Dictionnaire historique d’argot /Édition Dentu/1881/A

A


ABADIS : Foule, rassemblement. — « Pastiquant sur la placarde, j’ai rembroqué un abadis du raboin. » (Vidocq.)

ABATIS, ABATTIS : Pieds, mains. — Allusion aux abatis d’animaux. — « Des pieds qu’on nomme abatis. » ( Balzac.) — « C’est plus des pieds ; c’est de la marmelade… Ils me coûtent joliment cher, ces abattis-là. » (Commentaires de Loriot, Auxerre, 69.) — « À bas les pattes ! Les as-tu propres, seulement, tes abattis, pour lacer ce corsage rose ? » (E. Villars.)

ABATTAGE (vente à l’) : Vente sur la voie publique que les objets exposés couvrent comme si on les y avait abattus.

ABATTIS. V. Abatis.

ABATTRE : Faire des dettes. (Almanach des débiteurs.)

ABBAYE : Four. (Vidocq.) — Un four est voûté comme un cloître d’abbaye.

ABBAYE RUFFANTE : Four chaud. (Idem.) — Mot à mot : four rouge de feu. Ruffant semble dériver du latin rufus : rouge. ()

ABBAYE DE MONTE À REGRET : Échafaud. (Idem.) — Comme une abbaye, l’échafaud sépare de ce monde, et c’est à regret qu’on en monte les marches.

ABÉQUER : Nourrir. (Idem.) — De l’ancien mot abécher : donner la becquée.

ABÉQUEUSE : Nourrice. (Id.)

ABLOQUER, ABLOQUIR : Acheter en bloc. (idem.) — Du vieux mot bloquer.

ABOMINER : Haïr. V. Bosco.

ABOULAGE : Abondance, (Vidocq.)

ABOULER : Arriver. Mot à mot, bouler à. Du vieux mot bouler : rouler. — La langue régulière a dans ébouler le pendant d’abouler. — « Maintenant, Poupardin et sa fille peuvent abouler quant bon leur semblera, » (Labiche.) Voyez Bocson.

Le pantre aboule ;
On perd la boule.
Puis de la tôle on se crampe en rompant.
(Lacenaire, Mémoires, 36.)

ABOULER : Donner. — « Mais quant aux biscuits, aboulez. » (Balzac, Père Goriot.) — « As-tu de l’argent ? (Je fis signe que oui.) Aboule. Je lui donnai cent sous. » (Commentaires de Loriot.) — « Allons, allons, vieux crocodile ! ne faisons pas tant d’esbrouffes et aboulons simultanément aux voltigeurs les chameaux qu’il a besoin… pour sa consommation. » (Légende d’une caricature de 1830 sur la prise d’Alger.)

ABOULER DE : Venir de. V. Mômir.

ABOYEUR : Crieur de bazar ou de vente publique, canardier (V. ce mot), homme chargé d’appeler les prisonniers au parloir. — Allusion au retentissement obligatoire de sa voix. — « L’aboyeur est le factotum de la prison ; il a la permission d’aller partout. » (Rabasse.)

ABRACADABRANT : Merveilleux, magique, d’abracadabra, mot employé dans les anciennes conjurations cabalistiques. — « Le flûtiste Gerold doit exécuter les variations les plus abracadabrantes. » (Figaro, 67.) « C’est écrasant, renversant, horripilant, abracadabrant, de plus fort en plus fort. » (Almanach du hanneton, 67.)

ABSINTHE (faire son) : Mélanger l’eau avec l’absinthe, selon certaines règles.

« Il y a plusieurs manières de faire son absinthe : — La plus ordinaire est la hussarde (en versant goutte à goutte). — Les militaires de l’armée d’Afrique ont inventé la purée. La purée se fait très-rapidement, presque sans précautions, et par le simple mélange d’une quantité d’eau égale à la quantité d’absinthe. — L’amazone se fait comme la hussarde, seulement on ajoute deux cuillerées à café de sirop de gomme. La vichy (V. Bavaroise, Suissesse), moitié absinthe, moitié orgeat, et quantité ordinaire d’eau. — La bourgeoise (appelée aussi panachée), dans laquelle l’orgeat est remplacé par de l’anisette. » (Almanach du hanneton, 67.)

ABSINTHÉ (être) : Être ivre d’absinthe.

ABSINTHEUR, ABSINTHIER : Buveur d’absinthe, débitant d’absinthe. V. Perroquet.

ABSORPTION : Repas offert à la promotion ancienne de l’École polytechnique par la promotion nouvelle. On y absorbe assez de choses pour justifier le nom de la solennité. — « L’absorption, c’est la réunion annuelle dans laquelle, anciens, conscrits et antiques fraternisent aux lueurs du punch et aux glouglous du vin de Champagne. Elle a eu lieu le jour de la rentrée des anciens. » (G. Maillard, 66.)

ACADÉMICIEN : Littérateur suranné. — Injure inventée par les romantiques échevelés de 1830 qui avaient pour principaux adversaires les membres de l’Académie française restés fidèles au genre classique. On ne se doute plus aujourd’hui de la fureur grotesque qui animait les deux partis. V. Mâchoire.

Et cet exemple, des plus curieux, donnera une idée des luttes dans lesquelles on se jetait à la tête le mot d’académicien. Nous le prenons dans une brochure d’Alexandre Duval, académicien et chef du parti qui rendait M. Victor Hugo responsable des passions romantiques.

« Ce que je rapporte ici, je l’ai vu, de mes propres yeux vu. À certaines représentations, on se trouvait environné d’hommes effrayants dont le regard scrutateur épiait votre opinion, et si, par malheur, votre figure indiquait l’ennui ou le dégoût, ils vous attaquaient par l’épithète d’épicier, mot injurieux selon eux, qui signifie, dans leur argot, stupide, outrageusement bête ; mais si vos cheveux étaient blanchis par le temps, alors vous étiez des académiciens, des perruques, des fossiles, contre lesquels on vociférait des cris de fureur et de mort. Je vous assure, monsieur, qu’il n’y a rien d’exagéré dans ce tableau d’une première représentation romantique. Tout Paris vous en attestera la vérité. » (De la littérature dramatique, lettre à M. Victor Hugo, par Alexandre Duval, Paris, 35.)

ACCENT : Crachat, signal convenu entre les voleurs (Vidocq). V. Arçon.

ACCORDÉON : Chapeau gibus. Il se replie et s’allonge comme l’instrument de ce nom.

ACCROCHE-CŒURS : Favoris (Vidocq). Se dit des favoris courts qui affectent la forme des accroche-cœurs féminins. V. Arçon.

ACCROCHE-CŒURS : Mèches de cheveux bouclées et collées sur la tempe. Cet ornement a des prétentions galantes. Le mot le fait assez sentir.

Sur mes nombreux admirateurs
Dirigeons nos accroche-cœurs.
(Festeau.)

ACCROCHER : Mettre au mont-de-piété. — Mot à mot : accrocher au clou. V. ce mot. — « Ah ! les bibelots sont accrochés. » (Montépin)

ACCROCHER : Consigner un soldat. — Mot à mot : l’accrocher à son quartier, l’empêcher d’en sortir.

ACCROCHER (s’) : Combattre corps à corps, en venir aux mains.

Nos braves, s’accrochant, se prennent aux cheveux.
(Boileau, Satire 3.)

ACHAR (d’) : Sans trêve. Mot à mot : avec acharnement. — Abréviation.

Et d’autor et d’achar,
Enfoncé le jobard.
(De Montépin.)

ACHATE : Ami fidèle. — Latinisme. — « Roqueplan et son Achate. » (Villemessant.) V. Fidus.

ACHETOIRS : Monnaie. — Avec elle, on achète. — « Il y a des lorettes qui nomment les achetoirs quitus. » (Alhoy.)

