : souffler, se vanter.) Malheureusement, nous manquons jusqu’ici des exemples intermédiaires qui prouveraient la transmission d’une origine si reculée. Voici la série des exemples certains les plus anciens que nous ayons pu recueillir :

Le Dictionnaire de Dhautel (1808), admet les mots blaguer et blagueur avec le triple sens de railler, mentir, tenir des discours dénués de sens commun. — Cet exemple, des plus anciens que nous ayons trouvés, ne prend blague qu’en mauvaise part.

L’année suivante, Cadet Gassicourt confirme ainsi la définition de Dhautel, dans le récit de la campagne de 1809 (Voyage en Autriche) : — « Les militaires ont, dit-il, inventé un mot pour exprimer un conte puérile ou ridicule, un mensonge, une gasconnade. Cela s’appelle blague, d’où l’on a fait dériver blaguer, blagueur, blagomane. »

Comme Cadet Gassicourt, Beyle (Stendhal) dit dans sa Rome en 1817 (Paris 1827) en parlant du temps de l’Empire, où il avait servi dans l’administration militaire : — « Cette vanterie égoïste que nous appelions blague parmi les officiers subalternes des régiments, y est absolument inconnue. »

Un peu après, nous trouvons blague avec le même sens en Belgique et en Champagne. — L’auteur d’un vocabulaire langrois de 1823, mentionne blague comme appartenant au langage local. Enfin, on trouve black (hâblerie), dans le dictionnaire wallon de Remacle. (Liège, 1820.)

De ces divers exemples, et en attendant mieux, on peut conclure avec certitude que blague était fort usité dans l’armée au commencement du siècle, avec le seul sens de hâblerie. Nous allons voir cette signification se modifier complètement avec l’extension de son usage.

Voici des exemples pour les divers sens de blague :

BLAGUE : Causerie ordinaire — On dit : J’ai fait deux heures de blague avec un tel, pour j’ai causé avec un tel.

BLAGUE : Faconde, verve, habileté oratoire. — « Un homme d’esprit et de bonnes manières, M. le comte de Maussion, a donné au mot blague une signification que l’usage a consacrée : « l’art de se présenter sous un jour favorable, de se faire valoir, et d’exploiter pour cela les hommes et les choses. » (Luchet.)

Un homme qui a de la blague est un homme doué d’une grande facilité d’élocution.

Avoir la blague du métier : faire valoir certaines choses en spécialiste consommé.

Il a une fameuse blague : il a une grande verve.

Il n’a que la blague : il parle bien, mais n’a pas une valeur réelle.

BLAGUE : Plaisanterie, raillerie. — « Je te trouve du talent, là, sans blague ! » (De Goncourt.) — « Pas de bêtises, mon vieux, blague dans le coin ! t’es malade. » (Monselet.)

Une blague est aussi une œuvre littéraire sans valeur. On dit d’un journaliste médiocre : il ne fait que des blagues.

BLAGUE : Mensonge. — « En leur faisant avaler toutes sortes de blagues. » (L. Huart.)

BLAGUE À TABAC : Sein flétri. (Colombey.)

BLAGUER : Causer. — « Nous venons blaguer, » dit Léon de Lora à Mme  Nourrisson, dans les Comédiens sans le savoir, de Balzac. — « Et à propos de quoi choisis-tu ce beau jour pour venir ainsi blaguer morale ? » (E. Sue.)

BLAGUER : Avoir de la verve. — « Enfin elle blague aujourd’hui, elle qui ne connaissait rien de rien, pas même ce mot-là. » (Balzac.)

BLAGUER : Railler. — « Si on te blague, fais semblant de rire. » (De Goncourt. ) — « Ne blaguons plus ! » (Cousine Bette, Balzac.)

Un homme blagué : un homme raillé, berné.

BLAGUER : Mentir, faire des hâbleries. Pour les exemples, v. Blague.

BLAGUEUR, BLAGUEUSE : Menteur, menteuse.

Mais qu’un blagueur me raconte
Ses faits merveilleux,
Quand j’en ai plus que mon compte,
Je lui dis : Mais, mon vieux,
Je n’ coup’ pas beaucoup
Dans c’ montage de coup.
(Aug. Hardy.)

— « Mon beau-père, vous n’êtes qu’un vieux blagueur ! dit Robert Macaire au baron de Wormspire ; et ils s’embrassent. » (Luchet.)

— « En 1813, deux femmes, Pauline la Vache et Louise la Blagueuse, enlevèrent 50,000 francs. » (Vidocq.)

BLAGUEUR : Railleur. — « Il ne pouvait y avoir circonstance si grave qui empêchât ce blagueur fini de se livrer à sa verve. » (L. Desnoyers.)

BLAIREAU : Conscrit. — Animalisme. — « Moi, j’ai carotté un blaireau… » (La Bédollière.)

BLAIREAUTER : Peindre avec trop de fini, abuser du pinceau de blaireau qu’on a entre les mains. — « Aussi sa peinture est-elle fameusement blaireautée. » (La Bédollière.)

BLANC : Vin blanc. — « Allons, vivement ! du blanc à un franc ! » (La Bédollière.) — On dit aussi Petit blanc.

BLANC : Légitimiste désirant le retour du drapeau blanc.

BLANC : Pièce d’un franc. (1851. Almanach des débiteurs.) — Allusion de couleur.

BLANC (n’être pas) — Être en mauvaise passe. Mot à mot : être noirci par une accusation quelconque. — « La v’là morte, j’sis pas blanc. » (Rienzi, 1826.)

BLANCHISSEUR : Avocat. (Colombey.) Il lave l’accusé.

BLANQUETTE : Argenterie. (Vidocq.) — Monnaie blanche. (Grandval.)

BLANQUETER : Argenter. (Colombey.)

BLARD, BLAVARD : Châle. Mot à mot : grand mouchoir. — Augmentatif de Blave.

BLAVE, BLAVIN : Mouchoir. (Vidocq.) — Diminutif du vieux mot blave : bleu. — Les mouchoirs à carreaux bleus sont encore fort en usage, surtout chez les priseurs.

BLAVE : Cravate. (Rabasse.)

BLAVINISTE : Voleur de mouchoirs. V. Butter, Pègre.

BLÉ (du) : De l’argent. (Rabasse.)

BLEU : Conscrit. — Allusion à la blouse bleue de la plupart des recrues. — « Celui des bleus qui est le plus jobard. » (La Barre.)

BLEU, PETIT BLEU : Gros vin dont les gouttes laissent des taches bleues sur la table. — « La franchise arrosée par les libations d’un petit bleu, les avait poussés l’un l’autre à se faire leur biographie. » (Murger.)

De ce vin, qu’à tort l’on renomme,
Qui grise en abrutissant l’homme,
Et qu’on vend pour du petit bleu,
J’en goûte un peu. (H. Valère.)

BLEU : Très-irrité, très-stupéfait. — Allusion à la teinte que les sentiments excessifs amènent sur les figures sanguines.

BLEU (bailler tout) : Rester stupéfait. — Même allusion que ci-dessus.

BLEU (pays, royaume du) : Pays imaginaire et radieux comme le ciel bleu si contemplé par les poëtes. — « La guerre même devient un spectacle agréable, et l’on nage dans le royaume du bleu. » (J. Richard.)

BLEUE (colère) : Colère violente. — Même allusion que ci-dessus. — « La littérature et la musique l’ont fait entrer dans des colères bleues. » (Vie parisienne, 1866.)

BLOC : Prison. — On y est bloqué. — « Prenez trois hommes et menez cette fille au bloc. » (V Hugo.)

BLOCKAUS : Schako ancien modèle, surplombant comme un blockhaus.

BLOND (beau) : Soleil. (Colombey.) — Allusion de couleur. — Se dit aussi ironiquement d’hommes qui ne sont ni beaux ni blonds.

BLONDE : Amante. « Blonde s’emploie dans ce sens sans distinction de la couleur des cheveux, car il existe une chanson villageoise où, après avoir fait le portrait d’une brune, l’amoureux ajoute qu’il en fera sa blonde. » (Monnier, 1831, Vocabulaire jurassien.)

BLOQUER : Consigner. — « Colonel, c’est que je suis bloqué. — Je vous débloque. » (J. Arago, 1838.)

BLOQUER : Vendre, abandonner. (Halbert.) V. Abloquir.

