Dictionnaire de la Bible/Tome 5.1.a PE-PIEGE

Dictionnaire de la Bible
(Volume Vp. 1-2-353-354).

DICTIONNAIRE
DE LA BIBLE

Séparateur


, פ, dix-septième lettre de l’alphabet hébreu. Son nom signifie « bouche », cf. le grec Πῖ, mais les formes primitives de ce caractère dans l’alphabet sémitique n’ont rien qui rappelle la forme de la bouche. Cette lettre a toujours eu chez les Hébreux une double prononciation, l’un aspirée, comme celle du φ grec par exemple dans אזפיר, ’Ofir, Ophir, et celle du p, ainsi que l’attestent les transcriptions grecques des mots פלכש, πάλλαξ, « concubine ; » ישפה, ἰάσπις, « jaspe ; » כרפס, ϰάρπασος ; פרם, Perse. Les Massorètes distinguent le Phé aspiré, פ, du Pé, par un daguesch doux, פ. Saint Jérôme transcrit le p dur comme le phé par ph dans les noms propres, Phihahiroth, Phithom, au lieu de Pi-hahîrôt, Pithom, etc., excepté dans le premier élément du nom de Putiphar (Septante : Πετεφρῂς) dans Palæstini, Exod., xxiii, 31, etc., paradius, pascha, Persa, Perses, Persis.

PEARCE Zacharie, théologien anglican, né à Londres le 8 septembre 1690, mort à Little-Ealing le 29 juin 1774. Ses premières études se firent à Westminster, puis il alla au collège de la Trinité à Cambridge. Il s’appliqua tout d’abord à l’étude des classiques et se distingua comme philologue. Il publia une édition du traité De sublimitate de Longin et des deux ouvrages de Cicéron De oratore et De officiis. Entré dans les rangs du clergé anglican, il fut chapelain du lord chancelier Parker. Après avoir rempli divers ministères il devint en 1739 doyen de Winchester, puis en 1748 évêque de Bangor et en 1756 de Rochester et doyen de Westminster. Le seul ouvrage que nous ayons à mentionner de cet auteur est le suivant : A Commentary with notes on the four Evangelists and the Acts of the Apostles, together with a new translation of St. Paul’s first Epistle to the Corinthians, with a paraphrase and notes to which are added other theological pièces, 2 in-4o, Londres, 1774. En tête de cet ouvrage se trouve une vie de L. Pearce par Jean Derby. — Voir W. Orme, Bibliotheca biblica, p. 343.
B. Heurtebize.
PEARSON Jean, théologien anglican, né en 1613 à Great Snoring dans le comté de Norfolk, mort à Chester le 16 juillet 1686. Il étudia au collège d’Eton puis à Cambridge et entra dans les ordres en 1639. Il obtint une prébende à Salisbury et devint chapelain du lord chancelier Finch, puis ministre à Thorrington dans le comté de Suffolk, et à Saint-Clément de Londres. Dans ce dernier poste il prononça une série de sermons publiés sous le titre de Exposition of the Creed qui le rendirent célèbre. Charles II le combla d’honneurs. En 1660 il avait une prébende à Ely, puis devenait archidiacre du Surrey, maître du collège de la Trinité à Cambridge, et en 1673 évêque de Chester. Outre son Exposition of the Creed, in-4o, Londres, 1659, on a de J. Pearson des Annales Paulini ou dissertation critique sur la vie de saint Paul, ouvrage publié après sa mort dans ses œuvres posthumes, in-4o, Londres, 1688. Une édition en a été publiée sous le titre : Annales of St. Paul, translated with geographical and critical notes, in- 12, Cambridge, 1825. — Voir W. Orme, Bibl. biblica, p. 343 ; Chamber’s Encylopædia, t. vii (1901), p. 828.
B. Heurtebize.

PEAU (hébreu : ’ôr, et une fois, Job, xvi, 16 : géléd ; Septante : δέρμα ; Vulgate : cutis, pellis), membrane appliquée sur la surface du corps de l’homme et d’un grand nombre d’animaux.

La peau de l’homme. — Dieu a revêtu l’homme de peau et de chair. Job, x, 11. La peau de l’homme a sa couleur propre, suivant les races, et l’Éthiopien ne saurait changer la couleur de sa peau. Jer., xiii, 23. Job, xvi, 16, a cousu un sac sur sa peau, c’est-à-dire ne fait plus qu’un avec le deuil et la souffrance. La maladie fait que les os sont attachés à la peau et à la chair et que l’on n’a que la peau sur les dents, Job, XIX, 20, expressions qui indiquent une excessive maigreur. Dans le même sens, l’épreuve use la chair et la peau. Lam., iii, 4. La faim la rend brûlante comme un four, Lam., v, 10, à cause de la fièvre qu’elle engendre. Cicéron, Pro leg. agrar., ii, 34. 93, dit que l’affamé est macie torridus, brûlé, desséché de maigreur, et Quintilien, Declam., 12, parle de l’ignea fames, une faim brûlante. Michée, iii, 2, 3, accuse les riches cupides et injustes d’arracher la peau du corps aux pauvres gens. Le prophète emploie ici cette expression dans le sens figuré, pour montrer qu’on enlève aux faibles ce qui leur appartient le plus indiscutablement, ce qui fait partie de leur propre substance. Les Assyriens se plaisaient à écorcher en réalité leurs ennemis vaincus ; ils ont plusieurs fois reproduit sur leurs monuments ce cruel spectacle (fig. 1). Cf. Botta, Le monument de Ninive, t. ii, pi. 120. Voir aussi t. i, fig. 66, col. 990, des chefs élamites écorchés vifs après la bataille de Toulliz, d’après Layard, The monuments of Nineveh, t. ii, pi. 47. D’après une légende, l’apôtre saint Barthélémy aurait été écorché vif. Voir Barthélémy, t. i, col. 1472. Job, xix, 26, affirme sa certitude d’être un jour de nouveau revêtu de sa peau et de voir son vengeur vivant. — Après avoir éprouvé Job dans ses biens extérieurs, Satan explique sa constance en disant : « Peau pour peau ! L’homme donne tout ce qu’il possède pour conserver sa vie. » Job, ii, 4. La locution proverbiale « peau pour peau » signifie donc ici que l’homme tient à sa vie, « à sa peau, » comme on dit vulgairement, plus qu’à tout le reste, mais que, quand il sera permis de toucher à ce bien, Job changera d’attitude. Satan demande que la peau, la vie même de Job soit attaquée.

La peau des animaux.

1° Elle sert de vêtement à l’homme. Après leur péché, Adam et Ève sont revêtus de tuniques de peau. Gen., iii, 21. Rébecca couvre de peau velue de chevreau les mains et le cou de Jacob, afin qu’Isaac le prenne pour Ésaü. Gen., xxvii, 16. Parmi les premiers chrétiens, il y en eut qui durent errer ἐν μελωταῖς, in melotis, « dans des peaux de brebis » et « dans des peaux de chèvres ». Heb., xi, 37.

Pour dissimuler l’absence de David, Michol plaça dans le lit une peau de chèvre à l’endroit de sa tête, avec une couverture par-dessus, un téraphim figurant le reste du corps. I Reg., xix, 13.

Les peaux servant pour le vêtement ou l’ameublement pouvaient contracter certaines souillures ou une sorte de lèpre. Il fallait alors les purifier. Lev., xr, 32 ; xii, 48 ; xv, 17 ; xvi, 27. 2° On a employé les peaux d’animaux à recouvrir le Tabernacle et l’Arche. On utilisa pour cet usage des peaux de béliers teintes en rouge, et les peaux d’un mammifère marin, commun] dans la mer Rouge, le taḥaš, le dugong. Voir Dugong, t. ii, col. 1511. Ces dernières, plus épaisses et plus résistantes que les autres, étaient placées par-dessus. Exod., xxv, 5 ; xxvi, 14 ; xxxv, 7, 23 ; xxxvi, 19 ; xxxix, 33 ; Num., iv, 6-14.

Les tentes étaient souvent faites avec des peaux. De là vient que les versions parlent de peaux quand il est question de tentes. II Reg., vii, 2 ; I Par., xvii, 1 ; Ps. civ (ciii), 2 ; Cant., i, 4 ; Jer., iv, 20 ; x, 20 ; xlix, 29 ; Hab., iii, 7.

La peau du crocodile est si dure qu’on ne peut la percer de dards. Job, xl, 26 (31). 3° Dans les sacrifices, on commençait par enlever la peau des victimes. Lev., i, 6. Les prêtres devaient s’acquitter de ce soin ; mais, quand les victimes étaient par trop nombreuses, les lévites les suppléaient. II Par., xxix, 31 ; xxxv, 11. La peau de la victime offerte en holocauste appartenait au prêtre qui célébrait le sacrifice. Lev., vii, 8. Mais on brûlait la victime tout entière avec sa peau dans le sacrifice pour le péché, Lev., iv, 11 ; xvi, 27, dans le sacrifice pour la consécration des prêtres, Lev., viii, 17 ; ix, 11, et dans le rite de la vache rousse. Num., xix, 5.


1. — Yaloubid de Hamath écorché vif. D’après Botta, Monument de Ninive, pl. 120.

Les victimes étaient égorgées dans le Temple, puis écorchées. Pour faciliter cette opération, on avait élevé au nord de l’autel huit colonnes de pierre qui supportaient des traverses de cèdre. Les victimes étaient suspendues à ces traverses par les pieds de derrière. La peau suivait le sort de la chair des victimes, et, en conséquence, elle était soit brûlée avec la chair, dans les sacrifices énumérés plus haut, soit attribuée aux prêtres, dans les holocaustes et les autres sacrifices dont les victimes devaient être mangées par les prêtres, soit laissée à ceux qui avaient apporté la victime, dans les sacrifices de moindre importance. Cf. Siphra, f. 20, 2 ; f. 82, 1 ; Zebachim, xii, 3. Au nord du sanctuaire, à côté de la chambre du sel, il y en avait une autre où l’on salait les peaux, afin de les empêcher de se corrompre. Cf. Gem. Pesachim, 57, 1 ; Reland, Antiquitates sacræ, Utrecht, 1741, p. 52, 163.

4° Les peaux des animaux furent encore utilisées comme matière propre à recevoir l’écriture. Au IIe siècle avant Jésus-Christ, sous le roi Eumène II, à Pergame, on perfectionna beaucoup, si on ne l’inventa pas alors, la préparation des peaux d’animaux pour suppléer au papyrus. On se servait surtout des peaux de bouc, de chèvre et de chevreau, d’âne, de veau et d’agneau. Les peaux ainsi préparées furent connues sons le nom de pergamena ou parchemins. Saint Paul écrivait sur des parchemins. Il demande à Timothée de lui envoyer de Troade son manteau, ses livres et surtout μεμϐράνας, membranas, « ses parchemins. » II Tim., iv, 13. Josèphe, Ant. jud., III, xi, 6 ; XII, ii, 11, parle aussi de peau apprêtée, διφθέρα, dont les Juifs se servaient pour écrire, quelquefois même en lettres d’or. Voir Livre, t. iv, col. 302.


PÊCHE (hébreu : dûgâh ; Luc, v, 9 : ἄργα ἰχτύων ; Vulgate : captura piscium), emploi de moyens appropriés pour prendre des poissons. Le mot hébreu dûgâh, dérivé de dàg, « poisson, » comme tous les autres mots qui se rapportent à la pêche, ne se lit que dans Amso, iv, 2 : « On enlèvera vos enfants avec des sîrôṭ dûgâh, épines de pêche » ou hameçons. Voir Hameçon, t. iii, col. 408. Les versions ne rendent pas le mot dûgâh.

1° Différents procédés étaient employés pour la pêche.

1. La ligne, terminée par un hameçon qui portait l’appât, était usitée partout, en Egypte, en Assyrie, voir t. iii, fig, 97, 98, col. 407, et en Palestine. C’est avec la ligne à hameçon que saint Pierre prend dans le lac de Tibériade le poisson porteur du statère. Matth., xvii, 26. Isaïe, xix, 8, parle de ceux qui pêchent à la ligne dans le Nil. Habacuc, i, 14, 15, suppose l’emploi de la ligne à la mer. Amos, iv, 2, compare les ennemis d’Israël à des pêcheurs qui prendront les enfants à l’hameçon.

2. La nasse et le harpon sont à l’usage des pêcheurs égyptiens. Les monuments représentent des pêcheurs qui relèvent la nasse, au milieu de nombreuses scènes de pêche (fig. 2). Cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Paris, 1895, t. i, p. 61, 297.

3. Le filet de différentes espèces. Voir Filet, t. ii, col. 2248-2249. L’homme, qui ne connaît pas son heure, est comparé au poisson que le filet saisit à l’improviste. Eccle., IX, 12. Les Chaldéens prennent les Israélites comme des poissons dans leurs filets ; ils sont si enchantés de ces filets qu’ils les traitent comme des divinités, leur sacrifient et leur offrent de l’encens. Hab., i, 14-17. Les Apôtres péchaient au filet dans le lac de Tibériade. Du haut de leurs barques, ils jetaient leurs filets en forme d’éperviers ou enfermaient les poissons dans une seine pour les traîner jusqu’au rivage. Matth., IV, 18 ; xiii, 47 ; Luc, v, 4 ; Joa., xxi, 6. Aujourd’hui, « le filet employé est ordinairement l’épervier ; dans les endroits profonds, il est lancé de la barque ; ou bien, s’il y a peu d’eau, le pêcheur descend sur le rivage, entre dans le lac jusqu’à mi-jambes, et jette alors le filet sur les bandes de poissons qui se trouvent autour de lui. Ce bassin est si peuple que, dans l’espace de quelques minutes, nous avons vu chaque jour notre bateau rempli jusqu’au bord par des milliers de poissons de toute grandeur. » Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, Paris, 1884, p. 506. 2° À l’époque évangélique, la pêche n’était pas toujours aussi fructueuse. Il n’était pas rare que des hommes du métier, travaillant pendant la nuit, qui est cependant le moment le plus favorable pour la pêche à l’épervier, ne prissent rien du tout, quand les poissons se tenaient enfoncés dans les profondeurs. Luc., v, 5 ; Joa., xxi, 3. Il est vrai aussi qu"alors le lac était sillonné de barques de pêche, tandis qu’aujourd’hui, à Tibériade, il n’en existe plus que quelques-unes.

[Image à insérer] — La pêche en Égypte. Musée Guimet.


— L’Évangile fait plusieurs fois allusion aux pêches des Apôtres, Matth., iv, 18 ; Marc, l, 16 ; Luc, v, 2 ; Joa., xxi, 3 ; de plus, il relate deux pêches miraculeuses.

[Image à insérer] 3. — La pêche sur la côte de Syrie. D’après une photographie de M. L. Heidet.


Une première fois, le Sauveur voit au bord du lac deux barques dont les pêcheurs lavent leurs filets. Il monte dans l’une d’elles, de là, prêche au peuple, puis commande d’aller au large et de pêcher. La pêche est si abondante, après toute une nuit infructueuse, que les poissons remplissent les deux barques. Luc, v, 2-7. Une autre fois, après la résurrection, Jésus, de la rive du lac, ordonne aux Apôtres de jeter le filet. Ceux-ci, qui n’ont rien pris la nuit précédente, obéissent et, d’un coup de filet, prennent cent cinquante-trois grands poissons. Joa., xxi, 6-11. Une parabole évangélique fait allusion, Matth., xiii, 47-48, à un genre de pêche qu’on voit encore fréquemment pratiquer sur la côte de Syrie. Les pêcheurs, reproduits dans la figure 3, tirent le filet (sagena) qu’avec un bateau on a étendu à une assez courte distance dans la mer, et lorsqu’il arrive sur le rivage, les pêcheurs rejettent dans l’eau le mauvais poisson. — La pêche maritime n’était pas pratiquée par les Israélites, qui n’ont jamais été marins. Les Phéniciens au contraire s’y livraient avec activité ; l’une de leurs principales villes porte le nom de Sidon, c’est-à-dire « pêcherie ». Voir Sidon.


PÉCHÉ (hébreu : ḥêteʾ, ḥâtâʾâh, ḥattâʾâh, ḥattâʾṭ, maʿal, ʿâvôn, peṡa, ṡêt, ṡegîʾâh, ṭahâlâh ; chaldéen : ḥâtây, ʿivyâʾ, ʿavyâʾ; Septante : ἀμαρτία, ἀνομία, ἀνομημα, παραπτώμα ; Vulgate : peccatum, culpa, iniquitas, offensa, offensio, delictum, scelus), transgression volontaire de la loi divine, naturelle ou positive.

Sa genèse.

1. Le péché apparaît pour la première fois au paradis terrestre, sous la forme d’un acte de volonté humaine en opposition avec la volonté souveraine du Créateur. Dieu défend un acte sous peine de mort. Ce qui a été dit de l’homme créé à l’image de Dieu, Gen., i, 26, 27, la notion d’un Dieu puissant, sage et juste, qui ressort des premiers récits du Livre sacré, et la défense imposée à l’homme par ce Dieu souverainement bon et parfait, supposent nécessairement que l’homme jouit d’une volonté libre, intelligente et par conséquent responsable. Malgré la défense divine, un acte extérieur est accompli. Bien que le récit sacré ne raconte que ce qui se voit, dans cet acte et ses conséquences, il va de soi qu’il faut aller ici au delà de la lettre. Le mal n’est pas dans l’acte extérieur, mais dans la volonté qui désobéit ; le coupable n’est pas la main qui exécute, mais l’âme libre qui commande aux organes. Cette conclusion ressort clairement du châtiment imposé au coupable. Pour encourir un pareil châtiment de la part d’un Dieu juste, il a fallu qu’il y eût dans le péché, non seulement un acte extérieur, mais encore et surtout un acte intérieur, celui d’une volonté consciemment et librement en opposition avec la volonté du Maître tout-puissant. Il est vrai qu’un autre être intervient pour incliner dans le sens de la désobéissance la volonté de la femme et, par elle, celle de l’homme. Mais cette influence, si perverse et si forte qu’elle soit, n’a d’action sur la volonté libre qu’autant que celle-ci le veut bien. Elle peut diminuer sa responsabilité, elle ne la supprime pas, parce que la volonté de l’homme est restée suffisamment maîtresse d’elle-même. C’est ce qu’il faut encore conclure de la sentence de condamnation, mitigée et laissant la porte ouverte à l’espérance du pardon, mais cependant sévère et supposant une culpabilité grave chez les deux coupables. Gen., iii, 119.

2. Après avoir ainsi fait son apparition dans l’humanité, le péché s’y perpétue, par des actes volontaires, à travers toutes les générations. Le meurtre d’Abel par Caïn a sans doute été précédé par bien d’autres fautes moins graves. Toujours est-il qu’avant son crime le meurtrier reçoit un avertissement qui marque l’attitude que doit avoir l’homme en face du bien et du mal, quelles que soient la fureur de ses passions et les sollicitations de la tentation : « Si tu fais bien, ne seras-tu pas agréé ? Et si tu ne fais pas bien, le péché ne se tient-il pas à ta porte ? Son désir se tourne vers toi ; mais toi, tu dois dominer sur lui. » Gen., iv, 7. Le premier phénomène se passe dans la conscience de l’homme, quand il a cessé de faire le bien, c’est-à-dire de conformer sa volonté à celle de Dieu. Il sent qu’il n’est plus agréable à son Créateur, qu’il ne peut plus lever la tête vers lui avec assurance. Déjà le péché est à la porte, comme une bête fauve qui cherche à forcer l’entrée ; il veut contracter une sorte d’union avec l’homme ; mais celui-ci reste le maître, il peut et doit dominer. Sa liberté reste suffisante, sa volonté demeure assez armée pour se défendre et triompher. Caïn ne sut pas faire triompher sa volonté.

3. Saint Jacques, i, 13-15, analyse l’acte ordinaire du péché, tel qu’il se produit dans l’homme. « Que nul, lorsqu’il est tenté, ne dise : C’est Dieu qui me tente. Car Dieu ne saurait être tenté de mal et lui-même ne tente personne. » On sait qu’Adam avait essayé de faire remonter jusqu’à Dieu la responsabilité de son péché, en disant : « La femme que vous m’avez donnée pour compagne m’a présenté le fruit de l’arbre. » Gen., iii, 12. L’excuse est vaine et injurieuse à Dieu. L’apôtre ajoute : « Chacun est tenté par sa propre convoitise, qui l’amorce et l’entraîne. Ensuite la convoitise lorsqu’elle a conçu, enfante le péché, et le péché, lorsqu’il est consommé, engendre la mort. » Ainsi, il y a tout d’abord, issu du fond même de la nature humaine, un désir immodéré et désordonné, qui se porte vers une apparence de bien créé. Ce désir prend peu à peu une forme précise et consentie, bien que reconnue répréhensible par la conscience ; la volonté s’ébranle et veut positivement ce bien apparent, qui est un mal réel. Dès cet instant, il y a péché et l’âme est frappée à mort. La tentation peut se produire, provenant des êtres extérieurs ; le péché n’est possible que si la convoitise intérieure entre en ligne et décide la volonté. C’est ce qui permet à saint Augustin, De Gen. ad lit., xi, 30, t. xxxiv, col. 445, et à saint Thomas, Sum. theol., i, q. xliv, a. 4, ad 1um ii, de dire que la tentation n’aurait pas eu de prise sur Ève si celle-ci n’avait péché au préalable par un amour coupable de sa propre excellence.

4. Le récit de la Genèse, iii, 5, montre que cette pensée de complaisance personnelle fut d’ailleurs aidée par l’habile tentateur : « Vous serez comme Dieu ! » De là, à la source de tout péché, l’orgueil, la pensée de l’indépendance, l’idée que la créature peut se suffire à elle-même et entend mieux son bien propre que le Créateur.

L’orgueil commence quand l’homme se sépare du Seigneur,
Et quand le cœur s’éloigne de celui qui l’a fait : Car le commencement de l’orgueil, c’est le péché,

ou, d’après la Vulgate :

Le commencement de tout péché, c’est l’orgueil…
Le malheur de l’orgueilleux est sans remède,
Car la plante du péché a jeté en lui ses racines.

Eccli., x, -15 ; iii, 30.

En réalité, orgueil et péché sont corrélatifs et s’appellent l’un l’autre. Cf. Is., xiii, 14.

5. Cet orgueil lui-même, qui est le premier instigateur de la convoitise et du péché, a sa cause dans la nature de l’être créé, alors même qu’il n’est pas encore déchu. La Sainte Écriture ne le dit pas formellement ; mais, avant de raconter la chute, elle commence par montrer que l’homme est un être créé. Or, plus un être créé a reçu de dons de la munificence du Créateur, plus il a de motifs pour se complaire en ce qu’il est et en ce qu’il a, si sa volonté vient à dévier de la rectitude parfaite. Ainsi a pu se produire le péché des anges et ensuite celui de l’homme. Voir Mal, t. iv, col. 598-600.

Sa nature.

1. Le péché consiste essentiellement dans l’opposition de la volonté de l’homme à la volonté de Dieu. C’est ce que montrent les textes précédents. Le péché n’est donc pas dans l’acte extérieur, tel que le voient les hommes ; il est dans l’âme, telle qu’elle apparaît aux yeux de Dieu. I Reg., xvi, 7. Par conséquent, les sentiments et les pensées peuvent être coupables.

Le dernier précepte du Décalogue proscrit les simples convoitises mauvaises, Exod., xx, 17, et Notre-Seigneur déclare que du cœur sortent les pensées mauvaises. Matth., xv, 19 ; Marc, vii, 21. Il affirme en outre que certains désirs sont coupables, comme les actes eux-mêmes. Matth., v, 28. Ainsi les actes extérieurs ne suffirent pas à constituer le péché. Dans leur confession négative, qui forme le chapitre cxxv du Livre des Morts, cf. W. Pleyte, Étude sur le chapitre cxxv du Rituel funéraire, Leyde, 1866 ; Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Paris, 1895, t. i, p. 189, les Égyptiens ne savent s’accuser que de fautes extérieures d’ordre moral, social ou parfois purement liturgique. Les Babyloniens ont une confession analogue, où il est question d’adultère, d’homicide, de vol, d’autres fautes contre la morale ou la liturgie, mais sans allusion aux actes intimes de la conscience. Cf. Zimmern, Beiträge zur Kenntniss der babylonischen Religion, Leipzig, 1901, Surpu, ii, l. 47-51 ; Lagrange, Etudes sur les religions sémitiques, Paris, 1905, p. 225, 226 ; Revue biblique, 1906, p. 657. Cf. Ézéchiel, xviii, 14-17. Autrement significative est la confession qui se lit dans Job, xxxi, 4-37. L’auteur y énumère les principales fautes contre la morale qui se pouvaient commettre dans son milieu. Mais il y joint ici et là des remarques comme celles-ci :

Dieu ne connaît-il pas mes voies,
Ne compte-t-il pas tous mes pas ?
Si mon cœur a suivi mes yeux…
Si j’ai mis dans l’or mon assurance…
Si, en voyant le soleil jeter ses feux,
Et la lune s’avancer dans sa splendeur,
Mon cœur s’est laisse séduire en secret…
Si j’ai été joyeux de la ruine de mon ennemi…
Si j’ai, comme font les hommes, déguisé mes fautes,
Et renfermé mes iniquités dans mon sein…

2. En effet, la conscience morale, telle que la suppose la religion du vrai Dieu, obéit à cette règle posée à Abraham : « Marche devant ma face et sois irréprochable. » Gen., xvii, 1. C’est devant la face du Seigneur, sous son regard auquel rien n’échappe, qu’on est coupable ou irréprochable, et, si l’on est coupable, c’est tout d’abord dans l’âme elle-même que le péché existe.

Dieu, tu connais ma folie,
Et mes fautes ne te sont pas cachées. Ps. lxix. (lxviii), 6.

Cf. Ps. x, 15 ; Eccli., xv, 21.

3. Le péché outrage toujours Dieu, alors même qu’il semble viser exclusivement le prochain. Num., v, 6.

Je reconnais mes transgressions,
Et mon péché est constamment devant moi ;
C’est contre toi seul que j’ai péché,
J’ai fait ce qui est mal à tes yeux,

dit le Psalmiste, Ps. li (l), 5-6, avouant que ses transgressions de toute nature ont avant tout offensé Dieu. De même le prodigue, qui a tant outragé son père, se reconnaît coupable contre lui, mais avant tout « contre le ciel ». Luc, xv, 18. « En péchant contre vos frères et en violentant leur conscience encore faible, vous péchez contre le Christ, » dit saint Paul. I Cor., viii, 12.

4. Le péché est un acte par lequel l’homme s’écarte et s’éloigne de Dieu, en mettant sa volonté en opposition avec celle de Dieu, connue soit par la conscience, soit par la loi positive, qui rend mauvais des actes qui ne le seraient pas toujours par eux-mêmes. Rom., iii, 20 ; vii, 7, « Être infidèles à Jéhovah et le renier, nous retirer loin de notre Dieu, » voilà comment Isaïe, lix, 13, caractérise le péché. Cette idée d’éloignement de Dieu par le péché revient souvent. Deut., xi, 16 ; xxxii, 15 ; Jos., xxii, 16 ; Job, xxi, 14 ; xxii, 17 ; Sap., iii, 10 ; Bar., iii, 8 ; Dan., ix, 5, 9, etc. En conséquence, la sagesse qui vient de Dieu ne peut habiter dans un être soumis au péché, Sap., i, 4, et cet être, ainsi séparé de Dieu, ne peut manquer d’agir parfois par l’inspiration du démon, I Joa., iii, 8, et d’en faire les œuvres, qui sont des œuvres de péché. Joa., viii, 41. Si Dieu hait tant le péché, Ps. v, 5, 7, c’est parce qu’il y voit nécessairement un attentat contre sa souveraineté inaliénable.

5. Saint Jacques, ii, 10, dit que « quiconque aura observé toute la loi, s’il vient à faillir en un seul point, est coupable de tous ». Ce texte fait l’objet d’une consultation adressée à saint Jérôme par saint Augustin, Ep. cxxxi, t. xxii, col. 1138-1147. Ce dernier propose sa solution en ces termes, col. 1145 : « Celui qui transgresse un précepte est coupable envers tous, parce qu’il agit contre la charité de laquelle dépend toute la loi. Il est coupable de tout parce qu’il agit contre celle dont tout dépend. » Saint Jérôme, Ep. cxxxiv, t. xxii, col. 1161, s’excuse de ne pas répondre et dit qu’il n’a rien à reprendre à la solution proposée. Saint Thomas, Sum. theol., Ia-IIæ, q. lxxiii, a. 1, adum iii, explique que l’Apôtre parle ici des péchés, non par rapport à l’objet vers lequel ils portent et qui est variable, mais par rapport à celui dont ils détournent et qui est toujours Dieu. Tout péché comporte le mépris de Dieu. Quand on faillit en un point on est coupable de tous en ce sens qu’on encourt le châtiment que mérite le mépris de Dieu, mépris et châtiment communs à tous les péchés. Les péchés demeurent donc distincts, bien que le principe et les conséquences de tous soient les mêmes, et l’on peut en commettre un sans commettre les autres. La pensée de saint Jacques revient à ceci que, quand on transgresse un commandement, on est ἔνοχος, passible de la peine qui châtie toutes les autres transgressions, non en quantité, mais en qualité, car dans tous les cas, c’est l’auteur même des lois qui est offensé et qui est obligé de sévir.

6. Tous les péchés ne sont pas mis sur le même rang dans la Sainte Écriture, bien que tous supposent l’opposition de la volonté de l’homme avec celle de Dieu. Il y a des péchés plus particulièrement graves, l’adultère, Gen., xx, 9 ; xxvi, 10 ; l’apostasie, Exod., xxxii, 21 ; la profanation du sacerdoce et le scandale, I Reg., ii, 17 ; l’idolâtrie, Jer., xix, 11 ; le péché contre le Saint-Esprit, Matth., xii, 31 ; Marc, iii, 28 ; la trahison du Fils de Dieu, Joa., xix, 11, etc. Notre-Seigneur note lui-même une gradation entre cer, tains péchés contre la charité. Matth., v, 22. Il y a des péchés qui sont commis par ignorance, sans pleine conscience ou sans volonté complète. Lev., iv, 2, 27 ; v, 17 ; Num., xv, 27, etc. Saint Paul s’excuse sur son ignorance des persécutions qu’il a exercées contre les chrétiens. I Tim., i, 13. Mais, dans la Sainte-Écriture, on ne trouve pas mention de ces culpabilités inconscientes et fatales, s’attachant inéluctablement à des êtres qui n’ont rien fait pour les encourir, ainsi que cela se rencontre dans les religions païennes, ni de ces fautes commises sans connaissance et sans volonté dont les idolâtres se croyaient si fréquemment coupables dans le culte de leurs dieux, par l’omission de formalités insignifiantes ou puériles.

7. Puisque rien n’échappe aux regards de Dieu et que Dieu hait le péché, la conséquence s’impose : « Tous les jours de ta vie, aie Dieu présent à ta pensée, et garde-toi de consentir jamais au péché. » Tob., iv, 6 ; cf. i, 10.

Fuis le péché comme le serpent,
Car, si tu en approches, il te mordra. Eccli., xxi, 2.

Et pour déterminer sa volonté à s’éloigner du mal, l’homme doit songer à la fin de sa vie et au compte qu’il devra rendre à Dieu, Eccli., vii, 40, sans se laisser tromper par les charmes du présent ni par la patience divine, car

La voie des pécheurs est pavée de pierres,
Mais à son extrémité est l’abîme de l’Hadès. Eccli., xxi, 11.

Ses conséquences. — 1. Le péché sépare l’âme d’avec

Dieu. Is., lix, 2. Si l’homme meurt dans son péché, Ezech., iii, 20 ; xii, 43 ; Joa., viii, 21, etc., cette séparation devient définitive. « La justice du juste ne le sauvera pas au jour de sa transgression, … le juste ne pourra pas vivre par sa justice le jour où il péchera. » Ezech., xxxiii, 12.

2. Par suite de l’affaiblissement moral que cause l'éloignement de Dieu, celui qui commet le péché finit par devenir esclave du péché, et il a de plus en plus de difficulté à se soustraire à sa tyrannie. Joa., viii, 43 ; Rom., vi, 17. « Le méchant est saisi par les liens de son péché. » Prov., v, 22 ; Eccli., XXI, 3. Le trouble et le malaise régnent dans son âme. Ps. xxxviii (xxxvii), 4, 19. Ainsi « ceux qui commettent le péché et l’iniquité sont leurs propres ennemis ». Tob., xii, 10. Le péché peut se généraliser dans une nation.

La justice élève une nation,
Mais le péché est l’opprobre des peuples.

Prov., xiv, 34.

3. Dieu menace et poursuit le péché des rigueurs de sa justice. Exod., xxxii, 34 ; Lev., XX, 20 ; Num., xxxii, 23 ; Jos., xxiv, 19 : « Jéhovah est un Dieu saint, un Dieu jaloux : il ne pardonnera pas vos transgressions et vos péchés… il se retournera, vous maltraitera et vous consumera. » Ps. lxxxix (lxxxvih), 33 ; Prov., xxii, 8 ; Ezech., xviii, 4 ; Dan., ix, 11 ; II Mach., vii, 18, etc. La justice de Dieu contre le péché s’exerce d’ailleurs par différents moyens, par les épreuves dans la vie présente, Jer., v, 25, etc., voir Mal, t, iv, col. 601, par les satisfactions volontaires, voir Pénitence, et par les sanctions de l’autre vie. Sap, , v, 2-14. Voir Enfer, t. ii, col. 1792 ; Purgatoire.

4. Le péché a de plus une répercussion prévue sur les générations qui suivent celui qui l’a commis, de même que la fidélité a la sienne. Dieu le fait répéter plusieurs fois : « Je suis Jéhovah, ton Dieu, un Dieu jaloux, qui punis l’iniquité des pères sur les enfants, sur la troisième et sur la quatrième génération à l'égard de ceux qui me haïssent, et qui fais miséricorde jusqu'à mille générations à ceux qui m’aiment et qui gardent mes commandements. » Exod., xx, 5-6 ; cf. xxxiv, 7 ; Num., xiv, 18 ; Deut, , v, 9 ; Jer., xxxii, 18 ; Lam., v, 7, etc. Cette répercussion, que l’expérience justifie fréquemment encore, ne fait pas porter aux enfants une peine injuste. Elle suppose que ces derniers imitent les péchés de leurs pères, ou constitue pour eux une épreuve temporelle destinée soit à les ramener au bien, soit à perfectionner leur vertu et à augmenter leur mérite définitif. Dieu se réservait d’appliquer cette sanction ; mais il n’a pas autorisé les hommes à châtier les enfants à cause de leurs pères. Deut., xxiv, 16 ; IV Reg., xiv, 6 ; II Par., xxv, 4. Le prophète Ézéchiel, xviii, 10-20, explique la conduite de Dieu en cette matière : impie lui-même, le fils de l’impie mérite d'être châtié ; vertueux et fidèle, il vit et ne porte pas le châtiment qu’ont attiré les crimes de son père.

Sa rémission. — Dieu est un juge sévère, mais il n’est pas un père inexorable. Voir Miséricorde, t. iv, col. 1131. Il veut bien pardonner le péché. Job, vii, 21 ; Ps. xxv (xxiv), 11 ; xxxii (xxxi), 1 ; lxxix (lxxviii), 9 ; lxxxv (lxxxiv), 3 ; Sap., xi, 24 ; Is., xliii, 25 ; Jer., xxxi, 34, etc.

2. Cependant, pour pardonner le péché, Dieu exige certaines conditions, et tout d’abord l’aveu. Lev., xxvi, 40 ; II Esd., ix, 2 ; Job, xxxi, 33, 34 ; Matth., iii, 6 ; Marc, i, 5 ; I Joa., i, 9, etc. Voir Confession, t. ii, col. 907.

3. Il veut ensuite le regret sincère. Joël., ii, 13, etc. Voir Pénitence.

4. Certaines œuvres obtiennent le pardon de Dieu et rachètent le péché. Voir Aumône, t. i, col. 1252 ; Charité, t. ii, col. 591 ; Jeûne, t. iii, col. 1528 ; Sacrifice.

5. Dans le Nouveau Testament, les péchés sont remis au nom du Père, Matth., vi, 14 15 ; Marc, xi, 25 ; Luc, xi, 4, par le Fils, Matth., ix, 2-6 ; Marc, ii, 5-10 ; Luc, v, 20-49 ; etc., qui envoie ses Apôtres prêcher cette rémission, Luc, xxiv, 27 ; Joa., xx, 23, et qui leur donne le pouvoir de l’accorder dans le sacrement de pénitence, Joa., xx, 23, et dans celui d’extrême-onction. Jacob., v, 15.

6. Le pardon du péché est accordé en vertu de la rédemption opérée sur la croix. Daniel, IX, 24, avait annoncé que le Messie mettrait fin au péché, c’est-à-dire à son influence irréparable. Jésus-Christ, par sa croix, obtint à l’homme le pardon du péché. Matth., i, 21 ; xxvi, 28 ; Joa., i, 29 ; Rom., vi, t3 ; I Cor., xv, 3 ; II Cor., v, 21 ; Gal., i, 4 ; Eph., 1, 7 ; Col., i, 14 ; Heb., ix, 28 ; I Pet., iii, 18 ; I Joa., i, 7 ; Apoc, i, 5, etc. Ce pardon peut même atteindre les âmes dans l’autre vie, au purgatoire. II Mach., xii, 46.

7. Les écrivains sacrés et Notre-Seigneur se servent de différentes expressions caractéristiques pour marquer la réalité de la rémission du péché : « pardonner, » par conséquent ne plus tenir rigueur, II Reg., xii, 13 ; III Reg., viii, 31 ; Tob., iii, 13, etc. ; « remettre, » par conséquent ne plus rien exiger à ce sujet, Ps. xxxii (xxxi), 1 ; Matth., ix, 2 ; Luc, vii, 48, etc. ; «  ne pas imputer, » ne pas mettre au compte du pécheur repentant, Num., xii, 11 ; Rom., iv, 7, 8. etc. ; « ne plus se rappeler, » tenir pour non avenu, Ezech., xxxiii, 16 ; « couvrir, » de manière qu’on ne le voie plus, Ps. lxxxv (lxxxiv), 3 ; « fermer les yeux, » parce qu’on ne veut plus voir, Sap., xi, 24 ; « effacer, purifier, laver, » comme une tache que l’on veut faire disparaître, Ps. li (l), 4 ; Is., xliii, 25 ; « enlever, » Is., vi, 7 ; faire disparaître comme de la glace qui se fond, Eccli., iii, 17, comme un nuage qui se dissout, Is., xliv, 22 ; « ne plus trouver, » comme une chose qui n’existe plus, Jer., l, 20 ; « d'écarlate, rendre blanc comme neige, » c’est-à-dire remplacer la tache du péché par quelque chose qui en est l’opposé, Is., i, 18 ; « jeter derrière son dos, » comme une chose qu’on dédaigne et qu’on ne reverra plus, Is., xxxviii, 17 ; « mettre sous ses pieds, » comme une chose méprisable qu’on veut détruire, et « jeter au fond de la mer », comme ce qui doit périr définitivement. Mich., vii, 19, etc. Ézéchiel, xxxiii, 14-16, exprime sans figure et de la manière la plus positive l’effet de la rémission du péché : « Lors même que j’aurai dit au méchant : Tu mourras ! s’il se détourne de son péché et fait ce qui est juste et droit, … on ne se rappellera plus aucun des péchés qu’il a commis : il a fait ce qui est droit et juste, il vivra. » La réalité objective de la rémission du péché est d’ailleurs démontrée par la conduite de Dieu à l'égard de grands pécheurs, Adam, Sap., x, 1, David, Marie-Madeleine, saint Pierre, saint Paul, etc.

PÉCHÉ ORIGINEL, péché commis par Adam, à l’origine de l’humanité, et par suite duquel tous ses descendants naissent dans un état de déchéance et de péché.

La faute initiale. — 1. Le récit de l’épreuve imposée à Adam, de la tentation, de la chute et du châtiment, est consigné dans la Genèse, iii, 1-19. Ce récit peut être interprété avec une certaine largeur, à condition de respecter la réalité du fait. Voir Adam, t. i, col. 175 ; Eve, t. ii, col. 2119. Les Pères l’ont généralement entendu dans son sens littéral, mais l'Église n’a pas condamné le cardinal Cajetan qui l’a expliqué allégoriquement. In Sacram Scripturam Commentarii, . 5 in-f°, Lyon, 1639, 1. 1, p. 22, 25. Voir Vigouroux, Manuel biblique, 12e édit., t, i, pi. 564.

2. Rien dans le récit n’avertit formellement que le premier homme ait agi comme représentant de toute sa race. Il est seulement le premier de tous les hommes. Mais c’est de lui que les autres recevront la vie, et, étant données les lois ordinaires de la nature que l’auteur sacré suppose connues de ses lecteurs, il fallait s’attendre à ce qu’Adam, avec la vie et ses conditions essentielles, transmit à ses descendants quelque chose de ce qu’il était devenu lui-même, par l’abus qu’il avait fait des dons extraordinaires de son Créateur. Toutefois ce n’est pas dans la concupiscence que consiste à proprement parler le péché originel, mais dans la privation de la grâce. L’avenir de l’humanité est indiqué dans l’inimitié annoncée entre la postérité de la femme et celle du serpent et dans les conditions de vie imposées à Adam et à Ève, et par là même à leurs descendants. Du récit de la Genèse, les théologiens ont déduit que nos premiers parents avaient été élevés à un état surnaturel, et qu’ayant perdu par leur faute l’intégrité primitive, ils étaient déchus de leur état et avaient transmis leur déchéance à leurs enfants.

Dans l’Ancien Testament. — 1. Les écrivains inspirés de l’Ancien Testament ne parlent du péché originel qu’en fermes généraux. Job, xiv, 4, à propos de l’homme né de la femme, que Dieu, semble-t-il, ne peut citer en justice sans s’abaisser lui-même, remarque : « Qui peut tirer le pur de l’impur ? Personne. » La Vulgate traduit un peu différemment : « Qui peut rendre pur celui qui a été conçu dans l’impureté ? N’est-ce pas vous seul ? » Les Septante ajoutent au texte les premiers mots du verset suivant : « Qui peut être pur de souillure ? Personne, pas même celui dont la vie n’est que d’un jour sur la terre. » Les Pères ont commenté le texte ainsi formulé. L’idée principale est que l’homme appartient à une race pécheresse et impure, et que l’on ne doit pas s'étonner qu’il soit si peu digne de l’attention divine, ayant hérité d’ancêtres pécheurs. — Au Psaume li (l), 7, on lit ces paroles :

Je suis né dans l’iniquité,
Et ma mère m’a conçu dans le péché.

Comme pour le passage précédent, la doctrine du péché originel, sans être formulée d’une façon tout à fait explicite, donne seule à ces paroles tout leur sens. — On trouve ces autres paroles dans l’Ecclésiastique, xxv, 33 :

C’est par une femme que le péché a commencé,
C’est à cause d’elle que nous mourons tous.

Le texte accuse avec raison Ève d’avoir commencé la première à pécher et d'être la première cause de la mort de tous. Mais Adam, et non pas Ève, était le chef de l’humanité, et par lui ont été transmis le péché et ses conséquences. — Il n’y a pas à s’arrêter au texte d’Isaïe, xliii, 27, disant à Israël : « Ton premier père a péché ; » car il s’agit ici de Jacob. Cf. Ose., xii, 3-5. — L’auteur de la Sagesse, viii, 18-20, prenant le personnage de Salomon, s’exprime dans des termes dont on pourrait s'étonner, s’il fallait les prendre absolument à la lettre : « J'étais un enfant d’un bon naturel, et j’avais repu en partage une bonne âme, ou plutôt, étant bon, je vins à un corps sans souillure. » Cette affirmation ne peut porter que sur la vie purement naturelle. Un autre texte paraît plus significatif : « Vous saviez bien qu’ils sortaient d’une souche perverse, … car c'était une race maudite dès l’origine. » Sap., xii, 10, 11. Toutefois, comme il s’agit ici des Cbananéens, il est clair que la malédiction dont parle l’auteur sacré est celle qu’encourut Chanaan. Gen., ix, 25. — 2. Mais si les textes sont peu explicites, on sent que, pour ainsi dire, tout le poids du péché originel pèse sur l’Ancien Testament. Souvent les auteurs sacrés constatent le règne général du péché. « Tous sont égarés, tous sont pervertis ; pas un qui fasse le bien, pas un seul ! » Ps. six (xiii), 3 ; lii (lii), 4. « Qui dira : J’ai purifié mon cœur, je suis net de mon péché? » Prov., xx, 9. L’autre vie, dont l’attente aurait dû réjouir les justes, ne leur apparaît que sous de sombres couleurs. Ils se rendent compte que, même dans le scheʾôl, la paix ne sera pas encore faite entre eux et Dieu, parce que, dans le passé lointain de l’humanité comme dans ses générations successives, il y a quelque chose qui empêche une réconciliation complète et définitive. Cette réconciliation, les anciens l’attendent dans la personne du Messie futur. Au lieu de porter leurs regards vers celui qui fut l’origine de l’humanité, ils les tendent vers celui qui, dans l’avenir, en sera le réparateur et le Sauveur. N’ayant qu’une idée confuse du péché originel et de ses suites, ils sont peu capables par là même de se faire une notion exacte de ce que sera la rédemption. Néanmoins cette attente du Messie libérateur est, dans l’Ancien Testament, la forme la plus concrète et la plus positive sous laquelle on puisse reconnaître la tradition du péché originel.

Dans l'Évangile. — Quelques passages de l'Évangile font allusion au péché originel ; mais cette allusion ne peut être comprise que si l’on a présente à l’esprit la notion de la chute et de ses conséquences. Ainsi la lumière du Verbe « luit au milieu des ténèbres », Joa., i, 5 ; le Sauveur vient éclairer ceux « qui sont assis dans les ténèbres et à l’ombre de la mort ». Luc, i, 79. Saint Jean-Baptiste présente Notre Seigneur comme « l’Agneau de Dieu, celui qui enlève le péché du monde », Joa., i, 29, c’est-à-dire ce péché dont les conséquences pèsent sur le monde entier. « Si on ne renaît de nouveau, on ne peut voir le royaume de Dieu. » Joa., iii, 3. C’est donc que la vie transmise par Adam ne suffit pas pour conduire l’homme au salut. Les justes de l’ancienne loi en font l’expérience dans le scheʾôl ; mais « l’heure vient où ceux qui sont dans les sépulcres entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux qui ont fait le bien en sortiront pour ressusciter à la vie ». Joa., v, 25, 28, 29. Le Sauveur fait annoncer que « le royaume de Dieu approche », Luc., X., 9, par conséquent que l'état de choses antérieur, même sous le régime de la Loi, n'était pas le royaume de Dieu, la vraie voie du salut. Il dit aux Juifs, qui se glorifiaient d'être enfants d’Abraham : « C’est seulement si le Fils vous délivre, que vous serez vraiment libres. » Joa., via, 36. Une servitude générale s’imposait donc à tous les hommes. Enfin, par deux fois, Joa., iii, 31 ; xiv, 30, le Sauveur appelle Satan le « prince de ce monde ». Satan y règne en maître, en effet, depuis sa victoire sur le premier homme ; mais « il va être chassé dehors », et d’ailleurs il n’a rien à lui en Jésus, qui a pris la descendance mais non la servitude d’Adam. — On ne peut tirer aucune conclusion, touchant le péché originel, du texte de Joa., ix, 2. Voir Mal, t. iv, col- 601, 4°. Quand les pharisiens disent à l’aveugle guéri qu’il est « né tout entier dans le péché », ils ne songent pas au péché originel, car ils ne s’appliquent certes pas cette remarque à eux-mêmes. Joa., IX, 34.

Dans saint Paul. — 1. Saint Paul dégage la notion du péché originel avec précision dans son Épître aux Romains. Pour faire ressortir toute la signification de la rédemption, il établit un parallèle entre Jésus-Christ et Adam, et il écrit : « Ainsi donc, comme par un seul homme le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort, ainsi la mort a passé dans tous les hommes, parce que (ἐφ'ᾥ) tous ont péché (Vulgate : in quo, « en qui » ou « en quoi » tous ont péché)… Par la faute d’un seul, tous les hommes sont morts… Le jugement a été porté à cause d’une seule faute pour la condamnation… Par la faute d’un seul, la mort a régné par ce seul homme… Par la faute d’un seul, la condamnation est venue sur tous les hommes… Par la désobéissance d’un seul homme, tous ont été constitués pécheurs. » Rom., v, 12-19. Cet enseignement de l’Apôtre éclaire le récit de la Genèse. Au paradis terrestre, Adam était donc, dans la pensée de Dieu, le représentant de l’humanité, représentant dont l’humanité serait mal venue à se plaindre, puisqu’il jouissait de l’innocence et de tous les dons divins. Adam subissait l'épreuve au nom de toute sa postérité. Seul il a péché personnellement, mais en lui et par lui, tous ont péché, tous ont désobéi, tous ont encouru la mort et la condamnation. En cela, Adam a été la figure de celui qui doit venir, τύπος τοῦ μέλλοντος, forma futuri, Rom., v, 14 ; il a été pour l’humanité, au point de vue du péché et de la condamnation, ce que Jésus-Christ a été au point de vue de la réconciliation et de la vie. Conformément à cette doctrine, l'Église enseigne que « la prévarication d’Adam a nui, non à lui seul, mais à sa descendance ; qu’il a perdu à la fois pour lui et pour nous la sainteté et la justice qu’il avait reçues de Dieu ; que souillé lui-même par son péché de désobéissance, il a transmis à tout le genre humain, non seulement les peines du corps, mais aussi le péché qui est la mort de l'âme ». Conc. Trid., sess. v, De pecc. orig., 2.2.

[Image à insérer] Fig. 4 — Pêcheurs du tombeau de Rahotep à Meidoum. D’après Flinders Pétrie, Meidum, in-4° Londres, 1892, pi. xii.

Dans d’autres passages, saint Paul se réfère à la même doctrine. Il appelle « vieil homme » l’homme tel qu’il descendait d’Adam. Rom., vi, 6 ; Eph., IV, 22 ; Col., iii, 9. Il écrit aux Corinthiens que « par un homme est venue la mort ». I Cor., xv, 22. Aux Éphésiens, ii, 23 : « Vous étiez morts par vos offenses et vos péchés, dans lesquels vous marchiez autrefois selon le train de ce monde, selon le prince de la puissance de l’air, de l’esprit qui agit maintenant dans les fils de la désobéissance… Nous étions par nature enfants de colère, comme les autres. » Fils d’Adam prévaricateur et volontairement soumis au prince de ce monde, les hommes ne peuvent qu'être désagréables et antipathiques à Dieu.

Le péché originel, qui souille tout homme venant en ce monde, n’a pas atteint le Fils de Dieu incarné. I Pet., ii, 22 ; I Joa., iii, 5 ; Joa., viii, 46. L'Église a défini que la Sainte Vierge, en vue des mérites de son divin Fils, a été préservée de cette souillure, et n’a pas cessé d'être un seul instant « pleine de grâce » aux yeux de son Créateur. Luc, i, 28. — Sur l’interprétation des Pères, à propos du péché originel, voir Turmel, Histoire de la théologie positive, Paris, 1904, p. 87, 226, 412.

PÉCHERESSE de l'Évangile. Luc, vii, 37, 39. Voir Marie-Madeleine, t. i, Col. 810.

PÊCHEUR (hébreu : davvâg, dayyâg ; Septante : ἁλιεύς ; Vulgate : piscator), celui qui fait métier de pêcher des poissons. — 1° Isaïe, xix, 5-8, décrit la désolation des pêcheurs égyptiens lorsque le châtiment frappera leur pays, que le fleuve et les canaux tariront et que la pêche deviendra impossible. Les pêcheurs égyptiens faisaient de superbes captures. Sur une peinture de Meidoum, on voit trois pêcheurs ; deux d’entre eux transportent un latus presque aussi grand qu’eux (fig. 4).

[Image à insérer] 5. — Pêcheurs de nos jours, à Aïn Tabagha, sur les bords du lac de Tibériade. — D’après une photographie de M. L. Heidet (1899).

Sur un tombeau de Beni-Hassan, un pêcheur lient deux poissons qu’il a piqués d’un seul coup de fourche, cf. Rosellini, Monumenti civili, pl. xxv, 1, et sur le tombeau de Ti, six pêcheurs montés sur deux barques sont occupés à relever une nasse. Voir Pèche, fig. 2, col. 5. Jéhovah appelle contre les Israélites infidèles « des pêcheurs pour les pêcher », c’est-à-dire des ennemis pour s’emparer d’eux et les tenir en captivité. Jer., xvi, 16. Ézéchiel, xlvii, 9-10, prédit que, dans la nouvelle Terre Sainte, les eaux de la mer Morte seront assainies, qu’il y abondera des poissons de toute espèce, que des pécheurs se tiendront sur ses bords et qu’ils jetteront leurs filets d’Engaddi à Engallim. Cela signifie que, dans le royaume du Messie, il n’y aura point de pays deshérité et abandonné, mais que la vie de la grâce se répandra partout. — 2° Plusieurs des Apôtres exerçaient le métier de pêcheurs sur le lac de Tibériade (fig. 5) quand le Sauveur les appela à sa suite. Tels étaient André, Pierre, Joa., i, 40-41, Jacques le Majeur et Jean. Matth., iv, 21.- Pendant la vie publique de Notre-Seigneur, et même après sa résurrection, ils continuèrent à pêcher quand l’occasion s’en présenta. Matth., iv, 18 ; Marc, i, 16 ; Luc, v, 2 ; Joa., xxi, 3. — 3° En les appelant à lui, Notre-Seigneur leur signifia qu’il voulait faire d’eux des pêcheurs d’hommes. Matth., iv, 19 ; Marc, i, 17. Les Apôtres devaient donc consacrer à la conquête des âmes un labeur, une adresse, une patience analogues à ce qu’exigeait d’eux la pêche des poissons. En souvenir de cette mission, les premiers chrétiens représentèrent, dans les catacombes, saint Pierre sous la figure d’un pêcheur dont la ligne lire de l’eau un poisson (fig. 6). Quant à l’anneau du pêcheur, dont se sert le Souverain Pontife, on ne commence à en faire mention qu’au xiiie siècle. Cf. Dict. d’archéologie chrétienne, t. i, col. 2210.

H. Lesêtre.

[Image à insérer] 6. Saint Pierre, pêcheur d'âmes. Cimetière de Saint-Calliste. D’après Allard, Rome chrétienne, pl. vi.


PÉCHEUR, PÉCHERESSE (hébreu : ḥattâ, posim, ḥattâ'âh ; Septante : ἁμαρτωλός ; Vulgate : peccator, peccatrix), celui ou celle qui commet habituellement le péché et y persévère.

1° Il y a différentes sortes de pécheurs : celui qui est perverti dès le sein de sa mère, Ps. lviii (lvii). 4 ; celui qui fait le mal pendant une longue vie de cent ans, Is., lxv, 20 ; celui qui entasse péchés sur péchés, Eccle., viii, 12 ; Eccli., iii, 29 ; v, 5, 6 ; vii, 8 ; celui qui boit l’iniquité comme l’eau, Job, xv, 16 ; celui qui se rit du péché, Prov., xiv, 9 ; Eccli., xxvii, 14, et se glorifie de ses passions, Ps. x, 3 ; celui que la vue du juste fait entrer en fureur, Ps. cxii (cxi), 10 ; celui qui fait commettre le mal aux autres, III Reg., xv, 34 ; xvi, 19 ; voir Scandale ; celui qui abuse de la patience de Dieu en disant : « J’ai péché, que m’est-il arrivé de fâcheux ? » Eccli., v, 3 ; celui qui se vante de sa prospérité, Ps. xciv (xcm), 3, 4 ; voir Impie, t. iii, col. 846 ; le pécheur hypocrite qui a sur les lèvres les préceptes, Ps. l(xlix), 16, ou la louange de Dieu, Eccli., xv, 9 ; le pécheur impénitent, Joa., viii, 21, etc. ; le pécheur persécuteur, Matth., xxvi, 45 ; Marc, xiv, 41 ; Luc, xxiv, 7 ; et d’autre part le pécheur humble et pénitent, Luc, v, 8 ; xviii, 13, alors même que sa pénitence est tardive. Il Reg., xii, 13 ; Luc, xxiii, 42, etc. — 2° Le pécheur, haï de Dieu à cause de son péché, Eccli., xii, 7, peut fleurir comme l’herbe, il sera exterminé à jamais, Ps. xcii (xci), 8 ; le péché même le fera périr, Ps. xxxtv (xxxiii), 22 ; Prov., xiii, 6, 21, et des maux de toutes sortes s’abattront sur lui. Ps. xxxii (xxxi), 10 ; i.xxv (lxxiv), 9 ; xci (xc), 8 ; cxxix (cxxvin), 4 ; cxlvi, 6 ; Prov., xi, 31 ; Eccli., v, 7 ; XL, 8 ; ls., i, 28 ; Am., ix, 10, etc. Le Psaume xxxvii (xxxvi), 12-34, décrit longuement le sort malheureux qui attend le pécheur. Le livre de la Sagesse, ii, 1-25 ; iii, 10-13 ; iv, 16-20 ; v, 1-14, met en scène les pécheurs d’abord dans leurs joies coupables sur la terre, ensuite dans leur désespoir de l’autre vie. — 3° Le juste ne doit pas fréquenter le pécheur. Ps. I, 1 ; Tob., iv, 18, etc. Ils ne sont pas plus faits pour aller ensemble que le loup et l’agneau. Eccli., xiii, 21. Aussi mieux vaut habiter sur le seuil de la maison de Dieu que sous les tentes des pécheurs. Ps. lxxxiv (lxxxih), 11. — 4° Dans l'Évangile, NotreSeigneur, sans cesser de condamner le péché, prend compassion du pécheur dont il veut sauver l'âme. Il permet aux pécheurs de venir à lui, Matth., ix, 10 ; Luc, xv, 1 ; mange avec eux, Matth., ix, 11 ; Marc, II, 15, 16 ; Luc, v, 30 ; xv, 2 ; xix, 7 ; se laisse appeler leur ami, Matth., xi, 19 ; Luc, vii, 34 ; déclare qu’il est venu pour les sauver, Matth., ix, 13 ; Marc, ii, 17 ; Luc, v, 32 ; I Tim., i, 15, et que leur conversion cause grande joie au ciel. Luc, xv, 7, 10. Traité lui-même comme un pécheur par les Juifs, Joa., îx, 16, il est défendu avec beaucoup d'énergie et de bon sens par l’aveugle qu’il a guéri. Joa., ix, 30-33. Il appuie lui-même ses déclarations en faveur des pécheurs par la conduite qu’il tient envers la Samaritaine, Joa., iv, l-42 ; Matthieu, Matth., ix, 9-17 ; Marc, ii, 13-22 ; Luc, v, 27-39 ; la pécheresse, Luc, vii, 36-50 ; la Chananéenne, Matth., xv, 21-28 ; Marc, vii, 24-30 ; la femme adultère, Joa., viii, 2-11 ; Zachée, Luc, xtx, 1-10 ; le bon larron, Luc, xxiii, 43 ; Pierre, Joa., xxi, 15-18 ; Paul. Act., IX, 3-6, etc. Tous les hommes sont pécheurs, à des degrés divers, Rom., v, 8, 19 ; Gal., ii, 15 17 ; mais la volonté du Sauveur est que tous soient sauvés. I Tim., ii, 4.

H. Lesêtre.

PECTORAL (hébreu : ḥošén, et plus habituellement : ḥošén ham-mišpal ; Septante : λογεῖον τῶν κρίσεων , et une fois, Exod., xxviii, 4 ; περιστήθιον : Vulgate : rationale judicii), ornement que le grand-prêtre portait sur sa poitrine quand il devait entrer dans le sanctuaire.

[Image à insérer] 7. — Pectoral égyptien en ci', avec un scarabée bleu au milieu et un encadrement de pierres précieuses. Musée du Louvre.

On l’appelle aussi en français le rational. — 1° L’origine du mot ḥošén est incertaine. D’après l’arabe hasan, « être beau, » il pourrait avoir le sens d’« ornement » ; mais les versions ne favorisent pas cette étymologie. Dans le premier passage où il soit question du ḥošén, Exod., xxv, 7, l’auteur sacré en parle, sans aucune explication, comme d’une chose bien connue et suffisamment désignée par son nom. Comme l’objet paraît être d’origine égyptienne (fig. 7), il est assez probable que le nom l’est aussi. Beaucoup de personnages de l’ancienne Égypte sont représentés avec un pectoral (fig. 8), sorte d’ornement trapézoïdal qui se porte suspendu au cou. Cf. Lepsius, Das Todtenbuch der Ægypter, Leipzig, 1842, c 125, pl. 1 ; Mariette, Monuments divers recueillis en Égypte et en Nubie, Paris, 1872, pi. 24, 74, 92 ; Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Paris, 1895, t. i, p. 239. Le pectoral trouvé sur la momie de la reine Aah-Hotep, mère a

du premier roi de la XVIIIe dynastie, antérieur à Moïse, est ainsi décrit par Mariette, Xotice des monumeûls du musée de Boulaq, p. 263-264 : « La forme générale du monument est celle d’un petit naos… Au centre, Amosis est représenté debout sur une barque. Deux divinités, Ammon et Phré, lui versent sur la tête l’eau de purification. Deux éperviers planent au-dessus de la scène, comme des symboles du soleil vivifiant. Le travail de ce monument est tout à fait hors ligne. Le fond des figures est découpé à jour ; les figures ellesmêmes sont dessinées par des cloisons d’or dans lesquelles on à introduit des plaquettes de pierres dures : cornalines, turquoises, lapis, pâte imitant le feldspath vert. Ainsi disposée, cette sorte de mosaïque, où chaque couleur est séparée de celle qui l’avoisine par un

8. — Grand trésorier égyptien portant le pectoral. Statue du Musée égyptien du Louvre.

brillant filet d’or, donne un ensemble aussi harmonieux que riche. » Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. ii, p. 513 ; Les Livres Saints et la critique rationaliste, 5e édit., t. iii, p. 123. Dieu voulut que le grand-prêtre de son peuple portât un ornement analogue à celui qui distinguait les grands personnages égyptiens. Les versions grecques l’appellent, Septante : Xofstov, sans doute de lôyos, « parole, » et Ttsptarvjfkov, « ce qui eatoure la poitrine ; » Josèphe, Ant, jud., III, vii, 5, et les autres versions grecques : Xôftov, « oracle ; » Symmaque : Sôjaov, « réceptacle. » Ces noms sontjustifiés par la destination même du pectoral qui, placé sur la poitrine du grand-prêtre, renfermait l’Urim et le Thummim, au moyen duquel Dieu faisait connaître ses oracles. Le mot rationale, adopté par la Vulgate, vise à traduire Xofsîov, en le dérivant de), ôvo ; , « raison, » au lieu de Xôyo ?, « parole. » A hoSén s’ajoute le mot ham-mispât, « du jugement, » parce que Dieu rendait ses jugements ou ses décisions au moyen de ce que contenait le pectoral. — 2° Le texte sacré donne une description minutieuse de ce que doit être le pectoral. Il faut qu’il soit artistement travaillé et du même tissu que l'éphod, comprenant l’or, la pourpre violette et rouge, le cramoisi et le lin. Voir Éphod, t. ii, col. 1865. Il a la forme quadrangulaire,

mais pas nécessairement celle d’un carré parfait ; il est double, c’est-à-dire replié sur lui-même de manière à former une sorte de poche renfermant l’Urim et le Thummim ; sa longeur et sa largeur sont d’un zéret ou empan, mesure comprise entre les extrémités du petit doigt et du pouce étendus. II porte quatre rangées de pierres précieuses, toutes différentes et au nombre de trois par rangée. Chacune de ces pierres, enchâssée dans une rosette d’or, représente une des douze tribus d’Israël dont le nom est gravé sur elle (fîg> 9). L’ordre dans lequel ces noms étaient disposés n’est pas indiqué. Josèphe, ibid., pense que l’ordre suivi était celui de la naissance, et c’est en effet ce qui paraît fe plus naturel. Des chaînettes et des anneaux d’or servaient à fixer le pectoral, deux en haut et deux en bas, aux épaulettes de l'éphod, de manière qu’il fût

9. — Pectoral du grand-prêtre juif. Essai de restitution d’aprèsSchuster, dans Fillion, Atlas archéolog., 2e édit., pi. cvi, flg. 12.

maintenu au-dessus de la ceinture de l'éphod. Josèphe, ibid., dit que le pectoral remplissait ainsi sur la poitrine l’espace laissé libre par l'éphod (fig. 10). Le grandprêtre ne pouvait entrer dans le sanctuaire sans porter ainsi sur son cœur les noms des fils d’Israël, « en souvenir perpétuel devant Jéliovah. » Exod., xxyiii, 15-29 ; xxxix, 8-21 ; Lev., viii, 8. Voir Grand-prètre, t. iii, fig. 64. col. 296. — Dans l’Ecclésiastique, xlv, 12, 13, le pectoral, est mentionné parmi les ornements d’Aaron. Le texte hébreu dit que Dieu lui fit porter « le pectoral du jugement, l'éphod et la ceinture, ouvrages tissés de cramoisi, fes pierres précieuses sur le pectoral, gravées commedès cachets pour l’inauguration (d’Aaron), chaque pierre ayan t une écriture gravée en souvenir, suivant le nombre (des tribus) d’Israël ». Les Septante rendent bemillu’im, « pour l’inauguration, » par 'ipyut XiOoûpyo’j, « œuvre du graveur. » Le texte hébreu est d’ailleurs peu sûr dans ce passage, et le premier des deux versets est rendu par les versions avec des variantes assez considérables.. — 3° Les matières qui entrent dans la fabrication du pectoral, or, fils richement teints et pierres précieuses, symbolisent la dignité du grand-prêtre et surtout la royauté suprême du Dieu dont il est le ministre. Aaron porte le pectoral « sur les deux épaules » et « sur le cœur », Exod., xxxiii, 12, 30, « en souvenir perpétuel  :

devant Jéhovali. » comme pour représenter devant le Seigneur tout le peuple qui lui est consacré. Les pierres précieuses reflètent la lumière du ciel, dont Jéhovah est aussi le souverain. Elles sont disposées sur le pectoral quadrangulaire à peu près comme les lsraélistes eux-mêmes le sont dans leur camp. Voir Càsip, t. ii, col. 95, Il est évidemment impossible de déterminer quelle relation symbolique pouvait exister entre chaque pierre et la tribu dont elle portait le nom. Il n’y en avait pas moins là une expression saisissante de cette idée que, dans ïa personne du grand-prêtre, les douze tribus étaient présentes pour rendre hommage à Jéhovah et recevoir ses oracles. — Cf. Braun. De vestitn sacerdo~

10, — Le pectoral et l'épliod. — Essai de reconstitution d’après les monuments égyptiens, par V. Ancessi, Atlas biblique, in-4°, Paris, 1876, pi. vi.

tum Hebrseorum, Leyde, 1680, ii, 6, 7 ; Balvi, Symbolik

des mosaischen Cultus, Heidelberg, 1839, t. ii, p. lO1110, 127-136.
H. Lesêtre.
    1. PEIKHART François##

PEIKHART François, commentateur autrichien, né à Vienne le 14 janvier 1684, mort dans cette ville le 29 mai 1752. Il entra dans la Compagnie de Jésus en 1698 et fut longtemps professeur et prédicateur. Nous avons de lui, en allemand, de longs commentaires sur les quatre Évangiles : Erklàrung der Evangelischen Besehreibung der IV Evangelischen. Ils parurent d’abord à Vienne en 1752-1754, puis à Munich et à Ingolstadt en 1753. L'édition de Munich est en 4 in-f°.

P. Bliard.

    1. PEINES##

PEINES, châtiments. Voir Pénalités.

    1. PEINTURE##

PEINTURE, art d’imiter, à l’aide des couleurs appliquées sur une surface, l’apparence naturelle des êtres vivants ou des objets. — La loi qui proscrivait toute image taillée et toute figure d'être animé, Exod., xx, 4,

fut toujours prise par les Hébreux dans le sens le plus strict. Ils s’en inspirèrent dans leurs monuments. De plus, étant donnée la nature des matériaux employés dans leurs grandes constructions et leur caractère suffisamment décoratif, on peut dire que la peinture leur fut à peu près étrangère. Aussi, pour exprimer l’idée de « peindre », sont-ils obligés de se servir du verbe hâqâh qui veut surtout dire « sculpter » et « graver ». Il est bon néanmoins d’avoir quelque idée de ce que fut la peinture chez les Égyptiens, les Assyriens, les Perses, , et les Grecs, à cause de quelques allusions bibliques et aussi des illustrations qu’on en tire pour l’explication du texte sacré v

1° Chez les Egyptiens. — Les statues étaient souvent complètement peintes des pieds à la tête. Dans les basreliefs, les personnages et les figures étaient enluminés, sur un fond laissé à l'état naturel. Pour exécuter ces peintures, on se servait de couleurs dont la variété s’accuse de plus en plus avec le temps. Les couleurs trop coûteuses se remplaçaientpar des imitations plus simples, comme le bleu du lapis-lazuli par du verre coloré et réduit en, fine poussière. On délayait la couleur dans de l’eau additionnée de gomme adragante, et on l'étatait à l’aide d’un calame ou d’une brosse. Pour les surfaces planes, sur lesquelles on tenait à fixer des scènes plus ou moins compliquées, on commençait par dégrossir la paroi à décorer et l’on appliquait sur la muraille encore rugueuse un crépi d’argile noire et de paille hachée menu, mélange qui produisait un enduit analogue à la composition de la brique. La peinture fixée sur les surfaces ainsi préparées constituait de l’enluminure 'beaucoup plus que de la peinture. L’artiste procédait par teintes plates, juxtaposées mais non fondues. Tout enobéissant à l’inspiration de la nature, il ne s'écartait pas cependant de certaines formules de conventio’ri qui caractérisent les procédés égyptiens de la première â la dernière époque. On indiquait dans les ateliers la couleur qui convenait à tel être ou à tel objet, et l’on s’en tenait à cette donnée traditionnelle. Ainsi l’eau est toujours d’un bleu uni ou strié de zigzags noirs. Les chairs sont brunes chez les hommes et d’un jaune clair chez les femmes, sauf un certain nombre d’exceptions qui ne se constatent guère qu'à de rares et courtes périodes. Voir 1. 1, fig. 616, col. 1932 ; t. ii, fig. 384, col. 1067. La perspective est à peu près inconnue. Les objets représentés sont là, mais à leur place conventionnelle, un canal, par exemple, à mi-hauteur du tronc des palmiers qu’il traverse, un bassin avec les plantations dressées perpendiculairement sur les quatre faces, des masses de soldats figurées par la reproduction, multipliée et identique du même individu, les différentes "scènes d’une même action juxtaposées ou superposées pour ne négliger aucun détail, etc. L’artiste laissait au spectateur le soin d’interpréter, ce qui d’ailleurs était facile, puisque tous connaissaient parfaitement la convention traditionnelle qui réglait l'œuvre des praticiens. La représentation de l'être humain ne s'écartait qu’assez rarement de certaines lois artistiques en contradiction avec celles de la perspective, mais permettant de caractériser facilement les principales parties du corps. Ainsi presque toujours la tête, munie d’un œil de face, se présente de profil, le buste de face, le tronc de trois quarts et les jambes de profil. « Les maîtres égyptiens continuèrent jusqu'à la fin à déformer la figure humaine. Leurs hommes et leurs femmes sont donc de véritables monstres pour l’anatomiste, et cependant ils ne sont ni aussi laids ni aussi risibles qu’on est porté à le croire, en étudiant les copies malencontreuses que nos artistes en ont faites souvent. Les membres défectueux sont alliés aux corrects avec tant d’adresse qu’ils paraissent être soudés comme naturellement. Les lignes exactes et les fictives se suivent et se complètent si ingénieusement qu’elles semblent se déduire

nécessairement les unes des autres. La convention une fois reconnue et admise, on ne saurait trop admirer l’habileté technique dont témoignent beaucoup de monuments… Chaque mur est traité comme un tout, et l’harmonie des couleurs s’y poursuit à travers les registres superposés : tantôt elles sont réparties avec rythme et symétrie, d'étage en étage, et s'équilibrent l’une par l’autre, tantôt l’une d’elles prédomine et détermine une tonalité générale, à laquelle le reste est subordonné. L’intensité de l’ensemble est toujours proportionnée à la qualité et à la quantité de lumière que le tableau devait recevoir. Dans les salles entièrement somhres, le coloris est poussé aussi loin que possible ; moins fort, on l’aurait à peine aperçu à la lueur vacillante des lampes et des torches. Aux murs d’enceinte et sur la face des pylônes, il atteignait la même puissance qu’au fond des hypogées ; si brutal qu’on le fit, le soleil en atténuait l'éclat. Il est doux et discret dans les pièces où ne pénètre qu’un demi-jour voilé, sous le portique des temples et dans l’antichambre des tombeaux. La peinture en Egypte n'était que l’humble servante de l’architecture et de la sculpture. » Maspero, L’archéologie égyptienne, Paris, 1887, p. 170, 198., Pendant leur séjour en Egypte, les Hébreux avaient eu l’occasion de contempler certaines de ces peintures d’un caractère fréquemment idolâtrique et dans lesquelles les dieux étaient habituellement représentés avec des têtes d’animaux. Il était donc utile de les prémunir contre toute idée d’imitation. Plus tard, l’auteur de la Sagesse, xv, 4, se moquera de ces idoles qui ont « une figure barbouillée de diverses couleurs, vain travail d’un peintre ».

2° Chez les Assyriens. — Les Assyriens enduisaient leurs maisons d’un stuc blanc, fait de plâtre et de chaux, et assez souvent le décoraient de peintures en détrempe, à teintes plates et sans modelé dans les figures. Cf. Perrot, Histoire de l’art, t. ii, p. 291. Plusieurs de ces peintures remontent à la plus haute antiquité chaldéenne. On a retrouvé d'élégantes rosaces formées par l’application sur le stuc de couleurs très tranchées, des bordures décoratives avec taureaux peints en blanc sur fond jaune et silhouettes accusées par une large bande noire, créneaux bleus et festons multicolores, etc. Les tours à étages ont les degrés peints, à partir du bas, en blanc, noir, rouge, jaune, vermillon, argent et or. À l’intérieur des salles, les basreliefs eux-mêmes étaient décorés en couleur, de sorte que les stucs ornés de peintures paraissaient en être la continuation et le prolongement, ce qui évitait un contraste choquant entre la blancheur des sculptures et ta coloration des stucs. Cf. Babelon, Archéologie orientale, Paris, 1888, p. 126. La brique émaillée entrait aussi pour beaucoup dans la décoration des édifices. Voir Émail, t. ii, col. 1712. Dans une de ses visions, au pays des Chaldéens, Ézéchiel, viii, 10, songe à ces peintures, imitées par des Israélites infidèles, quand il décrit, dans une salle retirée, « toutes sortes de figures de reptiles et d’animaux immondes, et toutes les idoles de la maison d’Israël dessinées sur la muraille tout autour. » Dans une autre vision, il voit Ooliba, c’est-à-dire Jérusalem, brûlant d’amour pour les fils de l’Assyrie représentés en peinture sur la muraille avec une couleur vermillon. Ezech, , xxiii, 14. Déjà Jérémie, xxii, 14, avait stigmatisé les mauvais rois de Juda qui s'élevaient de vastes maisons couvertes de cèdre et peintes en vermillon. D’après les versions chaldaïque, syriaque et arabe, il s’agirait ici non pas seulement de vermillon, sdsar, mais de figures, sammâkin. Toutefois le sdsar désigne bien levermillon, [u’Xtoc, sinopis. Cf. Pline, H. N., xxxv, 6, 13. '

3° Chez les Perses. — À Suse, la décoration polychrome à l’extérieur des monuments se composait de briques émaillées aux vives couleurs, avec des sujets

en relief pour imiter la sculpture assyrienne. « L’intérieur de l’apadâna paraît avoir été simplement colorié à l’aide d’un stuc rouge monochrome que dissimulaient d’ailleurs, à peu près complètement, les riches tapis et les draperies brodées dont les parois de toutes les salles étaient tendues. » Babelon, Archéologie orientale, p. 184. Le livre d’Esther, i, 6, mentionne ces tentures, et non des peintures, comme traduisent les versions. 4° Chez les Crées. — La polychromie des édifices et des maisons était en grand honneur chez les Grecs. L’influence s’en fit naturellement sentir en Palestine à l'époque des Séleucides. On en a une preuve dans une remarque faite en passant par l’auteur du second livre des Machabées, ii, 30 : « De même que l’architecte d’une maison nouvelle doit embrasser dans sa pensée tout l’ensemble de la construction, tandis que celui qui se charge de la décorer et d’y peindre des figures doit se préoccuper de ce qui regarde l’ornementation… » En tous cas, cet art ne pénétra jamais dans le Temple, où la couleur ne figurait que dans les tapisseries brodées ou, à l'état naturel, dans les riches matériaux plus ou moins ouvragés qui entraient dans la construction, pierre, cèdre, bronze, or, etc. Josèphe, Bell.jud., V, v, 2, note que même dans l’ornementation des portiques du Temple, aucun peintre de figures, ÇwypciiyO :  : , n’avait eu à travailler. La peinture décorative, la seule dont il puisse être question, était donc exclue de l'édifice sacré. Différents textes semblent, au moins dans les versions, se rapporter à la peinture. Il Beg., vi, 29, 32 ; Prov., vii, 16 ; Jer., iv, 30 ; Ezech., XL, 6 ; Eccli., xxxviii, 28. En réalité, il n’y est question que de sculpture ou

de teinture.
H. Lesêtre.
    1. PEIRCE James##

PEIRCE James, controversiste protestant, né à Londres en 1673, mort à Exeter le 30 mars 1726. Il étudia en Hollande, à Utrecht et à Leyde. De retour en Angleterre, il prêcha à Londres, et en 1713 devint ministre d’une église non conformiste à Exeter. Cinq ans plus tard il devait renoncer à ce poste à cause de ses doctrines sur la Trinité ; mais peu après il ouvrait un nouveau temple dans la même ville. Prédicateur célèbre, il eut de longues discussions avec les anglicans et presque tous ses écrits ont trait à ces controverses. Nous devons cependant mentionner l’ouvrage suivant : A paraphase and notes on the Epistles of Si. Paul to the Colossians, Philippians and Hebreivs, after the manner of Mr. Locke to ivich are annexed crilical dissertations on particular texts of Scripture. With a paraphrase and notes on the three last chapters of the Hebrews, left unfinished by Mr. Peirce ; and an essay to discover the autor of the Epistle, and language in with it was ivritten, by Joseph Hallet, 2 a édition, in-4°, Londres, 1733. Cet ouvrage, dont la l re édition avait paru en 1725-1727, fut traduit en latin par Michaëlis en 1747. — Voir Walch, Biblioth. theologica, t. IV, p. 675, 736 ; W. Orme, Biblioth. biblica, p. 344.

lî. Heurtebize.

    1. PELAGE##

PELAGE (hébreu : l.iâbarburôt ; Septante : uoixiltiara ; Vulgate : varietates), la robe d’un fauve, dont les poils diversement colorés donnent un aspect spécial à chaque espèce. — Le mot hébreu, exactement rendu par les versions, désigne les taches noires qui sont disséminées sur le dos jaune du léopard. L'Éthiopien ne peut pas plus changer sa peau que le léopard les taches de son pelage. Jer., xiii, 23. Voir Nègres, t. ix, col. 1563.

— Sur le procédé employé par Jacob pour obtenir des

brebis tachetées de différentes nuances, Gen., xxx, 3743, voir Brebis, t. i, col. 1918.
H. Lesêtre.
    1. PELERINAGES##

PELERINAGES, voyages que les Israélites étaient obligés de faire à Jérusalen aux trois fêtes principales.

— 1° La Loi obligeait tous les hommes à se présenter trois fois l’an devant Jéhovah, Exod., xxiii, 17 ; xxxiv,

23, à la fête des azymes ou Pàque, à la fête des semaines ou Pentecôte et à la fête des Tabernacles. La loi ajoutait qu’en ces occasions il ne fallait pas venir les mains vides, mais que chacun devait apporter ses offrandes selon les bénédictions que Dieu lui avait accordées. Deut., xvi, 46-17. Cf. II Par., viii, 13. Voir Fêtes juives, t. ii, col. 2218. — Sur la manière dont les pèlerins se rendaient à Jérusalem, voir Caravane, t. ii, col. 249.

2° L’obligation légale ne visait que les hommes. Pratiquement, on déclarait exempts de cette obligation les sourds, les faibles d’esprit, les enfants, les orphelins, les femmes, les esclaves, les estropiés, les aveugles, les malades, les vieillards, et en général tous ceux qui ne pouvaient faire le chemin à pied. Cf. Chagiga, I, 1. Par enfant, on entendait, d’après Schammaï, celui qui ne pouvait plus être transporté de Jérusalem au mont des Oliviers que sur les épaules de son père, et d’après Hillel, celui qui n’aurait pu faire ce chemin en tenant la main de son père. Du récit de saint Luc, ii, 42, il ressort que l’enfant n’entreprenait le pèlerinage qu'à sa douzième année. Encore faut-il tenir compte de la distance à laquelle il se trouvait de Jérusalem. Les docteurs étaient plus sévères pour la fête des Tabernacles. Les femmes, les esclaves et les enfants en étaient exempts. Mais, parmi ces derniers, l’obligation s’imposait à ceux qui pouvaient se passer de leur mère et qui étaient capables d’agiter le rameau de la fête ou lulab. Cf. Sukka, ii, 8 ; iii, 15. Les Israélites de l'étranger ne se dispensaient pas de ces pèlerinages ; ils venaient à la ville sainte au moins de temps en temps. Ils arrivaient par milliers de tous les points cardinaux, les uns par terre, les autres par mer. Cf. Philon, De monarch., ii, 1, édit. Mangey, t. ii, p. 223. Cf. Josèphe, Ant. jud., XVII, ii, 2 ; XVI11, ix, 1 ; Yoma, vi, 4 ; Taanith, 1, 3.

3° Un mois avant chacune de ces trois fêtes, on commençait à instruire le peuple de tout ce qui concernait la solennité. Quinze jours plus tard, ou procédait à la déçimation des troupeaux, on recueillait le montant de l’impôt et l’on tirait du trésor du Temple ce qui était nécessaire à l’usage commun pendant la fête. Cf. Schekalin, iii, 1. Tout était préparé dans le pays pour l’utilité et la sécurité des pèlerins, les chemins remis en état, les puits débarrassés de leurs pierres, les sépulcres reblanchis, les ponts consolidés, les places et les rues de Jérusalem laissées à la disposition de ceux qui devaient y camper. Là où il y avait lieu de le faire, on donnait l’eau de jalousie à boire aux femmes suspectes d’adultère (voir t. n. 1522), on immolait et on consumait la vache rousse (voir t. n col. 407) et l’on perçait les oreilles des esclaves (voir t. iv, col. 1857). Deux ou trois jours avant la fête on purifiait soigneusement les vases et les ustensiles qui devaient servir ce jour-là.

4° Dans la Mischna, le traité Chagiga s’occupe de l’obligation d’aller à Jérusalem aux trois grandes fêtes et des devoirs qui s’imposaient alors à l’Israélite ; le traité Moed katan a pour objet les jours intermédiaires de la fête, et le traité Beza ou Yoni tob indique ce qu’il est permis de faire les jours de fête' ou de sabbat. On voit dans ces traités que les Juifs reconnaissaient six jours de fête majeure, appelés yâmîm tobîm, « jours bons » ou « grands jours » : le premier et le septième de la Pàque, celui de la Pentecôte, le premier et le huitième des Tabernacles, et le premier de tischri ou commencement de l’année civile. Cf. Rosch haschana, I, 1. En ces jours, le travail était défendu, mais moins strictement qu’au jour du sabbat, car il était permis de cuire les aliments préparés la veille. Cf. Gem. Jerus. Yebamoth, 8, 4. Sur ces six jours, il y en avait quatre, le premier de la Pâque, celui de la Pentecôte, le huitième des Tabernacles et le

premier de tischri qui se distinguaient des autres par les sacrifices qu’on offrait et les festins auxquels on se livrait. Saint Jean, vii, 37, remarque que le dernier jour de la fête des Tabernacles était « le jour le plus solennel ». Les jours intermédiaires de la Pàque et de la fête des Tabernacles étaient moins solennels. Saint Jean, vii, 14, fait encore allusion à l’un de ces jours. On y pouvait terminer les travaux qui ne seraient pas restés en souffrance sans inconvénient ou dommage. Cf. Sota, ix, 10. Il était également permis de se livrer à des travaux d’utilité publique et immédiate, comme le blanchissage des sépulcres à la chaux, ou à d’autres œuvres urgentes, comme l’arrosage d’un champ desséché, etc.

5° On profitait de ces fêtes pour offrir un grand nom’bre de sacrifices, qu’on réservait jusqu'à cette occasion, comme ceux qui étaient prescrits aux femmes devenues mères, à ceux qui étaient atteints de flux, etc. Cf. Joa., xi, 55 (ut sanciificarent seipsos). De plus, la Loi ordonnait expressément de ne pas se présenter les mains vides devant le Seigneur. Exod., xxiii, 15 ; Deut., xvi, 16. 17. Chacun se faisait donc un devoir d’offrir un holocauste pendant le cours la fête, et, le premier jour, un sacrifice pacifique dont on pouvait manger ce jour-là, la nuit et le jour qui suivaient. Ces sacrifices prenaient le nom de hagîgàh, ou sacrifices de la fête. Celui qu’on offrait le 14 nisan pouvait être mangé avant l’agneau pascal. Si ces deux sacrifices n’avaient pas été offerts dès le premier jour, on pouvait les offrir les autres jours de la fête, et, pour la fête de la Pentecôte qui ne durait qu’un jour, pendant les six jours suivants. Cf. Moed katon, iii, 6 ; Chagiga, i, 6.

6° À ces sacrifices devaient s’ajouter des festins de joie et de reconnaissance. Deut., xxvii, 7. L’Israélite devait inviter, au moins à la fête de la Pentecôte, outre son fils, sa fille, son serviteur et sa servante, Je lévite, l'étranger, l’orphelin et la veuve. Deut., xvi, 11, 14. On y mangeait ce qui avait été offert dans les sacrifices pacifiques de la fête et même ce qui provenait de la dime des animaux. Les prêtres célébraient leurs festins avec ce qui leur revenait de ces sacrifices. On regardait les femmes comme obligées à prendre part à ces festins.

7° On profitait de l’affluence amenée par ces fêtes pour exécuter les criminels, afin d’inculquer à tous une crainte salutaire. Deut., xvii, 13 ; xix, 20. Cf. Sanhédrin, xi, 4. On ne procédait cependant à l'éxecution qu’avant le commencement de la fête, comme il fut fait pour Notre-Seigneur, ou après son dernier jour, comme Hérode Agrippa se le proposait pour saint Pierre. Act., xii, 4. Cette afiluence et ces festins n’allaient pas sans occasionner parfois certains désordres, surtout à l'époque de la domination romaine. Cf. Josèphe, Bell, jud., i, iii, 2-4 ; Matth., xxvi, 5. Aussi les procurateurs avaient-ils coutume d'être eux-mêmes présents à Jérusalem pendant les fêtes avec toute leur garnison, et même ils postaient une cohorte en armes sous les portiques du Temple afin de maintenir l’ordre et d’obvier à toute tentative de troubles. Cf. Josèphe, Ant. jud., XX, v, 3. — Reland, Antiquilates sacras f Utrecht, 1731, p. 224-228 ; Iken, Anliquilales hebraicæ, Brème, 1741, p. 305-307. — Sur les voyages entrepris pour porter les prémices à Jérusalem, voir Prémices.