ACRÉ : Fort, violent. (Vidocq.) Vieux mot, conservé par la langue régulière avec suppression de l’accent.

AD HOC : Spécial. Mot à mot : fait, institué pour cela. — Latinisme. — « Les déclarations sont lues par un comité ad hoc. » (Almanach des débiteurs, 51.)

AD USUM DELPHINI (n’être pas) : Ne pas convenir aux jeunes gens. Mot à mot : N’être pas digne de figurer dans la collection classique imprimée jadis par Barbou pour l’éducation d’un Dauphin de France, et où chaque titre de livre portait la mention : Ad usum Delphini. — Ce latinisme se dit à propos de tout : — « Vous le voyez, le bal Chicard n’avait pas été créé ad usum Delphini, et, cependant, voilà ce qui pendant six ans fit tressaillir tous les provinciaux et tous les étrangers. Les mères le redoutaient pour leur fils à l’égal de l’enfer. » (Privat d’Anglemont.)

ADDITION : Carte à payer. Mot à mot : addition des prix de chaque consommation.

AFF : Affaire. — Abréviation. — « Quant à moi, je maquille une aff, après laquelle j’espère me débiner. » (Patrie, 2 mars 52.)

AFF : Vie. (Grandval.)

AFF (eau d’) : Eau-de-vie. — Abréviation de paf qui désignait l’eau-de-vie autrefois, comme le prouve cet exemple : « Voulez-vous boire eune goutte de paf ? — J’voulons bien. — Saint-Jean, va nous chercher d’misequier d’rogome. » (1766, l’Écluse.) Il y a évidemment parenté entre le paf du xviiie siècle et l’eau d’aff de l’argot moderne. — « Tu vas me payer l’eau d’aff, ou je te fais danser. » (E. Sue.) V. Paffe.

AFFAIRE : Délit ou crime en voie d’exécution. « Après la réussite d’une affaire, ils se livrent immédiatement à des débauches nécessaires à l’oubli de leur raison. » (Rabasse.) — Affaire mûre : vol ou crime qui va se commettre.

AFFAIRE (avoir son) : Être ivre-mort, avoir reçu un coup mortel. — « Je propose l’absinthe… Après quoi j’avais mon affaire, là, dans le solide. » (Monselet.)

AFFAIRES (avoir ses) : Avoir ses menstrues.

AFFE : Vie, âme. (Moreau C.)

AFFRANCHI (fagot) : Forçat ayant fini son temps.

AFFRANCHIR : Pervertir. Mot à mot : affranchir de tout scrupule de conscience. — « Affranchir un sinve pour grinchir : pousser un honnête homme à voler. » (Vidocq.)

AFFURAGE, AFFURE : Profit de vol. V. affurer. — « Eh vite ! ma culbute ; quand je vois mon affure, je suis toujours paré. » (Vidocq.)

AFFURER, AFFÛTER : Tromper. (Moreau C.)

AFFURER : Gagner en volant. (Vidocq.) — Du vieux mot furer : dépouiller.

AFFÛT (homme d’) : Malin, roué. Mot à mot : toujours à l’affût de ce qu’il désire.

AFFÛTER. V. Affurer

AFFÛTER LE SIFFLET (s’) : Boire. Mot à mot : se réguiser le gosier.

Faut pas aller chez Paul Niquet
Six fois l’jour, s’affûter le sifflet.
(P. Durand, Chansons, 1836.)

AFLUER : Tromper. (Colombey.) Mot à mot : flouer à.

AGENT DE CHANGE (quart, cinquième, sixième d’) : Propriétaire pour un quart, un cinquième ou un sixième d’une charge d’agent de change. On peut continuer comme cela indéfiniment, car de telles propriétés se subdivisent en un grand nombre de parts. M. de Mériclet a fait paraître son livre sur la Bourse, sous l’égide de ce titre : Huitième d’agent de change.

AGOBILLE : Outil. (Moreau C.) — C’est-à-dire outils de voleur : pince, fausse clé, etc. Ne se dit guère qu’au pluriel.

AGONIR, AGONISER : Insulter. Mot à mot : antagonir, antagoniser. Ces verbes manquent à notre langue qui admet cependant antagonisme. — « Je veux l’agoniser d’ici à demain. » (Richard.) — « Si bien que je fus si tourmentée, si agonie de sottises par les envieuses. » (Rétif, 1783.)

AGOUT : Eau à boire. (Halbert.) — Mot ancien. V. Lagout.

AGRAFER : Arrêter. — « Le premier rousse qui se présentera pour m’agrafer. » (Canler.)

AGRAFER : Consigner. Mot à mot : agrafer le soldat au quartier. — « J’ai jeté la clarinette à terre, et il m’a agrafé pour huit jours. » (Vidal, 33.)

AIDE-CARGOT : Valet de cantine. — Corruption d’aide-gargot. — « Aide-cargot, un dégoûtant troupier, fait semblant de laver la vaisselle. » (Wado.)

AIGUILLE : Carte pointant entre les autres, de façon à seconder la tricherie d’un grec. « S’il voit qu’un pigeon se dispose à lui tenir banco, il ne manquera pas de le faire couper immédiatement sous l’aiguille. » (Cavaillé.)

AIGUILLE : Clé. (Vidocq.) — Elle coud la porte.

AILE, AILERON : Bras. — Allusion ornithologique. — « Appuie-toi sur mon aile, et en route pour Châtellerault ! » (Labiche.) — « Je suis piqué à l’aileron ; tu m’as égratigné avec tes ciseaux.» (E. Sue.)

AILE DE PIGEON : Suranné. — Allusion à la coiffure conservée par les émigrés à leur retour en France. V. Mâchoire.

AILLE (terminaison en) : « Le plus souvent afin de dérouter les écouteurs, l’argot se borne à ajouter indistinctement à tous les mots de la langue une sorte de queue, une terminaison en aille, en orgue, en iergue ou en uche ; exemple : « Vouziergue trouvaille bonorgue ce gigotmuche. (Trouvez vous bon ce gigot ?) Phrase adressée par Cartouche à un guichetier, afin de savoir si la somme offerte pour l’évasion lui convenait. La terminaison en mare est aujourd’hui fort usitée. » (Moreau Christophe, 64.)

AIMER COMME SES PETITS BOYAUX : Aimer comme soi-même : « Elle m’aimait ! Autant que ses petits boyaux. » (Parodie de Zaïre, 1732.)

AIR (se donner de l’, se pousser de l’, jouer la fille de l’) : Fuir. — Les deux premiers termes font image ; le troisième date de la Fille de l’air, une ancienne pièce du boulevard du Temple. — « La particulière voulait se donner de l’air. » (Vidal, 33.) — « Dépêchez-vous et jouez-moi la Fille de l’air avec accompagnement de guibolles. » (Montépin.) V. Ballon. — « C’est donc gentil de faire des poufs au monde et de se pousser de l’air ! Ah ! mais, on ne me monte pas le coup. » (Almanach du hanneton, 67.)

AIR DU TEMPS (vivre de l’). — Être sans moyens d’existence. Terme ironique. — « Tous deux vivaient de l’air du temps. » (Balzac.)

AIRS (être à plusieurs). — Être hypocrite, jouer plusieurs rôles à la fois.

ALARMISTE. — Chien de garde. (Vidocq.). — Il donne l’alarme.

ALEA JACTA EST. — Le sort en est jeté. — Phrase prononcée par César lorsqu’il passa le Rubicon pour marcher sur Rome. — « Le fameux alea jacta est qu’on a répété tant de fois depuis César. » (Rozan.)

ALENTOIR. — Alentour. Changement arbitraire de la finale.