BLOT : Bon marché. — (Vidocq.) — Corruption de Bloc. Les marchés d’objets en bloc sont les plus avantageux.

BLOUSE : Terme du jeu de billard. — « On dit qu’on a mis quelqu’un dans la blouse, quand on l’a mis en prison, ou quand on l’a fait tomber dans un piège. » (Caillot, 1829.) — Se blouser est donné avec ce sens par le Dictionnaire de l’Académie.

BLOUSIER : Voyou. Mot à mot : porteur de blouse.

BOBE : Montre. — Abréviation de bobino. « Bien réussi un pédé au chantage de 1,800 francs, un bobe et une bride en jonc. » (Beauvilliers.)

BOBÉCHON : (se monter le) : Se passionner. — Comparaison de la flamme du cœur à celle de la bougie. (Rabasse.)

BOBINE : Figure. — Du vieux mot bobe : moue, grimace.

BOBINO : Montre. (Vidocq.)

BOBOSSE : Bossu, bossue.

BOC, BOCARD, BOCSON : Cabaret, mal famé, maison de prostitution. Du vieux mot boque, bouc. Le bouc était l’emblème de la luxure et des querelles. On disait jadis boquer pour frapper. — « Montron, ouvre ta lourde, si tu veux que j’aboule et pionce en ton bocson. » (Vidocq.)

BOCAL : Petit appartement. — « Voyons si le susdit bocal est toujours à louer. » (Montépin.)

BOCAL : Estomac. — « Au restaurant, le bohème dit qu’il va se garnir le bocal. » (Lespès.)

Dans les deux sens, l’allusion s’explique d’elle-même, et les logements parisiens continuent de la mériter.

BOCARD : Café. — BOCARD PANNÉ : Petit café. (Petit dictionnaire d’argot, 1844.) V. Boc.

BOCARD : Lupanar. (Colombey.) V. Boc.

BOCARI : Beaucaire. (Colombey.) — Interversion de l’i.

BOCHE : Libertin, mauvais sujet (Delvau.)

BOCK : Verre de bière. — Germanisme.

BŒUF : Monstrueux, aussi énorme qu’un bœuf. — « Regarde donc la débutante. Quel trac bœuf ! Elle va se trouver mal. » (Ces petites Dames.)

BŒUF (c’est) : C’est chic. — Dans le vocabulaire de l’école de Saint-Cyr.

BŒUF (être le) : — Travailler pour une chose qui ne rapporte rien. — Allusion aux travaux de labourage du bœuf. On dit de même : se donner une peine de cheval. — Lors de l’envoi de M. le général Le Bœuf pour la remise de la Vénétie aux Italiens, on fit ces quatre vers par allusion au rôle plus que désintéressé de la France. Ils ont été donnés par M. Jules Richard dans sa chronique de l’Époque, 1866 :

Grâce au ciel ! de Venise on règle les affaires,
Ah! vraiment ! Là-dessus que savez-vous de neuf ?
Eh bien ! l’on reçoit là-bas des commissaires
Et naturellement le Français est Le Bœuf.

BŒUF (se mettre dans le) : Tomber dans une situation misérable. — Allusion au bouilli qui représente l’ordinaire des cuisines modestes. — On lit dans une mazarinade de 1649 :

Auprès de la Bastille
Monsieur Elbeuf
Dans sa pauvre famille
Mange du bœuf,
Tandis que Guénégaud
Est à gogo

BŒUF (avoir son) : Être en colère.

BOFFETTE : Soufflet. (Colombey.) Du vieux mot buffet.

BOG, BOGUE : Montre. V. Toquante, Butter, Litrer, Billon.

BOGUE D’ORIENT : Montre d’or. (Rabasse.)

BOGUE EN PLATRE, EN JONC : Montre d’argent, d’or. — Allusions de couleurs.

BOGUISTE : Horloger.

BOHÈME : « La Bohème se compose de jeunes gens, tous âgés de plus de vingt ans, mais qui n’en ont pas trente, tous hommes de génie en leur genre, peu connus encore, mais qui se feront connaître, et qui seront alors des gens fort distingués… Tous les genres de capacité, d’esprit, y sont représentés… Ce mot de bohème vous dit tout. La bohème n’a rien et vit de ce qu’elle a. » (Balzac.)

La citation suivante est le correctif de cette définition optimiste : « La bohème, c’est le stage de la vie artistique, c’est la préface de l’Académie, de l’Hôtel-Dieu ou de la Morgue… La bohème n’existe et n’est possible qu’à Paris. » (Murger.)

BOHÈME : Personnage faisant partie de la Bohème. — « Tu n’es plus un bohème du moment que je t’attache à ma fortune. » (E. Augier.) — Comme on voit, le bohème du jour n’a de commun que le nom avec celui de Callot. Saint-Simon a connu l’acception fantaisiste du mot.

BOIRE (faire) : frapper, battre. (Rabasse.)

BOIRE DU LAIT : Savourer une impression flatteuse. — « Cela s’appelle boire du lait, quand on lit de ces choses-là sur soi-même. » (Yriarte.)

BOIS POURRI : Amadou. — Le bois pourri en fait parfois l’office.

BOIS TORTU : Vigne. (Vidocq.) — Abréviation expliquée par cet exemple.

…Aussi le jus du bois tortu
Sera mon but toute ma vie.
(Ballard, Parodies bachiques, 1714.)

BOISSONNER : Boire avec excès. (Dhautel.) — « Dites donc, voisin, on a un peu boissonné chez vous hier ? » (Gavarni.)

BOÎTE : Logement mesquin.

BOÎTE : Mauvais établissement — « Je conseillerais à monsieur d’aller achever de souper au restaurant en face. Monsieur s’est adressé à une pure boîte. » (Claretie.) V. Bazar.

BOÎTE, BOÎTON : Voiture. « Les gentils hommes et les gentilles femmes qui se piquent de parler l’argot des quartiers neufs demandent leur boîte ! ça veut dire leur voiture. » (A. Vitu.)

BOÎTE À, AUX DOMINOS : Cercueil. Mot à mot : boîte à mettre les os (dominos). — « Toi, à vingt-cinq ans, tu seras dans la grande boîte à dominos. » (Petit Journal, 1866.)

« Puisqu’on va l’un après l’autre dans la boîte aux dominos. » (E. Aubry.)

BOÎTE À PANDORE. — Boîte de cire molle pour prendre des empreintes de serrure. (Colombey.) — C’est d’une mythologie bien raffinée pour des voleurs.

BOÎTE AU LAIT : Sein. (J. Choux.) Mot créé sans doute pour les nourrices.

BOITEUX D’UNE CHASSE : Borgne. (Colombey.) V. Chasse.

BOLIVAR : Chapeau évasé, dont la forme nouvelle en 1820, prit le nom de ce héros populaire. — « Le front couvert de son bolivar. » (Cabarets de Paris, 1821.) V. Morillo.

BOMBE : « Mesure de vin particulière non classée. Elle représente un demi-litre. » (Figaro, 1867.)

BOMBE : Entremets glacé. — Allusion à sa forme ronde.

BON : Bon apôtre, hypocrite. — « Vous n’êtes bons ! vous… N’allons, vous n’avez fait vos farces ! » (Balzac.)

BON (mon) : Terme d’amitié. — Abréviation de mon bon ami. — « Nettoyé, mon bon, nettoyé ! » (E. V. Villars.) — On dit aussi cher bon, ce qui est encore plus prétentieux.

BON : Pour un agent de police, un homme bon est bon à arrêter.

BON (être le) : Être arrêté et coupable.(Rabasse.)

BON (c’est un) : C’est un homme solide à toute épreuve. — « Ce sont des bons. Ils feront désormais le service avec vous. » (Chenu.)

BON (il est). — Il est amusant, il est comique.

BONS (être des) : Avoir bonne chance.

BONBONNIÈRE À FILOUS : Omnibus. (Colombey.)

BONDE : Mal vénérien. (Halbert.) — Pour Baude. V. ce mot.

BON-DIEU : Sabre-poignard. — Allusion à la croix figurée par la lame et la poignée.

BON DIEU (il n’y a pas de) : Mot à mot : il n’y a pas de bon Dieu qui puisse l’empêcher.

Gn’y a pas d’ bon Dieu,
Faut s’ dire adieu. (Désaugiers.)

BON JEUNE HOMME : Jeune homme candide.