H. Lesêtre.
    1. PÉLICAN##

PÉLICAN (hébreu : qâ'at ; Septante : TrsXexâv ; Vulgate : pellicanus, onocrotalus), oiseau palmipède, typede la famille des pélécanidés (fig. 11). — Le pélican est un oiseau dont la taille atteint quelquefois deux mètres. Son bec seul a près de cinquante centimètres ; il est droit, large, déprimé, avec une mandibule inférieure composée de deux branches osseuses qui servent. de soutien à une grande poche nue et dilatable, dans

laquelle l’oiseau amasse une forte quantité d’eau et de poissons. Le pélican fréquente les bords des fleuves, des lacs et de la mer. Il nage avec une merveilleuse habileté et est en mesure de faire une chasse très active aux poissons qui composent sa nourriture. Le nom scientifique d’onocrotalus a été attribué au pélican à cause d’une certaine ressemblance entre son cri et le braiment de l'âne. Sur le bord du lac de Tibériade, on trouve fréquemment « le pélican, pelecanus onocrotalus, qui se tient ordinairement en troupes nombreuses de plusieurs centaines d’individus, près de l’endroit où le Jourdain forme un estuaire. Ces gros oiseaux se placent en cercles immenses sur un seul rang d'épaisseur, et, ainsi régulièrement disposés et espacés, se livrent à une pêche active, la tête toujours dirigée vers le centre du cercle. Ils sont trop sauvages pour se

11. — Le pélican.

laisser voir de près, mais avec la longue-vue nous avons pu souvent examiner leurs manœuvres singulières. Lorsque la pêche a été fructueuse et leur poche cervicale convenablement remplie de poissons, ils se retirent au milieu des roseaux, dans quelque golfe désert, pour se livrer alors en paix au travail de la mastication et de la digestion ». Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, Paris, 1884, p. 511. Le pélican dégorge les provisions qu’il a amassées en pressant sa mandibule inférieure contre son ventre. Il semble alors les vomir, d’où son nom hébreu de qtfat, tiré du verbe qô', « vomir. » Il agit ainsi, soit quand il est alarmé et que, pour fuir plus aisément, il se débarrasse du fardeau qui retarderait sa course, soit quand il veut donner à manger à ses petits. D’une observation incomplète de la manière dont se comporte le pélican, on a conclu qu’il s’ouvrait lui-même le ventre pour nourrir ses petits. Saint Augustin, In Ps. ci, 8, t. xxxvii, col. 1299, enregistre la légende sous la forme suivante : l’oiseau tue ses petits à coups de bec et ensuite porte leur deuil dans son nid pendant trois jours ; au bout de ce temps la mère se fait à elle-même une grave blessure et répand son sang sur ses petits, qui aussitôt reprennent la vie. Ce sang qui rend la vie serait l’image du sang du Sauveur. La légende et son application se sont généralisées au moyen âge et ont pris place dans l’iconographie chrétienne. Le pélican est alors représenté entouré

de ses petils et les nourrissant au moyen d’une blessure qu’il s’est faite. Saint Thomas, dans l’hymne Adoro te, appelle Jésus-Christ « compatissant pélican » ; mais, dans le développement de cette idée, il reste fidèle à la donnée de saint Agustin et considère l’acte de l’oiseau symbolique comme destiné à purifier et à vivifier au moyen du sang et non à nourrir. — La Sainte Écriture parle du pélican pour défendre de l’employer dans l’alimentation. Lev., xi, 18 ; Deut., xiv, 17. De fait, sa chair n’est pas mangeable. Un Psalmiste, en proie à de dures épreuves, se compare au pélican du désert et au hibou des ruines. Ps. eu (ci), 7. Le pélican au repos a un air grave et mélancolique qui figure bien les apparences du chagrin. Le désert qu’il habite est naturellement situé sur le bord des eaux, puisque cet oiseau ne vit que de poisson. La présence du pélican dans des endroits précédemment habités indique que ces lieux sont devenus déserts et en ruines. Il en sera ainsi du pays d'Édom, dont les torrents seront desséchés, Is., xxxiv, 9, l, et de Ninive. Soph., ii, 14. A Ninive, les pélicans trouveront à vivre dans les eaux du Tigre. Ils sont nombreux en Egypte sur les bords du Nil et dans les marécages du Delta. En Humée, ils n’auront à leur disposition que les eaux de la mer Morte et du golfe Élanitique. Mais il faut observer qu’ici le prophète Isaïe prend Édom comme type de toutes les nations condamnées par la justice divine et attribue à leurs territoires en général les signes de désolation qui ne conviennent qu'à certains d’entre eux. Les Septante traduisent qâ'at dans Isaïe par opveov, « oiseau, » et dans Sophonie par j ; a l u.oa>iov, « caméléon. » II. Lesêtre.

PELLEGR1N1 Alexandre, commentateur italien, né à Matelica en 1600, mort à Rome en 1647. Il entra au noviciat de la Compagnie de Jésus en 1621 et remplit diverses charges dans son Ordre. Il nous reste de lui un commentaire assez long et assez original : EvangeUum secundum Matlhseum paradoxis ilhtstvaium. Il comprend deux volumes parus le premier a Rome en 1638 et le second à Lorette en 1745. P. Bliard.

    1. PÉLUSE##

PÉLUSE (hébreu : Sin ; Septante : Sâïv, X^tÎvïj), ville d’Egypte. — I. Nom et site. — Le nom que la Vulgate rend par Péluse est Sin en hébreu. Les Septante le traduisent parSâïv, Ezech., xxx, 15, et Su^vï], 16. Le Codex Alexandrinus porte Tâviv au lieu de Sâïv, leMarchalianus a Sais aux deux endroits. Cela semble indiquer que, pour les Septante, ou du moins pour les copistes des plus anciens codices, le mot Sin n’offrait rien de précis et qu’on était embarrassé pour l’identifier. Evidemment Su-^VT] est ici fautif : il ne traduit pas Sin, mais Sevê nêh, Ezech., xxix, 10, xxx, 6, laR.3fe>.^, Soun des

Égyptiens, la ccnf*.iT des Coptes, la Syène des Romains, l’Assouan des Arabes. Il faut en dire autant de Tdtviç

qui est le nom grec de) çs, Zân ou Djan, en hébreu

Sô'an. Ezech., xxx, 14. Cf. Is., xix, 4 ; Ps. xlvii (xlviii), 12, 43. C’est la moderne San el-Haggar. Quant à Edci’v, ce pourrait être l’accusatif de Siï ; _, et alors nous aurions la

ville de ? Tk.©> Sa, Sais, aujourd’hui Sa el-Haggar, capitale de la xxvi « dynastie et située sur la branche de Rosette, dans le Delta occidental. Mais le contexte d’Ezéchiel nous interdit de songer à une pareille identification. Contre les ennemis qui doivent venir de l’Asie, Sin est désignée comme « la force » ou « le rempart de l’Egypte », xxx, 15, et cela vise de façon assez claire la frontière orientale du Delta. C’est en cet endroit qu’il nous faut la chercher. Sàïv pourrait encore à la rigueur être un mot indéclinable et, dans ce cas, rendre tant bien que mal Sin qui relève du dialecte chaldaïque et devient Seyân dans le dialecte aramaïque. Or Sin, Seyân,

emporte le sens de « boue », tout comme ïlr{).o-Ji ! .ai qui en serait alors l'équivalent grec. Péluse était située à l’extrémité nord du Delta orienta], à la bouche même de la branche du Nil à laquelle elle donna son nom, la Pélusiaque. Les marais et les fondrières l’entouraient. « Son nom, dit Stnibon, XVII, i, 21, lui vient précisément de la boue et des marais : wvôu.a<rrat b'àizo to-j 7 :  ;  ; Xoi v.x toiv Tc).[j.àtwv. » C’est appuyé sur cette analogie, peut-être aussi sur quelque texte plus pur des Septante et sur quelque tradition juive, que saint Jérôme aura rendu Sin par Péluse. On n’a guère contesté cette assimilation de noms, assimilation que rappelle encore aujourd’hui la dénomination de Tinéh, « boue, » donniie parles Arabes à un fort en ruines de Péluse. Cf. d’Anviïfe, Mémoires sur l’Egypte ancienne et moderne, 1766, p. 96-97 ; Steindorff, Beitràge xur Assyriologie, t. r, 1890, p. 589 ; Griffith, art. Sin, dans Hastings, Dictionary of the Bible, t. iv, p. 336.

II. Sox importance. — Doublement importante était Péluse, comme station commerciale et comme poste militaire. Par la mer arrivaient à elle les' vaisseaux phéniciens, cypriotes et grecs. De là ils pénétraient dans l’intérieur du pays, surtout depuis Psammétique I er (&63-609 avant J.-C.) qui avait favorisé l'établissement des Grecs dans la région extrême de la brandie pélusiaque. Hérodote, ii, 151. Par terre, six à sept jours de marche seulement séparaient Péluse de Gaza : elle était donc le confluent des caravanes et un point central du trafic entre l’Asie et l’Afrique. En conséquence, elle était aussi le poste le plus exposé aux ennemis de l’est : Péluse prise, les conquérants tenaient la clef de l’Egypte, et la route de Memphis s’ouvrait devant eux. Mais sa ceinture de marais la rendait difficilement abordable. « On s’explique par cette disposition des lieux comment l’entrée de l’Egypte est si difficile du côté du Levant, c’est-à-dire par la frontière de Phénicle et de Judée, seule route pourtant que puisse prendre le voyageur qui vient du pays des Nabatcens, bien que cette partie de l’Arabie, la Nabatée, soit elle-même contiguô à l’Egypte, 'l’ont l’espace compris entre le Nil et le golfe Arabique, dont Péluse se trouve former le point extrême, appartient en offet déjà à l’Arabie et n’offre qu’un désert ininterrompu qu’une armée ne saurait franchir. » Strabon, XVII, i, 21, traduction Amédée ïardieu, t. iii, y. 420. C’est pourquoi les Pharaons qui se souvenaient des campagnes d’Asarhaddon et d’Assurbanipal durent mettre à profit cette situation avantageuse, ce chemin nécessaire des envahisseurs, et en faire le boulevard contre lequel, dans leur pensée, viendrait se briser la vague des peuples asiatiques. Quelques années après la première campagne de Nabuchodonosor (583), Amasis en éloigna même les mercenaires grecs et leurs colonies par crainte de les voir faire cause commune avec l’ennemi, et les remplaça par des troupes plus sûres. Hérodote, n, 154. Nabuchodonosor menaçait de nouveau l’Egypte. Dès 571, Ézéchiel, xxix, 1, avait annoncé le retour du Chaldéen. Malheureusement les documents égyptiens que l’on possède nous laissent ignorer jusqu’au nom de Péluse. Hérodote nous permet d’y suppléer. Il a connu la branche pélusiaque, ir, 17, 151 ; il nous raconte l’entrée en Egypte de Cambyse en 525, sous le règne de Psammétique III. Le Pharaon vint attendre le GrandRoi à Péluse, mais ne put empêcher la ville d'être emportée après une journée de lutte. Memphis ouvrit bientôt ses portes et la Haute-Egypte se plia docilement au joug du vainqueur. Hérodote, iii, 10-13. C’est à peu près ce qui dut se passer quarante ans plus tôt, en 568, dans la deuxième campagne de Nabuchodonosor. Voir A t o-Amon, t. IV, col, 1652, 3°. À n’en pas douter, Péluse était déjà ce que nous la voyons être sous Psammétique III. Quelques années avant cette même date, Dieu par la bouche d'Ézéchiel pouvait donc mettre Péluse en parallèle avec Memphis et Thèbes, et dire en toute

vérité : « Je verserai mon indignation sur Péluse, la force de l’Egypte, j’exterminerai la multitude de No (Thèbes). Et je mettrai le feu dans l’Egypte. Péluse sera à la torture comme une femme en travail. No (Thèbes) sera détruite et Memphis sera chaque jour dans l’angoisse. » Ezech., xxx, 15-16. Après Nabuchodonosor et Cambyse, d’autres envahisseurs venus par la route d’Asie devaient montrer encore, dans l'ère ancienne, qu’au sort de Péluse était lié d’ordinaire le sort de Memphis etdeia Haute-Egypte. Qu’il suffise de rappeler Xerxès I er, en 490, Artaxèrxes I Br en 460, Artaxerxès III ou Ochus en 341, Alexandre en 331, Gabinius et son lieutenant Marc-Antoine en 55, Octave en 30. C’est en vue de Péluse que Pompée fut lâchement assassiné (48). III. La fin de Péluse. — À l'époque romaine, Péluse devint la métropole de l’Augustamnique. Lequien, Orient Christianus, . ir, p. 310. Longtemps encore elle compta parmi les places principales du Delta, bien que dès lors l’attention se portât surtout vers l’occident de l’Egypte. Au rve siècle, ses monastères eurent du renom. Saint Isidore le Pélusiote (350-435 environ) nous a laissé un nombre considérable de lettres d’où l’on pourrait tirer le piquant tableau d’une ville grécoromaine d’Egypte. Pour les Coptes, elle s’appela TiepeJULOfK' Parmi les évêques d'Éphèse, on rencontre Eusèbe de Peremoun, en grec n^XmxTÎov. Labbe, Sacrosancta Concilia, t. iii, col. 1084. Comparant le copte Peremoun avec l'égyptien Am, capitale du XIXe nome de la Basse-Egypte, Brugsch crut avoir retrouvé dans ce dernier le nom de Péluse par l’entremise de OMG « boue ». Dictionnaire géographique de l’Egypte ancienne, Supplément, 1880, p. 1091 ; Die Aegyplologie, 1891, p. 452. Mais en 1886 les fouilles de Tell-iVebeshéh ont révélé le site de Am à cinquante-cinq kilomètres environ à l’ouest de Péluse et à mi-chemin entre Taniset Salahieh. Cf. Pétrie, Tanis, Part, ii, Tell-Nebesheh, 1888, p.[l-37 (Ve Mémoire de VEgypf Exploration Fund). Pour les Arabes, Péluse (utEl-Fermâ ou Farmâ. « La liste des évêchés coptes donne l'égalité suivante : nevcifcicy = nepeM-O-yii = El-Fermâ. » Amélineau, La géographie de l’Egypte à l'époque copie, 1893, p. 317 ; cf. d’Anville, loc. cit. ; Quatremére, Mémoires géographiques et historiques sur l’Egypte, 1811, t. i, p. 259-260 ; Champollion, L’Egypte sous les Pharaons, 1811-1814, t. ii, p. 82-87. — Renouvelant les exploits des Assyriens et des anciens conqnérants, les troupes de Chosroès prirent Péluse en 616 ; Amrou s’en empara en 640. Baudouin I er la brûla en 1117. Il n’en est plus question après le xiie siècle. La branche pélusiaque abandonnée à elle-même finit par s’envaser ; la mer que l’eau du fleuve ne refoulait plus pénétra dans les marécages, y détruisit les bandes cultivées et rendit la région déserte. « La plaine saline de Péluse… vaste et unie comme la surface des eaux d’un lac tranquille, dont elle offre une parfaite image, est formée d’un sable humide et gras à la marche. Toutes les parties n’en sont pas également fermes ; car il en est de fangeuses et de mouvantes, dans lesquelles il serait dangereux de s’engager. » J.-M. Lepère, Mémoire sur le canal des deux mers, dans Description de l’Egypte, t. xi, 2e édit. 1822, p. 334. À partir de PortSaïd, sur une longueur de trente kilomètres, le canal de Suez sépare aujourd’hui cette plaine du lac 3Ienzaléh. Au-dessus de la morne étendue seules deux grandes buttes persistent, dont l’une, celle de l’ouest, s’allonge à deux kilomètres de la mer, à vingt stades, comme Strabon, XVII, i, 21, le disait de Péluse. Elle lui est parallèle et porte les débris d’un temple dans une large enceinte de briques rouges. Ce sont des ruines d'époque romaine ou byzantine qui recouvrent la vieille cité égyptienne. Leur éloignement de tout centre habité, la difficulté de s’y ravitailler ont empêché jusqu'à ce jour d’y entreprendre des fouilles. Ces fouilles cependant peuvent seules, dans un sens ou dans l’autre, lever les

doutes que la version des Septante laisse malgré tout subsister dans notre esprit au sujet de l’identification de Sin avec Péluse. C. Lagier.

    1. PENIBLE Guillaume##

PENIBLE Guillaume, théologien anglais, puritain, né vers 1591, mort en 1623. Il étudia à Oxford au collège de la Madeleine et se fit promptement remarquer comme théologien et comme prédicateur. Dans ses œuvres publiées à Londres, in-f°, 1635, on remarque : Salomon’s recantation and repentance, or the book of Ecclesiastes explained ; The period of the Persian monarchy wherein sundry places of Eira, Kehemiah and Daniel are cleared ; À short and sweet Exposition upon the first nine chapters of Zecharia. — Voir Walch, Bibliolh. theologica, t. iv, p. 479, 480 ; TV. Orme, Biblioth. biblica, p. 345.

B. Heurtebize.
    1. PÉNALITÉS##

PÉNALITÉS (hébreu : biqqorét, pequddâh, tûkeliâh, tokahat ; Septante : litioxomî, eXsyh° « , ëXeyx°c> Vulgate : castigatio, increpatio, plaga), sanctions portées contre les transgresseurs d’une loi.

I. Pénalités mosaïques. — 1° Comme toutes les lois, la loi mosaïque avait pour sanction des châtiments destinés à punir le coupable qui n’avait pas eu assez de fermeté dans la conscience et la volonté pour reconnaître le caractère impératif de la loi et s’y soumettre. L’application du châtiment servait en même temps de leçon aux autres ; sollicités par les avantages apparents de la transgression, ils devaient être retenus par les conséquences onéreuses qu’elle entraînait. Dieu luimême a voulu donner le premier l’exemple d’une pénalité annexée à un précepte. Au paradis terrestre, il défendit aux premiers êtres humains de toucher à un fruit sous peine de mort. Gen., ii, 17. L’homme, surtout quand il était dans l'état d’innocence, pouvait obéir au commandement par le seul amour du bien. Dieu jugea pourtant que, même alors, la crainte du châtiment n'était pas inutile pour maintenir la volonté humaine dans la rectitude. Cette crainte elle-même fut loin de suffire toujours. — 2° La nation hébraïque est constituée en théocratie. Il suit de là que les lois religieuses sont lois d'État au même titre que que les lois civiles et qu'à leur transgression sont attachées des pénalités analogues. Aussi Dieu intervient-il directement, soit pour prescrire ces pénalités, soit pour les appliquer au besoin. Exod., xxii, 18 ; Num., xxv, 4, 11 ; xxxv, 41 ; Lev., xx, 2, 4 ; Deut., xvii, 5, etc. — 3° Tout le peuple est intéressé au châtiment du coupable, afin que le mal soit été d’Israël. Deut., xvii, 7, 12, etc. Comme un crime ne peut rester sans auteur responsable et sans châtiment, si le coupable est inconnu, les hommes du pays où le mal a été commis doivent se disculper publiquement et offrir une expiation. Deut., xxi, 1-9. La pénalité infligée au coupable doit servir d’exemple à tout le peuple. Deut., xvii, 7 ; xix, 20 ; xxi, 21. — 4° En principe, la responsabilité est personnelle et les enfants ne sont pas punis pour les fautes des pères. Deut., xxiv, 16 ; IV Reg., xv, 5 ; IlPar., xxv, 4. Cependant, en certains cas, l’iniquité des pères était punie dans les fils, soit par une pénalité précise, Num., xvi, 27, 32 ; Jos., vii, 24 ; IV Reg., x, 7, soit par une malédiction divine qui entraînait le malheur d’une famille. Exod., xx, 5, etc. Il s’agissait surtout alors de crimes commis contre Dieu. Le code d’Hammourabi est beaucoup moins humain sous ce rapport. Il permet de mettre à mort la fille d’un injuste agresseur qui a fait périr une femme libre (art. 210), le fils d’un architecte dont la négligence a causé la mort du fils d’un propriétaire (art. 230), etc. Chez les Perses, on avait gardé la coutume de faire mourir avec certains condamnés toute leur famille. Deut., vi, 24 ; Esth., ix, 7-10.

II. Différentes pénalités. — Les pénalités prévues par la loi mosaïque sont les suivantes : — 1° Peine de

mort, contre le blasphème, Lev., xxiv, 15, 16 ; cf. ïlï Reg., xxi, 10, 13 ; Matth., xxvi, 65, 66 ; la profanation du sabbat, Exod., xxxi, 14 ; xxxv, 2 ; Num, , xv, 32-36 ; la pratique de l’idolâtrie par les sacrifices aux idoles, la divination, la nécromancie, etc., Exod., xxii, 18, 20 ; Lev., xx, 2, 27 ; Deut., xui, 6, 10, 15 ; xvii, 2-7 ; la prétention illégitime à la prophétie, Exod., xxii, 18 r Lev. xx, 27 ; Deut., xiii, 5 ; xviii, 20 ; I Reg., xxviii, 9 ; — les coups ou la malédiction sur les parents, Exod., xxi, 15, 17 ; l’adultère, Lev., xx, 10 ; Deut., xxii, 22 ; cf. Joa., viii, 5 ; la fornication découverte après le mariage, Deut., xxii, 21, commise par une fiancée, Deut., xxii, 23, ou la fille d’un prêtre, Lev., xxi, 9 ; le rapt, Deut., xxii, 25 ; l’inceste et les fautes contre nature, Exod., xxii, 19 ; Lev., xx, 11, 14, 16 ; l’homicide, Exod., xxi, 12 ; Lev., xxiv, 17 ; la vente de son semblable, Exod., xxi, 16 ; Deut., xxiv, 7 ; le faux témoignage concluant à la mort de l’innocent. Deut., XIX, 16-19. — Tous ces crimes étaient graves, soit au point de vue religieux, soit au point de vue moral. Plusieurs d’entre eux, même parmi ceux qui ne se rapportent pas aux devoirs religieux, n’encourent pas la mort dans nos législations modernes. Par contre, le code d’Hammourabi est beaucoup plus rigoureux que celui de Moïse. Il condamne à mort le sorcier malveillant (art. 1), le témoin injurieux (art. 3), le voleur et le receleur (art. 6-8), celui qui a favorisé la fuite d’un esclave (art. 15, 16), le brigand pris en flagrant délit (art. 22), l’architecte homicide par imprudence (art. 229), etc. La loi de Moïse avait plus de respect pour la vie humaine ; elle ne la sacrifiait que quand le cas était vraiment grave au point de vue de la religion, de l’intérêt familial ou social et des mœurs. — Sur l’application de la peine de mort, voir Goel, t. iii, col. 260 ; Lapidation, t. iv, col., 89 ; Pendaison, Supplices.

2° Retranchement, sorte d’excommunication, c’est-àdire exclusion du peuple de Dieu et perte des droits religieux et civils. Celui qui n’appréciait pas suffisamment l’honneur d’appartenir au peuple de Dieu et contrevenait à certaines lois graves imposées à ce peuple, méritait bien d’en être exclu. Le retranchement était prononcé dans les cas suivants : omission de la circoncision, Gen., xvii, 14 ; Exod., iv, 24 ; omission de la Pâque, Num., IX, 13 ; omission de la fête de l’Expiation ou travail exécuté ce jour-là, Lev., xxiii, 29, 30 ; manducation de pain levé pendant les Azymes, Exod., xii, 15, 19 ; occision d’un animal, à l'époque de l’exode, sans l’amener à l’entrée du Tabernacle, Lev., xvii, 4, 9 ; manducation de la graisse des sacrifices ou du sang des animaux, Lev., vii, 25, 27 ; xvii, 14 ; manducation d’une victime après le second jour, Lev., vii, 18 ; xix, 7, 8 ; manducation d’une victime pacifique sans être en état de pureté, Lev., vii, 20 ; contact des choses saintes par un prêtre qui est impur, Lev., xxii, 3 ; usage profane de l’huile sainte et du parfum de l’autel, Exod., xxx, 33, 38 ; omission de la purification après le contact d’un mort, Num., xix, 20 ; travail exécuté le jour du sabbat, Exod, , xxxi, 14 ; consultation des devins et des nécromanciens, Lev, , xx, 6 ; mépris habituel des préceptes divins, Num., xv, 30, 31 ; — quinze cas d’unions proscrites par la Loi. Lev., xviii, 29 ; xx, 9-21. — Au retranchement se rattache la menace de mourir sans enfants, Lev., xx, 21 ; cette peine est appliquée directement par Dieu, et elle aboutit au retranchement d’une famille à courte échéance. — Sur le retranchement, voir Akathème, t. i, col., 545 ; Excommunication, t. ii, col., 2132.

3° Talion, peine consistant à subir un mal semblable à celui qu’on a infligé à un autre. Exod., xxi, 24, 25. A’oir Talion.

4° Flagellation, imposée pour certaines fautes de moindre gravité. Voir Flagellation, t. ii, col. 2281.

5° Amende, ou compensation en argent pour le tort causé. Comme il n’y avait pas de fisc hébraïque,

l’amende se payait à la personne lésée. Voir Amende, t. i, col. 476 ; Dommage, t. ii, col. 1482. Le débiteur insolvable était sujet à la saisie de ses biens ou même pouvait être réduit en esclavage, lui et ses enfants. Toir Dette, t. ii, col. 1395.

6° Prison, non en usage chez les anciens Hébreux, et employée seulement à l'époque des Rois. Voir Prison.

7° Sacrifice expiatoire, à la suite de certains délits. Voir Sacrifice.

En somme, la loi mosaïque était relativement douce dans ses pénalités. Elle ne connaissait ni la torture, destinée à provoquer les aveux du coupable, ni ces supplices atroces que les autres peuples infligeaient sans pitié, les mutilations de toute nature, la perforation des yeux, l'écorchement, le pal, l’exposition aux bêtes, la crucifixion, le travail des mines, la déportation, etc. Quand ils infligeaient la peine de mort, les Hébreux ne cherchaient pas à prolonger ni à augmenter les souffrances du condamné ; ils s’appliquaient au contraire à l’exécuter le plus rapidement possible,

PENC1NI Innocent, théologien dominicain, né à Venise vers 1621, mort en 1689 ou 1690. Entré dans l’ordre des frères-Prêcheurs, il fut, en 1644, â l'âge de 23 ans, choisi pour professeur de philosophie à l’université de Padoue. Il a publié parmi d’autres écrits. Nova veteris Legis mystico-sacra Galaxia Scripturse in cselo angelici prxceptoris Ecclesiseque doctoris D. Thomse Aq. phœbeo signato excursu, cingulo pressa lacteo, gemmis instrata stellis, h. e. luculenta Commentaria in Genesim, Exodum, Leviticum, Numéros, Deuteronomium, in quibus potissima, quse ubivis dispersit altis sapientisi sporades decuriatim in coætas phalanges candicant et collucent, litteralis, ntoraîis, allegoricus, anagogicus micant sensus ; controversiarum qusestionum coit lumen, in-f°, Venise, 1670 ; Nova evangelicee legis mystico-sacra Galaxia, Scripturse… h. e. luculenta commentaria in Matthseum, Marcum, Lucam et Joannem…, 2 in-f°, Venise, 16781685 : l’ouvrage demeuré inachevé devait avoir 4 volumes ; Commentarius in Cantica canticorum sub i nomine B. Thomæ Aq.e ms. codice primum tupis

12. — Criminels auxquels on met la corde au cou pour Les pendre. D’après Rosellini, Monum. civili deW Egitto, 1834, pi. cxxrv.

comme on le remarque dans leur manière de faire mourir par lapidation, le supplice presque exclusivement usité chez eux. Voir t. iv, col. 90.

III. Dans le Nouveau Testament. — 1° Plusieurs des pénalités mosaïques sont rappelées, la lapidation, Joa., vni, 5, le retranchement, Joa., ix, 22, la flagellation. Matth., X, 17, etc. — 2° Il y est aussi question de pénalités étrangères à la législation juive, la décapitation, Marc, vi, 27 ; Act., xii, 2, etc. ; la crucifixion, Matth., xxvii, 35, etc. ; l’exposition aux bêles, I Cor., xv, 32 ; II Tim., iv, 17 ; différents supplices infligés par les païens, Heb., xi, 35-38 ; la prison pour dettes, Matth., v, 25 ; xviii, 34 ; la prison préventive, Act., iv, 3 ; v, 18 ; xii, 4 ; xvi, 23, etc. ; la garde militaire, Act., ixviii, 16 ; les coups. Matth., xxiv, 51 ; Luc, xii, 46-48, etc. — 3° Enfin, il y est fait allusion à différentes peines spirituelles, temporelles ou éternelles, devant servirde sanction aux prescriptionsévangéliques, la dénonciation à l'Église et l’excommunication du coupable opiniâtre, Matth., xviii, 17 ; I Cor., v, 2-5, 9-1'i ; I Tim., i, 20 ; Tit., iii, 10 ; la géhenne du feu pour l’insulteur de son frère, Matth., v, 21, 22, voir Géhenne, t. iii, col. 155 ; les ténèbres extérieures dans lesquelles les coupables sont jetés pieds et poings liés, Matth., xxil, 13 ; xxv, 30, ténèbres qui figurent les supplices de l’autre vie ; la non-rémission des péchés à certains pécheurs, Joa., xx, 23, et l’irrémissibilité du péché contre le Saint-Esprit, même en l’autre monde, Matth., xii, 31, 32 ; l’enfer, Luc, xvi, 22, avec son supplice éternel. Matth., xx’v, 46. De plus, en conférant à ses Apôtres le pouvoir de lier, Matth., xvi, 19 ; xviii, 18, Xotre-Seigneur a autorisé son Église à instituer des pénalités spéciales pour le bien spirituel

de ses enfants.
H. Lesêtre.


editus, in-f°, Lyon, 1652. — Voir Echard, Scriptores Ord. Prssdicatorum, t. ii, p. 726.

B. Heurtebize.

PENDAISON (hébreu : tâldh, « pendre, » yâqa' ; Septante : xpEu-.âo-90-i ; Vulgate : suspendo, crucifigo), suspension d’un corps humain à un poteau, une potence, une branche d’arbre, etc. — 1° La pendaison était ordinairement un supplice. Elle est infligée au chef des panetiers du pharaon, qui se trouvait en prison avec Joseph, mais elle est précédée pour lui de la décapitation, Gen., XL, 19 ; xli, 13, de sorte qu’elle servait surtout à exposer aux regards le cadavre du coupable. En Egypte, « la pendaison était le supplice ordinaire pour la plupart des grands crimes. » Wilkinson, Manners and Customs of the ancient Egyptians, 2e édit., t. i, p. 307. On voit sur les peintures des criminels auxquels on met la corde au cou (fig. 12). Eosellini, Monumenti civili, pi. cxxrv. — Au désert, Dieu ordonne de pendre les chefs du peuple qui avaient commis le mal avec les filles de Moab. Num., xxv, 4. Il est probable que les coupables furent auparavant percés 'du glaive et que leurs cadavres furent ensuite pendus pour l’exemple. Ainsi le comprennent les Septante : itapaSciTiiâTio-ov, « montre en exemple. » La suspension dut avoir lieu « à la face du soleil », c’est-à-dire pendant le jour. Plus tard, une loi défendit de laisser des cadavres à la potence après le coucher du soleil, car le pendu était l’objet de la malédiction de Dieu, à cause du crime qui lui avait mérité le châtiment. Deut., xxi, 23 ; Gal., iii, 13. Les Hébreux n’employaient pas la pendaison pour donner directement la mort ; ils se contentaient de suspendre le cadavre du supplicié pour l’exposer aux regards et inspirer aux spectateurs de salutaires réflexions. Deut., xxi, ii, 22. Voir

V. - 2 35

PENDAISON — PENDANTS D’OREILLE

36

Lapidation, col. 90 ; Potence. — Josuéfait pendre à un arbre jusqu’au soir le roi d’Haï, Jos., viii, 29, puis, après les avoir frappés de l'épée, les cinq rois pris dans la caverne de Macéda. Jos., x, 26. — Les Philistins pendent aux murailles de Bethsan les cadavres de Saûl et de son fils. I Reg., xxxi, 10-12. — Quand Réchab et Baana apportent à David la tête d’Isboseth qu’ils ont tué, le roi les fait mettre à mort, puis on les pend, pieds et mains coupés, au bord de l'étang d’Hébron. II Reg., iv, 12. — Les Gabaonites pendent sur la montagne « devant Jéhovah », c’est-à-dire en exécution de la loi de Jéhovah, cf. Num., xxv, 4, deux fils et cinq petits-fils de Saùl, et Respha, mère des deux premiers, veille sur leurs cadavres pendant toute une saison pour empêcher les bêtes de les dévorer. II Reg., xxi, 8-10. — Jérémie dit que les Ghaldéens

M

13. — Pendants d’oreille égyptiens. Musée du Louvre.

pendirent de leurs propres mains les chefs d’Israël. Lam., v, 12. Il s’agit sans doute des fils de Sédécias et des grands de Juda que Nabuchodonosor avait fait égorger, Jer., xxxix, 6, et aux cadavres desquels il infligea ensuite l’ignominie de la pendaison. — À Suse, les deux eunuques qui ont comploté contre le roi sont pendus. Esth, , II, 23. Quelque temps après, Aman est pendu à une potence de cinquante coudées qu’il avait fait préparer pour Mardochée, Esth., vii, 10, et les Juifs obtiennent que les dix fils d’Aman soient pendus comme leur père. Esth., ix, 13-14. La suspension au gibet est mentionnée par Hérodote, i f 30 ; vii, 238, comme étant pratiquée chez les Perses. — En Palestine, p3ndant la persécution d’Antiochus, on suspend au cou ou aux mamelles de leurs mères les enfants qui ont été circoncis, et on précipite celles-ci du haut des murailles. I Mach., i, 64 ; II Mach., vi, 10. — 2° La pendaison est accidentelle pour Absalom, dont la chevelure se prend dans les branches d’un térébinthe, pendant qu’il fuyait sur son mulet. Le révolté se trouve ainsi suspendu sans pouvoir se dégager, et Joab vient le tuer en le perçant de trois traits. II Reg., xviii, 9-14. — 3°' La pendaison est un suicide pour Judas. Le traître se met la corde au cou et se pend à un arbre, ilatth.,

xxvii, 5, puis « il tombe en avant, rompt par le milieu et toutes ses entrailles se répandent ». Act., i, 18. La corde ou la branche d’arbre cassent sous le poids, probablement quand Judas est déjà mort, que son ventre se gonfle et que la putréfaction a déjà commencé son œuvre. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que, par suite de la chute, la peau déjà entamée se rompe et laisse échapper les entrailles.

H. Lesêtre.

PENDANTS D’OREILLE (hébreu : 'âgîl, netîfôt, nézém ; Septante : Ivomov ; Vulgate : inauris), orne 14. — Pendants d’oreille assyriens. Moules assyriens pour les pendants d’oreille en or et en argent trouvés à Koyoundjik et à Nîmroud. D’après Layard, Discoveries in Nineveh and Babylon, 1853, p. 597.

ment qui se suspend aux oreilles (fig. 13). — Les pendants d’oreille, comme toutes les autres parures, ont de tout temps été du goût des Orientaux. Les Égyptiens en portaient. On en voit aux oreilles des personnes assises à un festin, voir t. ii, fig. 649, col. 2214. La reine Nofrîtari, femme de Ramsès II, porte des anneaux aux oreilles. Cf. Lepsius, Denkmâler, iii, 189 b. En Babylonie et en Assyrie, les pendants d’oreille étaient familiers, même aux hommes. Sargon et son premier ministre en ont de considérables. Cf. Botta, Le monument de Ninive, t. i, pi. 12. Il en est de même pour Assurbanipal, t. i, fig. 312, 319, col. 1146, 1157. Les Phéniciens fabriquaient pour le commerce des pendants d’oreille dont un certain nombre de modèles ont été conservés. Cf. Babelon, Archéologie orientale, Paris, 1888, p. 310. — Les formes de pendants d’oreille étaient très diverses (fig. 14). On suspendait aux oreilles tantôt un anneau, 37

PENDANTS D’OREILLE

PÉNITENCE

38

voir t. i, fig. 281, col. 1058 ; t. ii, fig. 619, col. 2009, tantôt des bijoux plus compliqués (fig. 15). Avant de se rendre à Béthel, Jacob se fit remettre les dieux étrangers qui se trouvaient dans sa famille et les anneaux que ses gens avaient aux oreilles et il enfouit le tout sous un chêne, à Sichern. Gen., xxxv, 2-4. Ceci donne à supposer que ces anneaux présentaient un caractère idolâtrique ou superstitieux. Pour fabriquer le veau d’or, Aaron demanda les anneaux d’or qui étaient aux oreilles des femmes d’Israël, de leurs fils et de leurs filles. Exod., xxxii, 2-3. — Les Israélites possédaient aussi de vrais pendants d’oreille. Ils en trouvèrent dans le butin fait sur les Madianites, Num., xxxi, 50, et les offrirent à Jéhovah. Il y en eut également dans un autre hutin fait sur les mêmes Madianites par Gédéon. Jud., viii, 26. Isaïe, m, 20, nomme les netîfôf dans son énumération des bijoux des femmes de Jérusalem. Dans Ézéchiel, xvi, 12. Jéhovah rappelle à Jérusalem les soins dont il l’a

lu. — Pendants d’urcille assyriens. Musée du Louvre.

entourée. Il a mis un nézëm à ses narines et des 'âgilim à ses oreilles. Les versions traduisent à tort ici nézém par » pendants d’oreille » et le second mot par « boucles ». Le premier mot désigne certainement la parure du nez et le second celle des oreilles. Judith, x, 3, avait des pendants d’oreille. — Dans quelques autres passages, les versions appellent « pendants d’oreille » des anneaux de nez, Gen., xxiv, 22, 30, 47, ou des anneaux dont l’usage n’est pas déterminé. Exod., xxxv, 22 ; Jud., viii, 24, 25 ; Job, xlii, 11, Prov., xxv, 12 ; Ose., ii, 13. Cf. K. Hadaczeh, Der Ohrschmuck der Griechen und Etrusker, dans les Abhandl-ungen des arch.-epigr. Seminars der Unversitàt Wien, xiv, Heft, in-4°, Vienne, 1903. II. Lesêire.

    1. PÉNITENCE##

PÉNITENCE (hébreu : nôham, sûbâh, « conversion ; » Septante : jjsrivo'.a ; Yulgate : psenitentia), regret intérieur et effectif du mal que l’on a commis.

I. Appels à la pénitence. — 1° Dans le Temple. — Au jour de la consécration du Temple, Salomon adressa une prière solennelle au Seigneur pour lui demander de pardonner à son peuple toutes les fois que, châtié à cause de ses péchés, il viendrait dans ce Temple implorer son pardon et ferait pénitence. III Reg., viii, 33-52 ; Il Par., vi, 24-39. Le Seigneur daigna s’engager à pardonner quand le peuple serait sincèrement pénitent. II Par., vii, 13-15.

2° Par les prophètes. — Isaïe, xliv, 22, invite Israël à revenir au Dieu qui l’a racheté, en lui assurant que, s’il se tourne vers lui, il sera sauvé, Is., xlv, 22, et que Dieu fera grâce au méchant qui se convertira. Is., lvii, 7. Jérémie, iii, 14 ; iv, 1 ; xviii, 11, renouvelle l’appel divin. Il déclare que si la nation revient de sa méchanceté, Dieu se repentira du mal qu’il voulait lui faire. Jer., xviii, 8. Ézéchiel, xiv, 6 ; xviii, 21, 30 ; xxxiii, 14, appelle le pêcheur à la pénitence en disant que, s’il se repent, il vivra et ne sera pas maltraité. Dieu dit par sa bouche : « Prendrai-je plaisir à la mort du méchant ? N’est-ce pas plutôt à ce qu’il se détourne de ses voies et qu’il vive ? » Ezech., xviii, 23, 32 ; xxxiii, 11. Le prophète a reçu mission de prêcher la pénitence au pécheur, et il sera responsable de la perte de ce dernier s’il ne parle pas pour le détourner du mal. Ezech., ii, 18, 19 ; xxxiii, 8, 9. Osée, xiv, 2 ; Joël, ii, 12, 13, et Zacharie, i, 4, répètent la même invitation aux pécheurs.

3° Par les saints personnages. — Tobie, xiii, 8, exhorte les pécheurs de son temps à faire pénitence. Judith, v, 19, remarque que le Seigneur a toujours aidé les Israélites repentants, et que, comme il est patient, il pardonnera si on fait pénitence avec larmes. Judith, viii, 14. Le Psalmiste pénitent s’engage à enseigner les méchants pour qu’ils se convertissent au Seigneur. Ps. u (l), 15. Dans le livre de l’Ecclésiastique, on lit qu’il ne faut pas tarder de se convertir au Seigneur, Eccli., v, 8, que Dieu ménage un large pardon à ceux qui reviennent à lui, Eccli., xvii, 28, et qu’il est beau de se repentir quand on a été repris. Eccli., xx, 4. L’auteur de la Sagesse dit que Dieu ferme les yeux sur les péchés des hommes pour les amener à la pénitence, parce qu’il aime toutes ses créatures, et qu’il pardonne à tous parce que tout est à lui et que les âmes sont l’objet de son amour. Sap., xi, 24-26. Il ne punit que par degrés, pour laisser le temps de faire pénitence et ne pas désespérer ses enfants. Sap., xii, 10, 19.

4° Par saint Jean-Baptiste. — Le précurseur prêche dans le désert le baptême de pénitence, c’est-àdire le repentir et la purification du cœur dont son baptême est le symbole. Matth., iii, 2 ; Marc, i, 4 ; Luc, iii, o. Il invite les hommes à faire de dignes fruits de pénitence, par conséquent à témoigner par une conduite nouvelle la sincérité de leur repentir. Matth. m, 8 ; Luc, iii, 8 ; cf. i, 16 ; Act, xiii, 24 ; xix, 4.

5° Par Jésus-Christ. — Le Sauveur lui-même appelle les hommes à la pénitence. Matth., iv, 17 ; xviii, 3 ; Marc, i, 15. Il est venu pour appeler les pécheurs à la pénitence, Luc, v, 32 ; déclare que tous périront s’ils ne font pénitence, Luc, xiii, 3, 5 ; parle de la joie que cause au ciel la pénitence d’un seul pécheur, Luc, xv, 7, 10 ; ordonne à chacun de pardonner à son frère repentant, Luc, xvii, 3, 4 ; invite à la pénitence par ses. paraboles de la brebis perdue, Luc, xv, 1-7, de la drachme égarée, Luc, xv, 8-10, de l’enfant prodigue, Luc, xv, 11-32, du pharisien et du publicain, Luc, xyin, 9-14, et par l’accueil qu’il fait aux pécheurs, voir Pécheur, col. 18 ; et enfin, après sa résurrection, il envoie ses Apôtres dans le monde pour y prêcher la pénitence. Luc, xxiv, 27.

6° Par les Apôtres. — Initiés à cette prédication par leur divin Maître, Marc, vi, 12, les Apôtres proclament la nécessité de la pénitence. Act., ii, 38 ; iii, 19, 26 ; viii, 22, etc. Ils montrent comment le Sauveur est venu pour aider les hommes à faire une pénitence salutaire. Act., v, 31 ; xi, 18 ; xvii, 30. Saint Paul exhorte à la pénitence. Act., xx, 21 ; xxvi, 20. Il parle de la bonté de Dieu amenant les hommes à se repentir, Rom., ii, 4, et rappelle que le devoir des ministres sacrés est de conduire leurs frères à la pénitence. II Tim., ii, 25. Saint Pierre dit que si Dieu patiente

c’est pour que les hommes fassent pénitence. II Pet., j m, 9 ; cf. Act., xi, 18. Saint Jacques, v, 20, enseigne que celui qui convertit un pécheur sauve son àme et couvre la multitude des péchés. Enfin saint Jean multiplie les appels à la pénitence. Apoc, ii, 5, 16, 21, 22 ; iii, 3, 19.

II. Conditions de la pénitence. — 1° La pénitence comporte toujours, pour celui qui y est soumis, quelque chose d’afflictif. On le voit par les exemples de nos premiers parents, Gen., iii, 16-19 ; de David II Reg., xii, 11-14 ; xxiv, 10-14, etc. — 2 « Mais elle implique nécessairement un acte de la volonté qui a péché en se détournant de Dieu et qui ne peut se repentir efficacement qu’en se retournant vers Dieu. Le Seigneur promet son pardon à celui qui remplira quatre conditions : s’humilier, prier, chercher sa face et se détourner du mal. II Par., vii, 14. Judith, voi, 14-17, engage ses compatriotes qui veulent obtenir leur pardon à s’humilier et à prier avec larmes. Dans l’Ecclésiastique, xvii, 20, 21, les conditions de la pénitence sont ainsi indiquées :

Tourne-toi vers le Seigneur et quitte tes péchés, Prie devant sa face et diminue tes offenses, Reviens au Très-Haut, détourne-toi de l’injustice Et déteste fortement ce qui est abominable.

Iî ne suffit donc pas de quitter le mal, il faut le détester et donner comme preuve de repentir les efforts qui aboutissent à une diminution des offenses. — 3° Le prophète Joël, ii, 12-17, énumère les conditions que doit remplir le peuple coupable qu’il appelle à la pénitence :

Revenez à moi de tout votre cœur,

Avec des jeûnes, des larmes et des lamentations ;

Déchirez vos cœurs et non vos vêtements.w

Que les prêtres, ministres de Jëhovah, pleurent

Entre le portique et l’autel,

Et disent : Jéhovah, épargnez votre peuple.

Une vraie contrition doit saisir le cœur et le déchirer ; le jeûne et la prière achèveront l'œuvre de la pénitence. Sans doute, il existait sous l’ancienne loi des sacrifices pour le péché. Mais ni les sacrifices, ni les œuvres extérieures, comme le jeûne, ne constituaient une pénitence valable sans les sentiments du cœur et le renoncement au mal.

Le Très-Haut n’agrée pas les offrandes des impies, (chés… Ce n’est pas sur la quantité des victimes qu’il pardonne lés péL’homme qui jeûne pour ses péchés, s’il va les renouveler, Qui entend sa prière, que lui sert son humiliation ?

Eccli., xxxv, 19, 26.

Aussi le Psalmiste termine-t-il son cantique de pénitence en disant, Ps. li (l), 18, 19 :

Tu ne désires pas de sacrifices, je t’en offrirais,

Tu ne prends pas plaisir aux holocaustes ;

Le sacrifice à Dieu, c’est un esprit brisé ;

O Dieu, tu ne dédaignes pas un cœur brisé et contrit.

Rien n’est aussi étranger que ces sentiments intérieurs aux Psaumes de pénitence babyloniens. Les suppliants ne savent guère qu’y manifester leur peur des maux que. peut leur causer une divinité irritée et implorer d’elle les biens qui contribuent au bonheur de la vie. Cf. Scheil, Psaume de pénitence chaldéen, dans la Revue biblique, 1896, p. 75-77 ; Dhorme, Deux textes religieux assyro-babyloniens, dans la Revue biblique, 1906, p. 274-285 ; Fr. Martin, Textes religieux assyriens et babyloniens, l re sér., Paris, 1903, p. 57. — 4° La prière est indiquée comme condition nécessaire à la pénitence. Dieu, en effet, n’impose pas son pardon ; il convient qu’on le lui demande, * Fais-moi revenir, et je reviendrai, » dit

Éphraïm au Seigneur. Jer., xxxi, 18. « Faites-nous revenir et nous reviendrons, s disent les Juifs de Jérusalem. Lam., v, . 21. « Ayez pitié de moi qui suis un pécheur, » dit le publicain. Luc, xviii, 13. « Remetteznous nos dettes, » c’est-à-dire « pardonnez-nous nos offenses », nous fait dire le divin Maître. Matth., vi, 12. — 5° Dans la parabole de l’enfant prodigue, Luc, xi, 21, Notre-Seigneur montre quelles sont les conditions de la vraie pénitence '. le malheureux prodigue rentre en lui-même, regrette la perte des biens de la maison paternelle, prend la résolution d’aller retrouver son père, de lui faire l’aveu de son crime et de se soumettre ensuite au sort le plus humiliant, abandonne effectivement la vie indigne à laquelle il se trouvait réduit, reprend le chemin qui ramène à son père, lui fait son aveu et implore son pardon. — 6° Ce qui montre que la pénitence est véritable, ce sont les « dignes fruits » qu’elle porte. Matth., iii, 8. Parmi ces fruits, saint Jean-Baptiste indique aux foules la pratique de la charité, aux publicains et aux soldats la justice et la fidélité dans l’accomplissement de leurs devoirs d'état. Luc, iii, 10-14. Notre-Seigneur recommande de ne plus pécher. Joa., v, 14 ; viii, 11.

III. Exemples de pénitence. — 1° Adam fit pénitence de son péché, Sap., x, 2, probablement en supportant avec humilité et résignation l'épreuve à laquelle il fut condamné. — Enoch fut pour les nations un exemple de pénitence. Eccli., xliv, 16. — Au temps de Noé, il y eut des esprits rebelles qui firent pénitence à la vue du châtiment, puisque le Christ put, après sa mort, leur prêcher dans la prison où ils étaient détenus. I Pet., xix, 20. — 2° L'époque des Juges fut pour les Israélites une succession d’infidélités à Dieu et de repentirs. Jud., iii, 9 ; iv, 3 ; vi, 7 ; x, 10, etc. — Job fit pénitence dans la poussière, après avoir reconnu sa présomption. Job, xlii, 6. — 3° À la suite de son double crime, David resta près d’une année sans écouter la voix de sa conscience ; mais ensuite il se repentit sincèrement à l’appel de Nathan. II Reg., xii, 13 ; xvi, 12. — Josias amena la nation au repeutir. Eccli., xlix, 3. — Captif à Babylone, Manassé s’humilia et demanda pardon au Seigneur. II Par., xxxiii, 12, 13. — 4° Pour obtenir leur délivrance, les Juifs se livrèrent à des actes de pénitence à Suse, sur la demande d’Esther. Esth., iv, 16. — À la prédication de Jonas, le roi de Ninive se soumit avec ses sujets à une pénitence rigoureuse comprenant un jeûne absolu pour tout être vivant, homme ou bête, l’usage du sac et de la cendre, la prière instante adressée à Dieu et le renoncement au mal. Jon., iii, 5-9. — 5° Une longue protestation de repentir fut signée par les principaux personnages et acceptée par tout le peuple, au temps de Néhémie. II Esd., ix, 1-38. — 6° Dans le Nouveau Testament, on trouve les exemples de pénitence des Juifs à la prédication de saint Jean-Baptiste, Matth., m, 7, Luc, iii, 7 ; de la pécheresse Reliez Simon le pharisien, Luc, vil, 37, 38, 48 ; du publicain, Luc, xviii, 13 ; de Zachée, Luc, xix, 8 ; de saint Pierre pleurant amèrement après son reniement, Matth., xxvi, 75 ; Marc, xiv, 72 ; Luc, xxir, 62 ; du bon larron se repentant sur la croix, Luc, xxiii, 40-42 ; des Juifs qui partirent du Calvaire en se frappant la poitrine. Luc, xxm, 48. — 7° Notre-Seigneur lui-même donne l’exemple de la pénitence, à son jeûne du désert, Matth., iv, 2 ; Luc, iv, 2 ; pendant son ministère évangélique, n’ayant pas toujours le temps de prendre sa nourriture, Marc, ru, 20, ni où reposer sa tête, Matth., viii, 20 ; Luc, IX, 58, et surtout pendant sa passion. — 8° Plusieurs milliers de Juifs font pénitence à la voix de saint Pierre. Act., ii, 38, 41. — Saint Paul se convertit et, pendant le reste de sa vie, accepte en esprit de pénitence l’accomplissement de la prédiction du Sauveur à son sujet : « Je lui montrerai tout ce qu’il doit souffrir

pour mon nom. » Act., IX, 16. — À l’appel des Apôtres, on fait pénitence à Lydda et à Saron, Act., ix, 35 ; à Antioche, Act., xi, 21 ; à Éphèse, où l’on brûle une multitude délivres de superstition, Act., xix, 18, 19 ; xx, 21 ; à Corinthe, II Cor., vii, 9, 10. Cf. I Pet., ii, 25.

IV. Exemples d’impénitence. — 1° Beaucoup de pécheurs se sont refusés à faire pénitence. Tels furent Caïn, Gen., iv, 10-13 ; la plupart des contemporains de Noé, Gen., vi, 5, 6 ; les habitants de Sodome et des villes coupables, Gen., xix, 12, 13 ; le pharaon d’Egypte qui se repentait un moment pour s’obstiner ensuite, Exod., Vin, 25, 32, ix, 27, 35 ; x, 16, 20, 24, 27 ; xii, 31 ; xiv, 5 ; les Israélites révoltés qui furent condamnés à périr au désert, Num., xiv, 27-33 ; les fils d’Hé)i, IReg., iv, 11 ; Saûl, I Reg., xiii, 14 ; xvi, 35 ; les contemporains du prophète Élie, Eccli., xlviii, 16 ; les rois et le peuple d’Israël, IV Reg., xvii, 7-18- ; une grande partie des rois et du peuple de Juda. IV Reg., xxiv, 3, 4. En vain Jérémie multiplia ses appels à la pénitence ; on ne voulut pas se convertir. Jer., iii, 1-22 ; v, 3 ; viii, 6. — Plus tard, le roi persécuteur, Antiochus Épiphane, frappé par la justice de Dieu, sembla vouloir se repentir du mal qu’il avait causé ; mais sa pénitence n'était ni sincère ni désintéressée, II Mach., ix, 11-29.

2° À plusieurs reprises, il est dit que Dieu endurcit le cœur de ceux qui ne veulent pas se convertir. Exod., iv, 21 ; vii, 3 ; ix, 12 ; x, 1, 20, 27 ; xiv, 4, 8, 17 ; Deut, ii, 30 ; Is., lxiii, 17 ; Rom., ix, 18. D’autre part, on lit dans Isaïe, vi, 10 : « Appesantis le cœur de ce peuple, rends ses oreilles dures et bouche-lui les yeux, en sorte qu’il ne voie point de ses yeux, n’entende point de ses oreilles, ne se convertisse point et ne soit point guéri. » Cet oracle est répété par Notre-Seigneur, Matth., xiii, 15 ; Marc, iv, 12 ; Joa., xii, 40, et par saint Paul. Act., xxviii, 27. À prendre les termes à la lettre, Dieu semble ainsi l’auteur de l’impénitence qu’ensuite il châtie. — Mais il y a là une manière de parler destinée à faire comprendre avec quelle certitude Dieu prévoit l’endurcissement et lui donne occasion de se produire en vue d’un bien supérieur. Saint Augustin, Quœst. in Heptat., ii, 18, t. xxxiv, col. 601-602, explique ainsi le cas du pharaon : « La malice qui est au cœur d’un homme, c’est-à-dire sa disposition au mal, tient à sa propre faute et n’existe que par le fait de sa volonté libre. Toutefois, pour que cette disposition mauvaise agisse dans un sens ou dans l’autre, il faut des causes qui mettent l’espri t en mouvement. Or il ne dépend pas du pouvoir de l’homme que ces causes existent ou non ; elles proviennent delà providence cachée, mais très juste et très sage, du Dieu qui règle et gouverne l’univers qu’il a créé. Si le pharaon avait un cœur tel que la patience de Dieu le portât, non à la religion, mais bien plutôt à l’impiété, c'était par sa propre faute. Mais si les événements se produisirent de telle manière que son cœur, si mauvais par sa faute, résista aux ordres de Dieu, ce fut le résultat de la sagesse divine. » Pour expliquer le passage d’Isaïe, vi, 10, saint Jérôme, In Is., iii, 6, t. xxix, col. 100, s’appuie sur la doctrine de VEpitre aux Romains, ix, 14-18, et dit que l’aveuglement volontaire des Juifs a procuré l’illumination des autres nations : « Ce n’est pas par cruauté, mais par miséricorde, que Dieu permet la perte d’une nation pour le salut de toutes les autres. Une parlie des Juifs n’ont pas vu clair, pour que le monde entier pût voir. »

3° D’autres exemples d’impénitence se rencontrent dans le Nouveau Testament. Les villes de Gorozaïn, JBethsaïde et Capharnaùm ont refusé de se convertir, dans des conditions qui auraient décidé Tyr et Sidon à faire pénitence. Matth., xi, 20-24 ; Luc, x, 13-15. La génération contemporaine du Sauveur a montré le même endurcissement, alors que Ninive s’est convertie à la voix de Jonas. Matth., xii, 41 ; Luc, xi, 32. Jérusalem s’est dérobée aux appels du Sauveur qui voulait

rassembler ses enfants comme la poule rassemble ses poussins sous ses ailes. Matth., xxiii, 37. Après avoir refusé d’obéir, les pécheurs ont fait pénitence ; après avoir promis fidélité, les Juifs ont refusé de faire pénitence. Matth., xxi, 28-32. — Même si un mort ressuscitait, certains pécheurs ne se convertiraient pas. Luc, xvi, 31. — Juda fut saisi de repentir, mais sa pénitence fut dépourvue de confiance en Dieu et ne le sauva pas. Matth., xxvii, 3-10. — La résurrection du Sauveur laissa dans l’impénitence la plupart des Juifs. Matth., xxviii, 11-15. — La pénitence de Simon le magicien fut intéressée et sans valeur. Act., viii, 13, 18-24. — Beaucoup de pécheurs ont continué à refuser la pénitence. II Cor., XII, 21 ; Apoc, ix, 20-21 ; xvi, 9, 11.

V. Le sacrement de pénitence. — 1° Jésus-Christ dit à saint Pierre : « Je te donnerai les clefs du royaume des cieux : tout ce ^rae tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux. » Matth., xvi, 19. Il dit ensuite à tous ses Apôtres en général : « Tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel. » Matth., xviii, 19. Les Apôtres reçoivent par là le pouvoir d'établir ou de supprimer dés obligations dans le domaine spirituel. Voir Lien, t. iv, col. 248. Le soir même dé sa résurrection, le divin Maître, qui vient de payer sur la croix la rançon du péché, applique à un point spécial le pouvoir qu’il a précédemment accordé : « Recevez le Saint-Esprit. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis ; et ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus. » Joa., xx, 22, 23. Les Apôtres reçoivent donc ce jour-là, de celui qui a le pouvoir de remettre les péchés, Matth., ix, 5, la transmission de ce pouvoir. Saint Paul l’entend bien ainsi quand il dit : « Dieu nous a réconciliés avec lui par Jésus-Christ, et nous a confié le ministère de la réconciliation. » II Cor., v, 18. Ce ministère de la réconciliation, c’est l’ordre et le pouvoir de remettre les péchés dans le sacrement de pénitence. Le Concile de Trente, Sess. xiv, can. 2, 3, a défini que les paroles dites parle Sauveur le jour de sa résurrection doivent s’entendre du pouvoir de remettre et de retenir les péchés dans le sacrement de pénitence, comme l'Église catholique l’a toujours entendu depuis l’origine, et qu’on ne peut les détourner contre l’institution de ce sacrement en les appliquant au pouvoir de prêcher l'Évangile.

2° Le sacrement de pénitence précise et facilite les conditions nécessaires à la rémission du péché sous la Loi ancienne. 1. La contrition réclame toujours les même qualités qu’autrefois ; il faut qu’elle soit au fond du cœur, qu’elle soit sincère et détache effectivement la volonté [du péché. Voir col. 39. Un nouveau motif s’ajoute aux précédents pour la faire naître dans le cœur ; c’est la pensée de la rédemption et de tout ce que le Sauveur s’est imposé de souffrances pour l’expiation du péché. — 2. La confession prend une forme plus précise, dont l’obligation se déduit des paroles mêmes qui instituent le sacrement. Voir Confession, t. ii, col. 907-919. — 3. La satisfaction demeure nécessaire comme autrefois, même après la rémission du péché, du moins pour l’ordinaire. Cf. Num., xx, 12 ; Deut., xxxii, 49-51 ; II Reg., xii, 14, etc. Saint Paul déclare qu’il « complète en sa propre chair ce qui manque aux souffrances du Christ, pour son corps, qui est l'Église ». Col., i, 24. — 4. Enfin Yabsolution est une grâce nouvelle que l’Ancien Testament ne connaissait pas. Nathan put bien exceptionnellement dire à David : « Jéhovah a pardonné ton péché. » II Reg., xii, 13. Les autres pécheurs, si repentants qu’ils fussent, ne pouvaient présumer leur pardon. Notre-Seigneur, qui dit lui-même à plusieurs pécheurs : « Tes péchés te sont remis, » Matth., ix, 2 ; Luc, v, 20 ; vil, 47, 48, donna à ses Apôtres, en vertu des paroles de l’institu43

PENITENCE

PENSÉE

M

tion, le pouvoir non seulement de déclarer les péchés, remis, mais de les remettre effectivement : « Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis. » Leur pouvoir s'étend donc plus loin que celui de Nathan, qui ne fit que déclarer à David que son péché était pardonné. — Cette rémission comporte l’effet déjà énoncé dans divers passages de la Sainte Écriture comme directement opéré par Dieu. Le péché, en vertu de l’absolution, est « couvert », Ps. lxxxv (lxxxiv), 3, et « non imputé », Num., xii, 11 ; Rom., iv, 7, 8, non pas seulement en ce sens qu’il existe toujours, quoique Dieu daigne n’en plus tenir compte. Il est réellement effacé, enlevé, radicalement détruit, comme le déclarent les autres textes inspirés. Voir Péché, 4°, col. ii. En un mot, en vertu des paroles évangéliques, il est « remis », comme une dette qui n’existe plus et ne peut plus revivre, quand le créancier a rendu au débiteur le titre qui liait ce dernier.

3° Le pouvoir conféré par Notre-Seigneur à son Église n’est pas limité par sa déclaration sur le péché contre le Saint-Esprit. Matth., xii, 82 ; Marc, iii, 28. Voir Blasphème, t. i, col. 1809. — On lit aussi dans PÉpître aux Hébreux, vi, 4-6 : « Il est impossible pour ceux qui ont été une fois éclairés, qui ont goûté le don céleste, qui ont eu part au Saint-Esprit, qui ont goûté la douceur de la parole de Dieu et les merveilles du monde à venir, et qui pourtant sont tombés, de les renouveler une seconde fois en les amenant à la pénitence. » De ce texte, plusieurs Pères, Clément d’Alexandrie, Strom., 2, 13, t. viii, Col. 293 ; Tertullien, De pœnit., 7, 9, t, I, col. 1241, 1243 ; Origène, In Levit., Hom. xv, 2, t, xii, col. 565 ; S. Ambroise, De pmnit., Il, 95, t. xvi, col. 520 ; S. Augustin, Ep. cliii, 7, t. xxxiii, col. 656, ont conclu, sans justifier autrement leur assertion, qu’il n’y a qu’une pénitence, comme il n’y a qu’un baptême. Novatien et ses partisans s’appuyaient même sur ce texte pour nier la possibilité du pardon des péchés graves. Cf. Socrate, H. E.. i, 10, t. lxvii, col. 69, Au moyen âge, on l’entendit de la pénitence solennelle, qui en effet n'était jamais réitérée. Cf. Turmel, Histoire de la théologie positive, Paris, 1904, p. 461. Il est évident que l’auteur de l'Épitre n’a guère pu songer à la pénitence publique. On explique assez souvent son texte de la difficulté et même de l’impossibilité morale qui empêche pratiquement l’apostat de se repentir avec efficacité. Mais plusieurs Pères préfèrent une autre explication. Ils font porter l’idée principale de l’auteur sur le mot « renouveler » ; il est impossible, disent-ils, qu’une âme soit renouvelée par la pénitence comme elle l’est par le baptême. « Il n’exclut pas les pécheurs de la pénitence, mais il montre qu’il n’y a dans l'Église catholique qu’un baptême, et non deux… Celui qui fait pénitence cesse de pécher, mais il garde les cicatrices de ses blessures, tandis que celui quj est baptisé dépouille le vieil homme et est renouvelé par la grâce du Saint-Esprit qui lui donne une naissance supérieure. » S. Athanase, Epist. IV ad Serapion., 13, t, xxvi, col. 656. D’autres pensent que l'écrivain sacré veut seulement montrer qu’il n’y a pas dans l’Eglise, comme chez les Juifs, plusieurs baptêmes successifs pour purifier des souillures. Cf. S. Thomas, Sum. theol., III, q. cxxxiv, a. 10, ad l ura. En toute hypothèse, le texte en question n’apporte donc aucune restriction à la rémissibilité des péchés.

VI. Le repentir de Dieu. — La Sainte Écriture dit que Dieu s’est repenti d’avoir fait l’homme sur la terre, Gen., vi, 6 ; d’avoir établi roi Saûl, I Reg., xv, 11, 35 : d’avoir voulu faire du mal à son peuple infidèle, Jer., xxvi, 3, 13, 19, et aux Ninivites coupables. Jon., iii, 10. D’autres fois, on annonce que Dieu ne se repentira pas. Ps. ex (cix), 4 ; Jer., iv, 28 ; xx, 16. Ce sont là de purs anthropomorphismes, des locutions qui prêtent à Dieu la manière de parler et d’agir des hommes, mais

qui présentent sous une forme relative ce qui est absolu en Dieu. Le repentir est impossible à Dieu, parce qu’il a tout prévu à l’avance, le bon ou mauvais usage que l’homme ferait de ses dons et la conduite qu’il tiendrait lui-même en conséquence. Samuel exprime ce qu’il y a d’immuable dans la volonté de Dieu, quand il dit à Saül : « Celui qui est la splendeur d’Israël ne ment point et ne se repent point, car il n’est pas un homme pour se repentir. » I Reg., xv, 29. Et saint Paul, parlant des anciennes promesses faites aux Juifs, dit que « les dons et la vocation de Dieu sont sans repentance ». Rom., xi, 29.

H. Lesêtre.

2, PÉNITENCE D’ADAM, livre apocryphe. Voir Apocryphes, t. i, col. 710.

PÉNITENT1AUX (PSAUMES), nom donné aux sept Psaumes, vi, xxxi, xxxvii, l, ci, cxxix et cxliii, à cause des sentiments de pénitence qu’ils expriment. L’usage de réciter ces Psaumes pour demander à Dieu pardon de ses péchés est très ancien dans l'Église.

    1. PENSÉE##

PENSÉE (hébreu : hâgût, de hâgâh, « parler doucement, méditer ; » zammâh, niezimmâh, de zàmam, même sens ; yesêf, deyâsar, « former ; » 'astûl, 'ésfonôt, de 'dsat, « former, imaginer ; » rêa', de re'âh, « penser ; » Sêah, de sîah, « parler, méditer ; » séiffim, se’iffîm, de sâ'af, « diviser ; » sar’affîm ; chaldéen : harhor, de hârâh, « concevoir ; » ra’iôn, de re'âh, « penser ; » Septante : 81a), oyc<x|Jw5î, Siâ'joia, ëvvota, àvO-j^vi ; , xi)ixi] ; Vulgate : cogitatio, cogitalus, consilium), combinaisoii d’idées formée intérieurement par l’intelligence. — Cette combinaison peut être spontanée ou voulue, mais rapide ; c’est la pensée proprement dite. Elle est exprimée extérieurement par la parole. Voir Parole. L’intelligence peut s’y arrêter avec attention, c’est la réflexion, ou même faire effort pour examiner la pensée plus longuement et sous divers aspects, c’est la méditation, èîhâh, (j.e).£T7j, meditatio. La pensée peut ensuite passer dans le domaine de la volonté, pour devenir projet, dessein ou résolution, et être communiquée à d’autres, sous forme de conseil, pour les diriger. — Dans le langage biblique, le cœur est habituellement considéré comme le siège de la pensée. Voir Cœur, t. ii, col. 823.

1° Les pensées de Dieu. — Elles sont d’une profondeur qui déconcerte l’homme. Ps. xcn (xci), 6. Elles ne sont pas celles des hommes, Is., lv, 8, et les dépassent autant que le ciel est au dessus de la terre. Is., lv, 9. Personne ne peut changer la pensée de Dieu. Job, xxiii, 13. Dieu a des pensées de paix à l'égard de son peuple. Jer., xxix, 11. Les nations ne connaissent pas ses pensées. Mich., iv, 12.

2° Les pensées de l’homme. — 1. Dieu les connaît toutes ; il les sonde, I Par., xxviii, 9 ; Ps. xciv (xciu), 11 ; cxxxix (cxxxviii), 3 ; Sap., vi, 4 ; Eccli., xlii, 20 ; Is., lxvi, 18 ; Ezech., xi, 5 ; I Cor., iii, 20 ; Heb., iv, 12 ; il les juge, Sap., i, 9, et les révèle. Luc, II, 35. Il a horreur des pensées mauvaises, Prov, , xv, 26, et son Esprit s'éloigne de celles qui manquent de sens. Sap., i, 5. Xotre-Seigneur lisait dans les cœurs les pensées de ses interlocuteurs, et les étonnait profondément en les leur révélant. Matth., ix, 4. ; xii, 25 ; Marc, ii, 6, 8 ; Luc, v, 22 ; vi, 8 ; IX, 47 ; xi, 17 ; xxiv, 38. — 2. L’esprit de l’homme a des pensées multiples. Sap., IX, 15. Ces pensées sont incertaines, Sap., ix, 14, et parfois causent grand trouble à l’homme. Dan., iv, 16 ; v, 6 ; vii, 28. Il ne faut pas s'élever dans ses pensées, Eccli., vi, 2, mais demander à Dieu qu’il en donne de bonnes, car, sans son inspiration, nous ne sommes pas capables de concevoir quelque chose par nous-mêmes, au moins dans l’ordre du salut. II Cor., iii, 5. — 3. Les bonnes pensées se rencontrent chez le juste. Ps. xlix (xlviii),

4 ; Prov., su, 5. En lui, la charité ne pense pas le mal,

I Cor., sm, 5. Lui-même pense à Dieu dans toutes ses voies. Prov., iii, 6. Le chrétien doit s’armer de la pensée de Jésus crucifié. I Pet., iv, 1. En dehors de là, l’objet ordinaire de ses pensées sera « tout ce qui est honorable, juste, pur, de bonne renommée, conforme à la vertu et digne d'éloge ». Phil., iv, 8. — 4. Les mauvaises pensées, que fuit le juste, Job, xxxi, 1, sont celles des méchants : pensées impies contre Dieu, Sap., iii, 14 ; pensées idolâtriques, Ezech., xx, 32 ; pensées égoïstes, Deut., xv, 9 ; pensées intéressées, Act., viii, 22 ; pensées d’erreur, Sap., ii, 21, d’injustice, Jacob., ii, 4, d’adultère, Dan., xiii, 28, d’orgueil Dan., ii, 29, 30, d’homicide, Gen., xxxvii, 18 ; I Reg., xxiv, il ; pensées perverses de toute nature. ; Is., lv, 7 ; lix, 7 ; I Reg., xviii, 25 ; Judith, v, 26 ; Sap., iii, 10 ; xviii, 5 ; II Esd., vi, 2 ; Esth., ix, 24 ; Matth., xv, 19 ; Marc, vii, 21. Depuis la chute des premiers parents, toutes les pensées de l’homme inclinent vers le mal. Gen.. vi, 5 ; viii, 21. Les philosophes eux-mêmes n’ont abouti qu'à des pensées vaines. Rom., i, 21. En se conduisant au gré de leurs pensées, Is., lxv, 2 ; Jer, , xviii, 12 ; Eph., ii, 3, les méchants se séparent de Dieu, Sap., i, o se couvrent de honte, Sap., ii, 14, attirent sur eux le malheur, Jer., vi, 19, et se préparent de terribles remords pour l’autre vie. Sap., iv, 20. — 5. L’insensé n’a que des pensées volages, qui se succèdent sans réflexion.

L’intérieur de l’insensé est comme une roue de chariot, Et sa pensée comme un essieu qui tourne. Eccli., XXXlii, 5.

II y a certaines pensées qu’il faut garder pour soi.

Même dans ta chambre ne dis pas de mal du puissant ; Même dans ta pensée ne maudis pas le roi. L’oiseau du ciel emporterait ta voix Et le volatile publierait tes paroles. Eccle., x, 20.

— 6. La Sainte Écriture loue comme « une pensée sainte et pieuse » celle qui porta Judas Machabée à faire offrir des sacrifices pour les morts, et qui lui fut inspirée par < la pensée de la résurrection ». II Mach., xii, 43, 45.

3° La réflexion. — 1. Tout homme agit avec réflexion. Prov., xiii, 16. La réflexion doit précéder toute aclion, si l’on ne veut pas avoir à se repentir. Eccli., xxxii, 24 ; xxxvii, 20. Il est bon de fréquenter ceux qui réfléchissent. Eccli., xxvii, 13. L’enfant pense en enfant. I Cor., xiii, 11. — 2. Les pharisiens réfléchissent à ce qu’ils répondront à Notre-Seigneur. Matth., xxi, 25 ; Marc, xi, 31 ; Luc, xx, 5. Caïphe dit aux membres du sanhédrin qu’ils ne réfléchissent pas que la mort d’un seul est avantageuse à tout le peuple. Joa., xi, 50. — 3. Le juste réfléchit quand il est nécessaire. Judith, x, 13 ; II Esd., v, 7 ; II Mach., vi, 23 ; etc. Marie réfléchit aux paroles de l’ange, Luc, i, 29 ; Joseph, à ce qu’il doit faire par rapport à Marie, Matth., i, 20 ; les Apôtres, aux paroles que leur a dites le Sauveur, Matth., xvi, 7, S ; Marc, , 'vni, 16, 17 ; saint Pierre, à sa vision de Joppé. Act., x, 19. — 4. Le cœur du juste médite sur ce qu’il doit répondre. ; Prov., xv, 28. Cependant, Xotre-Seigneur recommande à ses disciples de ne pas réfléchir sur ce qu’ils répondront devant les tribunaux, parce que l’Esprit de Dieu le leur nspirera. Matin., x, 19.

4° La méditation. — 1. On médite sur ce qui intéresse la vie présente. Dans la maison du deuil, le vivant médite sur sa destinée. Eccle., vii, 3. Isaac sortait dans les champs pour méditer, d’après la Vulgate. Gen., xxiv. 63. On a beau méditer et s’ingénier, on ne peut allonger d’une coudée sa taille, ou plutôt la durée de sa vie. Matth., vi, 27 ; Luc, xii, 25. Le riche fermier médite sur les moyens de serrer sa récolte abondante, Luc, xii, 17 ; l’architecte, sur les ressources qu’il lui

faut pour achever son édifice, Luc, xiv, 28 ; le roi, sur les forces dont il dispose pour entreprendre la guerre. Luc, xiv, 31. En général, la méditation habituelle des gens de métier porte sur Ve-xécution de leur travail. Eccli., xxxviii, 24-34. — 2. Le méchant médite le mal sur sa couche, Ps. xxxvi (xxxv), 5, et ne songe qu'à tendre des embûches. Ps. xxxviii (xxxvii), 13. Il ferme les yeux pour méditer la tromperie. Prov., xvi, 30. — 3° Il faut méditer jour et nuit sur la loi du Seigneur, Jos., i, 8, sur ses commandements, Eccli., VI, 37, sur la sagesse, Sap., vi, 16 ; viii, 17. Sur sa couche, pendant ses veilles, le juste médite sur Dieu et sur ses œuvres. Ps. Lxm (lxii), 7, 13 ; lxxvii (lxxvi), 7. Son cœur s’enflamme à la méditation de la fragilité de la vie. Ps. xxxix (xxxviii), 4. Heureux qui médite ainsi ! Ps. 1, 2 ; Eccli., xiv, 22, 28. L’auteur du Psaume cxix (cxviii) revient jusqu'à douze fois (16, 27, 47, 70, 77, 92, 97, 99, 117, 143, 148, 174) sur cette idée que la loi de Dieu est l’objet assidu et très aimé de sa méditation. — Marie conservait et méditait dans son cœur tout ce qu’elle voyait et entendait au sujet de l’enfant Jésus. Luc, ii, 19, 51. La vierge n’a pas d’autre souci que de songer aux choses de Dieu. I Cor., vii, 34. Saint Paul recommande à Timothée de méditer sur les conseils qu’il lui a donnés. I Tim., IV, 15.

5° Les projets. — Souvent on dit qu’on 'pense à une chose pour signifier qu’on a le dessein de l’exécuter.

1. Ainsi Dieu a ses pensées, c’est-à-dire ses projets sur le juste, Sap., iv, 17 ; contre l’Assyrie, Is., Xiv, 26, et en face de ses desseins, ceux de l’homme ne tiennent pas. Prov., xxi, 30. Saint Paul a annoncé aux Éphésiens tous les desseins de Dieu. Act., xx, 27. Quand les Apôtres persistent à prêcher Jésus-Christ, Gamaliel dit au sanhédrin que si cette idée vient de Dieu, elle s’exécutera malgré eux. Act., v, 38. Salomon pense à bâtir une maison à Jéhovah. ill Reg., v, 5 ; viii, 18 ; I Par., xxviii, 2. Le navigateur pense à prendre la mer. Sap., xiv, 1. Beaucoup d’autres pensées ne sont autre chose que des desseins qu’on veut exécuter. Cf. Judith, n, 3 ; Esth., xii, 2 ; Ps. v, 11 ; xxxm (xxxii), 10 ; lvi (lv), 6 ; Prov., xvi, 3 ; xix, 21 ; Is., xxix, 16 ; etc. —

2. Très fréquemment, ces desseins sont mauvais. Kxod., x, 10 ; Ps. x, 2 ; xxi (xx), 12 ; xli (xl), 8 ; Jer., xviii, 11, 18 ; xlviii, 2, etc. Tels sont en particulier ceux de se révolter contre le Seigneur, Ps. ii, 1 ; Act., iv, 25 ; de s’emparer du Sauveur, Matth., xxvi, 4 ; de le mettre à mort, Joa., xi, 53 ; de traiter de même les Apôtres, Act., v, 33, etc. Zacharie, vii, 10 ; viii, 17, recommande de ne pas méditer le mal les uns contre les autres. Un jour, du reste, Dieu manifestera tous les desseins des cœurs. I Cor., lv, 5.

6° Le conseil (hébreu : timmâh, 'ésâh, tûsiyâh ; Septante : poivi, ; Vulgate : cogitatio, consihum). — C’est la manifestation de fa pensée, pour la direction des autres. Des conseils, bons ou mauvais, sont souvent donnés. II Reg., xvii, 7 ; III Reg., xx, 25 ; Esth., i, 20 ; Ezech., xi, 2, etc. Il faut chercher conseil auprès des hommes sages. Tob., iv, 19 ; Prov., xix, 20. La sagesse est avec ceux qui se laissent conseiller. Prov., xiii, 10. Grâce aux conseils reçus, leurs projets s’affermissent. Prov., xx, 18. Les conseils de l’amitié réjouissent le cœur. Prov., xxvii, 9. Mais, même les conseils de l'étranger ne sont pas dédaignés de l’homme de sens. Eccli., xxxii, 22. — Saint Paul conseille la virginité. I Cor., vii, 25. Voir Conseils évangéliql’es, X. ii,

col. 922.
H. Lesêtre.
    1. PENTAPOLE##

PENTAPOLE (grec : LUvraitô'/iî, « les cinq villes » ) désigne, Sap., x, 6, la région où étaient Sodome et les autres villes qui furent condamnées par la justice divine à disparaître, à cause de leurs iniquités.

1° Les cinq villes. — Dans les divers passages où il est fait allusion à la catastrophe, Sodome et Gomorrhe 47

PENTAPOLE

sont le plus souvent nommées ensemble à l’exclusion des autres villes ; ainsi Gen., xiii, 10 ; Deut., xxxii, 32 ; Is., i, 9 ; iii, 19 ; Jer., xxiii, 14 ; xlix, 18 ; L, 40 ; Amos, iv, 11 ; Soph., it, 9 ; Math., x, 15 ; Rom., ix, 29 ; Juda, 7. Ségor est désignée comme une des villes coupables et condamnée, mais épargnée à cause de la prière de Lot. Gen., xix, 18-23, 29-30. Les deux autres Adama et Séboïm sont citées avec Sodome et Gomorrhe, Deut., xxix, 23, et seules, Ose., xi, 8. Sodome est parfois présentée seule, soit parce qu’elle était la principale d’entre les cinq par son importance ou sa suprématie ou bien parce qu’elle fut la plus coupable. Cf. Is., iii, 9 ; Thren, , iv, 6 ; Ezech., xvi ; Matth., xi, 23. Les autres villes sontappeléesic les filles », benêt, de Sodome, Ezech., xvi, 46, 48, 49, 53, 55, expression qui, dans la Bible, indique la dépendance et les suppose dans une même région. Cette situation réciproque est attestée d’ailleurs, Jer., xlix, 18 ; L, 40, où ces villes sont toutes appelées « voisines » ; Juda, 7, où elles sont dites « villes des alentours », par rapport à Sodome et Gomorrhe.

2° Situation, étendue et description de la région. — La Pentapole appartenait à la terre du Kikkâr, c’est-àdire au bassin du Jourdain. Gen., xix, 28. Cf. Jourdain, t. iii, col. 1712. Les anciens commentateurs ont assez généralement cru à l’identité de la Pentapole avec « la vallée de Siddîm, vallis Silvestris, qui est la mer Salée », Gen., xiv, 8, 10, où les cinq rois des cinq villes se rangèrent en bataille pour soutenir l’attaque de Chodorlahomor et de ses alliés ; ils ont admis, en conséquence, qu’elle occupait tout le territoire recouvert aujourd’hui par les eaux de la mer Morte. Celte conclusion dépasse certainement les données bibliques. La vallés de Siddîm où les cinq rois s’assemblèrent pour attendre leurs ennemis n’est pas présentée comme identique à la Pentapole ni même comme en faisant partie, puisque les rois « sortent » pour s’y rendre, Gen., xiv, 8 ; et si la vallée est devenue partie de la mer Salée, la Pentapole au contraire « est une terre brûlée par le soufre et le sel, inapte à être semée et où rien ne germe plus, et où l’herbe ne pousse plus ». Deut., xxix, 23 ; c’est une terre déserte et fumante, produisant des fruits étranges, où est demeurée une stèle de sel, monument attestant l’incrédulité de la femme de Lot. Sap., x, 7. Cf. Jer., xlix, 18 ; L, 40 ; Soph., ii, 9 ; Amos, iv, 11. La vallée de Siddîm, appelée par Josèphe « la vallée des puits de Bitume », faisait, suivant lui, partie du territoire de Sodome, xocrà SôSoiia, et devint le lac Asphaltite, mais ne se confondait pas avec la Pentapole. Celle-ci, désignée par l’historien sous le nom de Sodomitide, subsistait encore de son temps, mais privée de sa splendeur passée et de sa fertilité, ne produisant que des fruits inutilisables, portant les indices du feu qui l’avait frappée et ne gardant plus que des restes informes des villes brillantes, riches et heureuses et qui en avaient été la gloire. Bell, jud., IV, viii, 4 ; Ant. jud., i, ix, xi, 3. Cf. Tacite, Hist-, v, 7 ; Solin, Polyhistor, 38 ; Reland, falsestina, p. 254. Les géologues modernes sont unanimes d’ailleurs à affirmer la préexistence de la mer Morte à la catastrophe de la Pentapole, sauf à reconnaître qu’une partie de son territoire a pu postérieurement être envahie par les eaux du lac, à la suite d’un affaissement du sol. Voir Morte (Mer), t. iv, col. 1303-1307.

Mais si l’espace recouvert par les eaux de la mer Morte ne peut avoir été, en général du moins, le territoire de la Pentapole, où faut-il chercher celui-ci ? Une partie, celle qui en fut la principale, où se trouvait la métropole Sodome, occupait certainement la région qui s'étend au sud de la mer Morte. C’est là, au sud-est du lac, que Josèphe indique Zoara d’Arabie, identique avec Ségor ou Zoar de la Bible. Bell, jud., IV, vin. Cf. Moab, t. iv, col.' 1158, et Ségor. Cette ville où Lot arrivait au

lever du soleil, en venant de Sodome qu’il avait quitté aux premières heures du jour, Gen., xix, 15, 23, fixe le site de cette rivière, non loin et dans la même région méridionale. Le nom de Sodome reste encore attaché, c’est ce que l’on reconnaît généralement, à une petite chaîne de collines, le Djebel Esdoum, qui s'étend à l’extrémité sud-ouest du lac, en face du ghôr Sâfiéh, où l’on doit chercher le site de Ségor. La ville ellemême, on n’en peut douter, se trouvait dans le territoire voisin de la montagne. Tandis que le Ghôr Sâfiéh n’a presque jamais cessé, jusqu'à nos jours, de former une riante et riche oasis, avec des plantations de palmiers et diverses autres cultures, toute la région qui s'étend depuis le djebel Esdoum, à l’ouest, jusqu’aux abords de ce ghôr, sur une largeur de sept kilomètres et une longueur de dix depuis l’extrémité sud de la mer Morte, n’est qu’une plaine désolée dont le sol est une marne mélangée de sel et fangeuse connue sous le nom de Sebkhah, « terre salsugineuse. » Les abords du djebel Esdoum, le ghôr Sâfiéh, et la partie de la Sebkhah s'étendant entre les deux, ont nécessairement été une portion de la Pentapole, mais jusqu’où se développait-elle au delà?

Outre l’ancienne opinion voyant dans la mer Morte la Pentapole recouverte, par les eaux, trois autres hypothèses ont chacune leurs partisans. — 1. Les explorateurs anglais croyant qu’on pourrait reconnaître le nom de Gomorrhe dans celui de 'Amr porté par une vallée située au nord-est de la mer Morte, celui de Zoar dans celui du Tell eé-Saghûr que l’on trouve à l’est du Tell er-Raâméh, dans les anciennes Araboth à quelques minutes de Moab, et le nom Adama, dans celui de Damiéh donné à des ruines qui se voient non loin de l’embouchure du Zerqâ (Jaboc), inclinent à localiser ainsi la Pentapole tout entière au nord de la mer Morte, Cf. Armstrong, Wilson et Conder, Names and places in the Old Testament, Londres, 1887, p. 4, 71, 178, 186 ; Conder, Handbook to the Bible, Londres, 1887, p. 238-241—2. M. Clermont-Ganneau, au contraire, pense quele nom de Ghamr étymologiquement identique à celui de Gomorrhe, mentionné par la géographie arabe d’El Moqaddasi (Géographie, édit, Goije, Leyde, 1873, p. 253) sur la route de Suqqariéh à AHah, à deux journées de marche au nord de cette dernière, et que l’on retrouve aujourd’hui encore dans celui de 'aïn Ghamr, à quatre-vingts kilomètres environ au sud de l’extrémité méridionale de la mer Morte, propose de prolonger la Pentapole, fort loin vers le sud, dans YArâbah. Cf. Id., Recueil d’archéologie orientale, Paris, 1888, t. i, p. 163. — 3. Pour Guérin et d’autres, la Pentapole se développait autour de Sodome dont le djebel Esdoum est, de l’avis générai, le représentant incontestable. Elle comprenait, dans ses limites, au sud, la Sebkab, peut-être entière ; au nord toute la pointe méridionale de la mer Morte, depuis la presqu'île du Lisân, sur une longueur de 17 kilomètres et une largeur de 13, avec les terrains qui bordent l’une et l’autre à l’est et à l’ouest. Cette partie inférieure de la mer Morte est une lagune dont la plus grande profondeur dépasse à peine sept mètres. Les terrains se seraient affaissés à la suite de la catastrophe et auraient été postérieurement envahis par les eaux de la mer Morte. Dans cette partie devait se trouver la vallée de Siddîm devenue partie intégrante du lac et c’est dans son voisinage que se voyaient les diverses villes de la Pentapole. Cf. V. Guérin, Samarie, p. 291-298 ; Adama, t. i, col. 207 ; Gomorrhe, t. iii, col. 273 ; Morte (Mer), col. 1307, 1308.