ALIGNER (s’). — Tomber en garde pour se battre. Mot à mot : se mettre sur la même ligne que son adversaire. — « Ils mettent parfois le sabre à la main et s’alignent. » (R. de la Barre.) — « A la suite d’une bisbille, ils sont descendus pour s’aligner. » (J. Arago, 38.) V. Aplomb.

ALLER DE (y). — Fournir. — « On y va de ses cinq francs, ou de sa larme, » (Monselet.) — « Elle a tourné de l’œil sans dire : Ouf !… Pauvre vieille ! j’y ai été de ma larme. » (About.)

ALLER (y). — Se laisser tromper. — Fallait pas qu’il y aille ! dit-on d’un homme malheureux par sa faute. V. Faire aller.

ALLER À NIORT. — Nier. — Jeu de mots. — « Je vois bien qu’il n’y a pas moyen d’aller à Niort. » (Canier.) V. Flacul.

ALLER AU DIABLE AU VERT. — Faire une excursion aventureuse.

M. Rozan explique ainsi ce mot : « Auvert est une corruption de Vauvert ; on disait autrefois : Aller au diable Vauvert. Le V a été mangé dans la rapidité du discours, et il a fini par disparaître si bien, qu’on a été amené à couper en deux, pour lui donner une sorte de sens, le reste du mot : auvert. — Le château de Vauvert ou Val-Vert, situé près de Paris, du côté de la barrière d’Enfer, avait été habité par Philippe Auguste après son excommunication ; il passait depuis cette époque pour être hanté par des revenants et des démons. Saint Louis, pour désensorceler ce château, le donna aux chartreux en 1257. »

Rabelais parle encore de ce diable fameux : — « Je vous chiquaneray en diable de Vauvert, » dit le chiquanous Rouge-Muzeau dans le chapitre 16 du livre IV de Pantagruel.

On dit maintenant au diable vert, ce qui s’éloigne encore plus de la forme primitive. « J’ai déjà parlé de celui d’Alexandre Dumas, qu’on veut reléguer à Charonne, au diable vert. » (Liberté, 26 juillet 1872.)

ALLER GAÎMENT (y). — Agir sans se faire prier, sans que la gaîté soit précisément de la partie. Allons-y gaîment ne signifie rien de plus que allons-y. — Les amateurs du langage en mar ont imaginé de varier en disant allons-y gaimar. V. Mar.

ALLER OU LE ROI NE VA QU’À PIED. — Faire ses besoins. — Ce rappel à l’égalité est de tous les temps. Se disait au dix-septième siècle : — « Aller où le roi ne va qu’à pied. C’est à mots couverts le lieu où l’on va se décharger du superflu de la mangeaille… » (Scarron.) V.Numéro 100.

ALLER SE FAIRE FICHE. V. Ficher.

ALLER SON PETIT BONHOMME DE CHEMIN : Aller doucement.

ALLER (faire) : Tromper. — « Te v’là, charbonnier de malheur. Quoi ! il y a là une voie de charbon ? Tu nous fais aller. » (Fort en gueule. Imprimerie Stahl, 20.) — « Essaie d’en faire aller d’autres que Florine, mon petit. » (Balzac.)

ALLEZ VOUS ASSEOIR : Taisez-vous. V. Asseoir.

ALLEZ DONC (et) : Locution destinée à augmenter dans un récit la rapidité de l’acte raconté. — « Quand il a vu ça, y s’est esquivé rapidement… et allez donc !… » — (Lamiral, 38.) — « J’avais mon couteau à la main… et allez donc !… j’entaille le sergent, je blesse deux soldats. » (E. Sue.) — « L’école du bon sens met le Théâtre-Français en interdit. Émile Augier porte Philiberte au Gymnase… et allez donc ! » (Mirecourt, 55.)

ALLONGER (s’) : Tomber de son long par terre. — « Mon capitaine, en cet endroit, s’est allongé… Il est tombé de cheval. » (Commentaires de Loriot.)

ALLONGER (s’) : Faire une dépense qui n’entre pas dans ses habitudes. Le faire plus forte encore, c’est se fendre. V. ce mot. Termes d’escrime.

ALLONS-Y : Commençons.

Mon luth et mon esprit résonnent à la fois
Et l’idéal d’amour s’exprime par ma voix
Allons y !
(Il module des accords.) J. Walter.

ALLUMÉ : Échauffé par le vin. — « Est-il tout à fait pochard ou seulement un peu allumé ? » (Montépin.)

ALLUMER : Regarder fixement, voir, observer. Mot à mot : éclairer de l’œil — Mot très-ancien. Se trouve avec ce sens dans les romans du xiiie siècle. — « Allume le miston, terme d’argot qui veut dire : Regardez sous le nez de l’individu. » (Almanach des prisons, 1795.)

ALLUMER : Faire éclore l’enthousiasme. — « Malvina remplissait la salle de son admiration ; elle allumait, pour employer le mot technique. » (L. Reybaud.) V. Boutonner.

ALLUMER : Activer, enflammer ses chevaux à coups de fouet. — « Allume ! allume ! » (H. Monnier.)

ALLUMEUR : Compère chargé de faire de fausses enchères dans une vente pour allumer les vrais acheteurs. — « Dermon a été chaland allumeur dans les ventes au dessous du cours. » (La Correctionnelle, journal, 41.)

ALLUMEUSE : Dans le monde de la prostitution, c’est un synonyme de marcheuse. V. ce mot.

Dans ces acceptions si diverses, l’allusion est facile à saisir. Qu’il s’applique à un tête-à-tête, ou à un spectacle, ou à un attelage, ou à un repas, ou à une vente, ou à une provocation charnelle, allumer garde au figuré sa signification incendiaire.

ALPAGUE : Vêtement. (Rabasse.) — Abréviation d’alpaga. Le nom d’un vêtement à la mode pendant une année, aura été pris pour désigner tout autre.

ALPHONSE : Homme entretenu par une femme galante. — Surnom répandu depuis qu’Alexandre Dumas a fait représenter au Gymnase son Monsieur Alphonse dont le héros exerce précisément cette industrie. — « Si tous les Alphonses du boulevard se donnent rendez-vous là, il y aura du travail pour les observateurs. » (Commerson, 75.)

ALTÈQUE : Beau, bon, excellent. (Vidocq.) — Du vieux mot alt : grand, fort, élevé (qui nous est resté dans altitude), accompagné d’une désinence arbitraire, comme dans féodec.

Frangine d’altèque : bonne sœur.

Frime d’altèque : charmante figure. V. Coquer.

ALTER EGO : Autre moi-même.— Latinisme. — « M. Chivot occupait la stalle voisine, applaudissant de tout cœur l’amusante folie de son heureux alter ego. » (E. Blavet.)

AMANT DE CŒUR : Les femmes galantes nomment ainsi l’amant qui ne les paye pas ou qui les paye moins que les autres. La Physiologie de l’amant de cœur, par M. Constantin, a été faite en 1842.

Au dernier siècle, on disait indifféremment ami de cœur ou greluchon. Ce dernier n’était pas, comme on le croit aujourd’hui, un souteneur. Le greluchon ou ami de cœur n’était et n’est encore qu’un amant en sous-ordre auquel il coûtait parfois beaucoup pour entretenir avec une beauté à la mode de mystérieuses amours. — « La demoiselle Sophie Arnould, de l’Opéra, n’a personne. Le seul Lacroix, son friseur, très-aisé dans son état, est devenu l’ami de cœur et le monsieur. » (Rapports des inspecteurs de Sartines, 1762.)

Ces deux mots avaient de l’avenir. Monsieur est toujours bien porté dans la langue de notre monde galant. L’ami de cœur a détrôné le greluchon ; son seul rival porte aujourd’hui le nom d’Arthur.

AMARRES (les) : Les amis. (Rabasse.) — Je ne pense pas que ce soit un jeu de mots. C’est plutôt un exemple du langage en mar. V. ce mot.