BON MOTIF : « Vous ne savez pas ce que c’est que le bon motif ? — Ah ! vous voulez dire un mariage ? — Précisément. » (Aycard.)

BON PETIT CAMARADE : V. Camarade.

BON PREMIER, Bon dernier : — « Arrivé bon dernier est une expression ironique employée aux courses. C’est le contraire du arrivé bon premier, qui se dit du cheval vainqueur quand il a devancé de beaucoup ses concurrents. » (A. d’Aunay, 1875.) Se prend souvent au figuré.

BONHOMME : Saint. (Vidocq.) — Allusion aux statuettes chargées de le représenter.

BONHOMME (mon) : Mot d’amitié. — Il est souvent protecteur. — « Oui, mon bonhomme, s’écria le loup de mer, j’ai fait une fois le tour du monde. » (A. Marx.)

BONHOMME : Personnage sans conséquence et bon pour une petite spécialité. — Allusion aux petits bonshommes de bois que l’enfance tripote à son gré. — « Son directeur était enchanté… Il avait enfin trouvé un bonhomme. » (Claretie.)

BONICARD, BONICARDE : Vieux, vieille. (Halbert.) — De Bonique.

BONIMENT : Discours persuasif, destiné à bonir l’auditeur ou l’auditoire. — « Vous vous arrêtez devant un magasin lorsqu’un commis s’avance et vous débite son petit boniment. Vous filez aussitôt. » (Figaro.)

BONIMENT : Annonce de saltimbanque. V. Postiche.

BONIQUE : Vieillard. (Colombey.)

BONIR, BONNIR : Avertir, affirmer, dire. V. Servir, Parrain, Criblage, Girofle.

BONJOUR (voleur au), BONJOURIEN, BONJOURIER : « Voleur s’introduisant de grand matin dans les maisons où les bonnes laissent les portes entrouvertes et dans les hôtels garnis dont les locataires ne ferment pas leurs chambres. » (Canler.) — Allusion à l’heure matinale choisie par le voleur ; il vous souhaite en quelque sorte le bonjour. — « Le bonjourien qui s’introduit le matin chez vous pour voler votre montre. » (Ph. Chasles.) — « Des voleurs au bonjour ou bonjouriers, dits aussi chevaliers grimpants, se divisent en plusieurs classes…, celle des donneurs de bonjour exploite spécialement les hôtels garnis. » (Le Paravoleur, 1826.) — Le bonjourier exploite aussi les loges de concierge ; il a toujours un second qui fait le guet.

Il y a aussi des bonjourières. V. Marner.

BONNE : Bonne histoire, bonne charge. V. Mauvaise. — « Ah ! par exemple, en v’là une bonne. » (Cormon.)

BONNE (être à la) : Être aimé, être au mieux. (Rabasse.)

BONNE (être de la) : Avoir bonne chance.

BONNES (être en ses) : Être bien disposé. Mot à mot : être en ses bonnes heures. — « Vous ne poviez à heure venir plus oportune… Nostre maistre est en ses bonnes. Nous ferons tantost bonne chère. » (Rabelais, Pantagruel, liv. IV, ch. 12.) — On voit que le mot est ancien.

BONNE (prendre ou avoir à la) : Prendre en bonne amitié. — « Je ne rembroque que tezigue, et si tu me prends à la bonne, tu m’allumeras bientôt caner. » (Vidocq.)

BONNE AMIE : Maîtresse. — « J’appris dernièrement, vers trois heures de l’après-midi, que ma bonne amie me trompait avec un officier de cavalerie. » (Marx.)

BONNE-GRÂCE : Toile dans laquelle les tailleurs enveloppent les habits. — « Le concierge de l’hôtel a vu Crozard traverser la cour avec une bonne-grâce sous son bras. » (La Correctionnelle.)

BONNET DE COTON : Arriéré, mesquin. — La gent porte flanelle et bonnet de coton. — (A. Barthet.)

BONNET DE NUIT : Homme triste et silencieux.

BONNETEUR : « Industriel tenant aux foires de campagne un de ces jeux de cartes auxquels on ne gagne jamais. » (Vidocq.)

BONNIR : Dire. V. Moustique.

BONSHOMMES : Croquis d’écolier, dessin. — « Il couvre ses cahiers de bonshommes. » (Rolland.)

BOOKMAKER : Industriel recevant les paris sur les champs de courses, mot à mot : teneur d’un livre de paris de course, (en anglais book.) — « Aux dernières courses on a arrêté plusieurs bookmakers. » (P. Moniteur, 1875.)

BORDEAUX (Petit) : Cigare de la manufacture de Bordeaux.

Avec un sou, tous sont égaux
Devant le petit bordeaux. (Liorat.)

BORDÉE, absence illégale. — Terme de marine qui fit d’abord allusion aux conditions dans lesquelles les équipages vont à terre par bordées. — « C’est un brave garçon qui ne boit jamais et qui n’est pas homme à tirer une bordée de trois jours. » (Vidal, 1833.) — « Les joies et tribulations de la bordée qu’ils ont courue. » — (Phys. du Matelot 1843.)

« Quant au troisième c’est un remplaçant, il est pratique, mais vaillant et lorsqu’on l’a mis à la salle de police pour une bordée, on l’en fait sortir car il se bat si bien. » (Billet du duc d’Aumale à M. Odier 1860, Figaro du 30 janvier 76.)

BORGNE : Derrière. — La comparaison n’a pas besoin d’être expliquée. — « V’là moi que je me retourne et que j’ li fais baiser, sauf votre respect… mon gros visage… Ce qui a fait dire aux mauvaises langues qu’il a vu mon borgne. » (Rétif, 1783.)

BOSCO, BOSCOT, BOSCOTTE : « Petit homme, petite femme contrefaits, bossus. » (Dhautel.) — « Et ta portière qui me demande toujours où je vais !… Je l’abomine, c’te vieille bosco-là. » (H. Monnier.)

BOSSE : Excès de boire et de manger. — Allusion à la bosse formée par la réplétion du ventre. — On trouve bosse dans le Dictionnaire de Dhautel, 1808. — « Douze cents francs, allons-nous nous en faire des bosses ! » (Vidal, 1832.)

Se donner une bosse de rire : rire immodérément.

BOSSE (rouler sa) : Cheminer.

Nous roulons notre bosse
Dans un beau carrosse.
(Decourcelle, 1832.)

BOSSE (tomber sur la) : Tomber sur quelqu’un, l’attaquer par derrière. — Bosse est ici synonyme de dos. — « Je te tombe sur la bosse, je te tanne le casaquin. » (Paillet.)

BOSSMAR : Bossu. (Vidocq.) — Changement de finale.

BOSSOIRS : Seins. — Terme de marine.

BOTTE DE NEUF JOURS : Botte percée. Mot à mot : voyant le jour par neuf trous. — Jeu de mots.

BOTTER : Convenir : Mot à mot : aller comme une botte faite à votre pied. — « Alors, si vous le permettez, j’aurai l’honneur de vous envoyer ma voiture à onze heures. — Ça me botte. » (Gavarni.) — « Bien que peu causeur, je l’avais assez botté pour qu’il me contât ses nombreuses campagnes. » (Marx.)

BOUBANE : Perruque. (Vidocq.) — Du vieux mot bouban : luxe, étalage.

BOUC : Mari trompé. (Vidocq.) — Allusion de cornes.

BOUCAN : Vacarme. — De bouc. Cet animal querelleur était l’emblème des disputes. — « Faire boucan : faire un tapage affreux en se réjouissant. » (Dhautel, 1808.) — « Ils vont faire du boucan, et la garde viendra. » (Vidal.)

BOUCANADE : Corruption à prix d’argent d’un juge ou d’un témoin.

Coquer la boucanade : corrompre. Mot à mot : donner pour boire : En Espagne, la boucanade est une gorgée du vin renfermé, selon l’usage, dans une peau de bouc.

BOUCANER : Sentir le bouc, puer.

BOUCARD : Boutique. V. Baïte, Esquinteur.

BOUCARDIER, BOUCARNIER : « Voleurs dévalisant les boutiques à l’aide d’un pégriot ou gamin voleur, qui s’y cache à l’heure de la fermeture, et qui vient leur ouvrir. » (Canler.)

BOUCHE L’ŒIL : Pièce de cinq, dix ou vingt francs dans l’argot des filles qui font allusion à la pantomime de certaines enchères. (J. Choux.)