La première opinion a le tort de ne pas tenir compte des traditions onomastiques et historiques locales, les premières sources d’information après la Bible, qui n’ont cessé de voir le nom de Sodome dans celui du djebel Esdoum et de montrer presque jusqu'à nos jours Ségor et « le pays du peuple de Lot », diyâr qum Lot,

c’est-à-dire des Sodomites, au sud-est et au sud de la mer Morte. Cf. Guy Le Strange, Palestine tmder ihe Moslems, Londres, 1890, p. 286-292. Dans la seconde hypothèse, le territoire de la Pentapole est prolongé beaucoup plus loin au sud que ne le comportent, semble-t-il, les données de la Bible et la conformation du sol : Ségor était, en effet, de ce côté la limite de la région arrosée par les eaux du Jourdain, choisie par Lot pour son habitation. Gen., xiii, 10-12. Et au delà de la Sebkhah, le sol se relève et commence le seuil devant lequel le Jourdain devait s’arrêter. Les diverses locutions par lesquelles sont indiquées les relations ou la position des autres villes par rapport à Sodome, dont elles sont les « filles, les voisines, les villes du pourtour », déterminent aussi le rayon du cercle dans lequel on peut les chercher. La troisième opinion ne paraît pas sortir de ces limites. On pourrait seulement lui contester, admise la préexistence de la mer Morte jusqu'à la hauteur du Lisân, la possibilité pour le Jourdain de conserver ses eaux aptes pour l’arrosage des cultures de la Pentapole. Mais si les raisons sur lesquelles elle s’appuie sont incontestables comme il le semble, elle demeure inébranlable et elles font de cette possibilité une certitude ou sont la preuve de la formation ultérieure de la mer Morte ; c’est la question des origines de ce lac.

3° Histoire. — En principe, la Pentapole apparaît habitée par des peuplades chananéennes de race ou d’assimilation. Gen., x, 19 ; Num., xiii, 30. Arrosée par le Jourdain, jusqu'à Ségor, elle ressemblait alors à l’Egypte et formait un jardin divin ; sa beauté et sa fertilité tentèrent Lot, qui la choisit pour sa résidence, quand Abraham lui proposa de se retirer chacun à part. Gen., xm, 8-13. Vers ce temps ou peu avant, les cinq rois de la Pentapole avaient été vaincus, dans une bataille livrée dans la vallée de Siddim par Amraphel, roi de Sennaar, Arioch, roi d’Ellasar, Chodorlahomor, roi d'Élam, et ïhadal, roi de Goïm (Gutium). Ils avaient subi leur joug pendant douze ans, quand, fatigués de le porter, la treizième année, ils avaient repris leur indépendance. L’année suivante, Chodorlahomor et ses alliés, après avoir ravagé tous les pays des alentours, s’avancèrent de nouveau contre les rois de la Pentapole. Ceux-ci avaient rangé leur armée en bataille dans la vallée de Siddim. liattus cette fois encore et obligés de fuir, leurs troupes tombèrent dans les puits de bitume, nombreux dans la région. Ceux qui purent échapper gagnèrent les montagnes. La Pentapole fut livrée au pillage et la population emmenée en captivité. Parmi les captifs se trouvait Lot. Averti, Abraham se mit à la poursuite de l’armée victorieuse. Il tomba sur elle à l’improviste, la mit en déroute, reprit tout le butin et ramena les prisonniers. Gen., xiv. Dans l’oisiveté et les jouissances de la table que leur permettait l’abondance de tous les biens produits presque spontanément par le sol le plus fécond, aveuglés par les richesses et l’orgueil, les habitants de la Pentapole étaient descendus au dernier degré de la perversion morale et s'étaient livrés aux désordres les plus infûmes. Gen., xiii, 13 ; xviir, 20 ; xix, 14-21 ; Ezech., xvi, 49. Le Seigneur les punit en anéantissant la Pentapole avec ses habitants. Gen., xviii, 20-xix, 30 ; Deut., xxix, 23, etc. — Cette terre riante et fortunée devint un désert inhabitable. Des monts de Judée, elle apparaît, pendant l'été surtout, par suite de l'èvaporation extraordinaire de la mer Morte, semblable à une contrée fumante et plongée dans les brouillards. Les quatre villes brûlées n’ont plus jamais été relevées. Si on en voyait encore les débris au temps de l’historien Josèphe, aujourd’hui on ne sait plus même où les chercher. La statue de sel à laquelle les auteurs sacrés fout allusion, Gen., six, 26, et Sap., x, 6, aurait existé encore au premier siècle de l'ère chrétienne, s’il faut en croire Josèphe qui assure l’avoir vue. Ant. jud., i,

xi, 4. On la montrait longtemps après encore et aujourd’hui même un bloc de sel du Djebel Esdoum est appelé bent Seik Lout, « la fille (au lieu de la femme) de Lot. » Il est douteux que ce soit le même dont parlaient les anciens. Voir Loi (La. femme de), t. iii, col. 365. L. Heidet.

    1. PENTATEUQUE##

PENTATEUQUE, nom donné aux cinq premiers livres de la Bible.

I. Noms. — 1° De la collection. — Le nom de Pentateuque n’est pas original. Il suppose la division en cinq livres qui, elle-même, n’est pas primitive. Sa plus ancienne attestation se trouve dans Philon, De Abrahamo, , Opéra, Paris, 1640, p. 249 ; cf. De [migratione Abrahami, 3, ibid., p. 390, et dans Josèphe, Cont. Apion., i, 8, Opéra, Amsterdam, 1726, t. ii, p. 441. Quelques critiques l’attribuent aux Septante, voir t. iv, col. 313-314 ; d’autres pensent qu’elle leur était antérieure. Saint Jérôme, Epist. Lit, ad Paulin., 8, t. xxii, col. 545, croyait, mais sans raison suffisante, semble-t-il, que saint Paul, ICor., xiv, 19, y faisait allusion. Elle résulte peut-être de la distribution d’un rouleau trop volumineux en cinq rouleaux ou en cinq codices plus petits, à peu près d'égale dimension. Le premier emploi du nom grec irev-catfjxoi ; , signifiant littéralement « cinq étuis i> (-nvyaç, étant l'étui dans lequel on plaçait chaque rouleau), se rencontre dans la lettre du valentinien Ptolémée (vers 150-175) à Flora. S. Épiphane, Hier., xxxiii, 4, t. xli, col. 560. On croyait l’avoir rencontré dans un passage de saint Hippolyte, édité par de Lagarde, Leipzig et Londres, 1858, p. 193, dans lequel le Psautier, divisé en cinq livres, était dit xod aÙTÔ à'XXov TrevrâTeuxav. Mais ce passage est de saint Épiphane. Hippolytus, dans Die grieschischen Schriftsteller der ersten drei Jahrhunderte, Leipzig, 1897, t. i, p. 143. Origène, Comment, in Ev. Joa., tom. il (fragment), t. xiv, col. 192, emploie 'ce nom, et ibid., tom. xiii, n. 26, col. 444, il parle de tiic IlsvTaxeû-xou Mwjaéw ; . Saint Athanase, Epist. ad Marcellin., 5, t. xxvii, col. 12, s’en sert. Saint Épiphane l’emploie plusieurs fois. De mens, et pond., 4, 5, t.XLin, col. 244. Kn latin, ce nom apparaît pour la première fois sous la forme masculine : Pentateuchus, dans Tertullien, Adv. Marcion., i, 10, t. ii, col. 257. Il a la forme neutre : Pentateuchum, dans saint Isidore de Séville, Etym., VI, ii, 1, 2, t. lxxxii, col. 230. Les critiques ne s’accordent pas sur le point de savoir si, à l’origine, il était un adjectif, qualifiant (3têi.oç ou liber sous-entendu, ou bien un substantif, ayant par lui-même la signification d’ouvrage en cinq volumes. Voir t. iv, col. 314. Quoi qu’il en soit, les anciens employaient des termes analogues, formés d’une manière identique. Ainsi Eusèbe, Prsep. evang., i, 10, t. xxi, col. 88, mentionne un écrit d"OaTâv/|i ; , intitulé : 'OxTa-re-Jxo ; . Certains manuscrits, contenant les huit premiers livres de la Bible, furent aussi désignés plus tard par le nom d"OxTo « EUxoç. Pitra, Analecta sacra, Frascati, 1884, t. ii, p. 412 ; de Lagarde, Septuagintastudien, Gœttingue, 1892, t. ii, p. 60. Ce nom est employé couramment aujourd’hui pour désigner les manuscrits grecs contenant huit livres. Swete, An introduction to the Old Testament in Greek, Cambridge, 1900, p. 148-154. Des noms analogues étaient usités chez les Latins pour désigner des manuscrits contenant les sept ou huit premiers livres de la Bible. Saint Ambroise, In Ps. cxviii expositio, serm. xxi, 12, t. xv, col. 1506, parle d’un Heptateuchus, comprenant Genèse-Juges. Le canon de Cheltenham, de 359, après les Juges, signale les livres précédents comme formant une première collection : Fiunt libri Vil. Sanday, dans Studio biblica et ecctesiastica, Oxford, 1891, t. in. p. 222. Les critiques modernes donnent le nom i’Hexateuque aux livres do Pentateuque en y joignant le livre de Josué, qu’ils re51

PENTATEUQUE

gardent comme faisant partie de la même œuvre unique. Les Juifs anciens n’ont ni connu ni employé le nom de Pentateuque. Les rabbins l’ont adopté équivalemment plus tard quand ils ont appelé les livres de Moïse les « cinq cinquièmes de la Thora », 'min~ fi - a*n nrà",

ou « les cinq cinquièmes », B’tfo'.n nwon. Les anciens

se servaient d’autres dénominations. Comme les livres de Moïse sont en grande partie législatifs, les Juifs en nommaient le recueil, d’après la partie principale du contenu, minn, « la Loi, » Jos., viii, 34 ; I Esd., x, 3 ;

II Esd., viii, 2, 14 ; x, 35, 37 ; II Par., xxv, 4, et plus tard min, « Loi, » sans article. Voir t. iv, col. 329. Quand ils considéraient le législateur ou le rédacteur de cette loi, ils disaient nata min, « Loi de Moïse, » Jos., viii, 32 ; 1 (III) Reg., ii, 3 ; Il (IV) Reg., xan, 25 ; Dan., ix, 11 ;

I Esd., iii, 2 ; vil, 6 ; II Par., xxiii, 18 ; xxx, 16 ; ou plus clairement encore, minn isd, « livre de la Loi, »

T

Jos., i, 8 ; viii, 34 ; II Esd., viii, 3 ; on nwn min isd, « livre de la Loi de M’oïse ». Jos., viii, 31 ; xxiii, 6 ;

II (IV) Reg., xiv, 6 ; II Esd., viii, 1 ; ou plus brièvement, rwa isd, « livre de Moïse », I Esd., vi, 18 ; II Esd., xiii,

I ; II Par., xxv, 4 ; xxxv, 12. Mais, lorsqu’on avait en vue. l’origine divine et la révélation de la Loi mosaïque, on la nommait nin » min, « Loi de Jéhovah, » I Esd., vii,

10 ; I Par., xvi, 40 ; II Par., xxxi, 3 ; xxxv, 26 ; ou bien □iri^N min, « Loi d'Élohim, » II Esd., viii, 18 ; x, 29, 30 ; ou nim min ISD, « livre de la Loi de Jéhovah, »

II Par., xvii, 9 ; xxxiv, 14 ; ou a>fibN niin isd, « livre de la Loi d'Élohim, » Jos., xxiv, 26 ; II Esd., viii, 18 ; ou encore D’rfttf ou ni" » min " : sd, « livre de la loi de Jéhovah Élohim. » II Esd., ix, 3. Les Septante ont traduit ees passages par é vàjio ; ou vôp.o ; sans article. Dans le Nouveau Testament, les livres de Moïse sont désignés aussi parles mots 6 v6(io ; , Matth., v, 17 ; Rom., ii, 12, etc., ou bien 6 vo[io ; Mwja^wç, Luc, ii, 22 ; xxiv, 44 ; Act., xxviii, 23 ; cf. Joa., i, 17 ; ou bien Siêloç MuO’o-éwc, Marc, xii, 26 ; ou simplement Mn’io^ç. Luc, xxiv, 27 ; Act., xv, 21. Dans le Talmud et chez les rabbins, les livres de Moïse sont nommés m’n nsc, « le livre de la

Loi. » Buxtorf, Lexicon chaldaicum talmudicum rab~

binicum, p. 791 ; Levy, Chaldàisches Wôrlerbuch,

p. 268. Le nom araméen de la collection est NnitN,

t : « loi. » Buxtorf, op. cit., p. 983 ; Levy, op. cit., p. 16 ; Aicher, Das alte Testament in der Mischna, Fribourg-en-Brisgau, 1906, p. 16.

2° De chaque livre. — Les Juifs de Palestine et d’Alexandrie ont donné à chacun des cinq livres des noms différents. Dans la Bible hébraïque, les premiers mots du texte ont servi à désigner chaque livre : le premier est nommé n’tfsis, le 2 B, niais- û'îni ou nic^,

le 3°, *np » i, le 4e, i.s-pt, et le 5e, D’ia^n rrt « ou c>13~.

Cf. Origène, InPs. I, t. xii, col. 1084 ; et dans Eusèbe, H. E., vl, 25, t. xx, col. 580 ; S. Jérôme, Prologus gaieatas, t. xxviii, col. 552 ; S. Isidore de Séville, Etym., 1. VI, ci, n. 4, t. lxxxii, col. 229. A’oir Biblische Zeitschrift, 1905, t. iii, p. 149-150. Les rabbins ont cependant donné aux trois derniers de ces livres des noms qui résument leur contenu : ainsi ils appelaient Je 3e, s’Jn’s m’n, « loi des prêtres, » le4e, =nv>s--sih, « livre des recensements » (selon la transcription d’Origène, loc, cit., et dansEusèbe, H.E., vi, 25, t. xx, col. 580, 'A(j. ¥ u.5a’j)sxw6e['[i), ou encore ~.z~zz, « dans le désert, »

et le 5e, min nJ™'^, « répétition de la Loi, » d’après une T ….

fausse interprétation de Deut., xvii, 18, qui parle seulement d’Un exemplaire de cette loi, c’est-à-dire duDeu téronome, désigné sous le nom de m* ri. On a aussi

T

considéré*ce livre comme une mischnah, une Se’jïépto<r ;  ; to-j voiioO, une récapitulation de la législation précédente. Cf. Jos., viii, 32. Les titres : n->x> nsc, « livre

de la création, » et f’p’Tj, « dommages, « ne désignaient pas, comme on l’a cru parfois, le premier et le second des cinq livres, mais seulement des sections particulières, à savoir le récit de la création et les lois. Exod., xxi, xxii. Voir J. Fùrst, Der Kanon des A. T. nach den Ueberlieferungen im Talmud und Midrasch, Leipzig, 1868, p. 5-6 ; Buxtorf, Lexicon chald., p. 671.

Les Juifs alexandrins dans la version à leur usage, dite version des Septante, ont désigné les cinq livres par des noms qui conviennent, sinon à tout leur contenu, du moins au sujet traité au commencement du livre. Ainsi le 1 er est désigné par son début fév^tç y.oano’j, ou simplement Téveatç ; le 2° de même "EijoSo ; AtyjTiTou ou "E ?oSo ; seulement ; le 3e A&veiTty.dv ou AsuiTMov ; le 4e 'Ap18(ioi, et le 5e AeuTepoviijieov. Philon nomme les trois premiers : .ylvsatç, lEayMyï] ou é?o50ç, Asumxdv ou Asuitcxt) pc’gXo ; . Les chrétiens ont adopté ces noms ; les Latins ont cependant traduit àpt9[W par Numeri. Cf. Origène et S. Jérôme, loc. cit. ; les Philosopkoumena, vi, 15-16, t. xvi, col. 3215, 3218. Xhéodulfe, évêque d’Orléans, les a expliqués en vers. Carmina, II, I, t. cv, col. 299. Ils ont passé dans toutes les langues par l’intermédiaire des versions faites sur la Vulgate latine. — Sur les sections massorétiques du texte hébreu, voir t. ii, col. 559.

II. Analyse. — Le Pentateuque, dans son ensemble, est un livre en partie historique, en partie législatif, qui raconte l’histoire du peuple d’Israël depuis la création du monde jusqu'à la mort de Moïse et qui reproduit la législation civile et religieuse de ce peuple au cours de la vie du législateur lui-même. En tenant compte du sujet traité et même partiellement de la forme littéraire, le Pentateuque se diviserait tout naturellement en trois parties. La Genèse, avec ses subdivisions généalogiques, sert d’introduction aux quatre autres livres, et raconte l’histoire juive des origines jusqu'à la sortie d’Egypte. Le Deutéronome, composé principalement de discours, contient la récapitulation, faite au pays de Moab, de la législation du Sinaï et termine l’histoire d’Israël sous la conduite de Moïse : L’Exode, le Lévitique et les Nombres, dits les trois livres du milieu, présentent les mêmes caractères : ils racontent les pérégrinations d’Israël dans le désert et contiennent la législation donnée aux Hébreux. Ce plan général présente donc une indéniable unité d’ensemble Cf. F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, 5e édit., Paris, 1902, t. iii, p. 17-25.

1° Genèse. — Ce livre est construit suivant un plan particulier, qui a été remarqué pour la première fois par Kurtz, Die Einheit der Genesis, Berlin, 1846, p. lxvii-lxviii. Il se partage en dix sections d’inégale longueur et d’inégale importance, qui débutent par une formule identique ; niVrn n) « , ii, 4 ; v, 1 ; VI, 9 ; x, 1 ;

xi, 27 ; xxv, 12 ; xxv, 19 ; xxxvi, 1 ; xxxvii, 2. La variante : hVtVh isû ht, v, 1, qui est synonyme de la précédente,

et le double emploi, xxxvi, 1, 9, dans la notice d'Ésaû, dont le second n’est qu’une transition, ne changent pas le résultat, qui a été voulu et recherché pour lui-même. Le contenu des sections sert à indiquer le sens de tôldôf. Ce mot signifie étymologiquement générations ; il a une autre signification dans les titres des sections de la Genèse. Si ces titres n'étaient suivis que de la généalogie des personnages nommés, le mot pôldôp signifierait seulement table généalogique. Mais comme la plupart des sections contiennent plus que de simples énumérations de noms, le sens réel du mot est plus compréhensïf. On pense généralement que de la signi

fication dérivée : généalogie, l’auteur a passé à celui d’histoire. Le titre de ces récits indique dpnc leur genre littéraire. Non pas qu’il signifie : « histoire relatant des traditions populaires, » comme l’a prétendu le P. de Hummelauer, Exegetisches zur Inspirationsfrage, dans les Biblische Studien, Fribourg-en-Brisgau, 1904, t. ix, fasc. 4, p. 26-32 ; mais bien histoire, fondée sur les généalogies, développées par des récits, parce que les généalogies constituaient la partie principale et le cadre de l’histoire primitive*. Cf. abbé de Broglie, Les généalogies bibliques, dans le Congrès scientifique international des catholiques, Paris, 1889, t. i, p. 94-101. Voir t. iii, col. 160. Le sens d’histoire une fois admis, l’auteur l’a appliqué même aux choses inanimées, auxcieux et à la terre, ii, 4, dont il racontait la création.

Après une introduction sur la création du monde en six jours, i, l-ii, 3, voir t. ii, col. 1034-1054, la Genèse se divise donc en dix sections, débutant par le même titre : 1° Histoire du ciel et de la terre, ir, 4-iv, 26. Après le titre, ii, 4, cette section raconte la création spéciale de l’homme et de la femme, ii, 5-25 ; la tentation et la chute d’Adam et d’Eve, leur expulsion du paradis terrestre, iii, 1-24 ; ** la naissance de Caïn et d’Abel, les caractères différents de ces deux fils d’Adam, le meurtre d’Abel par Caïn et la punition du meurtrier, iv, 1-16 ; l’histoire de la postérité de Caïn et la naissance de Seth, iv, 17-26. — 2° Histoire d’Adam, v, 1-vi, 8. Cette section donne la généalogie des dix patriarches antédiluviens depuis Adam jusqu'à Noé, v, 1-31, et raconte la perversion de l’humanité primitive, perversion qui attire sur la terre les châtiments de Dieu, vi, 1-8. — 3° Histoire de Noé, VI, 9-ix, 29. Noé, parce qu’il est juste, trouve grâce devant Dieu qui lui ordonne de construire une arche, destinée à le sauver du déluge, lui, sa famille et un couple de chaque espèce d’animaux, vi, G-22. Il entre dans l’arche, vii, 1-9. La pluie tombe pendant quarante jours et quarante nuits et les eaux qui couvrent et détruisent tout demeurent sur la terre durant 150 jours, vii, 10-24. Après la cessation de la pluie, les eaux diminuent progressivement et Noé sort de l’arche, viii, 1-14. Voir Déllge. Il offre un sacrifice à Dieu qui le bénit et fait alliance avec lui, viii, 15-ix, 17. Il plante la vigne, maudit Cham, bénit Sem et Japlieth, et meurt, îx. 18-29. — 4° Histoire des fils de Noé. x, 1-xi. 9. Elle se réduit à la table des peuples issus de Japheth, de Sem, x, 1-32, à laquelle est joint le récit de la construction de la tour de Babel et de la confusion des langues, xi, 1-9. — 5° Histoire de Sem, xi, 10-26. C’est la répétition de la généalogie de Sem et sa continuation jusqu'à Tharé, père d’Abraham. — 6° Histoire de Tharé et d’Abraham, xi, 27-xxv, 11. La vie de Tharé et de ses enfants ayant été résumée, XI, 2732, l’histoire spéciale d’Abraham commence par le récit de sa vocation et de sa migration de Haran au pays de Chanaan, xfi, 1-9, et par celui de son séjour en Egypte et de la préservation de Sara, son épouse, xii, 10-20. Revenu en Chanaan, Abraham se sépare de Lot, son neveu, xiii, 1-13. et Dieu promet de donner le pays à sa postérité, xiii, 14-18. Quatre rois confédérés envahissent la Pentapole et emmènent Lot qui habitait à Sodome, xiv. 1-12 ; Abraham poursuit les envahisseurs et leur ravit le butin qu’ils avaient enlevé. Alelchisédech bénit Abraham et celui-ci rend au roi de Sodome tout son bien, xiv, 13-24. Dieu conclut une alliance solennelle avec Abraham, à qui il prédit les destinées de sa race, xv, 1-21. Abraham épouse Agar, qui enfante lsmaèl, après avoir fui au désert pour échapper aux mauvais traitements, que Sara, sa maitresse, lui infligeait, xvi, 1-16. Dieu change le nom d’Abram en celui d’Abraham, renouvelle ses promesses, institue la circoncision et prédit la naissance d’un fils de Sara, xvii, 1-22. Abraham se circoncit et avec lui toute sa famille, xvii,

13-27. Trois anges lui apparaissent, lui renouvellent l’annonce d’un fils de Sara et le préviennent de la ruine de Sodome et de Gomorrhe, qu’ils vont accomplir malgré l’intervention d’Abraham, xviii, 1-33. Récit 'du crime des Sodomites et de la délivrance de Lot, xix, 1-29 ; naissance incestueuse de Moab et d’Ammon, xrx, 30-38. Aventure de Sara chez Abimélech, roi de Gérare, xx, 1-18. Naissance d’Isaac et expulsion d’Ismaël, xxi, 1-21. Alliance d’Abraham avec Abimélech, xxi, 22-34. Abraham se dispose à immoler Isaac sur l’ordre de Dieu, qui, satisfait de sa bonne volonté, arrête sa main et renouvelle les promesses précédentes, xxii, 1-19. Postérité de Nachor, xxiii, 20-24. Mort et sépulture de Sara dans le champ d'Éphron, xxiii, 1-20. Abraham envoie un de ses serviteurs en Mésopotamie chercher une femme à Isaac, xxiv, 1-9 ; prière de ce serviteur qui rencontre Rébecca, xxiv, 10-28 ; il la demande en mariage pour son jeune maître, xxiv, 29-54, et la ramène, xxiv, 55-61. Mariage d’Isaac, xxiv, 62-67. Abraham épouse Cétura, partage ses biens entre ses enfants, meurt et est enseveli avec Sara, xxv, 1-11 — 7° Histoire d’Ismaël, xxv, 12-18. Elle se réduit à l’indication de sa postérité et au récit de sa mort. — 8° Histoire d’Isaac, xxv, 19-xxxv, 29. Naissance d'Ésaù et de Jacob, xxv, 1926. Ésaû vend son droit d’aînesse, xxv, 27-34. Au temps d’une famine, Isaac va chez Abimélech, reçoit des promesses divines et fait passer Rébecca pour sa sœur, xxvi, 1-11. Ses richesses excitent l’envie des habitants, qui bouchent les puits qu’il a creusés, xxvi, 12-22. ABersabée, Dieu lui apparaît de nouveau, et Abimélech vient contracter alliance, xxvi, 23-33 ; double mariage d'Ésaù, xxvi, 34, 35. Jacob obtient la bénédiction de son père à la place d'Ésaù, xxvii, 1-29 ; Ésaù est béni à son tour, xxvii, 3040. Jacob va en Mésopotamie pour échapper à la colère de son frère et pour chercher une femme de sa race, xxvii, 41-xxviii, 5. Ésati épouse une troisième femme, xxviii, 6-9. Sur le chemin de Haran, Jacob a une vision à Béthel, xxviii, 10-22. Il rencontre Rachel, fille de Laban ; il l'épouse ainsi que Lia, sa sœur, xxix, 1-30. Naissance de onze fils et d’une fille, x.xix, 31-xxx, 24. Jacob fait avec Laban des conventions, et il s’enrichit habilement, xxx, 25-43. Parce que les fils de Laban le jalousaient, il quitte furtivement Haran et Laban le poursuit, xxxi, 1-24. Ils contractent ensemble une alliance, xxxi, 25-55. Jacob envoie des présents à Ésaii’xxxii, 1-21 ; il lutte avec un ange, xxxii, 22-32. Ésafi lui fait bon accueil, xxxiii, 1-17. Jacob passe à Salem et achète le champ d’Hémor à Sichem, xxxiii, 18-20. Enlèvement de Dina par les Sichémites et vengeance de ses frères, xxxiv, 1-31. Dieu apparaît de nouveau à Jacob et lui ordonne de lui élever un autel à Béthel, xxxv, 1-7. Mort de Débora, nourrice de Rébecca, et changement du nom de Jacob en celui d’Israël, xxv, 8-15. Naissance de Benjamin et mort de Rachel, xxxv, 16-20. Inceste de Ruben, liste des fils de Jacob et mort d’Isaac, xxxv, 21-29. — 9° Histoire d'Ésaù, xxxvi, 1-42. Elle n’est que le tableau généalogique de sa postérité. — 10° Histoire de Jacob, xxxvii, 1-L, 25. Joseph, le fils préféré de Jacob, est jalousé par ses frères, xxxvii, 2-11. Envoyé pour les rejoindre à Dothain, il est vendu par eux à des Ismaélites qui le revendent à Putiphar, xxvii, 12-36. Les fils de Juda, spécialement à la suite de ses relations avec Thamar, sa bru, xxxviii, 1-30. Joseph chez Putiphar' ; accusé par la femme de son maître, il est jeté en prison, xxxix, 1-23. Il interprète les songes du panetier et de l'échanson du Pharaon, XL, 1-23 ; puis ceux du Pharaon lui-même, xli, 1-36 ; c’est pourquoi il est mis à la tête de l’Egypte, XXI, 37-46. Les sept années de fertilité ; naissance des fils de Joseph, xli, 47-52. Commencement de la famine, xli, 53-57. Jacob envoie ses fils en Egypte ; Joseph les reconnaît, retient Simëon en captivité et renvoie les autres à leur père, xlii, 1-25. Leur retour ; Jacob re

îuse àe asser partir Benjamin, xui, 26-38. Contraint par la famine, il consent au départ de Benjamin, XLin, 1-15. Ses fils sont reçus par le chef de la maison de Joseph, puis par Joseph lui-même, xliii, 15-34. La coupe de Joseph est mise à dessein dans le sac de Benjamin ; Joseph veut punir le ravisseur ; Judas s’offre à la place de son jeune frère, xliv, 1-34. Joseph se fait reconnaître et veut faire venir son père en Egypte, xlv, 1-28. Arrivée de Jacoh en Egypte, et liste de ses enfants et petitsenfants, xl vi, 1-27. Rencontre de Joseph et de son père, xlvi, 28-34. Joseph obtient de Pharaon la terre de Gessen, xlvii, 1-12. Les Égyptiens achètent des vivres, xlvii, 13-26. Après 17 ans de séjour en Egypte, Jacob fait à Joseph ses dernières recommandations, xlvii, 2731. Devenu malade, il adopte les deux fils de Joseph et les bénit, xlviii, 1-22. Il bénit tous ses fils et meurt, xlix, 1-32. Joseph le fait ensevelir en Chanaan, l, 1-12. Ses frères lui demandent pardon ; il leur promet ses bonnes grâces. Sur le point de mourir, il demande que ses ossements soient un jour emportés au pays de Chanaan. Il meurt et il est enterré en Egypte, L, 13-25.

On a prétendu que, dans la pensée de l’auteur, le nombre des dix sections avait une valeur symbolique et signifiait l’universalité ou la perfection de l’histoire primitive de la théocratie. Mais cette idée symbolique, imaginée par les critiques modernes, n’est probablement jamais entrée dans l’esprit de cet auteur.

Le « schématisme », comme on dit, de la Genèse ne se manifeste pas seulement dans ce sectionnement en dix parties ayant le même titre ; on le remarque encore dans la disposition des sections et dans le procédé, identiquement suivi pour chaque section. Les tôldôt sont disposées dans l’ordre de leur importance. Il y en a de deux sortes, en effet, celles de la ligne directe d’Adam à Jacob, et celles des lignes latérales, au nombre de trois, à savoir, celles des enfants de Noé, d’Ismaël et d'Ésaù. Ces dernières, qui ont moins d’importance, sont plus courtes et elles précèdent toujours les branches parallèles delà ligne principale. Elles sont donc intentionnellement placées en avant et peu développées en raison de leur moindre importance. Les branches secondaires sont ainsi éliminées, et ne reparaissent plus qu’accidentellement, quand elles sont mêlées à l’histoire de la branche principale. Du reste, ce procédé d'élimination est employé dans tout le livre, dont le contenu se restreint toujours de plus en plus. L’histoire, d’universelle qu’elle était au début, se particularise progressivement pour n'être plus que l’histoire religieuse d’Israël. Caïn et sa race sont éliminés dans l’histoire d’Adam ; les descendants"de Seth, sauf Noé, à partir de l’histoire de ce dernier ; Cham et Japheth disparaissent de l’histoire de Sem ; les autres fds de Sem sont exclus de l’histoire de Tharé et d’Abraham. A partir d’Ismaël, les branches secondaires, qui forment des sections spéciales, sont vite laissées hors d’observation et avec les tôldôt de Jacob commence l’histoire du peuple élu, du peuple théocratique.

D’autre part, l'écrivain suit un ordre déterminé dans les développements de chaque section. Le titre est suivi d’ordinaire d’une" récapitulation de la section précédente. Ainsi Gen., ii, 4, résume l’introduction, i, 1-n, 3 ; v, 1, répète i, 27 ; xxv, 12, résume xvi, 1, 3, 15, 16 ; xxv, 19, condense xvii ; xxi, 2-5. Au début des autres sections, il y a un point de repère avec ce qui précède : VI, 10-12, répète les noms des fils de Noé, v, 32, et les causes du déluge, xi, 1-5 ; x, 1, est la répétition de ix, 18, 19 ; xi, 27, reproduit le verset qui termine la section précédente ; xxXvi, 2, 3, récapitule les noms des femmes d'Ésaii, xxvi, 34 ; xxviii, 9 ; xxxvii, 1, est la répétition de xxxv, 27. Ce procédé récapitulatif, remarqué par Raban Maur, Comment, in Gen., 1. II, c. xii, t. cvii, col. 531-532, donne l’explication des répétitions signalées par les critiques comme indice de la diversité des

sources. Les fôldôf d’un patriarche emhrassent toujours tout le développement qu’a pris sa maison de son vivant. Ainsi celles d’Abraham comprennent l’histoire d’Ismaël et d’Isaac, qui sont réunis pour ensevelir leur père, xxv, 9 ; celles d’Isaac racontent l’histoire d'Ésaû, qui, lui aussi, se joint à Jacob pour ensevelir Isaac, xxxv, 29 ; celles de Jacob comprennent l’histoire de ses fils jusqu'à sa mort, l, 12, et à celle de Joseph, L, 25. La vie du patriarche est plus ou moins développée. Elle est réduite parfois à quelques mots, v, xi ; ou à quelques lignes, xi, 28-31 ; pour Noé, Abraham et Jacob, elle raconte de nombreux faits. Quand elle est détaillée, elle se termine d’une manière à peu près uniforme : l'écrivain indique la durée totale de la vie du héros et sa sépulture avec ses ancêtres, ix, 29 ; xi, 32 ; xxv, 7 ; xxxv, 28 ; xlvii, 28. Le total des années des patriarches est aussi indiqué au c. v ; mais il ne l’est pas au c. xi, 10-26.

Ce plan suivi est indéniable et prouve que la Genèse a été rédigée dans un but déterminé et d’après un ordre fixé. Les critiques modernes l’attribuent au rédacteur définitif du Pentateuque qui, selon eux, aurait emprunté au code sacerdotal le cadre généalogique et le schématisme, lesquels seraient Une des caractéristiques de cette source. Il montre, à tout le moins, l’unité actuelle de ce livre, compris comme un vaste tableau généalogique, embrassant les détails connus de l’histoire primitive et de l’histoire patriarcale. Cf. P. Delattre, Plan de la Genèse, dans la Revue des questions historiques, juillet 1876, t. xx, p. 5-43 ; Id., Le plan de la Genèse et les générations du ciel et de la terre, dans la Science catholique^ du 15 octobre 1891, t. v, p. 978-989 ; P. de Broglie, Élude sur les généalogies bibliques, dans le Congrès scientifique international des catholiques de 1888, Paris, 1889, t. i, p. 94-101 ; P. Julian, Étude critique sur la composition de la Genèse, Paris, 1888, p. 232-250.

A ne considérer que le contenu de la Genèse, on a proposé des divisions logiques en deux ou huit parties. Dans le premier cas, le livre raconte : 1° l’histoire de l’humanité depuis la création jusqu'à la vocation d’Abraham, ii, 4-xi, 26 ; 2° l’histoire des patriarches Abraham, Isaac et Jacob, ancêtres du peuple juif, jusqu'à la mort de Jacob et de Joseph en Egypte, xi, 27-L,

25. Chacune de ces parties principales se subdiviserait en cinq sections, commençant par tôldôt. Cf. R. Cornely, Introductio specialis in historicos V. T. libros, Paris, 1887, t. ii, p. 8-10. Beaucoup de critiques modernes acceptent cette division et séparent l’histoire primitive, i, 1-xi, 9, de l’histoire des patriarches, xi, 28-L,

26, reliée à la première par la généalogie de Sem, xi, 10-27. Dans le second cas, on distingue : 1° la création du monde et de l’homme, i, 1-in, 24 ; 2° l’histoire de l’humanité jusqu’au déluge et l’alliance conclue entre Dieu et Noé après le cataclysme, IV, 1-ix, 17 ; 3° les trois fils de Noé considérés comme pères de l’humanité postdiluvienne, ix, 18-x, 32 ; 4° la séparation des hommes au point de vue des langues, la formation des nations, et la généalogie de Sem, xi ; 5° l’histoire d’Abraham, père du peuple de la promesse, xii, 1-xxv, 11 ; 6° la généalogie d’Ismaël, xxv, 12-18, et l’histoire d’Isaac, xxv, 19-xxxv, 39 ; 7° la généalogie d'Ésaù, xxxvi ; 8° l’histoire de Jacob, xxxvii-l.

2° Exode. — Après la mort de Joseph, l’histoire du peuple d’Israël ne procède plus par généalogies. Israël est devenu un peuple et son histoire, squs la conduite de Moïse, est celle de sa constitution nationale et religieuse. Elle se poursuit dans les quatre autres livres du Pentateuque, qui sont à la fois historiques et législatifs. La séparation des trois livres du milieu est un peu arbitraire ; elle n’a eu peut-être d’autre raison, comme nous l’avons déjà dit, que la nécessité de diviser en parts à peu près égales un rouleau qui, autrement,

aurait été trop-volumineux. Les faits qu’ils racontent se suivent et se complètent. On peut néanmoins considérer chacun d’eus comme un tout séparé.

L’Exode, après un court préambule, i, 1-7, qui est comme la récapitulation des fôldôp de Jacob, peut se diviser en trois parties très distinctes : la première partie raconte les événements qui ont précédé et préparé la sortie d’Egypte, I, 8-xii, 36, à savoir, l’oppression des Israélites par un nouveau Pharaon, qui n’avait pas connu Joseph, i, 8-22 ; l’histoire de Moïse avant sa vocation, II, 1-25 ; la vocation de Moïse comme sauveur de son peuple, son retour en Egypte et l’accueil que lui font les Israélites, iii, 1-iv, 31 ; les premières tentatives de Moïse et d’Aaron auprès du roi d’Egypte, v, 1-vi, 13 ; une généalogie des fils de Kuben, Siméon et Lévi, précédant et préparant la généalogie de Moïse, vi, 1430 ; une nouvelle mission divine de Moïse et la description des neuf premières plaies d’Egypte, viii, 1-x, 29 ; la prédiction de la dixième plaie, XI, 1-10 ; l’institution et la célébration de la première Pâque, xii, 1-28, la mort des premiers-nés des Égyptiens et les préparatifs de la sortie d’Egypte, 29-36. La seconde partie rapporte les faits accomplis depuis la sortie d’Egypte jusqu'à l’arrivée des Israélites au pied du Sinaï, xii, 37-xviu, 27. Le récit du départ des Israélites est suivi de la législation concernant la Pâque future, souvenir et anniversaire de la première et la consécration des premiers-nés, xii, 37-xiii, 16. Viennent ensuite le récit des premiers campements des Israélites, la poursuite de l’armée égyptienne, qui serre les fugitifs sur les bords de la mer Rouge, xiii, 17-xiv, 14. Les Israélites passent la mer à pied sec, et les Égyptiens sont engloutis dans les Ilots, xiv, 15-31. Cantiques de Moïse et de Marie, sa sœur, xv, 1-21. Les stations dans le désert sont ensuite spécifiées avec les événements qui s’y rattachent : à Sur, à Mara, à ÉHm, xv, 22-27, au désert de Sin avec l’envoi des cailles et de la manne, xvi, 136, à Raphidim, où l’eau sort du rocher, xvii, 1-7, et où les Israélites battent les Amalécites, 8-16. La visite de Jéthro, beau-père de Moïse, sert d’occasion à l’institution des juges du peuple, xviii, 1-27. La troisième partie débute par le voyage de Raphidim au pied du Sinaï, xix, 1, 2. À cette longue station se rattache une portion de la législation mosaïque, de sorte que l’ouvrage, d’historique qu’il était, devient code législatif. Moïse monte au sommet du mont Sinaï, où Dieu lui indique les préparatifs, puis, trois jours après, les dispositions extérieures de la promulgation de ce qu’on a appelé son alliance avec Israël, xix, 3-25. Suit la promulgation du Décalogue et des conditions de l’alliance qui forment le livre de l’alliance, xx, 1-xxiu, 33. Ce livre, ainsi nommé, xxiv, 7, comprend la loi de l’autel, xx, 24-26, des lois sur les esclaves, xxi, 1-11, sur l’homicide et les rixes, 12-27, sur les dommages causés par les animaux, 28-36, sur les voleurs, xxii, 1-4, les damnificateurs, 5, 6, les dépositaires négligents, 7-13, sur le prêt, 14, 15, sur des points de morale ou de religion, xxii, 16-xxiii, 9, sur l’année sabbatique et le sabbat, 10-12, et les trois fêtes annuelles, 13-19. Des promesses sont attachées à l’observation de ces lois, 20-33. Voir t. i, col. 388. L’alliance, fondée sur ces conditions, est conclue entre Dieu et Israël, xxiv, 1-8. Dieu se manifeste aux anciens du peuple, puis à Moïse seul qui, pendant quarante jours et quarante nuits au sommet de la montagne, reçoit du Seigneur une description précise de l’arche d’alliance, de la table des pains de proposition, du candélabre à sept branches, du tabernacle et de l’autel des holocaustes, des vêtements sacerdotaux, des rites de la consécration des prêtres, diverses lois, la désignation des constructeurs du tabernacle et une loi relative à l’observance du sabbat, xxiv, 9-xxxi, 18. Le récit historique reprend. Pendant l’absence prolongée de Moïse, le peuple adore le veau d’or. Dieu s’en irrite ;

Moïse intercède pour le peuple, brise les tables de la loi, renverse l’idole, punit les coupables, intercède de nouveau auprès du Seigneur, qui fait grâce au peuple repentant, xxxii, 1-xxxin, 6. Moïse transporte le tabernacle hors du camp et Dieu propose de renouveler l’alliance rompue par l’infidélité des Israélites. Moïse taille de nouvelles tables, reçoit une seconde fois de Dieu les conditions de l’alliance, après 40 jours de séjour au sommet du Sinaï, rapporte les tables de la loi, gravées de sa propre main, et reparaît le visage resplendissant de la gloire divine, xxxiii, 7-xxxiv, 35. Les ordres divins au sujet de la construction du tabernacle et des instruments du culte s’accomplissent : les Israélites apportent leurs dons ; les ouvriers désignés les emploient à la construction du tabernacle, de l’arche, de la table des pains de proposition, du candélabre, des autels et des vêtements sacerdotaux, xxxv, 1-xxxix, 29. Tout le travail achevé est béni par Moïse. Dieu ordonne d'ériger le tabernacle, de vêtir et d’oindre les prêtres. Ses ordres sont exécutés, et la nuée du Seigneur couvre le tabernacle, xxxix, 30-XL, 36.

3° Lévitique. — Ce livre est presque en entier législatif et continue l’exposé des lois, données par Dieu à Moïse au Sinaï. Les nombreuses lois qu’il contient sont codifiées sans ordre logique. Il y a cependant certains groupements de dispositions concernant le même sujet. Une première section, i-vn, est consacrée aux sacrifices : holocaustes, i, 1-17 ; oblations, ii, 1-16 ; sacrifices pacifiques, iii, 1-17 ; sacrifices pour le péché involontaire, iv, 1-v, 13, et pour le délit volontaire, v, 14-vi, 7. Suivent les préceptes concernant les prêtres dans l’offrande de ces divers sacrifices, vi, 8-10, puis de nouvelles prescriptions au sujet des sacrifices pacifiques entrecoupées par la défense réitérée de manger la graisse et le sang, vii, 11-34, et terminées par une conclusion générale, 35-38. Une seconde section raconte en détails la consécration d’Aaron et de ses fils, viii, 1-36, et l’inauguration de leurs fonctions, ix, 1-24. Suit l'épisode de la punition de Nadab et d’Abiu, coupables d’un manquement dans le service divin, x, 1-27. Enfin vient la défense faite aux prêtres de boire du vin et des liqueurs enivrantes, et une prescription relative à la manducation des restes du sacrifice, x, 8-20. Une troisième section réunit les lois de la pureté légale, xi-xv : les animaux purs et impurs, xi, 1-47 ; la purification de la femme en couches, xii, 1-8 ; la lèpre des hommes, xiii, 1-46, des habits, xiii, 47-59 ; la purification du lépreux, xiv, 1-32 ; la lèpre des maisons, 33-53 ; récapitulation, 54-57 ; les impuretés sexuelles, xv, 1-33. Une quatrième section expose les rites de la fôte annuelle de l’expialion, xvi, 1-34. Après une loi spéciale sur l’immolation des victimes et la défense de manger le sang et les bêtes mortes, xvii, 1-16, une cinquième section groupe les lois concernant la pureté extérieure et intérieure, xviii, 1-5, à savoir les mariages interdits, xviii, 6-30 ; les devoirs envers Dieu et le prochain, xix, 1-18, et différents préceptes de même nature, xix, 19-37. Des peines sévères sont portées contre les violateurs de ces dispositions, xx, 1-27. Lois spéciales sur la sainteté des prêtres, irrégularités sacerdotales, xxi, 1-24. Conditions à remplir par les prêtres et les membres de leurs familles pour pouvoir manger les choses saintes, xxii, 1-16. Qualités que doivent avoir les victimes des sacrifices, 17-30. Conclusion, 31-33. Liste des fêtes à célébrer, xxm, 1-44. Loi sur l’huile du tabernacle et les pains de proposition, xxiv, 1-9. À l’occasion d’un fait particulier, peine portée contre les blasphémateurs, xxiv, 10-23. L’année sabbatique et le jubilé, xxv, 1-55. Promesses et menaces pour l’observation ou la violation de la loi divine, xxvi, 1-45. Loi sur les vœux et les dîmes, xxvii, 1-34.

4° Nombres. — Ce livre reprend le récit du séjour des Israélites dans le désert, récit qui avait été inter

rompu par l’exposé de la législation donnée par Dieu à Moïse sur le Sinaï. Il le reprend au départ du Sinaï, au second mois de la seconde année après la sortie d’Egypte, et il le conduit jusqu’au onzième mois de la quarantième année du séjour dans le désert. Mais l’histoire de ces 38 années n’est pas racontée en détail ; seuls, les événements du début et de la fin de cette période sont rapportés. Des lois nouvelles sont insérées dans la trame des faits. Les Nombres peuvent donc se diviser en trois parties : — l re partie. Événements qui se sont produits depuis les préparatifs du départ du Sinaï jusqu'à la condamnation divine du peuple révolté, i-xiv.

— Elle se subdivise en deux sections : — l re section. Préparatifs du départ : 1° recensement du peuple d’où le livre a pris son nom, et office des lévites, i, 1-54 ; 2° ordre des campements, ii, l-34 ; 3° généalogie, office, recensement et place des lévites, iii, 1-39 ; recensement des premiers-nés que remplacent les lévites, 4051 ; offices de chaque famille de lévites, iv, 1-33 ; récapitulation, 34-49 ; 4° lois particulières, dont la première concerne la pureté du campement, v, 1-vi, 27 ; 5° retour en arrière et récit de ce qui s’est passé au premier mois de la seconde année, lors de l'érection du tabernacle, cf. Exod. xl, 1 ; offrande de chariots pour porter le tabernacle, et autres offrandes des princes de chaque tribu, Num., vii, 1-89 ; loi relative au candélabre, viii, 1-4 ; consécration des lévites et durée de leur ministère, vin, 5-26 ; la Pâque de la seconde année, avec une Pâque extraordinaire, IX, 1-14 ; signaux de la levée du camp, la nuée lumineuse et le son des trompettes, IX, 15-x, 10. — IIe section. Départ du Sinaï jusqu'à la défaite des Israélites par les Amalécites : le 22 du second mois de la deuxième année, levée du campement et ordre de la marche, x, 11-28 ; Moïse invite Hobab à le suivre, 29-32 ; après trois jours de marche, murmure du peuple puni par l’incendie d’une partie du camp, xi, 1-3 ; le peuple venu d’Egypte, las de la manne, veut de la viande ; Dieu donne à Moïse des aides pour gouverner et envoie des cailles, xi, 6-34 ; reproches d’Aaron et de Marie contre Moïse ; Marie est couverte de lèpre, xii, 1-15. De Pharan, Moïse envoie au pays de Chanaan des explorateurs dont le récit, à leur retour, provoque une sédition du peuple, xiii, 1-xiv, 10 ; Dieu fait périr les explorateurs coupables et condamne les Israélites révoltés à séjourner quarante ans dans le désert, xiv, 1138 ; le peuple prend les armes, mais est battu par les Amalécites, xiv, 39-45. — IIe partie. Quelques épisodes des quarante ans du séjour dans le désert. — Lois diverses, xv, 1-31 ; un violateur du sabbat lapidé, xv, 3236 ; loi des franges aux vêtements, xv, 37-41. Révolte de Cpré, de Dathan et d’Abiron, xvi, 1-40 ; punition des murmures du peuple, xvi, 41-50 ; la verge d’Aaron fleurit, xvii, 1-13. Offices, droits et charges des prêtres et des lévites, xviii, 1-32 ; immolation de la vache rousse, et lois de purification, xix, 1-22. — IIIe partie. Derniers événements de la fin du séjour dans le désert.

— Après la mort de Marie, révolte à Cadès ; Moïse frappe deux fois le rocher, xx, 1-13 ; ambassade au roi d'Édom qui refuse le passage sur ses terres, xx, 14-21 ; mort d’Aaron à Hor, xx, 22-30 ; victoire remportée sur le roi Arad, xxi, 1-3 ; les Israélites contournent l’Idumée, se plaignent de Moïse et sont punis par des serpents de feu, xxi, 4-9 ; itinéraire suivi jusqu'à l’Arnon ; chant de l’Arnon et chant du puits, xxi, 10-20 ; expédition contre Séon et chant d’Hésébon, xxi, 21-30 ; victoire remportée sur Og, xxi, 31-35. Dans les champs de Moab, bénédictions et oracles de Balaam, xxii, 1-xxrv, 25 ; crime des Israélites, zèle de Phinées et ordre d’exterminer les Madianites, xxv, 1-18. Nouveau recensement du peuple, xxvi, 1-65. Loi sur les filles héritières à l’occasion des filles de Salphaad, xxvii, 1-11. Josué est institué successeur de Moïse, xxvii, 12-23. Lois sur les sacrifices, les fêtes et les vœux, xxviii, 1-xxx, 17. Victoire sur les

Madianites, xxxi, 1-54. Attribution du pays situé à l’est du Jourdain aux tribus de Ruben et de Gad et à la demi-tribu de Manassé, xxxii, 1-42. Résumé des stations des Israélites dans le désert, xxxiii, 1-49. Ordre donné par Dieu d’exterminer les Chananéens, xxxiii, 50-56. Limites de la Terre Promise et noms des hommes qui feront le partage du pays conquis, xxxiv, 1-29. Villes lévitiques et villes de refuge, xxxv, 1-15. Lois sur l’homicide volontaire et involontaire et sur le mariage des filles héritières, xxxv, 16-xxxvi, 12. Conclusion, ꝟ. 13.

L’analyse précédente, qui est tout à fait objective, montre clairement que si, dans les livres du milieu, Exode, Lévitique et Nombres, le récit historique se développe d’une façon assez cohérente pour l’ensemble, dans un cadre à la fois chronologique et géographique, tracé par les stations ou campements successifs des Israélites dans le désert, et que si la législation sinaïtique s’y insère naturellement à sa date, cependant les lois sont souvent groupées en codes ou recueils distincts, qui sont juxtaposés plutôt que coordonnés, et les prescriptions elles-mêmes de chaque code ne sont pas toujours logiquement distribuées ; beaucoup semblent être des lois complémentaires ou explicatives des précédentes. Il y a donc, dans ces livres et dans leurs parties, un certain ordre ; mais il n’est pas toujours apparent, et la disposition actuelle trahit certaines répétitions, qui proviennent de la manière dont la loi mosaïque a été promulguée. Elle n’a pas été faite d’un seul coup, mais progressivement et au jour le jour. Le législateur est revenu plusieurs fois sur les mêmes sujets, en expliquant ou complétant ses premières ordonnances. Voir t. iv, col. 337-339. Pour les divisions logiques de la législation mosaïque, voir t. iv, col. 327332.

5° Deutéronome. — Ce livre a, dans le Pentateuque, une physionomie à part. Il ne se rattache pas aux Nombres comme ceux-ci aux deux livres précédents, et il se distingue des autres parties du Pentateuque en ce qu’il se compose principalement, non de récits, mais de discours prononcés par Moïse dans les plaines de Moab, le onzième mois de la 40e année du séjour au désert. D’autre part, il forme, dans l’ensemble, un tout complet. Son plan est simple. Indépendamment du titre, I, 1-4, il comprend quatre discours. — Le premier, i, 6-iv, 43, sort d’introduction au livre entier. On y distingue : 1° un résumé historique des faits qui ont suivi la promulgation de la Loi au Sinaï, i, 6-m, 29 ; 2° une exhortation à observer cette Loi, IV, 1-40. Ce premier discours est suivi de deux enclaves : 1° un fragment historique sur les villes de refuge situées à l’est du Jourdain, iv, 41-43 ; 2° un préambule historique préparant le discours qui va suivre, IV, 44-49. — Le second discours, v-xxvi, fait le fond du livre. Il débute par un rappel de la Loi sinaïtique et il reproduit le décalogue, v, 1-vi, 3. Il se subdivise ensuite en deux parties : la première, vi, 4-xi, 32, est parénétique ; elle expose les motifs que les Israélites ont d’obéir à la loi et elle les exhorte à l’obéissance. On a signalé, x, 6, 7, un passage qui semble être une interpolation. Le verset 8 fait naturellement suite au verset 5. Même considérés comme une parenthèse, les versets 6 et 7 ne s’expliquent guère et rompent très malencontreusement le résumé historique, au milieu duquel ils sont introduits. La seconde partie du discours, xii, 1-xxvi, 15, contient un code de lois, essentiellementmorales et religieuses, qu’on a diversement groupées : 1° Lois religieuses : unité du culte, xii, 2-27 ; interdiction de l’idolâtrie, xii, 28-xm, 18 ; prohibition de quelques usages païens et distinction des animaux purs et impurs, xiv, 1-21 ; paiement de la dîme, xiv, 22-29 ; l’année sabbatique, xv, 1-18 ; offrande des premiers-nés des troupeaux, xv, 19-23 ; les trois fêtes annuelles, Pâque, Pentecôte et

Tabernacles, xvi, 1-17 ; 2° institutions publiques : les juges, xvi, 18-xvii, 13 ; le roi futur, xvii, 14-20 ; les prêtres et les lévites, xvill, 1-8 ; les faux et les vrais prophètes, xvill, 9-22 ; 3° la justice criminelle : les villes de refuge, XIX, 1-13 ; le déplacement des bornes des champs, xix, 14 ; les témoins, xix, 15-21 ; 4° la guerre, les exempts et la manière de traiter les ennemis, xx, 1-20 ; 5° meurtre dont les auteurs sont inconnus, xxi, 1-9 ; 6° traitement des femmes prises à la guerre, xxi, 10-14 ; 7° droit privé : droit d’aînesse, xxi, 15-17 ; conduite à l'égard d’un fils rebelle, xxi, 18-21 ; coupables punis de mort, xxi, 22, 23 ; animaux et objets perdus, xxii, 1-4 ; vêtements, nids d’oiseaux, construction des maisons, mélanges disparates, franges, xxir, 5-12 ; des vierges, xx/r, 13-30 ; de ceux qui ne peuvent faire partie d’Israël, xxiil, 1-8 ; hygiène des camps, xxm, 9-14 ; esclaves fugitifs, prostituées, usure, vœux, droit de prendre dans les vignes et les moissons, xxiii, 15-25 ; divorce, xxiv, 14 ; le nouveau marié, 5 ; droits des pauvres, 6-22 ; la flagellation, xxv, 1-3 ; le bœuf qui foule l’aire, 4 ; loi du lévirat, 5-10 ; poids et mesures, 1316 ; extermination des Amaléciles, 17-19 ; les prémices et les dîmes, xxvi, 1-15. Péroraison : exhortation à observer ces lois, 16-19. — Dans le troisième discours, xxvii-xxviii, Moïse ordonne aux Israélites, lorsqu’ils auront passé le Jourdain, d'élever un autel sur lequel ils graveront le Deutéronome, et il leur trace les bénédictions et les malédictions à prononcer ce jour-là, xxvii, 1-26. Moïse prononce lui-même les bénédictions réservées aux observateurs de la loi et les malédictions qui frapperont les rebelles, xxviii, 1-68. Le verset 69 de l’hébreu (Vulgate, xxix, 1) sert de conclusion à ce discours. — Un quatrième discours, xxix, 1 (Vulgate 2) x.nx, 20. résume les bienfaits de Dieu envers Israël, exhorte à observer l’alliance jurée et à ne pas y être infidèle, annonce le pardon aux coupables, montre que la loi est facile à observer et réitère les bénédictions et les malédictions.

Le recueil de ces quatre discours est complété par une conclusion historique, relatant les derniers événements de la vie de Moïse, xxxi-xxxiv. Moïse choisit Josué comme son successeur, ordonne de lire la loi au peuple tous les sept ans et d’en déposer le texte dans l’arche, x.xxi. 1-27 ; il fait rassembler les anciens et récite son cantique, 'xxxi, 28-xxxii, 47 ; il contemple de loin la Terre Promise, xxxii, 48-52. Il bénit les tribus d’Israël, xxxiii, 1-29. Sa mort, sa sépulture, son éloge, xxxiv, 1-2. Ces derniers chapitres ne sont pas très étroitement rattachés l’un à l’autre et sont comme des appendices ajoutés au Pentateuque entier.

III. AtriiESTiciTÉ. — Nous revendiquons l’authenticité mosaïque du Pentateuque et avec la tradition juive et chrétienne nous pensons que Moïse est l’auteur du livre qui porte son nom. Mais, avant de faire la démonstration de cette thèse et de résoudre les objections qu’on lui oppose, il est bon de déterminer dans quel sens nous entendons maintenir l’authenticité mosaïque du Pentateuque et d’indiquer la part que Moïse a prise à la rédaction du livre.

I. SATIRE DE L’ACIUEXTICITÉ 3I08AIQUE. — D’abord,

nous ne disons pas avec Josèphe, Philon et quelques rabbins juifs, dont les témoignages seront rapportés plus loin, que Moïse a personnellement écrit ou dicté le Pentateuque entier, y compris le récit de sa mort. Deut., xxxiv, 5-12. Déjà, des Juifs dans le Talmud attribuaient à Josué les huit derniers versets de la loi. Au rapport d’Abenesra (y 1167), le rabbin Isaac ben Jasus (7 1057) soutenait que Gen., xxxvi, 31, avait été écrit sous le règne de Josaphat. Abenesra lui-même disait en termes voilés que les passages, Gen., xii, 6 ; xxii, 14 ; Deut., 1, 1, 5 ; iii, 11 ; xxxi, 9, étaient des additions faites au texte primitif ou en contenaient. Cf. B. Spinoza, Tract, theolog. polit., c. viii, dans Opéra, 2° édit. Van

Vloten et Land, La Haye, 1895, t. 11, p. 56-58 ; Richard Simon, Critique de la Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques, Paris, 1730, t. iii, p. 195-221. André Masius, Josuse imperatoris historia illustrata, Anvers, 1574, præf., p. 2, dans Migne, Cursus completus Script. Sac, t. vii, col. 853, affirma que le Pentateuque avait été expliqué et complété longtemps après Moïse et il signala le nom d’Hébron, substitué à Cariath-Arbé, comme un exemple de ce travail d’adaptation postérieure. Les jésuites Benoît Pereira, Comment, et disp. in Gen., Lyon, 1594, t. 1, p. 13-14 ; Jacques Bonfrére, Pentateuchus, Anvers, 1625, p. 93-94 ; Tirin, Comment, in V. et N. T., cité dans Jean de la Haye, Bibiia maxima, Paris, 1669, t. iii, p. 582, reconnaissaient dans le texte actuel des additions, faites par des scribes inspirés après Moïse, et ils citaientGen., xiv, 14 ; Num., xii, 3 ; xxi, 14, 15. Jansénius, évêque d’Ypres, Pentateuchus, Louvain, 1685, prœf., p. 2, admettait aussi quelques additions de cette nature. Corneille de la Pierre, Comment, in Pent., arg., dans Comment, in V. et N. T., Lyon, 1732, t. 1, p. 18, émit même l’hypothèse que Moïse avait rédigé le Pentateuque par manière de journal et d’annales, et que Josué ou un autre avait mis en ordre ces annales en y insérant quelques additions, telles que le récit de la mort de Moïse, son éloge, Num, , xii, 3, et en modifiant ou complétant certains détails, comme Gen., xiv, 14 ; Num., xxi, 14, 15, 27. Au siècle suivant, un autre jésuite, le P. Veith, Sacra Scriptura contra incredulos propugnata, part. i, sect. 1, q. iii, n. 8, 9, dans Migne, Cursvs completus Script, sac, t. iv, col. 22, note ; 2e édit., col. 195-196, est du même sentiment que Corneille de la Pierre, Bellarmin, Controversiss, Milan, 1721, t. 1, p. 166, attribuait à Esdras une revision du Pentateuque, comprenant l’addition du dernier chapitre du Deutéronome et l’insertion de quelques détails dans le texte. Dom Calmet, Commentaire littéral, l' édit., Paris, 1724, 1. 1, p. 9 ; t. ii, p. 401, admettait, avec l’addition finale, l’introduction de quelques gloses dans le texte original. C’est devenu au xixe siècle l’enseignement des exégètes et des théologiens catholiques que l'œuvre de Moïse a subi des changements de noms propres et des altérations de nombres, des additions et des modifications de détails, et même qu’elle a reçu peut-être dans sa partie législative certaines dispositions complémentaires, llaneberg, Histoire de la révélation biblique, trad. franc., Paris, 1856, t. 1, p. 222-223 ; J.-T. Lamy, Comment, in Mb. Geneseos, Malines, 1883, t. 1, p. 3639 ; F. Kaulen, Einleitung in die heilige Schrift, 2e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1890, p. 172-179 ; F. Vigoureux, Manuel biblique, 12e édit., Paris, 1906, t. i, p. 463-477 ; Ch. Pesch, Apparatus ad historiam cosevam doctrines inspirationis pênes catholicos, Rome, 1903, p. 75 ; F. Prat, Le code du Sinaï, Paris, 1904, p. 46-60 ; Hôpfl, Die hôhere Bibelkritik, Paderborn, 1902, p. 35. Voir t. IV, col. 337-339. Quelques-uns de ces critiques ont, en outre, admis que Moïse s'était servi de documents antérieurs pour la rédaction de la Genèse, et d’autres ont renouvelé encore l’hypothèse de l’emploi de secrétaires, choisis par Moïse et contrôlés par lui, sinon personnellement inspirés, comme l’avait pensé Richard Simon. J. Brucker, Authenticité des livres de Moïse, dans les Études, 1888, t. xxiii, p. 327-340 ; card. Meignan, De l'Éden à Moïse, Paris, 1895, p. 68-77 ; Id., David, roi, psalmiste, prophète, Paris, 1889, introduction, p. XXXIV-LXV.

M. Hoberg, t’eber négative und positive Pentateuchkritik, dans Biblische Studien, Fribourg-en-Brisgau, 1901, t. vi, fasc. 1 et 2, p. 7-9 ; Moses und der Pentateuch, Fribourg-en-Brisgau, 1905, p. 47-69, étend davantage le champ des additions historiques et législatives faites au Pentateuque postérieurement à Moïse. Il signale au nombre des premières la conclusion du Deutéro

nome, xxxi-xxxrv, ajoutée peut-être par Josué ; des listes complétées, telles que celle de Gen., xxxvi, poussée jusqu’au temps de David ou de Salomon ; Exod., xxxvi, 8xxxix, 43, qui ne serait qu’une répétition retouchée d’Exod., xxv, 10-xxxm, 43 ; Exod., xxx ; Num., x, 2932, 35, 36 ; xxvii, 14 ; Deut., iii, 86, 11, 14 ; iv, 41-43 ; peut-être aussi Gen., xxii, 14 6 ; certainement Deut., x, 6-9 ; xxi, 4 ; peut-être les deux chants, Num., xxi, 13 615 ; 16 6-18 ; certainement les introductions, Deut, i, 1-5 ; iv, 44-49. Il est plus difficile de discerner les additions législatives. Quelques exemples de transformations paraissent admissibles : ainsi la loi sur la dime qui se présente sous cinq formes différentes. Exod., xxii, 28 ; Num., xviii, 21-32 ; Deut., su, 6, 11, 17 ; xrv ; 22-29 ; xxvi, 12-15. Toute disposition qui suppose une habitation fixe, comme Lev., xxv, 32-34, est vraisemblablement, selon M. Hoberg, d’origine postérieure à Moïse. D’autre part, les réflexions générales, les titres et les conclusions des sections appartiendraient rarement au texte original. Moïse n’a donc pas écrit chaque mot, chaque phrase du Pentateuque ; il en est l’auteur ; mais son œuvre a pu recevoir au cours des siècles quelques additions et modifications, depuis le temps de sa composition jusqu’après le retour en Palestine des Juifs captifs à Babylone.

La Commission biblique a reconnu la légitimité de cette manière d’envisager l’authenticité mosaïque du Pentateuque. Le 27 juin 1906, Pie X approuvait les solutions qu’elle avait données à quatre questions soumises à son examen. Elle maintient d’abord l’authenticité de ce livre ; les trois autres réponses en expliquent la nature : II. Vtrum mosaica authentia Pentateuchi talemnecessario postulet redactionem totius operis, ut prorsus lenendum sit Moysen omnia et singula manu sua scripsisse vel amanuensibus dictasse ; an etiam eorum hypothesis pérmitti possit qui existimant eum opus ipsum a se sub divinee inspirationis afflatu conceptum alteri vel pluribus scribendum commisisse, ita tamen utsensa sua fideliter redderent, nihil contra suam voluntatem scriberent, nihil omitterent ; ac tandem opus hac ratione confectum, ab eodern Moyse principe inspiratoque auctore prolatum, ipsiusmet nomine vulgaretur ? Resp. Négative ad primant parte iii, affirmative ad secundani. — III. Vtrum absque prssjudicio mosaicee authenlise Pentateuchi concedi possit Moysen ad suum conficiendum opus fontes adhibuisse, scripta videlicet documenta vel orales traditiones, ex quibus, secundum peculiarem scopum sibi propositum et sub divines inspirationis afflatu, nonnulla hauserit eaque ad verbum vel quoad sententiam, contracta vel amplificata ; ipsi operi inseruerit ? Resp. Affirmative. — IV. Vtrum, salva substantialiter mosaica authentia et integritate Pentateuchi, ad mitti possit tam longo sseculorum decursu nonnullas ei modificationes.obvenisse, uti : addimenta post Moysi morlem vel ab auctore inspirato apposita, vel glossas et explicationes textui interjectas, vocabula qusedam et formas sermone antiquato in sermonem recentiorem translatas ; niendo sas demum lectiones vitio amanuensium adscribendas, de quibus fas sit ad normas artis criticse disquirere et judicare ? Resp. Affirmative, salvo Ecclesise judicio.

C’est sous la triple réserve : 1° de l’emploi de secrétaires, choisis et contrôlés par Moïse, qui aurait publié sous sa garantie personnelle le travail commandé et surveillé par lui ; 2° du recours à des documents écrits ou à des traditions orales, reproduits ou utilisés par lui dans son œuvre personnelle et pour les événements antérieurs à son époque ; 3° de quelques modifications postérieures, introduites après coup dans le Pentateuque achevé, que nous soutiendrons l’authenticité mosaïque de ce livre.. Pour attribuer à Moïse le Pentateuque, nous ne tenons donc pas comme nécessaire

qu’il ait écrit lui-même ou dicté mot à mot à des copistes tout le contenu ; il suffit que tout ait été publié sous sa responsabilité et reproduise fidèlement et exactement ce qu’il avait ordonné à ses secrétaires d'écrire en son nom. De même encore, les additions, telles que le récit de la mort de Moïse, des gloses introduites dans le texte, soit pour expliquer des usages anciens, soit pour remplacer des termes archaïques par des formes plus récentes, enfin, les fautes de transcription ne nuisent pas plus à l’authenticité qu'à l’intégrité substantielle du Pentateuque. Nonobstant ces additions et modifications, le Pentateuque reste l'œuvre de Moïse auteur responsable et inspiré, ayant peut-être fait rédiger par ses secrétaires une partie de ses récits ou de ses lois.

II. PREUVES DE L’AUTBENTJCITÉ MOSAÏQUE DU PENTATEUQUE., — Que Moïse ait écrit le Pentateuque, qui porte son nom, c’est un fait attesté : 1° par différents témoignages bibliques ; 2° par le sentiment perpétuel des Juifs ; 3° par la tradition constante de l'Église catholique ; et 4° confirmé par des indices fournis par le livre lui-même.

1° Témoignages bibliques de l’activité littéraire de Moïse. — Si on ne lit nulle part dans la Bible l’affirmation explicite et formelle que Moïse a rédigé le Pentateuque entier, il y a cependant, en différents livres des deux Testaments, des indications et des affirmations desquelles il résulte que Moïse a écrit des faits, des lois qui sont contenus dans.le Pentateuque. —1. Témoignage du Pentateuque lui-même. — Le livre entier ne se présente pas expressément comme ayant été composé par Moïse. Outre qu’il contient, dans son état actuel, le récit, évidemment postérieur, de la mort de Moïse, il raconte la vie du législateur hébreu à la troisième personne et en style indirect, et les quatre derniers livres n’ont pas la forme littéraire de Mémoires du héros dont ils font l’histoire. Toutefois le caractère impersonnel du récit peut fort bien se concilier avec la rédaction par Moïse. On peut dire que la formule : « Dieu dit à Moïse, » si souvent employée, en tête des lois, qui prouve l’origine divine ou la révélation faite à Moïse, de cette législation, ne signifie pas nécessairement que Moïse luimême a codifié dans le Pentateuque les lois qu’il a promulguées. Mais le Pentateuque cependant donne des indications formelles sur l’activité littéraire de Moïse. Après la bataille contre les Amalécites à Raphidim, le chef des Hébreux reçut de Dieu l’ordre suivant : s Écris cela en souvenir dans le livre et inculque-le dans les oreilles de Josué. » Exod., xvii, 14. L’ordre divin est certainement restreint à la victoire sur Amalec, dont Israël devait garder le souvenir, Deut., xxv, 17-19, et dont le récit fut rédigé par Moïse afin de conserver la mémoire de l'événement. Selon la leçon massorétique, ibes, Dieu ordonne à Moïse d'écrire dans le

livre, c’est-à-dire [comme on l’interprète communément dans un livre déjà commencé et connu, dans un registre ou journal où Moïse notait les faits mémorables de l’histoire d’Israël. En ponctuant ainsi le texte, les massorètes eux-mêmes voulaient vraisemblablement désigner, non pas le livre des justes, F. de Hummelauer, Exodus et Leviticus, Paris, 1897, p. 182 ; Deuteronomium, Paris, 1901, p. 152, mais le Pentateuque luimême. Cependant les Septante ne lisaient pas l’article défini, puisqu’ils ont traduit ce mot : etç (iiëX/ov ou èv (318>icj>. Le texte, à leur sentiment, désignait donc un livre indéterminé. J. Kley, Die Pentateuchfrage, Munster, 1903, p. 217, a prétendu que cette dernière signification exigerait la leçon nsD Sy, employée dans ce sens. Deut.,

xvii, 18 ; xxxi, 24 ; Is., xxx, 8 ; Jer., xxx, 2 ; xxxvi, 2. Néanmoins la leçon massorétique, fût-elle originale, ne désignerait pas nécessairement le Pentateuque commencé ; elle conviendrait suffisamment à un livre, dans

lequel Moïse aurait joint ce récit à des récits précédents et qui serait reproduit dans le Pentateuque. Plus loin, Exod., xxiv, 4, il est dit que Moïse écrivit toutes les paroles de Jéhovah. Or il ne s’agit naturellement pas de toutes les révélations "faites par Dieu à Moïse, « puisqu’elles n'étaient pas terminées, ni même de toutes les communications divines antérieures, mais seulement des paroles qui précèdent immédiatement et qui contiennent les conditions de l’alliance conclue entre Dieu et les Israélites, Exod., xx-xxm, du « livre de l’alliance », que Moïse lut au peuple. Exod., xxiv, 7. Cf. Heb., ix, 19, 20.

Les deux témoignages précédents prouvent déjà que Moïse avait rédigé un récit historique et un code législatif, celui de l’alliance. Un autre petit code de l’alliance est encore expressément attribué à Moïse. De nouveau, Dieu ordonna au législateur d'écrire les paroles qu’il vient de prononcer, Exod., xxxiv, 10-26, et qui contiennent les bases de l’alliance proposée à Israël, Exod., xxxiv, 27, et Moïse écrivit les dix paroles de l’alliance sur deux tables qu’il avait préparées, Exod., xxxiv, 1, 4, qu’il tenait en mains à la descente du Sinaï et dont il imposa le contenu aux Israélites. Exod., xxxiv, 28, 29, 32. Le pelit livre de l’alliance, comprenant le Décalogue, Exod., xxxiv, 10-26, a donc été rédigé de la main <e Moïse.

Un autre ordre de Dieu impose à Moïse de décrire les marches et les slations d’Israël dans le désert. Num., xxxiii, 1, 2. On a interprété cet ordre de deux laçons différentes. Selon les uns, Dieu aurait ordonné à Moïse d'écrire le récit de l’exode, en suivant l’ordre des stations et des campements des Israélites. Dans cette interprétation, Moïse serait l’auteur de la narration détaillée dont la liste des campements dressée, Num., xxxiii, 3-49, ne serait que le résumé. Mais comme cette liste ne résume pas la narration précédente, puisqu’elle indique un plus grand nombre de stations, dont quelques-unes sont différentes, il vaut mieux, semblet-il, avec d’autres, restreindre cet ordre à la liste ellemême des stations qui, suivant cette explication, serait 4'œuvre de Moïse.

Parce que les témoignages précédents n’attribuent pas explicitement à Moïse la rédaction du Pentateuque entier, et ne lui en rapportent que des portions seulement, les critiques modernes veulent en conclure qu’ils restreignent la composition mosaïque à ces parties et qu’ils excluent celle du tout. Mais cette conclusion n’est pas légitime. La rédaction des passages mentionnés est toujours exécutée par ordre divin. En ordonnant à Moïse d'écrire le récit des événements les plus notables pour en garder le souvenir et les dispositions fondamentales de son alliance avec Israël, Dieu ne lui interdisait pas de relater l’histoire entière des Israélites au désert ni de rédiger toutes les lois qu’il l’avait chargé de porter. Son ordre de mettre par écrit les faits et les lois les plus importants est loin d’exclure la relation des autres événements et des autres dispositions législatives.

Le Deutéronome, composé de discours prononcés par Moïse, nous fournit une indication sur l’activité littéraire de Moïse dans l'épilogue, xxxi. Sur le point de mourir, Moïse, après avoir institué Josué son successeur, remet aux prêtres et aux anciens cette loi-ci qu’il avait écrite et il leur ordonne de la faire lire tous les sept ans au peuple assemblé pour que tous en connaissent et en observent les préceptes, 9-13. Ayant achevé d'écrire « les paroles de cette loi dans un livre », il ordonne aux lévites de porter ce livre auprès de l’arche d’alliance, pour qu’il serve de témoignage contre ceux qui en violeront les dispositions, 24-26. On ne peut pas affirmer avec certitude que cette loi est le Pentateuque -entier, car elle peut n'être que celle à laquelle le c. xxxi est rattaché : la législation du Deutéronome


Ce livre se donne comme une législation spéciale promulguée par Moïse au pays de Moab, iv, 1-40, 44-49 ; v, 1 sq. ; xii, 1 sq. Au début de leur régne, les futurs rois d’Israël devaient recevoir des prêtres ; < un exemplaire de cette loi-ci », xvil, 18, 19, pour qu’ils la lisent et l’observent, et les termes de la recommandation sont identiques à ceux de Deut., xxxi, 12, 13. La même loi, ou au moins une de ses parties, est encore visée dans l’ordre donné aux anciens de la transcrire sur la pierre, lorsqu’ils renouvelleront l’alliance à l’ouest du Jourdain, xxvii, 1-8. De même encore, « les paroles de cette loi-ci qui sont écrites dans ce volume, » xxviii, 58, qui comprenaient les malédictions et les peines, portées en ce chapitre contre les violateurs de la loi, cf. ꝟ. 61, et rappelées de nouveau, xxix, 20, 21, 27, aussi bien que les bénédictions qui y sont jointes en faveur des observateurs de la même loi, xxxii, 46, 47, désignent le Deutéronome. Ce livre législatif est donc de la main de Moïse. On attribue encore à Moïse la composition d’un cantique que Dieu lui avait ordonné d'écrire, Deut., xxxi, 19, et qui est cité, xxxii, 1-43.

Des commentateurs catholiques concluent de Deut., i, 5, où il est dit que Moïse va expliquer la loi, que la législation antérieure, dont le Deutéronome n’est qu’une explication et une répétition, est d’origine mosaïque. Mais toutefois la loi que Moïse va expliquer ou mieux recommander paraît être plutôt, non celle qui précède et qui est contenue dans les livres du milieu, mais celle qui suit et qui est promulguée au delà du Jourdain. Il faut reconnaître, du reste, que si l’introduction avait la signification qu’on lui donne, elle affirmerait, non pas que la législation précédente a été rédigée par Moïse, mais seulement qu’elle a été promulguée par lui. Or, de la promulgation de la législation hébraïque par Moïse on ne peut conclure rigoureusement à sa rédaction par Moïse dans l'état ou elle se trouve actuellement dans le Pentateuque. Celle-ci est possible, vraisemblable même, mais elle n’est pas démontrée par le seul fait de la promulgation mosaïque.

2. Témoignages des autres livres de l’Ancien Testament. — Le livre de Josué parle à plusieurs reprises d’une loi, provenant de Moïse. D’abord, Dieu ordonne à Josué d’observer lui-même et de faire observer aux autres la loi de Moïse et il lui recommande de méditer le volume de cette loi. Jos., i, 7-8. Si les termes de cet ordre ne disent pas explicitement qu’il s’agit de tout le Pentateuque, ils ne l’excluent pas non plus. Le renouvellement de l’alliance, accompli conformément aux ordres de Moïse tels qu’ils sont écrits dans le livre de la loi de Moïse, Jos., viii, 30-35, vise directement les prescriptions de Deut., xxvit, 1-8, avec les bénédictions et les malédictions contenues Deut., xxvii, 9xxviii, 68 ; mais la manière dont parle l’auteur sacré suppose qu’il y a aussi autre chose dans le livre de la loi. Avant de mourir, Josué exhorte les Israélites à observer tout ce qui est écrit dans le volume de la loi de Moïse, Jos., xxiii, 6, ce qui désigne, en le prenant dans le sens le plus restreint, le Deutéronome. Enfin, après l’alliance solennelle conclue à Sichem, Josué dressa un statut et une ordonnance, et il écrivit toutes ees paroles « dans le livre de la loi de Dieu ». Jos., xxiv, 25-26. Ce texte signifie que Josué a ajouté ses ordonnances en les écrivant à la suite du livre où étaient contenues celles de Moïse. La législation de Moïse était donc écrite et révélée par Dieu. Voir Hoberg, Veber den Ursprung des Pentateuchs, dans Biblische Zeitschrift, 1906, t. iv, p. 340, qui pense que ce volume de la loi de Dieu est le Pentateuque. Il désigne au moins le Deutéronome.

Les livres des Juges et de Samuel ne parlent pas en propres termes du Pentateuque, mais ils supposent son existence. Voir Jud., i, 5, et Exod., xxxiii, 2, xxxiv, 11 ; Deut., vii, I, etc. ; Jud., ii, 1-3, et Exod. ;

V. - 3 67

PENTATEUQUE

m

xxxiv, 1243 ; Deut., vii, 2, 5 ; Exod., xxiii, 32 ; Deut., xii, 3 ; Num., xxxiii, 35, etc. ; Jud., xi, 15, et Num., xx, 14-21 ; xxi, 21-24, etc. ; I Reg., i, 3 ; ii, 13, et Deut., xviii, 3 ; 1 Reg., xv, 29, et Num., xxiii, 19 ; I Reg., xii, 3, et Num., xvi, 15 ; Lev., v, 13, etc. Les livres des Rois (III et IV) composés vers l'époque de la captivité, parlent plusieurs fois de la loi de Moïse et c’est sans raison suffisante qu’on veut restreindre cette expression au Deutéronorne seul. I (III) Reg., ii, 3 ; x, 31. L’auteur remarque qu’Amasias, quand il fit périr les meurtriers de son père, épargna leurs enfants « selon ce qui est écrit dans la loi de Moïse ». II (IV) Reg., xiv, 6. Les étrangers, exportés à Samarie, n’observaient pas les ordonnances que Dieu avait données aux fils de Jacob. Le prêtre Israélite qui fut envoyé pour les instruire leur prêcha l’observance des lois écrites que Dieu avait imposées aux Israélites. II (IV) Reg., xvii, 34-39. Les habitants du royaume de Juda ont été séduits par Manassé, leur roi idolâtre, et n’ont pas tenu compte des magnifiques promesses que Dieu avait faites à David et à Salomon si leurs sujets observaient fidèlement toute la loi que Moïse avait ordonnée. II (IV) Reg., xxi, 8. Cf. I (III) Reg., ix, 6-9.

La 18e année du règne de Josias (621), en restaurant le Temple de Jérusalem, on retrouva -"iïFin isc, II (IV)

Reg., xxil, 8, 11, cf. xxiii, 24, appelé encore nnsn ibd,

xxm, 2, et c’est conformément à cette loi retrouvée que le roi accomplit une importante réforme religieuse. II (IV) Reg., xxiii, 1-24. Voir t. iii, col. 1680-1681. Or cette loi était la loi de Moïse, puisqu’il est dit, xxiii, 25, qu’aucun roi ni avant ni après ne ressembla à Josias pour l’observation complète de cette loi. Mais quelle était cette loi mosaïque retrouvée au Temple ? Plusieurs Pères de l'Église ont remarqué, justement semble-t-il, que estait le Deutéronorne. S. Athanase, Epist. ad Marœllin., 32, t. xxvil, col. 44 ; S. Jérôme, Adv. Jovinian., 1, 5, t. xxiii, col. 217 ; Comment, in Ezech., I, 1, t. xxv, col. 17 ; S. Chrysostome, In Matth., hom. IX, 4, t. lvii, col. 181 ; In 1 Cor., hom.-vu, 3, t. lxi, col. 58 ; Procope de Gaza, Comment, in Deut-, xvii, 18, t. lxxxvii, col. 916. La plupart des critiques modernes reconnaissent aussi dans ce code le Deutéronorne tout entier, ou au moins en partie. Les points sur lesquels s’est faite la réforme : 1° l’abolition des cultes étrangers et de leurs infiltrations dans le culte de Jébovah ; 2° la centralisation du culte de Jébovab au Temple de Jérusalem ; 3° la célébration correcte de la fête de Pàque, sont spécialement recommandés par le Deutéronorne, xii, 2-32 ; xvi, 1-8. En outre, bien que ce livre ne soit pas nommé « livre de l’alliance », il a été rédigé en vue de renouveler l’alliance contractée à l’Horeb entre Dieu et le peuple d’Israël, v, 2, 3 ; xxvi, 17-19 ; xxix, 8, et les termes de l’alliance renouvelée par Josias, II (IV) Reg., xxiii, 3, sont des expressions deutéronomiques. Enfin, la réponse de la prophétesse Holda vise les malédictions, Deut., xxviii ; le contenu législatif du livre retrouvé est désigné par les termes usités Deut., iv, 45 ; vi, 20, , et l'éloge du roi est fait aussi en termes deutéronomiques. Le livre retrouvé était donc bien le Deutéronorne, nommé la loi de Moïse. F. de Hummelauer, Deuteronomium, Paris, 1901, p. 46-60, 83-87. Cependant, quelques exégètes catholiques, Clair, Les livres des Rois, Paris, 1884, t. ii, p. 557-558 ; Hoberg, Moses und der Pentatsucfi, Fribourg-en-Brisgau, 1905, p. 178 ; Ueberden Vrsprung desPenlateuchs, dansBiblische Zeilschrift, 1906, t. IV, p. 338-340, pensent que le livre retrouvé était le Pentateuque entier. Ils s’appuient sur le' récit parallèle, II Par., xxxiv, 8-xxxv, 19, qui certainement parle du Pentateuque entier (voir plus loin), sur ce que les particularités de la réforme décrites, xxiii, 24, ne conviennent pas seulement à Deut., xviii,

10-11, mais aussi à Lev., xix, 31 ; xx, 6, 27 ; sur ce que le style de ce verset ressemble à celui de Lev., xix, 31 ; xx, 6, 27 ; Gen., xxxi, 19, 34, 35, et enfin sur le sentiment de Josèphe, Ant. jud., X, iv, 2, dans Opera r Amsterdam, 1724, t. ii, p. 517, qui dit que Helcias èTuyx « VEV " « ' » iepaï ; [Jt'6>.oc5TO’j Mio’juéwî. Ces preuves nesont pas décisives. L’auteur des Paralipomènes a décrit les rites de la Pâque d’après les livres du milieu.

Les prophètes antérieurs à la captivité ne parlent pas de la loi écrite de Moïse. Ils parlent souvent, il est vrai, , de la loi de Dieu. Visent-ils un code écrit et notamment le Pentateuque ? Beaucoup d’exégètes le pensent et signalent toute mention de la loi divine par les prophètes comme un indice certain de l’existence du Pentateuque. Mais il faut se rappeler la double signification du mot tôrâh. Son sens propre est celui d’instruction révélée et désigne strictement toute expression de la volonté divine. Ce n’est que par extension que ce terme a servi à nommer les cinq premiers livres de la Bible, dans lesquels l'élément législatif prédomine. Or, on ne sait pas au juste à quelle date cette seconde signification est entrée dans l’usage, et c’est précisément ce qu’il faudrait fixer. Il faut donc étudier les cas particuliers. Amos, II, 4, 5, parle une fois et d’une façongénérale de la loi de Jéhovab et de ses commandements, dont la violation attirera sur Juda les punitions divines. Osée, viii, 2, reproche aux Israélites d’avoir transgressé l’alliance divine, cf. vi, 7, et violé la loi ; ils en seront punis, et Dieu ne leur écrira plus de multiples lois qui leur demeurent étrangères, ꝟ. 12. Il est évidemment question de nombreuses lois divines écrites, et on a ledroit d’y voir une allusion au Pentateuque. Pour Isaïe, la loi est sa propre prophétie, i, 10 ; v, 24-, viii, 16, 20 ; . la loi de Dieu est la parole des prophètes, xxx, 8-11, ou, la révélation future aux temps messianiques, ii, 3. Cf. Mich., IV, 2. La transgression des lois divines et la violation de l’alliance, reprochées v, 24 ; xxiv, 5, ne concernent pas nécessairement des lois écrites ; s’il avait en vue un code, le prophète ne dit rien de son origine mosaïque. Sophonie, iii, 4, reproche aux prêtres de sont temps d’avoir violé la loi. Jérémie n’envisage que la. parole de Dieu en général, vi, 19, et la prédication prophétique, xxvi, 4-5. Mais il parle d’une loi divine et de préceptes, violés par ses contemporains et leurs ancêtres, ix, 13 ; xvi, 11, 12 ; xxxii, 23 ; xliv, 10, 23 ; d’une loi que les prêtres tenaient dans leurs mains, il, 8 ; xviii, 18 ; et d’une loi écrite, qu’il oppose à la plume mensongère des scribes, viii, 8. Il rappelle aussi l’alliance contractée par les Israélites avec Dieu aprèsla sortie d’Egypte, xi, 2-8 ; mais elle n’imposait pasl’offrande des holocaustes et des sacrifices, vii, 21-25. Elle sera remplacée par une alliance nouvelle, danslaquelle Dieu éerira sa loi dans les cœurs, xxxi, 31-33. II y a ici encore opposition à une loi écrite, qui ne peut être que celle de Moïse.

Pendant la captivité, Baruch, ii, 2, 28, nomme expressément la loi écrite par Moïse ; les termes dont il se sert correspondent assez bien au Deutéronorne, xxviii, 15, 53, 62-64, sans toutefois lui convenir exclusivement, et on y trouve des allusions aux autres malédictions contenues dans le Pentateuque. Le même prophète, iii, 9-14, 35-iv, 4, fait l'éloge de la sagesse contenue dans le livre des' préceptes de Jéhovah, en des traits analogues à ceux du Deutéronorne, xxx, 11-14. Cf. F. de Hummelauer, Deuteronomium, p. 101-102.. Ézéchiel, qui, en vue de la restauration future d’Israël, rédige une loi cérémonielle, fait peu d’allusions à unelégislation antérieure. Comme Jérémie, xviii, 18, il prédit que les prêtres laisseront périr la loi qu’ils ont dans les mains, vii, 26 ; U accuse les prêtres de Jérusalem d’avoir méprisé la loi de Dieu, d’avoir souillé les sanctuaires, de n’avoir pas su distinguer entre les chosesprofanes et les choses sacrées, les puretés et les impu

retés, et d’avoir détourné le peuple de la célébration du sabbat, xxii, 26. Daniel parle de la loi divine, promulguée par les prophètes et violée par Israël ; il ajoute que cette violation de la loi a attiré sur les coupables la malédiction écrite dans le livre de Moïse, rx, 10-13.