AMARRER : Manœuvrer de façon à duper quelqu’un. Mot à mot : jeter l’amarre sur sa crédulité.

AMATEUR : Dans le monde artistique et littéraire, on appelle amateur l’homme du monde qui se fait artiste ou écrivain à certaines heures seulement. — Peinture d’amateur, musique d’amateur et littérature d’amateur sont des termes souvent ironiques par lesquels on désigne, des œuvres peu sérieuses.

AMATEUR : « Rédacteur qui ne demande pas le payement de ses articles. » (1826, Biographie des journalistes.)

AMATEUR : Dans l’armée, on appelle amateur l’officier qui s’occupe peu de son métier.

AMATEUR sert aussi dans l’armée d’équivalent au mot pékin. Un officier dira : Il y avait là cinq ou six amateurs ; comme un soldat ou un sous-officier dira : Il y avait là cinq ou six particuliers.

AMATEUR (clerc) : Dans le notariat, un clerc amateur travaille sans émoluments.

AMBIER : Fuir. (Grandval.) — Vieux mot. On disait au moyen âge amber.

AMENDIER FLEURI : Régisseur. — Jeu de mots expliqué par l’exemple suivant : — « L’amendier fleuri, comme disent les acteurs en parlant du généreux distributeur d’amendes qui surveille la scène. » (Vie parisienne, 65.)

AMÉRICAIN : Escroc feignant d’arriver d’Amérique. Pour plus de détails. V. Charriage.

AMÉRICAIN (œil) : Œil scrutateur. — Allusion à la vue perçante prêtée par les romans populaires de Cooper aux sauvages de l’Amérique. — « Ai-je dans la figure un trait qui vous déplaise, que vous me faites l’œil américain ? » (Balzac.) — « J’ai l’œil américain, je ne me trompe jamais. » (Montépin.)

AMÉRICAIN (œil) : Œil séducteur.— « L’œillade américaine est grosse de promesses, elle promet l’or du Pérou, elle promet une ardeur amoureuse de soixante degrés Réaumur. » (E. Lemoine.)

AMÉRICAINE : Voiture découverte, à quatre roues. — « Une élégante américaine attend à la porte. Un homme y monte, repousse un peu de côté un tout petit groom, prend lui-même les guides et lance deux superbes pur-sang au galop. » (Figaro.)

AMÉRICAINE (vol à l’). V. Charriage.

AMOUR : Aimable comme l’Amour. — « Armée de son registre, elle attendait de pied ferme ces amours d’abonnés. » (L. Reybaud.) — « Comme j’ai été folle de Mocker ; quel amour de dragon poudré ! » (A. Frémy.)

Amour a fini par s’appliquer dans le sens de « aimable » à la première chose venue. — « Quel amour de mollet ! Il faut que je le baise. » (E, Villars.) — « Je mourrais d’ennui par ici, moi. J’ai trouvé, rue de la Paix, un amour d’appartement. » (Dumas fils, le Demi-Monde.)

AMOUREUX DES ONZE MILLE VIERGES : « Dans le sens où l’on entend ce proverbe, dit M. Charles Rozan, aimer les onze mille vierges, c’est aimer toutes les femmes, c’est croire, dans le feu de la première jeunesse, que toutes les femmes sont également dignes de notre amour. » — Ce chiffre de onze mille est une allusion à la tradition du martyre de sainte Ursule et des onze mille vierges, ses compagnes, mises à mort par les Huns, près de Cologne, vers 384.

ANCIEN : Mot d’amitié. Il peut se dire à un jeune homme et signifie : ancien ami. Mon vieux offre la même idée.

ANCIEN : Vieillard. V. Asphyxier.

ANCIEN (l’) : Napoléon Ier. Mot à mot : l’ancien souverain. — Une caricature de 1830 porte cette légende : « Vive Napoléon II ! — Tais ta langue, patriote, n’parle pas du fils de l’ancien ; ce n’est plus qu’un Autrichien élevé à l’école d’un jésuite. »

ANCIEN : Élève de première promotion à l’École polytechnique ou à l’École de Saint-Cyr. V. Absorption.

ANCHTIBBER : Arrêter. (Rabasse.) — Ce serait mot à mot : mettre en botte, chausser. V. Chtibbe.

ANCHOIS (œil bordé d’) : Œil aux paupières rougies et dépourvues de cils. — L’allusion sera comprise par tous ceux qui ont vu des anchois découpés en lanières. — « Je veux avoir ta femme. — Tu ne l’auras pas. — Je l’aurai, et tu prendras ma guenon aux yeux bordés d’anchois. » (Vidal, 33.)

ANDOSSE : Échine, dos. (Grandval.) Épaules.(Rabasse.)

ANDOUILLE : Personne sans énergie, aussi molle qu’une andouille. Un vrai maladroit s’appelle andouille ficelée.

ÂNE DE BURIDAN (être comme l’) : Ne savoir que décider. — « Buridan est un dialecticien du xive siècle. Pour prouver le libre arbitre des animaux, il supposait un âne également pressé par la soif et par la faim, le plaçait entre un picotin d’avoine et un seau d’eau, également distants, faisant sur lui la même impression et il demandait : » Que fera cet âne ? » (Rozan.)

ANGLAIS : Créancier. — Mot ancien. On est d’autant plus porté à le regarder comme une allusion ironique aux Anglais, que les Français se moquaient volontiers de leur perpétuel ennemi. — Ainsi, milord et goddem sont employés ironiquement dès le moyen âge. V. Milord, Goddem.

Malgré des avis contraires, mais appuyés selon nous par des exemples trop peu concluants, c’est encore l’opinion de Pasquier qui nous semble préférable. Il fait venir ce terme des réclamations des Anglais qui prétendaient que la rançon du roi Jean, fixée à trois millions d’écus d’or, par le traité de Brétigny, n’avait pas été entièrement payée.

Oncques ne vys Anglois de votre taille,
Car, à tout coup, vous criez : baille, baille !
(Marot.)

On trouve des exemples d’Anglais dans la Légende de Pierre Faifeu. M. Fr. Michel a relevé cette mention dans les poésies de Guillaume Crétin (xve siècle :

Et aujourd’hui je faictz solliciter
Tous mes Angloys, pour mes restes parfaire,
Et le payement entier leur satisfaire.

« Assure-toi que ce n’est point un Anglais. » (Montépin.)

ANGLAIS SONT DÉBARQUÉS (les) : Ces mots désignent une incommodité périodique chez la femme. Allusion à la couleur favorite de l’uniforme britannique.

Il est aussi brave
Que sensible amant,
Des anglais il brave
Le débarquement
(Chansons. impr. Chastaignon, 1851.)
Recueils de la bibl. nationale.

ANGLAISES : Longues boucles de cheveux pareilles à celles dont se coiffent volontiers les dames britanniques. Elles ont été surtout à la mode en France vers 1840. — « Une femme aux anglaises blondes lui heurte le bras. » (Monselet.)

ANGLAISES : Latrines à l’anglaise,c’est-à-dire munies d’une cuvette à soupape.

ANGLUCE : Oie. (Vidocq.)

ANGOULÈME (se caresser l’) : Boire et manger. Mot à mot : se caresser le palais, mettre en goule, du vieux mot goule (gueule). Nous avons encore goulu et goulafre (glouton), — « Il y en a qui ne se sont pas encore caressé l’angoulème depuis la veille. » (E. d’Hervilly.)

ANGUILLE : Ceinture. (Vidocq.) — Une ceinture de cuir noir gonflée d’argent ressemble à une anguille.

ANGUILLE DE BUISSON : Couleuvre. — « Il vend des anguilles de buisson, comme on dit en langage populaire, à certains gargotiers qui en font d’excellentes matelotes. » (Privat d’Anglemont.)