BOUCHE-TROU : Rédacteur ou article dont la prose n’est bonne que dans les cas de nécessité absolue. — « S. voyant qu’on avait placé très-mal un de ses articles dans la Revue, dit au rédacteur en chef : « En vérité, monsieur, me prenez-vous pour un bouche-trou. » (Mirecourt, 1855.)

BOUCHE-TROU : Acteur jouant les utilités.

BOUCHER : Médecin. (Halbert.) — Ce serait plutôt le chirurgien.

BOUCHER UN TROU : Donner un à-compte. (1851, Almanach des Débiteurs.)

BOUCHON : Bourse. (Vidocq.) — Corruption du mot pouchon (pochon, poche), qui avait la même signification.

BOUCHON : Qualité, genre. Allusion au bouchon cacheté des vieux vins. — On a dit par extension : Ceci est d’un bouchon, comme ceci est d’un bon tonneau.

BOUCLER : Fermer. — « Il fait frisquet. — Bouclez donc la lourde, hein. » (Dernier jour d’un condamné.)

Le mot est déjà vieux. « Si de mal encontre, n’estoient tous les trous fermez, clous (clos) et bouclez, » dit Panurge, au commencement du chap. IX, livre 3, de Pantagruel. (Rabelais.)

BOUCLER (se faire) : Se faire enfermer, emprisonner. (Rabasse.)

BOUDER AUX DOMINOS : Avoir, des dents de moins. (Halbert.)

BOUDER À LA BESOGNE : Ne pas travailler.

BOUDER AU FEU : Reculer devant l’ennemi.

BOUDIN : Verrou. — Allusion à la forme des verrous ronds qui ferment les grandes portes.

BOUDIN : Estomac. — « Puisque tu en avais plein le boudin. » (Monselet.)

BOUDINER : Dessiner sans modeler comme il le faudrait, faire par exemple des doigts ou des bras ronds et unis comme des boudins.

BOUFFARDE : Pipe. — Allusion aux bouffées de tabac qui s’en échappent.

Je tiens à toi, mon doux tendron,
Comme un rapin
A la bouffarde qu’il culotte.
(Commerson.)

BOUFFARDER : Fumer. (Halbert.)

BOUFFER : Manger avec excès. Mot à mot : se rendre bouffi de nourriture.

BOUGIE : Canne. — Allusion de forme. — Elle éclaire aussi la marche de ceux qui n’y voient pas.

BOUGIE GRASSE : Chandelle. — Ironique.

BOUGON, BOUGONNE : Grognon, grognonne. — On dit dans ce dernier sens : madame Bougon. Du vieux mot : bouquer, gronder.

Car toujours madame Bougon
Fait carillon,
Et le torchon
Brûle en tout temps dans ma pauvre maison.

(Les vrais Rigolos, almanach chantant pour 1869.)

BOUGRE : Mot à noter comme ayant perdu sa portée antiphysique. Ce n’est plus qu’un synonyme de garçon. On dit : un mauvais bougre, un bon bougre. — « Lorsque nous aurons ici un millier de bons bougres, nous tiendrons la queue de la poêle. » (Delahodde, 1850.) — V. Grognard.

BOUGREMENT : Très. Pris en bonne comme en mauvaise part.

BOUILLANTE : Soupe. (Halbert.) — Les soldats donnent aussi ce nom à la soupe qu’ils mangent deux fois par jour. Rien de mieux choisi que cette appellation dans le temps où elle était servie dans des gamelles à cinq ou six hommes ; car celui d’entre eux qui aurait attendu qu’elle refroidît risquait de n’en point manger. La soupe est aussi appelée mouillante.

BOUILLON : Restaurant ou on peut borner sa consommation à une tasse de bouillon de 20 centimes. — « Vous avez manifesté votre horreur pour les établissements que vous appelez des bouillons. » (À propos des calicots, 1861.)

Les bouillons ne datent pas de 1860. Une vingtaine d’années avant, un prédécesseur de Duval avait fondé à Paris des bouillons hollandais, mais il fut moins heureux.

BOUILLON : « Mot en usage dans la librairie pour peindre une opération funeste. » (Balzac.) — « Ce sont eux qui ont bu le bouillon que je destinais à mon libraire. Je croyais le ruiner et je l’ai enrichi. » (Biographie des Quarante, 1826.)

BOUILLON : Exemplaires non vendus d’un livre ou d’un journal. « — On appelle rendre le bouillon, en style de vente, rapporter au journal les numéros qu’on n’a pu vendre, et que l’administration vous reprend. » (Vallès, 1866.)

BOUILLON : Désastre financier. — « Il a bu un fameux bouillon : il a fait une perte considérable. » (Dhautel, 1808.) — « La liquidation fut si complète qu’elle se changea en un parfait bouillon. » (Philippon, 1840.) — « Le métier est rude à la Bourse, sans parler des soucis et des bouillons. » (Mornand.)

BOUILLON : Pluie torrentielle. — « Il va tomber du bouillon, pour dire une averse. » — (Dhautel, 1808.) — « Je sais ce que c’est qu’un bouillon ; j’allons être inondé. » (Désaugiers.)

BOUILLON (boire le) : Mourir. — Allusion au dernier bouillon que boit un noyé. — « Ce n’est pas la peine que vous essayiez de vous sauver, vous boirez le bouillon comme nous. » (Éclair, 23 juin 1872.)

BOUILLON AVEUGLE : Bouillon sans graisse. Mot à mot : sans yeux.

BOUILLON D’ONZE HEURES : Noyade, empoisonnement.

BOUILLON DE CANARD : Eau.

Jamais mon gosier ne se mouille
Avec du bouillon de canard. (Dalès.)

BOUILLON POINTU : Lavement. — Double allusion à sa canule et à son contenu. — « Dieu ! qu’est-ce que je sens ? — L’apothicaire poussant sa pointe : C’est le bouillon pointu. » (Parodie de Zaïre.)

Le meilleur looch et le meilleur topique,
C’est un bouillon pointu. (Festeau.)

BOUILLON POINTU : Coup de baïonnette. — « Toi, tes Cosaques et tous tes confrères, nous te ferons boire un bouillon pointu. » (Layale, 1855.)

BOUIS : Fouet (Halbert.)

BOUISBOUIS : Marionnette. Onomatopée imitant le cri de Polichinelle. — « Le véritable magicien est celui qui ensecrète les bouisbouis. » (Privat d’Anglemont.)

BOUISBOUIS : Petit théâtre, tripot. — De bouis ; cloaque, maison de boue. (Dhautel.) — « Le bouis-bouis est le café-concert qui a pour montre un espalier de femmes. Le théâtre qui en étale est un bouis-bouis. » (1861, A. Daunay.)

M. Th. Gautier écrit bouig-bouig. — « Ces tréteaux sans prétention qu’on nomme des bouigs-bouigs dans un nom peu académique mais qui finira par prendre place au Dictionnaire. » (Th. Gautier.)

BOUISER : Fouetter. (Halbert.)

BOULANGER : Diable. (Vidocq.) — Ironie de couleur. Il est aussi noir que le boulanger est blanc, et il met au four de l’enfer. — Moreau Christophe donne avec ce sens la Boulangère.

BOULANGER : Charbonnier. — Ironie de couleur. Le noir est mis pour le blanc.

BOULANGER (remercier son) : V. Mourir. — Même allusion que dans perdre le goût du pain. V. Pipe (casser sa).

BOULE : Foire, fête (Vidocq.)

BOULE : Tête. — Elle est ronde comme une boule. — « Vu l’épaisseur de ces boules de campagnes. » (Balzac.) — « Ils ont la boule noire comme de l’encre. » (Cogniard, 1831.) — « Bonne boule, n’est-ce pas ? figure respectable. » (L. Reybaud.) — « Polissonne de boule, en fais-tu des caprices ! » (Les Amours de Mayeux, 1833.)

BOULE (perdre la) : Perdre la tête, devenir fou. (Caillot, 1829.) — « Et six cents gredins prétendent changer tout cela avec une boule dans une urne ! C’est le cas de dire qu’ils perdent la boule ! » (Félix Pyat, 1871.)

BOULE DE LOTO : Œil saillant et rond, comme une boule de loto.

BOULE DE NEIGE : Nègre. — Ironie de couleur.

BOULE DE SON : Figure tachée de rousseurs, qui sont appelées aussi taches de son.