Après la captivité, Zacharie, vii, 12, mentionne la loi. Malachie reproche aux prêtres d’avoir rompu le pacte conclu entre Dieu et Lévi et d’avoir négligé la connaissance de la loi et le devoir delà faire observer, ii, 4-9 ; il reproche aussi à Juda d’avoir transgressé l’alliance divine et le menace des châtiments divins, ii, 10-16. Mais il fait davantage ; il rappelle le souvenir de la loi de Moïse, donnée par Dieu sur le mont Horeb, loi qui contenait des préceptes et des ordonnances pour tout Israël, iv, 4 (hébreu, iii, 22). Josué et Zorobabel, rentrés à Jérusalem, y élevèrent un autel pour offrir des holocaustes conformément aux dispositions écrites de la loi de Moïse, et ils célébrèrent la fête des Tabernacles comme il est écrit de le faire. I Esd., iii, 2, 4. Quand le Temple fut rebâti et consacré, on établit les prêtres et les lévites dans leurs fonctions, comme il est écrit dans le livre de Moïse. I Esd., vi, 18. Esdras, au témoignage d’Artaxerxès lui-même, rapporta à Jérusalem le livre de la loi de Dieu. I Esd., vii, 14. Néhémie, à la cour d’Artaxerxès, fait à Dieu l’aveu des prévarications de ses pères, qui n’ont pas observé les préceptes, les cérémonies, ordonnées par Moïse ; il rappelle aussi la menace contre les prévaricateurs, et la promesse de les rétablir, s’ils se convertissaient et pratiquaient les préceptes, menace et promesse faites à Moïse. II Esd., i, 7-9. La réforme d’Esdras fut entreprise à la suite de la lecture et de l’explication du livre de la loi de Moïse, et la fête des Tabernacles fut célébrée conformément aux dispositions écrites dans cette loi. II Esd., viii, 1-18. On continua la lecture du volume de la loi de Jéhovah. II Esd., ix, 3. Le renouvellement de l’alliance fut fait aussi conformément à la loi divine, donnée par Moïse, II Esd., x, 29, ainsi que la fourniture du bois destiné aux sacrifices. II Esd., x, 36. Plus tard, Néhémie régla encore la question des mariages mixtes en conformité avec ce qu’il avait lu dans le volume de Moïse. II Esd.. xiii, 1-3. Or, ce volume n'était pas seulement le code sacerdotal, comme le prétendent les grafiens, c'était le Pentateuque entier, puisque le livre contenait des prescriptions du Lévitique, xxiii, et du Deutéronome, vri, 2-4 ; xv, 2. Enfin, Esdras et Néhémie, par les désignations qu’ils donnaient de ce livre, ne voulaient pas parler seulement du volume qui contenait la législation divine, promulguée par Moïse, mais bien le livre de la loi de Dieu, écrit par Moïse. C’est l’interprétation la plus naturelle et la plus commune de leurs écrits.

L’auteur du livre des Paralipomènes, qu’on regarde généralement comme le rédacteur des livres d’Esdras et de Néhémie, a utilisé le Pentateuque pour dresser ses généalogies. I Par., i-ix. Voir Paralipomènes. Toutes ses descriptions du culte divin concordent avec les prescriptions du Pentateuque. Il signale explicitement cette conformité avec ce qui est écrit dans la loi de Jéhovah, I Par., xvi, 40 ; dans la loi de Moïse. II Par., xxm, 18 ; xxxi, 3. Il parle évidemment de la loi de Dieu, écrite par Moïse. Cf. II Par., xxv, 4. Cependant l’expression nr~T3, qu’il emploie, II Par., xxxiii, 8, ne signifie pas nécessairement que Moïse a rédigé la loi de sa propre main, puisque, dans d’autres passages, où il est question de la loi mosaïque, Lev., xxvi, 46 ; Num., xxxvi, 13, elle désigne une disposition prise par Moïse, sans indication de rédaction écrite. Cf. I Par., xxii, 13. Mais il est tout naturel de l’entendre ici de la législation écrite par Moïse. De même, dans le récit de la loi retrouvée au Temple sous le règne de Josias, le livre de la loi de Moïse, II Par., xxxiv, 14 ; xxxv, 12, pourrait à la rigueur désigner seulement le livre qui conte nait la législation promulguée par Moïse, dans le même sens que « les paroles que Jéhovah a dites par l’intermédiaire de Moïse ». Il Par., xxxv, 6. Mais le sens naturel est que cet écrivain entendait parler du Pentateuque rédigé par Moïse.

Enfin, l’auteur de l’Ecclésiastique, xxiv, 33 ; lxv, 6, ne parle de Moïse que comme législateur ; mais son petit-fils, dans la préface qu’il mit en tête de sa traduction grecque, nomme à trois reprises la Loi, qu’il place à côté des prophètes et des autres livres et qu’il considère ainsi comme un recueil distinct ; il désigne sous ce nom les cinq livres du Pentateuque. L’auteur du second livre des Machabées, vii, 6, cite le cantique de Moïse, Deut., xxxii, 36, comme œuvre de Moïse.

Ainsi, les premiers témoignages de l’Ancien Testament attribuent explicitement à Moïse la composition de quelques parties du Pentateuque actuel, récits ou lois, et notamment le Deutéronome. Esdras, Néhémie et l’auteur des Paralipomènes lui reconnaissent formellement la rédaction du Pentateuque entier. La tradition juive la plus ancienne a donc signalé le législateur hébreu comme auteur du Pentateuque.

3. Témoignages du Nouveau Testament. — NotreSeigneur et ses Apôtres ont parlé à diverses reprises de Moïse comme écrivain et de la Loi comme son œuvre. Lorsque les sadducéens interrogent Jésus sur la résurrection, ils citent la loi du lévirat comme écrite par Moïse. Matth., xxii, 24 ; Marc, xii, 19 ; Luc, xx, 28. Jésus n’examine pas cette affirmation, émise incidemment et comme moyen de preuve ; il se borne à réfuter par l'Écriture, Matth., xxii, 29 ; Marc, xii, 24, l’erreur de ses interrogateurs, et il cite un passage du livre de Moïse. Matth., xxii, 31 ; Marc, xii, 26 ; Luc, xx, 37. Son affirmation porte directement sur le caractère scripturaire plutôt que sur l’origine mosaïque de ce passage. Notre-Seigneur emploie plusieurs fois l’expression usuelle « la Loi » pour désigner le Pentateuque ; son apposition à la désignation technique : « les Prophètes, » le montre bien. Luc, xiv, 16, 17. Dans la parabole du riche et de Lazare, c’est « Moïse » qu’il place à côté des « prophètes », et il entend bien Moïse et les prophètes dans leurs livres. Luc, xvi, 29, 31. De même, pour montrer aux disciples d’Emmaûs que sa passion et sa mort avaient été prédites, il commença par « Moïse » et continua par « tous les prophètes », interprétant toutes les Écritures qui parlaient de lui. Luc, xxiv, 27. Dans ses dernières recommandations aux Apôtres, il leur rappelle qu’il était nécessaire que s’accomplît tout ce qui était écrit de lui dans la loi de Moïse, les prophètes et les Psaumes ; il leur ouvrit l’intelligence pour comprendre les Écritures et il leur dit qu’il était écrit que le Christ devait souffrir et ressusciter le troisième jour. Luc, xxiv, 44-46. Dans tous ces passages, Notre-Seigneur se bornait à désigner ce livre par les dénominations ordinaires. De plus, il ne visait pas expressément tout le contenu du livre, mais seulement ses prophéties messianiques. Mais ailleurs, il envisage plus directement l'écrit de Moïse. Dans une discussion avec les Juifs qui niaient sa divinité, il en appela aux Écritures qui lui rendaient témoignage. Joa., v, 39. Si donc ses adversaires demeurent incrédules, Moïse, le législateur en qui ils ont mis leur espérance, sera leur accusateur auprès du Père. Joa, v, 45. « Si, en effet, continue-t-il, vous croyiez à Moïse, vous croiriez peut-être à moi aussi, car il a écrit sur moi. Mais si vous ne croyez pas à ses écrits, comment croiriez-vous à mes paroles ? » Joa., v, 46, 47. Jésus met donc en parallèle ses propres paroles avec le livre de Moïse, avec ce que Moïse, le législateur d’Israël, a écrit sur lui : les écrits de ce législateur rendent témoignage à Jésus que les Juifs repoussaient ; si les Juifs ne croient plus au témoignage écrit, rendu par leur législateur, il n’est pas étonnant qu’ils ne croient pas à la PENTATEUQUE

72

parole de Jésus. Notre-Seigneur parle de Moïse comme écrivain, au sujet des prophéties messianiques contenues dans le Pentateuque. S. Irénée, Cont. hser., iv, 2, n. 3, 4, t. vii, col. 977-978 ; Origène, In Num., hom. xxvi, n. 3, t. xii, col. 774 ; Euthymius, Panoplia dogmatica, tit. xxiv, t. cxxx, col. 1225.

Les Apôtres ont parlé aussi de Moïse écrivain. Philippe annonce à Nathanaël qu’il a rencontré en Jésus le Messie sur lequel Moïse a écrit dans la Loi et dont parlent les prophètes. Joa., i, 45. Saint Pierre, Act., m, 22, cite Deut., xviii, 15, comme parole de Moïse. Saint Jacques rappelle qu’on lit Moïse le samedi dans les synagogues. Act., xv, 21. Saint Paul relate le même fait. Il Cor., iii, 15. Le même apôtre nomme ailleurs la Loi de Moïse. Act., xiii, 33 ; I Cor., ix, 9. Il prêche Jésus d’après la Loi de Moïse et les prophètes. Act., xxvin, 23. Il cite différents passages du Pentateuque eomme paroles écrites de Moïse. Rom., x, 5-8, 19. L’Apocalypse, xv, 3, parle du cantique de Moïse.

Si quelques-uns des témoignages précédents peuvent être restreints aux prophéties messianiques du Pentateuque, il reste établi que Jésus et ses Apôtres, pour parler du livre entier, ont employé les désignations usuelles à leur époque et par suite ont parlé, indirectement au moins, de la Loi comme étant l'œuvre de Moïse. Ils parlageaient donc la croyance commune de leurs contemporains au sujet de l’origine mosaïque du Pentateuque et ils Tout manifestée, sinon par des affirmations directes et formelles, du moins indirectement et en termes équivalents. Toutes les fois qu’ils ont eu à parler de l’auteur du Pentateuque, ils l’ont attribué à Moïse. La critique n’exige pas et ne peut pas exiger, pour établir que la tradition a attribué un écrit à un auteur déterminé, que les écrivains qui l’ont cité aient cité un ouvrage tout entier, mais il lui suffit qu’ils lui aient attribué les parties dont ils ont eu occasion de faire usage. On n’a pas le droit d’exiger de NotreSeigneur et des Apôtres ce qu’on n’exige pas des auteurs profanes.

2° Le sentiment perpétuel du peuple juif '. — La discussion précédente des textes de l’Ancien Testament a prouvé que la plus ancienne tradition d’Israël, reproduite dans le Pentateuque lui-même et dans les livres suivants, rapportait à Moïse au moins la rédaction de certains récits et de certaines lois, qui sont contenus dans le Pentateuque. Le livre des Rois, rédigé pendant la captivité, attribue à Moïse le Deutéronome, découvert dans le Temple du temps de Josias. En revenant à Jérusalem, Esdras rapportait le livre de la Loi, qu’il lit et présente comme l'œuvre de Moïse. Néhémie, Malaohie, l’auteur des Paralipomènes regardaient Moïse comme l’auteur du Pentateuque entier. Les auteurs juifs de la version grecque dite des Septante partageaient cette conviction. Voir col. 52. Tous les contemporains de Notre-Seigneur, à quelque secte qu’ils appartinssent, admettaient cette tradition, dont Jésus se sert pour convaincre les sadducéens. Jésus et ses Apôtres, en employant les dénominations usitées de leur temps, ont bien admis le sentiment commun de leurs coreligionnaires juifs. La tradition ancienne, qui attribue à Moïse la composition du Pentateuque, s’est perpétuée dans la Synagogue jusqu'à nos jours, sauf de très rares et toutes récentes exceptions.

Pour le I er siècle de notre ère, Josèphe et Philon représentent les deux fractions du judaïsme, palestinien et alexandrin. L’historien Josèphe, qui était de Palestine, place en tête des vingt-deux livres que les Juifs reconnaissent comme divins et inspirés, les cinq livres de Moïse qui contiennent l’histoire des origines et de l’humanité depuis la création jusqu'à la mort de l’auteur. Cont. Apion., i, 8. Dans ses Antiquités judaïques, I, Procem., 4, il se propose de résumer les livres de Moïse à partir de la création du monde. À la fin de

son exposé, IV, viii, 3-48, il rapporte que Moïse > avant de mourir, remit aux Israélites qu’il avait tirés de l’Egypte le livre qui contenait la législation divine et qu’il avait écrit lui-même. Or, au sentiment de Josèphe, il ne s’agit pas seulement du Deutéronome, mais bien du Pentateuque entier, puisque le résumé logique qu’il en donne comprend toutes les lois du Pentateuque. II attribue même explicitement au législateur hébreu le récit de son trépas. « Craignant, dit-il, qu’on ne prétendit qu'à cause de sa grande vertu Dieu ne l’avait ravi auprès de lui, il raconta lui-même dans les Livres saints sa propre mort. » Le philosophe alexandrin Philon cite constamment le Pentateuque comme étant de Moïse. La Thora est de tous les Livres saints celui qu’il cite le plus souvent. Elle possède à ses yeux une valeur exceptionnelle et il proclame Moïse son auteur, le prophète par excellence, un archiprophète. Les écrits qu’il a composés comprennent des récits historiques et des lois. L’histoire mosaïque remonte à la création du monde. De vita Mosis, 1. II, Opéra, Genève, 1613, p. 511. Philon raconte la vie de Moïse d’après les écrits de son héros, et parvenu au terme de son ouvrage, 1. III, p. 538, il rapporte comme une merveille que Moïse, sur le point de mourir, fit par inspiration divine le récit prophétique de sa mort. Une beraïlha du Talmud de Babylone, traité BabaBathra, voir t. ii, col. 140, reproduit l’enseignement des Juifs demeurés au pays de la captivité : « Moïse, dit-elle, écrivit son livre (c’est-à-dire le Pentateuque) et la section de Balaam et Job. Josué écrivit son livre et huit versets de la Loi, » ceux qui font le récit de la mort de Moïse. Deut., xxxiv, 5-12. Les rabbins, dont l’opinion est ici reproduite, jugeant que le récit de la mort de Moïse n’avait pu être rédigé par le défunt, l’attribuaient à son successeur. C'était notamment le sentiment de Rabbi Juda. Cette opinion est répétée, traité Makkôth, fol. lia ; traité Menachôth, fol. 30a. Mais au rapport d’une autre beraïtha du même traité, c. Kama, Rabbi Siméon objectait qu’il ne pouvait manquer une seule lettre au livre de la Loi. Aussi concluait-il que jusqu'à. Deut., xxxiv, 4, « Dieu dictait, Moïse répétait et écrivait ; à partir de là, Dieu dictait, et Moïse écrivait en pleurant. » L. Wogue, Histoire de la Bible et de l’exégèse biblique jusqu'à nos jours, Paris, 1881, p. 21 ; G. Wildeboer, De la formation du canon de VA. T., trad. franc., Lausanne, s, d., p. 44. Le Talmud de Jérusalem mentionne seulement l’attribution des cinq livres du Pentateuque, avec mention à part de la section de Balaam et de Balac, mais sans allusion au récit de la mort de Moïse. Traité Sota, v, 5, trad. Schwab, Paris, 1885, t. vii, p. 290. D’ailleurs, les rabbins, en disant : « la loi de Moïse, » en regardaient Moïse comme le rédacteur ; aussi l’appelaient-ils lui-même « le grand écrivain d’Israël ». Tous les docleurs d’Israël sont demeurés fidèles à cette tradition de leurs pères, et ont unanimement reconnu que, sauf les douze derniers versets ajoutés par Josué, Moïse a écrit le Pentateuque sous l’inspiration divine. J. Fùrst, Ver Kanon des Alten Testaments nac.h den Ueberlieferungen xm Talmud und Midrasch, Leipzig, 1868, p. 7-9. Seuls Isaac ben Jasus, au XIe siècle, et Abenesra, au xri", ont admis dans les livres de Moïse quelques additions postérieures. Voir col. 61. À la même époque Maimonide énonça en ces termes le huitième article de la foi juive : « Il faut croire que la loi que nous possédons est la loi qui nous a été donnée par Moïse… Moïse écrivit ce qui lui fut dicté sur l’histoire et sur les lois. » Comment, in tr. Sanhédrin, c. IX, cité par Abarbanel, Sépher Rosch 'Amanah, c. i, trad. de Vorstius, in-4°, Amsterdam, 1638, p. 6. Cf. Surenhusius, Mischna cum commentants integris Maimotiidis et Bartenorse, Amsterdam, 1702, t. iv, p.264. Auxiif siècle. R. Becchai admettait que Moïse avait écrit la loi depuis

le premier mot de la Genèse jusqu’au dernier duDeutéronome. Joseph Karo enseignait aussi que le Pentateuque entier venait immédiatement de Dieu et que Moïse n’en avait écrit aucune parole de lui-même. Au xv s siècle, Abarbanel répétait la même chose et rejetait le sentiment de ceux qui attribuaient à Josué les douze derniers versets du Deutéronome. Cf. Richard Simon, Critique de la Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques de E. Dupin, Paris, 1730, t. iii, p. 215-220. Le premier parmi les Juifs, Baruch Spinoza, au xviie siècle, rejette l’authenticité mosaïque du Pentateuque qu’il déclare bien postérieur à Moïse, puisque Esdras en est peutêtre l’auteur. Tractatus theologico-politicus, c. vnr, édit. laucbnitz, t. iii, p. 125 ; trad. Saisset, 2e édit.. Paris, 186/, t. ii, p. 154-173. Quelques Juifs modernes ont admis plus ou moins complètement les conclusions des critiques modernes. S. Munk, La Palestine, Paris, 1881, p. 132-142, attribue la Genèse, sauf un petit nombre d’interpolations, à Moïse qui en a puisé le fond dans des documents antérieurs, émanés de difiérents auteurs : il lui attribue aussi toute la législation du Pentateuque, qui formait peut-être le « livre de l’alliance », bien que sa rédaction ait pu, avec le temps, subir quelques modifications. Le reste du Pentateuque, à savoir les parties historiques des quatre derniers livres, est formé de documents qui étaient postérieurs à Moïse, mais dont il est impossible de fixer l'âge avec précision. « Le recueil a dû être achevé et exister dans sa forme actuelle à l'époque de Josias, et c’est à cette même époque qu’il a pu être reçu par les Samaritains. Le Pentateuque peut donc être appelé avec raison un livre mosaïque, bien qu’il ne soit pas émané en entier de Moïse. S’il manque d’unité dans le plan et la méthode, il y a unité dans l’idée, » p. 142. Les Juifs croyants ont donc ioujours admis et admettent encore l’authenticité mosaïque du Pentateuque. La tradition était si stricte qu’elle a porté les rabbins à accepter même des exagérations et des fables pour la défendre.

3° La tradition perpétuelle de l'Église catholique. — La tradition juive, introduite par Jésus et ses Apôtres dans l’Eglise, s’y manifeste de bonne heure et se coutinue sans interruption de siècle en siècle jusqu'à nos jours. Il suffit de constater son existence dans les premiers siècles, car personne ne nie sérieusement sa persévérance et son unanimité. Les Pères apostoliques citent assez souvent des passages du Pentateuque comme paroles d'Écriture inspirée, sans nommer l’auteur, conformément à leur manière habituelle de citer la Bible, mais ils ne sont pas cependant tout à fait muets sur l’activité littéraire de Moïse. Ainsi le pseudo-Barnabe, s’il rapporte, Epist., x, 1-12, dans Funk, Patres apostolici, 2= édit., Tubingue, 1901, t. i, p. 66-70, plusieurs lois, et xii, 2-9, p. 74-76, plusieurs paroles de Moïse, ne considère pas ce personnage exclusivement comme législateur et comme chef d’Israël. Il cite sous le nom du prophète Moïse une parole prononcée par Dieu lui-même, Exod., xxxiii, 1, 3, parce que le prophète l’avait entendue et relatée dans son récit. Epist., vi, 8, 10, 13, p. 54, 56. De même encore le jeûne de Moïse sur le mont Sinaï est cité comme une parole du prophète. Epist., xvi, 2. p. 80. Saint Clément de Rome cite, lui aussi, plusieurs passages du Pentateuque comme Écriture sainte. Il affirme une fois que xi ô gisxspio ; lua-tcK 6&pi— ùiv £v fj’i.fjù Toi oTxfTi MurJrT-7, --ri ôiaTZyuiva : aÙTÛ — ivTa irrr.jiE'.aiçaTû £v ti :  ; iîpatî fiio/.o :  : . 1 Cor., XLI, 1, ibid., p. 152.

Les Pères apologistes apprennent aux païens, à qui ils s’adressent, que Moïse a écrit sous l’inspiration divine, qu’il est le premier des prophètes et le plus ancien de tous les écrivains et qu’il a raconté par l’esprit prophétique la création dn monde. S. Justin, Apol., i, 59, t. VI, col. 416 ; Cohort. ad Grxc, 28. 30, 33, 34, ibid., col. 293, 296-297, 361 ; S. Théophile, Ad Autol., iii, 23,

ibid., col. 1156. Saint Justin, Apol., i, 32, 54, ibid., col. 377, 409, cite la prophétie de Jacob, Gen., xlix, 10, comme écrite par l’esprit prophétique. Il rappelle à Tryphon, Diah, 29, ibid., col. 537, que Moïse a écrit dans les lettres juives. L’auteur delà Cohort. ad Grsecos, 9, ibid., col. 257, prouve l’antiquité du prophète et du législateur juif par le témoignage des philosophes grecs. Moïse a écrit au sujet du tabernacle, ibid., 29, col. 296 ; et Platon a fait des emprunts à sa divine histoire, ibid., 33, col. 301. Si les origines de l’humanité nous sont connues, c’est que le Saint-Esprit nous les a apprises, lui qui a parlé par Moïse et les autres prophètes, de sorte que nos lettres sont plus anciennes que tous les écrivains et tous les poètes. S. Théophile, Ad Autol., ii, 30, ibid., col. 1100. Aussi tous les apologistes s’accordent-ils à dire que les philosophes et les législateurs païens ont fait des emprunts à Moïse et lui ont volé leur sagesse.

Tous les Pères subséquents citent le Pentateuque sous le nom de Moïse. Ils affirment aussi à l’occasion que Moïse a composé le Pentateuque. On retrouve de ces témoignages formels dans toutes les Églises chrétiennes. Saint Irénée, Cont. hser., i, II, 6, t. vii, col. 715-716, attribue à Moïse le récit de la création du monde. Cf. ii, 22, n. 3, col. 783. À Rome, saint Hippolyte commentait Deut., xxxi, 9, 24, 25, qui attribue à Moïse la rédaction de ce livre. Achelis, Arabische Fragmente zum Pentateuch, dans Hippolylus, Leipzig, 1897 t. i, p. 118. Cf. Philosophoumena, viii, 8 ; x, 33, t. xvi, col. 3350, 3449. À Carthage, Tertullien provoquait Hermogène ad originale instrumentum Moysi, à propos de la création du monde. Adv. Hermogenem, xix, t. ii, col. 214. Cf. Adv. Marcion., iv, 22, ibid., col. 414. A Alexandrie, Origène tenait Moïse non seulement comme législateur, mais aussi comme écrivain, puisque les lettres qu’il employa pour écrire ces cinq livres, tenus pour sacrés chez les Juifs, sont différentes des lettres égyptiennes. Cont. Cels., iii, 5-6, t. xi, col. 928. Il parle des écrits de Moïse, livres clairs et sages, que Moïse ou plutôt l’Esprit divin qui était en Moïse et dont l’inspiration l’a fait prophète, a écrits. Ibid., iv, 55, col. 1120. Cf. In Gen., hom. xiii, n. 2, t. xii, col. 231 ; In Num., hom. xxvi, 3, ibid., coi. 774. Eusèbe de Césarée parle du grand Moïse, le plus ancien de tous les prophètes, qui a décrit sous l’inspiration divine la création du monde et l’histoire des premiers hommes. H. E., i, 2, t. xx, col. 56 ; cꝟ. 3, col. 69. Saint Eusthate d’Antioche, De cngastrinrylha contra Origenem, 21, t. xviii, col. 656, reproche à Origène d’appeler fables ce que Dieu a fait et ce que le très fidèle Moïse a consigné par écrit. Cf. pseudo-Eusthate, In Hexæmeron, ibid., col. 708 Marius Victorin, De verbis Script., Faatum est, 1 ; t. viii, col. 1009, déclare que Moyses nos docuit libre Geneseos. Saint Athanase, Epist. ad Marcellin, 5, 32, t. xxvii, col. 17, 20, 44, rappelait que Dieu avait ordonné à Moïse d'écrire un cantique et le Deutéronome tout entier. Diodore de Tarse déclare que Moïse a écrit le récit de la création. Fragmenta in Gen., t. xxxiii, col. 1561-1562. Didyme d’Alexandrie, De Trinitate, II, vii, 3, t. xxxix, col. 565, expliquant. Faciamus hominem âd imagineni nostram, dit que Moïse dans la Genèse par la personne du Père et du Fils parle au Saint-Esprit. Saint Grégoire de Nysse attribue à Moïse les deux premiers chapitres de la Genèse qui, de prime abord, paraissent contraires. In Hexæmeron, proœm., t. xliv, col. 61. Saint Ambroisa, Tlexæmeron, VI, ii, 8, t. xiv, col. 245, déclare que Moïse, quoiqu’il fût instruit dans toute la sagesse des Égyptiens, a méprisé, parce qu’il était inspiré, la vaine doctrine des philosophes et a décrit la création du monde. Saint Épiphane, Uxr., xxvi, 3, t. xll, col. 337, dit que ce législateur était inspiré pour rédiger la loi contre les parricides, et xxxiii, n. 9, col. 572,

pour écrire fout ce qu’il [a écrit. Fauslin, De Trinitate, c. i, 5-7, t. xiii, col. 41, 42, attribue à Moïse le début de la Genèse, et fait des emprunts aux livres de Moïse. Saint Hilaire de Poitiers, De Trinitate, i, 5, t. x, col. 28, parle des livres, qucs a Moyse alque prophetislscriptos esse Hebrxorum religio Iradebat. Saint Chrysostome, In Gen., hom. ii, 2-3, t. lui, col. 27, 28, reconnaissait dans le début de la Genèse les paroles du bienheureux Moïse qui, pour se faire comprendre des Juifs, parlait, comme plus tard saint Paul, un langage grossier. Il attribuait aussi à Moïse le récit du déluge et il expliquait comment cet écrivain n’a rien dit des soixante-dix premières années de Noé. Ad Stagirium a dsemone vexalum, ii, 6, t. xlvii, col. 457. Saint Jérôme dit expressément que le Pentateuque est de Moïse. Prsefalio in lib. Josue, t. xxviii, col. 461 ; Prologus galeaius, ïbid., col. 548. Il énumère les cinq livres : Genèse, Exode, Lévitique, Nombres et Deutéronome comme étant de Moïse ainsi que les onze Psaumes lxxxixxcix. Epist. cxl, 2, t. xxii, col. 1167. La parole souvent citée contre l’authenticité du Pentateuque : Sive Moysen dicere volueris auctorem Pentateuchi, sive Esdram ejusdem instauralorem operis non recuso (De perpétua virginitate B. Mariai liber advenus Helvidium, n. 7, t. xxiii, col. 199), ne concerne pas le livre entier, mais seulement la glose : usque in hodiernum diem, Gen., xxxv, 4 ; Deut., xxxiv, 6 (selon les Septante), que le saint docteur refuse de rapporter soit à Moïse soit à Esdras. Saint Augustin voit les cinq livres de Moïse figurés par les cinq pierres que David choisit dans le torrent pour en armer sa fronde, Serm., "xxxi, c. s, ii, t. xxxro, col. 198, 199, et dans les cinq portiques de la piscine de Bethsaïde. Serm., cxxiv, c. iii, ibid., col. 687. Il enseigne que le récit de la création, dont le sens l’a préoccupé durant toute sa vie, a été écrit par Moïse. Conf., xi, 3 ; xii, 14, 30, t. xxxii, col. 811, 832, 843 ; De Gen. ad lit., VIII, iii, 7 ; IX, xili, 23, t. xxxiv, col. 375, 402 ; Decivitate Dei, XI, IV, 1, t. xli, col. 319. Théodore de Mopsueste tient Moïse pour l’auteur de la Genèse. Sachau, Theodori Mopsuesleni fragmenta syriaca, Leipzig, 1869, p. 8, 9. Cf. Kihn, Theodor von Mopsuestia und Junilius Africanus als Exegelen, Fribourg-en-Brisgau, 1880, p. 98. Saint Cyrille d’Alexandrie, Cont. Julian., i, t. lxxvi, col. 524-525, prouve que Moïse a précédé tous les sages de la Grèce qui l’ont connu et estimé, et il explique que le contenu de ses récits est admirable, parce que l'écrivain était inspiré de Dieu. Saint Isidore de Péluse, Epist., . IV, epist. CLxxvi, t. lxxviii, col. 1268, explique pourquoi Moïse a fait précéder sa législation d’un récit historique. Théodoret, In Malach., arg., t. lxxxi, col. 1960, .déclare que Moïse, le grand législateur, est le premier qui nous ait laissé par écrit des oracles divins. Procope de Gaza, In Gen., prolog., t. lxxxvii, col. 24, affirme que le livre qu’il entreprend de commenter est de Moïse. Les explications qu’il donne montrent bien qu’il regardait la législation, contenue dans les livres du milieu, comme rédigée par cet écrivain. D’ailleurs, il déclare expressément que le Deutéronome, résumé des livres précédents, est de la main de Moïse. In Deut-, ibid., col., 893-894. Junilius, De partibus divinse legis, 1. I, c. viii, t. lxviii, col. 28 ; cf. Kihn, op. cit., p. 480, sait, ex traditione veterum, que Moïse a écrit les cinq premiers livres historiques de l’Ancien Testament, bien que leurs titres ne contiennent pas son nom, et que lui-même ne dise pas : Dixit Doniinus ad me, mais, comme s’il parlait d’un autre : Dixit Dominus ad Moysen. De son côté, saint Isidore de Séville est très explicite dans les attributions du Pentateuque à Moïse. Eîym., ~Vl, i, 4 ; ii, l, t. lxxxii, col. 229, 230. Il indique même le temps mis par Moïse à rédiger le Deutéronome. Quœst. in V. T., in Deut., i, 2, t. lxxxiii, col. 359. Il est inutile de multiplier les citations. On a conti nué dans l'Église à admettre l’authenticité mosaïque du Pentateuque. Pour le moyen âge et les temps modernes, voir Hoberg, Moses und der Pentaleuch, p. 7273. Personne jusqu’au xvi c et au XVIIe siècle n’a émis le moindre doute à ce sujet. Nous exposerons plus loin les doutes et les négations des critiques modernes. La masse des exégètes et des théologiens catholiques aussi bien que des fidèles est demeurée attachée à l’ancienne tradition, et aujourd’hui encore, nonobstant le travail de la critique, admet l’authenticité mosaïque du Pentateuque. L’enseignement traditionnel a été véritablement unanime, ininterrompu et perpétuel dans l'Église catholique.

4° Critères internes ou caractères mosaïques du Pentateuque. — Ils sont tirés du fond même ou de la forme littéraire du livre. Par eux-mêmes, ils sont insuffisants à prouver l’authenticité mosaïque du Pentateuque, mais ils confirment la tradition juive et chrétienne. — 1. Caractères mosaïques du fond. — a) L’auteur du Pentateuque connaît exactement les choses d’Egypte. — Bien que les nombreux documents hiéroglyphiques de l’ancienne Egypte, déchiffrés récemment, ne fournissent aucune preuve directe des faits racontés par Moïse dans l’histoire de Joseph, la venue des Israélites en Egypte, leur séjour au pays de Gessen, leur oppression et leur exode, ils donnent cependant des preuves indirectes de la vraisemblance et de l’exactitude des récits qui rapportent ces événements. Sur le voyage d’Abraham en Egypte, voir F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6 9 édit., Paris, 1896, t. i, p. 453-480 ; pour l’histoire de Joseph, voir op. cit., t. ii, p. 1-213 ; Echanson, t. ii, col. 15581559 ; Joseph, t. iii, col. 1657-1669 ; pour le séjour des Israélites en Egypte, leur oppression et leur exode, voir op. cit., t. ii, p. 215-439 ; Brique, t. i, col. 1931-1934 ; Gessen, t. iii, col. 218-221 ; Corvée, t. ii, col. 1030-1031. Les plaies d’Egypte, sans perdre leur caractère miraculeux, sont conformes aux phénomènes naturels de la contrée et sont des maux propres au pays. La couleur égyptienne de ces récils est indéniable. Or, elle ne prouve pas seulement leur véracité ; elle montre aussi, au moins indirectement, leur aulhenticité mosaïque, Tous les détails sont si exacts, si égyptiens, qu’ils n’ont pu être inventés après coup, qu’ils ont dû plutôt être relatés par un Israélite qui, comme Moïse, avait été élevé en Egypte, La tradition, eût-elle reçu dès l’origine une forte empreinte égyptienne, aurait perdu de sa fraîcheur et de son coloris, si elle avait été conservée longtemps dans la mémoire du peuple avant d'être consignée par écrit. Un rédacteur postérieur, fût-il bien au courant de la situation particulière de l’Egypte, de ses usages et de ses coutumes, n’aurait pu rendre sa narration aussi conforme, dans les plus petits détails, à la réalité historique que les découvertes égyptologiques nous ont révélée. Seul, un Israélite, ayant vécu longtemps en Egypte, a été capable de donner au récit l’exactitude minutieuse qu’on y constate.

Les critiques modernes ne contestent guère cette couleur égyptienne des récits, et ils reconnaissent que l’auteur du document qu’ils appellent élohiste était très au courant des choses égyptiennes. Il reproduit deux mots égyptiens fortement sémitisés : abrek, voir t. i, col. 90-91, et sâfenat pa’enêah, nom égyptien donné à Joseph. Gen., xli, 43, 45. Il nomme Putiphar, Gen., xxxvii, 36, etc., Séphora et Phua, les sages-femmes égyptiennes, Exod., i, 15, les villes de Phithom et de Ramessès, Exod., i, 11, et la mer Rouge. Exod., xiir, 18 ; xv, 22. Il connaît exactement la constitution de l’armée égyptienne. Exod., xiv, 7. Paul de Lagarde et Steindorff s’appuyaient sur une interprétation contestable du nom égyptien de Joseph, du nom de saJemnae Aseneth et de celui de Putiphar pour rapporter l’histoire de Joseph dans le document élohiste à l'époque

de la seconde dynastie saïte, après Psammétique I er (655-610). Mais M. Naville a réfuté les explications données. Proceedings of the Society of biblical Archœologxj, mars 1903, p. 157. Cf. t. i, col. 771, 1082-1083 ; t. iii, col. 1668. La conclusion qu’on en tirait relativement à la date tardive du document élohiste n’est donc pas fondée. Les autres critiques qui la remontent plus haut ne dépassent pas l'époque des rois d’Israël, et ils pensent que l’auteur avait eu personnellement à cette époque une connaissance directe de l’Egypte à la suite des alliances des rois d’Israël avec les Pharaons. Ils en concluent qu’on ne peut discerner dans ses descriptions ce qui convient à l'époque des faits de ce qui se rapporte à son temps. Mais la couleur égyptienne n’est pas spéciale aux récits du soi-disant document élohiste ; elle se remarque dans l’ensemble du Pentateuque, sans distinction des sources ; elle est tout aussi réelle pour les plaies d’Egypte, par exemple, dans les parties du récit que les critiques attribuent au document jéhoviste, et plusieurs traits ne sont justes que pour l'époque des événements et ne conviennent pas à l’Egypte des Pharaons, contemporains des rois et des prophètes d’Israël.

On a constaté, en effet, que l’Egypte, décrite dans l’histoire de Joseph, du séjour des Israélites et de leur exode, est l’Egypte du xv 8 siècle avant notre ère. Ce qui est dit de l'état du pays, des principales villes de la frontière, de la composition de l’armée, est vrai de l'époque des Ramsès. Ce pays y apparaît comme un royaume unique, placé sous le gouvernement d’un seul roi ; elle n’est pas encore morcelée en douze petits États, comme elle l'était au temps d’Isaïe, xix, 2. Voir t. ii, col. 1612. Les villes de Phithom et de Ramessès, bâties par les Israélites, Exod., i, 11, ont eu réellement Ramsès II, sinon comme premier fondateur, du moins comme restaurateur. Il n’est parlé ni de Migdol ni de Taphnès et on n’y relève aucun des noms sémitiques de villes qui furent usités sous la dynastie bubaliste contemporaine de Salomon. L’armée est composée de chars de guerre. Exod., xiv, 7. Voir t. ii, col. 567570. Elle ne comptait pas encore de mercenaires étrangers, pareils aux Lubirn, qui en faisaient partie plus tard. Jer., xlvi, 9 ; II Par., xii, 3. Voir t. l, col. 992991 ; t. iv, col. 238-241. Les relations de l’Egypte avec les pays étrangers supposent aussi une époque ancienne. Il n’est parlé ni du royaume d’Ethiopie qui dominait l’Egypte sous le règne d'Ézéchias, ni des rois assyriens qui conquirent l’Egypte sous la dynastie éthiopienne. Voir t. ii, col. 1612. Cf. R. S. Poole, Ancient Egypt, dans la Contemporary Review, mars 1879, p. 757-759. De cet accord entre le Pentateuque et les anciens documents égyptiens on peut conclure que les récits ont été rédigés peu après les événements et à l'époque où le souvenir des faits était encore récent.

Cette conclusion est confirmée par la ressemblance, purement extérieure il est vrai, mais très réelle, des institutions rituelles et sacerdotales, établies par Moïse au désert avec les rites égyptiens. Voir t. iv, col. 335. L’arche d’alliance, placée dans le tabernacle, ressemblait en quelque chose au naos des temples égyptiens. Voir t. i, col. 912. Le tabernacle présentait lui-même, dans son ensemble, les mêmes dispositions que ces temples. Les divergences provenaient de la diversité des matériaux employés et de la nécessité d’avoir, durant le séjour au désert, un temple portatif. Le rational d’Aaron est pareil au pectoral des prêtres égyptiens. Le sacrifice des colombes, Lev., i, 14-17, se rapproche du sacrifice des oiseaux en Egypte. F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6'édit., Paris, 1896, t. ii, p. 529-547 ; Les Livres Saints et la critique rationaliste, Paris, 1902, t. iii, p. 86-99 ; Sayce, La lumière nouvelle apportée par les monuments anciens, trad. Trochon, Paris, 1888, p. 77-98 ; J. Heyes, Bibel und Aegypten, Munster, 1904, p. 142. Cer tains usages pharaoniques sont mentionnés dans le Deutéronome : l’arrosage avec les pieds, vi, 10, mode d’irrigation particulier à l’Egypte, voir, t. iii, col. 926929 ; les soterim, xx, 5, dont le nom lui-même sa rapproche de celui des scribes égyptiens ; la bastonnade, iniligée à la mode égyptienne, xxv, 2, voir, t. i, col. 1500 ; les pierres enduites de chaux, dont on se sert pour écrire, xxvii, 1-8. De tout cet ensemble il résulte manifestement que l’auteur du Pentateuque connaissait les mœurs de l’Egypte, ses usages, ses coutumes, d’une manière si parfaite qu’il a dû vivre longtemps dans ce pays et précisément à l'époque des événements qu’il raconte.

b) L’auteur a écrit son livre pour les Israélites, sortis de l’Egypte et n’occupant pas encore le pays de Chanaan. — Le souvenir de l’Egypte est fréquemment rappelé aussi bien dans les lois que dans les récits historiques des quatre derniers livres du Pentateuque. L’oppression que les Israélites y avaient subie était un motif souvent indiqué de ne pas retourner dans un pays où l’on avait tant souffert et la délivrance de la servitude est un événement récent et très important pour Israël. Le récit de ces événements est écrit sous le coup de l’impression profonde qu’ils avaient laissée. L’anniversaire de l’exode est célébré par une fête solennelle, la fête de la Pàque, qui en rappelle les circonstances historiques. La consécration des premiers-nés au Seigneur se rattache aussi à la dixième plaie d’Egypte, dont les Israélites avaient été exemptés. La fête des Tabernacles est destinée à remémorer aux Hébreux que leurs ancêtres ont habité sous la tente dans le désert, quand Dieu les tira de la terre d’Egypte. Lev., xxtn, 43. Quand les Israélites se révoltent et murmurent contre Moïse, ils regrettent la vie facile qu’il menaient en Egypte comparativement aux privations qu’ils subissent au désert, et ils voudraient retourner dans ce pays d’abondance. Moïse lutte constamment contre ces désirs insensés du peuple, et il cherche à éloigner le plus possible les Israélites du pays de leur servitude. Pour répondre à leurs plaintes, il déclare que ce n’est pas lui, que c’est Dieu qui les a fait sortir d’Egypte. Il recommande de de pas agir conformément aux usages de l’Egypte. Lev., xviii, 3. Tour calmer Dieu irrité contre Israël, Moïse fait valoir l’opinion des Égyptiens. Num., xiv, 13, 14. Plusieurs dispositions législatives sont portées à cause de l’Egypte qu’on vient de quitter. La loi sur l'étranger, qu’il ne faut ni contrister ni affliger, est motivée par le fait que les Israélites ont été étrangers en Egypte. Exod., xxii, 21. L’Israélite ne sera pas esclave de ses frères à perpétuité, parce que Dieu a affranchi tout Israël de la servitude de l’Egypte. Lev., xxv, 42, 55. Les sculptures sont interdites, de peur qu’elles ne séduisent et n’entraînent à l’idolâtrie le peuple choisi, tiré par Dieu de l’Egypte. Deut., iv, 15-20. On recommande au roi futur, qui régnera en Israël, de ne pas ramener son peuple en Egypte. Deut., xvii, 16. La délivrance de la servitude égyptienne est un des plus puissants motifs, invoqués et répétés dans le Deutéronome pour inciter les Israélites à observer fidèlement les prescriptions données par le Seigneur qui avait sauvé Israël. Si les Israélites sont fidèles aux prescriptions divines, ils ne souffriront aucun des maux que Dieu a infligés aux Égyptiens. Exod., xv, 26 ; Deut., vii, 15. S’ils sont infidèles, ils subiront comme châtiment les mêmes maux dont ils avaient déjà été affligés en Egypte. Deut., xxviii, 27, 60 ; XXIX, 25. L’exode est donc pour le narrateur comme pour le législateur un fait récent, dont le souvenir est encore très vivant et très capable de produire une forte impression. Écrit longtemps après les événements, le récit n’aurait pas eu un accent si saisissant, et la sortie d’Egypte n’aurait pas été le seul et unique '

bienfait divin, rappelé à la mémoire des descendants d’Israël. Celait de ceux-là mêmes qui avaient été opprimés en Egypte et qui venaient d'être délivrés que l’auteur ravivait des souvenirs récents et communs. Leurs descendants éloignés n’auraient pas pu êire frappés à ce point par la mémoire de faits, dont ils n’avaient pas été les témoins oculaires.

D’autre part, rien dans le Pentateuque n’indique que les Israélites aient déjà occupé définitivement le pays de Chanaan. Leurs ancêtres, Abraham, Isaac et Jacob, qui avaient quitté la Chaldée, n’y ont vécu qu’en nomades et en étrangers. Dieu leur avait seulement promis de donner à leur postérité la terre où ils vivaient. Les promesses réitérées, faites aux patriarches, sont mentionnées pour rappeler les droits d’Israël à la possession future de la Terre promise. Si Jacob vient en Egypte pendant la famine, c’est avec le dessein de retourner en Chanaan. Gen., xlvi, 4. Il demanda d'être enseveii avec ses pères au champ d’Ephron, Gen., xlix, 29-31, et son désir fut accompli. Gen., L, 4-13. Joseph demanda aussi que ses ossements fussent emportés par ses frères, lorsqu’ils retourneraient au pays de la promesse. Gen., L, 23-24. Dieu confia à Moïse la mission de faire sortir son peuple de l’Egypte et de le conduire dans la terre des Chananéens. Exod., iii, 8 ; VI, 2-8. Quand, irrité contre Israël, il veut l’exterminer tout entier, Moïse lui rappelle la promesse faite aux patriarches et obtient ainsi la grâce des coupables. Exod., xxxii, 13 ; xxxiii, 1. Le Seigneur promet la possession de Chanaan aux Israélites, s’ils pratiquent fidèlement ses lois. Lev., xx, 24. Cette promesse est fréquemment rappelée dans le Deutéronome. Les livres du milieu sont le récit de la marche d’Israël vers la Terre Promise. Moïse y conduit son peuple et il compare la terre, qu’il faudra conquérir, à l’Egypte. Deut., xi, 10. Dieu l’avait caractérisée comme une terre où coule le lait et le miel, Exod., iii, 8, 17, et les espions, de retour de leur exploration, décrivent le pays par ce trait. Num., xiii, 28. Les Israélites sont donc en route vers la Terre Promise. Une des plus grandes préocupations de Moïse est de les déterminer à y entrer et à en faire la conquête. Ils devaient gagner rapidement le pays. S’ils séjournent quarante ans au désert, c’est en punition de la révolte qui suivit le retour des espions envoyés en Palestine. Le délai écoulé, Moïse conduit le peuple jusqu’aux frontières, et choisit, avant de mourir, Josué comme chef de l’armée, et le charge de faire la conquête, Cf. F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, Paris, 1902, t. iii, p. 28-46.

Le récit n’est pas composé, comme on l’a prétendu, par un écrivain qui habite à l’ouest du Jourdain, c’est-à-dire dans la Palestine où Moïse n’a jamais pénétré. En effet, l’expression be'êber hay-yardên ne désigne pas nécessairement la contrée située sur la rive gauche du Jourdain. La signification doit être déterminée par le contexte, et dans le même verset, Num., xxxii, 19 (hébreu), elle désigne successivement les deux rives. F. Vigouroux, Manuel biblique, -12= édit., Paris, 1906, t. i, p. 467-468. On ne constate dans le Pentateuque aucune allusion certaine à la situation historique qui a suivi la conquête. Rien ne fait supposer que le peuple habite dans des villes et dans des maisons ; la législation convient à des nomades, vivant au désert et sous la tente. Il n’est parlé ni de Jérusalem ni de la royauté comme existante. Les allusions, signalées par les critiques, notamment dans les morceaux poétiques et prophétiques, visent l’avenir, et c’est le plus souvent par un préjugé contre la prophétie qu’on y voit un indice du passé. Les lois sacerdotales de l’Exode et du Lévitique ont l’empreinte du désert, à un degré tel que leur rédaction à une autre époque et en un autre lieu est hautement invraisemblable. Leur cadre invariable est le camp d’Israël. Le Tabernacle, par exemple, est portatif et répond à la

situation de nomades, qui ne peuvent avoir de sanctuairefixe. Prétendre, comme le font les critiques, qu’iln’est qu’une projection du Temple de Jérusalem dans le passé, c’est une hypothèse, qui est commandée par les besoins de la cause et qui ne rend pas comptede tous les détails de la construction et du service. D’ailleurs, il faut pour cela attribuer à l’auteur du codesacerdotal, qui l’aurait construit de toutes pièces, une imagination créatrice qui ne répond guère aux caractères^ qu’on lui prête. On prétend aussi que la couleur locale des lois du désert est l'œuvre du même auteur, qui se reportait en esprit à l'époque mosaïque. Le principal argument, sur lequel on appuie cette explication, est la promulgation de la plupart de ces lois sacerdotales aupied du Sinaï. Or, à ce moment, rien n'était plus étranger à la pensée de Moïse que la prévision d’un séjour prolongé d’Israël au désert. Moïse n’a donc pu rédiger les lois sinaïtiques en vue d’une situation qu’il ne prévoyait pas encore. Mais la rédaction définitive de ces lois a bien pu être faite après la révolte dont le séjour dans le désert pendant quarante ans fut la punition ; elle aurait par suite été rendue conforme à cette situation nouvelle. Aussi, quand le temps de l'épreuve est écoulé, quand la législation, temporaire et locale, , du désert touche à sa fin, Moïse promulgue à la génération nouvelle qui va traverser le Jourdain et conquérir le pays de Chanaan, des lois appropriées à la vie sédentaire et agricole qu’elle va mener dans la Terre Promise. Du reste, à vrai dire, seules les lois qui concernent les campements et le transfert de l’arche et du tabernacle, présentent ce caractère temporaire et provisoire. Primitivement, elles ne devaient être appliquées que pendant le voyage. Le législateur, parvenu au pays de Chanaan, les aurait abrogées et remplacées par des dispositions nouvelles. La révolte des Israélites après le retour des espions a changé la situation, et desprescriptions, portées pour une durée fort limitée, ont pu* être appliquées pendant quarante ans. Celles qui regardaient la descendance et les sacrifices pouvaient êtrepratiquées partout et en tout temps, hors du camp aussi bien que dans le camp. Il n’y a plus donc, de ce chef, . de> difficulté, et l’empreinte du désert que conservent les lois du culte israélile demeure un indice de la datede leur promulgation et de la rédaction du code qui les contient. F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, t. iii, p. 79-89 ; R. Cornely, Inlroductio specialis in hist. V. T. libros, part. i, Paris, 1887, . p. 57-60.

D’ailleurs, la forme elle-même de la législation du Pentateuque témoigne de son origine mosaïque. Il n’y a pas d’ordre rigoureux dans la disposition des lois. L’auteur les enregistre à l’occasion, en racontant lesfaits qui les ont amenées. Elles ne constituent pas uncode systématique. Elles ont été prises au jour le jour, suivant les occurrences. En dehors de la loi morale et religieuse, révélée par Dieu d’un seul coup, ou à desdates fixes, beaucoup de règles civiles sont le résultat de consultations adressées à Moïse. Des cas spéciaux exigent des solutions nouvelles et précisent l’application des lois générales. Des lois complémentaires, des retouches, des répétitions dépendent de circonstances parfois imprévues. Les premières lacunes sont ainsi comblées. Néanmoins la législation n’est pas complète. L’organisation politique n’est pas réglée. La loi sur la royauté est pleine de lacunes et ne vise qu’un avenir éloigné. Aussi Israël, après la conquête de la Palestine, n’aura pas de chef commun ; chaque tribu sera, pour ainsi dire, isolée et indépendante. Josué n’est chargé que de conquérir et de partager la Terre Promise. Cescaractères de la législation du pentateuque ne peuvent convenir qu'à Moïse et au temps du séjour d’Israël au désert. Ils confirment donc l’origine mosaïque des Ioisisraélites et du livre qui les contient. F. Vigouroux, .

op. cit., t. iii, p. 69-79 ; R. Cornely, loc. cit., p. 64-66. 2. Caractères mosaïques de la forme littéraire. — La langue du Pentateuque, malgré l’immobilité relative de l’hébreu, présente des particularités, qui ne se rencontrent déjà plus dans le livre de Josué. Ce sont des mots ou des formes qui ont vieilli et sont tombés en désuétude ou ont été modifiés. On y reconnaît donc des archaïsmes, indices assurés de l’antiquité du livre. Voir t. i, col. 911. Ce sont le pronom masculin hiï, employé 155 fois sur 206 pour la forme féminine hî' ; na’ar, au masculin, pour désigner une jeune fille ; les pronoms hd'él au lieu de 'ellêh, et hallêzéh. R. Graffin, Étude sur certains archaïsmes du Pentateuque, dans le Compte rendu du Congrès scientifique des catholiques, Paris, 1888, t. i, p. 154-165 ; F. Vigouroux, Manuel biblique, 12e édit, Paris, 1906, t. i, p. 434-435 ; Les Livres Saints et la critique rationaliste, Paris, 1902, t. iii, p. 122-126. Les critiques ont cherché à échapper à cet argument linguistique de différentes façons. La plupart, rencontrant les archaïsmes dans le code sacerdotal, la source la plus récente, selon eux, du Pentateuque, prétendent que, fussent-ils réels, ils ne prouvent pas l’antiquité du document qui les contient ; un écrivain récent peut à dessein, par amour de l’archaïsme et pour vieillir son œuvre, employer des expressions anciennes, tombées de son temps en désuétude. Mais d’autres ne reconnaissent pas même dans ces particularités du Pentateuque des archaïsmes réels, ils n’y voient que des singularités d’orthographe et d'écriture, introduites par les massorètes dans leur édition du texte du Pentateuque. Ainsi pendant longtemps la voyelle du pronom Nin n'était pas écrite, de telle sorte que, dans tous les livres de la Bible, on avait pour les deux genres les simples lettres Nn ; seule, la lecture différenciait le masculin du féminin. La présence du i dans le pronom féminin n’est pas ancienne, et les quiescentes i et > n’ont été ajoutées qu'à une époque assez récente. En transcrivant le Nin féminin, les massorètes ont marqué sous le n le point de la voyelle i ; ils lisaient donc hî' et non hû'. S’ils ont conservé l’anomalie Nin, c’est par un respect exagéré pour l’unique manuscrit du Pentateuque qu’ils ont transcrit et ponctué, et la leçon de leur manuscrit s’explique par le fait que, vers le commencement de notre ère, l'écriture hébraïque ne mettait que peu ou pas de différence entre le i et le ». Ces affirmations sont loin d'être certaines, voir t. iii, col. 504-505 ; rien ne donne droit d’accuser les massorètes d'être des faussaires. Les massorètes, au rapport du Talmud de Jérusalem, traité Taanith, iv, 2, trad. Schwab, Paris, 1883, t. vi, p. 179180, consultèrent trois manuscrits du Pentateuque et maintinrent les onze exceptions de la forme féminine N>n sur le témoignage de deux de ces manuscrits. L’emploi du masculin-iyj pour le féminin mva pourrait

bien n'être aussi, dit-on, qu’une simple irrégularité d’orthographe ; à supposer qu’il soit un idiotisme.ancien, il ne serait pas à lui seul une marque de haute antiquité. Les pronoms archaïques ne seraient non plus que des différences orthographiques. A. Loisy, Histoire antique du texte et des versions de la Bible, dans L’enseignement biblique, Paris, 1892, t. i, p. 51-56. Comment se fait-il donc qu’ils n’existent que dans le Pentateuque ?

En outre des formes archaïques, on signale encore dans le Pentateuque des mots anciens, tels que ?~n '.rtzi et B.iP, Gen., i, 2, et la tournure pt » n rvn, Gen.,

t : " T t - i, 25, des expressions et des phrases plus tard inusitées : 'dbîb, « épi, » et le premier mois de l’année, voir t. i, col. 46 ; bdnàh, dans le sens de concevoir ; kibsan, i four ; » kâsas, « compter ; » mékés, « somme comptée ; » miksdh, n compte ; » yê'dsef 'el-'ammav, « être réuni à ses peuples, » ou simplement yê'dsef, « être réuni. » Certaines phrases poétiques, telles que « cou vrir l'œil de la terre », Exod., x, 5, 15 ; Num., xxii, 5 T 11, signifiant couvrir la surface de la terre, sont trèsantiques. Les mots 'ômér et 'issdron ne se lisent aussi que dans le Pentateuque. Voir t. iii, col. 273. Enfin, en plus des mots égyptiens déjà mentionnés, on trouve dans le Pentateuque des expressions hébraïques qui ne sont que des transcriptions de mots égyptiens. Ainsi fêbâh, désignant l’arche de Noé et la nacelledans laquelle Moïse fut exposé sur le Nil, est l'égyptien tba, ou teb, tep, qui signifie « coffre, bateau, berceau ». Les roseaux dont était faite la lêbâh de Moïse sont appelés goméh ; c’est l'égyptien kam, qui est la mêmechose que gam, « jonc. » L’enfant fut exposé sur la « lèvre du Nil » ; or la lèvre exprimait métaphoriquement en égyptien le rivage. Yeor est le nom même du Nil. Les vaches grasses du songe de Pharaon paissaient des aftu, expression égyptienne qui signifie « verdure, roseaux ». Joseph est revêtu de liii, seS, mot usité dan& la Genèse comme sur les monuments hiéroglyphiques. Voir t. iii, col. 1668. Le roseau que les Israélites emploient pour fabriquer des briques est nommé de son nom égyptien qas. Sur les hartummîm, voir t. n r col. 1443-1444. L’arbuste dans lequel Moïse voit Dieu à l’Horeb est appelé senéh, qui est le sent des inscriptions et des papyrus de la XIX 5 dynastie. Le tambour, tof, dont Marie, sœur de Moïse, se sert, porte un nom égyptien, teb, tep. Le vase, dans lequel on dépose la manne, sinsénet, les pots de viande, que regrettent les Israélites, sîr, sont des mots égyptiens sennu, seri, qu’on ne retrouve plus dans les autres livres de la Bible. La corbeille destinée à contenir les prémices, téné', est la tena, « corbeille, » des Égyptiens. F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, ! }' édit., . Paris, 1896, t. ii, p. 586-591. Toutes ces particularités, lingaistiques réunies sont des indices évidents de l’antiquité du Pentateuque ; elles confirment par suite l’authenticité mosaïque de ce livre.

III. OBJECTIONS CONTRE L’AUTHENTICITÉ MOSAÏQUE

du pentateuque. — 1° Histoire de ces objections. — 1. Les précurseurs des critiques modernes. — Les gnostiques, qui rejetaienttoutl' Ancien Testamentcomme étant l'œuvre du mauvais principe, ne niaient pas l’authenticité mosaïque du Pentateuque, ils soutenaient seulement que le mauvais principe avait trompé Moïse. Ptolémée, disciple de Valentin, distinguait dans la législation mosaïque les lois divinement révélées, les lois portées par Moïse de sa propre autorité et les lois promulguées par les anciens du peuple. Il ne niait pas explicitement que cette législation ait été rédigée par Moïse. Lettre à Flora reproduite par saint Épiphane, User., xxxiii, 8, t. xli, col. 560-561. D’après le même saint, Hssr., xviii, 1, ibid., col. 257, et saint Jean Damascèue, Hxr., xix, t ; xciv, col. 689, les nazaréens prétendaient que les livres de Moïse avaient été fabriqués et que la loi, donnée aux Juifs par ce législateur, différait de celle du Pentateuque. Au m » siècle, l’auteur des Homélies clémentines, hom. iii, 47, t. ii, col. 141, 144, faisait dire à saint Pierre que la loi, donnée par Dieu à Moïse, avait été confiée oralement aux anciens, mise par écrit après la mort de Moïse, perdue, retrouvée et enfin brûlée au temps de Nabuchodonosor. Le récit d& la mort de Moïse n’ayant pu être écrit par le défunt, le Pentateuque qui le contenait était par suite d’une autre main. À part cette dernière observation qui est vraie, les objections des hérétiques n’ont rien de scientifique et sont de pures inventions sans valeur.

Il faut passer jusqu’au temps de la Réforme pour rencontrer de nouveaux doutes sur l’authenticité mosaïque du Pentateuque. Carlstadt, De canonicis Scripturis libellus, Wittemberg, 1520, en vint par le même raisonnement que l’auteur des Homélies clémentines^ à douter que Moïse ait rédigé les récits historiques du Pentateuque. Moïse n’a pu raconter sa mort. Or le 83

PENTATEUQUE

sujet de cette narration est identique à celui des récits précédents. Tous ces récits sont donc d’une même main, qui n’est pas celle de Moïse, ni celle d’Esdras, mais celle d’un inconnu. La législation venait de Moïse, et le Pentateuque n’en demeurait pas moins le plvfs saint de tous les livres de la Bible. Au XVIIe siècle, les doutes se multiplièrent. Le philosophe anglais Hobbes, Leviathan, 1. III, c. xxxiii, Londres, 1651, déclarait d’abord que le titre : « les. cinq livres de Moïse, » ne voulait pas dire que Moïse en était l’auteur, mais seulement qu’il en était le sujet principal. Le récit de la mort de Moïse est une addition postérieure. L’ensemble du Pentateuque est plus récent que Moïse, qui en a cependant rédigé quelques parties, notamment Deut., xi-xxvii. Isaac de la Peyrère, Syslema theologicum ex Prseadamilarum hypothesi, 1. IV, s. 1., 1655, p. 173182, ne regardait pas non plus le Pentateuque actuel comme l'œuvre originale de Moïse. Les derniers versets du Deutéronome, certains passages, Num., xxii, 14-15 ; Deut., i, 1 ; iii, 11, 14, sont des additions ; les détails sur Séir, Deut., ii, conviennent à l'époque de David ; les obscurités, les confusions, les lacunes et les altérations du texte actuel ne proviennent pas de Moïse. Celui-ci cependant avait écrit l’histoire des Juifs à partir de la création du monde et rédigé sa propre législation ; mais son livre a été abrégé, retouché et modifié, comme le prouve l'étude du texte. Ce n’est pas encore la négation de l’origine mosaïque du Pentateuque.

Baruch Spinoza (1634-1677), Traclatus theologicopoliticus, c. viii, IX, dans Opéra, 2e édit. de Van Vloten et Land, La Haye, 1895, t. ii, p. 56-69, rejette l’authenticité mosaïque du Pentateuque. Il reproduit les objections d’Abenesra et il les interprète dans le sens de la négation de l’authenticité mosaïque. Il y joint ses observations personnelles : 1° Il est parlé de Moïse à la troisième personne, Num., xii, 3 ; xxxi, 14 ; Deut., xxxiii, 1, tandis que Moïse parle à la première personne de la loi qu’il avait promulguée et écrite. Deut., ii, 1-17, etc. À la fin du Deutéronome, le récit reprend à la troisième personne ; ce qui prouve que le livre dans son état actuel est d’une autre main que de celle de Moïse. 2° Le récit de la mort, de la sépulture et du deuil de Moïse, l'éloge de ce prophète supérieur aux autres prophètes, faits au passé, témoignent d’une époque postérieure de rédaction. 3° Certaines localités, telles que Dan, Gen., xiv, 14, portent les noms qu’elles eurent longtemps après Moïse seulement. 4° Parfois le récit historique dépasse la vie de Moïse. Ainsi, la cessation de la mandueation de la manne, Exod., xvi, 14, n’eut lieu qu'à l’arrivée des Israélites aux frontières du pays de Chanaan. Jos., v, 12. Les rois iduméens nommés Gen., xxxvi, 31, vont jusqu'à David, qui subjugua leur royaume. II Sam., viii, 14. De tout cela il ressort plus clair que le jour que le Pentateuque a été rédigé par un écrivain postérieur à Moïse. Moïse toutefois a écrit des livres, mentionnés dans le Pentateuque et différents de ce livre, à savoir : 1° le livre des guerres de Dieu, Num., xxi, 14, qui contenait sans doute le récit de la défaite d’Amalec, Exod., xvii, 14, et toutes les stations décrites par Moïse, Num., xxxin, 2 ; 2° le livre de l’alliance, Exod., xxi, 4, 7, réduit aux lois, Exod., xx, 22-xxm, 33 ; 3° un livre d’explication de toutes les lois mosaïques, Deut., i, 5, lois qu’il avait imposées de nouveau, Deut., xxix, 14, livre qu’il avait écrit en y relatant la rénovation de l’alliance, Deut., xxxi, 9 ; c’est le « livre de la loi », augmenté par Josué, Jos., xxiv, 25, 26, livre perdu, mais inséré partiellement dans le Pentateuque, avec le cantique. Deut., xxxii. Quoiqu’il soit vraisemblable que Moïse ait écrit d’autres lois, on ne peut cependant l’affirmer, car les anciens pouvaient les avoir rédigées eux-mêmes et l’auteur de la vie de Moïse les avoir in sérées dans son livre. Quant au Pentateuque, il n’a formé d’abord qu’un écrit avec Josué, les Juges, Ruth, les livres de Samuel et des Rois, œuvre d’un historien qui racontait l’histoire juive depuis la création jusqu'à la ruine de Jérusalem par Nabuchodonosor. Son auteur est probablement Esdras, le seul scribe dont le zèle pour la Loi soit mentionné dans l'Écriture. Esdras a au moins rédigé le livre de la Loi ou le Deutéronome, qu’il a lu et fait expliquer au peuple. II Esd., viii, 9. Plus tard, Esdras prit soin d'écrire l’histoire complète des Juifs, en y insérant le Deutéronome à sa place. Peutêtre même a-t-il intitulé les cinq premiers livres de cette histoire « livres de Moïse », parce qu’ils contenaient surtout la vie de ce personnage. Mais Esdras n’a pas mis la dernière main à cette histoire. Faisant une simple compilation de documents antérieurs, il les a seulement transcrits, sans les ordonner. C’est pourquoi, dans le Pentateuque, les lois et les récits historiques sont mélangés sans ordre logique ou chronologique ; les mêmes faits sont répétés, et parfois diversement. Cf. P. L. Couchoud, Benoît de Spinoza, Paris, 1902, p. 102-104. Les additions et recherches dans l'œuvre de Moïse sont faciles à expliquer comme un complément apporté dans la suite des temps à l’ouvrage primitif. Les autres assertions de Spinoza ne reposent sur rien de positif.

Pour répondre aux objections de Spinoza et défendre l’autorité historique et divine des livres de Moïse, Richard Simon a émis des hypothèses nouvelles sur la composition du Pentateuque. Il attribuait à Moïse personnellement toute la partie législative de ce livre. Quant aux récits historiques, il reconnaissait que ce législateur lui-même avait rédigé, mais d’après d’anciens mémoires, la Genèse entière. L’histoire de son temps, il ne l’avait pas écrite de sa main ; il l’avait fait écrire par des scribes publics, dont l’existence est constatée plus tard et qui étaient chargés officiellement de rédiger les Annales d’Israël. Bien que leur institution par Moïse ne soit pas mentionnée dans le Pentateuque, elle est néanmoins vraisemblable. Au sentiment de Richard Simon, ces scribes publics étaient inspirés pour abréger, en les ordonnant, les modifiant et les complétant, les Annales officielles. Comme ils résumaient celles-ci, ils ont laissé dans leurs abrégés des répétitions en vue de ne pas trop modifier les actes publics. Ayant été exécuté par ordre de Moïse, leur travail pouvait légitimement être attribué à ce dernier. Certaines incohérences du texte actuel proviennent, en outre, d’un déplacement de feuillets, opéré à l'époque où les livres de la Bible avaient la forme de rouleaux. Elles ne prouvent rien contre l’autorité divine et l’origine mosaïque du Pentateuque. Voir Histoire critique du Vieux Testament, préface non paginée, et le 1. 1, c. i-vi, Rotterdam, 1685, p. 1-45 ; Réponse au livre intitulé : Sentimens de quelques théologiens de Hollande, c. viIX, Rotterdam, 1686, p. 55-94 ; De l’inspiration des livres sacrés, etc., Rotterdam, 1687, p. 20-34. 114-125, 137-147, 150 sq. ; Lettres choisies, lettres xxviii-xxx, 2= édit., Paris, 11730, t. iii, p. 206-236 ; Critique de la Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques, Paris, 1730, t. ii, p. 449 ; t. iii, p. 154-247. Cf. A. Bernus, Richard Simon, Lausanne, 1869, p. 78-80, 83-89 ; H. Margival, Richard Simon et la critique biblique au ir/i' siècle, dans la Revtte d’histoire et de littérature religieuses, 1897, t. ii, p. 540-545.

L’arminien Jean Leclerc, sous le voile de l’anonyme, attaqua Richard Simon et nia l’authenticité mosaïque du Pentateuque. II signalait dans les livres de Moïse des détails et des chapitres entiers qui, d’après lui, supposent une époque postérieure à Moïse. Dans son état actuel, le Pentateuque est une compilation, - non pas d’ouvrages officiels, extraits des archives publiques, mais bien d'écrits privés, dont quelques-uns, comme

celui des guerres de Dieu, Num., xxi, 14, étaient antérieurs à Moïse. Celui-ci n’a rédigé que la partie principale des livres que la tradition lui a attribués. L’auteur du Pentateuque, si au courant des choses chaldéennes, -a dû vivre en Chaldée. Or, les Juifs. n’avaient pas passé l’Euphrate avant la captivité. L’auteur a donc vécu après 722 ; mais il n’est pas Esdras, puisque les Samaritains possédaient auparavant le Pentateuque. C’est plutôt le prêtre Israélite, envoyé par le roi d’Assyrie aux Samaritains, IV Reg., xvii, 24-28, qui a composé le livre de la loi pour leur instruction. Son travail a été commencé après la découverte de la loi dans le Temple sous Josias. Plus tard, les prêtres de Jérusalem ont mis leur loi d’accord avec le Pentateuque samaritain. Sentimens de quelques théologiens de Hollande sur l’Histoire critique du Vieux Testament, Amsterdam, 1685, p. 107-129 ; Défense des Sentimens de quelques théologiens de Hollande, lettre vn c, Amsterdam, 1686, p. 166188. Plus tard, Leclerc atténua son premier sentiment. Tout en maintenant que le Pentateuque dans son état actuel était postérieur à Moïse, il déclarait que les additions étaient si peu considérables qu’on ne pouvait refuser à Moïse la composition du livre. Genesis sive Mosis prophétie liber prinius, proleg., diss. lit, Amsterdam, 1693. En 1686, Antoine Van Dale soutint qu’Esdras était l’auteur du Pentateuque, mais qu’il avait utilisé le livre de la loi, découvert au Temple, et d’autres écrits, historiques et prophétiques.

2. Hypothèse documentaire. — La première systématisation de la composition du Pentateuque consista dans la supposition de sources diverses, compilées et utilisées par l’auteur. Jean Astruc, Conjectures sur les mémoires originaux dont il paraît que Moïse s’est servi pour composer le livre de la Genèse, Bruxelles (Paris), 1753, détermina le premier le contenu et la nature des mémoires antérieurs que Moïse avait employés pour rédiger la Genèse, et les parties du récit actuel qui leur avaient été empruntées. Les répétitions et les divergences des récits lui servirent de point de départ dans le discernement des sources, et la diversité des noms divins, Élohim et.féhovah, lui fit désigner les deux principales sources combinées par Moïse, l’une élohiste et l’autre jéhoviste. Une troisième nommait Dieu Jéhovah-EIohim. Astruc distinguait encore neuf autres sources, qui n'étaient que fragmentaires. Il supposait enfin que Moïse avait disposé sur quatre colonnes les matériaux préexistants, et que les copistes avaient mêlé et confondu ces quatre récits ; de là provenaient les répétitions et les incohérences de la Genèse actuelle. Voir t. i, col. 1196-1197. Eiehhorn, Einleitung in das A. T., Leipzig, 1780, t. i, étendit la distinction des sources élohiste et jéhoviste aux deux premiers chapitres de l’Exode. Il a, en outre, caractérisé ces sources, non seulement par l’emploi des noms divins, mais encore par leur contenu et leur style. Il ne se croyait pas en mesure de déterminer leur origine. Il pensait d’abord que Moïse avait rédigé la Genèse et le début de l’Exode, en les combinant ; plus tard, il ne parla plus que d’un rédacteur. Le reste du Pentateuque, sauf quelques interpolations, comprenait la législation et le journal de voyage de Moïse. Charles David Ilgen, Die Vrkunden des jerusalemischen Tempelarchivs in ihrer Vrgestalt, Halle, t. I (seul paru), distingua trois documents, deux élohistes et un jéhoviste, ayant leur genre propre de rédaction. En les combinant, le rédacteur a dû les modifier pour les mettre d’accord. Aussi n’est-il pas facile d’en discerner dans le texte actuel tous les éléments constitutifs.

3. Hypothèse fragmentaire. — Un nouveau courant se dessina bientôt, suivant lequel le Pentateuque était un conglomérat de fragments détachés et disparates. Alexandre Geddes (voir t. iii, col. 145), prêtre catholique interdit, The holy Bible or ihe Books accounted sacred

by Jews and Christians, Londres, 1792 ; Critical remarks on the Hebrew, Londres, 1800, t. i, parla le premier de nombreux fragments plus ou moins étendus, divergents et même contradictoires, réunis et mis en ordre par un rédacteur pour former le Pentateuque actuel. Ces fragments se groupaient en deux séries, caractérisées parles noms divins, Élohim et 3éova. Vater, Commenta)- ùber den Pentateuch, 3 in-8°, Halle, 18024805, répandit cette nouvelle hypothèse en Allemagne. Moïss a bien pu rédiger quelques-uns des fragments, entrée dans la composition du Pentateuque ; mais il n’est pas le compilateur du recueil. Celui-ci n’a fait que juxtaposer dans l’ordre chronologique des fragments d'époques différentes, qui sont demeurés disparates. Les lois en particulier avaient été promulguées selon les occurrences. La première collection, le Deutéronome, existait déjà au temps de David et de Salomon ; on la retrouva sous Josias. Les fragments historiques et législatifs, composés dans l’intervalle, y furent joints. Le Pentateuque avait été terminé à une date inconnue, peut-être dans les derniers temps du royaume de Juda. De Wette se rallia à cette hypothèse. Dissertatio critica qua apriorïbus Deuteronomium Pentateuchi libris diversum aliud cujusdam recenlioris auctoris opus esse monstratur, in-4°, Iéna, 1805 ; Beitrâge zur Einleitung in das A. T., Halle, 1807, t. n. Pour lui, la Genèse et l’Exode sont l'épopée nationale des Israélites, formée, comme les œuvres d’Homère, de fragments mythiques divers. Voir t. iv, col. 1377. Le Lévitique est le recueil des lois attribuées à Moïse et soi-disant' données au Sinaï. Les Nombres forment un appendice, sans plan, ajoutés aux trois premiers livres qu’ils continuent. Le Deutéronome comprend des lois postérieures, censées promulguées par Moïse au pays de Moab et différentes de la législation sinaïtique. La collection des cinq livres est postérieure à la découverte du Deutéronome sous Josias. Plus tard, il fixa au temps de la captivité à Babylone la composition du Deutéronome et la dernière rédaction du Pentateuque. Lehrbuch der historischkritische Einleitung in A. T., 3e édit., Berlin, 1829. Pour L. Berthold, Historisch-krilische Einleitung, Erlangen, 1813, part. III, p. 768-842, quelques fragments, dont le Pentateuque est composé, pouvaient être de Moïse lui-même ou, au moins, étaient de son temps. La plupart ont été rédigc-s au commencement du règne de Saûl. Les recueils se sont formés progressivement par le travail de quatre ou cinq écrivains. La collection complète n’a été faite que sous Salomon. Hartmann, Historisch-krilische Forschitngen ûber die Bildung, das Zeitalter und der Plan der fùnf Bûcher Moses, Rostock, 1831, p. 552-700, prétendait que Moïse ne savait pas écrire et que les Israélites n’avaient Connu l'écriture que sous les Juges. Selon lui, les plus anciennes parties du Pentateuque sont postérieures à Salomon, et les recueils écrits de lois appartiennent aux derniers temps de la royauté. Les éléments les plus importants du Pentateuque existaient à l'époque de Jérémie et d'Ézéchiel. On n’y fit plus tard qu’un petit nombre d’additions, d’ailleurs bien reliées au reste. L'état actuel du texte est contemporain de la captivité à Babylone. P. von Bohlen, Genesis, Kœnigsberg, 1835, introduction, adopta les conclusions de Hartmann avec cette seule différence qu’il regardait le Deutéronome, découvert sous Josias, comme la partie la plus ancienne du Pentateuque.

4. Hypothèse complémentaire. — L’hypothèse fragmentaire n’eut guère de succès. Par réaction contre l'émiettement des fragments, on en arriva à considérer le Pentateuque comme l'œuvre d’un premier écrivain, complétée plus tard par un rédacteur, comme une histoire complète et suivie à laquelle on rattacha en guise de suppléments des lambeaux de toute sorte. Kelle, Verurtheilsfreie Wùrdigung der mosaischen Sehrif&

ten, Freyberg, 1812, soutint que la Genèse était un livre primitivement bien ordonné, mais dont les récits avaient été déformés et le plan disloqué par des interpolations successives. H. Ewald, Die Komposition der Genesis, Brunswick, 1823, en raison du plan, de l’unité du style et de l’origine du fond, soutint que la Genèse était l'œuvre non pas de Moïse, il est vrai, mais d’un seul auteur qui n’avait recouru ni à des documents ni même à des fragments antérieurs. Le même critique, rendant compte de l’ouvrage de Stàhelin, Kritische Untersuchung ûber die Genesis. 1830, favorable à l’hypothèse documentaire, déclara que le Pentateuque entier avait à sa base un écrit unique, élohiste, comprenantquelques morceaux antérieurs tels que leDécalogue et le livre de l’alliance, et dans lequel un rédacteur inséra comme compléments des extraits d’un écrit jéhoviste postérieur. Sludien nnd Kriliken, 1831, p. 595606. F. Bleek, abandonnant l’hypothèse documentaire, enseigna que l'écrit élohiste primitif avait été complété par un rédacteur jéhoviste au moyen de ses propres récits et d’autres compléments. Le Deutéronome est plus récent et a été joint à l'écrit primitif complété sous le règne de Manassé dans la première moitié du vne siècle. De libri Geneseos origine atque indole historien observa tiones, 1836.

Le principal tenant de l’hypothèse complémentaire fut F. Tuch. Commantar ûber die Genesis, Halle, 1838. A son sentiment, l'élohiste est le Grundschrift, « écrit fondamental, » comprenant toute la partie législative et les principaux récits historiques et dérivant de sources écrites. Il a été complété par le rédacteur jéhoviste, peut-être d’après un autre document, mais certainement d’après la tradition orale et des sources écrites. L'élohiste est antérieur à Salomon, et le jéhoviste contemporain de ce roi. De Wette accepta cette hypothèse dans les 5e et 6e éditions de son Einleitung, 1840, 1845. Stàhelin l’adopta aussi et l’appliqua à tous les livres nommés dans le titre de son ouvrage. Kritische Untersuchungen ûber den Pentateuch, die Bûcher Josua, Richter, Samuelis und der Kônige, Bàle, 1843. Il rapportait l'élohiste au commencement de l'époque des Juges et le jéhoviste au règne de Saùl. C. von Lengerke, Kanoan, Volks und Religionsgeschichte Isræls bis zum Tod des Josua, Koenigsberg, 1844, modifia les dates, rapportant l'élohiste au début du règne de Salomon et le jéhoviste à l'époque des rapports de Juda avec l’Assyrie, vers le règne d'Ézéchias. Franz Delitzsch, Die Genesis, Leipzig, 1852, se rallia aussi momentanément à cette hypothèse.

5. Nouvelle hypothèse documentaire. — Cependant l’ancienne hypothèse des sources avait été reprise. Gramberg, Libri Geneseos secundum fontes rite dignoscendos adumbratio nova, 1828, et Stàhelin, Kritische Untersuchung ûber die Genesis, 1830, distinguaient dans la Genèse deux documents élohiste et jéhoviste, compilés plus tard. F. Bleek, Beitrâge zu den Forschungen ûber den Pentateuch, dans Studien und Kriliken, 1831, p. 488-524, prétendit que l’Hexateuque actuel avait eu au moins deux rédacteurs : l’auteur de la Genèse qui, avant le schisme des dix tribus, avait rédigé, selon le plan de l’Hexateuque, une histoire dans laquelle il avait reproduit littéralement des chants, des narrations et des lois antérieurs, en les combinant avec les données de la tradition orale ; l’auteur du Deutéronome qui, vers la fin du royaume de Juda, a inséré son œuvre dans le premier récit, qu’il modifiait et complétait surtout dans la partie qui forme le livre actuel de Josué. H. Ewald, abandonnant l’hypothèse fragmentaire, distingua cinq documents : a) le livre des alliances, écrit historique, rédigé au temps de Samson, qui allait d’Abraham à l'époque des Juges ; ê) le livre des origines, le Grundschrift élohiste, œuvre d’un lévite du début du règne de Salomon, qui conte nait l’histoire depuis la création jusqu'à la consécrationdu Temple de Salomon ; y) un récit composé par uns Éphraïmite dn x « ou du IXe siècle, contemporain d'Élie ou de Joël, qui racontait l’histoire de Moïse d’aprèsle premier document ; 8) un récit de la fin du ix= ou du commencement du vme siècle ; s) un écrit jéhoviste r œuvre d’un judéen de la première moitié ou du milieu, du "VIIe siècle, sous Osias ou Joatham. Ce dernier est le rédacteur de l’Hexateuque. Le Deutéronome formait un livre à part, rédigé dans la première partie du règnede Manassé par un juif qui vivait en Egypte et complété sous Josias par la bénédiction de Moïse, xxxiv.. Geschichte Isræls, Gœttingue, 1843, 1845, t. i, p. 60164 ; t. ii, p. 1-25. Dans les éditions suivantes, 2e, Gœttingue, 1851, 1853, t. i, p. 80-175 ; t. ii, p. 14-45 ; 3%. Gœttingue, 1864, t. i, p. 94-193, le Deutéronome de 1° fin du vif siècle a été retouché par le dernier rédacteur de l’Hexateuque, qui y a ajouté la bénédiction deMoïse. Seul, Michel Nicolas, Études critiques sur la Bible. Ancien Testament, Paris, 1862, p. -46-94, a adopté une partie des conclusions d’Ewald.

Les vues de Knobel n’ont pas eu plus de succès. Ce critique distinguait trois documents : a) le Grundschrift élohiste, composé sous Saül au moyen de sources antérieures ; b) le livre du droit, Rechtsbuch, moins complet que le précédent et fait d’après lui, contenant des lois morales et la législation théocratique, œuvre d’un lévite du royaume du nord, qui vivait à l'époque où ce royaume a été détruit par les Assyriens ; c) le livre des guerres, Kriegsbuch, ainsi nommé en raison de ses nombreux récits de bataille, composé d’après le livre du juste et le Grundschrift. Ce dernier document n’a jamais eu une existence séparée. Son auteur qui employait le nom de Jéhovah, un judéen du temps de Josaphat, un lévite probablement, a complété l’ouvrage entier par des traditions et des légendes populaires pour l’histoire primitive et à l’aide de documents pour l’histoire patriarcale. Le Deutéronome, qui est un ouvrage distinct, est plus récent, son auteur a vécu sous Josias et sa langue ressemble à celle de Jérémie. Kritik des Pentateuch und Josua, p. 489-599.

H. Hupfeld, Die Quellen der Genesis und die Art ihrer Zusamniensetzung, Berlin, 1853, a fait entrer l’hypothèse documentaire dans une voie nouvelle, que les critiques ont depuis lors généralement suivie. Il a distingué dans la Genèse trois documents indépendants : a) le premier, élohiste, qui est l’ancien Grundschrift, au moins dans son ensemble ; b) un second, élohiste, qui raconte l’histoire des patriarches ; c) le jéhoviste dont le contenu se rapproche beaucoup du précédent. Un rédacteur les a réunis et harmonisés de façon à former une histoire complète et suivie. E. Bbhmer a confirmé les vues de Hupfeld, son maître. Liber Geneseos pentateuchicus, Halle, 1860 ; Das erste Buch der Thora, 1862. Étendant ses recherches au Pentateuque entier, Th. Nôldeke, Untersuchungen zur Kritik des A. T., Kiel, 1869, p. 1-144 ; Histoire littéraire de l’A. T., trad. franc., Paris, 1873, p. 17-59, distingua quatre documents : le jéhoviste, un second jéhoviste plus ancien, le Grundschrift (élohiste), et le Deutéronome le plus récent des quatre. Les quatre premiers livres du Pentateuque et Josué avaient été formés avant la rédaction du Deutéronome. E. Schrader, Einleitung de de Wette, 8e édit., Berlin, 1869, ne reconnaissait que deux documents principaux : a) l'élohiste ou Grundschrift, œuvre d’un prêtre de Juda contemporain de David ; b) le second, élohiste, composé par un Israélite du nord peu après le schisme des dix tribus. Le jéhoviste les réunit en les remaniant et en y ajoutant de nouveaux morceaux, entre 825 et 800, sous le règne de Jéroboam II. Le Deutéronome, iv, 44-xxviii, 69, formait un ouvrage spécial, rédigé peu avant sa découverte au Temple par un écrivain qui touchait de très prés à Je

  • -émie. Pendant ]a captivité, il fut joint aux quatre premiers livres ; il subit alors des retouches et reçut des

.additions.

Un revirement d’opinion modifia ensuite les dates attribuées à deux de ces documents : le Grundschrift, considéré comme le plus ancien, passa pour le plus récent et le Deutéronome ne tint plus la dernière place. La théorie du développement religieux en Israël, proposée par Reuss en 1830 et 1834, puis par Vatke, Die Religion des A. T. nach den kanonischen Bùchern entwickelt, Berlin, 1835, t. i, et par George, Die alteren jïtdischen Feste mit einer Krilik der Gesetzgebung des Pentateuchs, Berlin, 1835, fut reprise par Graf, Die geschichtlichen Bûcher des A. T., Leipzig, 1865, 1866, et dans Merx, Archiv fur ivissenschâftliehe Erforschung des A. T., Halle, 1869, t. i, p. 366-477, et appliquée à la critique littéraire de l’Hexateuque. Elle a donné naissance au système des quatre documents qui est aujourd’hui prédominant parmi les critiques, adversaires de l’authenticité mosaïque du Pentateuque. En voici le résumé :

a) Document élohiste, E. — Nommé ainsi, parce que son auteur s’abstient systématiquement, avant la révélation de Jéhovah à Moïse au Sinaï, d’employer ce nom révélé, et désigne Dieu sous le nom d'Élohim, ce document est le moins étendu et le moins important des quatre. Il n’a été inséré dans l’Hexateuque que par lambeaux, et par suite on a discuté sur son point de départ. On pense généralemeut qu’il rie contenait pas d’histoire des origines et qu’il débutait par l’histoire des patriarches. On lui attribue Gen., xx, 1-17 ; xxi, 6-32a ; xxil, 1-14, 19 ; xxviii, 11, 12, 17, 18, 20-22 ; xxix, 1, 15-23, 2528, 30 ; xxx, l-3 « , 6, 8, 17-20a, 21-23 ; xxxi, 2, 4-18a, 1945, 47, 51-55 ; xxxii, 1-3, 146-22, 24 ; xxxrn, 186-20 ; xxxv, 1-8, 16-20 ; xxxvii, 26, 5-11, 14a, 15-18a, 19, 20, 22, 236, 24, 28a, 29, 30, 31 b, 32a, 34, 36 ; XL, 1-XLii, 37 ; xliii, 14, 236 ; xlv, 1-xlvi, 5a ; xlvii, 12 ; xlviii, 1, 2, 8-22 ; l, 15-26 ; Exod., i, 15-u, 14 ; iii, 1-6, 9-15, 21, 22 ; iv, 17, 18, 206, 21 ; vii, 206, 21a, 24 ; ix, 22, 23a, 35 ; x, 8-13a, 20-27 ; xi, 1-3 ; xii, 31-36, 376-39 ; xv, 1-21 ; xvii, 3-6, 8-xvin, 27 ; xix, 26-19 ; xx, 1-21 ; xxi, 1-xxhi, 33 ; xxiv, 3-8, 12-15a, 186 ; xxxi, 186-xxxii, 8, 15-xxxm, 23. Dans le livre des Nombres, le partage entre l'élohiste et le jéhoviste est si difficile à opérer que les plus récents critiques renoncent à le faire et se bornent à attribuer à JE les passages qu’ils distinguent du code sacerdotal, à savoir Num., x, 29-xii, 15 ; xiii, 176-20, 22-24, 26631, 326, 33 ; xiv, 3, 4, 8, 9, 11-25, 31-33, 39-45 ; xvi, 16, 2a, 12-15, 25, 26, 276-32a, 33, 34 ; xx, 16, 3a, 5, 14-21 ; xxi, 1-3, 46-9, 12-35 ; xxii, 2-xxv, 5 ; xxxii, 1-17, 20-27, 38-42. Quelques versets du Deutéronome, x, 6, 7 ; xxvii, 5-7a ; xxxi, 14, 15, 23 ; xxxiii, 1-28 ; xxxiv, 5, 6, proviendraient de E, et xxxiv, 10-12, de JE. Certains critiques retrouvent un élohiste dans les livres de Josué, des Juges, de Samuel et des Rois. Son récit irait jusqu'à la mort de Saül (Cornill) ou même jusqu’au temps d’Achab (Bacon).