ANSE : Bras. L’anse est le bras du vase. V. Arque-pincer. — Offrir son anse, offrir son bras.

ANSES : Oreilles — Comparaison de la tête au pot.

ANSES (une paire d’) : Une paire de grandes oreilles écartées. Vues de face, elles ressemblent aux anses d’un pot.

ANSES (panier à deux) : Homme ayant une femme à chaque bras.

ANTIF (battre l’) : Marcher. Mot à mot : battre le grand chemin. — Antif est un vieux mot qui signifie antique, et se rencontre souvent dans les textes du moyen âge uni à celui de chemin. — Un chemin antif était un chemin ancien, c’est-à-dire frayé.

ANTIFFE : Marche. (Grandval.) Mot à mot : action de battre l’antif.

ANTIFFER : Entrer. (Rabasse.)

ANTIFFER (s’) : Se marier. (Rabasse.) — Forme moderne d’antifler. — Se dit aussi pour être séduit, se laisser circonvenir.

ANTIFLE (battre l’) : Cafarder, dissimuler. Mot à mot : hanter l’église. V. Antifler.

ANTIFLER, ENTIFLER : Marier. (Vidocq.) — Vient du vieux mot antie, église. — Là se fait la célébration du mariage. Entifler est donc mot à mot : mener à l’église. — « Ah ! si j’en défouraille, ma largue j’entiflerai. » (Vidocq.)

ANTIPATHER : Avoir de l’antipathie. — « Pas une miette ! Je l’antipathe. » (Gavarni.)

ANTIQUE : Élève sortant de l’École polytechnique. V. Absorption

ANTONNE : Église. (Vidocq,) — Changement de finale du vieux mot antie, église.

ANTONY : Jeune romantique. — Nom du héros d’un drame d’Alexandre Dumas qui fut fort goûté en 1831, — « Après les succès d’Antony, les salons parisiens furent tout à coup inondés de jeunes hommes pâles et blêmes, aux longs cheveux noirs, à la charpente osseuse, aux sourcils épais, à la parole caverneuse, à la physionomie hagarde et désolée… De bonnes âmes, s’inquiétant de leur air quasi cadavéreux, leur posaient cette question bourgeoisement affectueuse : « Qu’avez-vous donc ? » À quoi ils répondaient en passant la main sur leur front : « J’ai la fièvre. » Ces jeunes hommes étaient des Antonys. » (E. Lemoine.) — « D’ici à quelques années, il y aura moins de chance de voir les jeunes Antonys plonger leur dignité dans le fossé bourbeux de la réclame. » (Figaro, 65.)

ANTONYQUE, ANTONYSME : La pose funèbre dont nous venons de parler, fit créer également les mots antonyque et antonysme. — « Ce sourire est mélancolique ou antonyque, ce qui est un. » (Lemoine.) — Quant à l’antonysme, il mourut sous les épigrammes des loustics… lesquels ne voient plus une demoiselle de comptoir sur le retour sans lui dire : « N’êtes-vous pas ma mère ? » et ne vous dévorent plus la moindre côtelette de mouton sans pousser la fameuse exclamation : « Elle me résistait, je l’ai assassinée ! » (E. Lemoine.)

ANTROLER : Emporter. (Vidocq.) — Des mots entre roller : rouler ensemble.

APLOMB : Droit au but.

Sus c’coup-là, je m’aligne.
L’gonse allume mon bâton.
J’allonge sur sa tigne
Cinq à six coups d’aplomb.
(Aubert, Chansons, 1813.)

Ah ! fallait voir comme il touchait d’aplomb.
(Les Mauvaises rencontres, chanson.)

APÔTRE : Doigt. (Vidocq.) — Jeu de mots. Le doigt du voleur happe souvent.

APPAS : Seins.

Madame fait des embarras.
Je l’ai vue mettre en cachette
Des chiffons pour des appas.
(Matt., Chansons.)

APPELER AZOR : Siffler. V. Azor.

APPUYER SUR LA CHANTERELLE. V. ce mot.

À QUIA : Acculé dans une situation désespérée. — Latinisme. — S’est dit d’abord des logiciens pris en défaut, qui, ne sachant plus quoi répondre, donnaient un parce que (quia) pour toute raison. Régnier, le satirique, met ainsi en scène un donneur de fausses raisons :

Par hazard disputant, si quelqu’un luy réplique,
Et qu’il soit à quia : « Vous êtes hérétique. »

AQUIGER : Prendre, dérober. — D’où le vieux mot d’argot aquige-ornie, maraudeur. Mot à mot : voleur de poules.

AQUIGER : Palpiter. V. Coquer.

AQUIGER : Blesser, battre, endommager. — « Me voici enfin demarré de ce maudit ponton et sans être aquigé. » (Rabasse.)

AQUIGER LES BRÊMES : Entailler, biseauter les cartes. (Vidocq.)

ARAIGNÉE DANS LE PLAFOND (avoir une) : Déraisonner. — La boîte du crâne est ici le plafond, et l’araignée folie y tend ses toiles. V. Plafond.

ARIA : Embarras. — V. Haria

ARBALÈTE : Croix de cou, bijou de femme. (Vidocq.) — L’arbalète détendue ressemble à une croix.

ARBALÈTE D’ANTONNE : Croix d’église.

ARBI : Arabe. Pour Arabi ; argot d’Algérie. — « Sobres les Arbis, une poignée de son, un peu d’eau, le coin de leur burnous, voilà leur repas dans les haltes. » (Commentaires de Loriot.)

ARBICO : Petit Arabe. — Diminutif d’Arbi. — « La Maghrnia : une école de petits Arbicos, un hôpital et un magasin. » (Commentaires de Loriot.)

ARCASIEN, ARCASINEUR : Celui qui monte un arcat.

ARCAT (monter un) : Écrire de prison, et demander une avance sur un trésor enfoui, dont on promet de révéler la place. — Vient d’arcane, mystère, chose cachée. — La lettre qui sert à monter l’arcat s’appelle lettre de Jérusalem, parce qu’on l’écrit sous les verrous de la Préfecture. Vidocq assure qu’en l’an VI, il arriva de cette façon plus de 15,000 francs à la prison de Bicêtre.

ARCHE DE NOÉ : Académie française, disent les dictionnaires d’argot qui ont précédé le nôtre.

Je n’hésite pas à soutenir que le mot est de pure invention, que les argotiers anciens ignoraient l’existence de l’Académie, et qu’aujourd’hui un faubourien ne sait pas du tout ce que veut dire arche de Noé. Cette mystification philologique est due sans doute à l’esprit malicieux de quelque homme de lettres chargé de surveiller l’impression d’un vocabulaire que tous les autres auront copié. Vidocq, ou plutôt celui qui travaillait pour lui, en a fait autant. De là une erreur partout reproduite. Vidocq a du reste fait école de notre temps et vers 1865 un dictionnaire argotique a donné cul à fauteuil, mal choisi, enfant de la fourchette, etc., comme synonymes d’académiciens dans la bouche des voyous parisiens. Toutes ces petites malices sont de pures inventions.

ARCHE (aller à l’) : Chercher de l’argent. (Vidocq.) — Du vieux mot arche : armoire, coffre, qui a fait archives.

ARCHE (fendre l’) : Ennuyer. — Mot à mot : fendre le coffre. — « Ça commençait à me fendre l’arche. Je lui dis : Pas de bêtises, mon vieux. » (Monselet.)

ARCHI : Préambule dont la langue usuelle se sert à tout propos, du moment qu’il s’agit d’inventer un superlatif. — Le Dictionnaire de l’Académie reconnaît, du reste, qu’on peut former de la sorte un très-grand nombre de mots. Nous en citons un exemple entre mille : — « Je suis guérie… bien guérie… oh ! archiguérie. » (Villars.)