BOULE DE SON : Pain de munition. — Il contenait autrefois beaucoup de son.

BOULE JAUNE : Potiron. (Colombey.)

BOULENDOS : Bossu. (Vidocq.) — Il semble avoir une boule dans le dos.

BOULER : Refuser. — Même étymologie que Blackbouler.

« Le marquis : Ne m’en parle plus… je l’ai boulé avec perte ; tu seras la femme d’Oscar.

Yseult : Mon père, je connais mes devoirs, j’obéirai ; l’un ou l’autre, ça m’est bien égal. » (Marquet.)

BOULER : Battre. Mot à mot : Faire rouler son adversaire comme une boule.

Si tu dis mot, j’ te boule.
(Chansons, Avignon, 1813.)

BOULET : Personne dont on ne peut se débarrasser. — Allusion au boulet traîné par les militaires. — « Bal à la Renaissance, ce soir. Lâche ton boulet ! » Gavarni.)

BOULET À QUEUE : Melon. (Vidocq.)

BOULETTE : Petite faute. Un peu plus grave, elle devient une brioche. On appelle sale pâtissier, un homme peu soigneux ou tripotant des affaires véreuses. La pâtisserie est-elle redevable de ces acceptions aux soins minutieux qu’exige son exercice ? En ce cas, il faut sous-entendre mauvaise avec brioche et boulette. V. Brioche. — « Faut croire que j’ai lâché quelque boulette. » (Frémy.) — « Enfin, un quaker l’a prise en pitié, et dit : Fille, tu as fait une boulette. » (M. Alhoy.)

BOULEVARDIER : Homme qu’on rencontre tous les jours flânant sur les boulevards, du faubourg Montmartre au Grand-Hôtel. — « Vous connaissez W. ? un long sec, un boulevardier fini. » (Figaro, 1867.)

BOULEVARDIÈRE : Femme galante fréquentant les boulevards. En juillet 1872, la Liberté signale vertueusement la « tolérance dont on continue d’user à l’égard des boulevardières, devenues aussi nombreuses que les bocks et les sorbets du soir. »

BOULINE : Collecte. — « Les truqueurs des foires de village font ce qu’ils nomment une bouline, c’est-à-dire une collecte entre eux, et ils chargent un compère de distraire le surveillant, de l’emmener à l’écart, de l’inviter et de le griser. Alors malheur aux pauvres pétrousquins (particuliers) qui s’aventurent à jouer ! ils sont rançonnés sans merci. » (Privat d’Anglemont.)

BOULINER : Faire un trou ou boulin à la muraille. (Vidocq). De boulinoire.

BOULINER : Voler en boulinant. (Halbert.)

BOULINER : Déchirer (Idem.)

BOULINOIRE : Vilebrequin. (Vidocq.) — Allusion à son mouvement circulaire et peut-être aussi à la boule de bois de sa poignée.

BOULON (vol au) : « Il est commis aux étalages de dentelles en les attirant à l’aide d’une tringle à crochet passée par un trou de boulon de la devanture. » (Rabasse.)

BOULOTTER : Vivre à l’aise. Diminutif de bouler : rouler comme une boule. Boulotter l’existence : rouler sans peine dans la vie. — « Ils boulottaient l’existence, sans chagrin de la veille, sans souci du lendemain. » (De Lynol.) — « Pourvu que nous ayons de quoi boulotter tout doucement, je serai content. » (Friès.)

BOULOTTER : Être en bonne santé. — Même image dans ça roule. V. Rouler.

BOULOTTER : Prospérer, fructifier, s’arrondir. — « Voilà deux cent mille francs qui ne rapporteront rien… Il resterait donc cent mille francs à faire boulotter. » (Balzac)

BOULOTTER : Assister. (Vidocq.)

BOULOTTER : Manger. (Halbert, Rabasse.)

BOUM : Cri par lequel le garçon de café annonce qu’il a entendu l’ordre du consommateur. — « Ces satanés garçons ! Avez-vous remarqué quel sourire narquois ils ont presque toujours sur les lèvres lorsqu’ils toisent la pratique et surtout l’habitué ! Va, mon bon homme, ont-ils l’air de dire… abrutis-toi dans cette atmosphère délétère d’alcool et de tabac. Prépare-toi une précoce vieillesse… Versez… Boum !… Ce boum ! lui-même n’est-il pas une ironie ? Boum ! c’est comme la parodie du bruit du canon. Boum ! cela fait penser aux grands carnages. Boum ! boum ! Défiez-vous… Le café, c’est le tueur en détail ! » (P. Véron.)

BOUQUINE : Barbe poussant sous le menton comme celle du bouc. Une mazarinade de 1649 (l’Illustre barbe) fait un crime au cardinal de sa barbe boucquine.

BOURDON : Prostituée. (Halbert.)

BOURGEOIS : Bourg. (Idem.)

BOURGEOIS : « Les grands seigneurs, si toutefois vous voulez bien en reconnaître, comprennent dans cette qualification de bourgeois toutes les petites gens qui ne sont pas nés. — Le bourgeois du campagnard, c’est l’habitant des villes. — L’ouvrier qui habite la ville n’en connaît qu’un seul : le bourgeois de l’atelier, son maître, son patron. — Le bourgeois du cocher de fiacre, c’est tout individu qui entre dans sa voiture. Chez les artistes, le mot bourgeois est une injure, et la plus grossière que puisse renfermer le vocabulaire de l’atelier. Le bourgeois du troupier, c’est tout ce qui ne porte pas l’uniforme. Quant au bourgeois proprement dit, il se traduit par un homme qui possède trois ou quatre bonnes mille livres de rente. » (Monnier, 1840.)

BOURLINGUER : Avancer avec peine dans la vie, se remuer sur place. Ce terme vient de la marine où un bâtiment bourlingue lorsqu’il lutte inutilement contre la grosse mer. — « Dans ce pays que j’ai sillonné dans tous les sens, où j’ai bourlingué déjà pendant dix ans. » (A. Lecomte, 61.)

BOURRICHON (se monter, se charpenter le) : S’illusionner, se monter la tête. — « As-tu fini ? Des nerfs ! Est-ce à ton âge qu’on se charpente le bourrichon. » (Monselet.) — « Sylvia : Tu ne te montes pas facilement le bourrichon, mon chéri. — Dorante : Pas si pante. » (L. de Neuville.)

BOURRIER : Ordure, fumier. — Vieux mot. — « Je ne suis qu’un bourrier de la rue. » (Balzac.)

BOURRIQUE (tourner en) : Abrutir. — « C’est ce gueux de Cabrion qui l’abrutit… Il le fera bien sûr tourner en bourrique. » (E. Sue.)

BOURSICOTER : Jouer à la Bourse. — Se dit aussi pour : amasser une petite somme, un boursicaut.

BOURSICOTEUR, BOURSICOTIER, BOURSIER : Homme qui joue à la Bourse. — « Boursier hardi, coulissier intrépide.» (Festeau.) — « L’esprit est inutile à un boursicotier ; de cœur, il n’en faut pas du tout ; d’argent, on peut s’en passer au besoin ; mais ce qu’il lui faut surtout et avant tout, c’est de l’audace, beaucoup d’audace et une certaine habileté de calculs et d’intrigues qui lui assure toujours un gain, même lorsque des événements imprévus peuvent lui faire subir une perte. » (Boursicotiérisme.)

BOURSICOTIÉRISME : « Le boursicotiérisme est l’art de jouer, de parier, de spéculer en Bourse, quelquefois sans argent, comme sans probité ; en d’autres termes, le boursicotiérisme est l’art de surprendre habituellement le bien d’autrui par un ensemble de moyens non prévus par la loi ou insaisissables à la justice. » (Idem.)

BOUSCAILLE : Boue. (Vidocq.) Addition de finale.

BOUSCAILLEUR : Balayeur.

BOUSIN : Tapage.

Quand on entend le refrain
D’un infernal bousin,
Cent fois pis que le sabbat.
(Chanson des canotiers.)

BOUSIN : Maison mal famée, lieu de débauche. Mot à mot : maison de bouse ou de boue. — « Cette maison est un vrai bousin ; pour dire qu’elle est mal gouvernée et que chacun y est maître. » (Dhautel, 1808.)

BOUSINER : Faire du tapage, du bousin.

BOUSINEUR : Tapageur, faiseur de bousin. — « Est-on bousineur dans ce bahut-ci ? — Pas trop ; le sous-directeur est sévère ! — Ça m’ l’enfonce… » (Les Institutions de Paris, 1858.)