C'était donc un livre historique, commençant à Abraham et racontant l’histoire de Moïse et de la conquête de la Palestine d’après une tradition différente de celle qu’a reproduite le document jéhoviste. Elle comprenait le Décalogue et le livre de l’alliance, comme législation donnée à Moïse sur le mont Horeb. Ses récits seraient très objectifs et très précis. L’auteur, qui était au courant des choses égyptiennes, était déjà dominé par les vues religieuses des premiers prophètes d’Israël. Il rédigeait une histoire théocratique plutôt qu’une histoire nationale. Il employait des expressions spéciales, et son style paraît uni et coulant, quoique parfois peu châtié. Comme presque toutes les traditions qu’il rapporte se rattachent à des localités du royaume d’Israël, on pense généralement qu’il était de ce royaume. O. Procksch, Dos nordhebrâisches Sagenbuch. Die Elohimquelle,

Leipzig, 1906. Quelques critiques ont nié l’unité littéraire de son œuvre et distingué plusieurs élohistes, deux au moins, sinon trois, E 1, E 2, E 3. Dans l'école de Wellhausen, on prétend que l'élohiste est plus récent, d’une centaine d’années, que le jéhoviste. Les traditions de celui-ci paraissent, dit-on, plus fraîches, plus simples et plus naïves. Mais d’autres critiques, Dillmann, Kittel, Kônig et même Winckler, pour des raisons différentes, soutiennent la priorité de E. Les dates proposées sont donc divergentes ; elles s'échelonnent du IXe au vin" siècle avant notre ère. Toutefois, l’auteur aurait inséré dans son œuvre des documents antérieurs : morceaux poétiques, tirésdu livre des guerres de Jéhovah, Num., xxxi, 14, 15, et du livre du juste ou des justes, Jos., x, 12, 13, voir t. iii, col. 1873—1875, à savoir le chant du puits, Num., xxi, 17, 18, voir t. i, col. 1548, et le chant d’Hésébon, Num., xxi, 27-30, voir t. iii, col. 660, et peut-être aussi le cantique de Moïse après le passage de la mer Rouge, Exod., xv, 1-18, voir t. iv, col. 1211-1212 ; en outre, les oracles de Balaam, Num., xxiii, xxiv (au moins en partie), etla bénédiction des tribus d’Israël parMoïse, Deut., xxxiii, voir t. iv, col. 1213-1214 ; lois morales, le Décalogue, Exod., xx, 1-17 ; lois civiles et rituelles, le livre de l’alliance, Exod., xxi, 1-xhu, 33, voir t. i, col. 388, code israélite le plus ancien, dit-on, qu’on a rapproché du code d’Hammourabi, récemment découvert. Voir t. iv, col. 335-336.

6) Document jéhoviste, J. — On lui a donné ce nom, parce que son auteur a constamment employé le nom de Jéhovah, même avant sa révélation sur le Sinaï. C’est encore un livre historique ; mais il remonte jusqu’aux origines de l’humanité, et après l’histoire primitive, il raconte l’histoire des patriarches, ancêtres d’Israël, et du peuple juif au moins jusqu’après la conquête de la Terre Promise. On lui attribue les passages suivants du Pentateuque : Gen., ii, 46-IV, 26 ; v, 29 ; vi, 1-8 ; vii, 1-5, 7-10, 12, 166, 17, 22, 23 ; viii, 26, 3a, 642, 136, 2022 ; ix, 18-27 ; x, 8-19, 21, 24-30 ; xi, 1-9, 28-30 ; xii, l-4a, 6-20 ; xiii, 1-5, 7-llct, 126, 20-22 ; ix, 18-27 ; x, 8-19, 21, 24-30 ; xi, 1-9, 28-30 ; xii, l-4a, 6-20 ; xiii, 1-5, 7-lla, 126-18 ; xv ; xvi, 16, 2, 4-14 ; xviii, 1-xix, 28, 30-38 ; xxi, la, 2a, 33 ; xxii, 15-18 ; xxiv, 1-xxv, 6, 116, 18, 21-26a, 27-xxvi, 33 ; xxvii, l-45 ; xxviii, 10, 13-16, 19 ; xxix, 2-14, 31-35 ; xxx, 36-5, 7, 9-16, 24-xxxi, 1, 3, 46, 48-50 ; xxxii, 3-13a, 22, 24-xxxiii, 17 ; xxxiv, 26, 3, 5, 7, 11, 12, 19, 25, 26, 30, 31 ; xxxv, 14, 21, 22a ; xxxvii, 3, 4, 12, 13, 146, 186, 21, 23a, 25-27, 286, 31a, 326, 33, 35 ; xxxviii ; xxxix ; xlii, 38 ; xliii, 1-13, 15-23a, 24-xliv, 34 ; xlvi, 28-xlvii, 6, 13-27a, 29-31 ; xlix, 16-28a ; l, 1-11, 14 ; Exod., i, 6, 8-12 ; ii, 15-23a ; iii, 7, 8, 16-20 ; iv, 1-16, 19, 20a, 22-vi, 1 ; vii, 14-18, 23, 25-29 ; viii, 4-lla, 16-ix, 7, 13-21, 236-34 ; x, 1-7, 136-19, 28, 29 ; xi, 4-8, 21-27, 29, 30 ; xiii, 3-22 ; xiv, 5-7, 10-14, 19, 20, 216, 24, 25, 276, 30, 31 ; xv, 22-27 ; xvi, 4 ; xvii, 16, 2, 7 ; xix, 20-25 ; xx, 22-26 ; xxiv, 9-11 ; xxxii, 9-14 ; xxxiv, 1-28. Pour les Nombres, la part du jéhoviste est si étroitement mêlée à celle de l'élohiste qu’on ne peut les distinguer avec certitude, voir col. 89. Dans le Deutéronome, on n’attribue au jéhoviste que xxxiv, 16-4. Le jéhoviste racontait aussi l’histoire de la conquête de la Palestine, si même il ne parlait pas des Juges. J. Lagrange, Le livre des Juges, Paris, 1903, p. xxm-xxxii.

Ce document envisageait les faits qu’il rapportait au point de vue religieux et moral, et l’histoire qu’il contient est à la fois nationale et religieuse. Pour la période, primitive, il a reproduit la tradition populaire et quelques chants de l'âge héroïque : le chant de Lamech, Gen., ii, 23, 24, voir t. iv, col. 41-42, et la bénédiction de Jacob mourant. Gen., xlix. Cf. J. Lagrange, La prophétie de Jacob, dans la Revue biblique, 1898, t. vii, p. 539-540 ; FI. de Moor, La bénédiction de Jacob, Bruxelles, 1902. L’histoire des patriarches est foncièrement la même que dans l'écrit élohiste ; elle ne se

diversifie que par quelques particularités. De plus notables divergences sont signalées dans l’histoire de Moïse et de la conquête de Chanaan. L’auteur reproduit, Exod., xxxiv, 11-26, une forme, exclusivement religieuse et rituelle, du Décalogue, révélé au Sinaï, ou au moins un fragment d’un écrit législatif. Dans le récit des faits, cet historien suit l’ordre chronologique. Il se plait à indiquer l'étymologie des noms de personnes et de -lieux, et il rapporte des détails qui lui sont propres. Il envisage l’histoire de l’humanité et d’Israël en conformité avec les idées religieuses et morales des prophètes. Jéhovah est le Dieu du monde entier, le Dieu tout-puissant, la providence de son peuple de choix. Les critiques déclarent que le jéhoviste est le meilleur narrateur de tout l’Ancien Testament. Son livre est une sorte d'épopée nationale. Parce que le théâtre des événements dont on lui attribue le récit est souvent Hébron ou ses environs, on regarde généralement l’auteur comme un judéen. Toutefois, on s’est demandé si l’ouvrage était d’un seul jet, et plusieurs critiques ont cru y reconnaître des traces d’au moins deux mains différentes, J 1 etJ 2. Voir lCuenen, Histoire critique des livres de l’A. T., trad. franc., Paris, 1866, t. i, p. 151-158, 162163 ; Budde, Die biblische Urgeschichte, Giessen, 1883, p. 521-531 ; Corail], Einleitung in das A. T., 3e et 4e édit., Fribourg-en-Brisgau et Leipzig, 1896, p. 43-46 ; C. Bruston, Les deux jéhovisles, Montauban, 1885. Quant à la date de la composition, on la fixe communément au IXe siècle" vers 850, au moins pour J 1. Quant à J a, pour ceux qui admettent son existence, il serait du vme ou du vn= fièole.

c) Le Deutéronome, D. — Les critiques ont longuement discuté sur le contenu primitif de cette législation qui se présente comme ayant été promulguée par Moïse au pays de Moab avant l’entrée des Israélites dans la Terre Promise. Considérant le caractère disparate du contenu, visible malgré l’unité apparente du livre, ils ont pensé que le Deutéronome actuel n’est pas une œuvre homogène, mais qu’il comprend un fond primitif, complété, remanié et finalement arrangé pour servir de conclusion au Pentateuque. Les plus modérés conservent au Deutéronome primitif, D, l’ensemble des c. i-xxxi, retouchés par un rédacteur, Rj. Cf. F. Montet, Le Deutéronome et la question de VHeccateuque, Paris, 1891, p. 49-116 ; Driver, Einleitung in die Literatur des A. T., trad. allemande, Berlin, 1896, p. 98-103 ; Deuteronotny, Londres, 1895 ; A. Van Hoonacker, L’origine des quatre premiers chapitres du Deutéronome, Louvain, 1889. D’autres restreignent le noyau à v-xxvi, avec iv, 45-49, comme introduction, et une conclusion, qui varie selon les individus (Kuenen, Kônig, Reuss, Renan, Westphal). Cf. Bertholet, Deuteronomium, Tubingue, 1899. Un troisième groupe le réduit à xii, 1-xxvi, 19. Wellhausen, Die Composition des Hexateuchs, Berlin, 1889, p. 189-210, pensait qu’on en avait fait plus tard deux éditions différentes, comprenant, la première, 1, 1-rv, 44 ; xii-xxvi ; xxvii, et la seconde, iv, 45-xi, 39 ; xii-xxvi ; xxviii-xxx, finalement combinées par le rédacteur qui a inséré le Deutéronome dans l’Hexateuque. Cornill, Einleitung, p. 27-28, a disposé un peu autrement la part de chaque édition. Wildeboer, Die Literatur des A. T., 2e édit., Gœttingue, 1905, p. 177 ; Holzinger, Einleitung in den Hexateuch, Fribourg-en-Brisgau et Leipzig, 1893, p. 274-275, et L. Gautier, Introduction à l’A. T., Lausanne, 1906, 1. 1, p. 79-84. L. Horst, Éludes sur le Deutéronome, dans la Revue de l’histoire des religions, 1887, t. xvi, p. 2865, a considéré le code lui-même, xii-xxvi, comme un recueil ou plutôt une compilation d'éléments préexistants, réunis sans ordre et souvent comme au hasard. Stærk, Das Deuteronomium, Leipzig, 1894, et Steuernagel, Der Hahmen des Deuteronomium, Halle, 1894 ; Die Enstehung des deuleronomischen Gesetzes, Halle,

1896, ont isolé, mais d’une façon divergente, dans lecode les passages dans lesquels le législateur emploie le singulier [tu) et ceux où il se sert du pluriel (vous)Cf. Steuernagel, Deuteronomium und Josua, Gœttingue, 1900, p. m-vi. Tous les critiques admettent par suite, non pas un seul écrivain deutéronomiste, mais toute une école, animée du même esprit. Ils discernent donc, en dehors du Deutéronome primitif, D 1, des couches, , secondaires, D 2, D 3, qui ont pénétré aussi dans le livre de Josué. Cf. F. de Hummelauer, Josue, Paris, 1903, p. 57-60.

Le Deutéronome dépend des documents précédentset pour l’histoire et pour la législation. Dans les introductions historiques et dans les allusions que contiennent les exhortations, il résume les faits racontés dans Pélohiste et le jéhoviste. Cf. Fr. de Hummelauer, Deuteronomium, Paris, 1902, p. 149-158. Les détailsnouveaux qu’il donne proviennent peut-être des fragments perdus de ces deux histoires. Il n’impose pasnon plus une législation nouvelle. H exhorte ses auditeurs à pratiquer fidèlement la législation donnée par Dieu au Sinaï ou à l’Horeb, iv, 9-15, à garder l’alliance contractée avec Dieu et à observer le Décalogue, v, 1-33. Le code lui-même s’inspire du livre de l’alliance, en développe les dispositions, en tire les conséquences et y ajoute des ordonnances nouvelles, parce qu’il est adapté à une situation différente. Toutefois, c’est plusqu’une mise au point de l’ancien droit religieux ; c’est aussi une réaction contre le passé et l’introduction d’un esprit nouveau dans les mœurs et les pratiques populaires. Il va à rencontre du livre de l’alliance, et s’ij s’en rapproche, c’est pour prendre sa place. Il se donne comme le code complet et homogène, promulgué par Moïse au pays de Moab, comme le code de l’avenir que les Israélites devront observer quand ils seront établis en Chanaan. Le livre de l’alliance représente aux yeux de son auteur le culte ancien de l'époque où chacun faisait ce qui lui semblait bon. Tout en sanctionnant quelques usages d’autrefois, il s'écarte fortement du passé par la centralisation du culte, à laquelle il rattache et la célébration des fêteset les fonctions des ministres sacrés. S’il n’est pas une fiction pure, il est ou bien un précipité et une cristallisation des idées des prophètes précédents, qu’il condense et codifie en les attribuant, en toute bonne foi, à Moïse, le premier des prophètes, ou bien la codification des coutumes anciennes, ayant reçu par l’usage force de lois, ou enfin, pour quelques critiques, l’utilisation de sources écrites antérieures. Le seul élément nouveau consiste dans l’exhortation ou parénèse à observer la loi, surtout dans les motifs d’obéir à Dieu : la fidélité à garder l’alliance contractée avec Dieu et l’amour de ce Dieu, qui a tant aimé son peuple choisi. L'écrivain a aussi ses expressions propres et un style très caractéristique. Les locutions spéciales correspondent, du reste, au contenu et au genre littéraire. Le Deutéronome est un code de lois, exposé et expliqué dans une homélie ; c’est une série de discours prononcés pour encourager à la pratique de la loi divine. Les ordonnances portent des noms techniques, et l’homéliste a des formules préférées qu’il répète constamment et qui sonnent comme des refrains. C’est un prédicateur qui exhorte avec onction et persuasion. Il parle clairement pour être compris du peuple ; il s’insinue doucement dans l’esprit de ses auditeurs et il ne se lasse pas d’insister sur l’observation fidèle de la loi divine. Son exhortation traîne même en longueur ; il veut toujours arriver au fait et il n’y parvient jamais. Il revient en arriére et répète ce qu’il a dit. Son style n’est pas concis, et l’uniformité des formules finit par le rendre fastidieux.

Quant à la date de la composition du Deutéronome, ella est très diverse selon les divers critiques. Le point

de départ de sa détermination esl le fait de la découverte de ce livre au Temple de Jérusalem, à la 18e année du règne de Josias. II Beg., xxii, 3-xxm, 23. Quelques critiques français ont dénié toute valeur historique au récit de ce fait et prétendu qu’il avait été fabriqué d’après le Deutéronome, dont ils rabaissaient la publication après le retour de la captivité, sinon même sous la domination perse. L. Havet, Le christianisme et ses origines, Paris, 1878, t. iii, p. 137-157 ; G. d’Eichthal, Éludes sur le Deutéronome, dans ses Mélanges de critique biblique, Va.rs, 1886, p. 85-108 ; Hoort, Études sur le Deutéronome, dans la Revue de l’histoire des religions, 1888, t. xyii, p. 11-22 ; t. xviii, p. 320-334 ; M. Vernes, Une nouvelle hypothèse sur la composition du Pentateuque. Examen des vues de M. G. d’Eichthal, Paris, 1887 ; Précis d’histoire juive, Paris, 1889, p. 795. Mais la vérité historique du récit est démontrée, cf. Piepenbring, La réforme et le code de Josias, dans la Revue de l’histoire des religions, t. xxix, et admise, pour le fond au moins, par tous les critiques. Ils en concluent que D 1 est antérieure 621, puisqu’il a été retrouvé cette année-là. Mais le désaccord le plus profond règne sur la date précise de sa composition. La plupart des critiques de l'école de Wellhausen ne la remontent guère avant 621. Selon eux, la trouvaille n’a été ni fortuite ni imprévue ; elle a été préméditée et faite en vue de réaliser une réforme religieuse. Le livre avait donc été rédigé dans ce dessein, caché et présenté comme l'œuvre de Moïse. Du reste, il apparaît comme un compromis entre le parti prophétique et le parti sacerdotal ou, au moins, comme le programme religieux et politique du parti prophétique du temps. Mais si le code avait été fabriqué en vue de la réforme, il ne devrait contenir que les lois propres à amener la réforme. Or il comprend beaucoup d’ordonnances qui n’ont aucun rapport à ce projet. Cf. P. Martin, De l’origine du Pentateuque (lithog.), Paris, 1887-1888, t. ir, p. 243-270. Aussi Cornill et Bertholet tiennent-ils le Deutéronome pour un produit et un résumé de l’enseignement des prophètes, comme un précipité et une cristallisation de leurs vues. Colenso et Renan en attribuaient la paternité au prophète Jérémie. Mais les critiques pensent plutôt que Jérémie a connu le Deutéronome, dont il a partiellement pris l’esprit et imité le style. Voir t. iii, col. 1278. Pour quelques-uns, le livre serait pourtant du temps de ce prophète. D’autres, rejetant l’hypothèse d’une fraude et de la fabrication intentionnelle du Deutéronome, pensent que ce code a été réellement perdu de vue à la fin du VIIIe siècle et qu’il aurait été rédigé au cours de ce siècle sous les règnes d'Ézéchias ou de Manassé. Pour exclure le temps d'Ézéchias, plusieurs constatent l’absence de points de contact et d’affinité entre le Deutéronome et le prophète Isaïe, contemporain et conseiller de ce roi. Le Deutéronome tend plutôt à réaliser les vues d’Osée et d’Isaïe. On y voit dès lors un programme de réforme religieuse élaboré sous le long règne de Manassé par réaction contre l’idolâtrie introduite par ce roi en Juda. Voir t. iv, col. 642. Quelques-uns néanmoins ont pensé à la réforme d'Ézéchias, II Reg., xviii, 4-6, quoique, en dehors de la suppression des hauts-lieux, elle ne présente aucun caractère deutéronomiste. Voir t. ii, col. 2142-2144. Klostermann a reconnu le Deutéronome dans le livre lu au peuple sous Josaphat. II Par., xvzi, 9. Mais ce pieux roi n’a pas détruit les hauts-lieux, I Reg., xxii, 44 ; aussi d’autres critiques pensent-ils que le livre de l’alliance fut 2a règle de sa réforme. Voir t. iii, col. 1648. Kleinert rapportait le Deutéronome à la fin de l'époque des Juges.

d) Le code sacerdotal, P. — C’est l’ancien élohiste ou premier élohiste ou encore le Grundschrift, nommé enfin par Wellhausen Priestercodex (d’où le sigle P) ou

  • code sacerdotal », parce qu’il contenait la législation

sacerdotale et rituelle des livres du milieu. Cette dénomination ne convient qu'à la partie principale du document, qui est à la fois un livre historique et un code ; elle a été néanmoins adoptée. Ce document, qui a fourni au dernier rédacteur le cadre de l’Hexateuque, a été conservé en entier, sauf de rares lacunes ; aussi, reconstitué à part, forme-t-il un tout suivi et coordonné. On attribue à son auteur la division de la Genèse en tôldôt, ou tableaux généalogiques. Voici la part qui lui revient dans la Genèse : i, 1-n, 4a ; v, 1-28, 30-32 ; vi, 9-22 ; vii, 6, 11, 13-16 a, 18-21, 24 ; viii, l-2a, 3b-5, 13a, 14-19 ; ix, 1-17, 28, 29 ; x, 1-7, 20, 22, 23, 31, 32 ; xi, 10-27, 31, 32 ; xii, 46, 5 ; xiii, 6, U6-12a ; xvi, la, 3, 15, 16 ; xvii ; xix, 29 ; xxi, 16, 26-5 ; xxm ; xxv, 7-lla, 12-17, 19, 20, 266 ; xxvi, 34, 35 ; xxvii, 46xxvih, 9 ; xxix, 24, 29 ; xxxi, 18 6 ; xxxiii, 18a ; xxxiv, 1, 2a, 4, 6, 8-10, 13-18, 20-21, 27-29 ; xxxv, 9-13, 15, 226xxxvii, 2a ; xlvi, 5b-27 ; xlvii, 7-11, 27 6, 28 ; XLvni, 3-7 ; xlîx, la, 286-33 ; L, 12, 13. Dans la suite, Exod.. i, 1-5, 7, 13, 14 ; ii, 236-25 ; vi, 2-vn, 13, 19, 20a, 216, 22 ; viii, 1-3, 116-15 ; ]x, 8-12 ; xi, 9-xii, 20, 28, 37a, 40-xm, 2 ; xiv, 1-4, 8, 9, 15-18, 21a, 21c-23, 26, 27a, 28, 29 ; xvi, 1-3, ô-xvii, la ; xix, l, 2a ; xxiv, 1, 2, 15618a ; xxv, l-xxxi, 18a ; xxxiv, 29. — Num., x, 28(y compris le Lévitique) ; xiii, 1-17 a, 21, 25, 26a, 32a ; xiv, 1, 2, 5-7, 10, 26-30, 34-38 ; xv, 1-xvi, la, 26-11, 16-24, 27a, 326, 35-xx, la, 2, 36, 4, 6-13, 22-29 ; xxi, 4a, 10, 11 ; xxii, 1 ; xxv, 6-xxxi, 54 ; xxxii, 18, 19, 28-33 ; xxxiii, 1-xxxvi, 13 ; Deut., iv, 4143 ; xxxii, 48-52 ; xxiv, la. Le récit de P se poursuivait dans le livre de Josué. S’il fournissait peu de détails sur la conquête, il était plus étendu sur le partage du pays de Chanaan.

Dans ce document, la législation est plus développée que l’histoire ; celle-ci, d’ailleurs, n’est que le cadre historique des institutions religieuses d’Israël. Elle remonte jusqu’aux origines et présente les premiers temps de l’humanité comme les débuts du peuple théocratique, dont l’institution commence à la sortie d’Egypte. Elle n’est pas très détaillée : les événements principaux sont longuement racontés ; mais pour les faits intermédiaires, l’auteur procède par tableaux généalogiques ou se borne à indiquer les stations d’Israël au désert. La préparation de l’histoire de Moïse comprend trois alliances de Dieu avec Adam, Noé et Abraham. Si on y joint l’histoire de Moïse, qui rapporte l’alliance du Sinaï, le code se divise en quatre périodes, , qui lui ont fait donner par Wellhausen le nom de Vierbundesbuch, « le livre des quatrealliances. » La quatrième alliance embrasse toute la législation mosaïque. Celle-ci est essentiellement sacerdotale et rituelle, et elle a pour but d'établir le peuple saint par excellence (hiérocratie) et la société religieuse en Israël. Voir t. iv, col. 330-332. Bien que le code sacerdotal règle principalement les manifestations extérieures du culte, il n’exclut pas les lois morales, dont il suppose l’observation exacte. Sa terminologie est très nettement caractérisée, et elle comprend naturellement de nombreuses expressions techniques qui désignent les choses du culte. L’auteur répète souvent les mêmes formules dans ses récits aussi bien que dans ses recueils de lois. Quelques-unes sont stéréotypées. Il a le souci de l’exactitude et de la précision, mais il tombe dans la prolixité. Son style est peu imagé, et sa langue est abstraite.

Le code sacerdotal était lui-même une compilation. L’enchaînement des matériaux paraît brisé par de longues additions intercalées ; certaines lois sont répétées ; quelques dispositions sont divergentes. Tous les morceaux cependant ont le même esprit, le même caractère général et le même style ; s’ils viennent de la même école, ils ne sont pas de la même main. Aussi les critiques ont-ils distingué dans le code trois couches différentes : a) un écrit historique et législatif, appelé priesterliche Grundschrift, « l'écrit fondamental sacer

dotal, » P 1 ou Ps, parce qu’il fait le fond du code ; p) un recueil particulier des lois, que Klostermann a nommé Heiligeitsge$elz, « loi de sainteté, » H, P 2 ou P*>, Lev, , xvii-xxvi, parce qu’il traite spécialement de la sainteté lévitique, code plus ancien (contemporain d'Ézéchiel, ou un peu postérieur, sinon même, selon quelques-uns, l'œuvre de ce prophète), incorporé postérieurement dans l'écrit fondamental sacerdotal ; yj des parties secondaires, P 3, P*, P », selon Jïuenen, P s ou P 1 selon d’autres critiques, retouches et additions qui proviendraient peut-être de couches superposées et seraient l'œuvre d’nne école plutôt que d’une seule main. Bertholet et Bæntsch ont distingué, en outre, deux recueils de lois : a) un rituel de sacrifices, Opferthora, P », Lev., i-vh ; p) des préceptes ; relatifs à la 'pureté légale, Reinheitsvorschriflen, V', Lev., xi-xv, qui auraient été insérés dans HPg réunis, avant que le travail de P s ait commencé.

Selon les partisans de la première hypothèse documentaire, le Grtmdschrift, qui correspond presque entièrement au code sacerdotal, passait pour la partie la plus ancienne du Pentateuque. C'était le livre du mosaïsme, le document qui reflétait le mieux l’esprit de Moïse, son auteur. Quelques critiques cependant, tels queC. Bruslon, Vhistoiresacerdotaleel le Deutéronome primitif, Paris, 1906, et A. Dillmann, Uebsr die Composition des Heocateuch, dans Die Bûcher Numeri, Deuteronomium und Josua, 2e édit., Leipzig, 1886, tiennent le code pour antérieur au Deutéronome et placent sa composition au moins au milieu du vin » siècle, à une époque où les deux royaumes de Juda et d’Israël étaient encore puissants. Le comte de Baudissin rabaisse sa date vers la moitié du vne siècle. Vie Geschichte der alttestamentlichen Priesterthums, 1889 ; Einleitung in die Bûcher des A. T., Leipzig, 1901. Mais la plupart des critiques font du code sacerdotal le document le plus récent qui soit entré dans la composition de l’Hexateuque. Ils prétendent qu’aucun des livres bibliques, rédigés avant ou pendant la captivité, n’a connu la législation si compliquée de ce code. Les institutions religieuses ou les pratiques rituelles, que signalent ces livres, prouvent bien l’existence d’un culte organisé ; mais elles n’ont point de rapport avec le rituel minutieux de P. Quelques-unes même, telles que l’offrande des sacrifices en tout lieu, et par d’autres personnes que pav des çrêVres, sont opposées aux prescriptions formelles du code et en particulier à la concentration du culte qu’il règle et sanctionne. Si le code existait, on le violait sans scrupule, et les historiens sacrés n’ont pas un mot de blâme pour ces violations de la loi. Ce silence s’explique par la non-existence du code, animé, d’ailleurs, d’un autre esprit que celui qui. se manifeste dans ces livres. Les premiers rapprochements de fond et de forme avec le code se remarquent dans Jérémie ; mais la ressemblance, lorsqu’elle existe, n’est pas complète, et il est plus vraisemblable que l’auteur du code a fait des emprunts au prophète. Il en est de même, dit-on, avec Ézéchiel. Pour ne parler que du nouveau culte organisé par ce prophète, xliv, 10-xlvi, 15, il tient, sous le l’apport du sacerdoce, des fêtes et des sacrifices, le milieu entre D et P, puisque ses descriptions sont plus détaillées que celles du Deutéronome et plus simples que celles du code. Il en résulte que le programme du prophète, rédigé en 573 ou 572, voir t. ii, col. 2152, est antérieur au code qui est plus complet et plus perfectionné. On a cherché à confirmer cette conclusion par l'étude de la langue de P, qui serait plus récente et contiendrait des aramaïsmes. Mais de bons juges, Driver, Journal of phïlology, t. xi, p. 201-236 ; Einleitung, p. 145-146, 168-170, ont reconnu qu’on n’en pouvait rien conclure .au sujet de l'âge du code. Quant à la date précise de sa rédaction, au moins pour Pa, l’accord n’est pas fait.

Les disciples de Wellhausen la fixent après le retour de la captivité. Certains indices, tirés du contenu du livre, la comparaison du code avec la législation religieuse d'Ézéchiel et avec les prophètes qui ont suivi ce retour, tendent, à leur jugement, à reporter le code après le retour des Juifs à Jérusalem. Esdras en particulier aurait lu au peuple le code sacerdotal, II Esd., IX, 1-x, 39, qu’il avait apporté de Babylonie et dont il serait, sinon l’auteur unique, du moins le principal inspirateur. Cf. G. Wildeboer, De la formation du canon de l’A. T., trad. franc., p. 78-79. Donc Pa a été composé au plus tôt à la fin de la captivité à Babylone, sinon même en Palestine après le retour. Mais les critiques qui pensent avec raison qu’Esdras a lu au peuple le Peutateuque entier, voir col. 69, estiment que ! e code avait été rédigé antérieurement, après Ézéchiel, mais avant le retour des premiers captifs (536).

Si le code est de date si tardive, à quelles sources ont été puisés les matériaux mis en œuvre ? Tous les critiques reconnaissent que, pour ses récits historiques, l’auteur dépend de J et de E, probablement déjà combinés. Il en a extrait des tableaux généalogiques et son schème historique jusqu'à la sortie d’Egypte ; mais, selon les disciples de Wellhausen, il a manipulé les matériaux employés conformément à son but et à son plan. Holzinger, Einleitung in den Hexateuch, Fribeurgen-Brisgau, 1893, p. 358-376. Dillmann et Driver pensent toutefois que l’auteur a recouru à d’autres sources historiques que JE ; qu’il n’a pas inventé les faits qu’il est seul à rapporter et qu’il n’a pas non plus falsifié de parti-pris la tradition israélite. Quant à la législation spéciale de P, l'école de "Wellhausen la regarde comme la constitution a priori de la hiérocratie juive, tracée pour servir de règle à la restauration religieuse qui suivit le retour à Jérusalem, projetée dans le passé et attribuée à Moïse. Mais d’autres critiques pensent que les auteurs du code n’ont pas créé de toutes pièces leur système liturgique, qu’ils y ont introduit un grand nombre d'éléments empruntés au culte ancien et qu’ils ont ordonné systématiquement les usages préexistants en les développant et en les adaptant à une situation nouve^e. La tradition orale fut codifiée à l’aide sans doute de règlements écrits avant la captivité.

e) Les rédacteurs et la composition définitive. — Ces. quatre documents, qui sont entrés dans la trame de l’Hexateuque, n’ont pas été mêlés et combinés par une seule main ; plusieurs rédacteurs y ont travaillé et, à en croire les critiques, sauf Dillmann qui a un système spécial, la rédaction du texte actuel a passé par trois stades principaux : a) Un premier rédacteur jéhoviste, Rie ou Ri, a combiné J et E, en les remaniant pour les harmoniser et les adapter au point de vue prophétique, à l'époque deutéronomiste, avant ou plus ou moins longtemps après la rédaction du Deutéronome. — P) Quand le Deutéronome eut été complètement achevé, c’est-à-dire pendant la captivité (vie siècle), un rédacteur animé du même esprit que ce livre R d, incorpora D à JE, en faisant subir à ce dernier quelques modifications nécessaires pour accorder ses récits avec la loi deutéronomique. Probablement même, plusieurs écrivains de la même école travaillèrent à cette rédaction. — Y) Un dernier rédacteur, pénétré de l’esprit et de la lettre du code, Rp, combine JED avec P, en retouchant les deux écrits pour les raccorder. Le nombre et l'étendue des retouches, la nature des remaniements ne sont pas déterminés avec certitude. La table des peuples, Gen., xiv, quelle que soit sa date, aurait étéintroduite alors pour la première fois dans le Pentateuque. Selon Kuenen, la division en cinq livres aurait été faite par ce rédacteur, qui est le dernier et définitif rédacteur du Pentateuque. Ce travail, œuvre d’une école de scribes plutôt que d’un seul individu, serait,

pour les disciples de Wellhausen, postérieur à la promulgation du code par Esdras en 444, et aurait été terminé à la fin du Ve siècle. D’autres critiques, nous l’avons dit déjà, pensent que le code d’Esdras était le Pentateuque actuel (hormis quelques additions postérieures), formé par son école et sous sa direction en vue d’harmoniser tous les documents législatifs d’Israël et de constituer un code complet et unique. La dernière rédaction du Pentateuque aurait donc été exécutée en Babylonie, peu avant le retour à Jérusalem et en vue de la restauration prochaine.

En outre des ouvrages cités, voir Reuss, L’histoire sainte et la loi, Paris, 1879, t. iii, de La Bible ; Driver, Einleitung in die Literatur des alten Testuments, trad. Rothstein, Berlin, 1896, p. 1-170 ; Cornill, Einleitung in das A. T., 3 a et 4e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1896, p. 16-79 ; A. Westphal, Les sources du Pentateuque, 2 in-8°, Paris, 1888, 1892 ; ' Holzinger, Einleitung in das Hexateuch, 2 in-8°, Fribourg-enBrisgau, 1893 ; Wildeboer, Die Literatur des A. T., Gœttingue, 1895 ; 2e édit., 1905, passim ; Addis, The documents of the Hexateuch, 2 in-8°, Londres, 1892, 1893 ; Briggs, The higher criticism of the Hexateuch, 2e édit., New-York, 1897 ; Steuernagel, Allgemeine Einleitung in den Hexateuch, Gœttingue, 1900 ; Carpenter et Harford-Battersly, The Hexateuch, 2 vol., Londres, 1900 ; Carpenter, The Composition of the Hexateuch, Londres, 1902 ; Gautier, Introduction à l’A. T., Lausanne, 1906, 1. 1, p. 53-253 ; Strack, Einleitung in das A. T., 6e édit, Munich, 1906, p. 15-67. Cf. E. Mangenot, L’authenticité mosaïque du Pentateuque, Paris, 1907, p. 16-201.

2° Réponse aux principales objections critiques. — Il est impossible et inutile de discuter ici en détail toutes les difficultés que les critiques modernes ont accumulées contre l’authenticité mosaïque du Pentateuque. Plusieurs, du reste, ont déjà été ou seront résolues dans des articles spéciaux de ce Dictionnaire, auxquels nous renverrons. Après avoir dit un mot de la méthode et des conclusions des critiques, nous examinerons les principaux arguments généraux ou particuliers contre l’origine mosaïque du Pentateuque.

1. Méthode suivie et incertitude des conclusions. — Les critiques modernes ne tiennent aucun compte de la tradition juive et chrétienne, qui attribue à Moïse la composition des cinq livres de Pentateuque, quoique la tradition et l’histoire ne puissent sur ce point être négligées. C’est au livre lui-même et à son contenu seul qu’ils demandent l’explication de son origine. Ils analysent minutieusement le texte, relèvent et exagèrent les inconséquences, les contradictions apparentes et les répétitions pour conclure à la diversité des sources. La méthode suivie est juste en principe, et rien ne s’opposeà la distinction de documents différents que Moïse aurait réunis et combinés pour rédiger l’histoire antérieure à son temps, contenue dans le livre de la Genèse. Mais les critiques étendent la distinction des sources à l’Hexateuque entier et prétendent que ces livres dans leur état actuel sont formés de documents postérieurs de beaucoup à Moïse. Ils s’appuient sur-les anomalies du texte actuel, anomalies la plupart du temps insignifiantes, qui disparaissent à la simple lecture du texte et qui ne peuvent être des signes certains de documents distincts. Aussi, d’accord pour nier l’origine mosaïque du Pentateuque, ils ne peuvent s’entendre, l’histoire de leurs travaux en fait foi, sur la distinction des sources elles-mêmes, sur leurs caractères et la date de leur apparition. Les solutions les plus divergentes ont vu le jour et se sont succédé rapidement. Chacun abondait dans son sens et proposait avec assurance une explication nouvelle, qu’un autre déclarait bientôt inacceptable et insuffisante. Les disciples d’une même école sont assurément d’accord sur quelques


résultats qu’ils croient acquis ; leur consensus est trèsrestreint et ils se séparent les uns des autres sur un plus grand nombre de points particuliers, parce que leurs principes de critique sont arbitraires et leursappréeiations subjectives. La nouvelle théorie documentaire, malgré la fière assurance avec laquelle on l’affirme démontrée, n’a pas rallié tous les suffrages, , et des esprits indépendants, même en dehors du catholicisme et dans la catégorie des hébraïsants, en sont les adversaires résolus. J. Halévy, L’histoire des origines d’après la Genèse, dans les Recherches bibliques, . Paris, 1895 et suiv., t. i et h ; Green, The higher Criticism of the Pentateuch, 1895 ; Rupprecht, Die Kritik nach ihren Recht und Vnrecht, 1897 ; B. Jacob, Der Pentateuch. Exegetisch-kritische Forschungen, Leipzig, 1905 ; Oit, The problem of the Old Testament, Londres, 1906.

Sur la part qui revient dans le texte actuel à chaque document, sur la date des diverses sources et sur le travail des rédacteurs, il y a presque autant de sentiments que de critiques. On a renoncé à distinguer l'élohiste du jévohiste dans une partie des récits desNombres ; leur part d’attribution est moins nettement délimitée que les indications données plus haut le laissent supposer ; nous avons dû nous borner aux conclusions principales. La continuité des documents n’est pas non plus démontrée ; il reste des lacunes, des trous qui ne sont pas comblés. Les critiques reconnaissent n'être d’accord qu’en gros et pour l’ensemble ; mais les divergences sont plus notables qu’on le dit ; les tables d’Holzinger, auxquelles on en appelle, en font foi. Sur l'âge des documents, les manières de voir sont très divergentes. Sans doute, les critiques placeront tous D après E, mais ce sera le seul point où l’accord sera parfait. Su* l’autorité de E et de J, sur celle de D et de P, les avis demeurent partagés. Cf. W. de Baudissin, Einleitung in die Bûcher des A. T., Leipzig, 1901, p. 72-77, cité par M. Vigouroux, Manuel biblique, 12e édit., Paris, 1906, t. i, p. 440-444. Les parties dites rédactionnelles sont plus discutées encore. À peine s’entend-on à les discerner ; mais on ne sait le plus souvent à qui les attribuer. Stàhelin et Kitlel ont supprimé le premier stade de rédaction de l’Hexateuque et ont attribué au rédacteur deutéronomiste, R d, la réunion simultanée de J, de E et de D. A. Dillmann a proposé trois autres stades de rédaction du Pentateuque : a) union de Pa avec E et J ; b) union de PsEJ avec D ; c) union de PaEJD avec P h. Toutes ces divergences, que les critiques cherchent à atténuer, prouvent à l'évidence que les conclusions ne sont pas certaines et que la théorie documentaire n’est qu’une hypothèse, très savamment échafaudée, incapable cependant d’infirmer et de remplacer la tradition constante des Juifs et des chrétiens en faveur de l’authenticité mosaïque du Pentateuque.

2. Les arguments généraux contre l’antiquité et l’unité du Pentateuque ne prouvent pas la non-authenticité mosaïque de ce livre. — a) Il n’est plus nécessaire aujourd’hui de démontrer contre les anciens critiques, l’existence de l'écriture à l'époque de Moïse, ni même la connaissance que les Hébreux en avaient et l’usage qu’ils en faisaient à l'époque de leur sortie d’Egypte. Voir t. ii, col. 1574-1575. — Mais, en dehors du Deutéronome, dans lequel le discours direct, placé dans la bouche de Moïse, est un simple procédé littéraire, le Pentateuque, dit-on, ne se présente pas comme l'œuvre de Moïse ; le style y est impersonnel, et il y est parlé d& lui comme du héros de l’histoire d’une façon objective. Exod., vi, 26, 27 ; xi, 3 ; Num., xv, 22, 23 ; Deut., xxxiii, 4. Son éloge, Num., xii, 3, provient d’une plume étrangère ; il est fait en des termes qui ne peuvent convenir à une autobiographie. On répond que Moïse, écrivant des Annales plutôt que ses Mémoires, aurait fort biea

V. - 4

pu parler de lui-même à la troisième personne, dresser sa généalogie comme celle d’un étranger et se louer en termes modérés. Mais ces particularités peuvent bien aussi être attribuées aux scribes ou secrétaires qui écrivaient sous sa direction.

b) Quant aux indications historiques et géographiques, qui seraient des anachronismes au temps de Moïse, quelques-unes, déjà signalées par Abenesra, sont regardées par beaucoup d’exégètes comme des gloses insérées plus tard dans le récit de Moïse, par exemple Gen., xo, 6 ; xiii, 7 ; xix, 37-38 ; Deut., iii, 11, 14. Voir col. 61. Elles ne prouvent pas la composition tardive du Pentateuque ; avant l’invention de l’imprimerie, les additions et la mise au point de certains détails dans la transcription des manuscrits était chose facile et naturelle. On pense généralement aussi que la liste des rois d’idurnée, Gen., xxxvi, 31, a été continuée jusqu'à l'époque de David. Voir t. iii, col. 834. La cessation de la manducation de la manne, Exod., xvi, 35, qui n’arriva qu’après le passage du Jourdain, Jos., v, 12, a bien pu être mentionnée par Moïse, peu avant sa mort, alors que les Israélites étaient déjà sur les confins de la Palestine. Les livres des guerres de Jéhovah et du Juste étaient des anthologies de poèmes. Commencés avant Moïse, qui y fit des emprunts, ils ont été enrichis de pièces plus récentes, telles que l'élégie de Saùl et de Jonathan par David. II Reg. (Sam.), 1, 18. Les noms anciens de plusieurs localités ont été remplacés par ceux qu’elles eurent après la conquête du pays de Chanaan. Ainsi Dan, voir t. ii, col. 1244-1245, et Cariath-Arbé, voir t. i, col. 884 ; t. iii, col. 554. Dans le cantique de Moïse, Exod., xv, 16-17, le pays de Chanaan n’est pas expressément désigné sous le nom de terre des Hébreux, et sa possession par les Israélites n’est que future.

c) Les doubles récits de la Genèse, s’ils étaient constatés, prouveraient seulement que Moïse aurait utilisé des documents différents, par exemple pour la création et le déluge. Voir t. ii, col. 1345. Mais l’existence de tous ceux que les critiques signalent est loin d'être démontrée. Ainsi on affirme gratuitement que les relations d’Abraham et d’Isaac avec Abimélech, roi de Gérare, ne sont que le même fait dédoublé ; les circonstances différentes des récits prouvent la distinction des deux événements, répétés dans des situations analogues pour le père et pour le fils. Voir 1. 1, col. 54. II en est de même des deux enlèvements de Sara, voir 1. 1, col. 19, et du cas analogue survenu à Rébecca. La fuite d’Agar ne peut être comparée à son expulsion. Voir t. i, col. 262. La promesse d’un fils fut réitérée par Dieu à Abraham dans des occasions différentes. Voir t. i, col. 78. Les prétendues étymologies multiples des noms propres de personnes ou de lieux s’expliquent aisément. Voir Bersabée, t. i, col. 1629-1638 ; Béthel, col. 16721674 ; Galaad, t. iii, col. 45 ; Mahanaim, t. iv, col. 571 ; Issachar, t. iii, col. 1005-1006 ; Joseph, col. 1655 ; Zabulon. Il en est de même dans l’Exode et les Nombres. Les prétendus doubles récits concernant des faits qui se sont réellement produits deux fois, tels que le double envoi des cailles, voir t. ii, col. 33, et le double miracle du rocher frappé. D’autres, comme la double vocation de Moïse et la double révélation du nom de Jéhovah, Exod., iii, 2-14 ; vi, 2-13, voir t. iii, col. 1230-1231, 1233 ; la double désignation d’Aaron comme interprète de son frère, Exod., iv, 14-16 ; vi, 30vii, 2, ne sont que des répétitions faites par Dieu des mêmes promesses. Pour l’organisation successive des anciens et des juges au désert, voir t. i, col. 554-555. Quant aux diversités de détails qui prouveraient la distinction des récits, la plupart sont desimpies anomalies, qui ne sont pas inconciliables et qui n’empêchent pas une heureuse harmonisation de l’ensemble. Sur les femmes d'Ésaû, voir Ada, t. i, col. 165 ; Basemath, col. 1492 ; sur le beau.père-de Moïse, voir Hobab, t. iii,

col. 725-726 ; Jéthro, col. 1521-1522. De même, certaines lois qu’on oppose comme provenant de codes différents, se sont que des dispositions successives et complémentaires. Voir t. iv, col. 338.

3. Arguments particuliers tirés de la législation hébraïque qui prouveraient et la diversité des codes et leur promulgation postmosaïque. —Les critiques ont cherché à établir la distinction des trois codes hébraïques : livre de l’alliance, Deutéronome et code sacerdotal, par la diversité de leurs principales dispositions religieuses, et leur succession dans cet ordre par la progression successive de ces dispositions et leur observance tardive de la part des Israélites. Sans parler de la loi morale ou du Décalogue, qu’on trouve sous trois formes spéciales : censé, d’après eux, promulgué au Sinaï dans le document élohiste, Exod., XX, 1-17, puis dans le document jéhoviste, Exod., xxxiv, 14-26, enfin promulgué à l’Horeb, 'Deut., v, 6-18, les institutions religieuses d’Israël auraient passé par trois phases et se seraient développées, non pas dans l’intervalle des 40 années du séjour au désert, mais bien au cours des âges et sous des influences variées, notamment sous l’action des prophètes, qui épuraient et spiritualisaient progressivement les idées de leur peuple. Passons en revue à ce point de vue les principales dispositions législatives, dans lesquelles le progrès serait le plus nettement marqué.

a) La pluralité des autels et l’unité de sanctuaire. — Le livre de l’alliance permettait de dresser des autels en tout lieu où Dieu avait manifesté son nom, pourvu que l’autel soit de terre ou de pierres brutes et non taillées, et à la condition aussi qu’il n’ait pas de degrés de peur que le sacrificateur, en les gravissant, ne découvre sa nudité en présence de Dieu. Exod., xx, 24-26. Si les Israélites n’ont pas la liberté d'ériger des autels partout où il leur plaît, puisqu’il est nécessaire que le lieu ait déjà été sanctifié par une intervention divine, cependant il n’y a ni sanctuaire unique ni lieu fixé pour tous. L’unité de sanctuaire est imposée soi-disant par Moïse et pour l’avenir seulement, quand Israël aura pénétré dans le pays de Chanaan et que Dieu aura manifesté, le lieu unique où il veut être honoré. Deut., xii, 5. Enfin, cette unité que le Deutéronome présentait comme un but à réaliser est supposée dans le code sacerdotal comme ayant toujours existé. Elle n’est pas prescrite explicitement ; mais toute l’organisation du culte autour du tabernacle exige sa réalisation, puisque ce code ne soupçonne pas qu’un sacrifice pût être offert aïtteviTS. L’histoire d’Israël confirme par les faits cette superposition de lois relatives à l’autel. A l'époque des Juges, nonobstant l’existence du sanctuaire de Silo, où l’arche est déposée, I Sam., i, 9 ; iii, 2, 3, 15 ; .Ter., vii, 12, on offre ailleurs des sacrifices. Jud., VI, 26-28 ; xi, 11, 31 ; xiii, 15-23. Michas a une maison de Dieu, xvii, 5. Les Danites établissent un sanctuaire à Laïs qu’ils ont conquise, xviii, Il sq. Après que l’arche eut été prise par les Philistins, on sacrifiait en diverses localités, à Masphath, à Ramatha, à Galgala, etc. I Sam., VI, 14, 15 ; vii, 9, 17 ; ix, 12 ; xi, 15 ; xiii, 9, 12 ; xvi, 2, 3 ; xx, 29 ; xxi, 1, 6 ; xxii, 10, 13 ; II Sam., vi, 12, 13, 17, 18 ; xxiv, 18-25. Même après la construction du Temple de Jérusalem, on sacrifiait sur les hauts-lieux en Juda, I (III) Reg., iii, 2-4 ; xv, 14 ; xxii, 44 ; II (IV) Reg., xii, 3 ; xiv, 4 ; xv, 4, 35, et dans le royaume d’Israël, à Béthel età Galgala. I (III) Reg., xii, 26-33 ; Amos, ni, 14 ; iv, 4, 5 ; v, 5 ; vii, 13 ; Ose., iv, 13 ; IX, 15 ; xii, 11. Élie et Elisée ne réclament pas contre la pluralité des autels ; ils blâment seulement le culte idolâtrique qui est accompli sur les hauts-lieux. Élie se plaint de Ja destruction des autels de Jéhovah, I (III) Reg., xix, 10, 14 ; il dresse luimême un autel de pierres au CarmeJ, xyin, 30, 32, et Elisée sacrifie chez lui, xjx, 21. La loi de l’unité de sanctuaire n’a été observée à Jérusalem qu’après la

chute de Samarie et en application de la loi deutéronomique. Elle n’est donc pas mosaïque. Telle est l’objection.

La succession des ordonnances relatives à l’autel s’explique et s’harmonise avec les faits de l’histoire Israélite, sans qu’elles cessent d’avoir été portées par Moïse. Au pied du Sinaï, avant que le tabernacle n’ait été dressé, Moïse avait permis d'élever à Dieu des autels simples et sans degrés en tout lieu où le Seigneur manifesterait son nom. Après l’adoration du veau d’or et quand le tabernacle eut été érigé, pour prévenir les rechutes dans l’idolâtrie, Moïse avait ordonné aux Israélites d’offrir des sacrifices et d’immoler, même les animaux destinés à la boucherie, auprès du sanctuaire unique du désert. Lev., xvii, 3-9. Voir Chair des animaux, t. ii, col. 491-498. Cette loi n’a pu être pratiquée qu’au désert, à l'époque où Israël, réuni au camp, pouvait aller facilement au tabernacle. Elle n’a pu être imaginée au temps d’Esdras, alors qu’il n’y avait ni camp ni tabernacle. Sur le point d’introduire Israël au pays de Chanaan, le sage législateur abrogea l’obligation d’immoler tous les animaux auprès de l’arche, en maintenant pour l’avenir la loi du sanctuaire unique au lieu que Dieu devait choisir. En attendant que Dieu eût fait choix de Jérusalem, il n'était pas interdit de lui offrir des sacrifices en dehors du sanctuaire où reposait l’arche. Voir Hauts-lieux, t. iii, col. 453-454. Même après l'érection du Temple de Jérusalem, la loi de l’unité du sanctuaire n'était pas si rigoureuse qu’il ne fût permis d'ériger d’autres autels et d’y offrir des sacrifices légitimes. Au Temple, se faisait le service régulier, quotidien, prescrit par la loi mosaïque. Dans les circonstances extraordinaires, on pouvait dresser des autels ; les prophètes et les rois les plus pieux le faisaient sans scrupule et ne pensaient pas manquer à une loi divine qui n’avait pas une signification si absolue et si restrictive qu’on le prétend. Voir Autel, t. i, col. 1266-1268. Il n’est donc pas nécessaire de soutenir avec M. Poels, Examen critique de l’histoire du sanctuaire de l’arche, Louvain, 1897, t. i (seul paru), en dépit de la géographie, que le haut-lieu de Gabaon est identique à Masphath, à Kiriath-Jarim et à Nob, cf. Poels, Le sanctuaire de Kirjath Jearim, Louvain, 1894, ni avec M. Van Hoonacker, Le lieu dti culte dans la législation rituelle des Hébreux, dans le Muséon, avril-octobre 1894, t. xiii, p. 195-204, 299-320, 533-541 ; t. xiv, p. 17-38, de distinguer dans les trois codes un sanctuaire unique servant de demeure à Jéhovah et de centre exclusif du culte public et national, et des autels multiples, consacrés au culte privé et domestique pour l’immolation ordinaire du bétail, accompagnée de rites religieux que tout Israélite pouvait accomplir. Le Deutéronome ordonnait de détruire seulement les hauts-lieux ayant servi au culte des idoles. Sans doute, cette prescription ne fut pas observée fidèlement, Jud., ii, 2, 3, et les hauts-lieux détruits furent relevés, parce que les Israélites retombèrent fréquemment dans l’idolâtrie. De même, le culte de Jéhovah sur les hauts-lieux, quoique illicite après la construction du Temple de Jérusalem, continua, non seulement dans le royaume schismatique d’Israël, mais même dans celui de Juda. L’usage en était tellement invétéré que les rois les plus pieux durent le tolérer. On y mêla même parfois des pratiques idolâtriques au culte de ' Jéhovah. Les prophètes s'élevèrent avec vigueur contre ce culte mixte, et leur enseignement finit par faire abolir tardivement tous les hauts-lieux, conservés malgré la loi et au détriment de la pureté du culte. Voir Hauts-lieux, t. iv, col. 455-457 ; Idolâtrie, col. 810-813. L’histoire de la multiplicité des autels et du sanctuaire unique de Dieu en Israël ne prouve donc rien contre la législation mosaïque qui les concerne.

b) Les sacrifices. — Le livre de l’alliance exigeait

les prémices des fruits de la ferre et les premiers-nés des bestiaux, ainsi que le rachat du premier-né de l’homme. Exod., xxii, 28-29 (hébreu, xxiii, -19). Il demandait qu’aux jours de fête, quand il se présentait devant Dieu, Israël ne vint pas les mains vides. Exod., xxiir, 15. On ne devait mélanger rien de fermenté aux sacrifices ni rien conserver des victimes pour le lendemain. Exod., xxiii, 19. Les sacrifices paraissent donc être une oûrande spontanée des biens de la terre au Seigneur et leur cérémonial est réduit au minimum. Le Deutéronome précise et développe les lois sur les premiersnés des animaux, xv, 19-23, les prémices, xxvi, 1-11, et les dîmes, xxvi, 12-15. L’offrande des prémices est rattachée au souvenir de la sortie d’Egypte et de la prise de possession du pays de Chanaan, et elle présente, comme celle de la dîme, le caractère d’une œuvre de bienfaisance pour les pauvres, les veuves, les orphelins et les lévites. Le code sacerdotal enfin distingue différentes espèces de sacrifices et décrit minutieusement tous leurs rites. À l’holocauste et au sacrifiée d’actions de grâces il joint la simple oblation et les sacrifices pour le péché et le délit. Il introduit encore l’offrande de l’encens. L’idée du sacrifice est elle-même changée : au lieu de l’offrande familiale, spontanément faite à Dieu, du repas joyeux auquel prennent part les pauvres, il est une institution officielle et publique, un service commandé, soumis à des rites minutieux. Or, ce rituel détaillé du Lévitique n’apparaît nulle part observé avant la captivité. On offrait assurément des sacrifices, des holocaustes, mais librement et simplement pour honorer Dieu et se le rendre favorable. On ne se préoccupait pas de savoir quelle victime devait être immolée, quand, où, par qui et comment elle devait être offerte. Bref, le code sacerdotal n'était pas observé, par la raison bien simple qu’il n’existait pas encore.

Les faits ne répondent pas à la théorie, et les livres historiques ne sont pas muets, comme on le prétend, sur l’offrande publique et solennelle des sacrifices. Ils mentionnent en particulier des holocaustes. Voir t. iii, col. 732. S’ils ne parlent pas du sacrifice quotidien, s’ils ne décrivent pas les rites, on n’est pas en droit de conclure de leur silence que ce service ne se pratiquait pas et que les rites n'étaient ni observés ni appliqués. On peut légitimement supposer que le service ordinaire se faisait régulièrement à Silo, et plus tard à Jérusalem, auprès de l’arche. Il y avait là un sacerdoce en permanence. Les historiens n’enregistrent que les faits, supposant les rites connus de tous. D’ailleurs, si les prophètes les plus anciens, Amos et Osée, protestent si énergiquement contre le formalisme excessif des pratiques rituelles de leur temps et prêchent le culte en esprit et en vérité, c’est une preuve péremptoire que les rites se pratiquaient alors, puisque les prêtres et le peuple y attachaient plus d’importance qu’aux dispositions intérieures. Si Dieu blâme les sacrifices réitérés à Béthel, c’est que leur offrande n’empêche pas l’impiété et la multiplication des péchés. Amos, iv, 4, 5. S’il hait leurs fêtes, leurs holocaustes et leurs vœux, Amos, v, 21, 22, c’est parce que les Israélites sont coupables. La maison d’Israël ne lui at-elle pas offert des victimes durant les quarante années de son séjour au désert ? Amos, v, 25, et pourtant elle a été punie, parce qu’elle était infidèle. Ou mieux peutêtre faut-il lire ce verset difficile ainsi : « Avez-vous, alors que vous m’offriez des sacrifices dans le désert pendant quarante ans, porté aussi Sakkout et Kion ? » Le crime actuel des Israélites est plus grand que leur rébellion au désert ; elle sera punie, nonobstant les sacrifices qu’ils offrent au Seigneur. Cette interprétation suffit à enlever la prétendue opposition qu’on trouve entre cette parole du prophète et le code sacerdotal, qui mentionne l’offrande quotidienne des sacri

fices au désert. À moins encore qu’Amos ne fasse allusion à l’apostasie d’Israël à Cadès. Voir t. iv, col. 1203-1204. De même, la parole de Jérémie, vii, 2123, suivant laquelle Jéhovah, à la sortie d’Egypte, n’aurait pas exigé d’holocaustes et de sacrifices, ne prouverait pas la non-existence du code sacerdotal. Le prophète fait peut-être simplement allusion à la proposition que Dieu fit aux Israélites en Egypte de les délivrer de la servitude, proposition qui ne contenait pas encore la mention des sacrifices et qui fut d’abord rejetée. Exod., vi, 6-9. Ou bien, sans nier la loi sur les sacrifices, le prophète, par un contraste saisissant, insiste sur l’obligation de la loi morale, et sur la fidélité à cette loi, dont l’inobservation sera châtiée, malgré l’observance des rites qui, sans elle, ont peu de valeur aux yeux, de Dieu.

L’holocauste et le sacrifice pacifique ont donc toujours été en usage, quoique leurs rites ne soient pas décrits dans les livres historiques. Le sacrifice pour le péché n’a pas été imaginé par Ézéchiel, xlv, 22-25. Osée, iv, 8, et Michée, vi, 7, le nomment expressément, puisque manger le hatla’t signifie clairement manger les victimes offertes pour le péché ; il est aussi mentionné dans le Ps. xxxix (xl), 7. L’idée en avait été exprimée bien auparavant. I Sam., iii, 14. Le sacrifice pour le délit n’est pas toujours nettement distingué du sacrifice pour le péché. Il l’est formellement toutefois dans le passage relatif aux revenus des prêtres sous le règne de Joas. II (IV) Reg., XII, 16. Déjà, à l'époque des Juges, les Philistins, punis pour s'être emparés de l’arche, renvoyèrent cette arche avec des 'âsâm pour obtenir le pardon de leur faute. I Sam., vi, 3-15. Le sacrifice pour le délit est aussi nommé dans Isaïe, lui, 10. Les quatre espèces de sacrifices étaient donc connues en Israël avant Ézéchiel, et si le code sacerdotal les distingue pour la première fois, c’est qu’il a été promulgué par Moïse au désert.

c) Les fêtes. — Le livre de l’alliance, Exod., xxiii, 14-17, ordonne la célébration dé trois fêtes annuelles : la fête des azymes, qui dure sept jours et qui est déjà rattachée au souvenir de la sortie d’Egypte, mais sans être encore la Pâque ; la fête de la moisson et celle de la récolte des fruits. Ces deux dernières ont un caractère nettement et exclusivement agricole, et on peut penser que la première, qui a lieu au printemps, se rapportait aussi à l’agriculture. La durée de celles-ci n’est pas non plus fixée. Le Deutéronome, xvi, 1-17, ne connaît encore que trois fêtes annuelles, qui doivent être célébrées au sanctuaire unique. La première réunit la solennité de la Pâque à la fête des azymes. La célébration de la seconde est fixée à sept semaines après la première ! La troisième est nommée « fête des tabernacles », et sa durée est de sept jours. Leur caractère est différent : ce sont des fêtes de joie, de reconnaissance et de charité fraternelle. Dans le code sacerdotal, ces trois fêtes rentrent dans un cycle plus complet de cinq solennités, dont les rites sont minutieusement décrits. Lev., xxiii, 4-44. Il ajoute la fête des trompettes et celle du grand-pardon, et il modifie le caractère des fêtes de la Pentecôte et des tabernacles, en les rattachant à un souvenir historique. Toutes sont célébrées au sanctuaire unique ; leur date, leur durée et leurs cérémonies sont fixées dans les moindres détails. Enfin, la célébration de ces fêtes n’est pas signalée dans les livres historiques les plus anciens. Une fête, solennisée par des danses de jeunes filles, avait lieu chaque année à Silo. Jud., xxi, 19. Les parents de Samuel allaient chaque année honorer Dieu en ce sanctuaire. I Sam., 1, 3, 7, 21 ; à, 19. Jéroboam I er établit dans son royaume au huitième mois une fête pareille à celle qui avait lieu en Juda. I (III) Reg., xii, 32, 33. Les anciens prophètes, Amos et Osée, parlent plusieurs fois de fêtes religieuses, mais sans les désigner par des noms par ticuliers. Après la découverte du Deutéronome, la Pâque est célébrée pour la première fois conformément aux rites prescrits dans ce livre. II (IV) Reg., xxiii, 21-23. Pendant la captivité, Ézéchiel, xlv, 18-25, ne connaît encore que trois solennités, avec un sacrifice d’expiation au premier jour du premier et du septième mois. Le code sacerdotal avec ses cinq fêtes est donc postérieur à la captivité, concluent les critiques négatifs.

Les anciennes fêtes ne sont mentionnées dans les livres historiques que quand les circonstances en ont fourni l’occasion, et l’on ne peut arguer de la rareté de leur mention contre leur non-existence. Leur périodicité régulière n’avait pas besoin d'être signalée par les historiens qui relatent seulement les circonstances extraordinaires, comme celle de la Pâque sous le règne de Josias. La coutume de monter à Jérusalem offrir des sacrifices existait à l'époque du schisme des dix tribus, puisque Jéroboam I er élève des autels à Dan et à Béthel, pour empêcher ses sujets d’aller à Jérusalem,

I (III) Reg., xii, 26-31, et il établit au moins une fête pour remplacer celles de Juda. Plusieurs commentateurs ont pensé qu’après l'établissement des Hébreux au pays de Chanaan, l’usage s'était introduit de ne faire qu’un seul pèlerinage chaque année au sanctuaire du Seigneur. Voir t. ii, col. 2219. Osée, xii, 9, fait allusion à la fête des Tabernacles et à sa signification historique ; Isaïe, xxix, 1 ; xxx, 29, parle du cycle des fêtes. Ézéchiel rappelle seulementles trois fêtes qui exigeaient l’assemblée religieuse de tout Israël au Temple. Voir t. i, col. 1129-1130. La fête de l’Expiation n’est pas mentionnée dans l’Ancien Testament en dehors du Pentateuque, voir t. ii, col. 2139, et sa célébration n’est relatée par Josèphe que sous Jean Hyrcan ou Hérode. En faulil conclure qu’elle n’avait pas lieu auparavant, au moins depuis le retour des Juifs en Palestine ? Le silence des anciens écrivains ne prouve pas davantage sa non-célébration.

d) Les prêtres et les lévites. — Le code de l’alliance, promulgué avant l’institution du sacerdoce aaronique, ne parle pas, objecte-t-on, de prêtres, et l’alliance dont il contient les dispositions est conclue par des sacrifices, immolés par de jeunes Israélites. Exod., xxiv, 5. Le Deutéronome mentionne fréquemment les prêtres et les lévites. Il établit leurs droits, xviii, 1-8, mais il ne reconnaît pas de distinction hiérarchique entre eux.

II ignore le grand-prêtre. Il distingue seulement, ꝟ. 7, le lévite qui habite dans le pays du lévite attaché au service du sanctuaire unique. Le premier est ordinairement classé avec la veuve, l’orphelin, l’indigent et l'étranger pour recevoir les largesses du pieux Israélite. Les lévites, éloignés du sanctuaire, n’avaient donc pas encore de revenus fixes. Dans le code sacerdotal, le sacerdoce est une institution sociale, hiérarchisée, dont les droits et les fonctions sont déterminés très exactement. La hiérarchie comprend le grand-prêtre, fils aîné et successeur d’Aaron, et les lévites, membres de la tribu de Lévi. Les prêtres sont richement dotés. Les lévites, n’ayant pas eu de domaine distinct dans le partage de la Palestine, habitent des villes spéciales et sont entretenus, eux et leurs familles, par le prélèvement des prémices et le paiement de la dîme. En tout cela, ce code est manifestement en progrès sur le Deutéronome ; il lui est donc postérieur.

D’autre part, on prétend que l’histoire d’Israël confirme cette, progression de la législation sacerdotale. Dans les documents élohiste et jéhoviste, Aaron n’apparaît comme prêtre que dans l'épisode du veau d’or, Exod., xxxii, 5, 6, et la tribu de Lévi, qui punit les coupables, , n’y a pas de droits spéciaux. À l'époque des Juges, il n’est fait mention d’aucun prêtre ; il est question de lévites dans deux épisodes, racontés en appendice. Jud., xvii-xxi. À Silo, il y a cependant une famille sacerdotale, celle d’Héli, I Sam., i, ii, mais

sans lien avec Aaron. L’arche renvoyée par les Philistins est reçue par les lévites, I Sam., vi, 15 ; mais Éléazar, fils d’Abinadab, est consacré pour la garder dans la maison de son père. I Sam., vii, 1. Samuel, fils d’un Éphrai’mite, joue un rôle sacerdotal. Il offre des sacrifices, aussi bien que les rois Saiil, David et Salomon, saos prêtres. Absalom en offre aussi. II Sam., xv, 12. À la cour de David, il y avait des prêtres, Sadoc et Abiathar. II Sam., viii, 17 ; xx, 25. Les fils de David, II Sam., viii, 18, et le Jaïrite, II Sam., xx, 26, mentionnés comme prêtres, ne faisaient pas partie du sacerdoce, si la leçon massorétique kôhên n'était, comme on l’a pensé, qu’une altération de sôkên, désignant un chef ou un officier. Is., xxii, 15. Salomon destitua Abiathar.

I (III) Reg., Il, 26, 27. À la dédicace du Temple, c’est le roi qui sacrifie, bénit l’assemblée et prononce la prière de la consécration ; les prêtres et les lévites portent simplement l’arche et les ustensiles sacrés. I

"(III) Reg., viii, 3, 4. Jéroboam I er établit dans le royaume d’Israël des prêtres pris parmi le peuple et n’appartenant pas aux fils de Lévi. I (III) Reg., xii, 31.

II y avait donc des prêtres et des lévites, mais pas encore de grand-prêtre. Plus tard, Joïada, ordinairement qualifié « prêtre », II (IV ; Reg., xi, 9, 15, 18 ; xil, 2, 7, 9, est dit « grand-prêtre » une seule fois. II (IV) Reg., xo, 10, Sous Achaz, Urie est dit aussi simplement prêtre. II (IV) Reg., xvi, 10-16. Sous Josias, Helcias est appelé « grand-prêtre », II (IV) Reg., xxii, 4, 8 ; xxiit, 4, et « prêtre » tout court. II (IV) Reg., xxii, 10, 12, 14. Saraia est nommé « premier prêtre ». II (IV) Reg., xxv, 18 ; Jer., lii, 24. Auprès d’Helcias, figurent des « prêtres en second », II (IV) Reg., xxiii, 4, et à côté de Saraia, Sophonie, « prêtre en second. » II (IV) Reg., xxv, 18 ; Jer., lii, 24. Durant la captivité, le prêtre Ézéchiel distingue les prêtres, fils de Sadoc, des prêtres lévitiques ; mais cette distinction est faite en vue de l’avenir ; c’est une innovation introduite pour des raisons historiques. Les lévites seront des prêtres dégradés de leurs fonctions anciennes en punition de leur idolâtrie ; ils seront réduits au rôle de serviteurs des prêtres et de portiers du nouveau Temple. Ezech., ïiiï, 10-14. Les prêtres et les lévites, fils de Sadoc, qui sont demeurés fidèles, continueront leurs fonctions et seront astreints à des règles de pureté déterminées. Ils n’auront pas de propriété, vivront de l’autel, recevront les prémices et habiteront des domaines tracés au cordeau au milieu de la Terre Sainte. Ezech., xliv, 15-xlv, 5. Le prophète ne connaît pas encore le grandprêtre. Le code sacerdotal avec sa hiérarchie à trois degrés, avec sa distinction des prêtres et des lévites dès l’origine, Num., iii, 5-13, est postérieur à Ézéchiel. Sa législation détaillée sur les fonctions et les revenus des deux classes est en progrès sur le prophète organisateur de l’avenir. Ses villes lévitiques remplacent les domaines imaginés par Ézéchiel.

On a démontré ailleurs, voir t. iv, col. 200-203, qu’il y eut en Israël dès l’origine du peuple une tribu de Lévi, à qui Dieu fit attribuer les fonctions sacerdotales en récompense de sa fidélité lors de l’adoration du veau d’or. Exod., xxxii, 26-29. On a prouvé aussi, ibid., col. 203-205, que cette tribu comprit deux catégories de ministres sacrés : les prêtres et les simples lévites. On a raconté enfin, ibid., col. 208-211, l’histoire des descendants de Lévi jusqu'à la fin de la captivité. Quant au plan de restauration religieuse d'Ézéchiel, voir t. ii, -col. 2155-2156, était-ce une réforme pratique ou seulement une restauration purement idéale, irréalisable et irréalisée ? Si l’on admet la seconde alternative, qui ne peut même être niée, il en résulte que le prophète n’est pas l’auteur de la distinction entre prêtres et lévites. Loin de la créer, il la suppose existante ; il lui emprunte le cadre de ses institutions futures. S’il dé.grade les prêtres coupables d’idolâtrie, ce n’est pas en

créant une caste inférieure, exclusivement composée d’eux ; il les réduit au rang de simples lévites, de ces lévites, dont le nom et les fonctions étaient connus et déterminés par la tradition. Ézéchiel, xlviii, 11, distingue ces deux classes, et il avait mentionné auparavant, xl, 45, des gardiens du temple, et des ministres de l’autel, XL, 46. Les fils de Sadoc, à qui il réserve les fonctions sacerdotales à cause de leur fidélité, étaient eux-mêmes des fils de Lévi, xlui, 19 ; xliv, 15. Quand il élabore son programme de restauration future, il en emprunte le cadre aux institutions existantes, mais il y introduit des matériaux de sa création. Il maintient donc les deux grandes classes des ministres du culte ; mais divisant ceux-ci sous te rapport de leur fidélité à Dieu, il n’admet au ministère de l’autel que les prêtres demeurés fidèles, en les désignant comme fils-de Sadoc, et il réduit au simple rang de serviteurs des prêtres les anciens ministres infidèles. Le caractère idéal de la réforme laissait au prophète la liberté d’exclure les lévites et d’omettre le grand-prêtre, comme la fête de la Pentecôte sans nuire à leur réalité historique. A. Van Hoonacker, Les prêtres et les lévites dans le livre d'Ézéchiel, dans la Revue biblique, 1899, t. viii, p. 180-189, 192-194. Voir t. ii, col. 2155, 2156, 2161. Quant au grand-prêtre, il est mentionné dans les livres historiques, chaque fois qu’il est intervenu dans les affaires publiques. Son institution remonte à Aaron et n’est pas une création artificielle de l’auteur du code sacerdotal. Voir 't. nr, col. 295-308.

Les redevances, versées aux prêtres et aux lévites, ne sont pas non plus une invention récente. On prétend bien que les prêtres n’avaient primitivement aucun droit à recevoir une part de la victime des sacrifices, ceux-ci étant des repas sacrés auxquels les particuliers qui les offraient invitaient les prêtres du sanctuaire où avait eu lieu l’immolation. Le Deutéronome, xviii, 1-8, leur attribua des parts déterminées. Le code qu’on appelle sacerdotal les augmenta notablement et distingua ce qui revenait au grand-prêtre, aux prêtres et aux lévites. Lev., vii, 28-34 ; Num., v, 8-10 ; xviii, 8-32. Quant aux villes lévitiques, Num., xxxv, 18 ; Jos., xxi, 1-40, l’idée en a été suggérée par É/.échiel, xlviii, 10-14. En fait, les livres historiques mentionnent en quelques circonstances les redevances dues aux prêtres. Les fils d’Héli n'étaient prévaricateurs qu’en ce qu’ils n’observaient pas les prescriptions légales et dépassaient leur droit en s’atlribuant ce qui leur plaisait des victimes offertes. I Sam., ii, 12-17. Et l’homme de Dieu qui reproche à leur père sa faiblesse, règle quels seront à l’avenir les revenus des prêtres de Silo. Ibid., 36. Sous le règne de Joas, les revenus des prêtres se payaient en argent. II (IV) Reg., xii, 4-16. À la réforme religieuse de Josias, les prêtres infidèles furent privés des revenus du culte et ne gardèrent pour vivre qu’une partie de leurs droits. II (IV) Reg., xxiii, 9. Sur la dime, voir t. ii, col. 1.432-1435, et sur les villes lévitiques, t. iv, col. 216-221.

e) Loi sur les bêtes mortes. — Le livre de l’alliance interdit absolument aux Israélites, qui forment un peuple saint, de manger les bêtes mortes, et ordonne de les abandonner aux chiens. Exod., xxii, 31. Le Deutérononæ xiv, 21, autorise à les donner ou à les vendre aux étrangers. Le code sacerdotal ne voit plus dans l’acte de manger une bête morte qu’une impureté légale, exigeant une simple ablution. Lev., xvii, 15-16. Ces dispositions diverses ne s’excluent pas. La prohibition, fondée sur la sainteté spéciale des Israélites, demeure, nonobstant les remarques successives qui s’y ajoutent. Quand, au désert, il n’y a pas d'étranger au milieu d’Israël, il faut laisser aux chiens toute bête morte ; lorsque Israël aura au milieu de lui ou à côté de lui des étrangers, qui ne sont pas obligés à la sainteté spéciale des Israélites, on pourra leur donner ou

leur vendre, selon les cas, les bêtes mortes. Enfin, l’Israélite qui aura manqué à cette prescription n’aura encouru qu’une impureté légale que l’ablution fera disparaître. Les ordonnances différentes visent des cas différents et ne constituent pas des codes successifs.

f) Loi sur les esclaves. — Selon le livre de l’alliance, l’esclave hébreu ne peut être acheté que pour six années ; il est nécessairement libéré pour la septième ; et s’il veut se lier à perpétuité, une cérémonie spéciale doit le constater. Exod., xxi, 2-6. Le Deutéronome, xv, 12-18, reproduit cette loi, mais l’explique, . en obligeant le maître à faire des présents à l’esclave libéré et en spécifiant que ces dispositions s’appliquent à la femme esclave. La loi nouvelle du prétendu code sacerdotal, Lev., xxv, 39-46, ne fixe qu’un cas particulier. En déterminant les privilèges de l’année du jubilé, elle règle que, cette année-là survenant, tout esclave hébreu est libéré, même si les six années de son engagement ne sont pas révolus. Voir t. iii, col. 17501854. Jérémie, xxxiv, 8-22, annonce seulement la punition encourue par la violation d’une loi de libération, imposée après la délivrance de la servitude d’Egypte. Voir t. ii, col. 1921-1923.

4. Arguments philologiques invoqués en faveur de la diversité des documents. — Nous ne reviendrons pas sur la diversité des noms divins, Élohim et Jéhovah, qui a servi de point de départ à la distinction des documents élohiste et jéhoviste. Elle a perdu beaucoup de son importance. première et elle n’est plus aujourd’hui pour les critiques qu’un des nombreux exemples de la variété du vocabulaire des écrivains qui ont rédigé les sources de l’Hexateuque. Voir d’ailleurs Élohim, t. ii, col. 1701-1703, et Jéhovah, t. iii, col. 1230-1234. Au sentiment des critiques, chaque document a ses expressions propres, ses tournures spéciales et son style distinctif. Voir E. Mangenot, L’authenticité mosaïque du Pentateuque, Paris, 1907, p. 56-58, 85-87, 111-115, 144-147. Mais il importe de remarquer par quelle méthode on les a déterminés. On a choisi un certain nombre de morceaux qui présentaient des différences de langue plus marquées ; on a étudié leurs particularités lexicographiques et grammaticales, et on a discerné ainsi les termes soi-disant caractéristiques, qui ont servi à reconnaître les autres morceaux appartenant à la même source. Le procédé a paru quelque peu arbitraire. On range dans une série tous les passages qui présentent les mêmes caractères linguistiques et dans une autre ceux qui ont d’autres caractères. Les deux séries sont par suite différentes. Mais, on ne tient pas compte d’un nombre plus considérable d’expressions communes, employées partout. Quant à l’appréciation des expressions dites caractéristiques, il faudrait considérer la diversité des matières et du genre littéraire. Un code législatif ne se rédige pas dans les mêmes termes qu’un récit historique ou qu’un discours parénétique. La Genèse et les parties narratives des livres du milieu sont naturellement différentes de la législation. Le législateur n’emploie pas les mêmes mots qu’un historien ou un prédicateur. Ainsi, il n’est pas étonnant que la législation mosaïque ait des termes techniques, concernant les choses du culte, qui ne se retrouvent pas ailleurs. On peut admettre toutes les particularités de vocabulaire et de style, remarquées dans le Deutéronome, sans qu’elles prouvent que les discours, qui composent ce livre, n’ont pas été rédigés par Moïse lui-même. Le genre littéraire choisi et le ton parénétique exigeaient ces différences. Cf. P. Martin, Introduction à la critique générale de l’A. T., Paris, 1886-1887 (lithog.), t. i, p. 576-604. Les critiques ont renoncé à démontrer la modernité du code sacerdotal par sa langue propre ; l'étude de cette langue apprend comment l’auteur écrivait, elle n’indique pas la date du livre. Du reste, la diversité du style s’explique tout na turellement dans l’hypothèse que, pour composer le Pentateuqup, Moïse a employé différents secrétaires ou scribes écrivant sous sa direction. Chacun d’eux avait son style propre, et la diversité du langage n’est pas surprenante dans une œuvre à laquelle plusieurs mains ont collaboré. Pour la Genèse en particulier, certaines particularités de style et de lexique peuvent aussi provenir des sources utilisées et reproduites sans retouches. Enfin, le texte hébreu actuel ne représente pas absolument l’original ; il a pu être remanié, et toutes les particularités linguistiques ne peuvent fournir un argument certain de la prétendue diversité des documents. Cf. F. de Hummelauer, Beuteronomium, Paris, 1901, p. 138-144. Ainsi expliqué, l’argument philologique, qui ne prouve rien à lui seul, perd toute sa force probante en faveur de la distinction des sources du Pentateuque.

L’authenticité mosaïque du Pentateuque a été soutenue par de nombreux critiques et défendue contre les attaques des adversaires. Nous signalerons en terminant les principaux ouvrages ou articles consacrés à cette démonstration ou à la polémique avec les critiques allemands : Hengstenberg, Die Bûcher Moses und Aegypten, Berlin, 1841 ; AV. Smith, The Book of Moses or the Pentateuch in ils authorship, credibility and civilisation, 2 in-8°, Londres, 1868 ; Gh. Schœbel, Démonstration de l’authenticité du Deutéronome, Paris, 1868 ; Démonstration de l’authenticité mosaïque du Lévitique et des Nombres, Paris, 1869 ; Démonstration de ï 'authenticité "mosaïque de l’Exode, Paris, 1871 ; Démonstration de l’authenticité de la Genèse, Paris, 1873 ; Le Moïse historique et la rédaction mosaïque du Pentateuque, Paris, 1875 (ces travaux ont paru d’abord en articles dans les Annales de philosophie chrétienne, 1867-1875) ; Knabenbauer, Der Pentateuch und die unglàubige Bibelkritik, dans Stimmen aus Maria-Laacli, 1873, t, iv ; Bredenkamp, Gesetz und Prop/ieten, Erlangen, 1881 ; C. Elliot, Vindicalion of the Mosaic authorship of the Pentateuch, Cincinnati, 1884 ; E. C. Bissel, The Pentateuch, ils origin and structure, New-York, 1885 ; F. Vigouroux, Manuel biblique, 12e édit., Paris, 1906, t. ï, p. 397-478 ; Les Livres Saints et la critique rationaliste, Paris, 1902, t. iii, p. 1-226 ; t. iv, p. 239253 ; 405-415 ; Ubaldi, Introductio in Sacram Scripluram, 2e édit., Rome, 1882, t. ï, p. 452-509 ; R. Cornely, Introductio specialis in historicos V. T. libros, Paris, 1887, p. 19-160 ; J. P.P. Martin, Introduction à la critique générale de VA. T. De l’origine du Pentateuque, 3 in-4°, Paris, 1886-1889 (lithog.) ; G. Vos, Mosaic origin of the Pentateuchal codes, Londres, 1886 ; YV. II. Green, Moses and the Prophels, New-York, 1883 ; The Hebrew Feasts, New-York, 1885 ; The Pentateuchal question, dans Mosaica, Chicago, 1889-1892, t. v-xm ; The higher Crilicism of tlie Pentateuch, New-York, 1895 ; The unily of Uie book of Genesis, NewYork, 1895 ; cardinal Meignan. De l'Éden à Muïse, Paris, 1895, p. 1-88 ; Lex mosaica, or the Lan : of Moses and the higher crilicism (Essais de Sayce, Rawlinson, Trench, Lias, Wace, etc.), Londres, 1894 ; Baxter. Sanctuary and sacrifice, Londres, 1896 ; Ed. Bôhl, Zum Gesetz und zum Zeugniss, Alenne, 1883 ; A. Zahn, Ernste Blicke in den Wahn der nwdeiiien Kritïk des A. T., Gûtersloh, 1893 ; Das Deuteronomium, 1890 : lsrælïtische und jiidische Geschichte, 1895 ; Ed. Rupprecht, Die Anschauung der krit.Schule Wellhausen’s vom Pentateuch, Leipzig, 1893 ; Vas Râlhsel des FûnfbuehesMose und seine falsche Lôsung, Gûtersloh, 1894 ; Das Râthsels Lôsung oder Beitrage zur richligen Losung des Pentaleuchrût hsels, 3 vol., 1897 ; Die Kritik nach ihrem Rechl und Unrecht, 1897 ; abbé de Broglie, Questions bibliques, édit. Piat, Paris, 1897, p. 89-169 ; J. B. Pelt, Histoire de l’A. T., 3= édit., Paris, 1901, 1. 1, p. 291-326 ; J. Kiev, Die Pentateuchfrage. lhre Ge109

PENTATEUQUE

lia

schichte undihre Système, Munster, 1903 ; J. Thomas, The organic wiily of the Penlateuch, Londres, 1904 ; G. H. Rouse, The Old Testament in New Testament light, Londres, 1905 ; H. A. Redpath, Modem criticism and the book of Genesis, Londres, 1905 ; G. Hoberg, Moses und der Pentateuch, Fribourg-en-Brisgau, 1905 ; H. 51. Wiener, Studies in biblical Law, Londres, 1904 ; J. Orr, The problem of the Old Testament considered u'îtft référence to récent criticism, Londres, 1906. Cf. H. Hopfl, Die hbhere Bibelkritik, Paderborn, 1902, p. 1-96.

III. NOTE THÉOLOGIQUE DE L’AUTHENTICITÉ MOSAÏQUE du pentateuque. — L’authenticité mosaïque du Pentateuque reposant principalement sur le témoignage des écrivains inspirés, sur la parole de JésusChrist et des Apôtres et sur la tradition catholique, il y a lieu de se demander si, étant affirmée par l'Écriture et la tradition ecclésiastique, elle rentre dans le domaine de la révélation divine, ou bien si, n'étant pas formellement enseignée par Dieu aux hommes, elle n’a pas été révélée et par suite peut librement être discutée par les catholiques et abandonnée sans détriment pour la foi qui ne sera pas en cause.

Depuis 1887, un certain nombre d’exégètes et de critiques catholiques, prêtres séculiers ou religieux, avaient exprimé publiquement, avec la tolérance de leurs supérieurs et sans avoir été, avant 1906, blâmés ou repris par l’autorité ecclésiastique, que la thèse de l’authenticité mosaïque du Pentateuque ne s’imposait pas à la foi des chrétiens et pouvait être librement débattue ou contestée, parce qu’elle ne faisait pas partie de la révélation divine. À leur sentiment, l’origine mosaïque du Pentateuque n’est pas formellement révélée dans l'Écriture ni enseignée par l'Église comme certaine.

Les théologiens qui n’admettent pas ce sentiment ne sont pas cependant d’accord entre eux. Pour les uns, l’authenticité mosaïque du Pentateuque, bien que n'étant pas explicitement révélée, l’est implicitement et formellement, exprimée qu’elle est dans la révélation en termes équivalents, puisqu’elle se tire des formules révélées par simple explication et sans qu’il soit besoin de recourir à une déduction proprement dite. La négation de cette vérité serait donc une erreur, et la contradictoire serait erronea in fiole. Méchineau, L’origine mosaïque du Pentateuque, p. 34. Pour les autres, l’authenticité mosaïque du Pentateuque est seulement une vérité certaine (theologice certa), parce qu’elle se déduit nécessairement des textes bibliques et parce que la tradition catholique appuie et confirme cette conclusion. Elle n’est énoncée dans la révélation que virtuellement ; on l’en tire par déduction ou raisonnement. Par suite, conformément à l’enseignement commun des théologiens, elle ne s’imposerait pas à l’adhésion comme de foi divine. Mais rattachée à la révélation, enseignée par l'Église, dans son magistère ordinaire, elle est certaine théologiquement, et sa négation pourrait être dite erronée, ou au moins téméraire ; elle ne serait pas hérétique, puisqu’elle n’a pas été jusqu’ici condamnée expressément comme telle par l'Église. J. Brucker, Authenticité des livres de Moïse, dans les Études, mars 1888, p. 327. Cf. ibid., janvier 1897, p. 122-123 ; E. Mangenot, L’authenticité mosaïque du Pentateuque, p. 267-310.

