Dictionnaire de théologie catholique/VANITÉ

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant, Eugène Mangenot, Émile AmannLetouzey et Ané (Tome 15.2 : TRINITÉ - ZWINGLIANISMEp. 501-502).

VANITÉ. — La vanité étant une forme de la vaine gloire, étudiée t. vi, col. 1429 sq., on se contentera d’en donner ici une description plus précise, de rappeler les leçons de l'Écriture à son sujet et d’en apprécier brièvement la moralité.

Description et définition.

La vaine gloire se greffe sur l’orgueil, dont elle est un effet difficilement séparable, voir Orgueil, t. xi, col. 1418. La vanité est cette forme de vaine gloire qui s’attache à rechercher une manifestation d’excellence dans les choses futiles et sans valeur réelle. Ce qui a fait dire à Paul Valéry que « l’orgueil est aux vanités ce que la foi est aux superstitions ». La vanité, c’est donc l’orgueil s’attachant à des choses vaines : « Chez des personnes peu profondes, l’orgueil s’appelle vanité, parce qu’il s’attache à des choses vaines : briller, passer pour intelligente, élégante, recueillir des hommages et des compliments… Il ne s’agit pas d’avoir une valeur véritable, mais seulement d'être admirée. On n’est pas soucieuse de ce qui est, mais de ce qui paraît. La vanité est parfois très grossière : on parle de soi sans cesse, on se défend d’avoir tort, on rappelle ce qu’on a fait de bien, on veut toujours surpasser les autres ; vite tout cela touche au ridicule. Mais la vanité inspire aussi toutes sortes de manèges pour attirer l’attention sur soi et se faire valoir. Une jeune Tille vaniteuse n’est jamais simple ni tout a fait sincère… » Mme Daniélou, Livre de sagesse pour les filles de France, Paris, s. d., p. 175.

Dans sont traité De l'éducation des filles, Fénelon a noté les manifestations habituelles de la vanité chez les filles : le désir violent de plaire, la passion pour les ajustements : « Une coiffe, un bout de ruban, une boucle de cheveux plus haut ou plus bas, le choix d’une couleur, ce sont, pour elles, autant d’affaires importantes. » Les hommes ne sont pas exempts de ce défaut. La Bruyère esquisse le portrait du vaniteux : » Arrias atout lii, tout entendu… Il aime mieux mentir que de se taire ou de paraître ignorer quelque chose. » Les caractères. De la société et de la conversation, c. v. Et Montesquieu, dans ses Lettres persanes, n’oublie pas les vaniteux : « Des gens qui parlent sans cesse d’eux-mêmes ; leurs conversations sont un miroir qui présente toujours leur impertinente figure ; ils vous parlent des moindres choses qui leur sont arrivées et ils veulent que l’intérêt qu’ils y prennent les grossisse à leurs yeux ; ils ont tout fait, tout vii, tout pensé ; ils sont un modèle universel, un sujet de comparaison inépuisable, une source d’exemple qui ne tarit jamais. » Lettre 50. Chez certains hommes qui recherchent volontiers l’admiration d’autrui pour leurs œuvres personnelles, il y a peut-être le sentiment d’une certaine insuffisance : « Il y a de la modestie au fond de la vanité, C’est pour se rassurer qu’on cherche l’approbation, et c’est pour soutenir la vitalité peut-être insuffisante de son œuvre qu’on voudrait l’entourer de la chaude admiration des hommes, comme on met dans du coton l’enfant né avant terme. Mais celui qui est sûr, absolument sûr, d’avoir produit une œuvre viable et durable, celui-là n’a plus que faire de l'éloge et se sent au-dessus de la gloire… » H. Bergson, L'énergie spirituelle, 32e éd., Paris, 1944, p. 24.

Saint Thomas s’est efforcé de préciser quelles sont les choses vaines auxquelles s’attache l’orgueil pour devenir vanité :

Parfois, la chose vaine est ce qui n’a pas de réalité ; c’est en ce sens qu’une chose fausse est dite vaine et que le psalmiste a dit (iv, 3) : « Jusques à quand aimerez-vous la vanité et rechercher-ez-vous le mensonge ? » — Chose vaine aussi tout ce qui n’a pas de solidité, qui manque de fermeté ; c’est ainsi que, constatant la mobilité des choses humaines, l’Ecclésiaste s’est écrié (i, 3) : « Vanité des vanités et tout n’est que vanité. » — Enfin, c’est encore chose vaine ce qui ne peut atteindre sa fin propre : médecine vaine, celle qui ne rend pas la santé. Le Serviteur de Jahvé, dans Isaïe (xlix, 4) dit en ce sens à Dieu : « C’est en vain que je me suis fatigué ; c’est inutilement, pour rien, que j’ai consumé ma force. » S. Thomas, De malo, q. ix, a. 2.