BOUSSOLE : Cerveau. — Il dirige l’homme comme la boussole dirige le navire : « J’ai ça dans la boussole. Ainsi ne m’en parlez plus. » (Vidal, 1833.)

Perdre la boussole : Devenir fou.

BOUSSOLE DE REFROIDI : Fromage de Hollande, dite tête de mort. (Vidccq.) — Allusion à la boule formée par ce fromage. — On dit aussi : boussole de singe.

BOUTANGE : Boutique. (Halbert.). — Changement de finale.

BOUT D’HOMME : Tout petit homme. On dit aussi bout de c—l. (J. Choux.)

BOUTEILLE : Latrines. Terme de marine.

BOUTERNE : « La bouterne est une boîte vitrée où sont exposés, aux foires de villages, les bijoux destinés aux joueurs que la chance favorise. Le jeu se fait au moyen de huit dés pipés. Il est tenu par une bouternière qui est le plus souvent une femme de voleur. » (Vidocq.)

BOUTERNIER : V. ci-dessus.

BOUTIQUE : « Ce n’est pas une chose, c’est un esprit de négoce, de profits troubles et de soigneuses affaires, qui ne recule devant rien pour arriver à un gain quelconque. Il y a la boutique industrielle, comme la boutique scientifique, artistique et littéraire. » (A. Luchet.)

BOUTIQUE : Maison mal tenue, établissement mal administré. — « Quelquefois le piocheur employé menace de quitter la baraque ou la boutique. On le retient, on le décore. » (Balzac, 1842.)

BOUTIQUE : Ne se prend pas toujours en si mauvaise part que dans l’exemple précédent, et signifie simplement la maison, l’administration, le parti. — « Le portier est la cheville ouvrière de la boutique, comme on appelle le théâtre en terme d’argot. » (De Jallais, 1854.) — « Dans la polémique politique, il y a deux grandes divisions : la polémique de drapeau (de boutique en style plus familier) et la polémique individuelle. » (Joliet, 1860.)

Il est de la boutique : Il fait partie de la maison, de l’administration ou de la coterie.

On dit d’une femme qui, en tombant, a laissé voir trop de choses, qu’elle a montré toute sa boutique. (Dhautel, 1808.)

BOUTIQUER : Fagoter, mal faire.

BOUTIQUIER : Homme à idées rétrécies, parcimonieuses.

BOUTOGUE : Boutique. (Vid.)

BOUTON : Pièce de 20 francs. (Colombey. ) — Allusion de forme et de couleur.

BOUTONNER : S’abstenir de ponter au lansquenet. Mot à mot : boutonner sa bourse. — « Si la ponte boutonne et ne s’allume pas, il faut que le banquier flatte, chatouille, étrille. » (Alyge.)

BOUZINGOT : « A la révolution de Juillet, les romantiques se divisèrent en bouzingots et en jeunes-France. Les premiers adoptèrent l’habit de conventionnel, le gilet à la Marat et les cheveux à la Robespierre ; ils s’armèrent de gourdins énormes, se coiffèrent de chapeaux de cuir bouilli. » (Privat d’Anglemont.) — Du mot bousineur, tapageur. — Le bouzingot voulait bousiner le régime de 1830.

Par extension, on a donné ensuite le nom de bouzingot à tout homme turbulent en actes et en paroles. — « Décidément ce peintre est un mauvais sujet, un mal-appris, un bouzingot. » (A. Achard.)

BOX : Stalle d’écurie. — Anglicanisme. — « Ces écuries étaient organisées à l’anglaise avec des boxes fort confortables. » (Montépin.)

BOXON : V. Boc.

BOYE : Gardien. (Rabasse.)

BOYE : Le forçat qui fait au bagne l’office de bourreau, est le boye. (M. du Camp.) — Vieux mot. — Rabelais conte dans le voyage de Pantagruel en l’île des Papefigues, comment ceux qui ne voulaient pas prendre la figue au derrière de la mule étaient pendus. Les autres, dominés par la peur, tirent la figue et la montrent « au boye, disant ecco lo fico. »

BRAC : Nom. (Grandval.)

BRAILLARDE : Caleçon (Halbert.) Ce sont nos anciennes braies. Débrailler est resté dans la langue régulière.

BRAISE : Argent. — Allusion à sa destination de première utilité : Sans braise, on ne peut faire bouillir la marmite. — « Pas plus de braise que dans mon œil. » (Mornand.) V. Bille.

Dans son Père Duchêne, Hébert appelle l’argent de sa subvention la braise nécessaire pour chauffer son fourneau. (Vieux Cordelier, éd. de 1842, p. 115.)

BRANCARD (vieux) : Vieille femme galante. — Allusion aux chevaux de selle réformés, qu’on met au brancard comme chevaux de trait.

BRANCHE : Ami aussi attaché qu’une branche à l’arbre. — « Allons, Panaris, le dernier coup, ma vieille branche ! » (J. Moinaux.)

BRANCHER : Pendre. (Vidocq.) Mot à mot : accrocher à la branche.

BRANDILLANTE : Sonnette. (Vidocq.) Allusion au battant qui brandille.

BRANQUE : Âne. (Vidocq.) — Onomatopée imitant le cri de l’âne.

BRAS, BRASSE : Grand, grande. (Halbert.)

BRASER DES FAFFES : Fabriquer de faux papiers. (Colombey.)

BRASSET : Gros. (Idem.)

BRAVE : Cordonnier. — Dans une conférence donnée à Meaux, M. Guénin a donné l’origine du mot : — « C’était à l’époque de la Ligue. Henri de Navarre assiégeait Paris. La population ouvrière venait de passer en masse aux Guise, mais les cordonniers, indignés des récents massacres de la Saint-Barthélémy, refusèrent de se joindre aux ligueurs. Henri, apprenant ce refus, s’écria : « Les cordonniers sont des braves ! » (Le National, 1869.)

BREDA-STREET (dame ou habitante de) : Femme galante. — Anglicanisme. — Bâtie en même temps que la rue Notre-Dame-de-Lorette, la rue Breda avait, pour la même cause, donné son nom aux lorettes du quartier. « En revanche, nous avons Breda-street, le berceau de la lorette. » (Pélin.) V. Lorette.

BREDOCHE : Liard, centime. (Colombey.)

BRELOQUE : Pendule. (Vidocq.) — Harmonie imitant le bruit du balancier.

BRELOQUE (battre la) : Déraisonner. Allusion aux sons brisés de la batterie de tambour dite breloque, qui est particulièrement saccadée. — « Ciel ! papa bat la breloque. » (Rienzi, 1826.)

BRÈMES : Cartes à Jouer. (Grandval.) — Allusion à la brème, poisson blanc, plat et court.

Maquiller la brème : Jouer aux cartes, travailler la carte.

Persévérez toujours en maquillant la brème,
Maquillez-la sans cesse et la remaquillez.
(Alyge, 1854.)

BRÈME DE PACQUELINS : Carte géographique. Mot à mot : carte de pays. (V.)

BRÉMEUR : Joueur. (Rabasse.)

BREMMIER : Fabricant de cartes. (V.)

BRENICLE : Non. (Halbert.) — Pour bernique.

BRÉSILIEN : Personnage semant l’or à pleines mains. Ce terme a remplacé celui de nabab, depuis la vogue d’une pièce du Palais-Royal. — « Un étranger qui a réalisé le type de Brésilien rêvé par les auteurs dramatiques. » (F. de Rodays, 1875.)

BRIC-À-BRAC : Marchandises d’occasion, objets antiques. — « Ces travaux, chefs-d’œuvre de la pensée, compris depuis peu dans ce mot populaire, le bric-à-brac. » (Balzac.)

Bric-à-brac : Commerce du bric-à-brac. — « Le fait est qu’aujourd’hui le bric-à-brac est une industrie formidable, que le gros marchand de bric-à-brac possède jusqu’à 500,000 francs de marchandises. » (Roqueplan, 1841.)

Bric-à-brac : Marchand de bric-à-brac. — « Ce voleur de bric-à-brac ne voulait me donner que quatre livres dix sous. » (Gavarni.)

BRICABRACOLOGIE : Science du bric-à-brac. — Remarquons en passant qu’une infinité de mots sont fabriqués tous les jours par le même procédé que ce laborieux néologisme. — « Sans célébrité dans la bricabracologie. » (Balzac.)