IV. Texte. — Le texte original de.Moïse ne nous est pas parvenu dans toute sa pureté première, il a subi des retouches de diverse nature. Voir plus haut, col. 63. La seule comparaison du texte massorétique avec le Pentateuque samaritain et la version des Septante suffirait à le démontrer. On sait que ces trois recensions présentent entre elles des différences nombreuses. Les plus saillantes concernent les chiffres de l'âge des patriarches antédiluviens, Gen., v, 1-31, et postdiluviens, 1

Gen., XI, 10-26 ; elles ont donné lieu à trois chronologies différentes de l’histoire primitive, sans qu’il soit possible de déterminer laquelle des trois se rapproche le plus de l’original. Voir Chronologie, t. ii, col. 721724. Mais les nombres ne sont pas seuls divergents dans ces trois recensions. Le Pentateuque samaritain contient, en outre, des additions et des modifications, dont les trois plus célèbres substituent Garizim à Hébal. Exod., xx, 17 ; v, 21 ; xxvii, 4, 5. Voir t. iii, col. 461 ; t. iv, col. 1270, 1274. Or, on ne peut décider si ce sont des interpolations faites par les Samaritains dans l’intention d’autoriser le culte célébré à leur temple de Garizim, ou si les Juifs auraient changé Garizim en Hébal, Deut., xi, 29, dans un but polémique. B. Kennicott, The State of the printed hebrew Text of the Old Testament considered, 1753-1759, t. i, p. 21-117, a donné la préférence au texte samaritain ; mais Gesenius, De Pentateuchi samaritani origine, indole, auctoritate, Halle, 1815, le croyait plus altéré que le texte hébreu et rejetait en bloc toutes ses leçons propres. Cependant le Pentateuque samaritain a probablement quelques bonnes leçons. Il a, du reste, des rapports étroits avec le texte grec des Septante et tous deux représentent certainement un texte hébreu ancien et différent du texte massorétique ; ce qui s’expliquerait si le texte samaritain ne remontait guère plus haut que l'époque d’Alexandre le Grand, quand les Samaritains, ayant rompu définitivement avec les Juifs, organisèrent leur culte sur le mont Garizim. Voir Garizim, t. iii, col. 111-112. Cf. L. Gautier, Introduction, t. ii, p. 556-557. De son côté, la version des Septante, comparativement au texte massorétique, présente des additions, des omissions, des transpositions, des lectures différentes, qui ne sont pas toutes le fait des traducteurs, mais qui proviennent souvent de l'état antérieur du texte hébreu. Voir Swete, An Introduction to the OUI Testament in Greek, Cambridge, 1900, p. 234-236, 243, 442, 446. Enfin, le texte massorétique, quoique traditionnel dans sa vocalisation, ne représente pas absolument l’original ; il a reproduit, du reste, dans les hèri un certain nombre de variantes antérieures, voir t. iv, col. 856, 858, et il conserve dans sa teneur actuelle des indices d’altération, par exemple, Deut., x, 6, voir MoSéb A, ibid., col. 1318 ; Exod., xi, 3, et des transpositions, comme Exod., xxx, 1-10, qui devrait être plutôt après Exod., xxvi, 35. De cet état des trois recensions, il faut conclure que le texte du Pentateuque a subi, au cours séculaire de sa transmission, des retouches et des altérations. Or, celles-ci ne semblent pas être exclusivement l'œuvre des copistes, mais parfois de reviseurs. Nous n’avons donc plus le texte du Pentateuque dans sa pureté complète ; il nous est parvenu remanié, retouché dans des détails qui, sans atteindre à la substance du fond, permettent aux critiques modernes de reconnaître dans le texte actuel des gloses et des modifications. P. Martin, Introduction à la critique générale de VA. T., Paris, 1886-1887 (lithog.), t. î, p. 17-129 ; J. Brucker, Authenticité des livres de Moïse, dans les Études, 1888, t. xlix, p. 332-338.

V. Style. — Le style du Pentateuque, nous l’avons déjà remarqué, n’est pas uniforme, et il n’y a en cela rien de surprenant si, comme il est légitime de le supposer, Moïse a reproduit des documents antérieurs et a pu confier à des secrétaires la rédaction d’une partie de son œuvre.

On peut distinguer dans ce livre, sous le rapport du style, trois sortes de passages. Il y a d’abord des tableaux statistiques et des recueils de lois, qui n’exigent que de l’exactitude et de la précision. On ne reprochera pas à l'écrivain la sécheresse des généalogies, de la table ethnographique, de la liste des stations du désert, et autres morceaux analogues. Pareillement, les lois étaient formulées en termes juridiques, clairs, précis,

et codifiées dans des cadres ressemblants, sinon identiques. Le législateur n’a d’autre souci que la précision et la clarté.

Le narrateur est ordinairement simple et naturel, mais il a aussi les qualités du conteur oriental. Les récits sont vivants et saisissants. Il excelle à peindre ie caractère des personnages ; il exprime leurs sentiments intimes, multiplie les dialogues. Il aime la mise en scène, et il décrit les événements en quelques traits bien frappés. Son histoire est le plus souvent « necdotique. Elle renferme de fort belles pages. Sans parler du récit delà création, qui a une forme spéciale, on a admiré de tout temps l’achat du champ d’Hémor par Abraham comme une scène pittoresque des mœurs patriarcales, l’histoire si émouvante de Joseph et en particulier sa reconnaissance par ses frères, la narration dramatisée des plaies d’Egypte et de la délivrance des Israélites.

Le Deutéronome appartient à un genre littéraire spécial. C’est un corps de lois, exposé et expliqué dans ilne série de discours. Si la législation a sa forme particulière, les exhortations dans lesquelles elle est encadrée ont leur style propre. L’orateur ne se borne pas à rapporter les prescriptions législatives ; il veut surtout porter ses auditeurs à les pratiquer. Il les justifie donc et y joint souvent les motifs de les observer. C’est un prédicateur et un hoxiiéliste. Il expose longuement son sujet, en phrases pleines et riches, « n périodes bien remplies. Il aime à revenir sur les recommandations qu’il répète, et les mêmes manières de dire se pressent constamment sur ses lèvres. Les formules spéciales, très caractéristiques, qui font partie de ce que les critiques nomment le style deutéronomiste, reparaissent continuellement, et constituent des sortes de refrains. Ses longues périodes ne s’achèvent pas toujours, et on a signalé des anacoluthes, vi, 10-12 ; vin, 11-17 ; IX, 9-11 ; xi, 2-7 ; xxiv, 1-4. Moïse ici a le ton du prédicateur. Ses qualités dominantes sont l’onction et la persuasion. Quoiqu’il né manque pas d'énergie, il n’a pas là véhémence des prophètes. Il s’exprime avec clarté pour être compris du peuple auquel il s’adresse. Il s’insinue doucement dans l’esprit de ses auditeurs, et il ne se lasse pas d’insister sur l’observation fidèle de la loi divine. L’abondance de son exhortation tourne parfois en longueurs. Il remonte « n arrière et répète ce qu’il vient de dire.

VI. Prophéties messianiques. — Le Pentateuque contient les plus anciennes prophéties messianiques. — 1° Le protévangile. — La première a été promulguée au paradis terrestre par Dieu lui-même à Adam et à Eve après leur péché. Elle est renfermée dans la mystérieuse sentence, prononcée contre le serpent séduceur : « J'établirai une inimitié entre toi et la femme, entre ta descendance et sa descendance ; celle-ci te brisera la tête et tu lui briseras le talon. » Gen., iii, 15. Ces paroles ne s’adressent pas au serpent et elles ne signifient pas l’aversion naturelle, instinctive, des hommes pour les serpents. Le serpent avait servi d’instrument à un être intelligent et méchant, à un esprit mauvais qui l’avait fait parler avec perfidie et perversité. Les Juifs ont reconnu en lui le démon tentateur de la femme. Sap., ii, 24 ; Apoc, xii, 9 ; xx, 2 ; Heb., ii, 14. Voir t. ii, col. 1368, 2119. Aussi la sentence divine s'étend-elle plus loin que le serpent visible et atteint-elle directement l’esprit tentateur. Un jour, Dieu établira entre lui et la femme une inimitié morale, telle qu’elle peut exister entre deux êtres raisonnables ennemis l’un de l’autre, Num., xxxv, 21, 22, « ntre Dieu et l’homme. Ezech., xxv, 15 ; xxxv, 5. Cette inimitié, qui diffère de l’horreur naturelle que les hommes éprouvent pour les serpents, régnera entre le démon et la femme, non pas le sexe féminin en général, quoique l’expression hébraïque, rrwNn, avec l’ar ticle, puisse avoir ce sens, mais une femme déterminée, et d’après tout le récit biblique, dans lequel le mot femme précédé de l’article désigne constamment Eve, la femme séduite par le serpent, plutôt qu’une femme future, présente seulement à la pensée divine, une femme unique en son genre et très excellente, la mère du Messie. La même inimitié, Dieu l'établira aussi entre la descendance du serpent et la descendance de la femme. Puisqu’il s’agit d’une inimitié morale, on doit exclure la postérité du serpent. Appliquée au démon, l’expression « descendance » est nécessairement métaphorique. Elle désigne ou les esprits mauvais, dont Satan est le chef, ou les hommes pervers, qui se sont mis sous l’empire du démon. Matth., xxiii, 33 ; Joa., viii, 44. Si telle est la descendance du serpent séducteur, la rigueur du parallélisme semble exiger que la « descendance » de la femme ait aussi un sens collectif et désigne la postérité de la femme, qui sera en haine et en lutte avec la lignée du serpent, le genre humain, qui sera un jour victorieux du démon. Mais plusieurs exégètes, s’appuyant sur l’autorité des Pères qui ont reconnu dans la femme, figurée par Eve, la mère du Messie, S. Justin, Dial. cum Tryph., 100, t. vi, coi. 709-712 ; S. Irènée, Cont. hier., JU, xxjjj, 7 ; V, xix, 1 ; c. xxi, 1, t. vii, col. 964, 1175-1176, 1179 ; S. Cyprien, Testim. adv. Judssos, II, ix, t. iv, col. 704 ; S. Épiphane, Hser., lxxvii, 18, 19, t. xlii, col. 729 ; S. Léon le Grand, Serm., xxii, t. liv, col. 729 ; pseudo-Jérôme, Episl. VI, ad amicum ssgrotum de viro perfecto, t. xxx, col. 82-83 ; S. Isidore de Péluse, Epist., 1. I, epist. ccccxxvi, t. 'lxxviii, col. 417 ; S. Fulbert de Chartres, Serm. IV, de nat. S. V., t. cxli, col. 320-321 ; S. Bernard, Boni, , ii, super Missus est, 4, t. clxxxiii, col. 63, l’entendent d’un « rejeton » unique, le Messie. Ils observent que, lorsque y-iî présente un sens collectif, le pronom qui

s’y rapporte se met régulièrement au pluriel. Gen., xv, 13 ; xvii, 8, 9, etc. On ne signale que trois exceptions à cette règle. Gen., xvi, 10 ; xvii, 17 ; xxiv, 60. Or ici le pronom est au singulier. Le nom signifie donc un rejeton en particulier, sens qu’il a Gen., IV, 25 ; II Heg., vu, 12, 13 ; I Par., xvii, 11, 12-.

Le résultat final de cette inimitié sera une lutte, diversement décrite dans la Vulgate et le texte hébreu. Tandis que la Vulgate, après les Septante, attribue la victoire sur le démon à la femme : Ipsa conteret caput luum, le texte original la rapporte à sa descendance (postérité ou rejeton). La leçon latine est fautive et on l’explique souvent par une erreur de copie. Tous les manuscrits hébreux sauf trois, les anciennes versions, tous les Pères grecs et la plupart des latins ont le masculin ipse. Le premier verbe hébreu est d’ailleurs à la troisième personne du masculin, et le pronom suffixe du second verbe est aussi masculin. Le pronom j*', n se rapporte donc à 7Il et non à ntfa. En outre, dans le texte

hébreu, la lutte est exprimée par le même verbe, répété dans les deux membres de phrase. La signification de ce verbe * i a été discutée. Il ne se rencontre qu’ici et Job, ix, 7 ; Ps. cxxxix, 11. On le traduit ou bien « briser, écraser », ou bien « dresser des embûches, observer, épier, chercher à atteindre ». Les Septante, les Pères grecs qui ont cité leur version et Onkelos ont adopté la seconde interprétation, généralement acceptée par les critiques modernes. Quoique saint Jérôme, Liber qusest. hebr. in Genesim, t. xxii, col. 943, préférât la signification : eonterere, il a traduit le second verbe par insidiaberis. Suivant cette interprétation, les combattants s’observent, s'épient et s’apprêtent à s’attaquer conformément à leur nature. La race de la femme cherche à écraser la tête du serpent, car c’est lui, et non sa descendance, qui est attaqué, et le serpent, qui rampe sur la terre, visele talon de l’homme etchercheàle mordre.

Suivant la première interprétation, la descendance de la femme brisera donc la tête du serpent et celui-ci lui mordra le talon. L’expression est évidemment métaphorique. Bans l'Écriture, iriser la tête de quelqu’un signifie briser ses forces, sa puissance, le rendre incapable de nuire, le vaincre. Amos, ii, 7 ; Ps. lxvii, 22 ; Cix, 6. La postérité de la femme brisera donc la puissance de Satan et détruira son empire tyrannique. La métaphore est continuée dans la suite du verset. Le serpent, écrasé par le pied de son adversaire, se retournera contre lui et l’attaquera au seul endroit qu’il puisse atteindre encore, au talon qu’il cherchera à atteindre par ses morsures venimeuses. Dans les suites de la lutte, il y a toute la différence d’un talon blessé et d’une tête broyée. Les commentateurs catholiques, qui reconnaissent dans la descendance de la femme un rejeton spécial, qui est le Messie, voient dans l'écrasement de la tête du serpent la victoire définitive remportée par le Fils divin de la Vierge Marie, qui, par sa mort sur la « roix, a véritablement brisé la tête du serpent infernal, Joa., xii, 31 ; Col., ii, 15 ; I Joa., iii, 8, et dans la morsure du serpent au talon du Christ, la mort sur la croix, œuvre des suppôts de Satan, mais cette morsure, quoique mortelle, est suivie de la résurrection du vainqueur du démon. Calmet, Commentaire littéral sur la Genèse, 2e édit., Paris, 1724, t. ] a, p. 39-40 ; Patrizi, Biblicarum qusestionum decas, Rome, 1877, p. 47-53 ; Id., De Nin, hoc est de immæulata Maria Virgine a Deo prsedicta, Rome, 1853 ; C. Passaglia, De immaculato Deiparse conceptu, Rome, 1853, t. ii, p. 812-954 ; Ms r Gilly, Précis d’introduction, Nimes, 1867, t. ii, p. 345-356 ; Ma r Lamy, Comment, in Genesim, Malines, 1883, t. i, p. 235-236 ; F. Vigouroux, Manuel biblique, 12e édit, Paris, 1906, t. i, p. 567-571 ; Fillion, La sainte Bible, Paris, 1888, t. i, p. 32 ; E. Mangenot, Les prophéties messianiques. Le prolévangile, dans Le prêtre, Arras, 1894-1895, t. vi, p. 802-808. Pour eux, le protévangile est messianique au sens littéral. Pour d’autres, il ne l’est qu’au sens spirituel ; la prophétie vise directement Eve et sa descendance, qui sont des figures du Messie et de sa mère, vainqueurs du démon. Les targums d’Onkelos et de Jérusalem avaient compris le sens messianique général de cette prophétie. Clément d’Alexandrie, Cohort. ad génies, i, t. viii, . col. 64, y avait vu seulement l’annonce prophétique du salut. Saint Chrysostome, Hom., xvii, in Gen., n. 7, t. lui, col. 143 ; saint Augustin, De Genesi contra manichseos, 1. II, . c. xviii, t. xxxiv, col. 210 ; saint Jérôme, Liber quœst. hebr. in Gen., t. xxiii, col. 943 ; saint Éphrem, Opéra syriaca, Rome, 1732, t. i, p. 135 ; saint Grégoire le Grand, Moral, in Job, 1. I, c' xxxvi, n. 53, t. lxxv, col. 552, l’ont entendue de la lutte des hommes avec le serpent infernal et de leur triomphe par leurs bonnes <euvres sur les perverses suggestions de Satan. Corneille de la Pierre, Comment, in Gen., Lyon, 1732, p. 66-67 ; Hengstenberg, Christologie des A. T., Berlin, 1829, t. 1, p. 26-46 ; Reinke, Beitrâge sur Erklàrung des A. T., Giessen, 1857, t. ii, p. 272 sq. ; Corluy, Spicilegium dogmatico-biblicum, Gand, 1884, t. i, p. 347-372 ; card. Meignan, De l'Éden à ifoïse, .Paris, 1895, p. 165-192 ; Crelier, La Genèse, Paris, 1889, p. 54-56 ; F. de Hummelauer, Comment, in Genesim, Paris, . 1895, p. 159-167, ont vu dans Eve et sa postérité les figures du Messie et de sa mère. Que la signification messianique du protévangile soit littérale ou spirituelle seulement, le trait initial qui commence à donner la physionomie du Messie, c’est qu’il sera un fils d’Eve, un descendant de la femme coupable, un membre de cette humanité qu’il arrachera à l’empire du démon.

2° La bénédiction de Sem. Gen., ix, 26, 27. — Après avoir maudit Cham, son fils irrespectueux, dans la personne de Chanaan, voir t. ii, col. 513-514, 532, Noé bénit Sem et Japheth, ses fils respectueux. La béné I diction de Sem est exprimée sous forme optative : « Béni soit Jéhovah, l'Élohim de Sem ! Que Chanaan soit son esclave ! » jéhovah, le Dieu de la révélation, de la grâce et du salut, est appelé l'Élohim de Sem. C’est la première fois que, dans l'Écriture, Jéhovah est dit l'Élohim d’un homme. Plus tard, il se nommera lui-même l'Élohim d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Gen., xxviii, 13 ; Exod., iii, 6. Cette dénomination exprime les rapports tout particuliers de Dieu avec ces patriarches : il est le Dieu de leur famille ; il a contracté alliance perpétuelle avec eux et il leur réserve à eux et à leur postérité des bénédictions spéciales. Or, ces bénédictions ne sont qu’une conséquence de celle de Sem. Le fait que Jéhovah est dit l'Élohim de Sem, signifie donc que ce fils de Noé aura comme apanage d’avoir avec Dieu des relations spéciales et de conserver la vraie religion. De sa race viendra le salut et le rédempteur promis à l’humanité pécheresse.

3° Promesses faites aux patriarches Abraham, Isaac et Jacob. — Deux promesses faites par Dieu à Abraham et renouvelées par lui à Isaac et à Jacob, avaient une portée messianique. — 1. Promesse d’une nombreuse postérité. — Après avoir ordonné à Abraham d'émigrer au pays de Chanaan, Dieu promit au patriarche de faire sortir de lui un grand peuple. Gen., xii, 2. Les réitérations de cette promesse divine en ont précisé le sens, puisque la postérité d’Abraham devait être aussi nombreuse que la poussière de la terre, Gen., xiir, 16, et les étoiles du ciel. Gen., xv, 5. Aussi le nom d’Abram est-il changé par Dieu en celui d’Abraham, « père de la multitude. » Dieu rendra le patriarche chef de nations et fera sortir des rois de lui. Gen., xvii, 4-6. Cette nombreuse postérité lui viendra non d’Ismaël, mais d’Isaac, fils de Sara. Gen., xvii, 16 ; xviii, 10-15 ; xxii, 17. Cf. Heb., xi, 12. Cette promesse est réitérée presque dans les mêmes termes à Isaac, Gen., xxvi, 4, et à Jacob, Gen., xxviii, 14, et elle a été réalisée par la nombreuse lignée d’Isaac. Mais plusieurs Pères ont pensé que la promesse divine n’avait pas son accomplissement parfait, si l’on ne considérait pas dans la postérité d’Abraham, son rejeton le plus illustre, Jésus-Christ, Matth., i, 1, et les fils qu’il lui a engendrés par la foi. Rom., IV, 16, 17. Cf. S. Irénée, Cont. hier., IV, vii, 1, 2, t. vii, col. 991-992 ; S. Ambroise, De Abraham, I, iii, 20-21, t. xiv, col. 428 ; S. Cyrille d’Alexandrie, Glaph. in Gen., III, 2, t. lxix, col. 113 ; Raban Maur, Comment, in Gen., ii, 12, 17, t. cvii, col. 533, 541 ; Rupert, De Trinitate et operibus ejus, xv, 10, 18, t. cxlvii, col. 375, 383. — 2. Promesse d'être une source de bénédictions. — Elle est exprimée dans le texte hébreu en ces termes : « Sois bénédiction. » Gen., xii, 2. L’impératif a le sens du futur. Elle est expliquée par le verset suivant : « Je bénirai ceux qui te béniront ; je maudirai ceux qui te maudiront ; et toutes les familles de la terre seront bénies en toi. » Elle s’est réalisée du vivant même d’Abraham : Lot, Gen., xiv, 16, Ismaël, Gen., xvii, 20, sont bénis à cause de lui ; Pharaon, Gen., xii, 17, et Abimélech, Gen., xx, 7, 17, ont été châtiés par Dieu à son occasion. Elle devait enfin être universelle. On a voulu, il est vrai, la restreindre aux tribus chananéennes et aux populations voisines, qui étaient en relations avec le patriarche. Mais rien ne justifie la restriction, et la réitération de cette promesse n’a fait qu’accentuer sa portée universelle. D’autre part, elle ne se réduisait pas à des bénédictions temporelles. Le verbe bâraq est employé ici à la forme niphal ou passive. Plusieurs commentateurs, après saint Chrysostome, In Gen., hom. xxxi, n. 4, t. lui, col. 288, l’entendent comme s’il était à la forme hithpahel ou réfléchie, employée Gen., xxii, 18 ; xxvi, 4 : « Toutes les tribus de la terre désireront pour elles ton sort henreux. » Les Septante, les targums, la version syriaque, la Vulgate, les Pères grecs et latins maintiennent le sens passif, cité par

saint Pierre, Act., iii, 25, et par saint Paul. Gal., iii, 8. La préposition 2, unie à la forme passive, désigne l’auteur ou l’instrument et signifie ici en toi ou par toi, de sorte que la bénédiction divine, qui se répandra sur les familles de la terre sera en la personne d’Abraham ou viendra par son intermédiaire. Saint Paul a expliqué le sens de cette promesse. Gal., iii, 7-9. Abraham ayant été justifié par la foi, Gen., xv, 6 ; Rom., iv, 3 ; Jac, ii, 23, tous les croyants sont ses fils. Rom., iv, 11, 12. Or l’auteur de l'Écriture, décidant de justifier les gentils par la foi, a annoncé d’avance à Abraham que toutes les nations seront bénies en lui, si elles ont la foi et bien qu’elles ne pratiquent pas la loi mosaïque. Il en résulte donc que tous les gentils, qui sont fils d’Abraham parce qu’ils partagent sa foi, auront part à sa bénédiction. Cf. J. Boehmer, Dos bibliscke « Im Namen », Giessen, 1898, p. 50. Le P. Cornely, Comment, in Epist. ad Cor. altérant et ad Gal., Paris, 1892, p. 480, l'étend à tout le salut messianique. Or, cette bénédiction les gentils la recevront par Abraham et le Christ son rejeton.

4° La bénédiction de Jacob mourant à Juda. Gen., xlix, 8-10. — Elle est certainement dans la bouche de Jacob une prophétie en même temps qu’un testament. Juda obtient la prééminence, refusée à Ruben, à Siméon et à Lévi, ses frères aînés, à cause de leurs fautes. Voir t. iii, col. 1073 ; t. iv, col. 201. Le premier en Israël, il aura gloire, force et souveraineté. Il donnera des rois à son peuple à partir de David. « Le sceptre ne sortira pas de Juda, ni le bâton de commandement d’entre ses pieds, jusqu'à ce que vienne « celui auquel il appartient », à qui est (due) l’obéissance des peuples ! » ꝟ. 10. La première partie du verset est claire. Il s’agit du bâton de commandement et du bâton de justice, qui sont les symboles de l’autorité civile et judiciaire de la tribu de Juda. Les Égyptiens et les Assyriens avaient de ces longs bâtons entre les pieds. "Voir t. i, col. 1510-1512. Seule, la seconde partie du verset est obscure, au moins dans le texte massorétique. La leçon rïW, Silo, n’a aucune signification pour la tribu de Juda, qui ne s’est jamais établie en ce lieu. Voir Silo. Ce n’est que par pure conjecture qu’on a substitué à ce nom celui de Salem, qu’aucun texte n’a conservé..D’ailleurs, la liaison locale avec le premier membre de la phrase n’a pas de sens ; on ne comprendrait guère que le sceptre que Juda tient entre ses pieds n’en sorte pas jusqu'à ce qu’il soit arrivé en un lieu, puisqu’il est au repos et pas en marche. Cette leçon, entendue dans le sens de « paix », ne se justifie guère au point de vue philologique et elle ne s’harmonise pas avec le contexte, car Juda, déjà au repos après le pillage, ji. 9, ne peut pas perdre le sceptre, en s'établissant pacifiquement sur son territoire. Il ne resterait, si l’on maintient la leçon rft’tf, qu'à en faire un nom symbolique du Messie, signifiant « le pacifique ». Mais la leçon rVîtf, appuyée par tous les anciens, sauf par saint Jérôme, paraît préférable. On la traduit, en sous-entendant NW : « celui à qui le sceptre appartient. » Ézéchiel, xxi, 32 (Vulgate, 27), a une formule analogue, quofque plus explicite. Le sens est ainsi très clair : Juda conserve le sceptre jusqu'à ce que vienne celui à qui il est destiné et à qui les peuples rendront obéissance. Celui-là est vraisemblablement un rejeton de Juda, qui prendra le sceptre, conservé longtemps dans sa tribu, et qui régnera sur les peuples. Cette prophétie a été réalisée par l’empire universel de JésusChrist ; le Messie, sorti de Juda, a vraiment conquis l’obéissance de tous les peuples. Voir t. iii, col. 17701771. Cf. Reinke, Die Weissagung Jacobs, Munster, 1849 ; F. "Vigouroux, Manuel biblique, 12e édit., Paris, 1906, 1. 1, p. 733-739 ; Patrizi, Biblicarum qusestionum decas, p. 69-118 ; A. Lëmann, Le sceptre de la tribu de

Juda, Lyon, 1880 ; Corluy, Spicilegium dogmaticobiblicum, t. i, p. 456-474 ; Lamy, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique de Jaugey, col. 16241649 ; card. Meignan, De l'Éden à Moïse, p. 435-464 ; Lagrange, La prophétie de Jacob, dans la Revue biblique, 1898, t. vii, p. 530-531, 540 ; F. de Hummelauer, Comment, in Gen., p. 592-597.

5° La prophétie de Balaani. —r Voir t. i, col. 13921397. Cf. Patrizi, Biblicarum qusestionum decas, p. 118160 ; F. Vigouroux, Manuel biblique, t. i, p. 775-779 ; card. Meignan, De Moïse à David, Paris, 1896, p. 194282.

6° Le prophète annoncé par Moïse. Deul., xviii, 1519. — Moïse, parvenu au terme de sa vie, rappelle aux Israélites la promesse que Dieu lui avait faite de susciter du milieu d’eux un prophète semblable à lui. Ce prophète ne peut être Job, comme l’ont prétendu quelques rabbins, ni Josué quiétaitpeut-êtredéjà institué comme successeur de Moïse, Num., xxvii, 18-23, pour conduire Israël, mais pas pour continuer sa mission prophétique. Les commentateurs catholiques se sont partagés en deux camps dans l’interprétation de cet oracle messianique. Le plus grand nombre s’appuyant sur la tradition juive qui, au temps de Jésus, reconnaissait dans ce prophète le Messie lui-même, Joa., i, 21 ; vi, 14 ; vii, 40, devant annoncer aux hommes toutes choses, Joa., iv, 25 ; cf. Deut., xviii, 18, prédit par Moïse, Joa., i, 45, v, 45, 46 ; sur l’interprétation de saint Pierre, Act., iii, 22, 23, de saint Etienne, Act., vii, 37, et de la plupart des Pères, l’ont entendu du Messie seul et de sa mission prophétique. Patrizi, Biblicarum qusestionum decas, p. 161-175 ; F. Vigouroux, Manuel biblique, t. i, p. 779 ; Corluy, Spicilegium dogmaticobiblicum, t. i, p. 447-455. Mais, à partir de Nicolas de Lyre, un autre courant s’est produit, qui voit dans cet oracle l’annonce prophétique de toute la série des prophètes d’Israël, y compris le Messie, le dernier des prophètes et l’objet principal des oracles messianiques de ses devanciers. Moïse, en effet, quand.il prononça cet oracle, voulait montrer aux Juifs qu’ils ne devaient pas consulter les devins, puisque Dieu leur avait promis une suite continue de véritables prophètes, qui leur feront connaître les volontés divines et leur annonceront toutes choses. Si les contemporains de Jésus et ses Apôtres appliquent cet oracle au Messie seul, c’est que la série des prophètes antérieurs, qui l’avaient préparé, était close ; c’est que le Messie était vraiment le dernier des prophètes, dont on attendait alors la venue prochaine. Act., iii, 22-26. Corneille de la Pierre, Comment, in Deul., Lyon, 1732, p. 764 ; Calmet, Commentaire littéral, t. i b, p. 497-498 ; card. Meignan, De Moïse à David, p. 292-313 ; F. de Hummelauer, Comment, in Deut., Paris, 1901, p. 371-377. Dans les deux interprétations, le sens est identique : le Messie sera un prophète israélite, pareil à Moïse, qui annoncera aux hommes toutes les volontés divines.

VII. Commentaires. — Ils sont très nombreux ; nous n’indiquerons que les principaux. — 1° De l'époque patrislique. — 1. Pères grecs et syriens. — S. Hippolyte, Fragmenta in Hexæmeron (Gen., Num.), t. x, col. 583-606 ; dans Die Griechischen christlichenSchriftesteller, Leipzig, 1897, t. i, p. 51-119 (chaîne arabe) ; Bonwetsch, Die georgisch erhaltene Schriften von Hippolytus : Der Segen Jakobs, der Segen Moses, etc., dans Texte und Untersuch., Leipzig, 1904, t. XI, fasc. 1, p. 1-78 ; Origène, Selecla in Genesim, t. xii, col. 91-145 ; Homilim in Genesim, ibid., col. 145-262 ; Selecta et Homiliae in Exod., Lev., Num. et Deut., ibid., col. 263-818 ; Fragmenta, t. xvii, col. 11-36 ; S. Basile, Homilisein Hexæmeron, t. xxix, col. 3-208 ; S. Grégoire de Nysse, In Hexæmeron, t. xliv, col. 61124 ; De hominis opificio, ibid., col. 124-297 ; De vita Moysis, ibid., col. 297-430 ; S.Jean Chrysostome, Bomi

lise Lxvirm Genesini, t. lui, liv, col. 23-580 ; Sermones IX in Genesini, t. liv, col. 581-630 ; Sévérien de Gabales, Orationes in mundi creationem, t. lvi, col. 429-500 ; Homilia de serpente, ibid., col. 499-516 ; S. Éphrem, Comment, in Pentateuchum, dans Opéra syriaca, t. i, p. 1-115 ; le commentaire qui suit, p. 116-295, a été revu par Jacques d'Édesse ; S. Cyrille d’Alexandrie, De adoratione in spiritu, t. lxviii, col. 133-1125 ; Glaphyra, t. lxix, col. 13-677 ; Théodoret, Queestiones in Gen., Exod., Lev., Num., Deut., t. lxxx, col. 76-456 ; Diodore de Tarse, Fragmenta in Gen., Exod., t. lxvl, col. 633648 ; Procope de Gaza, Comment, in Octateuchum, t. lxxxvii, col. 21-992 ; Photius, Amphilochia, t. ci, col. 48 sq. ; Nicéphore, Catena in Octateuchum et libros Begum, Leipzig, 1772. Sur les chaînes grecques du Pentateuque, voir Faulhaber, Die Katènenhandschriften der spanischen Bibliotheken, dans Biblische Zeitschrift, 1903, t. i, p. 151-159, 246-247.

2. Pères latins. — S. Ambroise, In Hexæmeron, t. XIV, col. 123-274 ; De paradiso terreslri, ibid., col. 275-314 ; De Caïn et Abel, ibid., col. 315-360 ; De Noe et arca, ibid., col. 361-416 ; De Abraham, ibid., col. 419-500 ; De lsaac et anima, ibid., col. 501-534 ; De Joseph patriarcha, ibid., col. 641-672 ; De benedictionibus patriarcharum, ibid., col. 673-694 ; S. Jérôme, Liber hebraicarum quiestionum in Genesim, t. xxiii, col. 935-1010 ; S. Augustin, De Genesi contra Manicheos libri duo, t. xxxiv, col. 173-220 ; De Genesi ad litteram imperfectus liber, ibid., col. 219-246 ; 1. XII, ibid., col. 245-486 ; Quses tiones in Heptateuchum (pour le Pentateuque), ibid., col. 547-776 ; Paulin, De benedictionibus patriarcharum libellus, t. XX, col. 715-732 ; Ru/ïn, De benedictionibus partriarcharum libri duo, t. xxi, col. 295-336 ; pseudo-Jérôme, De benedictionibus Jacob patriarches, t. xxiii, col. 1307-1318 ; S. Isidore de Séville, Qusestiones in V. T. Pentateuch., t. lxxmi, col. 207-370 ; S. Patère, Expositio V. et N. T., t. mxxix., col. 685-784 (pour le Pentateuque) ; S. Bède, Hexæmeron, t. xci, col. 9-190 ; In Pentateuchum commentarii, ibid., col. 189-394 ; De tabernaculo et vasibus ejus et uestibus sacris, ibid., col. S98-498', pseudo-Bède, De sex dierum creatione, t. xciii, col. 207-234 ; Qusestiones super Pentateuchum, ibid., col. 233-416 ; Alcuin, Interrogations et responsiones in Genesim, t. c, col. 515566 ; Baban Maur, Comment, in Gen., X. 'cvu, col. 443670 ; Comment. inExod., Lev., Num. et Deut., t. cviii, col. 9-998 ; Walafrid Strabon, Glossa ordinaria, t. cxiii, col. 67-506 (pour le Pentateuque) ; Angelome, Comment, in Gen., t. cxv, col. 107-244.

2° Du moyen âge. — S. Bruno d’Asti, Expositio in Pentateuchum, t. clxiv, col. 147-550 ; Rupert de Deutz, De SS. Trinitate et operibus ejus, t. clxvii, col. 1971000 (pour le Pentateuque) ; Hugues de Saint-Victor, Adnotationes elucidatoriæ in Pentateuchum, t. clxxv, col. 29-86 ; Honorius d’Autun, Hexæmeron, t. clxxii, col. 253-266 ; De decem plagis JEgypti, ibid., col. 265270 ; Abélard, Expositio in Hexæmeron, t. clxxviii, col. 731-784 ; Ernaud, Tractatus in Hexæmeron, t. clxxxix, col. 1515-1570 ; Hugues de Rouen, Fragmenta in Hexæmeron, X. cxcii, col. 1247-1256 ; Thomas, Postilla seu expositio aurea in librum Geneseos, Opéra, Paris, 1876 ; t. xxxi, p. 1-194 ; Hugues de Saint-Cher, Postilla, Venise, 1588, 1. 1 ; Nicolas de Lyre, Postilla, Rome, 1471, t. i ; Tostat, Opéra, Venise, 1728, t. i-iv ; Denys le chartreux, Comment, in Pentateuchum, Opéra omnia, Montreuil, 1896, 1897, t. i, il

3° Des temps modernes. — 1. Protestants. — Sans parler des commentaires de Luther et de Mélanchthon sur la Genèse, de Calvin sur le Pentateuque, etc., notons ceux de J. Gerhart (-}-1637), In Gen., Deut. ; d’Abraham Calov, In Gen., de Jean Drusius, Louis de Dieu, Louis Cappel, Coccéius et Grolius, au XVIIe siècle ; de Jean-Henri Michælis, Jean Le Clerc (1710 et 1735),

de Rosenmuller, Sckolia in V. T., dont les deux premiers volumes concernent le Pentateuque ; 3e édit., 1821, 1824 ; Scholia in V. T. in compendium redacta, 1828, t. i (Pentateuque). Au xixe siècle, le Pentateuque a été souvent commenté par les protestants, dont plusieurs ont entièrement versé dans le rationalisme. — En Allemagne, Tuch, Commenlar ûber die Genesis, Halle, 1838 ; 2e édit. par Arnold et Merx, 1871 ; Baumgarten, Theologischer Commentaizum A, T., Kiel, 1843-1844, t. i ; dans le Kurzgefasstes exegetisches Handbuch zum A. T., Leipzig, A. Knobel avait expliqué la Genèse, 1852, l’Exode et le Lévitique, 1857, les Nombres, le - Deutéronome et Josué, 1861 ; à partir de la 3e édition, la Genèse fut refondue par A. JDillmann (6e édit., 1892) ; trad. anglaise, 2 vol., Edimbourg, 1897 ; une 2e édition de l’Exode et du Lévitique fut faite par le même, 1880, et une 3e par Ryssel, 1897 ; une 2e édition des Nombres, du Deutéronome et de Josué par Dillmann parut en 1886. Le Theologisch-homiletisches Bibelwerk, édité à Bielefeld et Leipzig, contient un commentaire de la Genèse, par Lange, 2e édit., 1877, de l’Exode, du Lévitique et des Nombres par le même, 1874, du Deutéronome, par Schrôder, 1866 ; 2e édit. par Stosch, 1902. Le Biblischer Commenlar ûber das A. T., de ICeil et de Franz Delitzscb, contient la Genèse et l’Exode commentés par Keil, 3° édit, , Leipzig, 1878 ; du Lévitique, des Nombres et du Deutéronome, par le même, 2e édit., 1870 ; trad. anglaise, 3 in-8°, Edimbourg, 1881, 1885 ; le Kurzgefasster Kommentar zu den heiligen Schriften A. und N. T., de Strack et de Zôckler, Munich, comprend l’explication des quatre premiers livres du Pentateuque par Strack, 1894 (la Genèse a paru à part en 2e édition, en 1905), et celle du Deutéronome, de Josué et des Juges par Œttli, 1893. Le Handkommentar zum A. T. de Nowack, publié à Gœttingue, contient la Genèse de Gunkel, 1901 ; 1e édit., W02 ; l’Exode, le Lé' tique et Ves Nombres de Bæiitsth, "VàO'à, e*c le "DevAêronome de Steuernagel, 1900. Le Kurzer Hand-Kommentar zum A. T., de Marti, édité à Fribourg-en-Brisgau, renferme les commentaires de la Genèse, 1898, de l’Exode, 19Q0, des Nombres, 1903, par Holzinger ; du Lévitique, 1901, et du Deutéronome, 1899, par Bertholet. Commentaires spéciaux de la Genèse, par Franz Delitzscb, Leipzig, 1852 ; 4e édit., 1872 ; 5e édit. sous le titre Nette » * Commenta ?" ûber die Genesis, 1887 ; Gossvau, Commentar zur Genesis, Halberstadt, 1887 ; Schultz, Das Deuteronomium erklàrt, Berlin, 1859 ; J. Bohmer, Das ersteBuch Mose, Stuttgart, 1905. —En Angleterre, The Holy Bible according to the authorized Version, éditée par Cook à Londres, contient le Pentateuque en 2 in-8°, Londres, 1877, t. i et n. The Pulpit Commentarij, édité par Spence et Exell à Londres, contient la Genèse, par Whitelaw ; l’Exode, par Rawlinson ; le Lévitique, parMeyrick ; les Nombres par Winterbotham, et le Deutéronome par Alexander, 1897. The Expositor’s Bible, de Londres, renferme la Genèse de Dods, 1887, l’Exode de Chadwick, 1890, le Lévitique de Kellogg, 1891, Ves Nombres de Watson, 1889, et le Deutéronome de Harper, 1895. La Cambridge Bible for Schools and Collèges et The Century Bible n’ont pas encore de commentaires du Pentateuque. The international critical commentary on the Holy Scriptures of the Old and New Testaments, d’Edimbourg, comprend déjà les Nombres de Gray, 1903, et le Deutéronome de Driver, 1895. Commentaires particuliers : Wright, The book of Genesis in hebrew, Londres, 1859 ; 2e édit. 1896 ; G. V. Garland, Genesis with notes, Londres, 1878 ; Spurrell, Notes on the hebrew text of the book of Genesis, Oxford, 1887 ; 2e édit., 1896 ; Driver, The book of Genesis, Londres, 1904 ; Leviticus, Leipzig, 1894 ; Ginsburg, The third book of Moses, called Leviticus, Londres, 1884 ; Howard, The books of Numbers and Deuteronomy according to the LXX with critical notes, Cambridge, 1857 ; Maclaren, The books of Exodus, Leviticus and Numbers, Londres, 1906 ; Id., Books of Deuteronomy, etc., Londres, 1906. — En France, Ed. Reuss, L’histoire sainte et la loi, 2 vol., Paris, 1879, dans La Bible, traduction nouvelle avec introduction et commentaires. — En Hollande, Het Oude Testament, par Kuenen, Hosykaas, Kosters et Oort, 2 vol., Leyde, 1900, 1901.

2. Juifs. — Les commentaires de Raschi (1040-1150), Abenesra (1092-1167) et de David Kimchi (1160-1235) sur le Pentateuque sont réunis dans les Bibles rabbiniques. Celui d’Abarbanel a été édité à Venise, l’an 5539 du monde (1579 de l’ère chrétienne, in-f°, voir t. i, col. 16). S. Cahen a traduit le Pentateuque hébraïque en français, Paris, 1831 ; Kalisch, Historical and critical commentary on the old Test. with a new translation, Londres : Genèse, 1885 ; Exode, 1855 ; Lévitique, 1867, 1872 ; Hirsch, Der Pentateuch üherselzt und erläutert, 2e édit, 2 in-8°, Francfort-sur-le-Main, 1893, 1895 ; Hoffmann, Das Buch Leviticus übersetzt und erklärt, Berlin, 1906.

3. Catholiques. — Cajetan, Commentarii in quinque mosaicos libros, in-f°, Rome, 1531 ; Jérôme Oleaster, Comment. in Pentateuchum, 4 in-f°, Lisbonne, 1556 ; Aug. Steuchus d’Eugubio, V. T. ad hebraicam veritatem recognitio, sive in Pentateuchum annotationes, in-4°, Venise, 4529 ; Sante Pagnino, Calena argentea in Pentateuchum, in-f°, Anvers, 1565 ; Louis Lippoman, Catena in Genesim, Paris, 1546 ; 'in Exodum, Paris, 1550 ; G. Hammer, Commentationes in Genesim, in-f°, Dillingen, 1564 ; Benoît Pereira, Comment. et disputationes in Genesim, in-f°, Rome, 1589 ; Disputationes centum viginti septem in Exodum, Ingolstadt, 1601 ; Asorius Martinengus, Glosssæe magnse in Genesim, 2 in-f°, Padoue, 1597 ; Jean Lorin, Comment, in Leviticum, Lyon, 1619 ; in Numeros, Cologne, 1623 ; in Deuteronomium, Anvers, 1625 ; J. Tirin, Comment.in V. et N. T., Anvers, 1632 ; Corneille de la Pierre, Comment, in V. et N. T., Lyon, 1732, t. i ; réédité par Migne, Cursus completus Scripturæ sacræ, t. v-vii ; Corneille Jansénius, Pentateuchus, Louvain, 1641 ; J. Bonfrère, Pentateuchus Mosis commentario illustratus, in-f°, Anvers, 1625 ; Cl. Frassen, Disquisitiones in Pentateuchum, in-4°, Rouen, 1705 ; Calmet, Commentaire littéral sur tous les livres de l’A. et du N. T., 2e édit., Paris, 1724, t. i et ii ; Brentano, Dereser et Scholz, Die heilige Schrift des A. und N. T., Francfort-sur-le-Main, 1820, t. i-iii ; La Sainte Bible, éditée à Paris, contient la Genèse par Crelier, 1889 ; l’Exode et le Lévitique, par le même, 1886 ; les Nombres et le Deutéronome, par Trochon, 1887, 1888. Le Cursus Scripturæ sacræ des jésuites allemands, édité à Paris, contient un commentaire du Pentateuque par le P. de Hummelauer : in Genesim, 1895 ; in Exodum et Leviticum, 1897 ; in Numeros, 1899 ; in Deuteronomium, 1901. Commentaires particuliers : Fr. de Schranlt, Commentarius litteralis in Genesin, 1835 ; Th. J. Lamy, Comment. in librum Geneseos, 2 in-8°, Malines, 1883, 1884 ; A. Tappehorn, Erklärung der Genesis, Paderborn, 1888 ; G. Hoberg, 'Die Genesis nach dem Literalsinn erklärt, Fribourg-en-Brisgau, 1899 ; B. Keteler, Das Buch Genesis der Vulgata und des hebraisches Textes übersetzt und erklärt, Munster, 1905 ; Fillion, La Sainte Bible, Paris, 1888, t. i.

E.Mangenot.
En cours

PENTECOTE (grec : itevTjjxoaTTi ; Vulgate : Pentecoste), la seconde des trois grandes fêtes des Juifs.

Noms.

La fête est appelée fyag haq-qâfir bikkûrë, èopTï) Œpiffuoï irpwrofEvvriuiiTto.v, solemnitas messis primitivorum, « fête de la moisson et des prémices, » Exod., xxiii, 16 ; hag ëâbu’ôt, hoprr sëSo[JuiôiVj solemnitas hebdomadarum, « fêté des semaines, » _Exod., xxxiv, 22’; Deut., xvi, 10 ; yom hab-bikkûrim, niiÉpa Tôv véwv, dies primitivorum, « jour des prémices. » Num., xxviii, 26. Le mot ni’iTipLoarri, supposant en hébreu htamisHm, « cinquante » ou « cinquantième », est employé de différentes manières, dans Tobie, ii, 1 : f) âopxïj usvtrixo<TtT ; , « la fête (de) Pentecôte ; » dans II Mach., xii, 32 ; I Cor., xvi, 8, et dans Josèphe, Bell, jud., II, iii, 1 : j[evtt)xo<ttt|) « Pentecôte ; » dans les Actes, II, 1 ; xx, 16 : foiça. tt) ; rUvrïixoirnjç, « jour de la Pentecôte. » — Les Juifs ont ensuite appelé plus communément la Pentecôte’âséréf, en chaldaïque’âsarfâ’, .dans Josèphe, Ant. jud., III, x, 6, àaapôâ, « nom qui signifie Pentecôte. » Cf. Erachin, xi, 3 ; Midr. Koheleth, 110, 2, etc. Ce nom vient de’âsar, qui signifie « clore » et « rassembler », d’où le sens de « clôture » ou d’  « assemblée » pour’âséréf. Gesenius, Thésaurus, p. 1059, soutient que le mot veut toujours dire assemblée, comme Jer., ix, 2 ; Jos., i, 14 ; I Reg., x, 20, etc. Cependant les Septante l’ont traduit plusieurs fois par éÇ6510v, « dénouement, clôture, » Lev., xxm, 36, Vulgate : cœtus, « assemblée ; » Num., xxrx, 35, où la Vulgate ne traduit pas’âsérét ; Deut., xvi, 8, Vulgate : collecta, « assemblée. » Toujours est-il que les docteurs juifs ont pris ce mot dans le sens de « . clôture » et l’ont consacré à désigner spécialement la Pentecôte, considérée surtout comme la clôture du temps de la Pàque.

Date.

D’après la Loi, la date de la Pentecôte était ainsi fixée : à partir du lendemain du sabbat de la Pâque, oii l’on avait offert la gerbe nouvelle, on comptait cinquante jours, et, le lendemain de la septième semaine, on offrait une oblation nouvelle. Lev., xxiii, 15, 16. Les Caraïtes entendaient par ce sabbat celui qui tombait dans le cours des fêtes de la Pâque. D’après leur manière de comprendre le texte, les sept semaines de la Pentecôte pouvaient donc commencer du second au huitième jour après la Pâque. Les sadducéens professaient la même opinion. Cf. Menachoth, x, 3 ; Schûrer, Geschichle des judischen Volkes in Zeit. J. C, Leipzig, t. ii, 1898, p. 413, 414. D’après l’interprétation la plus commune, qui pratiquement a prévalu parmi les Juifs, ce sabbat n’était autre que le 15 nisan. Le lendemain du sabbat ou 16 nisan commençaient lès septsemaines au lendemain desquelles on fêtait la Pentecôte. De la sorte, il y avait sepl semaines pleines entre la Pâque et la Pentecôte. Pour les Caraïtes, la Pentecôte tombait toujours le lendemain du sabbat. Cf. Chagiga, ii, 4 ; Siphra, ꝟ. 248, 1. Elle ne coïncidait avec celle des autres Israélites que quand la Pâque tombait un vendredi.

Le rituel de la fête.

1. Ce jour-là, il y avait assemblée du peuple et le travail, sauf celui de la préparation des aliments, était interdit, comme au premier et au septième jour de la Pâque. L’offrande caractéristique de la Pentecôte était celle de deux pains levés. On y ajoutait en holocauste sept agneaux d’un an, un jeune taureau et deux béliers, et en plus un bouc et deux agneaux d’un an en sacrifice pour le péché. Lev., xxiii, 15-21. D’après les Nombres, , xxviii, 26-31, l’holocauste se composait de sept agneaux, deux jeunes taureaux et un bélier.

2. En principe, la fête ne durait qu’un jour. Mais, depuis la captivité, les Juifs qui résidaient hors de la Palestine la célébraient deux jours de suite. Cf. Gem. Pesachim, 52, 1 ; Gem. Bosch haschana, 5, 1. Peut-être agissaient-ils de la sorte dans la crainte de se tromper sur le vrai jour de la fête. Josèphe, Ant. jud., III, x, 6, dit qu’on immolait ce jour-là en holocauste trois jeunes taureaux, deux béliers et quatorze agneaux, ce qui représente, à un bélier près, le total de ce que prescrivent chacun de leur cçté le Lévitique et les Nombres. Les victimes indiquées par les Nombres étaient offertes à titre supplémentaire. Cf. Menachoth, iv, 2.

3. Les deux pains à offrir devaient être faits avec de la farine de froment nouveau

récolté en terre israélite. Sur le soir de la Pentecôte, ou, si le jour suivant était le sabbat, après la fin du sabbat, on achetait aux frais du trésor trois mesures de froment, on les passait à la meule et ensuite à travers douze cribles. On retirait deux dixièmes d'éphi de farine, on y ajoutait de l’eau chaude et du levain et l’on confectionnait les deux pains. Ils devaient avoir sept palmes de long, sept palmes de large et, aux extrémités, des cornes de quatre doigts. Le matin du jour suivant, à la suite des sacrifices publics, on offrait les deux pains à l’est du parvis intérieur, mais on ne les portait pas jusqu'à l’autel, à cause du levain qu’ils renfermaient. L’un des deux pains était ensuite donné au grand-prêtre, s’il le voulait ; l’autre se partageait entre les prêtres, qui le mangeaient dans le Temple. Ces deux pains constituaient des prémices. À partir de leur présentation, il était permis d’apporter au Temple des offrandes provenant des récoltes de l’année. Gf. Menachoth, xi, 9 ; Erachin, ii, 2. — Sur le cérémonial suivi pour présenter les prémices au Temple, voir Prémices. — 4. Après l’offrande des différents sacrifices prescrits, le peuple était invité à se réjouir dans des festins, auxquels on invitait les lévites et tous ceux qui vivaient dans l’entourage du chef de la famille. Deut., xvi, 11. — 5. La fête de la Pentecôte était célébrée partout par les Israélites, même hors de Jérusalem et de la Palestine. Tob., ii, 1 (texte grec). On omettait alors naturellement ce qui était spécial à la liturgie du Temple. Judas Machabée rentra à Jérusalem avec son armée victorieuse pour célébrer la fête des semaines ou Pentecôte. II Mach., xii, 30. La Pentecôte qui suivit la résurrection de Notre-Seigneur avait amené à Jérusalem « . des hommes pieux de toutes les nations qui sont sous le ciel », c’est-à-dire des divers pays ensuite énumérés. Act., ii, 5-11. Du temps de saint Paul, on fêtait encore la Pentecôte à Éphèse. I Cor., xvi, 8. — Cf. Reland, Antiquitates sacrai, Utrecht, 1741, p. 237-240 ; Iken, Antiquitates hebraicæ, Brème, 1741, p. 316-319.

4° La Pentecôte et la loi du Sinaï. — 1. Partis de l’Egypte le quinzième jour du premier mois, Exod., xii, 26-34, les Hébreux arrivèrent au Sinaï le premier jour du troisième mois, Exod., xix, 1, et trois jours après, Exod., xix, 16, Dieu commença à manifester sa présence sur le Sinaï, par des nuées, des éclairs et des tonnerres. Il s'écoula donc quarante-huit ou quaranteneuf jours entre la Pâque d’Egypte et la promulgation de la Loi au Sinaï. Malgré cette coïncidence entre la promulgation de la Loi et la fête de la Pentecôte, les textes qui prescrivent la célébration de la fête ne font jamais allusion aux événements du Sinaï, et même, dans le rituel mosaïque, rien n’est destiné à commémorer ces événements. Philon et Josèphe n'établissent nulle part aucune corrélation entre la fête et le don de la Loi. La promulgation de la Loi nouvelle à la fête de la Pentecôte donna probablement aux chrétiens l’idée de rattacher à la même fête le souvenir de la promulgation du Sinaï. Saint Jérôme, Ep., lxxviii, 12, ad Fabiol., t. xxii, col. 707, établit la coïncidence entre l'événement du Sinaï et la Pentecôte, qui en célèbre le souvenir. Saint Augustin, Cont. Faust., xxxii, 12, t. xlii, col. 503, affirme la même relation et voit dans la promulgation de la Loi au Sinaï la figure de la descente du Saint-Esprit à la Pentecôte. Saint Léon, De Pentecost., serm. l, t. liv, col. 400, pense comme les précédents. Les auteurs juifs postérieurs ne connaissent pas plus que leurs anciens la célébration d’une fête pour rappeler la manifestation du Sinaï. Ils admettent la coïncidence signalée par saint Jérôme. « La fête des semaines est le jour où la Loi "fut donnée. Ce qui constitue l’honneur de ce jour, c’est que sa date dépend de la fête solennelle précédente, la Pâque. » Maimonide, More nevochim, iii, 41.

Mais ils ajoutent : « La Loi divine n’a pas besoin d’un jour saint dans lequel on rappelle avec honneur son souvenir. Le motif de la fête des semaines est le commencement de la moisson du froment… Il est indiscutable que la Loi a été donnée le jour de la fête des semaines, mais il n’a pas été institué de fête pour la rappeler. » Abarbanel, In Leg., ꝟ. 262. Cependant, les auteurs juifs plus modernes n’hésitent pas à attribuer à la Pentecôte un sens historique et à célébrer ce jour-là la promulgation de la Loi. Cf. Munk, Palestine, Paris, 1881, p. 188. Pour beaucoup même, cette idée devient d’autant plus prééminente que l’objet primitif de la fête a moins de raison d'être dans les pays où ils vivent dispersés. Dans l’enseignement populaire, on s’exprime ainsi : « La Pentecôte ou fête des semaines est célébrée le cinquantième jour à compter du second jour de la Pâque, le six du mois de sivan (troisième mois). C’est l’anniversaire de la promulgation de la loi sur le mont Sinaï. Cette fête dure deux jours. » Wogue, Catéchisme, Paris, 1872, p. 59.

5° Symbolisme de la fête. — 1. La Pentecôte consacre solennellement la fin de la moisson, qui avait été inaugurée le lendemain de la Pâque. Elle est ainsi comme une suite de la solennité précédente, de laquelle elle dépend par sa date. Elle rappelait à l’Israélite que le Dieu qui l’avait tiré de la servitude d’igypte avait promis de le conduire « dans une terre fertile et spacieuse, dans une terre où coulent le lait et le miel », Exod., iii, 8, que ce Dieu avait tenu sa promesse, et que chaque année il donnait à son peuple l’abondance des moissons et des bénédictions terrestres. C'était donc une fête d’actions de grâces. — 2. La caractéristique de la fête consistait dans l’offrande de deux pains levés. À la Pâque, on avait offert les prémices d’une moisson qui commençait, mais qu’on ne pouvait guère encore utiliser pour l’alimentation de l’homme. À la Pentecôte, la moisson se terminait et l’on pouvait en présenter à Dieu le résultat définitif^ tel que l’industrie humaine le traitait pour l’approprier à la nourriture. On apportait au sanctuaire deux pains levés, mais par respect pour la loi qui ne permettait pas l’introduction du levain dans le culte du Seigneur, voiv Levmn, col. 198, ou ne es offrait pas sur l’autel. — 3. Les pains, au nombre de deux, n'étaient sans doute pas sans rapport avec les deux jours de fête dont l’un commençait et l’autre terminait le temps de la moisson ; les deux jeunes taureaux ou les deux béliers représentent la même idée, tandis que les sept agneaux se rapportaient aux sept semaines du temps de la moisson. Le jeune taureau ou le bélier, seul de son espèce, pouvait rappeler l’idée du Dieu unique auquel était offert l’holocauste. Cf. Bàhr, Symbolik des mosaischen Cultus, Heidelberg, 1839, t. ii, p. 645-652.

6° La Pentecôte du Nouveau Testament. — 1. C’est le jour même de la Pentecôte juive, à la troisième heure, c’est-à-dire vers neuf heures du matin, que le Saint-Esprit descendit sur les Apôtres et les disciples rassemblés au nombre de cent vingt. Act., Il, 15. Desphénomènes extérieurs analogues à ceux du Sinaï signalèrent sa venue et furent remarqués par la multitude qui se trouvait dans la ville. Act., ii, 6. Le Saint-Esprit apparut sous forme de langues de feu. Voir Langue, t. iv, col. 74. Il communiqua aux Apôtres le don des langues. Voir Langues (Don des), t. iv, col. 74-81. — 2. L’ancienne Pentecôte était la fête de la moisson ; avec la nouvelle commence la moisson évangélique, et dès le jour même saint Pierre fait une récolte d’environ trois mille âmes. Act., ii, 41. La Loi nouvelle est promulguée ce jour-là, cinquante jour* après la rédemption, comme l’avait été jadis la loi du Sinaï, cinquante jours après la délivrance de la servitude d’Egypte. C’est ce qui fait dire à saint Jérôme, Epist. lxxviii, 12, ad Fabiol., t. xxil, col. 707, qu' « on.

célèbre la solennité de la Pentecôte et qu’ensuite le mystère évangélique reçoit son complément dans la descente du Saint-Esprit ». Cf. J. C. Harenberg, De tniraculo pentecostali, dans le Thésaurus de Hase et Iken, Leyde, 1732, t. ii, p. 569-594 ; Kellner, Heortologie, Fribourg-en-B., 1901, p. 72-75.

H. Lesêtre.
    1. PEQOD##

PEQOD (hébreu : Peqôd), nom qui se lit dans deux passages de la Bible : Jer., l, 1, et Ezech., xxiii, 23. Les anciens commentateurs en ont fait généralement un nom commun. Ils ont traduit ce mot dans Jérémie dans le sens de « Visitation » divine, c’est-à-dire de châtiment, et ont cru que le prophète appelait ainsi symboliquement Babylone pour annoncer le châtiment que Dieu allait lui infliger. Dans Ézéchiel, ils ont donné à Peqôd le même sens que pâqîd, « chef, préfet. » II Esd., xi, 9 ; xiv, 22 ; xil, 42. La Vulgate a traduit, dans Jérémie, Peqôd par visita, et dans Ezéchiel par nobiles Dieu dit dans Jérémie au futur vainqueur de Babylone, d’après saint Jérôme : « Monte contre le pays des Dominateurs et visite (châtie) ses habitants. » — Depuis que les documents cunéiformes nous ont mieux fait connaître la géographie assyro-babylonienne, on ne peut plus douter qu’il ne faille traduire ainsi ce passage : « Monte contre la terre de Merâtaim (région du sud de la Babylone, Frd. Delitzsch, Wo lag das Parodies, p. 41, 182), et contre les habitants de Peqôd. » — Dans Ézéchiel, d’après la Vulgate, Dieu dit à Ooliba, personnification de Jérusalem et du royaume de Juda : « Je susciterai contre toi… les fils de Babylone et tous les Chaldéens, nobles, rois et princes. » Il faut traduire l’hébreu : « Je ferai venir contre toi les fils de Babylone et tous les Chaldéens, Peqôd, Sô'a et Qô'a (Sutu ou Su et Qutu, ou qu, tribus voisines de la Babylonie, Frd. Delitzsch, Wo lag das Parodies, p. 233). » La version des Septante, qui avait pris les noms propres pour des noms communs, dans Jérémie, de même que la Vulgate, a reconnu ici des noms propres qu’elle a transcrits par « fcaxoiix (Alexandrinus : xort *ouS), Soui et 'Txoui. Symmaque et Théodotion avaient fait de même : <ÊaxoùS y.al Souè xoù Kous. Origène, Hexapl., Ezech., xxm, 23, t. xvi, 3, col. 2557. Saint Jérôme a suivi dans la traduction de ce passage la version d’Aquila et s’il n’a pas accepté l’interprétation des Septante et des autres traducteurs grecs, c’est, dit-il, In Ezech., xxiii, 23, t. xxv, col. 219, parce qu’on ne trouve pas les noms de Phacud, Sue et Cue comme noms de peuples dans l'Écriture ; ce qui n’est pas exact pour Peqôd et ne peut rien prouver d’ailleurs contre l’existence de ces tribus orientales, la Bible n’ayant pas eu occasion de les nommer ailleurs.

Peqôd est le nom d’une tribu de la Babylonie méridionale et de la contrée où elle habitait, près de l’embou avec les Élamites, leurs voisins, et les rois d’Assyrie, Sargon et Sennachérib, leur firent plusieurs fois la guerre. Les inscriptions cunéiformes appellent cette tribu Puqûdu. E. Schrader, Keilinschriften und Geschichtsforschung, 1878, p. 108, 111, 113 ; Frd. Delitzsch, Wo lag das Parodies, p. 182, 195, 240. La tribu de Puqùdu dut être soumise à la domination de Nabuchodonosor et lui fournir des soldats quand son armée assiégea et prit Jérusalem, ainsi que l’annonce Ézéchiel. Plus tard, quand Gyrus s’empara de Babylone, Peqôd dut être soumise aux Perses et punie, selon la prédiction de Jérémie, du mal qu’elle avait fait aux Juifs dans l’armée de Nabuchodonosor. F. Vigouroux.

    1. PERCNOPTÈRE##

PERCNOPTÈRE (hébreu : râhâm ; Septante : 5topçv)p(wv ; Vulgate : porphyrion), espèce de vautour,

16. — Le percnoptère.

rangé parmi les oiseaux impurs. Lev., xi, 18 ; Deut., xiv, 17. — Les versions font du râhâm un porphyrion, espèce d’oiseau qui appartient à l’ordre des échassiers. Voir Porphyrion. Mais ce nom désigne le vautour

17. — Percnoptère planant et tenant deux chasse-mouches dans ses serres. D’après Masp « ro, Histoire ancienne de VOrient, 1. 1, p. 791.

chure du fleuve Uknu. Les gens de Peqôd étaient de race araméenne ; ils s’allièrent en diverses circonstances

d’Egypte, vultur ou neophron percnopterus, « à ailes noires, a connu des Arabes sous le nom de rahmah.

Cet oiseau, long d’une soixantaine de centimètres, a le plumage blanc mêlé de brun et de roussâtre, les grandes plumes des ailes noires, les pieds jaunes ; la tête est dénudée et de couleur jaune clair (fig. 16). Le percnoptère et moins fort que les autres rapaces de son . espèce ; aussi évite-t-il de se mêler à eux. Il vit ordinairement par paires et sa ponte est de deux œufs, rarement de trois. Ce qui distingue surtout cet oiseau, c’est son genre d’alimentation. Il se nourrit de cadavres d’animaux et de détritus de toute nature, débarrassant ainsi le sol de tout ce qui pourrait empester, et, à ce titre, méritant la protection dont l’homme l’entoure. On le trouve dans les parties chaudes de l’ancien monde, des Pyrénées au sud de l’Inde, et dans presque toute l’Afrique. Il est très commun en Egypte ; on le voit représenté sur les monuments (fig. 17). En Palestine, on le "rencontre en été, jamais en hiver. Il y vit familièrement dans le voisinage de l’homme et s’abat sans crainte jusque dans les villages, pour chercher sa nourriture dans les tas d’immondices. On comprend que le percnoptère, malgré les services qu’il rend, ait été rangé parmi les oiseaux impurs. Cf. Trislram, The natural.history of the Bible, Londres, 1889, p. 180. — Michée, i, 16, dit à sa nation : c< Fais-toi chauve comme le nésér, car (tes enfants) s’en vont en captivité loin de toi. » Le mot hébreu désigne ordinairement l’aigle ; mais c’est un nom générique qui a une signification générale et ici il se rapporte au vautour percnoptère, qui seul est chauve ; il en est de même dans Job, xxxix, 27 ; Prov., xxx, 17, où il est dit qu’il se nourrit de cadavres. Cf. Buhl, Gesenius' Handwôrt., p. 550.

H. Lesêtre.

PERCY Thomas, théologien anglican, né à Bridgnorth en 1728, mort à Dromore le 30 septembre 1811. D’une condition modeste, il prit ses grades à Oxford et entra dans les ordres. Chapelain du duc de Northumberland et du roi, il devint doyen de Carlisle en 1778, et quatre ans plus tard, évêque de Dromore en Irlande. Parmi ses écrits on remarque : The Song of Salomon newly translatée from the original Hebrew : with a commentary and annotations, in-12, Londres, 1764 ; et un manuel souvent réimprimé qui a pour titre : A Key of the New Testament giving an account of the several books, their contents, their authors, and of the times places and occasions, on which they were wrïten, in-12, Londres, 1765. — W. Orme, Siblioth. bi-~

blica, p. 346.
B. Heurtebize.
    1. PERDRIX##

PERDRIX (hébreu : qorê' ; Septante : mépSi ? ; Vulgate : pérdix), oiseau de l’ordre des gallinacés, que caractérise l’absence d’ergots, remplacés par une simple saillie tuberculeuse du tarse. L’espèce perdrix comprend les perdrix proprement dites, les cailles (voir t. ii, col. 34), les francolins, etc.

1° Description. — Les perdrix proprement dites (fig. 18) ont à peu près la taille du pigeon. Elles portent un plumage gris, mélangé de diverses couleurs, ont la tête petite, le corps ramassé, les ailes courtes, se nourrissent d’herbes, de graines, d’insectes, de vermisseaux, d'œufs de fourmis, etc., vivent en compagnies de plusieurs individus, nichent à terre, ordinairement dans les sillons, et y pondent de douze à vingt œufs que la femelle est seule à couver. Elles sont timides et défiantes et, d’un vol saccadé et bruyant, changent continuellement de séjour, bien qu’elles n’entreprennent que rarement de longs voyages. Elles font entendre un cri guttural, dur et sec. Ce cri a valu à la perdrix son nom hébreu de qorê', du verbe qârâ', « crier. » La perdrix est activement chassée par les oiseaux de proie, les renards et l’homme, qui la recherche à cause de ses qualités comestibles. À l’approche de l’ennemi, le mâle s’envole d’un côté pour attirer l’attention ; la femelle part d’un autre, puis revient en courant auprès

de ses perdreaux pour les rassembler en lieu sûr. — La perdrix grecque ou bartavelle, caccabis saxatilis, abonde en Palestine, dans les régions rocheuses du désert de Judée et dans les gorges de la forêt du Carmel. Elle se plaît dans les pays montagneux. On en trouve aussi très fréquemment dans les parties sauvages de la Galilée, courant par compagnies, comme des poules domestiques, au milieu des rochers. Les bandes en sont nombreuses en automne ; elles se dispersent en hiver, sans doute pour se procurer plus facilement leur nourriture. La grosse perdrix rouge, perdix schukkar, s’envole ou court rapidement devant les cavaliers, qui la poursuivent à fond de train et arrivent à la tuer quand elle est fatiguée. La perdrix du désert, ammoperdix heyii, a des nuances plus délicates. Elle est grosse à peu près deux fois comme une caille, et a le plumage d’un gris jaunâtre, le mâle seul portant aux joues une sorte de col d’un blanc de neige. « Cette perdrix a tellement la couleur du sol environnant, qu’on lui marche presque sur le corps avant de l’apercevoir… Ces perdrix, fort peu sauvages, constituent un manger délicat… On parvient à les prendre avec la main en les

18. — La perdrix.

poursuivant dans les trous des rochers où elles vont se retirer. Lorsqu’elles sont ainsi pourchassées pendant quelques instants, elles restent parfaitement immobiles en cachant leur tête et souvent même une partie de leur corps entre deux pierres ou dans la fente d’un rocher… Cet oiseau, qui est loin cependant d'être inintelligent, croit évidemment ne plus être vu parce qu’il ne peut plus voir ce qui se passe autour de lui. Cette manière d’agir est une exception pour les espèces de ce groupe. » Lortet, La Kyrie d’aujourd’hui, Paris, 1884, p. 403, 406, 469. On rencontre ce genre de perdrix dans l’Arabie pétrée, le bassin de la mer Morte, le désert de Judée et surtout les environs de la grotte d’Odollam. Comme tous les autres oiseaux, elles aiment à se réfugier à l’abri des tamaris et des zizyphus. Dans les riches plaines de Génézareth, d’Acre et de Phénicie, le genre perdrix est principalement représenté par le francolin, francolinus vulgaris, bien connu dans l’Inde et dans quelques rares régions du sud de l’Europe. Le mâle est un bel oiseau, avec sa poitrine noire, ses flancs largement mouchetés de blanc et son collier châtain frangé de taches noires et blanches. Le francolin se cache dans les herbes épaisses et dans les cultures des plaines marécageuses, de telle sorte qu’il est bien plus aisé de l’entendre que de l’apercevoir. — Au nom hébreu de qorê" se rattache aussi un autre gallinacé, le coq de bruyère des sables, pterocles, très abondant dans les districts arides de la Palestine. Cet oiseau ressemble assez au pigeon et fréquente par myriades les terrains sablonneux de

l’Asie et de l’Afrique. On en voit jusque dans le nord de l’Espagne et dans les Landes françaises. Le coq des sables commun, pterocles arenarius, le khudry des Arabes, se trouve dans le désert de Judée. Une autre espèce, le pterocles setarius, le kata des Arabes, se montre de temps en temps par milliers dans les parties découvertes de la vallée du Jourdain et dans le désert qui est à l’est. Le désert de Judée et les abords de la mer Morte sont encore fréquentés par deux autres espèces, le pterocles exustus et le senegalensis, dont le plumage présente, avec des traits délicats, une tonalité générale enharmonie avec celle du terrain. Delà vient que les oiseaux du genre perdrix échappent si facilement à la vue de leurs ennemis. Cf. Tristram, The natural history of the Bible, Londres, 1889, p. 224-229. 2° La perdrix dans l'Écriture. — La Sainte Écriture fait trois fois mention de la perdrix. David constate que Saùl le poursuit « comme on poursuivrait une perdrix dans les montagnes ». I Reg., xxvi, 20 Cette comparaison est parfaitement justifiée. On a vu plus haut comment les perdrix des différentes espèces communes en Palestine sont poursuivies à travers les rochers et finissent par se laisser prendre, quand la fatigue les a harassées. Ainsi Saùl comptait épuiser les forces de David par une poursuite acharnée et finir par s’emparer de lui. — On lit dans l’Ecclésiastique, xi, 32 (28) :

Comme la perdrix de chasse dans sa cage, Ainsi est le cœur de l’orgueilleux, Et comme l’espion il guette la ruine, Changeant le bien en mal, il dresse des pièges.

Cette perdrix de chasse, jtlpSiS 0-/jpeutt, ç, est celle qu’on . employait comme appeau. On dressait pour cet usage des alouettes, des linottes, des pigeons, des cailles et surtout des perdrix. Celles-ci étaient ensuite placées dans une cage qu’on dissimulait en partie au moyen d’un couvert de feuillage. En avant de la cage, un filet manœuvré par un chasseur caché, pouvait s’abattre sur les oiseaux qu’attiraient les cris des perdrix prisonnières, ou les empêtrer de telle sorte qu’il était ensuite aisé de les prendre à la main. Cf. Tristram, The natural history, p. 163-164. L’orgueilleux méchant et perfide est comparé à l’oiseau qui sert d’appeau ; il attire auprès de lui, mais pour perdre et faire tomber dans ses pièges. — Enfin, Jérémie, xvii, 11, emprunte aux mœurs de la perdrix cette autre comparaison :

Une perdrix couve (des œufs) qu’elle n’a pas pondus ; Tel est l’homme qui acquiert des richesses injustement ; Au milieu de ses jours, il doit les quitter, Et à sa fin il n’est plus qu’un insensé.

Ce texte semble supposer que la perdrix va s’emparer d'œufs d’oiseaux d’une autre espèce, qu’elle les couve et qu’ensuite les poussins abandonnent celle qui n’est pas leur mère. Cette dernière se trouverait alors dans le cas de la poule qui a couvé des œufs de canards, comme on dit proverbialement en français. Le chaldéen traduit : « Voici, comme la perdrix rassemble des œufs qui ne sont pas à elle, et en les chauffant couve des poussins qui pourtant ne la suivent pas, ainsi en est-il de tout méchant qui possède des richesses mal acquises. » On lit dans les Septante : « La perdrix a crié, elle a rassemblé ceux qu’elle n’a pas engendrés, » et dans la Vulgate : « La perdrix a couvé ceux qu’elle n’a pas engendrés. » Saint Ambroise, qui a toute une lettre sur les mœurs de la perdrix, Ep. xxxil, t. xvi, col. 10691071, accepte le fait de la perdrix s’emparant d'œufs étrangers. Cf. Hexæm., vi, 3, t. xiv, col. 246. Saint Jérôme, In Jer, , iii, 17, t. xxiv, col. 789, pour justifier cette assertion, s’appuie sur les auteurs d’histoire naturelle, qu’il, cite d’ailleurs assez vaguement. Saint Augustin, Cont. Faust., sur, 12, t. xur, col. 289, explique le même texte, mais sans s’arrêter au rapt des œufs

étrangers. Il est à remarquer que le texte hébreu ne suppose nullement que des œufs soient pris par la perdrix à d’autres oiseaux. D’ailleurs les faits ne justifient pas cette affirmation. Le coucou va porter ses œufs dans le nid d’un autre oiseau qui les couve à son insu, mais on ne cite pas d’oiseau qui aille s’emparer des œufs d’un autre pour les couver lui-même. Le texte hébreu dit seulement : qorê' dâgâr velô' yàlâd, « la perdrix a couvé et n’a pas engendré. » En supposant les deux termes de la phrase unis par un pronom relatif, « la perdrix a couvé (ce qu’elle) n’a pas engendré, » il suffirait, pour justifier l’assertion, de dire, non pas que la perdrix a pris des œufs, mais qu’on lui en a mis à couver qu’elle n’avait pas pondus, et que ces œufs, appartenant à des oiseaux qui n'étaient pas de son espèce, ont donné des poussins qui l’ont abandonnée pour se livrer à leurs allures propres. Ainsi l’homme acquiert injustement des richesses qui, à un moment, l’abandonnent et sont perdues pour lui, par un juste retour des choses. Le verbe dâgâr veut dire « amasser » pour couver, quand il s’agit des oiseaux. Mais sa signification ne s'étend pas jusqu'à l’idée d’aller chercher des œufs ailleurs que dans le nid où ils sont déposés. Quant au verbe yâlâd, il signifié « engendrer » et « pondre », en parlant des oiseaux ; Mais comme ce passage de Jérémie est le seul où yâlâd soit employé à propos d’oiseaux, on ne voit pas pourquoi ce verbe ne pourrait pas signifier « engendrer » dans le sens de « faire éclore », d’où la traduction possible : « La perdrix a couvé et n’a pas fait éclore, » c’est-à-dire n’a pas mené à terme sa couvée. Cf. Vatable, dans le Script. Sacr. cursus compl. de Migne, Paris, 1841, t. xix, col. 175. « Sur ce passage de Jérémie, écrit Tristram, The natural history, p. 225, on a proposé, plusieurs commentaires ingénieux, dont quelques uns sont contraires aux faits. On a affirmé que la perdrix dérobe les œufs d’autres oiseaux, les couve pour son propre compte, d’où la traduction du passage : Elle rassemble des œufs qu’elle n’a pas pondus. Mais il n’est pas vrai que la perdrix dérobe les couvées des autres. Il n’y a qu’une vraie interprétation. La perdrix pond un très grand nombre d'œufs. Une fois, j’ai trouvé un nid de trente-six œufs dans désert de Judée.' Mais elle a beaucoup d’ennemis, parmi lesquels l’homme n’est pas le moindre, qui recherchent son nid et lui dérobent ses -œufs. Les œufs de perdrix sont assidûment recherchés par les Arabes qui en font leur nourriture. Ils sont aisés à trouver et la quantitédétruite annuellement estsurprenante. Durant un printemps, en Palestine, près de huit cents œufs de perdrix grecque, caccabis saxatilis, ont été apportés à notre camp ; nous avions l’habitude de les utiliser chaque jour, encore tout frais, pour faire des omelettes. Autrefois on les ramassait sansdoute dans le même but. La pensée du prophète est donc que l’homme devenu riche par des moyens injustes n’aura guère la jouissance de sa prospérité mal acquise, mais qu’il la perdra prématurément, comme la perdrix qui commence à couver, mais est rapidement dépouillée de tout espoir de couvée. » La comparaison porterait ainsi, non sur la manière dont les richesses injustes sont acquises, mais sur la rapidité avec laquelle elles disparaissent. Il faudrait donc traduire :

La perdrix couve, sans mener à ferme ; Ainsi l’homme qui acquiert des richesses injustement.

H. Lesêtre.

PÈRE (hébreu : 'ab ; Septante : rcrriip ; Vulgate : paler), celui qui a engendré des enfants avec le concours de la mère. Le nom de père est employé par la Sainte Écriture dans des sens divers, tantôt par rapport aux hommes tantôt par rapport à Dieu. '

I. Par rapport aux hommes. — 1° Père au sens naturel, Gen., ii, 24 ; IX, 18, etc. — Sur les droits du père, voir Famille, t. ii, col. 2170. Les devoirs envers

sont souvent rappelés aux enfants. Exod., xx, 12 ; Matth., xv, 4 ; xix, 5 ; Marc, vii, 10 ; x, 19 ; Luc, xviii, 20 ; Eph., vi, 2, etc. Les coups ou les malédictions adressés au père étaient punis de mort. Exod., xxi, 15, 17. Voir Mère, t. iv, col. 995.

2° Grand-père. — Ahraham est appelé père de Jacob, bien qu’Isaac sépare l’un de l’autre. Gen., xxviit, 13. Jacob appelle pères Abraham et Jsaac. Gen., xlix, 29*.

3° Ancêtres. — Gen., xlvi, 34 ; Num., xiv, 18, etc., et particulièrement ceux d’un peuple. Très fréquemment, il est parlé aux Israélites de leurs pères, c’est-àdire des premiers hommes de leur race qui ont reçu les promesses divines et ont été témoins des merveilles de la puissance de Dieu. Exod., iii, 15 ; xiii, 5 ; Num., xx, 15 ; Ruth, IV, 17 ; III Reg., xiv, 15 ; IV Reg., xiv, 3 ; , xviii, 3 ; Tob., iii, 13 ; Judith, v, 7 ; Ps. xxii (xxi), 5 ; xliv (xliii), 2 ; Is., li, 2 ; xliii, 27 ; Jer., xvi, 11, 12 ;

I Mach., x, 52 ; II Mach., i, 25 ; Joa., vii, 22 ; Act., iii, 13, etc. Quelquefois, on donne le nom de père à un ancêtre très éloigné. Adam est le père commun de tous les hommes. Eccli., XL, 1 ; xlix, 19. David est le père du roi Asa, III Reg., xv, 11, et ensuite du Christ. Luc, i, 32. — Rejoindre ses pères, dormir avec ses pères, c’est mourir et passer dans une autre vie où l’on retrouve les ancêtres. Gen., xv, 15 ; xlvii, 30 ; Deut., xxxi, 16 ; II Reg., vii, 12 ; III Reg., ii, 10 ; xiv, 20 ; xvi, 6 ; xxii, 40 ; IV Reg., xxi, 18 ; I Mach., ii, 69, etc. Le roi Antiochus Eupator exprime cette idée sous la forme païenne quand il écrit que son père a été « transféré parmi les dieux ». II Mach., xi, 23.

4° Souche d’un peuple. — Sem est le père de tous les fils d’Héber, Gen., x, 21 ; Abraham, celui d’une multitude de nations, Gen., xvil, 4 ; Eccli., xliv, 20 ; Moab, celui des Moabites, et Ben-Ammi, celui des Ammonites, Gen., xix, 37 ; Esaù, celui des Iduméens. Gen., xxxvi, 9, 43, etc. Ézéchiel, xvi, 3, dit que le père des Israélites était un Amorrhéen, afin de signifier que les fils de Jacob sont partis de Ghanaan pour aller en Egypte, où ils sont devenus un peuple. Les Israélites revendiquent souvent comme pères, c’est-à-dire comme fondateurs de leur nation, Abraham, Matth., m, 9 ; Luc, i, 73 ; iii, 8 ; xvi, 24 ; Joa., viii, 39, 53, 56 ; Act., vii, 2 ; fiom., iv, 1, 12, 16 ; Jacob., ii, 21 ; Isaac, Rom., IX, 10 ; Jacob, Joa., iv, 12, et même David. Marc, xi, 10 ; Act., iv, 25.

5° Instituteur d’un genre de vie. — Jabel est le père de ceux qui habitent sous la tente et au milieu des troupeaux, Jubal le père de ceux qui jouent des instruments. Gen., IV, 20, 21. Jonadab, fils de Réchab, est le père des Réchabites, qui s’abstiennent devin. Jer., xxxv, 6, 8. Phinées est le père de ceux qui se montrent zélés pour la cause de Dieu. I Mach., ii, 54.

6° Maître. — Michas demande à un lévite d'être son père et son prêtre. Jud., xvii, 10 ; xviii, 19. David appelle Saül son père. I Reg., xxiv, 12. Elisée donne ce nom à Élie, IV Reg., ii, 12, et lui-même le reçoit du roi d’Israël, IV Reg., vi, 21 ; xiii, 14, et du roi de Syrie. IV Reg., viii, 9. Les serviteurs de Naaman l’appellent père. IV Reg., v, 13. Les relations de maître à disciple sont assimilées aux relations de père à fils. Voir Fils, t. ii, col. 2252. Saint Paul dit aux Corinthiens qu’ils pourraient avoir dix mille maîtres, mais qu’ils n’ont qu’un père, l’apôtre qui les a engendrés en Jésus-Christ. I Cor., iv, 15.

7° Bienfaiteur. — Job, xxix, 16, a été le père des pauvres. L’homme de bien doit être comme un père pour les orphelins. Eccli., IV, 10. Razias était « appelé le père des Juifs à cause de sa bienfaisance. »

II Mach., xiv, 37. Jiliacim, intendant d'Ézéchias, devait être un père pour les habitants de Jérusalem, Is., xxii, 21, mais il ne sut pas conserver sa situation.

8° Conseiller. — 1. En Egypte, Joseph est constitué père du pharaon. Gen., xlv, 8. « Les traducteurs de ce pas

sage, à commencerpar les Septante, ontcru yreconnaitre le mot hébreu deab, « père ». Ce sont les textes égyptiens qui nous informent que, loin d'être hébreu, le titre de ab en pirâo désigne un inspecteur ou intendant royal attaché tout spécialement à la maison pharaonique. Plusieurs des précieux papyrus historiques du temps de la XIXe dynastie, dont les textes, sous forme de simples lettres et communications, ont été composés par des scribes et employés de la cour, se rapportent à ces ab en pirâo, ces officiers supérieurs du pharaon dont le haut rang est clairement indiqué par le style plein de respect de la part de ces scribes de rang inférieur. » ; Brugsch, L’Exode et les monuments égyptiens, 1875, p. 17. On ne voit pas que le titre de « père » ait été employé dans le protocole égyptien. Il y avait seulement, à la cour du pharaon, des rokhou ou « commis » du roi, qui pouvaient traiter avec lui sans intermédiaire et qui, descendants éloignés des princes et des princesses de jadis, étaient plus ou moins apparentés au souverain régnant ; puis des samîrou ou « amis », anciens compagnons du prince dont ils avaient partagé l'éducation et les jeux. Cf. Maspero, Histoire ancienne de l’Orient classique, 1. 1, p. 280, 281. On peut s'étonner que Joseph ait pris, vis-à-vis de ses frères, un titre purement égyptien et probablement inconnu d’eux ; mais ce titre était suffisamment expliqué pour eux par ceux qui suivent, 'âdôn, « seigneur », et mosêl, « prince », de toute l’Egypte. Le Samaritain traduit ici 'âb par rê'éh, « ami, conseiller ». En égyptien, I I-f-, àb, voulant dire « cœur », on pourrait expliquer le titre dans le sens d’ami.

Mais, ? ( àb, signifie aussi « préposé, inspecteur » ; pe

abu n pirao, « les inspecteurs royaux, » Papyrus Anastasi, v, 24 ; ce qui convient à la fonction de Joseph. — 2. Le roi Assuérus appelle Aman son « second père », c’est-à-dire son ministre et son conseiller. Esth., xiii, 6. — 3. La même appellation était en usage à la cour des rois syriens. I Mach., xi, 32. Matathias mourant recommandait à ses fils d’avoir confiance en leur frère Simon, homme de conseil et destiné à être pour eux un père. I Mach., ii, 32.

9° Auteur. — Job, xxxviii, 28, parle du père de la pluie, c’est-à-dire de celui qui l’a créée. Les chefs d’Israël, devenus idolâtres, disent au bois : « Tu es mon père, » et à la pierre : « Tu m’as mis au monde, » Jer., Il, 27, c’est-à-dire attribuent leur existence aux idoles de bois ou de pierre.

10° Père adoptif. — Saint Joseph est appelé père de Jésus, en ce sens qu'époux de Marie, il a été appelé à remplir les fonctions de père adoptif auprès du divin Enfant. Luc, 11, 33, 48. Les Juifs ont adopté le diable pour père, en se comportant à son égard comme des enfants dociles et en obéissant à ses inspirations. Joa., viii, 44.

11° Vieillard. — À raison de son âge, il doit être traité comme un père. I Tim., v, 1. — La Vulgate ajoute à Bacchus le nom de père, qui ne se lit pas dans le texte grec. II Mach., xiv, 33. — Dans Job, xxxiv, 36, 'âbi ne signifie pas « mon père », comme traduit la Vulgate ; c’est un mot de sens douteux ou une simple interjection dont les Septante n’ont pas tenu compte. — Le mot 'âb entre dans la composition de beaucoup de noms propres. Voir Ab, t. i, col. 12.