Leçons de l'Écriture.

Ces trois acceptions de la vanité des choses terrestres ou des sentiments humains sont exploitées dans les enseignements de l'Écriture.

Vanité, parce que, reposant sur le mensonge et l’irréalité, l’attitude des impies adorant les idoles et leurs idoles elles-mêmes, Is., xli, 29 ; cf. ps. iv, 3 ; celle des Israélites qui se sont détournés de Jahvé pour suivre les vanités (des idoles) et devenir par là vanité eux-mêmes, Jer., ii, 5 ; vanité, les visions des faux prophètes, Ez., xiii, 6 ; cf. xxii, 18, ainsi que les enseignements des faux docteurs. II Pet., ii, 18. Pris pour Jupiter et Mercure, Barnabe et Paul adjurent les habitants de Lystres de « quitter ces vanités » pour « se tourner vers le Dieu vivant ». Act., xiv, 14. Tout ce qui n’est pas service de Dieu est vanité. Ps. cxix (cxviii), 37. C’est par le péché (d’Adam) que la création a été assujettie à la vanité. Rom.,

vin, 20. Vanité, les discussions inutiles sur les généalogies et la Loi, Tit., iii, 9 ; religion vaine, celle du chrétien qui ne sait pas mettre un frein à sa langue. Jac, i, 26.

Vanité, parce que de peu de consistance et de valeur et parce que soumises aux fluctuations les plus diverses, les pensées des hommes, ps. xciv (xcm), 11 ; et saint Paul s’inspire de ce texte pour déclarer vaines les pensées des sages eux-mêmes, I Cor., iii, 20 ; à plus forte raison celle des païens. Eph. iv, 17. Les hommes mortels sont vanité, tous ensemble plus légers qu’un souffle, ps. lxii (lxi), 11 (et la Vulgate ajoute : « afin de tromper pour des choses vaines » ). Ainsi encore vanité est le secours de l’homme si on le compare au secours de Dieu, ps. cvm (cvn), 13 ; vanité fugitive l’homme courant à la mort, les trésors mal acquis, Prov., xxi, 6 ; vanité, la beauté (féminine) qui passe. Prov., xxxi, 30.

Vaines et trompeuses sont les espérances de l’insensé. Eccli., xxxiv, 1. Les songes et la divination sont vanité, ibid., 8 ; seule l’espérance en Dieu ne trompe pas. Ibid., 13-14. Vains sont les efforts de ceux qui ne travaillent pas avec le Seigneur, ps. cxxvii (cxxvi), 1 : l’Oint du Seigneur peut ainsi braver les vains efforts de ses ennemis. Ps. ii, 1.

Sur cet enseignement, l’Ecclésiaste jette sa note personnelle et désenchantée : « Vanité des vanités, vanité des vanités I tout est vanité ». i, 2. Les choses humaines sont vanité et misère ; elles sont dans un flux perpétuel, i, 3-11 ; la sagesse elle-même est vanité, i, 12-18.Vanité de la joie et du plaisir, ii, 1-11 ; vanité de la sagesse : le sage a le même sort que l’insensé, ii, 12-17 ; vanité de la richesse péniblement acquise, ii, 18-25. Tout cela est « vanité et poursuite du vent ». L’homme, en effet, est impuissant à changer quoi que ce soit dans l’ordre du monde, iii, 1-15, impuissant devant les injustices de ce monde, iii, 16-22 ; impuissant en face des maux et des tourments de la vie. iv, 1-16. Autre vanité : le sort des justes est souvent le même que celui des méchants, viii, 10-14 ; cf. ix, 1-10. L’ignorance de l’homme lui montre la vanité de l’étude et de la sagesse, viii, 9-10. Il semblerait donc qu’il faille jouir de la vie. xi, 8-9. Cependant tout aboutit au jugement de Dieu, xi, 9, et donc « le résumé de tout ce discours : Crains Dieu et observe ses commandements, car c’est le tout de l’homme. Car Dieu citera en jugement sur tout ce qui est caché toute œuvre soit bonne soit mauvaise ». xii, 13-14. Cf. Dicl. de la Bible, art. Vanité’, t. vi, col. 2375

Moralité.

On se reportera à ce qui a été dit de

la culpabilité de la vaine gloire, t. vi, col. 1430. La vanité, s’attachant à des choses futiles et vaines, ne saurait, en soi, dépasser la faute vénielle. Toutefois le désir de paraître et de se faire valoir peut parfois entraîner à des fautes graves : « à des indélicatesses, à la méconnaissance des vrais devoirs, tout étant sacrifié à ces jouissances pourtant sans valeur de la vanité satisfaite. » Mme Daniélon, loc. cit.

A. Michel.