BRICARD : Escalier. (Halbert.)

BRICOLE : Petit travail mal rétribué.

BRICOLER : « M. Jannier bricolait à la Halle, c’est-à-dire qu’il y faisait à peu près tout ce qu’on voulait. » (Privat d’Anglemont.) — De bricole : harnais qui fait de l’homme une sorte de cheval bon à tout traîner.

BRICOLER : Faire effort. Mot à mot : donner un coup de bricole. — « Et bricolons tout plus vite que ça, car j’ai les pieds dans l’huile bouillante. » (Balzac.)

BRICOLEUR : « Les bricoleurs sont des gens actifs, entreprenants, hardis, qui ne reculent devant aucun travail, qui s’offrent pour tout faire » (Privat d’Anglemont.)

BRICULE : Officier de paix. (Halbert.)

BRIDE : Chaîne de montre. V. Bobe.

BRIDE : Chaîne de forçat.

BRIDER : Fermer (Vidocq.)

BRIDER : Ferrer un forçat. (Colombey.)

BRIDON : Méchant. — « Le toc est un bridon de gaye, méchant cheval qui a une pogne esquintante. » (Rabasse.)

BRIE. — Fromage de Brie. — « Un morceau du brie le plus gras de la boutique de la fruitière. » (Ricard.)

BRIGADIER : Gindre, premier garçon boulanger. Il fait le four et remplit les fonctions de contre-maître. (Vinçard.) — Ainsi nommé à cause de ses trois aides qui forment la brigade.

BRIGAND : Mot d’amitié. — Henri Monnier fait dire tendrement par une fille à son client : — « T’as chauffé l’four, pas vrai, brigand ? T’es n’en ribote ?… J’connais ça ; vu qu’ça m’arrive encore pus souvent qu’à mon tour.» (La nuit dans le bouge.)

BRIMADE : Épreuve vexatoire infligée aux nouveaux de l’École Saint-Cyr. — « Point de ces brimades, qui ont longtemps déshonoré Saint-Cyr. » (La Bédollière.)

BRIMER : Donner une brimade.

BRIMEUR : Faiseur de brimades. — Dans le Dictionnaire Blesquin, de 1618, Brimare signifie bourreau.

BRINDEZINGUES (être dans les) : Être ivre. Mot à mot ; avoir trop bu à la santé des autres. — « Tiens, toi, t’es déjà dans les brindezingues. » (Vadé, 1756.) — Ce terme vient du vieux mot brinde : toast. — « Ces grands hommes firent tant de brindes à vostre santé et à la nostre, qu’ils en pissèrent plus de dix fois. » (Lettre curieuse envoyée au cardinal Mazarin par ses nièces. Paris, 1651.)

BRINGUE : Femme de mauvaise tournure. « Allez trouver votre grande bringue de femme. » (Balzac.)

BRINGUE (mettre en) : Briser, mettre en morceaux. — Ces deux acceptions du mot bringue sont déjà en 1808 dans le dictionnaire de Dhautel.

BRIQMANN : Sabre de cavalier. (Halbert.) — C’est Briquet, avec changement de finale.

BRIQMONT : Sabre d’infanterie. (Idem.) Même origine.

BRIO : « Le brio, mot italien intraduisable, est le caractère des premières œuvres. C’est le fruit de la pétulance et de la fougue intrépide, du talent jeune, pétulant, qui se retrouve plus tard dans certaines heures heureuses. » (Balzac.) — « Le théâtre qui avait vu le luxe et le brio de ses premières années. » (Physiologie du théâtre, 1841.)

BRIOCHE : Acte sot ou maladroit, V. Boulette. — « Et vous alliez me faire faire une sottise, une brioche, une boulette. » (1826, Ancien Figaro.)

M. Quitard donne à ce terme une origine historique :

Faire une brioche : « C’est faire une faute en musique, et par extension en quelque chose que ce soit. Cette expression fut introduite à l’époque de la fondation de l’Opéra en France. Les musiciens attachés à ce théâtre avaient imaginé de condamner à une amende pécuniaire celui d’entre eux qui manquerait aux règles de l’harmonie en exécutant sa partition, et le produit des amendes était destiné à l’achat d’une brioche qu’ils devaient manger ensemble dans une réunion où les amendés figuraient ayant chacun une petite image de ce gâteau suspendue à la boutonnière en guise de décoration. Un tel usage ne fut pas jugé propre à les rendre moins fautifs dans leur art, et le grand nombre de repas qu’il amena ne fit pas concevoir une haute idée de leur talent. Bientôt ils se virent exposés à la raillerie du public, qui prit le mot de brioche pour synonyme de faute, bévue ; et l’amour-propre alors l’emportant sur la friandise, ils décidèrent qu’ils pourraient faire désormais autant de brioches qu’ils voudraient sans être obligés d’en payer aucune. » (Dict. des proverbes.)

BRIOLET : Piquette. Mot à mot : petit vin de Brie. — C’était le Suresnes d’autrefois — « C’est du vin de Brie, il fait danser les chèvres, pour dire, c’est du vin acre, dur, du casse-poitrine. » (Caillot, 1829.)

BRISACQUE : Bruit, homme bruyant. — « Vous voulez faire du brisacque ici. Vous êtes un fameux pistolet encore. » (Monsdelet)

BRISANT : Vent. (Vidocq.) Augmentatif de brise.

BRISCARD : Vieux soldat à chevrons (brisques). — « Permettez-vous à un ancien, un vieux briscard de spahis, une petite critique ? » (Vie parisienne, 1861.)

BRISER (se la) : Fuir. — Abréviation de briser la politesse (partir sans prendre congé). — « Dans le beau monde, on ne dit pas : je me la casse, je me la brise. » (Labiche.) V. Trumeau, Rigolo.

BRISER, BRISEUR, BRISURE : « Les briseurs sont tous Auvergnats et se prétendent commerçants. Ils s’entendent pour inspirer la confiance à des fabricants qu’ils trompent pour une grosse somme, après leur en avoir payé plusieurs petites. Les marchandises brisées sont revendues à 40 pour 100 de perte, et le produit de la brisure est placé, en Auvergne. » (Vidocq.) — Le briseur est ainsi nommé parce qu’il se la brise dès qu’il a fait son coup.

BRISQUE : Galon indiquant le grade ou l’ancienneté dans l’armée. — Un fourrier a quatre brisques sur les manches. — Une vieille brisque est le synonyme de un vieux briscard. — « Ces vieux sous-officiers à brisques qui nous dressaient à la discipline. » (St. Genest, 1875.)

BRISQUES : As et figures du jeu de cartes. Ce sont les gradés de l’armée des cartes.

BROBÈCHE : Liard, centime. (Colombey.)

BROC : Liard. (Grandval.)

BROCANTE : Objet sans valeur.

BROCANTE : Troc de marchandises de hasard. — « Je vais faire des brocantes. » (Balzac.)

BROCHET : Souteneur. — Encore un nom de poisson. Nous en verrons bien d’autres. V. Mac. — « Les brochets sont aujourd’hui fort connus par la police. » (Stamir, 1867.)

BRODANCHER : Broder. (Vidocq.) Changement de finale. V. Ravignolé.

BRODER : Écrire. (Idem.) Allusion au va-et-vient de la plume.

BRODEUR : Écrivain. (Idem.)

BROQUILLE : Chose sans valeur. (Halbert.) Mot à mot : ne valant pas plus d’un broc.

BROQUILLE : Bague. (Halbert.)

BROQUILLE : Minute. (Ce diminutif du vieux mot broque (petit-clou, broche) fait sans doute allusion au petit signe indiquant la minute sur un cadran.

BROQUILLEUR : Voleur ayant pour spécialité de voler les bijoutiers en substituant du strass au diamant (Colombey.) — Le strass n’est qu’une broquille.

BROSSE : Formule négative qui veut dire : non, rien. — « Brosse pour lui ! Zut pour lui ! Fallait pas qu’y liche. » (A. Dalès.)

Dès 1808, on disait : Ça fait brosse, pour : Rien pour toi ! tout est brossé. (Dhautel.) — Une caricature de Machereau, publiée en 1830, porte cette légende : « Linge sale de M. de Bourmont. C’linge sale-là, père Escobard, y t’ chausserait bien ; mais ça t’ fait brosse, y sera trop beau pour nos blessures. »

BROSSÉE : Grêle de coups, défaite. — « Les Turcs ont reçu une brossée. » (Ricard.)