ARCHIPOINTU : Archevêque. Même observation que pour arche de Noé. Nous ne croyons pas à l’usage réel de ce mot. Je ferai de plus remarquer que les dictionnaires où il se trouve ne donnent pas même le mot pointu pour évêque, ce qui devrait être en bonne logique, car pointu fait allusion ici aux pointes de la mitre.

ARCHI-SUPPOT : Voleur émérite. — N’est plus usité.

ARÇON : Signe d’alerte convenu entre voleurs. — Du vieux arçon, archet, petit arc. Du temps de Vidocq (1837), c’était un C figuré à l’aide du pouce droit sur la joue droite. — La courbe du C représente la forme d’un arc.

ARCPINCER, ARQUEPINCER : Prendre, arrêter. — Pincer au demi-cercle est très-usité dans le même sens. Il est à remarquer qu’arc et demi-cercle présentent la même image. — « Daignez arquepincer mon anse.» (Almanach du hanneton, 67.)

ARDENT : Chandelle. (Vidocq.) — Le mot a été bien porté, car M. Francisque Michel l’a trouvé quatre fois dans le Dictionnaire des précieuses, de 1660.

ARDENTS : Yeux. (Dictionnaire d’argot moderne, 44.) — Le verbe allumer, regarder, entraînait naturellement ce substantif. V. Allumer.

ARGA : Part. « Pour mon arga, je serai ton dévoué jusqu’à la mort. » (Rabasse.)

ARGANEAU : Anneau réunissant deux forçats.(Colombey.)

ARGUCHE : Diminutifs du vieux mot argue, ruse, finesse, argot. — L’argot est une ruse de langage. V. Truc.

ARGUEMINE : Main. — « Je mets l’arguemine à la barbue. » (Vidocq.)

ARIA : Embarras. — Du vieux mot arrie, obstacle. — « J’ai eu bien des arias avec la douane à cause de mes malles. » (Monselet.) V. Haria.

ARICOTEUR : Bourreau. (Vidocq.) — « C’est demain que Charlot fera un haricot de ton corps. » (L’Écluse, 1766.)

ARISTO : Aristocrate, homme quelconque se trouvant en bonne situation. — Abréviation. — « C’est vrai ! tu as une livrée, tu es un aristo. » (D’Héricault.)

ARISTOCRATE : Nom donné par les détenus à ceux qui ont assez d’argent pour être à la pistole. (Rabasse.)

ARLEQUIN : Assemblage de rogatons achetés aux restaurants et servis dans les gargotes de dernier ordre. — « C’est une bijoutière ou marchande d’arlequins. Je ne sais pas trop l’origine du mot bijoutier ; mais l’arlequin vient de ce que ces plats sont composés de pièces et de morceaux assemblés au hasard, absolument comme l’habit du citoyen de Bergame. Ces morceaux de viande sont très-copieux, et cependant ils se vendent un sou indistinctement. Le seau vaut trois francs. On y trouve de tout, depuis le poulet truffé et le gibier jusqu’au bœuf aux choux. » (P. d’Anglemont.)

ARMOIRE À GLACE : Quatre de jeu de cartes. « Tenez sur galuchet, et de l’armoire à glace évitez la beauté. » (Alyge.)

ARNAC (à l’) : Avec préméditation. (Rabasse.) — Semble une forme moderne d’arnache.

ARNACHE : Tromperie. (Vidocq.) — Du vieux mot harnacher, tromper.

ARNAUD (avoir son), ÊTRE ARNEAU : Être de mauvaise humeur. (Halbert, Rabasse.) D’arnauder.

ARNAUDER ; Murmurer. Mot à mot : renauder à. V. Renauder.

ARNELLE : Rouen. (Vidocq.)

ARNELLERIE : Rouennerie. (Idem.)

ARPAGAR : Arpajon (Seine-et-Oise). — Changement de finale. (Vidocq.)

ARPETTE : Apprenti. (Rabasse.)

ARPION, HARPION : Pied. — C’est le vieux mot arpion : griffe, ongle. Harpon et harponner sont restés dans la langue. — « J’aime mieux avoir des philosophes aux arpions. » (E. Sue.)

ARQUEPINCER : Arrêter. V. Arcpincer.

ARRACHER DU CHIENDENT : Chercher une occasion de voler. C’est un pendant d’aller au persil. V. Persil.

ARRÊTER LES FRAIS : Suspendre une chose commencée. — Terme emprunté au jeu de billard où on arrête les frais (de location du billard) dès qu’on ne joue plus.

ARRIÈRE-TRAIN : Derrière.

Rien ne me déplaît plus par contre que ce crin
Dont les dames se font un faux arrière-train.
(H. Briollet)

ARRIVER PREMIER : Dépasser tout concurrent. — Terme de sport. — Se prend au figuré. — « Vous êtes ravissante. Watteau et Boucher sont distancés. Vous arrivez première au charme des yeux et des cœurs. » (Almanach du hanneton, 67.)

ARROSER : Payer. V. Galons (arroser ses).

ARROSER : Couvrir de son enjeu, faire des sacrifices d’argent répétés. — « Un monsieur arrose le onze (à la roulette) depuis une heure et le onze n’a pas plus l’air de sortir. » (R. Milton.)

ARSENAL : Arsenic. (Vidocq.) — Changement de finale.

ARSONNEMENT : Onanisme. (Vidocq.)

ARSOUILLE : Ignoble vaurien. — Anagramme du vieux mot souillart qui désignait l’arsouille du moyen âge. La souillardaille était la canaille jadis. (V. Du Cange.) — « C’étaient des arsouilles qui tiraient la savate. » Th. Gautier.)

Arsouille se prend adjectivement. — « Je n’étais accusé que d’un mince délit et je n’avais pas l’air arsouille. » (Lacenaire, Mémoires, 36.)

ART POUR L’ART (faire de l’) : Cultiver les arts ou les lettres sans y chercher de lucre. V. Métier. — « Nous avons connu ces types si étranges, qu’on a peine à croire à leur existence ; ils s’appelaient les disciples de l’art pour l’art. » (Murger.)

ARTHUR : Amant de cœur. — « Sa conduite lui semble la plus naturelle du monde ; elle trouve tout simple d’avoir une collection d’Arthurs et de tromper des protecteurs à crâne beurre frais, à gilet blanc. » (Th. Gautier, 45.) V. Amant de cœur.

ARTHUR : Homme à prétentions séductrices. — « Un haut fonctionnaire bien connu, membre d’une académie, Arthur de soixante ans. » (De Boigne.)

ARTICHAUT (cœur d’) : Cœur inconstant, livré à autant de caprices que le cœur de l’artichaut compte de feuilles. — « Ton cœur est un artichaut. Donne-m’en une feuille. » (Almanach du hanneton, 67.)

ARTICLE (faire l’) : Faire valoir une personne ou une chose comme un article de commerce. — « Malaga ferait l’article pour toi ce soir. » (Balzac.) — « Examinez-moi ça ! comme c’est cousu ! — Ce n’est pas la peine de faire l’article. » (Montépin.)

ARTICLE (être à l’) : Être sur le point de mourir. Mot à mot : à l’article de la mort. — « Il est en l’article et dernier moment de son décès. » (Rabelais, Pantagruel, liv. III, ch. 21.)

ARTICLE (porté sur l’), fort sur l’article : Luxurieux.

ARTICLIER : « C’est un articlier. Vernon porte des articles, fera toujours des articles, et rien que des articles. Le travail le plus obstiné ne pourra jamais greffer un livre sur sa prose. » (Balzac.)

ARTIE, ARTIF, ARTIFFE, ARTON : Pain. — On écrit aussi lartie, lartif, larton. V. ces mots.

En cette piolle
On vit chenument ;
Arton, pivois et criolle
On a gourdement.
(Grandval, 1723.)