II. Par rapport à Dieu. — Dieu est le père par excellence et toute paternité a en lui son origine. Eph., m, 15. Mais Dieu est père à des titres divers. — 1° Père de tous les hommes. — Cette idée n’apparait qu’aux temps voisins de l'Évangile. « O Père, c’est votre Providence qui gouverne » le vaisseau sur la mer. Sap., xiv, 3. Notre-Seigneur apprend aux hommes à reconnaître le Père céleste, le Père qui est dans les cieux, Matth., v, 16, 48, etc., qui s’occupe de tous et fait lever son soleil sur les méchants comme sur les

bons. Matth., v, 45. Il leur enseigne à l’invoquer en l’appelant « notre Père ». Matth., vi, 9 ; Marc, si, 25 ; Luc, xi, 2, 13. Il veut qu’on ne donne à personne le nom de père, c’est-à-dire en l’entendant dans le sens de créateur et de souverain Maître, parce que les hommes n’ont qu’un seul Père, celui qui est dans les « eux. Matth., xxiii, 9. — 2° Père des Israélites. — Jéhovah est le père et le créateur d’Israël. Deut., xxxii, 6. Les prophètes le rappellent, Is., lxiv, 8 ; Jer., iii, 4 ; xxxi, 9, parfois pour reprocher aux Israélites de ne pas faire honneur à cette paternité. Mal., i, 6. Isaïe, lxiii, 16, va jusqu'à dire, en s’adressant à Dieu : « Vous êtes notre père ; car Abraham nous ignore et Israël ne nous connaît pas, n ce qui signifie que la paternité d’Abraham et de Jacob est absolument négligeable en regard de celle de Dieu, et que d’ailleurs les patriarches ne peuvent rien pour leurs descendants. — 3° Père du juste. — David invoque Dieu comme son père. Ps. lxxxix (lxxxviii), 27. Jéhovah promet d'être un père pour Salomon, si ce prince lui est fidèle. II Reg., vii, 14 ; I Par., xvii, 13. Le fils de Sirach s’adresse à Dieu comme au souverain Maître de sa vie. Eccli., xxm, 1, 4. Il lui dit : « Seigneur, tu es mon père ! » ce que les versions traduisent par : « Seigneur, père de mon Seigneur. » Eccli., li, 10. Dans la Sagesse, ii, 16, les impies constatent que le juste se glorifie d’avoir Dieu pour père. — 4° Père du chrétien. — Dieu est un père pour le chrétien, en vertu de l’adoption divine méritée par le Fils et opérée par le Saint-Esprit, Rom., vin, 15 ; Gal., iv, 6, par conséquent dans un sens bien supérieur à celui de la paternité qui s’exerce envers les hommes en général, les Israélites ou les justes de l’ancienne Loi. — 5° Père de son Fils éternel. — Vis-àvis de ses créatures, Dieu est père, sans distinction de personnes divines, par droit de création, de conservation, d'élection, de rédemption et d’adoption. Mais, au sein même de l’auguste Trinité, l’une des personnes a le titre de Père vis-à-vis d’une autre personne qui a le titre de Fils et qui est éternellement engendrée par la première. Notre-Seigneur est ce Fils du Père, et sa filiation éternelle n’est en rien modifiée par son incarnation. Il parle du Père céleste, qui exerce sa puissance et sa bonté sur toutes les créatures en tant que Dieu unique et indivisible ; mais il nomme aussi très souvent un être divin qu’il appelle « mon Père », devant lequel il s’abaisse en tant qu’homme, Joa., xvii, 4 ; Matth., xxvi, 39 ; Marc, xiv, 36 ; Luc, xxii, 42, etc., mais avec lequel il revendique, en tant que Dieu, les droits d'égalité. Joa., x, 30 ; xiv, 9 ; Matth., xxviii, 19, etc. Notre-Seigneur parle continuellement de son Père dans ce sens qui lui est personnel. Matth., xxiv, 36 ; xxvi, 39, 42 ; Luc, ii, 49 ; x, 21 ; xxii, 29 ; xxiii, 34, 46 ; Joa., i, 14 ; ii, 16 ; iii, 35 ; v, 17 ; viii, 27 ; xiv, 6, 9, etc. Les Juifs le comprenaient si bien en ce sens qu’ils lui reprochaient de « dire que Dieu était son père, se faisant lui-même l'égal de Dieu. » Joa., v, 18. Voir Fils de Dieu, t. ii, col. 2254 ; Jésus-Christ, t. iii, col. 1501-1503. Cf. Lepin, Jésus Messie et Fils de Dieu d’après les Évangiles synoptiques, Paris, 1905, p. 267337. H. Lesêtbe.

    1. PÉRÉE##

PÉRÉE (lUpaîa), « région au delà » et à l’est du Jourdain, nom d’une province de Palestine au temps <lu Sauveur.

I. Nom et acceptions. — Employé par Josèphe, Bell, jud., III, iii, 3, ce nom correspond à la locution itépav toO 'IopSâvou, « au delà du Jourdain », communément usitée dans les Septante pour traduire l’expression 'êber hay-Yardên du texte hébreu, souvent employée pour désigner toute la région orientale occupée par les Israélites. Dans l’Ancien Testament en général et parfois dans le Nouveau, comme Joa., i, 28, iii, 26 ; x, 40 et Math., iv, 15, où l'Évangéliste reproduit le mot

d’Isaïe, viii, 23- (Vulgate, ix, 1), la locution est prise comme un véritable nom propre équivalant au nom de Pérée, ou Transjordane, de l’historien juif. Elle remplace, depuis la captivité, le nom de Galaad, pour désigner de même que dans les temps anciens toute lapartie orientale de la terre d’Israël. Dans l'énumération des régions dont les populations accouraient pour écouter fa 'parole de Jésus, la « Transjordane » ou Pérée est citée après la Galilée, la Décapole, Jérusalem et la Judée. Matth., iv, 25 ; cf. Marc, iii, 7-8.

IL Limites et étendue. — Josèphe recense la Pérée avec la Judée, la Samarie et la Galilée, comme une des quatre grandes divisions de la terre d’Israël. Elle est beaucoup plus vaste que la Galilée, mais aussi plus accidentée et plus sauvage, quoiqu’encore abondante en fruits, couverte d’arbres, spécialement de vignes, d’oliviers, de palmiers et bien arrosée par des sources et des cours. d’eau permanents. Elle s'étend en longueur du sud au nord, de Machéronte (Menkour) ou de la Moabitide et de PArnon à Pella, et du Jourdain, à l’ouest, à la frontière d’Arabie ou jusqu'à Hésébon (Elesbân), Philadelphie ('Amman) et Gérasa (Djéras), à l’orient. Bell, jud., III, iii, 3. Ainsi limitée, la Pérée comprend seulement la partie méridionale extrême de la Décapole, si même elle ne l’exclut pas tout entière. Il s’agit sans doute de la Pérée politique, telle qu’elle fut quand Pompée déclara libres les principales villes de la Décapole, ou quand, à la mort d’Hérode l’ancien, Auguste les annexa à la province de Syrie. Cf. Ant. jud., XIV, iv, 4 ; XVII, xi, 4 ; Bell, jud., i, vii, 7. La Pérée était en cette condition au temps du Sauveur.

Cependant l’historien juif, en appelant Gadara la métropole de la Pérée, Bell, jud., IV, vii, 3, en recule ainsi la frontière septentrionale jusqu’au Yarmouk, aujourd’hui le Serî'at el-Menâderéh, limite du territoire de Gadara (Umm-Keis). Dans ces limites, outre cette dernière ville, étaient enclavées Pella (Fahêl), Dion (Khirbet) et Capitoliade (Beit er-Râs), et Gérasa [Djéraè), c’est-à-dire la moitié des villes de la Décapole. C'était à peu près tout le territoire des anciennes tribus de Gad et de Ruben, le pays de 'Adjloûn actuel et la Belqd septentrionale au nord de Youadi Môdjib, l’ancien Arnon, divisé en deux parties à peu près égales par la Zerqd, l’ancien Jaboc. Les Talmuds, qui considèrent la Perée au point de vue des observances légales, y font entrer encore plusieurs localités du Hauran et du Djédour, comme Nève (Ndoua), Édréi (edDera’a) et quelques autres qui appartenaient à la tribu de Manassé orientale. Cf. Mischna, Baba Batra, III, 2 ; Ketouboth, xiii, 9 ; Tosiftha, même traité à la fin ; Talmud Bab., Sanhédrin, ii, b, etc. Cf. A. Neubauer, Géographie du Talmud, in-8°, Paris, 1868, p. 56, 241251. Voir la carte de Gad, t. iii, col. 28.

III. Population. — Au temps du Sauveur, la Pérée était occupée par les races les plus diverses. — Les Moabites, qui avaient profité de la scission du royaume d’Israël pour se réinstaller dans la partie située entre l’Arnon et le Jaboc, ne l’avaient plus quittée. Les Ammonites s'étaient avancés vers l’ouest, et au temps des Machabées ils occupaient Jaser et les alentours. I Mach., v, 6-9. À eux s'étaient mêlés les Nabuthéens et diverses autres branches ismaélites ou arabes. Cf. I Mach., x, 25 ; ix, 35, 36 ; Ant. jud., XII, iv, 11, etc. Après la déportation en Assyrie des tribus orientales d’Israël, les Syriens de Damas avaient pu occuper complètement la contrée. Josèphe, Bell, jud., xviii, 1, nous les montre peuplant les villages de la Pérée, tant au sud qu’au nord du Jaboc, et son récit les suppose, sinon formant le fond de la population, du moins nombreux dans les principales villes du pays, ' à Philadelphie ou 'Amman, à Hésébon, à Gérasa, à Pella, à Gadara. — A ces éléments purement orientaux et sémites, était veau se joindre lors de l’invasion gréco-macédonienne

l'élément occidental ou japhétique. ' Pella de Pérée, comme son homonyme d’Apamée, doit sans doute son origine à des soldats de l’armée d’Alexandre qui, s'étant arrêtés au pied des monts de Galaad, et non loin au nord du Carith (ouadi Yâbis), avaient voulu donner à leur ville le nom de la patrie de leur maître. Elle aurait pour fondateur, ainsi que Dion, s’il faut en croire Etienne de Byzance, Alexandre lui-même (332 avant J.-C). Cf. Reland, Palsestina, p. 736-737. Les autres villes de la Décapote dont les noms sémitiques indiquent une origine plus ancienne durent être relevées ou agrandies et embellies, pour recevoir des colonies de même genre. Vers la même époque, les Juifs trop à l'étroit dans la Judée étaient revenus dans cette Transjordane que leur avait donnée Moïse. Devant la fureur des autres populations toutes païennes, les Machabées avaient dû ramener leurs frères dans la terre de Juda, I Mach., v, 45. Après les conquêtes, en cette région, de Jean Hyrcan (135-107), d’Alexandre Jannée (106-39) et de son fils Hyrcan (79-40), les Juifs s'établirent de nouveau dans un grand nombre de villes de la Pérée où se trouvaient des Syriens et en relevèrent un grand nombre d’autres qui avaient été ruinées. Josèphe, Ant. jud., XIII, 4. De gré ou de force, une multitude de païens embrassèrent alors la religion des Juifs. Cf. Ant. jud., XIII, xv, 4 ; Bell, jud., II, xviii, 1. Pompée, en 63, soustrait Gadara, Pella, Dion à la domination des Juifs et déclare leurs habitants autonomes. Ant. jud., XIV, iv, 2, 4. C'était sans doute le même motif qui détermina plus lard Auguste, après la mort d’Hérode (404), à enlever Gadara à Hérode Antipas (4-39), et à la rattacher à la Syrie, parce que cette ville était « grecque ». Ant., XVII, xi, 4. Elles étaient toutefois plus grecques, par leur caractère extérieur et la religion, que par le nombre de leurs habitants hellènes, puisque l’historien, Ant., XIII, xv, 4, nomme Gadara même une ville « de Syrie » et qu’au commencement des troubles de Judée (61), les Juifs se jettent sur elle pour venger, par le massacre des Syriens, leurs frères traités de même à Césarée. Bell, jud., II, xviii, 1. — Telle était la population de la Pérée quand le Christ commença la prédication de l'Évangile. Les foules qui accouraient de là et de la Décapole pour l’entendre étaient, sans doute, pour le plus grand nombre, des Juifs de la région et « des judaïsants » ou convertis. Voir Reland, Pal&stîna, Utrecht, 1714, p. 197-200. Cf. Décapole, t. ii, col. 13331336 ; Galaad, t. iii, col. 45-59 ; Moab, t. iv, col. 11381178. L. Heidet.

    1. PEREIRA DE FIGUEIREDO Antonio##

PEREIRA DE FIGUEIREDO Antonio, théologien portugais né au bourg de Macao, le 14 février 1725, mort à Lisbonne, le 14 août 1797. Il fit ses études au collège des Jésuites à VillaViçosa et entra en 1744 à l’Oratoire de Lisbonne, où il enseigna la grammaire (1752), la rhétorique (1755), et la théologie (1761). Dans le conflit qui s'éleva entre le Portugal et le Saint-Siège il défendit d’abord l'Église, mais Pombal le gagna à sa cause et le combla d’honneurs. Il quitta l’habit religieux et attaqua violemment le Pape et les doctrines romaines dans une foule de publications. Nous n’avons à mentionner parmi ses écrits que sa traduction des Écritures : O Velhoe Novo Testamento em Portuguez, 23 in-8°, Lisbonne, 1778-1790. Les notes qu’il a jointes à sa version ne sont pas toujours orthodoxes. Voir Portugaises (Versions) de la Bible.

    1. PEREYRA Benoît##

PEREYRA Benoît, exégète espagnol, né vers 1535, près de Valence, mort à Rome le 6 mars 1610. Il entra au noviciat de la Compagnie de Jésus en 1552, professa longtemps la philosophie, la théologie et l'Écriture Sainte et "se fit une grande réputation par son savoir et son érudition. Nous lui devons : 1° Un long commentaire et diverses dissertations sur la Genèse, en 4 in-f° :

Ben. Pererii, Valentini, commentariorum et disputationum in Genesim tomi quatuor. Cet ouvrage d’abord imprimé à Rome, 1591-1595, le fut ensuite plusieurs fois à Lyon et à Cologne. — 2° Un commentaire sur Daniel, en 16 livres, dédié au cardinal Caraffa, in-f°, Rome, 1587 : Ben. Pererii, Valentini, commentariorum in Danielem prophetam libri sexdeeim. Il fut réimprimé à Lyon l’année suivante, à Anvers en 1594. Les éditions de Trêves (1618 et 1625) ne donnent que la 4e partie de ce travail. — 3° Des Dissertations considérables sur l’Exode, Ingolstadt, in-4°, 1601 ; Lyon, 1602 et 1607 ; sur l'Évangile de S. Jean, Lyon, in-4 « , 1608 et 1610 ; sur l’Apocalypse, Lyon, in-4°, 1606 ; Venise, in-8°, 1607 ; sur YÉpître aux Romains, Ingolstadt, in-4°, 1603 ; Lyon, 1604 ; Ben. Pererii, Valentini, selectarum disputationum in Sacram Scripturam tomi quatuor. Ses autres ouvrages d’exégèse restés manuscrits sont : 1° In B. Matthsei et B. Lucie Evangelia commentarii ; 2° Passio secundum IV Evangelistas explicata ; 3° Explicatio aliquot capitum S. Evangelii secundum Matthseum et Lucam ; 4° Prolegomena in Epistolam Divi Pauli ad Romanos ; 5° Exposilio Evangelii S. Joannis ; 6° Diverses dissertations sur des points spéciaux. P. Bliard.

    1. PEREZ DE VALENCE Jacques##

PEREZ DE VALENCE Jacques, théologien espagnol, né à Ayora, diocèse d’Orihuela, mort en 1490 ou 1491. Religieux augustin, il occupa les premières charges de son ordre avant de devenir évêque de Chrysopolis et suffragant de Frédéric Borgia, cardinal de Valence, plus tard pape sous le nom d’Alexandre VI. On a publié de Jacques Perez : Expositio in caput m Threnorum, in-f°, Paris, 1482 ; Centum et quinquaginta Psalmi cwm diligentissima etiam titulorum omnium expositione, in-f°, Valence, 1484 ; Expositio in Cantica canticorum, in-f°, Venise, 1498 ; Expositio in Exodum,

in-f », Paris, 1533. — Voir N. Antonio, Biblioth. Bispana vêtus, t. i, p. 329.
B. Heurtebize.
    1. PERGAME##

PERGAME (grec : rb népfa|j.ov, t Ulpfaiioç ; ce nom n’apparaissant qu’au datif et à l’accusatif dans le Nouveau Testament, sans article, on ignore quel genre lui attribuait l'écrivain sacré), ancienne capitale de la Mysie, dans le district de Tèuthranie, région accidentée et montagneuse ; puis métropole de la province romaine de VAsia propria, en Asie Mineure. Aujourd’hui, Bergamo ou Bergama (tig. 19). Pergame est mention 19. — Monnaie de Pergame.

Têtes affrontées de Tibère et de Livie. CEBACTOI Em IIETP[Q Nior].— q. 0EON CEBACTON IIEPrAMHNOi. Temple d’Auguste.

née en deux endroits du Nouveau Testament : 1° Apoc, i, 11, dans la liste de sept Églises d’Asie Mineure auxquelles saint Jean reçut l’ordre d’adresser le récit de ses visions de Patmos ; 2° Apoc, ii, 12, en tête de la troisième des sept lettres écrites par l’Apôtre à ces mêmes Églises, de la part de N.-S. Jésus-Christ.

I. Topographie. — Au dessus d’une plaine ondulée, traversée par deux cours d’eau, se dresse une colline très remarquable, haute d’environ 300 mètres, à la forme arrondie, qui, vue d’en bas, ressemble à un cône de pin et que les anciens surnommaient pour ce motif aTpoêiXosiSéç. Strabon, XIII, iv, 1. C’est au sommet de cette masse de trachyte que fut bâtie la cité primitive de Pergame, avec une citadelle ou acropole extrême

ment forte. Plus tard, une ville beaucoup plus considérable s'étala peu à peu au pied de la montagne.

Le Kétéios (aujourd’hui KesteUtchaï) et le Sélinos (Bergama-tchaï), venant tous deux du nord, coulent dans des ravins profonds et abrupts. Le premier longe simplement la ville ; comme autrefois, le second la traverse sur une étendue d’environ 800 mètres. Pline, H. N., v, 126. Ils vont se jeter, l’un et l’autre, à quelques Kilomètres au sud de Pergame, dans le Caïcos, aujourd’hui Bakyr-lchaï, la rivière principale de la région, qui arrose une vallée d’une grande beauté, large et fertile, Strabon, XIII, IV, 2, et qui a son embouchure à environ 25 kil. (120 stades) de Pergame, dansla mer Egée, près de l’ancienne ville d'Élaîa, aujourd’hui Tchanderlik.

thère (284-263) ; Eumène I" (263-2M) ; Attale 1° (241197) ; Eumène II (197159) ; Attale II (159-138) ; Attale III (138-133). Nous ne relèverons que les traits principaux de leur histoire, en tant qu’elle peut intéresser leur capitale.

Après la mort d’Alexandre le Grand, Pergame tomba sous la domination de Lysimaque, l’un de ses généraux et successeurs. La ville ne consistait alors qu’en une citadelle, bâtie, avec un certain nombre de maisons, au sommet de la montagne isolée qu’enserrent le Kétéios et le Sélinos. Lysimaque y mit en sûreté son riche trésor de 9 000 talents (environ 44 000 000 de francs), dont il confia la garde à l’eunuque Philétère. Celui-ci, mettant à profit les troubles politiques qui régnaient alors,

20. — Vue de l’Acropole de Pergame. D’après une photographie.

Le Caïcos était autrefois navigable. À Pergame, le Kétéios est presque toujours à sec ; le Sélinos a un peu d’eau, qui arrose quelques jardins. Du sommet de l’acropole, la vue s'étend jusqu'à la mer et jusqu'à Mitylène.

II. Histoire de Pergame. — 1 « À l’origine. — Antérieurement à la dynastie qui établit la puissance de Pergame, cette ville n’a qu’une histoire assez obscure, ou presque toute légendaire. Elle paraît avoir été fondée par des colons grecs, qui, d’après la tradition la plus vraisemblable, étaient orignaires d’Arcadie. Voir Hesselmeyer, Die Vrprùnge der Stadt Pergamos in Kleinasien, .1885 ; E. Chrœmer, Pergamos, Leipzig, 1888. La première mention faite de Pergame dans un texte historique ne remonte qu’au début du rve siècle avant J.-C. Xénophon, Anabas., VII, viii, 8 ; Hellenic, III, I, 6. Les plus anciennes monnaies qu’on ait d’elle . datent des années 420-400 avant notre ère.

2° Sous les princes de la famille des Attales. — Au commencement du nie siècle avant J.-C, Pergame acquit tout à coup une grande célébrité, grâce à ses princes et rois, les Attalides, dont voici la liste : Philé réussit à s’emparer du trésor’etjde] la citadelle, qu’il transmit à son neveu Eumène, petit dynaste des environs, fondateur de la brillante famille des Attalides. Attale I er reçut d’Eumène un territoire considérablementagrandi, grâce à des victoires remportées soit sur Antiochus de Syrie, soit sur les Gaulois, ou Galates, qui envahirent l’Asie Mineure en 279. Il prit le titre de roi, après avoir battu à son tour ces derniers (240) ; et voyant l’avantage qu’il y aurait à profiter de l’amitié des Romains, dont l’influence commençait à se faire sentir en Asie Mineure, se fit leur fidèle allié. Sous son règne, Pergame devint non seulement la capitale d’un royaume considérable et l’une des villes les plus importantes de l’Asie antérieure, mais aussi un grand centre commercial et artistique, et une métropole d’une magnilience vraiment royale. La prospérité et la splendeur de la cité s’accrurent encore sous Eumène II, Strabon, XIII, IV, 2, qui y multiplia les monuments somptueux, sacrés ou profanes. Il l’enrichit notamment d’une bibliothèque admirable pour l'époque, où l’on comptait plus de 200 000 volumes ou rouleaux ; grâce à elle, Pergame fut aussi le centre d’un grand mouvement littéraire et scientifique. Elle fut transportée plus tard à Alexandrie, Antoine en ayant fait présent à Cléopàtre. Pline, H. N., m, 2. Eumène donna également aux arts une impulsion considérable, et établit à Pergame une école de sculpture très illustre, qui posa la base de l’art dit pergaménien. La ville avait alors, comme autre source de richesses, la fabrication des parfums et des coupes d’argile, le travail de l’ivoire, la taille des pierres fines, et surtout la préparation des parchemins. À cette époque, en effet, on n’exportait pas encore les papyrus d’Egypte, et l’on se servait en Asie, pour les livres, de peaux de moutons, de chèvres et de veaux, auxquelles on faisait subir une préparation spéciale. Comme l’art de préparer ces peaux atteignit à Pergame une perfection particulière, on ne tarda pas à leur donner le nom de charta. pergamense, qui subsiste encore sous la forme de « parchemin. » À la mort d’Eumène II, son frère Attale II prit les rênes du gouvernement, comme tuteur du jeune Attale III, fils du roi défunt. Il est question d’Attale II au premier livre des Machabées, xv, 22. Voir Attale II, t. i, col. 1227-1228. Attale III mourut sans héritier en 133, après avoir légué son royaume aux Romains, par un testament que Salluste soupçonne d’avoir été simulé, Histor., v ; cf. Horace, Od., II, xviii, 5, mais dont on reconnaît aujourd’hui la sincérité. — Ces divers princes battirent successivement monnaie, et Pergame continua ensuite, jusqu’à la fin du III 8 siècle de notre ère, d’user de ce privilège. Ses monnaies les plus courantes sont les cistophori, ainsi nommées parce qu’elles portaient gravée la cista mystica, avec d’autres objets rappelant le culte de Bacchus. On y voit aussi les insignes des trois autres grandes divinités de Pergame : Zeus, Athéné, Esculape.

Sous la domination romaine. — Après la mort d’Attale III, le royaume de Pergame fut incorporé à l’empire romain, sous le nom d’Asia propria, et, pendant deux siècles encore qusqu’en 129 de l’ère chrétienne), la ville demeura la capitale de la province. Strabon, XIII, vi, 23, l’appelle litiçavii ; noXi ; . Cf. Pline, H. N., v, 30. Elle était le siège d’un tribunal suprême ; elle avait à sa tête, comme d’autres villes d’Asie, un asiarque, sorte de magistrat municipal indépendant, qui présidait les fêtes civiles et religieuses. On y avait installé une école de médecine, dont sortit le célèbre Galien. Les Romains continuèrent les traditions artistiques des Attalides, et contribuèrent aussi beaucoup à orner soit l’acropole, soit la ville basse, qui leur durent de beaux monuments. Pergame ne demeura donc pas alors sans gloire, bien qu’Éphèse et Smyrne se fussent développées à ses dépens et l’eussent peu à peu rejetée dans l’ombre. Vers la fin du premier siècle après J.-C, à l’époque où fut composée l’Apocalypse, Éphèse lui ravit même, sinon officiellement, du moins dans l’appréciation populaire, son titre de capitale de la province ; c’est pour cela sans doute que Pergame n’est citée qu’au troisième rang parmi les sept églises, à la suite d’Éphèse et de Smyrne. Apoc, ii. Voir W. M. Ramsay, dans le Diction, of the Bible de Hastings, t. iii, p. 750751. Au second siècle de notre ère, elle avait encore 120000 habitants ; mais, plus tard, elle dépérit graduellement, surtout sous les empereurs byzantins. Elle compte aujourd’hui environ 14 500 habitants, Turcs, Grecs, Arméniens, etc.

III. Pergame et le christianisme.

Nous ignorons dans quelles circonstances spéciales le christianisme avait pénétré à Pergame. Ce fut peut-être dès l’époque de saint Paul. Cf. Act., xix, 10. Bu moins, le passage de l’Apocalypse qui la concerne suppose qu’elle possédait, à la fin du premier siècle, une chrétienté considérable, fervente et parfaitement organisée, bien que, malheureusement, la secte impure des Nicolaïtes, voir Njcolaïtes, t. iv, col. 1616-1617, y eût un certain nom bre d’adhérents, comme à Éphèse. Apoc, II, 6. — Les interprètes se demandent, sans pouvoir se mettre entièrement d’accord, pourquoi, dans la lettre de saint Jean à « l’ange » de Pergame, cette ville est appelée à deux reprises, Apoc, ii, 13, « le trône (ou l’habitation) de Satan. » La pensée générale est claire : ces mots signifient évidemment que l’évêque de Pergame exerçait son ministère dans un endroit qui présentait des difficultés particulières ; mais il est difficile d’indiquer avec certitude le motif pour lequel Satan était censé avoir son siège à Pergame plutôt qu’ailleurs. — 1° D’après d’assez nombreux commentateurs, cela viendrait de ce que l’esprit de persécution, qui est vraiment un esprit satanique, Apoc, ii, 10, faisait alors rage à Pergame plus que dans aucune autre ville d’Asie ; un passage de la lettre, Apoc, ii, 13, mentionne le martyre du « témoin fidèle » Antipas. — 2° Une autre interprétation se rattache au culte vraiment extraordinaire dont le dieu Esculape fut l’objet à Pergame, à toutes les époques de son histoire, mais surtout sous la domination romaine. C’est, en effet, sous les Romains que fut bâti, dans la ville basse, aux frais de l’Asie entière, Philostrate, Apoll., i, i, le célèbre Asclépéion ou temple d’Esculape, dont les dépendances étaient considérables, et qui jouissait du droit d’asile. Les malades y accouraient de très loin, dans l’espoir d’obtenir des guérisons miraculeuses ; ils atten-

21. — Monnaie de Pergame. Tète d’Esculape à droite. — fy Serpent. ACKAEIIIOr [CQTH]P0C.

daient que le dieu leur dictât en songe des ordonnances infaillibles. Tacite, Ann., iii, 63 ; Pausanias, III, xxvi, 8. Esculape était, d’après Martial, IX, XVI, 2, le pergamenus deus par excellence. Or, ce dieu avait pour emblème le serpent, comme on le voit par de nombreuses monnaies de l’antiquité (fig. 21). D’un autre côté, Satan est, dans la Bible, le t. serpent antique ». Cf. Gen., iii, l sq. ; Apoc, xii, 9 ; xxii, 2, etc. — 3 « Selon d’autres, l’allusion porterait spécialement sur ce fait que Pergame était devenue, dès le règne d’Auguste, un centre du culte rendu à Rome et aux empereurs. — 4° On a pensé aussi tout spécialement à l’autel gigantesque qui fut érigé en l’honneur de Zeus Soter sur le plateau de l’acropole, par les soins d’Eumène II, entre les années 183 et 174 avant J.-C. Il était tout entouré de colonnades, et avait près de 35 m. de long sur 37 m. de large. Sa façade extérieure était ornée d’un haut-relief qui représentait la lutte des géants avec les dieux, en souvenir des victoires que les Attalides avaient remportées sur les Galates (fig. 22). — 5° Enfin, et telle est peut-être l’interprétation la plus naturelle, on a supposé quesiPergame hhfhibil le « trône de Satan », ce n’est pas seulement pour un de ces motifs particuliers, mais surtout parce qu’elle était devenue chaque jour davantage, depuis le commencement du iiie siècle avant notre ère, un centre général d’idolâtrie. À côté du culte rendu à Rome et à l’empereur, à Esculape et à Jupiter, il y avait celui qu’on offrait à Athéna Polias Niképhoros, à Bacchus, â Vénus, etc., comme l’indiquent encore les ruines de vingt temples divers, échafaudés sur la montagne et éparpillés dans la ville basse. Par ce culte et par les orgies qui s’y associaient, Pergame était vraiment devenue le trône de Satan.

IV. Etat actuel des monuments de Pergame.

Jusqu’aux vingt dernières années du xixe siècle, les

ruines de Pergame, malgré leur étendue considérable, ne disaient presque rien aux peu nombreux voyageurs qui allaient les visiter. Mais le gouvernement prussien entreprit en 1878, sous l’habile direction de MM. Humann, Bonn, Conze, etc., des fouilles importantes, qui durèrent jusqu'à l’année 1886. Elles nous ont livré le plan complet des monuments de l’acropole et de la ville, en même temps qu’elles mettaient à jour des débris très précieux d’architecture, de sculpture, etc. En bas de la colline, on voit les restes plus ou moins bien conservés des remparts, d’un aqueduc souterrain, de quais, de ponts, d’un stade, de thermes, d’un théâtre, d’un amphithéâtre, de l’Asclépéion, etc. En haut, sur les quatre terrasses superposées du plateau de l’acropole, on admire les restes d’un gymnase, de l’autel de Jupiter, de plusieurs des temples mentionnés ci-dessus, d’un pslais royal, de la bibliothèque d’Eumène II, d’un théâtre, etc. De nombreuses sculptures, statues, etc., sont devenues les richesses opimes du musée de Berlin.

Amazonengruppe des AttalischenWeihgeschenks, eine Studie zur Pergamenischen Kunstgeschichte, Berlin, 1896 ; J. L. Ussing, Pergamos, dens Historié og Monumenten, Copenhague, 1897 ; Corne, Pro Pergamo, Berlin, 1898 ; E. Schweizer, Grammatih der Pergamenischen lnschriften, Beilràge zur Laut-und Fiexionslehre der gemein-griechischen Spi’ache, Berlin, 1898, E. Pontremoli et M. Colignon, Pergame, restauration et description des monuments de V Acropole, Paris, 1900 ; W. Dorpfeld, Der sûdliche Thor von Pergamon, Berlin, 1901, dans les Abhandlungen der kônigl. preussisch. Akademie der Wissenschaften ; Conze, Die Kleinfunde aus Pergamon, dans le même recueil, Berlin, 1902 ; G. Cardinali, Il regno di Pergamo, Ricerche di storiae di dirittp pubblico, Rome, 1906 ; enfin la grande publication artistique Altertùmer von Pergamon, dont les parties suivantes ont été publiées : t. ii, Das Heiligtum der Athena Polias Nikèphoros, par R. Bohn, Berlin, 1897 ; t. iii, 1 « partie, 3. Schram 22. — Autel de Jupiter à Pergame. Reconstitution. D’après Baumeiater, Denkmàler des klassischen AUertums, t. ii, p. 1216, flg. 1404.

V. Bibliographie. — 1° Auteurs classiques : Strabon, xiii, 4 ; Martial, ix, 17 ; Pline, H. N., XXXV, iv, 10 ; Tite-Live, XXXII, xxxiii, 4 ; Polybe, xvi, 1 ; xxxii, 23 ; Ptolémée, V, ii, 14 ; Josèphe, Ant.jud., XlY. — ^Auteurs modernes : "Macfarlane, Visit to the seven Apocalyptic Churches, 1832 ; Arundell, Discoveries in Asia Minor, t. ii, p. 302-307 ; von Prokesch-Osten, Denkwûrdigkeiten und Erinnerungen aus dent Orient, Stuttgart, 1836-1837, t. iii, p. 304 sq. ; von Schubert, Reise in’s Morgenland, 2e édit., Erlangen, 1840, 1. 1, p. 316318 ; Van Capelle, Commentatio de regibus et anliquitatibus Perganienis, Amsterdam, 1842 ; Welcker, Tagebuch einer griechischen Reise, Berlin, 1865, t. ii, p. 193 sq. ; Ergebnisse der Ausgrabungen zu Pergamon, trois rapports publiés sur les fouilles allemandes par MM. Humann, Conze et Bohn, en 1880, 1882 et 1888, dans le Jahrbuchder kônigl. preussischen Kunstsammït « ragren ; Thiersch, Die Kônigsburg von Pergamon, Stuttgart, 1883 ; Urlichs, Pergamon, Geschichte und Kunst, Leipzig, 1883 ; E. Reclus, Nouvelle géographie universelle, t. ix, L’Asie antérieure, Paris, 1884, p. 598-612 ; Humann, Fûhrer durch die Ruinen von Pergamon, Berlin, 1885 ; Fabricius et Trendelenburg, l’article Pergamon dans les Denkmàler des klassischen Altertums de Baumeister, t, ii, p. 1206-1287, Berlin, 1889 ; U. Pedroli, Il regno di Pergamo, S tudie ricerche, Turin, 1896 ; E. Le Camus, Les sept Églises de l’Apocalypse, Paris, 1896, p. 247-264 ; G. Habich, Die

men, Der grosse Altar, der obère Markt, Berlin, 1906 ; t. iv, Die Theater-Terrasse, par R. Bohn, Berlin, 1896 ; t. v, 2e partie, Das Trajaneum, par H. Stiller, Berlin, 1895 ; - t. viii, Die lnschriften von Pergamon, par Max Frânkel, avec la collaboration de E. Fabricius et C : Schuchhardt, Berlin, 1895. L. Fillion.

    1. PERGÉ##

PERGÉ (Grec : Tlipm, Vulgate : Perga), ville de Pamphylie, située à l’ouest du Cestrus, à environ 60 stades (12 kil.) de l’embouchure. Strabon, XIV, IV, 2 (fîg. 23). Saint Paul et saint Barnabe dans leur première mission viennent de Pàphos à Pergé en remontant le fleuve. Act., xiii, 13-14. Les Apôtres y séjournèrent probablement peu et ne paraissent pas y avoir prêché. Conybeare et Howson, The Life and Epistles of St. Paul, in-8°, Londres, 1891, p. 131, suivis par C. Fouard, S. Paul et ses missions, in-8°, Paris, 1892, p. 26-28, croient que saint Paul et ses compagnons arrivèrent à Pergé à l'époque où les habitants fuient les plaines malsaines du rivage pour se réfugier sur les hauteurs du Taarus ; W. Ramsay, The Church in the Roman empire, 1893, p. 16-18, croit au contraire que cette migration est de date récente et qu’elle n’est pas antérieure aux Turcs. C’est à Pergé que Jean Marc quitta saint Paul et s’en retourna à Jérusalem. Act., xiii, 13. Voir Jean Marc, t. iii, col. 1166. À leur retour de Pisidie, saint Paul prêcha à Pergé. Act., xiv, 24.

Pergé était la seconde ville de Pamphylie, le centre des

indigènes, tandis qu’Attalie était une colonie grecque. A Pergé se trouvait un temple célèbre d’Artémis, la même divinité que l’Artémis d’Ephèse. Les monnaies lui donnent le titre de reine de Pergé, rivaum, en

23. — Monnaie de Pergé. — Tête laurée d’Artémis à droite. — ^. APTEMIi 1 KEPrAI. Artémis en chiton court, debout à gauche, le carquois sur l'épaule, appuyée sur un sceptre et tenant une couronne de laurier. À ses pieds une biche ; dans le champ I.

dialecte pamphylien et plus communément celui d’Artémis de Pergé. C. Lankoronski, Les villes de Pamvhylie et de Pisidie, in-f », Paris, 1890-1891, t. î, p. 17-37, 39, 49, 62. Inscription, n. 33 et 36, p. 172-173. W. Ramsay dans le Journal of hellenic StudieSj 1880, p. 147-271 ; Hill, Catalog. of Brilish Muséum, Pamphylia, in-8°, Londres, 1897, p. 129-131. Le temple d’Artémis était situé près de la ville sur une hauteur. On

24. — Plan de Pergg D’après Lankoroski, Les villes d*Patnphyit 174

y tenait chaque année une grande assemblée. Strabon, XFV, iv, 2. Il en reste quelques ruines. Le temple et son enceinte avaient droit d’asile. Arch. Epigraph. Mittheilungen aus Œsterreich, 1897, p. 67 ; C. Lankoronski, Les Villes de Pamphylie, 1. 1. p. 174, n. 39 ; Hill, Catalogue of tke Greek coins of Lycia, Pamphylia,

1897, p. 119-142. Pergé porte aujourd’hui le nom de Murtana. E. Beurlier.

    1. PÉRIBOLE##

PÉRIBOLE (hébreu : gédér, « mur ; » Septante : itsp(it<XTa ; , irEpEëoio ;  ; Vulgate : peribolus), enceinte, mur formant enceinte. — Ézéchiel, xlii, 7, 10, parle d’un mur extérieur, long de cinquante coudées et parallèle aux chambres du Temple, de manière à laisser un espace vide entre les chambres et le mur. Les Septante traduisent par îrcpfcaToç, s lieu où l’on se promène, » ce qui convient à l’espace vide et non au mur. La Vulgate emploie le mot peribolus, de irepigoio ; , qui veut toujours dire « enceinte » ou « clôture ». — Sous Simon Machabée, on grava sur des tables d’airain le récit de ce qui avait été fait pour l’indépendance et la gloire de la nation, et on plaça ces tables sur le péribole du Temple, en un lieu apparent. I Mach., xiv, 48. Il est à croire que le mot péribole ne désigne pas ici le mur même du Temple, à distance duquel étaient tenus les gentils, mais un mur d’enceinte donnant sur le parvis des gentils et ménageant le lieu apparent qui permettait à tous de lire l’inscription. — Dans le Temple d’Hérode, le parvis des gentils contenait un péribole, ou mur d’enceinte, probablement à la place du péribole machabéen. Josèphe, Bell, jud., V, v, 2, en parle en ces termes : À l’intérieur des portiques, « tout l’espace à ciel ouvert était dallé de pierres de toutes sortes. Quand on se rendait par là au second Temple, tout autour s'élevait une barrière en pierre, SpiiçoxTo ? XfOtvoc, de trois coudées de hauteur, fort élégamment construite. À intervalles égaux, se dresl saient des colonnes pour rappeler, les unes en caractères grecs, les autres en latins, la loi de pureté en vertu de laquelle il n’est permis à aucun étranger d’entrer dans l’ftyiov (le saint), car le second Temple était appelé Sytov (le saint). » Pareille défense était déjà en vigueur au temps d’Antiochus le Grand, puisque ce prince reconnaît « qu’il n’est permis à aucun étranger de pénétrer dans le péribole du Temple, interdit aux Juifs eux-mêmes quand ils n’ont pas été purifiés conformément à la loi de leurs pères. » Josèphe, Ant. jud., XII, iii, 4. L’historien juif dit ailleurs, Ant. jud., XV, xi, 5 ; Bell, jud., VI, ii, 4, que l’infraction à cette défense comportait la peine de mort, et que l’autorité romaine avait sanctionné l’application de cette loi même à des Romains. Cf. Philon, Légat, ad Caium, 31, édit. Mangey, t. ii, p. 577 ; Middoth, n, 3 ; Kelimj 1, 8. On a révoqué en doute l’assertion de Josèphe concernant la peine de mort infligée aux étrangers qui franchissaient le péribole. Mais, en 1871, la vérité de l’assertion a dû être reconnue, lorsque Clermont-Ganneau, Revue archéologique, nouv. sér., t. xxiii, 1872, p. 214-234, 290-296, pi. x, retrouva une colonne de pierre portant, en grec, l’une des inscriptions mentionnées par Josèphe. Cette inscription, actuellement à Constantinople, au musée TschniliKiôschk, et dont le musée judaïque du Louvre possède un moulage, est ainsi conçue :

M H EN À AMOTENH ÏA1TVO PEYEXQA* ENIOX T<y< YE. PI TO IEPON TPYq>AKTOY KA1 riEPIBOAOY OZ À AN AH 4>0H EAYTQl AIT102 El TAI AIA TO EÏAKOAOY ©EIN OANATON « Que nul étranger ne pénètre au dedans de la barrière qui entoure l’Upôv (les parvis réservés) et du péribole ; celui qui serait pris serait cause pour lui-même que la mort s’ensuivrait. » Cf. Schûrer, Geschichte des jûdischen Volkes im Zeit. J. C, Leipzig, 1. 11, 1898, p. 271275. En conséquence de cette défense, les Juifs surveillaient avec soin les entrées du péribole. Aussi s'émurent

ils violemment quand ils crurent que saint Paul avait fait franchir l’enceinte sacrée à un gentil, Trophime d'Éphèse. Ils entraînèrent l’Apôtre hors du Temple dont ils firent aussitôt fermer les portes. Act., xxi, 29, 30. Le péribole était appelé soreg et l’on donnait le nom de hel à l’espace compris entre cette barrière et les bâtiments du Temple lui-même. Cf. Middoth, ii, 3. Ce traité de la Mischna n’attribue à la barrière que dix palmes (0 m 67) de hauteur ; l’indication de Josèphe, Bell, jud., V, v, 2, parlant de trois coudées (1, 1, 5'7), paraît plus vraisemblable. L’espace circonscrit par le péribole s'élevait de quelques degrés au-dessus du terre-plein du parvis des gentils. Cf. Josèphe, Ant. jud., XV, xi, 5. Treize portes donnaient accès dans le hel et devant chacune se dressait l’une des colonnes mentionnées plus haut. Saint Paul semble faire allusion à ce mur de séparation, médium parietem macerise, dans son Épitre aux Éphésiens, ii, 14. Voir

Temple.
H. Lesêtre.
    1. PÉRIL##

PÉRIL (grec : -/(vovvoc ; Vulgate : periculum), risque de perdre la vie. — L’hébreu n’a pas de mot particulier pour rendre l’idée de péril. Il se sert des locutions benéfés, « pour la vie », au risque de la vie, II Reg., xviii, 13 (qéri) ; xs.m, 17 ; III Reg., ii, 23 ; Lam., v, 9 ; Prov., vii, 23, et berâ'sênû, « pour notre tête », au risque de notre tête. I Par., xii, 19. L’Ecclésiastique, xxxiv, 13, dit qu’il a été plusieurs fois en péril de mort, mais qu’il en a été tiré par son expérience, Vulgate : « par la grâce de Dieu ». Dans deux autres passages de ce livre, on peut recourir au texte hébreu pour y trouver ce qui correspond à l’idée de péril. On lit dans les Septante et la Vulgate, iii, 27 : « Qui aime le péril y périra. » Il y a dans l’hébreu : « Qui aime les richesses, tôbôt, soupirera après elles. » Plus loin, xliii, 26, les versions traduisent : « Ceux qui naviguent sur la mer en racontent le péril. » Il y a dans l’hébreu : « Ceux qui descendent sur la mer en raconteront l’extrémité, qdsàh, » diront, s’ils le peuvent, jusqu’où elle s'étend. Tobie, iv, 4, rappelle à son fils les périls que sa mère a courus pendant qu’elle le portait dans son sein. Esther, xiv, 1, 4, en péril de mort, demande à Dieu son assistance. Plusieurs fois, il est question des périls affrontés par les princes Machabées et leurs compatriotes. I Mach., xi, 23 ; xiv, 29 ; II Mach., i, 11 ; xi, 7 ; xv, 17. — Les Apôtres étaient en péril sur la barque pendant la tempête. Luc, viii, 23. Saint Paul a été en péril à toute heure. I Cor., xv, 30. Il énumère tous ceux par lesquels il a passé. II Cor., xi, 26. Dieu l’en a délivré. II Cor., i, 10. D’ailleurs aucun péril ne le détachera de l’amour du Christ. Rom.,

vm, 35.
H. Lesêtre.
    1. PERIPSËMA##

PERIPSËMA (grec : 7rspM/r]|ia), qualificatif que se donne saint Paul, I Cor., iv, 13 : « Nous sommes comme les 7teptx « flap[iaT « du monde et le nep^r^a de tous. » Le mot 7teptxa9 « p|iaTa désigne le produit d’un nettoyage complet, les balayures d’une maison, et le mot ireptywi, de roepti^ôiw, « frotter tout autour, » le résidu ou la raclure d’un objet qu’on a remis en état. L’Apôtre voudrait donc dire qu’il est traité par la plupart des hommes comme la balayure et le rebut de l’humanité. Cf. "Is., Lin, 3. Cependant les deux mots grecs sont susceptibles d’un autre sens. Le premier est un composé de xà6ap|x. « , nom donné à des misérables que l’on entretenait à Athènes aux frais de l'État, pour en faire des victimes expiatoires en cas de malheurs publics. Cf. Aristophane, Plut., 454 ; Eq., 1133 ; Dôllinger, Paganisme et Judaïsme, trad. 3. de"P., Bruxelles, 1858, t. i, p. 315. Dans l’ancienne Italique, icepixôOaptia était rendu par luslramentum, pour lustramen, « objet expiatoire. » Cf. S. Ambroise, In Ps. cxviii, vm, 7, t. xv, col. 1297. Dans les Proverbes, xxi, 18 : « Le méchant sert de rançon pour le juste, » les Septante rendent kofér, « rançon, » par Tcepraâflap|x.a. Le mot irspf^TjtJLa se prête également à un sens analogue. Dans l'édition sixtine du livre de Tobie, v, 18, on lit : « Que l’argent devienne le irepî<lï]a<x de notre enfant, » c’est-à-dire sa rançon. D’après Hesychius et Suidas, les Athéniens jetaient à la mer l’homme dont ils faisaient leur victime expiatoire en disant : « Sois notre Ttïpfyy)>.a. » Cf. Cornely, 1 Epist. ad Cor., Paris, 1890, p. 111. Dans l’idée de saint Paul, les Apôtres seraient donc comme des victimes expiatoires, rejetées par le monde et associées au Christ pour compléter ce qui manqué à ses souffrances. Col., i, 24. Leur abjection participerait ainsi à celle du Messie, dont il est dit dans Isaïe, Ein, 3, 5 :

Il était méprisé et abandonné des hommes…

Mais c'étaient vraiment nos maladies qu’il portait…

Il a été transpercé à cause de nos péchés.

Saint Paul serait à la fois « balayure et rebut » et en même temps « rançon et victime expiatoire », à l’exemple du Messie. Le second sens est rendu probable par la gradation que suit l’Apôtre : les prédicateurs de l'Évangile sont traités « comme les derniers des hommes, comme des condamnés à mort » ; après le dénuement, les coups, les malédictions, les persécutions, les calomnies, l’idée d’expiation paraît se présenter plus logiquement que celle du mépris et de

l’humiliation. I Cor., iv, 9-13.
H. Lesêtre.
    1. PERKINS Guillaume##

PERKINS Guillaume, théologien calviniste, né en 1558 à Warton dans le comté de Warwick, mort en 1602. Il étudia à l’université de Cambridge. Ministre calviniste, il acquit une grande réputation comme prédicateur. Dans ses œuvres publiées à Londres, 1616, 3 in-f", on remarque : À digest or harmonie of the old and new Testament ; Exposition of Galatians, Exposition of C hrist’s sermon on the Mount ; Commentary on Rebr. xi ; Exposition of Jude ; Exposition of Révélation J, ii, and. m. — Voir W. Orme, Bïbliotheca biblica, p. 347 ; Walch, Biblioth. theologica, t. iv,

p. 701, 758, 857.
B. Heurtebize.
    1. PERLE##

PERLE (grec : (jLapyapiTï) ; Vulgate : margarita), substance qui se forme dans l’intérieur de plusieurs espèces de coquilles marines. — 1° Un certain nombre de coquilles sont tapissées mtéiieurement par une substance calcaire argentée, sécrétée par le manteau du mollusque, comme la coquille elle-même dont la composition chimique est identique. Cette substance s’appelle nacre. Parfois, â la suite d’une blessure faite au mollusque par la piqûre d’un petit ver, par un grain de sable ou un petit corps étranger introduit et enfermé dans la coquille, il se produit une concrétion isolée de matière nacrée, sous forme ronde, oblongue ou irrégulière. C’est la perle. Elle est généralement adhérente à la coquille, mais peut aussi se sécréter à l’intérieur du manteau et des organes. D’abord très petite, elle s’accroît par couches annuelles. Ce qui fait son prix, c’est sa grande dureté, sa dimension et surtout son éclat chatoyant qui reproduit celui de la nacre. Sa coloration va du blanc azuré au blanc jaunâtre, au jaune d’or et au noir bleuâtre ; on trouve même des perles roses, bleues et lilas. Les principales coquilles perlières sont l’avicula margaritifera (fig. 25), la meleagrina margaritifera, appelée aussi printadine ou mère-perle, la pinna marina, Vunio margariti férus, mulette oumoulette perlière, etc. On trouve aussi des perles dans les huîtres et les moules ordinaires ; mais elles sont ternes et sans valeur. Les Chinois et les Indiens font produire des perles d’un certain prix à des moules et des huîtres, en introduisant dans le manteau de ces bivalves de petits corps durs qui déterminent la sécrétion nacrée.

Les anciens recueillaient les coquilles perlières dans la mer Rouge, dans la mer des Indes, cf. Pline, H. N., ix, 54 ; xxxiv, 48 ; Strabon, xv, 717, et dans le "golfe Persique, aux environs de l'île de Tylos. Cf. Pline, H. N., vi, 32 ; Strabon, ivi, 767 ; Athénée, iii, 93 ; Élien, Hist. animal., x, 13. Les perles ont été estimées à très haut prix dans l’antiquité. Pline, H. N., ix, 54, dit qu’elles occupent le sommet parmi les choses précieuses. Cf. Pline, H. N., vi, 24 ; îx, 56, 58 ; xxxiii, 12 ; xxxiv, 48 ; xxxvii, 6. Les Romains en faisaient grand cas. La femme de Caligula, l’impératrice Lollia Paulina, en possédait dans sa parure pour 40 millions de sesterces (près de 10 millions de francs). On en mettait à toutes les parties du costume. Cléopâtre, dans une fête donnée par Marc-Antoine, en avala une qui valait des centaines de mille francs. Horace, Sat., II, iii, 238-240, parle d’un personnage qui prit une perle à l’oreille de Métella et la fit dissoudre dans du vinaigre, pour avaler tout d’un trait un million de sesterces (près de 250000 francs). Le goût de ces objets coûteux s'était également répandu en Grèce et en Orient. 2° Les perles ont été certainement connues en Pales 3° Dans le Nouveau Testament, la mention des perles est très claire. Notre-Seigneur compare le royaume des cieux à un marchand qui trafique sur les perlesEn ayaDt rencontré une de grand prix, il vend tout ce qu’il a pour l’acheter. Matth., xiii, 45, 46. Il ne craint pas d’engager momentanément toute sa fortune, parce qu’il est sûr de revendre la perle avec gros bénéfice à quelque riche amateur. Saint Paul recommande aux femmes chrétiennes d'éviter le luxe dans leur parure et de savoir se passer de perles. I Tim., ii, 9. La femme qui représente la grande Babylone est ornée de perles. Apoc, xvii, 4 ; xviii, 16. Babylone faisait commerce de ces précieux objets. Apoc, xviii, 12. — Le Sauveur défend de jeter les perles devant les pourceaux, qui les fouleraient aux pieds. Matth., vii, 6. La doctrine et la grâce de l'Évangile ne doivent pas être communiquées à des âmes indignes qui les profaneraient.

    1. PERSANES##

PERSANES (VERSIONS) DE LA CIBLE. 1° Sous les rois de Perse, Cyrus et ses successeurs, un grand nombre de Juifs s'établirent dans toutes les parties de leur empire, et il est à croire que dans les

jïM*

25. — Avicula Margaritifera.

tine, au moins depuis l'époque de Salomon. Mais on ne sait pas d’une manière certaine quel mot pouvait les désigner. Le mot gâbis est le nom du cristal, probablement du cristal de roche, et non des perles. Voir Cristal, t. ii, col. 1119. Les penînîm ne sont que des pierres précieuses, d’après les versions. Prov., iii, 15 ; vin, II ; xx, 15 ; xxxi, 10. Ces pierres précieuses peuvent sans doute être des perles, puisque ces dernières sont des sécrétions calcaires ; elles pourraient être aussi du corail rouge ou une substance analogue. Voir Corail, t. ii, col. 957. À Suse, il y avait dans le palais royal un dallage fait avec de l'émeraude et du dar. Esth., i, 6. Le mot dar est le nom des perles en arabe. Les Septante traduisent par Xi'Ôoç nfovivoc.g pierre de pinne, » de pinna marina, ce qui indiquerait une incrustation de nacre provenant des coquilles du mollusque perlier. La Vulgate rend dar par lapis parius, « pierre de Paros, » marbre. Il est assez probable en eflet qu’il s’agissait de marbre translucide et nuancé comme les perles ou la nacre. Dans le Cantique, i, 10, on dit à l'Épouse : « Nous te ferons des tôrîm avec des hârûzîm. » D’après les versions, il s’agit de « chaînes d’or marquetées d’argent ». Il est possible que les deux mots hébreux désignent des colliers dans la composition desquels entraient les perles, le corail et les pierres précieuses. Ils ne se rencontrent pas ailleurs, et ce sens leur convient bien, par comparaison avec les termes arabes correspondants. Cf. Buhl, Gesenius' Handwôrterbuch, p. 278, 885.

synagogues on expliqua les Écritures dans la langue du pays. Nous savons du moins par le Talmud, Sota, 49 b, que les Israélites qui habitaient en Perse, en parlaient la langue en même temps que l’hébreu. Mais s’il a existé des traductions persanes de l'Écriture à leur usage, il ne nous en est rien parvenu. On ne possède rien non plus des anciennes versions du Nouveau Testament, qui ont dû être faites d’assez bonne heure, puisque le christianisme se répandit en Perse dès les premiers siècles. Saint Jean Chrysostome, Hom. ii, % in Joa., t. lix, col. 32, dit expressément que de son temps l'Évangile de saint Jean était traduit en persan, et Théodoretde Cyr, Grsec. affect. curât., IX, t. lxxxiii, col. 1045, dit que les Perses « vénèrent les écrits de Pierre, de Paul, de Jean, de Matthieu, de Luc et de Marc, comme venant du ciel, » ce qui semble indiquer qu’ils étaient traduits en leur langue. De toutes ces versions primitives, rien n’a survécu.

2° Le Pentateuque. — Maimonide parle d’une traduction persane du Pentateuque antérieure à Mahomet. L. Zunz, Die gottesdienstlichen Vortràge der Juden historisch entwickelt, Berlin, 1832, p. 9. Celle que nous possédons est bien moins ancienne. Elle a été imprimée pour la première fois à Constantinople en 1546, en caractères hébreux, et réimprimée, en caractères perses, dans la quatrième partie de la Polyglotte de Walton. Elle a pour auteur Rabbi Jacob benJoseph Taous ( « le Paon » ), qui vivait à Constantinople dans la première moitié du xvi B siècle. Quelques critiques

ont voulu la faire remonter plus haut, mais il est impossible de lui donner une origine antéislamique, parce qu’elle est écrite en néo-perse et abonde en mots arabes, ce qui ne se rencontre que dans les livres écrits depuis la conversion de la Perse au mahométisme. De plus, Babel, Gen., x, 10, est traduit par « Bagdad i ; or Bagdad ne fut bâtie qu’en 763 (l’an 145 de l’Hégire). A. Kohut, Kritische Beleuchtung der persischen Pentateuch-Uebersetzung des Jacob BenJoseph Tavus unter stetiger Rûcksichtsname auf die àltesten Bibelversionen, in-8°, Leipzig et Heidelberg, 1871, de même que Lorsbach, dans le Ienær AU. Lit. Zeitung, 1816, ii, 58 ; Zunz, dans Geiger Wissenschaftliche Zeitschrift, 1839, t. iv, p. 391, et Munk, Notice sur Rabbi Saadia Gaon, Paris, 1838, p. 62-87, s’accordent à faire naître R. Jacob vers 1510. La traduction, faite sur l’hébreu, est d’une littéralité excessive : Taous évite les anthropomorphismes et emploie des euphémiswes ; il se sert du Targum d’Oiikelos et de la version arabe de Saadia, des commentaires de Kimchi et d’Aben Ezra ; dans plusieurs passages, il laisse l’hébreu sans le traduire. Gen., vii, 11 ; xii, 6, 8, etc. ; Exod., iii, 14 ; xvii, 7 ; Num. xxi, 28, etc., Deut., iii, 10, etc. Son œuvre a peu de valeur critique. « L’auteur de cette traduction, étant juif, dil Richard Simon, Hi’st. critique du vieux Testant., p. 307, a affecté partout les hébraïsmes, et c’est ce qui fait qu’elle ne peut pas être d’un grand usage, si ce n’est dans les synagogues des Juifs de Perse. »

3° Manuscrits de diverses traductions persanes de livres de l’Ancien Testament. — existe en manuscrit des traductions persanes de plusieurs livres de l’Ancien Testament. La Bibliothèque nationale de Paris en possède plusieurs. Le Catalogue des manuscrits Mfcreua : , Paris, in-4°, 186 1), signale les suivants (cf. Catalogus codicum manuscriptorum Bibliothecæ regix, in-f°, t. î, Paris, 1739, Codices hebraici, p. 4-5) : — N° 70 (ancien 34), Genèse et Exode, renfermant l’hébreu original et, après chaque verset, la version persane, de même que le n° 71 (ancien 35) qui contient le Lévitique, les Nombres et le Deutéronome, Cette version persane, écrite en caractères hébreux, reproduit la paraphrase chaldaïque d’Onkelos ; elle est différente de celle qui a été imprimée dans la Polyglotte de Constanlinople et dans le t. vi de la Polyglotte de Walton. — N » 90 (ancien 38), Josué, les Juges, Ruth, Esdras etNéhémie, en caractères hébreux. Traduction très littérale sur l’hébreu. Écrit en 1601. — N » 91 (ancien 39). Livres de Samuel, des Rois et des Paralipomènes, en caractères hébreux. Écrit dans la ville de Lâr, comme le précédent, en 1601. — N° 97 (ancien 44). Isaïe, Jérémie et Ézéchiel, en caractères hébreux. Ézéchiel s’arrête au ch. x, 4. La version est faite sur le texte massorétique, d’après la paraphrase chaldaïque de Jonathan. Écrit au commencement du xvie siècle. — N° 100 (ancien 25). Jérémie, en caractères hébreux. La version est très différente de celle du n° 97 ; elle a été faite sur la paraphrase chaldaïque. — N « 101 (ancien 47). Lamentations et les douze petits prophètes, en caractères hébreux. Traduction faite sur le texte hébreu, mais avec de nombreux contre-sens. — N » - 116 (ancien 43). Proverbes, Cantique des Can-, tiques, Ruth, Ecclésiaste, Esther, texte hébreu ponctué accompagné verset par verset de la traduction persane, faite sur l’hébreu et écrite en caractères hébreux. — N° 117 (ancien 113). Proverbes, Ecclésiaste et Cantique avec traduction persane, suivant verset par verset, l’hébreu qui est ponctué. Elle est écrite en caractères hébreux. En général, elle s’accorde avec celle du n° 116, mais avec beaucoup de variantes. C’est le manuscrit dont s’est occupé Hassler, dans les Theologische Studien und Kritihen, 1829, p. 469-480. — N° 118 (ancien 40). Job et les Lamentations, texte hébreu ponctué avec traduction persane, verset par

verset, en caractères hébreux. — N » 180 (ancien 42). Job, du même traducteur, mais avec de nombreuses variantes. Hébreu et persan comme au n° 118. — N° 132 (ancien 41). Job (incomplet). La traduction est presque toujours d’accord avec la précédente. — N° 121 (ancien 224), Esther, texte hébreu ponctué, suivi verset par verset de la traduction persane, en caractères hébreux. En tête du manuscrit se trouve un calendrier liturgique qui finit à l’année 1523. — N° 128 (ancien 45). Daniel, avec une histoire apocryphe de ce prophète (cette histoire a été publiée en caractères hébreux avec une traduction allemande par Zotenberg, dans Ad. Merx, Archiv fur wissénschaftliche Erforschung des Alten Testamentes, 1869, t. i, p. 385-427. — N° 129 (ancien 46). Daniel. Cette version s’accorde avec celle dun°128. — N° 130 (ancien 236). Livres deutérocanoniques, en caractères hébreux. La traduction de Tobie est faite d’après le texte hébreu publié pour la première fois à Constantinople en 1516 et reproduit dans le t. îv de la Polyglotte de Londres. Judith est traduit d’après le texte hébreu publié à Venise vers 1650, Bel et le dragon, d’après l’hébreu contenu dans le même volume où se trouve l’hébreu de Judith.

Parmi les manuscrits persans, écrits en persan, la Bibliothèque nationale, Catalogue des manuscrits persans de la Bibliothèque nationale de Paris, in-8°, 1905, possède les traductions suivantes de livres de l’Ancien Testament : N° 1. Une traduction persane des Psaumes, d’origine juive, copiée en 1316 sur un manuscrit judéo-persan du Làr, avec les variantes de deux autres manuscrits. — N° 2. Proverbes, Ecclésiaste, Cantique des Cantiques, Esther, Ruth. Écrit à Agra en 1604 d’après un manuscrit judéo-persan. — N° 3. Proverbes, Ecclésiaste, Cantique des Cantiques, Esther (non achevé). La traduction est la même que la précédente, avec quelques variantes. — N° 4. Isaïe, Jérémie, Lamentations (deux versions), Baruch. Copié en 1606 à Hamadan d’après un manuscrit judéo-persan. — N° 5. Judith, traduit sur la Vulgate, par le P. Gabriel, capucin (commencement du xvii » siècle).

La Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg possède aussi plusieurs versions persanes qui faisaient partie de la collection du karaïte Abraham Firkowitz et de la société d’Odessa. Cf. A. Harkavy et H. L. Strack, Catalog der hebraïschen Bibel-Handschriften in St-Petersburg, in-8°, Saint-Pétersbourg et Leipzig, 1875. — N » 139. Petits prophètes, contenant Michée, i, 13, jusqu'à Malachie, iii, 2. — N° 140. Haphtaroth, en hébreu ponctué, avec la traduction persane ; la version persane est écrite en caractères arabes.— N° 141. Pentateuque hébreu et persan. L’hébreu est ponctué, mais d’une. façon particulière. La version est écrite en petits caractères et suit l’original verset par verset, mais elle est très différente de la version de R. Jacob Taous. — N » 142. Fragments de Job.

Walton, dans les Prolégomènes de sa Polyglotte, xvi, 9, p. 694. mentionne deux Psautiers manuscrits traduits sur la Vulgate.

La bibliothèque du British Muséum à Londres possède (voir Margoliouth, Catalogue of the Hebrew and Samaritan tnanuscripts in the British Muséum, in-4°, Londres, part. i, 1899) : N° 159, version persane des Psaumes par Baba ben Nurial, faite à Ispahan vers 1740, par ordre de Nadir Chah. Cette traduction est précédée du texte hébreu du Pentateuque et suivie de divers poèmes en caractères persans rabbiniques. — N° 160, même version persane des Psaumes. Caractères rabbiniques persans du xvin 9 ou xixe siècle.

La Bibliothèque bodléienne d’Oxford possède trois exemplaires (N » s 1827-1829) de la traduction persane des Psaumes faite par un religieux portugais, le P. Juan, 1610 ; deux exemplaires (un incomplet) d’une autre traduction différente des Psaumes (N » s 1830-1831) ;

une traduction de Judith, d’après la "Vulgate (N° 1833).

4° Traductions persanes des Évangiles. — 1. Imprimées. — Xes chrétiens des provinces occidentales de la Perse, se rattachant à l’Eglise syriaque, se servirent d’abord de la Peschito. Aussi une des premières traductions des Évangiles qui fut faite en persan dérive-t-elle de la Peschito. Elle a été publiée dans la Polyglotte de Walton, d’après un manuscrit appartenant à Pococke et écrit en 1341, avec une traduction latine de Sam. Clericus et de Thom. Grovius. La traduction latine a été réimprimée par Bode, in-4°, Helmstadt, 1751, avec une préface historique et littéraire. Une seconde traduction des Evangiles, faite sur le texte grec, fut publiée d’après deux manuscrits, l’un de Cambridge, l’autre d’Oxford ; avec les variantes du manuscrit de Pococke traduit d’après la Peschito, p"ar un professeur arabe de Cambridge, Abraham Wheloc, et parPierson. Quatuor Evangeliorum versio persica, in-f°, Londres, 1652-1657. Elle est accompagnée d’une traduction latine. — Nadir Schah fit faire en 1740, par les jésuites ûuhan et Desvignes, une nouvelle traduction persane des quatre Évangiles, qui a été publiée par Dorn à Saint-Pétersbourg en 1848. Voir Dorn, dans Hall. Allg. Literaiurzeitung, 1848, t. ii, p. 464. — Colebrooke a fait imprimer à Calcutta en 1804 une version des Évangiles. De même L. Sebastiani à Sérampore en 1812. H. Martyn a éditée Londres en 1821 The New Testament, translated from the (jcreek into Persian. — La société biblique a publié depuis diverses traductions persanes complètes ou partielles des Écritures.

2. Manuscrites. — Le fonds persan de la Bibliothèque nationale de Paris contient les manuscrits suivants : N° 6. LesquatreÉvangiles. Traduction anonyme, copiée en 1756. — N° 7. Traduction des quatre Évangiles, dont il est parlé plus haut, faites par des missionnaires, et des docteurs arméniens sur la Vulgate par l’ordre qu’en donna le roi de Perse Nadir Schah, en 1736. Copie de l’original, faite par les soins de P. Lagarde († 1750). — N° 8. Autre traduction des Évangiles ; faite sur le grec, écrite pour le roi Louis XIII en 1616, par un missionnaire franfais. — N° 9. Même traduction avec quelques légères divergences. Écrite en 1631. — N° 10. Évangile de saint Matthieu. Copié sur un très ancien manuscrit du Vatican. Cette version se rapproche beaucoup de celle qui est contenue dans le n° 9. - N° W. Autre copie (incomplète) de l'Évangile de saint Matthieu, faite sur le manuscrit précédent. — N" 13. Évangéliaire pour le commun du temps. Copié en 1374.

La Bibliothèque bodléienne possède le Nouveau Testament traduit par le R. H. Martin, deux exemplaires (N » s 1833-1834) et plusieurs traductions plus ou moins complètes des Évangiles (N os 1835-1840). Voir Sachau et Ethè, Catalogue of the Persian manuscripts in the Bodleian Library, in-4°, Oxford, 1889, col. 1050-1056.

La Bibliothèque de Berlin possède le manuscrit d’une traduction persane de l'Évangile de saint Matthieu (N° 1096) qui est pour le fond la même que celle qui a été publiée à Londres par Whelock, in-f », 1657. Le N" 1097 contient entre autres choses la traduction des douze premiers chapitres de saint Matthieu, faite en 1799. Voir W. Pertsch, Verzeichniss der persischen Handschrifien, t. iv des Handschriften Verzeichnisse der k. Bibliothek zu Berlin, in-4°, Berlin, 1888, p. 1043-1045.

Voir Rosenmûller, De versione Pentateuchi persica comment., in-4°, Leipzig, 1813 ; J. Fûrst, Bibliotheca judaica, t. iii, p. 453 ; J. M c Clintock et J. Strong, Cyclopxdia of Biblical Literature, t. vii, New-York, 1889, p. 984 ; The Bible of every Land, in-4°, Londres, 1860, p. 64-71. F. Vigouroux.

    1. PERSE##

PERSE (hébreu ; Paras ; Septante : Ilepat ;  ; Vulgate : Persis), contrée d’Asie. Le nom de la Perse est,

dans les inscriptions cunéiformes, Pârça, en perse, Pars et Fdrs, en arabe, Fâris.

I. Géographie. — La Perse proprement dite (fig. 26) occupait primitivement la partie la plus méridionale de la grande chaîne de montagnes qui s'étend de la mer Noire au golfe Persique tout le long de la rive gauche du Tigre. Le pays était borné au sud et au sud-ouest par le golfe Persique, au nord-ouest et au nord par la Susiane et la Médie, à l’est par de grands déserts. La région qui avoisine la mer se compose de bancs d’argile et de sable parallèles au rivage ; elle a été modifiée sur plusieurs points par le travail des alluvions. Le sol est tantôt marécageux, tantôt rocheux et mal arrosé, partout malsain, et stérile. Cf. Pline, H. N., xii, 20. Au delà, plusieurs chaînes de hauteurs s'élèvent graduellement l’une derrière l’autre, dans toute la longueur du pays, pour atteindre le plateau. Cette région moyenne est ordinairement boisée et fertile en céréales, sauf dans plusieurs cantons du nord et de l’est. Cf. Strabon, xv, 727. Quelques rivières seulement, l’Oroatis, l’Araxès, le Bagradas, parviennent à traverser les hauteurs et les sables et à se jeter dans le golfe. D’autres n’ont pas d'écoulement ; leurs eaux forment au fond des vallées des lacs dont le niveau varie avec les saisons. La partie montagneuse se découpe en pics aigus, couverts de neige, séparés par des ravins aux parois presque verticales, au fond desquels se précipitent de furieux torrents. Le sommet le plus élevé, le

Kouh-i-Dina, au nord, atteint 5200™ ; au sud, le Djebel Boukoun monte jusqu'à 3230° 1.

Sur le haut plateau, le climat se ressent de la sécheresse du sol et de l’absence de rivières. La pureté de l’atmosphère est telle qu’on peut distinguer à l'œil nu les satellittes de Jupiter ; la planète elle-même y jette de si vifs rayons qu’elle porte une ombre très nette sur une surface claire. On s’explique ainsi le goût des anciens mages pour l’observation des astres et le culte qu’ils rendaient à certains d’entre eux. Voir Mage, t. iv, col. 544. Par contre, comme cette pureté de l’atmosphère n’oppose aucun obstacle aux rayons salaires et au rayonnement nocturne, on peut passer, en moins de quelques heures, de 7 à 62 degrés centigrades. En hiver, avec des tourbillons de neige, la température peut descendre à — 30°.

La race était endurcie à la fatigue par la vie dans la montagne. Élancés et robustes, la tête fine sous leur épaisse chevelure et leur barbe bouclée (fig. 27), les Perses étaient intelligents et passionnés pour la guerre. Plusieurs tribus se partageaient le pays : les Pasagardes, les Maraphiens et les Maspiens, qui exerçaient la prépondérance, les Panthialéens, les Dérousiéens et les Carmanes, qui menaient la vie sédentaire, les Dæns, les Mardes, les Dropiques et les Sagartiens, qui préféraient l'état nomade. De gros villages avaient été bâtis sur le bord de la mer, Armouza, Sisidôna, Apostana, Gogana et Taôkê, ce dernier possédant un palais royal. Cf. Hérodote, i, 125 ; Néarque, dans Arrien, Hist. indic, xxxvii, 5, 7, 8 ; xxxix, 3 ; Strabon, XV, iii, 3. À l’intérieur s'élevaient les villes de Carmana, au nord-est, cf. Ptolémée, vi, 8, de Gaboe, au nord, avec un palais, cf. Plotémêe, vi, 4 ; Strabon, XV, iii, 3, de Persépolis et de Pasagardes, au centre du pays. Cf. E. Reclus, Géographie universelle, t. ix, p. 168-187 ; Maspero, Histoire ancienne, t. iii, p. 456-459.

II. Histoire. — Les Perses ne sont pas nommés dans la table ethnographique, mais ils étaient, comme les Mèdes, japhétites et de race iranienne. Gen., x, 2. Primitivement confinés dans leurs vallées ardues, ils avaient dû s'étendre au nord-ouest aux dépens de l'Élam, au moment où ce pays avait été affaibli par la puissance assyrienne. Voir Élam, t. ii, col. 1638. Ils élisaient leurs rois dans la famille d’un de leurs chefs primitifs, Akhâmanisch, l’Akhéménès des Grecs, dont

la légende s’est emparée. Cf. Élien, Var. hist., xii, 21. Tchaispi oa Téispès, son successeur et peut-être son fiis, profita de la ruine de Suse par Assurbanipal pour s’emparer de la partie orientale de l'Élam. C'était le pays d’Ansân, et lui-même prit dès lors le titre de roi d’Ansân, Cf. Hérodote, vii, 11, et l’inscription de Béhistoun, col. i, lig. 5, 6. Ce titre est attribué à Cyrus et à ses trois prédécesseurs par les monuments babyloniens de Cyrus, Cylindre, lig. 20, 21, dans les Beitràge zur Assyriologie, t. ii, p. 20, 21, d’où l’on conclut que la conquête du pays d’Ansân est bien l'œuvre de. Téispès, et qu’il n’existe pas de lacune dans la série chronologique entre ce dernier et Akhéménès.

Phraorte, roi des Médes (647-625), qui songeait à

lig. 18. Dans la Bible, Daniel parle toujours des Mèdes et des Perses, Dan., v, 28 ; vi, 8, 12, 15 ; le livre d’Esther, I, 3, 14, 18, 19, nomme au contraire les Perses et les Mèdes, sauf dans nn endroit où il est question du livre des rois de Médie et de Perse, Ksth., x, 2, qui contenait les annales du royaume commencées sous les anciens rois. Voir Cyrus, t. ii, col. 1191-1194. — Les rois de Perse se succédèrent dans l’ordre suivant, jusqu'à la conquête d’Alexandre le Grand :

Cyrus 550 Artaxerxès I" 465

Cambyse 529 Darius II 424

Smerdis le Mage… 522 Artaxerxès II Mnémon. 405

Darius I" ……. 521 Artaxerxès in Ochus.. 359

Xerxes I" ……. 435 Darius m Codoman 336

26.

Carte de la Perse.

l’attaque de l’Assyrie, commença par s’annexer ses voisins, et soumit les Perses, dont les princes devinrent désormais vassaux de la Médie. Cf. Hérodote, 1, 102. Il fut vaincu et périt dans son attaque contre les Assyriens. Son fils Cyaxare (624-585), pour s’assurer la victoire, réorganisa son armée, composée de Mèdes et de Perses. Cf. Hérodote, vii, 62. Ces derniers prirent part à la lutte contre Assurbanipal, à la prise de Ninive, et aux diverses campagnes du roi des Mèdes. Voir Médie, t. iv, col. 919.

A Téispès avait succédé Cambyse, et à Cambyse son fils Cyrus, vers 559. Celui-ci pensa que les Perses, autrefois dominés par les Mèdes, pouvaient et devaient à leur tour exercer la souveraineté dans l’empire médoperse. En 553, il se révolta contre Astyage, fils et successeur de Cyaxare ; il le défit, s’empara d’Ecbatane et substitua une administration perse au gouvernement mède. L’empire n'était pas changé estépieurement ; mais tandis que les rois précédents avaient été les chefs des Mèdes et des Perses, Cyrus et ses successeurs furent rois des Perses et des Mèdes. Voir l’inscription de Béhistoun, col. 1, lig. 34, 35, 40, 41, 46, 47 ; col. ii,

Sur ces rois, voir Médie, t. iv, col. 920 ; Cambyse, t. 11, col. 89 ; Darius I « , col. 1299 ; Assuérus (Xerxès I er), t. 1, col. 1141 ; Artaxerxès I w, col. 1039 ; Darius ii, 1. 11, col. 1306 ; Artaxerxès II, 1. 1, col. 1042 ; Darius III, t. 11, col. 1306. — Alexandre le Grand, roi de Macédoine, conquit l’empire des Perses en 331. Voir Alexandre le Grand, t. i, col. 345. Après sa mort, la Perse fit partie du royaume de Syrie, gouverné par les Séleucides. Voir Syrie. Mais ensuite les rois Parthes la disputèrent à ces derniers et Arsace VI finit par s’en emparer en 138. Voir Arsace, t. 1, col. 1034. Les Arsacides y régnèrent jusqu’en 226 après J.-C.

III. Mœurs et coutumes des Perses. — Hérodote, 1, 131-140, fournit quelques détails sur la manière de vivre des Perses. Les Perses pratiquaient la polygamie, épousant plusieurs femmes et ayant en outre des concubines en grand nombre. Ils se faisaient gloire d’avoir beaucoup d’enfants ; mais les hommes ne s’en occupaient qu'à l'âge de cinq ans ; jusqu'à vingt, ils leur apprenaient à monter à cheval, à tirer de l’arc et à dire la vérité. Assez sobres du côté de la nourriture, ils l'étaient beaucoup moins dans l’usage du vin et

s’enivraient à tout propos, même quand il s’agissait de délibérer sur des choses sérieuses. Les grands festins donnés par Xerxès I" répondaient parfaitement au goût de ses sujets. Le vin royal y était servi en abondance. Esth., i, 5-11. Le texte sacré remarque que « le vin avait mis la joie au cœur du roi, » et, s’il observe que « chacun buvait sans que personne lui fît violence, «  c’est que sans doute l’utilité de cette violence ne se faisait nullement sentir. Curieux des usages de l'étranger, ils adoptaient tout ce qui pouvait contribuer à leurs plaisirs. Aussi leurs mœurs s’efféminèrent au point que, malgré leur nombre et leurs ressources, ils furent incapables de tenir tête aux Grecs. S’estimant eux-mêmes au-dessus de tous les autres peuples, ils méprisaient ces derniers à proportion de leur éloigneraient. On s’explique ainsi qu’ils se soient montrés si outrés de la conduite des Grecs à leur égard et se soient imaginé qu’ils les réduiraient aisément. Leur législation ne permettait à personne, pas même

27. — Perses de Persépolis. D’après G. Rawlinson, The flve great Monarchies, t. v, p. 179, 191.

au roi, de faire mourir un homme pour un seul crime. Le mensonge leur était odieux et ils trouvaient honteux de faire des dettes. Ils se donnaient des marques de respect proportionnées à la condition de chacun. Us ne pouvaient supporter les lépreux, dont ils attribuaient la maladie à un péché commis contre le soleil. Cf. Ctésias, Res persic, 41. On sait par la Bible, Dan., vi, 8 ; Esth., viii, 8, qu’un décret signé de l’anneau royal était irrévocable, et que, pour l’empêcher d’avoir son effet, il fallait un autre décret qui rendit le premier impraticable. Esth., viii, 10, 11. Cf. I Esd., vi, 11. Hérodote, ix, 108, 110, montre Xerxès se refusant à révoquer une parole donnée, malgré le plus grave inconvénient, et ajoute que la loi ne permet pas au roi de refuser les grâces qu’on lui demande le jour du festin royal. Sur les courriers des rois de Perse, voir Angarier, t. i, col. 575. Les archives du royaume étaient tenues avec grand soin. I Esd., IV, 15, 19 ; Esth., vi, 1 ; x, 2. Sur l'écriture perse, voir Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. i, p. 137-146. Sur la monnaie, voir Darique, t. ii, col. 1294. Sur l'àdministration.provinciale, voir Satrape.

Les rois perses tenaient à habiter dans de magnifiques palais. Le site austère de l’antique Pasargades et la simplicité de la demeure royale de Cyrus ne conve naient plus à leurs goûts raffinés. Ils s’y rendaient pour ceindre la couronne, après la mort de leur prédécesseur, cf. Plutarque, Artaxerxes, 3, mais ils n’y demeuraient pas. Darius I= r préféra le séjour de Persépolis ; il développa la ville, y éleva de splendides bâtiments et tint même à ce que son tombeau fût creusé dans les rochers à pic des environs, où plusieurs de ses successeurs vinrent le rejoindre (fig. 28). Cf. M. Dieulafoy, L’art antique de la Perse, t. ii, pi. x ; flandin-Coste, La Perse ancienne, pi. 173-176. Voir Persépolis. Xerxès I er agrandit et orna le palais de Persépolis. Artaxerxes I er préféra Suse. Il y édifia un palais plus vaste que tout ce qu’on avait fait jusqu’alors. Cf. Dieulafoy, L’acropole de Suse, p. 274-358.

Les rois perses recevaient leurs vassaux et les ambassadeurs étrangers sur leur trône d’or, au fond de leur apadana ou salle de réception. Voir Palais, t. iv, col. 1972. On ne les apercevait qu’un instant. Ils portaient une robe de pourpre avec des broderies d’or. Plutarque, Artaxerxes, 24, estime un de ces vêtements à 12 000 talents (70 millions de francs). Une bandelette bleue et blanche formait diadème autour de la kidaris du roi. On ne l’entrevoyait lui-même qu'à l’ombre d’un parasol et au vent d’un chassernouches. Il ne paraissait d’ailleurs en public qu'à cheval ou sur son char, entouré de sa garde. Les hommes de sa famille et des six anciennes familles princières pouvaient l’aborder à toute heure et composaient son conseil. Esth., i, 14. Une lettre d’Artaxerxès à Esdras mentionne ces sept conseillers. I Esd., vii, 14. Ce droit conféré à six familles venait de ce que sept Perses s'étaient concertés pour tuer Smerdis le Mage et faire désigner l’un d’eux pour roi, à condition que chacun des six autres aurait toujours libre accès auprès de l'élu et que celui-ci ne pourrait prendre femme que dans la famille de ses compagnons. Ce fut Darius qui devint roi et la convention fut observée. Hérodote, iii, 76, 84. La fréquentation de leur harem, la chasse et quelquefois la guerre occupaient le temps de ces monarques. Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. iii, p. 736-746.

Sur la religion des Perses, voir Mage, t. iv, col. 544 ; Médie, col. 921 ; Michel, col. 1069. Il ne faut pas juger de cette religion, à l'époque des Achéménides, par la forme systématique et philosophique qui lui a été imposée par Zoroastre ou les réformateurs désignés sous ce nom, et n’a triomphé que bien des siècles plus tard. D’après Hérodote, I, 131, 132, les Perses ne représentaient pas les dieux ; mais, sur le sommet des montagnes, ils offraient des sacrifices à la divinité suprême, qui est le ciel, au soleil, à la lune, à la terre, au feu, à l’eau et aux vents. Ils y joignirent ensuite la déesse Mylitta des Assyriens. Ils sacrifiaient, sans autel ni feu, et coupaient la victime par morceaux qu’ils faisaient bouillir, ils invoquaient le dieu, avec le secours d’un mage, pour la prospérité du roi et celle de tous les Perses en général, et disposaient ensuite de la victime.

Les Achéménides étaient certainement polythéistes. On les voit invoquer Ormuzd, le dieu bon, Mithra, Anahata, et aussi Ahiïman, le principe du mal concrétisé pour eux sous forme du dieu malfaisant. C’est parce que les fourmis, les serpents et d’autres reptiles ou volatiles étaient l'œuvre de ce dieu, que les mages les tuaient de leurs propres mains. Hérodote, 1, 140. Les Perses croyaient à la survivance de l'âme. Après la mort, l'âme se trouvait exposée à des dangers, contre lesquels les vivants pouvaient la défendre par des sacrifices offerts aux dieux protecteurs. Plus tard, ces dangers se spécialisèrent dans un jugement subi sur le pont Cinvât, et à la suite duquel les âmes étaient envoyées au bonheur, ou à l’enfer, ou à un état intermédiaire. À la fin du monde, tous ressuscitent, subissent une nouvelle épreuve qui purifie les pécheurs

et arrivent enfin à être sauvés, à l’exception d’Ahriman et de quelques autres.

Les Perses connaissaient aussi certains cas d’impureté ; il leur était défendu de souiller l’eau, parce que l’impureté se communique surtout par elle. Ils ne voulaient pas non plus souiller la terre avec le contact des cadavres. Ils laissaient dévorer ceux-ci par les oiseaux et les chiens, ou ne les inhumaient qu’enduits de cire pour empêcher le contact, cf. Hérodote, i, 140, et plus tard les déposaient dans les tours du silence. Ces pratiques se conciliaient avec leur foi à la résurrection. ^On a souvent cherché à établir des relations d’influence réciproque ou de dépendance sur certains points entre la religion des Perses et celle d’Israël. Ces relations sont difficiles à préciser et surtout à justifier. « En fait, presque tous les points où l’on croit voir des rapports étroits, même la résurrection, appartiennent selon nous à la réforme. Que si l’on compare le judaïsme

tions a quelque lieu d'étonner, surtout dans le premier passage. Les Lydiens d’Asie Mineure et les Libyens du nord de l’Afrique étaient en communication facile avec Tyr par mer. Les Perses au contraire auraient eu à traverser là" Médie, la Babylonie et la Syrie pour atteindre cette ville. Aussi se pourrait-il que le mot paras désignât, dans le premier texte, les Pharusiens, de l'île de Pharos, à l’embouchure du Nil, qui étaient d’excellents archers. Dans le second texte, il s’agit d’une armée idéale, dans laquelle la présence des Perses étonne moins à côté des Scythes, des Arméniens, des Ethiopiens et des Libyens. Pourtant, comme les Perses sont associés à ces deux derniers peuples africains, on peut douter qu’ici encore paras désigne la Perse.

3° Daniel, v, 28, annonça à Baltasar que son royaume allait être donné aux Mèdes et aux Perses. La nuit même, Cyrus prit la ville. Le prophète se trouva ensuite en

28. — Vue des ruines de Persépolis. D’après F. Justi, Geschichte des alten Persiens, p. 102.

à la réforme elle même, l’influence des Perses ne saurait être antérieure aux environs de l’an 150 avant J.-C. Or il est constant qu'à cette époque le judaïsme était déjà dans une fermentation extraordinaire, en possession de toutes les idées qu’on dit empruntées au mazdéisme. » Lagrange, La religion des Perses, Paris, 1904, p. 45, 46.

IV. Les Perses dxiis la Bible. — 1° Dans son cantique de victoire, Judith dit que « les Perses ont frémi de sa vaillance et les Mèdes de son audace. » Judith, xvi, 12. Les faits racontés dans le livre de Judith doivent se placer vraisemblablement sous les règnes d’Assurbanipal. en Assyrie, et de Manassé, en Juda. Voir t. iii, col. 1830, A cette époque, Phraorte, roi des Mèdes, s’apprêtait à entrer en campagne contre le monarque assyrien. Judith parle donc des Perses et des Mèdes, non comme de vassaux, mais comme de rivaux des Assyriens. Elle nomme ceux-ci au troisième rang, les Mèdes au second et les Perses au premier, ce qui donnerait à penser que le cantique a été composé à une époque où l’Assyrie avait été soumise par les Mèdes et où ceux-ci subissaient la domination des Perses.

2° Ezéchiel, xxvii, 10, dit que les Perses, les Lydiens et les Libyens servaient dans l’armée de Tyr et étaient ses hommes de guerre. Ailleurs, xxxviii, 5, il met dans l’armée de Gog des Perses, des Éthiopiens et des Libyens. La présence des Perses dans ces énuméra rapport avec Darius le Mède, qui gouvernait la Babylonie au nom de Cyrus le Perse, mais d’après la loi des Mèdes et des Perses, plusieurs fois invoquée. Dan., vi, 8, 12, 15, 28. Voir Darius le Mède, t. ii, col. 1298. — Dans une de ses visions « pour le temps de la fin, » c’est-à-dire ici pour le temps qui doit aboutir à l'époque messianique, le prophète voit successivement un bélier à deux cornes, qui figure l’empire des Mèdes et des Perses, et un bouc velu, qui figure la monarchie grecque. Dan., viii, 20-22. — La troisième année de Cyrus, roi de Perse, le prophète a une autre vision sur les destinées du peuple d’Israël. Cette vision a lieu deux ans après l'édit qui a autorisé le retour des Israélites en Palestine. I Esd., i, 1-3, Daniel n’a pas profité de l’autorisation et la plupart des exilés sont demeurés volontairement en Babylonie. L’ange qui lui apparaît lui dit : < Le chef du royaume de Perse m’a résisté vingt et un jours, et Michel, un des premiers chefs, est venu à mon secours, et je suis demeuré là auprès des rois de Perse. » Dan., x, 13. L’ange 'qui parle au prophète est probablement Gabriel, qui s'était déjà montré à lui. Dan., IX, 21. Le chef du royaume de Perse n’est pas un homme, mais un sar, comme Michel, tandis que les rois sont appelés malké Paras. S’il résiste vingt et un jours, c’est qu’il souhaite que tous les Israélites ne quittent pas le royaume de Perse, où leur présence est

avantageuse. Michel, qui est le protecteur du peuple de Dieu, vient cependant en aide au premier ange pour faire cesser l’opposition de l’ange des Perses. Voir Michel, t. iv, col. 1068-1069. Cf. Rosenmûller, Daniel, Leipzig, 1832, p. 348-351. L’ange révèle ensuite au prophète les destinées de la Perse : « Il y aura encore trois rois en Perse ; le quatrième posssèdera de plus grandes richesses que tous les autres, et quand il sera puissant par ses richesses, il soulèvera tout contre le royaume de Javan. Et il s'élèvera un roi vaillant, qui aura une grande puissance et fera ce qui lui plaira… » Dan., xi, 2, 3. Ces trois rois qui doivent suivre Cyrus sont Cambyse, Darius I er et Xerxès I er, en négligeant l'éphémère Smerdis. Le quatrième, à partir de Cyrus, est Xerxès I er, puissant par ses richesses et qui mit tout en mouvement contre la Grèce. Les cinq autres rois ne sont pas nommés dans la prophétie ; mais avec eux la Perse perdit peu à peu de sa puissance. Deux grands princes sont surtout mis en relief : Xerxès I €r qui alla porter le défi aux Grecs jusque chez eux, Alexandre le Grand qui releva le défi au cœur même de l’empire perse. Voir Daniel, t. ii, col. 1275.