BROSSER : Battre. Mot à mot : brosser de coups.

BROSSER LE VENTRE (se) : Se passer de manger. Mot à mot : se brosser le ventre pour lui faire oublier l’heure du repas. — « Le régiment a pris le café ce matin, mais le colonel s’est brossé le ventre. » (Commentaires de Loriot.) — « Et nous autres ? Ah ! nous autres, nous nous brossons le ventre. » (Sarcey.)

Pris souvent au figuré pour se passer de n’importe quoi. — « Vous brosser le ventre faute d’un éditeur. » (Cornmerson.)

On dit plus simplement se brosser. — « On dit qu’il espère avoir la croix… il sera forcé, cette année, de se brosser la boutonnière. » (1866, Vie parisienne.)

BROUÉE : Correction. (Halbert.) Mot à mot : action de broyer.

BROUILLARD (être dans le) : avoir l’œil troublé par l’ivresse.

BROUILLARD (Chasser le) : Boire un verre d’eau-de-vie dont la chaleur combat, dit-on, les mauvais effets de l’humidité.

On dit tuer le ver par un motif analogue ; l’alcool pris à jeun passe pour causer de vives contrariétés aux helminthes et aux ascarides vermiculaires.

Ces deux termes peuvent être considérés comme une allusion ironique aux prétextes hygiéniques des buveurs d’alcool.

BROUILLÉ AVEC LE DIRECTEUR DE LA MONNAIE (être) : Être sans argent. — L’ironie n’a pas besoin d’explication.

BROUSSAILLE (cheveux en) : Cheveux hérissés, mêlés comme les branches d’une broussaille.

BROUTA : Discours. — Du nom d’un professeur de l’École de Saint-Cyr, doué d’une certaine facilité d’élocution. Ce qui a fait le verbe broutasser : discourir, et le substantif broutasseur, discoureur.

BRUGE : Serrurier. Du vieux mot bruger : frapper, heurter. La même allusion se retrouve dans tape dur.

BRUGERIE : Serrurerie. (Idem.)

BRÛLAGE : Déconfiture. — « C’est un brûlage général. » (Balzac.)

BRÛLE-GUEULE : Pipe dont le tuyau écourté brûle les lèvres du fumeur. — « Ils ont un brûle-gueule à la bouche qui, en leur enfumant toute la figure, leur procure une haleine insupportable. » (Caricatures politiques, an VI.) « Une de ces pipes courtes et noires dites brûle-gueule. » (Banville.)

BRÛLÉ : Fini. — « Comment sommes-nous avec le boulanger ? — M’sieur, le boulanger est brûlé, il demande un à-compte. » (Champfleury.) C’est-à-dire : le boulanger est brûlé comme créditeur.

BRÛLÉ : Démasqué. — « Le grec brûlé prend son parti lestement, et va, sous un autre nom nobiliaire, se faire pendre ailleurs. » (Mornand.)

BRÛLÉE : Correction plus forte que la brossée. Elle brûle celui qui en porte les marques.

BRÛLER : « Messieurs, j’en brûle huit ! Traduction : messieurs, je retire du jeu les huit premières cartes qui par conséquent ne serviront pas. » (Cavaillé.)

BRÛLER : Se dit d’un cocher qui en dépasse un autre.

BRÛLER : Être tout près de deviner la vérité qu’on cherche. — « Olivier. Ah ! je crois que je brûle, comme on dit aux petits jeux. Est-ce que M. de Nanjac… — Suzanne. Vous rêvez. » (Dumas fils, le Demi-Monde.)

BRÛLER LE PÉGRIOT : Effacer la trace d’un vol. (Halbert.)

BRÛLER LA POLITESSE : S’esquiver sans faire la politesse d’un adieu. — « Quand il nous met à l’ombre, c’est que nous avons brûlé la politesse à la consigne. » (J. Arago, 1838.)

BRÛLER UNE (en) : Fumer. Mot à mot : brûler le tabac d’une pipe.

BRÛLOT : Mélange de sucre et d’eau-de-vie brûlée. — « Au café, c’est avec bonheur qu’ils cassent les tasses où ils allument leur brûlot quotidien. » (R. de La Barre.)

BRÛLER LES PLANCHES : Jouer avec beaucoup de feu. Ne se dit qu’au théâtre. — « Mlle  Beretta brûle les planches de l’Opéra. » (De Boigne, 1857.)

BRÛLEUR DE PLANCHES : Acteur jouant avec feu. — « Leménil était ce qu’on appelle en argot de coulisses, un brûleur de planches. » (P. Véron.)

BRUTAL : Canon. — Allusion au grondement de son tir. — « As-tu entendu ronfler le brutal ? » (Dhautel.) — « Une détonation se fit entendre. — Tiens, dit Pierre, voilà déjà le brutal qui chante. » (Ricard.) V. Invalo.

BRUTIUM : Élève du prytanée de la Flèche. C’est aussi le prytanée lui-même. — Latinisme dont l’origine nous est inconnue. Voir Volaille.

BRUTUS : Bretagne (Halbert.) Changement de deux voyelles.

BU : Complètement ivre. Mot. à mot : imbibé de boisson. — Au moyen âge on disait, sans abréger, oultrebeu (outre bu). » — « Le pochard n’est pas encore un homme complètement bu. » (Ladimir, 1846.) — « C’est pas gentil, que j’dis, c’que tu fais là, d’autant qu’t’es pas bu. » (H. Monnier.)

BUCÉPHALE : Cheval bon ou mauvais. Allusion ironique au cheval d’Alexandre. — « Bucéphale, le cheval d’Alexandre, dont le nom nous sert à désigner les chevaux de parade, et aussi, par ironie, ceux qu’on appelle vulgairement des rosses. » (Rozan.)

BÛCHE (temps de) : V. Pioche.

BÛCHE PLOMBANTE : Allumette chimique. (Vidocq.) Mot à mot : brin de bois sentant mauvais. — Bûche est dit par ironie. V. Plomber.

BÛCHER : Travailler. — Du vieux mot buscher : fendre du bois. — « Moïse est un fameux travailleur ; il bûche comme quatre à lui tout-seul. » (M. Perrin.)

BÛCHER : Battre. (Dhautel.)

I’ vient pour me bûcher :
Moi, Je l’ fais trébucher.
(Chansons, Avignon, 1813.)

BÛCHERIE : Combat, lutte acharnée.

BÛCHEUR : Travailleur assidu, bûchant avec amour.

BUEN-RETIRO : Endroit propice, et quelquefois par ironie : lieux d’aisances. Mot à mot : bonne retraite. Ibérisme.

Sous l’empire d’un p’tit malaise
Je cherchais, pour me mettre à l’aise,
Un certain buen-retiro. (Tantôt.)

BUQUER : Voler dans une boutique en demandant de la monnaie. (Vidocq.)

BUREAU ARABE : En Afrique, du vin avec du sucre s’appelle un état-major. De l’absinthe mêlée avec de l’orgeat, s’appelle : un bureau arabe.

BURLIN : Bureau. — Changement de finale. V. Parrain.

BUSARD, BUSE, BUSON : Inintelligent, obtus, comme la buse qui est le plus couard des oiseaux de proie. — « Et il ne sera pas béotien et buson comme toi. » (Ricard.)

BUSTlNGUE : Hôtel garni. (Halbert.)

BUTE, BUTTE : Guillotine. — Elle butte les gens. — « Tu n’es qu’un lâche. Avec toi, on va tout droit à la butte. » (Canler.) V. Tine.

Monter à la butte : Monter à l’échafaud. (Rabasse.)

BUTÉ (être) : Être guillotiné.

BUTTER : Tuer, assassiner. — C’est le vieux mot buter : frapper, renverser, qui a fait culbuter dans la langue usuelle. — « Voilà donc une classe d’individus réduite à la dure extrémité de travailler sur le grand trimar, de goupiner, de faire le bog et le blavin, de butter même s’il en était besoin. » (50,000 voleurs de plus à Paris, 30. ) — « Voilà pour butter le premier rousse, dit-il en montrant un couteau. » (Canler.)

BUTEUR, BUTTEUR : Assassin, bourreau. (Rabasse.)

BYRONIEN : D’allures à la Byron, poétiquement inspirées. V. Tartine.