ARTIE DE MEULAN : Pain blanc. (Halbert.)

ARTIE DU GROS-GUILLAUME : Pain noir. (Halbert.)

ARTILLEUR À GENOUX : Infirmier militaire. —Allusion au canon du clystère et à la posture que réclame sa manœuvre. — En 1718, Ph. Le Roux nomme déjà mousquetaires à genoux les apothicaires.

On dit aussi : Canonnier de la pièce humide.

ARTIS (langage de l’) : Argot. (Vidocq.)

ARTISTE (trop) : « Il est trop artiste, a dit madame Lecœur. Être artiste veut dire : jeter l’argent par les fenêtres, le dépenser à tort et à travers sans compter, boire de ci et de là, courir la fillette, chanter, rire toujours. » (Privat d’Anglemont.)

ARTISTE : Vétérinaire. — Abréviation du titre connu : artiste vétérinaire. Mot à mot : Maître en l’art vétérinaire.

ARTISTE : Balayeur. — Il manie le pinceau (balai).

ARTON : Pain. V. Artie.

ARTOUPAN : Garde-chiourme. « Ils vous bousculent en véritables artoupans. » (Rabasse.) V. Pésigner.

AS (être à) : Être sans argent. (Rabasse.) Mot à mot : n’avoir qu’un sou par allusion à la valeur représentée par le point de la carte. — On dit aussi : être dans l’as.

AS (à l’) : Au cabinet ou à la table qui porte le no 1 dans un restaurant ou un café. — Allusion à l’unité de l’as du jeu de cartes. « Versez à l’as ! Un soda et une fine par ici. » (A. Laffitte.)

AS DE CARREAU : Officier de place. — Allusion à l’aspect lozangé de ses revers rouges.

AS DE CARREAU : Havresac d’infanterie. — Allusion à sa forme carrée. — « Troquer mon carnier culotté contre l’as de carreau ou l’azor du troupier. » (La Cassagne.)

AS DE PIQUE (fichu comme un) : Mal bâti, mal vêtu. — Jadis on appelait as de pique un homme nul, — « Taisez-vous, as de pique ! » (Molière.)

ASPHALTE (polir l’), Se ballader sur l’asphalte : Flâner sur les trottoirs (asphaltés) des rues et des boulevards. — « Y en a qui vont l’après-midi se ballader sur l’asphalte. » (Almanach du hanneton, 67.)

ASPHYXIÉ : Ivre-mort. Mot à mot : Asphyxié intérieurement par les émanations du liquide absorbé. Charlet a représenté un troupier contemplant un invalide penché sur une table de cabaret, avec ces mots : « L’ancien est asphyxié. »

ASPHYXIER : Boire. — C’est un synonyme à d’étouffer, qui est employé dans le même cas.

Asphyxier le perroquet : Boire un verre d’absinthe. — Les perroquets les plus communs sont verts comme l’absinthe. V. Perroquet.

Asphyxier le pierrot : Boire un verre de vin blanc. — Allusion de couleur. — Pierrot est blanc. — « J’étais-t-allé à la barrière des Deux-Moulins, histoire d’asphyxier le pierrot. » (La Correctionnelle, journal, 41.)

ASPIC : Calomniateur. (Vidocq.) — Allusion au venin du serpent. L’aspic des voleurs n’est que la vipère des honnêtes gens.

ASPIQUERIE : Calomnie.

ASSEOIR (s’) : Tomber, c’est-à-dire ironiquement : s’asseoir par terre.

ASSEOIR (allez vous) : Taisez-vous. — Allusion à la fin obligée des interrogatoires judiciaires. — A. Dalès a fait en 67 une chanson intitulée : Allez vous asseoir.

ASSEYEZ-VOUS DESSUS : Imposez-lui silence.

Asseyez-vous d’ssus,
Et que ça finisse.
Asseyez-vous d’ssus,
Et n’en parlons plus.
(Dalès, Chansons.)

« Ici un enfant se met à pleurer. — Donnez-y donc à téter ? — Asseyez-vous dessus ! Une grosse voix : N’y a donc plus d’Papavoines ? » (Marquet.)

ASTIC : Épée. — Le mot doit être ancien, car il nous a laissé le verbe 'asticoter : faire de petites piqûres, V. Astiquer.

ASTIC : Tripoli, mélange servant à l’astiquage des pièces de cuivre.

Et tirant du bahut sa brosse et son astic,
Il se mit à brosser ses boutons dans le chic.
(Souvenirs de Saint-Cyr.)

ASTICOT : Vermicelle. (Vidocq.) — Allusion de forme.

ASTIQUAGE, ASTIQUE : Nettoyage. — Le second terme est une abréviation du premier. « Au retour de la manœuvre, on endosse sa toilette d’astique. » (Vie parisienne, 66.)

ASTIQUÉ : Reluisant de propreté, bien tenu. — « Peste ! maître Margat, vous avez l’air d’un Don Juan… — Un peu, que je dis ! on a paré la coque… On s’a pavoisé dans le grand genre ! On est suifé et astiqué proprement. » (Capendu.)

ASTIQUER : Battre. Mot à mot : frapper à coups d’astic. V. ce mot. — Au moyen âge, estiquer signifiait frapper de la pointe. On dit encore d’estoc. — Sinon je t’astique, je te tombe sur la bosse. » (Paillet.)

ASTIQUER : Nettoyer. — « Quand son fusil et sa giberne sont bien astiqués. » (33, Vidal.) — « Il n’a pas son pareil pour astiquer les cuivres. » (Éclair, juillet 72.)

AS-TU FINI ? locution employée pour montrer à l’interlocuteur qu’il se met inutilement en frais pour convaincre. — C’est une abréviation de : As-tu fini tes manières ? qui est employé dans le même sens. — « Rires, cris : As-tu fini ?… À la porte !… Asseyez-vous dessus ! »(Marquet.)

ATIGER : Frapper. V. Attiger.

ATOMES CROCHUS : Éléments mystérieux d’une sympathie réciproque. — « Elle a tous les genres d’esprit, de beauté et d’humeur qui me charment ; cependant nos atomes crochus ne se conviennent pas. » (Mérimée.)

ATOUSER : Encourager. (Vidocq.) Mot à mot : donner de l’atout, du courage.

ATOUT : Coup grave. — « Voilà mon dernier atout… Vous m’avez donné le coup de la mort. » (Balzac.)

Expression de joueurs de cartes qui ont appliqué aux accidents de la vie le nom de l’ennemi qu’ils craignent le plus. — En voici un exemple superbe qui prouve l’influence de l’argot parisien sur la triomphante Allemagne. Il nous est fourni par la Gazette de Lorraine du 2 août, organe officiel (prussien), mi-français, mi-allemand, mais rédigé en entier par des Allemands : « Tous les atouts sont dans les mains de l’Allemagne. Elle en donne et n’en reçoit pas. » (1872).

ATOUT : Courage. — « Je ne me plains pas. Tu es un cadet qui a de l’atout. » (E. Sue.)

Même allusion que ci-dessus ; seulement elle est retournée. L’homme a ici l’atout dans son jeu.

ATOUT (avoir de l’) : Avoir le poing solide (Colombey.) ; — avoir du courage. (Rabasse.)

ATTACHE : Liaison galante. Abréviation d’attachement. — « Le troupier ou la bonned’enfant disent en changeant de quartier ou de garnison : Ça m’embête parce que j’avais une attache. » (J. Choux.)

ATTACHE : Boucle. (Vidocq.) — Effet pris pour la cause. — « J’engantais sa tocquante, ses attaches brillantes avec ses billemonts. » (Vidocq.) V. Chêne.

ATTAQUE (d’) : Vivement, spontanément.

Une homme d’attaque est un homme d’action.

ATTENDRIR (s’) : Se griser. Mot à mot : s’attendrir sous l’empire d’un commencement d’ivresse. Dix minutes avant le buveur attendri n’était qu’ému. — « Le capitaine qui avait religieusement vidé son verre à chaque mot, s’attendrit. » (Th. Gautier.)

ATTIGER : Frapper, saisir. (Vidocq.) — Ce doit être un vieux mot, car l’attingere (atteindre) des Latins s’y retrouve presque entier.

ATTRAPAGE : Vive discussion, dispute, pugilat. — « La femme de l’adjoint se fait remarquer au marché par ses attrapages avec les vendeuses. » (Paris comique, 69.)

ATTRAPER : Faire un dessin semblable au modèle. Mot à mot : attraper la ressemblance. — « Elle s’éprit de l’artiste qui m’avait si bien attrapé et alla pleurer dans son sein sur mon indifférence. » (Marx.)

ATTRAPER : Critiquer vertement, reprocher, injurier. — « J’en suis encore à me demander en quoi cette phrase blesse la morale ; ceux qui l’ont attrapée, — style de théâtre, — devraient bien me renseigner là-dessus. » (Dumas fils, 66.)

ATTRAPER (s’) : En venir aux injures ou aux coups.

Atraper l’ognon : Payer pour les autres.

ATTRAPEUR : Critique acerbe. — « Ainsi les attrapeurs, francisons le mot, ne pouvant s’en prendre à une scène hasardée, s’en prirent-ils aux mots. » (Al. Dumas fils, 66.)

ATTRIMER : Prendre. Mot à mot : faire trimer à soi, attirer.

ATTRIQUER : Acheter. (Vidocq.) — Mot ancien, car Du Cange lui donne un vrai pendant dans attrosser : vendre.

AUBER : Somme d’argent. (Vidocq.) — Jeu de mots. — Maille se disait jadis d’une petite monnaie et d’un anneau de haubert (cotte de mailles). — Au point de vue financier comme au point de vue militaire, l’auber était donc la réunion d’un certain nombre de mailles. V. Fouillouse, Chêne. — « Il a de l’aubert : il a de la fortune. » (Rabasse.)

AUMONE (voler à l’) : Voler chez un bijoutier en faisant étaler chez lui de menus objets et en plaçant ceux qu’on peut détourner dans la main de faux mendiants arrêtés à la porte et auxquels on semble faire l’aumône. Ce genre est pratiqué par des femmes mises avec élégance.

AUMONIER : Voleur à l’aumône. V. ci-dessus.

AUTAN : Grenier. (Vidocq.) — Du vieux mot hautain : élevé. — Le grenier occupe le haut de la maison.

AUTEUR : Père. — Mot à mot : auteur de mes jours. — « Il est impossible de voir un auteur (père) plus chicocandard. » (Th. Gautier.) — « Il n’est pas de notre monde, mais mon auteur a la rage d’inviter des familles de marchands. » (Du Boisgobey.)

AUTOR (d’) : D’autorité. — Abréviation. — Un coup d’autor et d’achar est irrésistible. On joint d’ordinaire ces deux mots. V. Achar, Liquide.

AUTOR (jouer d’) : Jouer d’autorité, sans demander des cartes. — « Ah ! vous jouez d’autor ! — Yes, d’autor et d’achar. » (Boué de Villiers.)

AUTRE (V) : Napoléon Ier, c’est-à-dire l’autre souverain. Usité sous Louis XVIII — « M. de Saint-Robert était, du temps de l’Autre, officier supérieur dans un régiment de la vieille. » (Couailhac.)

AUTRE COTÉ (femme de l’) : Les étudiants appellent ainsi les lorettes habitant la rive droite, c’est-à-dire l’autre côté de la Seine. — « C’est Annette. C’est une femme de l’autre côté. » (Les Étudiants, 60.) V. Goîtreux.

AUVERPIN : Auvergnat. — Changement de finale. — « Est-ce qu’il n’y a pas, dans ce quartier, un brave Auverpin qui a fait des affaires ? » (Privat d’Anglemont.)

AUXILIAIRE : Détenu faisant les fonctions de domestique. — « L’auxiliaire est l’homme de ménage du prisonnier politique. Il fait son lit, balaye la cellule et vide ce qu’il y a à vider. » (G. Guillemot.)

AVALE-TOUT-CRU : Voleur de diamants. V. Détourne.

AVALÉ LE PÉPIN (avoir) : Devenir enceinte. (Deivau.) — Allusion à la pomme qui causa la première faute d’Ève.

AVALER LE LURON : Communier. (Colombey.) — Allusion à la forme ronde de l’hostie.

AVALER SA CUILLER, SA FOURCHETTE, SA LANGUE, SA GAFFE : Mourir. — L’homme qui meurt ne mange, ne parle et ne navigue plus. — Le dernier terme a été trouvé, comme on s’en doute, par un marin.

AVALER SON POUSSIN : Être congédié. — Mot à mot : être repoussé.

AVALOIR : Gosier. (Vidocq.) — La fonction est prise ici pour la chose. — « Quand vous rincez votre avaloir, vous êtes prié de quitter le comptoir. » (La Maison du lapin blanc, 58.) Caillot, dans son Dictionnaire proverbial (29), écrit avaloire (gorge, gosier), et donne cet exemple, sans préciser la source : « Je le vois. Quelle avaloire !» (Théâtre italien.)

AVANCÉ : Voulant le progrès quand même. — « Il se distinguait par des idées avancées. » (Villemot.)

On dit aussi : C’est un avancé.

AVANTAGES, AVANT-CŒUR, AVANT-MAIN, AVANT-SCÈNES : Seins. — Quadruple allusion à leur saillie, à leur avancement naturel. — « De l’avant-main, petite bouche et lèvres de carmin. » (A. Belot.) — « N’étouffons-nous pas un petit brin ? lui dit-il en mettant la main sur le haut du busc ; les avant-cœur sont bien pressés, maman. » (Balzac.) — « C’est trop petit ici : la société y sera comme les avantages de madame dans son corset. » (Villemot.)

AVERGOT : Œuf. (Vidocq.)

AVOINE (donner de l’) : Fouetter un cheval. (Deivau.) — Ironie.

AVOIR À LA BONNE, AVOIR CELUI, AVOIR DANS LE VENTRE, AVOIR DU BEURRE, DU CHIEN, etc., etc. V. Bonne, Celui, Ventre, Beurre, Chien, etc. Le verbe Avoir nous a paru ici l’accessoire et non le principal.

AVOIR RIEN DU COTÉ GAUCHE (n’), N’avoir rien sous le téton gauche : Manquer de cœur, n’avoir pas de cœur. — « Les femmes n’ont plus rien du côté gauche, du coton tout au plus. » (L.-G. Jacques, 68.)

AZOR : Sac d’infanterie. — Son pelage lui a fait donner le nom de chien. — « Le mauvais drôle avait vendu son havre-sac, qu’il appelait son Azor. » (Vidal, 33.) — « Lorsqu’il s’est agi de mettre Azor sur les épaules, j’ai cru qu’on l’avait bourré de cailloux. » (Commentaires de Loriot.)

À cheval sur Azor : Sac au dos. — Un fantassin en route dit qu’il part à cheval sur Azor.

AZOR : Chien. — On dit : Madame et son Azor, quand même il s’appellerait de tout autre nom, tellement celui-là s’est répandu, sans doute à cause du succès de l’ancien opéra de Grétry, Zémire et Azor.

AZOR (appeler) : Siffler un acteur sans plus de façon qu’un chien. — « Dites donc, madame Saint-Phar, il me semble qu’on appelle Azor. » (Couailhac.)

AZTÈQUE : Petit et chétif comme cette peuplade de l’ancienne Amérique. — « Péreire m’a fermé la porte au nez. C’est un Aztèque. » (About.)