4° La délivrance des Israélites exilés fut l'œuvre de Cyrus, roi de Perse, dès la première année de son arrivée au pouvoir souverain. II Par., xxxvi, 22, 23 ; I Esd., 1-11. Le livre d’Esdras raconte ensuite ce qui . fut fait par les rois de Perse au sujet des Juifs : l’autorisation de rebâtir le Temple, I Esd., iii, 7 ; iv, 3 ; les tentatives hostiles des ennemis des Juifs auprès de Xerxès et d’Artaxerxès, I Esd., iv, 7 ; la lettre d’Artaxerxès interdisant la restauration delà ville, I Esd., iv, 18-22 ; l'édit de Darius confirmant l’autorisation donnée par Cyrus de rebâtir le Temple’et assignant des redevances pour les sacrifices, 1 Esd., i, 6-12 ; le retour d’Esdras sous Arlaxerxès, I Esd., vil, 1-6, et, en général, la bienveillance dont firent preuve les rois de Perse.

I Esd., ix, 9. Néhémie remplissait les fonctions d'échanson auprès d’Artaxerxès, quand il obtint de revenir à Jérusalem pour en relever les murailles. II Esd., ii, 1-10.

5° Tous les événements rapportés dans le livre d’Esther se passent à Suse et dans le royaume des Perses, sous le règne de Xerxès. Voir Assuérus, t. i, col. 1141 ; Esther, t. ii, col. 1973 ; Mardochée, t. iv, col. 753.

6° La victoire d’Alexandre le Grand sur Darius, roi des Perses et des Mèdes, est rappelée I Mach., i, 1. On raconte ensuite comment Néhémie, renvoyé en Judée par le roi de Perse, retrouva une eau épaisse à l’endroit où l’on avait jadis caché le feu sacré, que cette eau, répandue sur le sacrifice, s'était enflammée, et que le roi de Perse, informé de l'événement, fit enclore le lieu où l’on avait trouvé l’eau et ainsi le rendit sacré.

II Mach., i, 19-35. Voir Naphthar, col. 1597. — En Perse s'élevaient les temples que les deux rois Antiochus III et Antiochus IV cherchèrent en vain à piller. I Mach., vi, 1-4 ; II Mach., i, 13-16 ; ix, 1, 2 ; voir Nanée, t. iv, col. 1473. — Enfin, c’est de Perse que les Mages arrivèrent pour adorer l’enfant Jésus. Matth., ii, 1-12. Voir Mage, t. iv, col. 543-545. — Les Perses ne sont pas nommés dans le Nouveau Testament, mais seulement les Mèdes. Act., ii, 9.

Bibliographie. — Hérodote, I ; Xénophon, Anabasis, Hellenica, Cyropsedia ; J. Gilmore, Fragments of the Persika of Ctesias, in-8°, Londres, 1889 ; J. Malcolm, History of Persia from the earliest Ages to the présent Times, 2 in-4°, Londres, 1815 ; B. Brisson, De regio Persarum principatu, 1691 ; in-8°, Strasbourg, 1710 ; J. H. G. Kern, Spécimen historiarum continens scriptores grmcos de rébus persicis Achsemenidarurn monumenlis collatos, in-8°, - Liège (1855) ; M. Dieulafoy, L’art antique de la Perse, 2 in-f°, Paris, 1884-1889 ; G. Perrot et Chipiez, Histoire de l’art dans l’antiquité, t. vi, Perse, 1890, p. 403-897 ; G. Rawlin son, The five great monarchies of the anclent eastern World, fifth Monarchy, t. IV, 1867 ; G. W. Benjamin, Persia, in-12, Londres, 1388 ; F. Justi, Geschichte des alten Persiens, in-8°, Berlin, 1879 ; A. von Gutschmid, Geschichte Irans und seiner Nachbarlànder von Alexander dem Grossen bis zum Vntergang der Arsaciden, in-8°, Tubingue, 1888 ; Ker Porter, Travels in Georgia, Persia, ivith numerous engravings, 2 in-4°, Londres, 1821-1828 ; Flandin et P. Coste, Voyage en Perse [Perse ancienne), Paris, texte, in-8° ; planches,

in-f », 1843-1854.
H. Lesêtre.
    1. PERSÉE##

PERSÉE (grec : rispcrsOç), le dernier roi de Macédoine (fig. 29). La Vulgate l’appelle : Persen Cetœorum regem. Il succéda à Philippe V, qui passait pour son père, mais on ignore s’il était son fils légitime ou illégitime ou supposé (179 avant J. C). En 171, il fit la guerre avec plus de bravoure que de succès. Il la soutint d’abord habilement, mais en 168 il fut défait à Pydna, près de l’Azam actuel, sur la côte occidentale du golfe de

29. — Monnaie de Persée, roi de Macédoine.

Tête de Persée à droite, diadémée. — H). Dans une couronne* aigle éployé, tenant un foudre. Dans le champ : BAEi | AEQE iiep [ eeql et un monogramme.

Salonique, par L. ^Emilius Paulus. Il se rendit, avec sa famille, à Samothrace, entre les mains du vainqueur qui l’emmena à Rome et le fit figurer à son triomphe. Avec lui finit le royaume de Macédoine. Après un court emprisonnement, il fut autorisé à se retirer à Albe où il mourut. Le bruit de sa défaite arriva jusqu’en Palestine et contribua à donner aux Juifs une haute idée de la puissance militaire des Romains. I Mach., viii, 5.

    1. PERSÉPOLIS##

PERSÉPOLIS (grec : UtpaiTïoii), une des capitales du royaume de Perse sous les Achéménides. Elle est nommée une fois, II Mach., ix, 2, d’après un grand nombre de commentateurs. Antiochus IV Épiphane, à court d’argent, tenta de piller le temple de cette ville, d’après ces commentateurs, mais les habitants le forcèrent à fuir honteusement. — Alexandre le Grand avait déjà mis le feu à Persépolis, lors de sa guerre contre les Perses, pour venger, dit-on, la prise d’Athènes par Xerxès. Clitarque, dans Athénée, sin, p. 576 ; Diodore de Sicile, XVII, lxxi, 2, 3 ; Lxxii, 6 ; Plutarque, Atea ; and v 38 ; Quinte-Curce, v, 7, 3. D’après Diodore de Sicile, loc. cit., et quelques autres, Arrien, iii, 18, 11 ; Pline, H. N., vi, 26, la ville entière aurait été la proie des flammes ; d’après Strabon, XV, iii, 6, et Plutarque, loc. cit., le palais royal aurait été seul détruit. Une partie de ses monuments avait certainemsnt échappé à la destruction. Ptolémée, vi, 44 ; vii, 5, 13. On y voit encore des mines importantes. Strabon, XV, iii, 6, dit que Persépolis était, après, Suse, la plus riche des villes de Perse, quand elle fut incendiée par Alexandre, et ses ruines attestent encore son ancienne splendeur ; il est douteux, malgré les suppositions contraires, qu’elle se soit relevée jamais de ce désastre.

Persépolis était située près de la plaine de Merdascht, 159

PERSEP0L18 — PESTE

160

au confluent de l’Arase (Bendamir) et du Médus (Pulouan), à 40 kilomètres environ de Pasargades, la capitale primitive de la Perse, avec laquelle on l’a autrefois confondue à tort. Darius, fils d’Hystaspe, fut le premier roi qui y établit sa cour. D’après Athénée, Deipnosoph., xii, p. 513, les rois de Perse résidaient à Persépolis pendant trois mois en automne, mais son affirmation n’est pas confirmée par les autres écrivains anciens. Xénophon, Cyrop., viii, p. 22 ; Plutarqne, De exil., XH, édit. Didot, t. iv, p. 730 ; Zonaras, iii, 26. Quoi qu’il en soit de ce point, il est certain que Persépolis, depuis Darius I er, fut avec Suse une des résidences royales. La magnificence de ses ruines (fig. 28, col. 155), remplit les voyageurs d’admiration. Elles portent aujourd’hui le nom de ChelMinar « les quarante colonnes ». On y voit encore les restes de deux superbes palais élevés par Darius lils d’Hystaspe et par son fils Xerxès, en même temps que le reste d’autres édifices. — Voir M. Dieulafoy, L’art antique de la Perse, in-f°, t. iii, 1885 ; G. N. Curzon, Persia, 2 in-8°, Londres, 1892, t. ii, p. 115-196.

La ville de Persépolis est-elle réellement la ville dont parle l’auteur du second livre des Machabées ?Il y a des raisons d’en douter. Le premier livre des Machabées, VI, 1, place l'événement qui est rapporté II Mach., ix, 2, en Elymaïde, et non dans la Perse proprement dite où se trouvait Persépolis. On peut traduire le nom de Persépolis « ville ou capitale des Perses » et entendre par là Suse. Voir Élymaïde, t. ii, col. 1712. Le temple que voulait piller le roi séleucide était dédié à Nanée. II Mach., ix, 2. Nanée était une déesse élamite qui devait être honorée à Suse et non à Persépolis. Voir Nanée, t. iv, col. 1473.

    1. PERSIDE##

PERSIDE (grec : Hsp<n'ç, féminin de IIep<roc6{, « Perse » ; Vulgate : Persis), chrétienne de Rome, saluée par saint Paul, Rom., xvi, 12 : « Saluez Perside, la bienainiée, qui a travaillé beaucoup pour le Seigneur. » On ne sait plus rien sur elle. Le nom de Persis se lit comme celui d’une affranchie, Corpus inscript. Int., t. VI, n. 23959.

    1. PERSONNE##

PERSONNE (hébreu : pânêh ; Septante mpôawTiov ; Vulgate : persona), tout être intelligent, divin ou humain. — L’idée abstraite de personne est étrangère à l’hébreu. On y emploie le mot pânêh, « face », pour désigner uue personne en particulier. La face de Jéhovah est prise pour sa personne même. Exod., xxxiii, 14 ; Deut., iv, 37 ; Ps. xxi (xx), 10 ; lxxx (lxxix), 17 ; Lam., iv, 16 ; Is., lxiii, 9. Saint Paul pardonne « à la face » du Christ, c’est-à-dire à cause de la personne du Christ. II Cor., ii, 10. — D’autres fois, le mot panai, « ma face », se prend dans le sens de « ma personne ». II Reg., xvii, 11 ; Is., iii, 15, etc. Une seule fois le mot personne se lit avec le sens que nous lui donnons en français. II Cor., i, 11. — Le plus souvent, les versions se servent du mot Tipdswnov, persona, pour rendre les locutions hébraïques ndsa pânîm, « lever la face », hikkir pânim, « regarder la face », gûr mip-penê, « craindre devant la face », qui signifient en réalité : juger quelqu’un d’après l’extérieur et se laisser influencer plus que de raison par les apparences. Les versions traduisent un peu servilement par (JXe’rceiv t< ; itpôo-wTtov, respiœre personam, « regarder au visage », Xot[iëâvsiv itpôo-uTtov, accipere personam, « recevoir la personne ». Il est vrai que les deux mots grec et latin désignent originairement la figure et le masque, et se rapprochent ainsi du sens de pânêh. Les auteurs sacrés rappellent fréquemment que Dieu ne juge pas les hommes selon les apparences, ou, comme nous traduisons en français, « ne fait pas acception » des personnes, ûeut., x, 16 ; II Par., xix, 7 ; Job, xxxiv, 19 ; Sar., vi, 8 ; Act., x, 34 ; Rom., ii, 11 ; Gal., ii, 6 ; Eph., vi, 9 ; Col., iii, 25 ; I Pet., i, 17. On voit que les Apôtres reviennent souvent sur cette idée pour l’opposer soit aux prétentions

des Juifs qui se regardaient comme des privilégiés, soit à l’erreur des païens qui refusaient à l’esclave les droits de l’homme libre. Les ennemis de Notre-Seigneur reconnaissent eux-mêmes qu’il ne juge pas les hommes sur leur extérieur. Matth., xxii, 16 ; Luc, xx, 21. Il est prescrit de ne porter aucun jugement en tenant compte de l’extérieur des personnes, de leur puissance, de leur richesse, etc. Lev., xix, 15 ; Deut., i, 17 ; xvi, 19 ; Job, xxxii, 21 ; Prov., xviii, 5 ; xxiv, 23 ; Jacob., ii, 1, 9. Par contre, il faut avoir égard à la personne du vieillard

pour le respecter. Lev., xix, 32.
H. Lesêtre.
'

PESCHITO. Voir Syriaques (Versions) de la Bible.

    1. PESTE##

PESTE (hébreu : débér, gétéb, qotéb, mâvéf, réUf ; Septante : quelquefois /oipi ; , mais presque toujours BâvaTOç, « mort » ; Vulgate : pest-ilentia, pestis), maladie épidémique qui se propage rapidement dans une population et fait périr les hommes en grand nombre,

I. Nature de la peste. — 1° Son origine. — La peste est due à un bacille très court, à bouts arrondis, qu’on trouve dans le pus des bubons pesteux, dans le foie, la rate et le sang des pestiférés. Ce bacille à été découvert en 1894, à Hong-Kong, par "ïersin, de l’Institut Pasteur. Cf. Yersin, Ann. de l’Institut Pasteur, Paris, sept. 1894, p. 662 ; Netter, La peste et son microbe, Paris, 1900. Il ne résiste pas à une dessiccation prolongée pendant trois ou quatre jours, ni aune température de 58° pendant quelques heures ou de 100° pendant quelques minutes, ni à l’action des désinfectants habituels.,

2° Sa transmission. — La peste est une maladie contagieuse qui se transmet par le contact direct avec la malade ou avec des objets infectés par lui. L’air ne transporte pas le germe infectieux, sinon à très faible distance ; l’isolement est donc une cause d’immunité. Le sol conserve le bacille, mais en atténuant sa virulence. Certains animaux contractent et transmettent facilement la peste. Les rats et les souris sont les premiers atteints et succombent en masse à la veille ou au début d’une épidémie. Puis viennent les buffles, les porcs, les chiens, les poules, etc. Les mouches paraissent être des agents directs de transmission Le bacille pesteux pénètre dans l'économie surtout par les lésions de l’enveloppe cutanée, mais aussi en partie par les voies respiratoires et le tube digestif. Il s’attaque à toute l’humanité, sans distinction de race, de sexe ou d'âge. Sa propagation est favorisée par la famine, la misère, la malpropreté, le manque d’hygiène, les excès, l’encombrement qui multiplie les points de contact. L’altitude et la température n’ont que peu d’influence sur le développement et la durée des épidémies.

3° Son développement dans l’organisme. — Après une période d’incubation de trois à dix jours, quelquefois de vingt-quatre heures seulement, la maladie débute par des frissons, un violent mal de tête et une fièvre intense, accompagnée de délire et d’accablement. Au bout de deux ou trois jours, si le cas est bénin, la convalescence commence. Le plus souvent, la fièvre, le délire et l’insomnie augmentent. Les bubons, ou gonflements ganglionnaires, apparaissent à l’aine, puis à l’aisselle et enfin au cou ; ils grossissent et suppurent du huitième au dixième jour. En même temps ou peu après, les charbons, ou tumeurs gangreneuses entourées d’une zone très rouge, se montrent et se développent, de préférence aux jambes et au cou. La mort peut arriver à cette période. La durée de la maladie est d’environ huit jours, bien que la mort se produise parfois dès le deuxième ou troisième jour, ou même plus tôt. La prédominance des bubons fait donner à la maladie le nom de peste bubonique. Elle devient peste pneumonique si le mal se localise surtout sur l’appareil pulmonaire. Des hémorragies sous-cutanées peuvent

produire des taches noires sur la peau ; c’est alors la peste hémorragique ou mort noire. Quand les symptômes de dépression s’accentuent, la maladie ressemble à une grave fièvre typhoïde et prend le nom de peste typhoïdique. Il y a donc différentes variétés de pestes, les unes malignes, les autres bénignes et moins contagieuses. La peste est souvent foudroyante, notamment au début des épidémies ; ejle tue alors ses victimes en quelques heures. Parfois, au contraire, elle est si atténuée que les malades peuvent continuer à vaquer à leurs occupations. C’est alors la peste ambulatoire.

4° Ses ravages. — La peste est, avec la fièvre jaune, la plus meurtrière des maladies. Au début de l'épidémie, presque personne n'échappe ; on estime qu’ensuite la mortalité est en moyenne de 50 à 60 pour cent, pouvant aller cependant à 90 ou 95 pour cent. La période d’activité de l'épidémie est de huit mois environ ; « nsuite la mortalité baisse lentement. Depuis la peste d’Athènes, décrite par Thucydide, Bell. Pelop., Il, 48, l’histoire a enregistré un certain nombre de pestes très meurtrières. La peste noire, qui sévit en Asie et en Europe de 1346 à 1361, coûta la vie à 24 millions d’hommes en Europe, et probablement à un plus grand nombre en Asie. Quelques détails empruntés à la description de la peste de Marseille, en 1720, donneront une idée de ce qui devait se passer dans les villes de l’antiquité quand l'épidémie les visitait. « Marseille présente alors le plus épouvantable spectacle ; cent mille personnes se craignent, veulent se fuir et se rencontrent partout. Les liens les plus sacrés sont rompus. Tout ce qui languit est déjà réputé malade, tout ce qui est malade est regardé comme mort. On s'échappe de sa propre maison, où quelques parents rendent le dernier soupir ; on n’est reçu dans aucune autre. Les portes de la ville sont encombrées d’une foule empressée de se dérober au souffle empoisonné. Les gens du peuple campent sous des tentes… lien est qui vont chercher un refuge sur le sommet des collines ou dans le fond des cavernes. Les marins se croient plus heureux parce qu’ils vivent dans des barques sur le port. Mais la mer et les ruisseaux, les collines et les cavernes ne protègent point contre les atteintes de la contagion… Toutes les boutiques fermées, le commerce arrêté, les travaux interrompus, toutes les rues, toutes les places, toutes les églises désertées ; ce n’est encore là qu’un premier coup d'œil de la dévastation de Marseille. Quelques jours après, l’aspect de Marseille était effrayant. De quelque côté qu’on jette les yeux, on voit les rues jonchées des deux côtés de cadavres qui s’entretouchent et qui, étant presque pourris, sont hideux et effroyables à voir. Comme le nombre des forçats qu’on a pour les prendre dans les maisons est beaucoup inférieur pour pouvoir dans tous les quartiers les retirer journellement, ils y restent souvent des semaines entières et ils y resteraient encore plus longtemps, si la puanteur qu’ils exhalent et qui empeste les voisins ne les déterminait, pour leur propre conservation, de faire un effort sur eux-mêmes et d’aller les retirer des appartements où ils sont pour les traîner sur le pavé. Ils vont les prendre avec des crocs et les tirent de loin avec des cordes jusqu'à la rue ; ils font cela pendant la nuit pour être libres de les traîner le plus loin qu’ils peuvent de leurs maisons et de les laisser étendus devant celle d’un autre qui frémit, le lendemain matin, d’y trouver ce hideux objet qui ï'infect&et lui porte l’horreur et la mort. On voit tout le cours, toutes les places, tout le port, traversés de ces cadavres qui sont entassés les uns sur les autres. Sous chaque arbre du cours et des places publiques, sous l’auvent de chaque boutique, on voit entre tous ces cadavres un-nombre prodigieux de pauvres malades et même des familles tout entières, étendus misérablement snr un peu de paille ou sur de mauvais matelas, s


A. Boudin, Histoire de Marseille, cité par L. Laruelle, La peste dans l'état actuel de la science, dans la Revue des questions scientifiques, Bruxelles, juillet 1897, p. 41-43. Voir tout l’article, p. 39-73, et E. Deschamps, Peste, dans le Traité de médecine de Brouardel, Paris, 1903, t. ii, p. 52-58. Tel était le spectacle que devaient présenter équivalemment les villes anciennes quand la peste y éclatait. Les rares victimes de la peste qui échappent à la mort demeurent languissantes, plus ou moins paralysées et atteintes dans leur intelligence. La peste, qui se répandait dans tout l’ancien monde, est aujourd’hui confinée dans quelques foyers, en Afrique, la Cyrénaïque, et en Asie, l’Assyrie, l’Irakvrabie, la Perse, le Turkestan, l’Afghanistan, l’Hindoustan et la Chine. Elle ne détermine pas toujours, dans les endroits où elle est endémique, les mêmes désastres qu’autrefois en Europe. Mais elle a eu de temps en temps des réveils terribles, et l’on a pu constater que sa virulence ne s'était pas atténuée avec les siècles. En 1894, elle fit à Canton, en quelques semaines, 60 000 victimes. En revanche elle n’a jamais envahi l’Amérique. — Voir H. F. Mûller, Die Pest, in-8°, Vienne, 1900.

II. La. peste dans la Bible. — 1° Ses caractères. — La peste apparaît dans la Bible comme un mal qui effraie par sa soudaineté et ses ravages. Sa nature infectieuse ressort de ce faitqu’elle accompagne souvent la famine dans les villes assiégées, où toute hygiène est rendue impossible. Mais les écrivains sacrés ne fournissent aucun détail permettant d’identifier la peste dont ils parlent. Les noms qui la désignent en hébreu sont des termes généraux, impliquant l’idée de mort, mais convenant à diverses calamités. Pour rendre ces différents termes, les Septante n’ont guère que le mot 8àvaxo ; , « mort », dont la signification est très étendue. Cf. Ose., xiii, 14. Il est donc à croire que les termes du texte hébreu visent des affections morbides assez diverses, n’ayant de commun que leur caractère virulent, leur extension rapide et la multiplicité de leurs ravages. Le typhus, la peste noire, le choléra, et d’autres épidémies analogues ont donc pu sévir sur les Israélites et leurs voisins, sans qu’il soit possible de préciser, en aucun cas, la nature spécifique du mal. Cf. W. Ebstein, Die Medizin im Alten Testament, Stuttgart, 1901, p. 100-101.

2° Pestes mentionnées dans la Bible. — 1. Après la peste du bétail, qui constitue la cinquième plaie d’Egypte, Exod., ix, 3-6, un autre genre de peste s’abattit, sous forme de pustules, sur les hommes et les animaux. Exod., îx, 8-11. Ce fut la sixième plaie. Voir Pustules. Sur le mal épidémique qui frappa les Philistins détenteurs de l’Arche, voir Ofalim, t. iv, col. 1757. — 2. La peste signalée sous David, à la suite du dénombrement, dura trois jours et fit périr 70 000 hommes. Reg., xxiv, 15 ; I Par., xxi, 12-14. L’exécution de la sentence divine est alors confiée à un ange, « qui promène la mort dans tout le territoire d’Israël. » Cette peste est présentée comme un châtiment divin, que David lui-même préféra à une famine de trois ans et aune guerre de trois mois. Elle commence et elle s’arrête sur l’ordre de Dieu. Il y a donc là une épidémie qui peut être naturelle en elle-même et analogue à celles qui sévissaient de temps en temps, mais qui fut surnaturelle dans ses circonstances. — 3. Sous le roi Ézéchjas, l’ange de Jéhovah fit périr en une nuit 185000 hommes de l’armée de Sennachérib, aux environs de Jérusalem. IV Reg., xix, 35 ; Is., xxxvii, 36. Josèphè, Ant. jud., X, i, 5, attribue ce ravage à une peste, Xot(jtixTi vôctoç. Mais les textes ne donnent aucun détail permettant de reconnaître le genre de maladie. Il ne serait pas impossible que l’agent employé par Dieu ait été le typhus, qui se distingue de la peste par l’absence de bubons et de charbons, mais dont on a observé fréquemment le développement au milieu des armées.

V. -6

en campagne, au point de lui faire donner le nom de typhus des camps. « Le typhus est une des affections les plus graves, les plus meurtrières. La proportion de mortalité ne saurait être calculée ; elle varie essentiellement suivant les lieux, les circonstances au milieu desquelles la maladie éclate. Ainsi, dans quelques épidémies, presque tous les malades succombent, ou bien la mortalité en enlève la moitié, les deux tiers. » Grisolle, Traité de pathologie interne, Paris, 1874, t. i, p. 71. L’intervention de Dieu aurait rendu le mal particulièrement meurtrier pour les soldats de Sennachérib. Hérodote, ii, 141, confirme le fait, tout en le dénaturant. D’après cet historien, l’armée assyrienne campait devant Péluse, dans le delta du Nil, quand une multitude de rats rongèrent dans le cours d’une nuit les carquois, les arcs et les courroies des soldats, si bien que, devenus incapables de se servir de leurs armes, les Assyriens n’eurent plus qu'à prendre la fuite le lendemain. Cette invasion de rats est curieuse à noter. Peut-être pourrait-elle être l’indice d’une peste à laquelle, comme il arrive d’ordinaire, ces rongeurs auraient succombé les premiers. — Sur la maladie du roi Ézéchias, voir Ulcère. — 4. Amos, iv, 10, mentionne une peste qui sévit de son temps, sous le roi Jéroboam II, bedérék, « à la manière » de la peste d’Egypte, et non iv i&&, in via, « sur le chemin » de l’Egypte, comme traduisent les versions, qui ont pris dérék dans son sens ordinaire de « route ». Le prophète fait également allusion à la puanteur des camps montant jusqu’aux narines, ce qui permet de penser que l'épidémie s'étendit surtout sur les armées de Jéroboam. — Bien d’autres pestes que celles-là se produisirent sans nul doute dans le cours de l’histoire d’Israël. La plupart furent limitées, moins meurtrières et dues à des causes purement naturelles. Josèphe, Ant. jud., XV, vii, 7, cite une peste qui, au temps d’Hérode, fit périr beaucoup d’hommes du peuple et de courtisans. Quelques années plus tard, la disette fut accompagnée d’une nouvelle peste ; le double mal se prolongea durant deux ans et causa de grands ravages. Ant. jud., XV, ix, 1. NotreSeigneur avait prédit que des pestes et des famines précéderaient la ruine de Jérusalem. Matth., xxiv, 7 ; Luc, xxi, 11. Pendant le siège de la ville, la peste ne put manquer de se joindre aux autres maux, quand il fallut laisser les cadavres sans sépulture dans les rues, dans les maisons et autour des murailles. Cf. Josèphe, Bell, jud., V, xii, 3 ; xhi, 7 ; VI, i, 1, etc.

3° Lesmenaces de peste. —1. Le Seigneur menace les Israélites infidèles de trois fléaux : l'épée, c’est-à-dire la guerre, la peste et la famine. Lev., xxvi, 25. Après une révolte du peuple au désert, Jéhovah veut le détruire par la peste et ne pardonne que sur les instances de Moïse, en stipulant cependant qu’aucun des coupables ne verra la Terre Promise. Num., xiv, 12, 23. La menace de la peste et de toutes sortes de maladies est encore rappelée dans le Deutérbnoræ xxviii, 21-26. Dans son cantique, Moïse y joint la mention de la famine, des bêtes féroces et de l'épée. Deut., xxxii, 24, 25. Cette menace répondait à une crainte déjà ancienne parmi les Hébreux. Quand Moïse se présenta pour la première fois devant le pharaon, il lui demanda l’autorisation d’emmener son peuple à trois jours de marche dans le désert, « pour offrir des sacrifices à Jéhovah, afin qu’il ne nous frappe pas de la peste ou de l'épée. » Exod., v, 3. — 2. Des prières sont adressées au Seigneur dans le Temple de Salomon, pour qu’il préserve les Israélites de la peste et des autres fléaux, III Reg., viii, 37 ; II Par., vi, 28, et le Seigneur promet de les exaucer. II Par., vii, 13. Ces prières sont réitérées sous Josaphat. II Par., xx, 9. Du reste, la peste est le châtiment de l’infidélité ; quant au juste, qui met sa confiance dans le Seigneur, il est à l’abri « de la peste funeste », mid-débér havvôt, et non mid-dâbâr, àirè X<S-j ou Tap*-^û80yç, a verbo aspero, « de la parole funeste », comme ont lu les versions. Il n’a à craindre, Ps. xci (xc), 3, 6 :

Ni la peste (débér) qui marche dans les ténèbres, Ni la contagion (qétéb) qui ravage en plein midi.

Deux prophètes, Jérémie et Ézéchiel, reviennent fréquemment sur la menace de la peste. Ils joignent ordinairement trois fléaux : l'épée, la famine et la peste. Jer., xiv, 12 ; xxi, 7, 9 ; xxiv, 10 ; xxvii, 8, 13 ; xxix, 1718 ; xxxii, 24, 36 ; xxxiv, 17 ; xxxviii, 2 ; xui, 17, 22 ; xuv, 13 ; Ezech., vii, 15 ; xii, 16. Dans une ville assiégée, les trois fléaux s’appellent l’un l’autre. L’ennemi empêche le ravitaillement et souvent.accapare les sources ; la famine et les maladies infectieuses sont bientôt la conséquence du siège. C’est là ce dont les prophètes menacent Jérusalem. Ézéchiel, xxviii, 33, appelle contre Sidon la peste et l'épée ; il ne parle pas de famine, parce que la ville pouvait se ravitailler par mer. Une autre fois, faisant écho à la menace de Moïse, il annonce l’envoi contre Jérusalem de « quatre châtiments terribles, l'épée, la famine, les bêtes malfaisantes et la peste. » Ezech., xiv, 19, 21. La mention des trois principaux fléaux s’est perpétuée dans l'Église. L’une des invocations des litanies des Saints demande encore que les fidèles soient préservés a peste, famé et belle.

4° La veste des animaux. — Jérémie, xxi, 6, prédit qu'à Jérusalem Dieu frappera dé. la peste hommes et bêtes. Les animaux d’Egypte furent atteints par les pustules de la sixième plaie, ix, 9-10. La plaie précédente avait été particulière à ceux qui se trouvaient dans les champs, chevaux, ânes, chameaux, bœufs et brebis. Exod., ix, 3, 6. Les animaux domestiques ont toujours été extraordinairement nombreux dans les champs de la Basse-Egypte et parfois les épizooties y exercent de prodigieux ravages. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. ii, p. 329. Le texte sacré ne permet pas de préciser le genre de peste qui constitua la cinquième plaie. Le typhus du gros bétail, la fièvre charbonneuse, la péripneumonie contagieuse ou d’autres causes infectieuses ont pu facilement entrer en activité sur l’ordre de Dieu, tout en résultant naturellement de la putréfaction engendrée. par les cadavres des grenouilles de la seconde plaie, ou des piqûres envenimées des cousins et des mouches des deux plaies suivantes. Cette plaie n’atteignit du reste que les animaux laissés dehors, dans les champs. Cf. S. Augustin, In Heptat., ii, 33, t. xxxiv, col. 608. Les autres devaient être frappés par la sixième plaie, sans cependant en périr. C’est ce qui permit ensuite au pharaon de pouvoir atteler sa charrerie pour la mettre à la poursuite des Hébreux. Exod., xiv, 6-9. — 5° Les versions parlent quelquefois de pest-ilence, Ps. i, 1, et d’homme pest-ilent, Prov., xv, 12 ; xix, 25 ; xxi, 11 ; xxix, 8 ; I Mach., x, 61 ; xv, 3, 21, dans des passages où il n’est question que d’impiété ou d’impies. Les Juifs appellent saint Paul « une peste », tbv avSpa toûtov).oi|j.ôv, hune hominem pestiferum, Act., xxiv, 5, c’est-à-dire un homme qu’ils jugent dangereux comme

la peste.
H. Lesêtre.
    1. PÉTASE##

PÉTASE (grec : nhanoi), chapeau à fond bas et à larges bords dont était coiffé le dieu Mercure. II Mach, , iv, 12, dans le texte grec. Voir Mercure, 2°, t. iv, col. 992.

    1. PETAU Denis##

PETAU Denis, théologien français, né à Orléans en 1583, mort à Paris le Il décembre 1652, entré au noviciat de Nancy en 1605, professa d’abord la rhétorique puis, pendant 22 ans, la théologie dogmatique au collège de Clermont à Paris avec un rare succès. Petau n’appartient à l’exégèse que par la paraphrase en vers grecs de tous les Psaumes de David et des cantiques de la Bible : Aïowufov toO LTsTaêtou… nxpaopâut ; e|/.tUTpo ; àirévTwv twv to0 àxvŒox) W<x.iû>v, mal

uûv iv rai ? Ispai ; 61ëXoi ;  ; cette paraphrase est accompagnée d’une sorte de traduction latine pour la commodité de ceux qui ne savent pas le grec. In-12, Paris, 1637. —On peut signaler aussi ses commentaires sur Job et Osée restés manuscrits, ainsi qu’une paraphrase en vers grecs sur les Lamentations de Jérémie et des remarques sur Jérémie, Ézéchiel et Daniel.

P. Bliard. PETERSEN Jean Guillaume, théologien protestant et visionnaire allemand, né à Osnabruck en 1649, mort près de Magdebourg le 31 janvier 1727. Après avoir étudié à Lubeck, à Giessen et à Rostock, il fut nommé pasteur à Hanovre, puis surintendant dans le diocèse de Lubeck. Ministre à Lunebourg, il fut accusé de renouveler les erreurs des Millénaires etforcé, en 1692, de renoncer à la prédication. On lui reprochait en outre de regarder toutes les religions comme également bonnes. Il se retira alors près de Magdebourg, continuant avec l’aide de sa femme à propager toutes ses erreurs. Nous citerons parmi les écrits de ce visionnaire : Psalmen Davids, nach dem Maas der ertheilten Gabe Christi, in dem reichesten prophetischen Sinne, durch den Schlussel Davids aufgeschlossen, in-4°, Francfort et Leipzig, 1719 ; Zeugniss Icsu aus dem koniglichen Propheten Iesaia durch den Geist der Weissagung, von Capitel zu Capitel erklàrt, worinnen gezeiget wird, dass der Geist Goltes nebst der vergangenen, auch auf die gegenwàrtige, ingleichen auf die nachfolgende Zeit nach seinem vôlligen Sinn gedeutet hab’e, in-4°, Francfort, 1719 ; Zeugniss leSu in dem Propheten Ieremia, in-4., Francfort, 1719 ; Zeugniss lesu aus dem Propheten Ezéchiel, durch den Geist der Weissagung dargethan, in-4°, Francfort, 1719 ; Sinn des Geistes in dem Propheten Daniel, in-4°, Francfort, 1720 ; Apostolischer Zusammenhang, darinnen das verklàrte Evangelium so wohl in der Apostelgeschichle : alsin allen Epîsteln Paulli, Pétri, loannis, lacobi and ludse in der Connexion, dis dem Schlussel der ivahren Eœegesis und Erforschung des Sinnes und des Geistes hervorleuchtet und gezeiget ist l in-4°, Francfort, 1722 ; Erklârung der zwôlf kleinen Propheten, in-4°, Francfort, 1723. Erklârung des Hohenliedes Salomonis, m-8°, Budingen, 1728. J.-G. Petersen écrivit lui-même sa biographie : Lebensbeschreibungj. W. Petersen’s, derheiligen Schrift Doctoris, vormals Professons zu Rostock, in-8°, Halle, 1717, et sa femme deux ans plus tard l’imita en publiant : Leben Frauen J, E. Petersen, Gebohrner von und zu Merlau, Hernn D' J. W. Petersen’s Eheliebsten, in-8°, s. 1. (Halle), 1719. — Voir en outre Walch, Biblioth. theologica, t. iv, p. 496, 528, 538, 545, 552, 557, etc. C. Heurtebize.

    1. PETHOR##

PETHOR (hébreu : Petôr ; Septante : <£>a60upâ ; Alexandrinus : Ba60vpâ), ville de Mésopotamie, patrie de Balaam. La Vulgate a traduit ce nom de lieu par ariolum, « devin, » dans Num., xxii, 5, tandis que les Septante l’ont conservé comme nom propre. Dans le second passage où le texte hébreu mentionne cette ville, Deut., xxui, 4 (Vulgate, 5), il est omis par les Septante et par saint Jérôme. C’est à Pethor que Balac, roi de Moab, envoya chercher Balaam, afin de lui faire maudire les enfants d’Israël. Voir Balaam, t. i, col. 1319. Le Deutéronome nous apprend que Pethor était une ville d’Aram Naharaïm ou Mésopotamie et les Nombres, qu’elle était située sur « . le fleuve du pays des fils de son peuple » (Vulgate par erreur : des tils d’Ammon) c’est-à-dire de l’Euphrate. Le nom de cette ville, en assyrien Pitru, se lit sur l’obélisque de Salmanasar. Voir Eb. Schrader, Keilinschriften and Geschichtforschung, 1878, p. 140, 220, 231. Elle était située sur le haut Euphrate, au confluent de ce fleuve et du Sagur, qui vient de l’ouest, à une centaine de kilomètres au nord-est d’Alep, a plus

de 600 kilomètresde la Palestine. Thothmès III s'était déjà emparé de Pethor, lors de ses conquêtes dans l’Asie antérieure, comme on le voit sur les listes de Karnak où le pharaon enumère ses victoires. H. Brugsch, Geschichte Aegyptens, 1877, p. 454, n. 280 ; W. M. Mûller, Asien und Europa nach altâgyptischen Denkmâlem, 1893, p. 291. Cf. J. Menant, Annales des rois d’Assyrie, 1874, p. 98 ; Eb. Schrader, Keilinschriftliche Bibliothek, t. i, p. 133, lig. 37-40 ; p. 163, lig. 36 ; p. 173, lig. 85-86. C’est à tort que J. Marquart, Fùndamente isrælitischer und jùdischer Geschichte, 1896, p. 74, et H. Winckler, dans Schrader, Keilinschriften und das alte Testament, 3e édit., p. 148, prétendent que Pethor était en Egypte.

    1. PETRA##

PETRA (hébreu : iho ; Séla « pierre » ; employé

parfois sans article, Is., xvj, 1 ; xlii, 11, quelquefois avec l’article, ybDn, has-Séla', Jud., i, 36 ; IV Reg., xiv, 7 ; Septante : IléTpa, *i riétpa ; Vulgate : Petra), ville de l’Idumée (fig. 30). Voir Ed. Robinson, Biblical Researches, 2e édit., 1856, t. ii, note xxxvii, p. 521-524. D’après le sentiment général des interprètes, il est question de cette ville dans les quatre passages bibliques cités plus haut, et probablement aussi II Par., xxv, 12, texte paral 30. — Monnaie de Pétra. Buste d’Hadrien à droite, tête laurée, épaules drapées. AïroKPATMP. — ^. Pétra assise sur un rocher tenant daus la main gauche un trophée. Dans la droite un patère. nETPAMHTPOnOAlC.

lèle à IV Reg., xtv, 7. — Le texte, Jud., i, 36, mentionne simplement Pétra comme formant la limite du territoire des Amorrhéens. — IV Reg., xiv, 7, il est dit qu’Amasias, roi de Juda, « battit 10000 Iduméens dans la vallée du Sel, » c’est-à-dire de la mer Morte, et qu' « il s’empara de Séla' » ou Pétra. — II Par., xxv, 11-12, nous lisons qu’après cette victoire d’Amasias, ses troupes se saisirent d’un grand nombre d’Iduméens, qu’ils menèrent sur la hauteur de Pétra (hébreu, Séla' ; Vulgate : ad prxruptum cujusdam petrse), d’où ils les précipitèrent.

— Isaïe, xvi, 1, suppose idéalement que les Moabites, battus par les Hébreux et réfugiés à Pétra, envoient de là le tribut au roi de Jérusalem, pour faire leur soumission ; xlii, 11, le même prophète invite les habitants de Séla" à chanter avec tout l’univers la gloire du Dieu d’Israël.

— Le prophète Abdias fait au moins allusion à Pétra aux ji. 2-4 de sa prophétie :

[Édom], je te rendrai petit parmi les nations… L’orgueil de ton cœur fa égaré, Toi qui habites le creux des rochers (sé(a'), Qui t’assieds sur les hauteurs, Et qui dis en toi-même : Qui me précipitera jnsqu'à terre ? Quand tu élèverais ton aire comme l’aigle, Quand tu la placerais au milieu des étoiles, Je t’en précipiterai, dit Jéhovah.

I. Identification. — Il n’y a pas de doute que l’ancienne Sêla' ne corresponde à la Pétra des Grecs et des Romains. Les passages de la Bible qui la mentionnent la placent tous dans l’Idumée et font d’elle une ville importante de cette région. Les caractères de Pétra conviennent fort bien à ce que les écrivains sacrés

nous disent de Séla' : aussi est-ce d’une manière à peu prés unanime qu’on a identifié de tout temps les deux localités. Voir Eusèbe, Onomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 147, 286. L’ancien nom hébreu de Pétra semble avoir été conservé sous la forme Sal% que l'écrivain arabe Yalkoût emploie pour désigner une forteresse située précisément dans l’ouadi Mouça, sur l’emplacement de Pétra. Nôldeke, Der arabische Name von Petra, dans la ZeiCschrift der deutschen mprgenlândischen Gesellschaft, 1871, t. xxv, p. 259-260. Les ruines de Pétra sont situées dans la vallée que les Arabes appellent Ouadi Mouça, « Vallée de Moïse, s> et ils lui ont attribué ce nom parce qu’ils placent en ce lieu l’un des rochers qui, frappés par Moïse, fournirent aux Hébreux une eau miraculeuse durant leur marche à travers le désert. « Le fond de la cuvette où était autrefois la ville elle-même, est bossue, mamelonné ; l’ouadi Mouça la coupe sensiblement par le milieu en allant de l’est à l’ouest. Ce nom de Ouadi Mouça a été donné par les Arabes à l’ensemble de Pétra et à son débouché vers l’Arabah. » J. de Kergorlay, Pétra, dans la Revue des deux mondes, 15 avril 1907, p. 902. — Pétra a donné son nom à l’Arabie Pétrée ; en effet, l'épithète « Pétrée » n’a pas le sens de pierreuse, rocheuse ; il s’agit du district de l’Arabie dont Pétra était la capitale : i xaxà néxpoiv 'Apaêfa. Agathemerus, Géographie exposilio campendiara, vi, 21, dans C. Mûller, Geographi grxci minores, édit. Didot, t. ii, p. 499.

II. Situation géographique. — Pétra était située par 30° 19 de latitude N. et 35° 31 de longitude E., au cœur < ! es montagnes d'Édom, à peu près à mi-chemin entre l’extrémité sud de îa mer Morte et la pointe nord du golfe d’Akabah. Voir la carte, t. iii, col. 330. On compte cinq jours de marche pour la première partie, six pour la seconde ; environ 100 til. à partir de la pointe d’Akabah. Pétra se trouvait à 500 milles romains de Gaza, Pline, H. N., vt, 22, au pied du mont Hor, Josèphe, Ant. jud., IV, iv, 7, sur les contreforts orientaux de la longue et profonde vallée, nommée Arâbah, qui unit la mer Morte à la mer Rouge. Elle appartient maintenant à la province du Hedjaz. Elle était comme isolée du reste du monde par la ceinture de rochers gigantesques qui l’entourait. « À l’est, à l’ouest, se dressent des parois abruptes ; au nord, les hauteurs découpées par des ravins parallèles limitent l’horizon d’une arête continue ; au sud, les pentes sont plus douces, mais là aussi une muraille de grès forme le rebord du bassin. ». E. Reclus, Nouvelle géogr. universelle, t. ix, 1884, p. 797. Le cirque au milieu duquel s'étalaient les habitations et les monuments de Pétra n’est aisément abordable que de deux côtés. On peut y pénétrer par le sud-ouest, en suivant un sentier de montagne rude et escarpé. L’entrée la plus naturelle, comme aussi la plus pittoresque, est du coté de l’est ; elle consiste dans un long défilé, qui porte le nom arabe de Sîk. Rien n’est plus saisissant que cette gorge étroite et sinueuse, aux parois perpendiculaires, haute de 80, 100 et 200 mètres, qu’on suit pendant plus d’une heure, en longeant le cours d’eau principal de Pétra, auquel le Sîk sert de lit. Strabon, XVI, iv, 21, et Pline, H. N., vi, 32, mentionnent aussi cet étrange couloir, où parfois deux chameaux chargés ont de la peine à passer de front, et dont mainte portion est inaccessible au soleil. Les tombes et les temples taillés dans le roc y font leur apparition assez longtemps avant qu’on n’arrive à Pétra.

En sortant du Sîk, on se trouve dans le bassin où était bâtie la ville. Sa forme est à peu près quadrangnlaire. D’après Pline, H. N., vi, 32, : sa largeur était de deux milles romains ; ce qui correspond assez exactement aux mesures indiquées par les voyageurs les plus récents. : de 1500 à 1800 m. du S. au N. ; de 1000 à 1200 de l’E. à l’O. La nature est déchirée, tour mentée ; les moindres ravins sont des précipices. Les rochers nus qu’on voit de toutes parts consistent parfois en calcaire ; mais le plus habituellement en grés, et ces grès ont des colorations merveilleuses, dont les visiteurs parlent avec enthousiasme : le rouge et le jaune dominent ; mais on rencontre toutes les nuances, depuis le rouge presque noir jusqu’au rose tendre, et depuis le jaune foncé jusqu’au jaune citron ; au lever et au coucher du soleil ces teintes sont très agréables à contempler. Autrefois, la vallée était cultivée avec soin ; elle est maintenaut sans culture aucune, quoique l’eau y soit abondante. Sur les pentes, les restes de murs de soutènement prouvent qu’on avait des jardins en terrasses.

Le grès est très friable de sa nature ; aussi les montagnes de Pétra n’ont-elles pas échappé à l'érosion du temps, et elles continuent de se désagréger chaque jour ; en s’effritant ainsi, elles prennent les formes les plus variées, les plus bizarres. Lorsque d’en haut on jette un coup d'œil sur le sommet des rochers, on dirait une mer étrange, dont les vagues se seraient figées. Emplacement singulier, sans doute, pour y insta’ler une ville importante. L’histoire de Pétra va nous faire comprendre pourquoi il fut choisi.

III. Histoire de la ville. — Un profond mystère enveloppe la fondation de Séla', qui se perd dans les temps les plus reculés. À l’origine, les habitants de la contrée étaient les Horréens (voir Horréens, t. iii, col. 757-758), c’est-à-dire des Troglodytes, lis sont mentionnés Gen., xiv, 6, à l'époque d’Abraham etde Chodor^ lahomor. C’est par eux que doivent avoir été creusées les premières grottes de Pétra, qui n'étaient encore que de grossières cavités. Plus tard, les Horrhéens furent supplantés par les Édomites, qui descendaient d'Ésaù, Deut. ii, 12, 22. Grâce à ceux-ci, Séla' acquit alors une importance nouvelle, bien qu’elle ne fût pas leur capi' taie ; cet honneur appartenait à Bosra. Voir Bosra 1, 1. 1, col. 1859. Vers la fin du ixe siècle avant notre ère, elle fut conquise par Amasias de Juda, qui la détruisit en partie et lui donna le nomdeJectéhel. VoirjECTÉHEL, t. iii, col. 1216. Aussi n’est-il plus question d’elle pendant quelque temps dans les saints Livres. Amos, i, 12, ne mentionne pas Séla' parmi les villes du pays d'Édom. Toutefois, elle était trop bien située, pour ne pas redevenir une ville très importante.

C’est aux Nabuthéens qu’elle dut la période la plus florissante de son histoire. Ce petit peuple d’origine sémitique, voir Nabuthéens, t. iv, col. 1444, venu d’Orient on ne sait pas au juste à quelle époque, était beaucoup plus trafiquant que guerrier. Il possédait des richesses énormes, et il avait besoin, sur l’un des chemins fréquentés par les caravanes, d’un endroit sûr, difficilement accessible, à l’abri d’un coup de main des maraudeurs arabes, qui pût servir d’entrepôt à ses marchandises, et de résidence aux vieillards, aux femmes et aux enfants, durant ses déplacements commerciaux. Pétra convenait admirablement pour ce but. D’un côté, par sa situation même, elle était facile à défendre contre une invasion ; de l’autre, elle se trouvait au centre des routes les plus fréquentées d’alors par le commerce : route d’Egypte à Damas, route de Gaza, route d’Akabah, route du golfe Persique, etc. Pline, H. N., vi, 32. De nombreux marchands romains et étrangers s’y étaient installés à l'époque de Strabon, loc. cit., et Diodore de Sicile, xix, 98, compare à des armées les caravanes qui traversaient ces parages. Vers l’an 300 av. J.-C, et même un peu plus tôt, Pétra nous apparaît donc tout à coup comme la capitale des Nabuthéens, qui s’en étaient emparés à leur tour, peut-être au Ve ou au IVe siècle. À deux reprises au moins, les Séleucides, qui gouvernaient alors la Syrie, essayèrent de la réduire, car ses richesses les tentaient ; mais ils furent repoussés vigoureusement. Diodore de Sicile, xix, 95. Josèphe

nous apprend que, vers l’an 70 avant notre ère, elle servait de résidence à l’un des princes arabes nommés Arétas, et qu’elle fournit ensuite un refuge à Hyrcan II,

siècle plus tard, 105 après J.-C, Trajan l’incorpora à l’empire ; il l’agrandit et l’embellit considérablement. Dion Cassius, lxviii, 14. Son successeur, Adrien, la prit

roi de Jérusalem. Josèphe, Ant. jud., XIV, ii, 3 ; Bell, jud., i, vi, 2.

A l'époque de Pompée, Pétra devint tributaire de Rome, comme tout le reste du territoire des Nabuthéens. Un

en affection singulière, lui donna son nom, « Hadriana », et tailla dans ses énormes rochers de nouveaux édifices. Mais, peu de temps après, le commerce se détourna ^ers Palmyre ; les Nabuthéens cessèrent d’avoir le

monopole des transports et la décadence de Pétra commença. Sous les empereurs byzantins, ce n'était plus qu’une simple bourgade. Les Arabes achevèrent sa ruine au vn c siècle, lorsqu’ils en furent devenus maîtres, et elle devint bientôt un lieu de désolation complète. Au moyen âge, entre les années 1260 et 1277, elle reçut la visite du sultan d’Egypte Bibars, qui fut frappé, lui aussi, de la coloration de ses rochers et de ses monuments taillés dans le roc. Voir Quatremère, Mémoire sur les Nabatéens, dans le Journal asiatique, 1835, t. xv, p. 31-34. Puis on la perdit complètement de vue. Elle n’a été retrouvée qu’en 1812, par le célèbre explorateur allemand Burckhardt. Ce furent deux Français, L. de Laborde et Linant de Bellefonds qui levèrent, en 1830, le premier plan exact des ruines ; non sans péril, car les Bédouins qui habitent ou fréquentent ces parages sont agressifs, superstitieux et pillards. On compte les visiteurs qui s’y sont succédé à d’assez rares intervalles. Voir leur liste dans Libbey, The Jordan Valley, t. ii, p. 325. L’antique Séla' n’est plus habitée aujourd’hui que par quelques misérables familles, qui vivent dans les tombes. Elle a eu sa part de la malédiction lancée contre l’Idumée. Cf. Jer., xlix, 14-19. — Au commencement du Ve siècle de notre ère, Pétra était un siège métropolitain, qui dépendait du patriarcat de Jérusalem. On ignore à quelle époque et dans quelles circonstances le christianisme y avait pénétré. La tradition d’après laquelle saint Paul serait venu à Pétra lorsqu’il se retira en Arabie après sa conversion, cf. Gal., i, 17, pourrait bien n'être qu’une légende.

IV. État actuel. — Bien que Pétra ne soit plus aujourd’hui qu' « un immense tombeau », E. Reclus, loc. cit., p. 797, ses ruines comptent parmi les plus remarquables que nous ait léguées l’antiquité.

De la cité même, bâtie dans la vallée, il ne reste à peu près rien. Elle a été « tellement bouleversée, qu’en certains endroits il est difficile de retrouver les traces des rues, des places ou des carrefours. Un grand temple bien délabré, les débris des décorations qui ornaient la voie triomphale sur les bords d’un oued lesséché, des culées de ponts, quelques colonnes et des dizaines d’hectares de pierres culbutées pêle-mêle, sous lesquelles s’abritent des légions de serpents et de scorpions, voilà, à l’heure présente, l’antique ville » de Pétra. Voir la Revue des deux mondes, avril 1907, p. 824.

Dans la partie méridionale de l’emplacement de la cité, on distingue en particulier une plate-forme qui paraît avoir été l’agora ou le forum, les restes d’un temple, un arc de triomphe et surtout, tout à fait à l’ouest, le Qasr Fir’aoûn ou « Château de Pharaon », vaste édifice carré qui était probablement un temple. C’est l'édifice le mieux conservé de la ville proprement dite ; mais son style n’a rien d’extraordinaire, et il date sans doute d’une époque relativement tardive. Au sud-est an admire, entièrement taillé dans le roc, un amphithéâtre qui a jusqu'à 33 rangées de gradins, et qui pouvait contenir 3000 spectateurs. Dans la partie septentrionale, au nord de la rivière, spécialement du côté 8e l’est, on voit quelques-uns des monuments les plus somptueux de Pétra. Ce sont des tombeaux également creusés et sculptés dans le rocher : entre autres, une grande tombe à trois étages de colonnes — on en compte jusqu'à dix-sept au second étage — une tombe corinthienne, un autre tombeau muni d’une terrasse et de nombreuses colonnes doriques. Dans toutes les directions, et particulièrement au nord et à l’ouest du parallélogramme formé par la vallée, les. montagnes qui entourent Pétra sont remplies de tombes plus simples, taillées elles aussi dans le rocher et ne présentant aucun ornement extérieur. On peut les compter par milliers. Les tombes plus riches sont élégamment

ornées de façades, de colonnes ou de pilastres, de frontons, etc. Le tout est monolithe, le grès se prêtant aisément, par la souplesse de son grain, à toutes sortes de sculptures. L’architecture de ces divers édifices est extrêmement variée : on y trouve les styles égyptien, syrien, grec, romain. Les tombes sont souvent superposées et elles atteignent presque les sommets les plus élevés des montagnes ; on avait pratiqué des escaliers dans le roc, pour arriver jusqu'à elles. En un endroit, on voit un vrai colombarium. Quelques tombeaux ont 10, 15, 20 m. de hauteur. Parfois, la chambre sépulcrale était de dimensions considérables ; une entre autres, qui a de 10 à 12 m. de haut et 18 iii, de large.

Quelques-uns des monuments de Pétra sont en dehors de son enceinte. Dans le Sik, à une certaine distance de la ville, on aperçoit tout à coup, avec une légitime admiration, à un tournant du défilé, le Kaznéh Fir 32. — Kaznéh Firaoùn. D’après une photographie.

aoûn ou « trésor de Pharaon », taillé dans la paroi rose du rocher et orné de deux rangées de colonnes superposées, avec des bas-reliefs dans l’intervalle ; il est dans un état de conservation remarquable, et c’est une véritable merveille dans ce désert (fig. 32). C’est une tombe d’ordre corinthien ; les salles intérieures sont très simples. Dans la direction opposée, au nordest et environ à une heure de marche de la ville, on trouve le Deir, le « couvent », qui reproduit en grand et avec moins de grâce le plan du Kaznéh. Ses proportions sont colossales : 45 m. de développement sur 40 de hauteur ; l'église de la Madeleine à Paris n’est pas aussi grande. Ainsi qu’il a été dit plus haut, quelquesunes des tombes remontent vraisemblablement jusqu'à l'époque lointaine des Horréens. Deux Hauts-Lieux, découverts récemment, l’un au sommet d’une montagne qui domine la vallée de Pétra, l’autre à l’ouest, du côté du mont Hor, sont pareillement très anciens. Sur le premier, voir Palestine Exploration Fund Quarlerly Statement, octobre 1900 ; Mittheilungen des deutsch. Palàstina Vereins, 1901, n. 2, p. 21, et surtout la Revue biblique internationale, t. xii, avril 1903, p. 280-288. La plupart des édifices proprement dits ne datent que du dernier siècle antérieur à notre ère ou des deux premiers siècles après J.-C. V. Bibliographie. — Reland, Palæstina ex monumentis veteribus illustrata, 1714 ; Burckardt, Reisen in Syrien, 1823, t. ii, p. 703-708 ; Léon de Laborde et Linant de Bellefonds, Voyage dans l’Arabie Pétrée, Paris, 1830-1834 ; E. Robinson, Palæstina und die südlich angrenzenden Länder, Halle, 1842, t. iii, p. 60, 128, et 760 ; J. Wilson, The Lands of the Bible visited and described, Édimbourg, 1847, t. i, p. 291-336 ; A. Stanley, Sinai and Palestine, Londres, 1860, p. 87-98 ; K. Ritter, The comparative geography of Palestine and the Sinaitic Penihsula, trad. angl., Edimbourg, 1866, t. J, p. 421-425, 434-451 ; E. H. Palmer, The Desert of Exodus, Londres, 1871, t. ii ; duc de Luynes, Voyage d’exploration à la mer Morte et sur la rive gauche du Jourdain, à Pétra, etc., Paris, 1871, p. 274 ; Visconti, Viaggio in Arabia Petrea, 1872 ; Ebers et Guthe, Palæstina in Bild und Wort, nebst der Sinaihalbinsel…, Stuttgart, 1884, t. ii, p. 233-250 ; V. Guérin, La Terre Sainte, 2e partie, Paris, 1884, p. 313-323 ; E. Hull, Mount Seir, Sinai and Western Palestine, dans le Palestine Exploration Fund Quarterly Statement, Londres, 1886 ; H. E. Hart, Some Account of the Fauna and Flora of Sinai, Petra and Wady Arabah, Londres, 1891 ; G. Dahnan, Petra und seine Felsheiligthümer, in-8°, Leipzig, 1908. ; F. Buhl, Geschichte der Edomiter, Leipzig, 1893 ; A. Sargerton-Galichon, Sinaï, Ma'ân, Pétra : sur les traces d’Israël et chez les Nabatéens, Paris, 1904 ; Brunnow et von Domoszweski, Die Provincia arabica, t. i, Strasbourg, 1904 ; W. Libbey, The Jordan, Valley and Petra, New York, 1905.

L. Fillion.

PÉTREL, oiseau de mer. Voir Mouette, t. iv, col.1327.

PETRI, PEETERS Barthélémy, théologien belge catholique, né vers 1547 à Op-Linter près Tirlemont, mort à Douai le 26 février 1630. Après avoir pendant dix ans enseigné la philosophie à Louvain, il fut forcé en 1580 par les guerres de chercher un refuge à Douai où il fut pourvu d’un canonicat dans l'église Saint-Amé et d’une chaire de théologie où il enseigna jusqu'à sa mort. Il publia : Actus Apostolorum a S. Luca conscripti et in eosdem Actus commentarius perpetuus, in-4°, Douai, 1622. Il termina après la mort de Guillaume Estius la publication des commentaires de ce théologien sur les Épîtres : In omnes divi Pauli et septem catholicas Apostolorum Epistolas commentarii, 2 in-f°, Douai, 1614-1616. Les notes sur le chapitre v de la première Épître de saint Jean et sur les deux autres Épitres de cet Apôtre sont de Barthélémy Pétri. Voir Paquot, Mémoires pour servir à l’histoire littéraire des Pays-Bas, t. viii, p. 76 ; Valère André, Bibliotheca Belgica, p. 109.

D. Heurtebize.


PETRIN (hébreu : mišʾéréṭ), ustensile dans lequel on pétrit la farine (fig. 33). — Les grenouilles de la deuxième plaie d’Égypte montèrent jusque dans les fours et les pétrins. Cf. Exod., vii, 28(Vulgate, viii, 3). Les Égyptiens se servaient de pétrins plus longs que larges. Voir t. iv, fig. 512, col. 32, un autre pétrin dans lequel deux hommes à la fois pétrissaient le pain avec les pieds. Il était facile aux grenouilles de s’introduire dans ces pétrins posés à terre. Les Septante rendent les mots hébreux par φυραματα καὶ κλιϐάνοι, « les masses de pâte et les fours », et la Vulgate par « les fours et les restes d’aliments ». — Au départ d’Égypte, les Hébreux emportèrent leur pâte avant qu’elle fût levée, serrèrent dans leurs manteaux les pétrins qui la contenaient et les mirent sur leurs épaules. Exod., xii, 34. Il s’agit ici évidemment de ces pétrins plus petits, de forme ronde, qu’on posait sur un support et dans lesquels un seul homme debout pétrissait avec les mains. Voir l. 1, fig. 590, col. 1891. Tous ces pétrins paraissent fabriqués en jonc ou en osier, comme les corbeilles ordinaires. Dans ce second passage les versions ne rendent par le mot mišʾéréṭ et font envelopper directement la pâte dans les manteaux. — Suivant la conduite des Israélites, Dieu bénira ou maudira leur ténéʾ et leur mišʾéréṭ, c’est-à-dire leur corbeille à provisions, cf. t. ii, col. 963, et leur pétrin. Deut., xxviii, 5, 17 (dans les Septante : « tes magasins et tes restes », et dans la Vulgate : « tes greniers et tes restes » ). Les versions n’ont compris, dans aucun des quatre passages, la signification du mot mišʾéréṭ. Ce mot, d’ailleurs, ne se retrouve plus en dehors de ces passages. Les Israélites ont continué sans nul doute à se servir de pétrins ; mais les auteurs sacrés n’ont plus eu l’occasion de les mentionner.

H. Lesêtre.


Fichier:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V 33 Petrin egyptien.jpg
33. — Pétrin égyptien. Tombeau de Rekhmara. « Au-dessus d’un vase de farine, on lit : cuisson des pains. Un homme délaie la farine avec une pelle » dans le pétrin ; c un autre verse l’eau (?) avec une outre (?). L, a pâte est déposée en forme de cube sur une planche épaisse. Deux hommes, assis sur des escabeaux, la pétrissent sur des planches en forme de pains coniques. » Ph. Virey, Le tombeau de Rekhmara, p. 47.


PÉTRINISME. Voir Ba.ur, t. i, col. 1523.

PETROPOL1TANUS (CODEX). Deux manuscrits, l’un de l’Ancien Testament, l’autre du Nouveau, sont généralement connus sous ce nom.

1. Le premier est un palimpseste de 88 feuillets inoctavo : les feuillets primitifs au nombre de 44 ont été plies en deux. Il contient des fragments du Livre des Nombres selon la version des Septante : i, 1-30 ; i, 4011, 14 ; ii, 30-m, 26 ; v, 13-23 ; vi, 6-vn, 7 ; vii, 41-78 ; vm, 2-16 ; xi, 3-xm, 1 1 ; xiii, 28-xrv, 34 ; xv, 3-28 ; xv, 32-xvi, 31 ; xvi, 44-xviu, 4 ; xviii, 15-26 ; xxi, 15-22 ; xxii, 3041 ; xxiii, 12-27 ; xxvi, 54-xxvii, 15 ; xxviii, 7-xxix, 36 ; xxx, 9-xxxi, 48 ; xxxii, 7-xxxiv, 17 ; xxxvi, 1-13. Tischendorf qui l’a édité dans ses Monumenta sacra ined., nova coll., 1. 1, Leipzig, 1855, l’attribue au vie siècle, à cause des abréviations qu’il renferme, bien que l'écriture ait un aspect plus archaïque. On le désigne en critique par la lettre H.

II. L’autre Petropolitanus consiste en un seul feuillet arraché à la couverture de bois d’un manuscrit syriaque. Il est du vu 8 siècle et contient Âct., ii, 45-iii, 8. Tischendorf dans sa huitième édition du Nouveau Testament l’appelle G (lettre qui désignait autrefois le manuscrit des Actes de la Bibliothèque Angelica, désigné maintenant par L). Von Soden lui attribue le symbole a 1002.

F. Prat.

PEUPLIER (hébreu : libnéh ; Septante : ῥάϐδος στυρακίνη, Gen., xxx, 37 ; λεύκη, Ose., IV, 13 ; Vulgate : populea, populus), un des grands arbres de la Palestine.

I. Description. — Les Peupliers composent avec les Saules toute la famille des Salicinées, arbres et arbrisseaux caractérisés par les fleurs disposées en chatons dioïques. Les graines, à la maturité, s'échappent en grand nombre d’une capsule bivalve, emportées par le vent sous la forme de flocons blancs grâce aux poils soyeux dont elles sont revêtues. Les Peupliers se distinguent par leur taille franchement arborescente, leurs feuilles à limbe élargi et porté sur un pétiole comprimé suivant le plan médian, leurs étamines enfin plus nombreuses dans chaque fleur.

Dans aucun autre genre, peut-être, le dimorphisme sexuel n’est plus accentué, au point que le vulgaire donne souvent des noms différents aux pieds mâles et femelles de la même espèce. Les premiers sont aussi préférés et presque exclusivement propagés par a culture à cause de leur croissance rapide, de leur tige plus élevée, de leur végétation de tout point plus vigoureu se
34. — Populus alba.
Rameau, fleurs et chatons dioïques ; graines.
les feuilles paraissant plus vite au printemps, et tombant plus tard en automne. En outre, ils n’ont pas l’inconvénient passager mais très réel des plantes fructifères au moment où se dispersent les semences cotonneuses.

Les espèces de Palestine se répartissent en trois séries distinctes. 1° La plus commune au bord des eaux dans toute la plaine littorale de Syrie, l’Ypreau, Populus alba de Linnée (flg. 34), est facile à reconnaître au feutre couleur blanc de neige qui revêt les jeunes rameaux et le dessous des feuilles. Dans la région montagneuse du Nord on trouve aussi le Tremble, Populus tremula, de la même section des Peupliers blancs, pour les squames ciliées de ses chatons, mais à feuilles vertes sur les deux faces, et, en plus, une race intermédiaire entre les deux précédentes, dont elle est probablement un produit hybride, le P. canescens ou Grisaille, à bois tenace, tronc élancé, et feuillage cendré. 2° Le curieux Peuplier de l’Euphrate, si remarquable par le polymorphisme de ses feuilles, tantôt larges et deltoïdes, tantôt étroites au point de simuler un Saule, est un arbre de la région désertique à rameaux étalés avec une cime glauque, disséminé depuis l’Afrique septentrionale jusqu'à l’Himalaya, mais surtout abondant dans la dépression du Jourdain et en Mésopotamie. Il ressemble aux Peupliers blancs par ses bourgeons velus et ses squames lanciniées, mais possède les étamines indéfinies de la section suivante. 3° Dans les vallées du Liban le Peuplier noir est aussi répandu, surtout sous la forme pyramidale, que dans l’Europe moyenne, quoique de spontanéité douteuse. Les jeunes rameaux et les feuilles sont glabres, comme chez toutes les espèces de la section Aigirus, avec les bourgeons visqueux et les étamines au nombre de 12 à 30.

F. Hy.

II. Exégèse. — Les anciens et les modernes sont également partagés sur le sens du mot libnéh : les uns y voient le styrax officinalis, l’aliboufier ; les autres le peuplier blanc. L'étymologie ne saurait trancher le différend. Libnéh vient de la racine lâban, « être blanc. » Ce nom peut s’appliquer au styrax comme au peuplier. L’aliboufier donne une sorte de lait blanchâtre qui se coagule et forme la gomme ou résine de styrax. Cette résine blanche aurait pu donner son nom à l’arbre lui-même, comme en arabe où [texte arabe], lobna, désigne l’aliboufier et son produit. Le nom de libnéh convient aussi et mieux encore au peuplier, à cause de la blancheur de ses jeunes rameaux et du dessous de ses feuilles. Parmi les traductions anciennes on trouve une grande divergence d'interprétation. Si pour Gen., xxx, 37, les Septante, suivis par l’arabe de Saadias et par l’éthiopien, traduisent par ῥάϐδος στυρακίνη branche d’aliboufier ; dans Ose., iv, 13, ils rendent libnéh par λεύκη, le peuplier. La Vulgate traduit dans les deux endroits par populus, populea, peuplier. Les exégètes modernes comme Gesenius, Thesaurus, p. 740 ; Michaëlis, Supplément. ad Lexica hebraica, t. ii, p. 1404 ; E. Fr. C. Rosenmüller, Handbuch der biblischen Alterthumskunde, in-8°, Leipzig, 1830, t. iv, p. 261, préfèrent la traduction styrax, à cause du rapprochement de l’hébreu libnéh avec l’arabe lobna. D’autre part O. Celsius, Hierobotanicon, in-8°, Amsterdam, 1748, t. i, p. 292 ; H. B. Tristram, The natural History of the Bible, in-12, Londres, 1889, p. 389, préfèrent la traduction peuplier blanc. Le contexte est plutôt en faveur de ce dernier sentiment. Dans Gen., xxx, 37, « Jacob prit des baguettes vertes de libnéh, d’amandier et de platane. Il y pela des bandes blanches, en mettant à nu le blanc des baguettes ; puis il plaça les baguettes ainsi pelées en face des brebis dans les rigoles. » Sans doute des rameaux d’aliboufier pouvaient servir aussi bien que des branches de peuplier à cet usage. Mais près des deux grands arbres mentionnés, l’amandier et le platane, un grand arbre comme le peuplier blanc semble plus naturellement placé qu’un arbuste comme le styrax officinalis. Le second passage, Ose., iv, 13, est plus décisif encore. Il s’agit de l’idolâtrie d’Israël. « Ils offrent, dit le prophète, des sacrifices sur les sommets des montagnes ; ils brûlent de l’encens sur les collines sous le chêne, le libnéh, et le térébinthe, parce que l’ombrage en est bon. » Le chêne et le térébinthe sont de grands arbres à l’ombrage épais, près desquels on serait étonné de trouver mentionné un arbuste comme l’aliboufier, tandis que le beau et large peuplier blanc trouve une place naturelle. Peut-être que les exégètes qui ont préféré traduire libnéh par l’aliboufier, en rejetant le peuplier, ont-ils pensé surtout au port élancé et peu touffu du peuplier pyramidal. Mais le peuplier blanc a tout un autre port et n’est pas déplacé près du chêne et du térébinthe aux frais ombrages. Aussi préférons-nous traduire libnéh par peuplier blanc. Voir Styrax.

PEUR. Voir Frayeur, t. ii, col. 2399.

PEVERELLI Barthélemi, exégète italien, né à Vérone en 1695, mort à Modène le 22 octobre 1766, entra au noviciat de la Compagnie de Jésus, le 29 octobre 1713, enseigna d’abord les humanités puis l'Écriture Sainte à Modène. Ses leçons sur les Actes des Apôtres : Lezioni sacre e morali sopra il santo lïbro de gli Atti Apostolia, Vérone, 1766-1777, 2 in-4°, sont tout à la fois une œuvre de science et une œuvre de piété ; elles s’adressent à l’intelligence et au cœur.

P. Bliard.

PEZRON Paul, savant chronologiste de l’ordre de Cîteaux, 'né en 1639 à Hennebont en Bretagne, mort a Chessy le 10 octobre 1706. Il fut admis dans l’ordre de Cîteaux à l’abbaye de Prières et y exerça les fonctions de maître des novices. En 1677, il fut nommé sousprieur du collège des Bernardins à Paris, où il se fit recevoir docteur. Il enseigna ensuite la théologie jusqu’en 1690 et fut alors choisi comme visiteur de son ordre. En 1697 il fut élu abbé de la Charmoye ; mais quelques années plus tard, en 1703, il se démit de cette charge afin de pouvoir se livrer plus facilement à la prière et à l'étude. Il a publié : Essay d’un commentaire littéral et historique sur les Prophètes, in-12, Paris, 1693 : l’auteur entreprend d’y expliquer les prophètes selon l’ordre, chronologique ; Histoire évangélique confirmée par la Judaïque et la Romaine, 2 in-12, Paris, 1696. Dom Pezron est surtout connu par son ouvrage : L’Antiquité des temps rétablie et défendue contre les Juifs et les nouveaux chronologistes, où l’on prouve que le texte hébreu a été corrompu par les Juifs, avec un canon chronologique depuis le commencement du monde jusqu'à Jésus-Christ, in-4°, Paris, 1687. Dom Pezron y rétablit la chronologie du texte des Septante.

Ses conclusions furent attaquées par dom Martianay, de la congrégation de Saint-Maur et par Le Quien. Il leur répondit par la Défense de l’antiquité du temps contre le P. Jean Martianay ; où l’on soutient la tradition des Pères et des Églises contre celle du Talmud et où l’on fait voir la corruption de l’Hébreu des Juifs, in-4°, Paris, 1691. Dom Pezron publia en outre dans les Mémoires de Trévoux : Dissertation touchant l’ancienne demeure des Chananéens et de l’usurpation qu’ils ont faite sur les enfants de Sem, 1704, p. 15 ; Dissertation sur les anciennes et véritables bornes de la terre promise, 1705, p. 1015. — Voir D. François, Biblioth. générale des écrivains de l’Ordre de S. Benoit, t. ii, p. 387.
B. Heurtebize.


PFAFF Christophe Matthieu, exégète protestant, né à Stuttgart le 25 décembre 1686, mort le 19 novembre 1760. Docteur et professeur de théologie à Tubingue, il fut chancelier de l’Université de cette ville et membre

de l’Académie des sciences de Berlin. Parmi les nombreux écrits de cet auteur on remarque : Notæ exegeticæ in Evangelium Matthæi quibus sensus ejusdem litteralis perspicue breviterque evolvitur, in-4°, Tubingue, 1721. — "Voir C. P. Leporin, Verbesserte Nachricht von CM. Pfaffen’s Leben, Controversien und Schriften, in-4°, Leipzig, 1726 ; Walch, Bibl. theologica, t. iv, p. 390, 637, 915, 917.
B. Heurtebize.


PFEFFINGER Daniel, théologien protestant, n vers 1661, mort le 24 novembre 1724. Professeur de théologie et de langues orientales, il publia : Notes in prophetiam Haggai, in-4°, Strasbourg, 1703 ; Dissertationes in Epistolam ad Ephesios, in-8°, Strasbourg, 1721. — Voir J. Wieger, Programma in J. D. Pfeffingeri obitum, in-f°, Strasbourg, 1724 ; Walch, Bibl. theologica, t. iv, p. 591, 702.

B. Heurtebize.


PFEIFFER Auguste, théologien et orientaliste protestant, né à Lauenbourg le 27 octobre 1640, mort à Lubeck le Il janvier 1698. Archidiacre de l'église Saint-Thomas à Leipzig, professeur de langues orientales et de théologie, puis surintendant des églises de Lubeck, Auguste Pfeiffer publia un grand nombre d’ouvrages, parmi lesquels nous devons citer : Commentarius in Obadiam, præter genuini sensus evolutionem et collationem, interpretum exhibens versionem latinam et examen commentarii Is. Abarbanelis Judæi doctissimi, sed christianis infensissimi et inter alia abstergens indignissimam Judæorum calumniam, christianos esse Idumseos eosque manere pœnas Idumæis in sacro Codice denuntiatas, in-4°, Wittenberg, 1666 ; Prælectiones in prophetiam Jonse recognitse et in justum commentarium redactse, quibus emphases vocum eruuntur, verus Sacræ Scripturæ sensus exponitur, sententiæ variæ et Judæorum et christianorum adducuntur, falsæ refelluntur et quæstiones dubiæ resolvuntur, in-4°, Wittenberg, 1671 ; Dubia vexata Scripturæ Sacræ, sive loca difficiliora Veteris Testamenti succincte decisa, in-4°, Dresde, 1679 ; Critica sacra de sacrï Codicis partitione, editionibus variis, linguis orientalibus, in-8°, Dresde, 1680 ; Theologia mystica Veteris Testamenti per typos rariores promulgata et ad historiam Novi Testamenti adplicata, in-8°, Stralsund, 1727. — Voir J. E. Pfeiffer, Memoria A. Pfeifferi, theologi Lubecensis, in-4°, Rostock, 1700 ; Walch, Bibl. theologica, t. IV, p. 233, 577, 581, 791.

B. Heurtebize.


PHACÉE (hébreu : Peqah ; Septante : *<xjceé), dix-huitième roi d’Israël (759-739, ou 750-731). Phacée était fils de Romélie, personnage inconnu ou peut-être décrié, comme le donnerait à supposer l’affectation avec laquelle Isaïe, vii, 4, 5, 9 ; vui, 6, appelle le roi d’Israël simplement « le fils de Romélie ». Phacée n’entra d’ailleurs dans l’histoire que par la porte du crime. Il était officier de Phacéia, šališô, « son officier », par conséquent attaché à sa personne. Il ne tarda pas à conspirer contre lui pour le faire disparaître et prendre sa place, comme avaient fait récemment, dans ce malheureux royaume d’Israël, Sellum pour Zacharie, et Manahem, père de Phacéia, pour Sellum. Phacéia ne régnait que depuis deux ans, quand Phacée réussit à le frapper à Samarie, dans la tour de la maison royale.. Avec le roi périrent deux de ses officiers fidèles, Argob et Arié. Pour réussir dans son entreprise criminelle, le meurtrier s'était assuré le concours de cinquante' Galaadites. D’après la Vulgate, ces derniers sont au contraire du parti de Phacéia et périssent avec lui. Leur nombre précis indique des conjurés plutôt que des victimes. Josèphe, Ant. jud., IX, xi, 1, on ne sait sur quelle donnée, dit que le crime eut lieu au milieu d’un festin. IV Reg., xv, 25.

Devenu roi dans de telles conditions, Phacée ne pouvait que favoriser en Israël les habitudes idolâtriques mises en honneur par ses prédécesseurs. Il n’y manqua pas. IV Reg., xv, 28. Il régnait depuis deux ans à Samarie, quand, à Jérusalem, un jeune prince de vingt-cinq ans, Joatham, succéda à son père, Ozias, qui avait régné cinquante-deux ans. D’autre part régnait en Syrie Rasin II, qui jadis, en même temps que Manahem, avait été obligé de prêter hommage au roi d’Assyrie, Téglathphalasar III, quand celui-ci avait soumis la Syrie septentrionale. Phacée et Rasin, au lieu de s’entendre avec le roi de Juda pour faire face ensemble aux incursions assyriennes, préférèrent comploter tous les deux contre leur voisin du sud. Dès le temps de Joatham, leurs entreprises hostiles se dessinèrent. IV Reg., xv, 37. Cependant elles ne prirent corps que quand un jeune roi de vingt ans, Achaz, fut monté sur le trône de Jérusalem, la dix-septième année de Phacée. Rasin et ce dernier se portèrent ensemble contre la capitale de Juda pour l’attaquer. Leur projet n’allait à rien moins qu'à détrôner Achaz pour mettre à sa place le fils de Tabéel, personnage inconnu, peut-être Rasin lui-même, en tous cas un prince tenu par la Syrie dans une étroite dépendance. Is., vil, 6. Voir Tabêel. L’armée syrienne s’avançait à travers le territoire d'Éphraïm. À l’approche des ennemis, Achaz et tout son peuple furent saisis d'épouvante. Le prophète Isaïe s’efforça de les rassurer contre les menaces de Rasin et du fils de Romélie, « ces deux bouts de tisons fumants », dont le dessein ne devait pas avoir d’effet, et sur lesquels allaient s’abattre bientôt les fureurs de l’Assyrie. Is., vii, 1-9 ; viii, 1-4. Malgré leurs.

efforts, les rois de Syrie et de Samarie ne purent vaincre Achaz à Jérusalem. Ils se tournèrent alors chacun de leur côté. Rasin alla s’emparer d'Élath, sur la mer Rouge et fit dans le royaume de Juda un grand nombre de prisonniers qu’il déporta à Damas. IV Reg., xvi, 6 ; II Par., xxviii, 5. Phacée, opérant pour son compte, battit l’armée d’Achaz et lui tua cent vingt mille hommes en un jour. Zéchri, guerrier d’Ephraïm, mit à mort Maasias, fils du roi, Eyrica, intendant de la maison royale, et Elcana, le premier ministre. En toutes ces rencontres, les Israélites firent à leurs frèresdeux cent mille prisonniers, femmes, fils et filles, qu’ils emmenèrent à Samarie avec un butin considérable. II Par., xxviii, 6-8. Sur la valeur de ces chiffres, voir Nombre, t. iv, col. 1682-1683.

Dieu ne permit pas cependant que des frères se traitassent comme des étrangers. L’armée israélite revenait à Samarie avec ses captifs et son butin, quand un prophète de Jéhovah, nommé Oded, se présenta audevant d’elle et lui reprocha la fureur avec laquelle elle avait tué tant d’hommes de Juda. On allait maintenant réduire en esclavage des milliers de survivants. Mais Éphraïm, lui aussi, n'était-il pas coupable envers Jéhovah ? Le prophète concluait au renvoi des prisonniers, si l’on voulait échapper à la colère de Dieu. Son observation était trop juste pour ne pas éveiller la pitié dans l'âme des vainqueurs. Quelques-uns des chefs d’Ephraïm appuyèrent énergiquement les paroles d’Oded. L’armée abandonna ses captifs et son butin. Par les soins des chefs, on fournit aux prisonniers des vêtements et des chaussures ; on les fit manger et boire, on les oignit, on fit monter sur des ânes ceux qui défaillaient et on les reconduisit tous à Jéricho, où on les remit aux mains de leurs compatriotes. II Par., xxviii, 9-15. Ce jour-là, grâce à l’initiative du prophète et à l’intelligence des chefs, un grand acte de fraternité fut accompli en Israël. L’intervention de Phacée n’apparaît pas dans cet événement. Peut-être tout se fit-il à son insu, ou du moins n’osa-t-il pas s’opposer à un mouvement qui entraînait tout son peuple.

Les choses n’en restèrent paslà. Achaz, effrayé de la campagne menée si rudement contre lui par les deux alliés, prit alors un parti désastreux pour l’indépendance nationale. Il envoya des messagers à Téglathphalasar pour lui dire : « Je suis ton serviteur et ton fils ; monte et délivre-moi de la main du roi de Syrie et de la main du roi d’Israël, qui se sont levés contre moi. » IV Reg., xvi, 7. Il faut ajouter que les Iduméens et les Philistins avaient attaqué Judaà leurtour, lui avaient emmené des captifs et pris des villes. II Par., xxviii, 16-18. Le roi d’Assyrie se hâta d’acquiescer à une demande qui répondait merveilleusement à ses ambitieux projets. En vain Isaïe chercha-t-il à faire tomber les illusions d’un peuple qui « se réjouissait au sujet de Rasin et du fils de Romélie », menacés par l’Assyrien. En vain prédit-il que ce sauveur deviendrait pour Juda un envahisseur et un conquérant. Is., viii, 6, 7. Téglathphalasar descendit et s’abattit d’abord sur le royaume d’Israël, sans que le roi de Syrie osât venir au secours de son allié. Arrivant par la vallée de l’Oronte, du Léontès et du haut Jourdain, il prit successivement les villes d’Ajon, d’Abel-Beth-Machaa, de Janoé, de Cédés, d’Asor, puis Galaad, la Galilée et tout le pays de Nephthali, c’est-à-dire toute la partie septentrionale du royaume d’Israël, et il en déporta les habitants en Assyrie. II Reg., xv, 29. Il est dit ailleurs, I Par., v, 26, que Téglathphalasar emmena captifs les Rubénites, les Gadites et la demi-tribu de Manassé, et qu’il les conduisit à Hala, à Chabor, à Ara et au fleuve de Gozan. Après les Israélites, le roi d’Assyrie tomba sur les Philistins, ces autres ennemis de Juda, et sur les Syriens, contre lesquels il fit deux campagnes. Tous ces événements se passèrent dans les années 734-732. Le

roi de Juda eut ensuite son tour, comme il fallait.s’y attendre et comme Isaïe l’avait annoncé. II Par., xxviii, 20.

Une des inscriptions de Téglathphalasar, Cuneiform Inscriptions of Western Asia, t. iii, pi. x, 2 ; cf.. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. iii, p. 522, 523, raconte la campagne contre la terre de Pilasta, la Palestine. Parmi les villes prises à l’entrée de la terre de Bêt-Ilu-wm-ri, maison d’Amri ou d’Israël, on a cru reconnaître celles de Galaad et d’Abel-Beth-Maacha (Abiilakka). Mais il est possible qu’il faille lire plutôt Galza et Abilakka. Cf. Rost, Die Keilschrifttexte Tiglat-Pilesers III, t.i, p. 78-79. L’inscription ajoute, lig. 26-28 : « La terre de Bêt-Hu-um-ri… la totalité de ses habitants, avec leurs biens, je transportai en Assyrie. »

Phacée avait échappé à la déportation, probablement en se cachant dans les montagnes. Il ne survécut guère au désastre. Parvenu à la royauté par l’assassinat, il fut assassiné à son tour par Osée, fils d'Éla, qui régna à sa place. II Reg., xv, 30. L’inscription de Téglathphalasar relate le fait. Voir Osée, t. iv, col. 1905. Ce qui se dégage de ces récits, c’est que Phacée fut un ambitieux sans scrupule, qui ne recula pas devant l’alliance avec les étrangers pour l’oppression de ses frères de Juda, mais qui ne sut et ne put rien faire pour la défense de son propre royaume, qu’il vit le premier très sérieusement entamer par les conquérants assyriens.

H. Lesêtre.

PH ACÉI À (hébreu : Peqafryâh ; Seplante : Q> « .v.solai), dix-septième roi d’Israël (761-759, ou 752-751). Il était fils de Manahem, à la mort duquel il devint roi. Son règne de deux ans se résume en ces mots, si souvent redits au sujet des rois d’Israël : « Il fit ce qui est mal aux yeUx de Jéhovah et ne se détourna pas des péchés de Jéroboam, fils de Nabat, qui avait fait pécher Israël. » II Reg., xv, 24. Il est possible que le tribut payé naguère au roi d’Assyrie, et que Manahem avait fait peser sur les riches, ait indisposé ces derniers contre son fils. Un des officiers du roi le mit à mort et frappa avec lui deux personnages dont le nom a été conservé, Argob et Arié, fidèles à Phacéia et, à ce titre, partageant probablement son impopularité. II Reg., xv, 25. Voir

Phacée, col. 178.
H. Lesêtre.
    1. PHADAÏA##

PHADAÏA (hébreu : Pedâyàh, une fois Pedâydhu ; « Jéhovah rachète ou délivre » ), nom de six ou sept Israélites. M. Bliss a trouvé au sud de la colline

j

35. — Cachet d’un Phadaïa. inns bOTOW », IHma"el Pedayahu.

d’Ophel, à Jérusalem, un cachet scarabéoïde qui porte le nom de Phadaïa écrit en hébreu ancien (fig. 35). Voir Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Comptes rendus, 23 juillet 1897, p. 374.

.1. PHADAÏA (Septante : $a8 « i’a ; Aleœandrinus : EkSSda), père de la reine Zébida, mère du roi Joakim. Il était originaire de Ruma. IV Reg., xxiii, 36.

2. PHADAÏA (Septante : *a8ataç), fils du roi de Juda Jéchonias et père de Zorobabel. I Par., iii, 18-19. Le Vatieanus et VAlexandrinus, I Par., iii, 19, indiquent Salathiel comme père de Zorobabel, comme le font d’ailleurs Agg., i, 1, etc. ; I Esd., iii, 2, etc. ; Néhémie, II Esd., xii, i ; Matth., i, 12 ; et Luc, iii, 27 ; il est ainsi le neveu, non le fils de Phadaïa. Il faut donc ou que le texte I Par., iii, 27, soit altéré ou, comme on l’a supposé, que Zorobabel fût le fils de Phadaïa et de la femme de Salathiel qui serait devenue son épouse après la mort de son frère, en vertu de la loi du lévirat. Voir Zorobabel. Phadaïa était probablement né à Babylone où son père avait été emmené en captivité.

3. PHADAÏA (hébreu : Pedâyâhû ; Septante : $a8aVa), père de Joël. Joël fut mis par David à la tête de la demi-tribu de Manassé cisjordanique. I Par., xxvir, 20.

4. PHADAÏA (Septante : *a8aia), fils de Pharos qui, du temps de Néhémie, travailla à la reconstruction des murs de Jérusalem. II Esd., iii, 25.

5. PHADAÏA (Septante : $aSat « ç), Israélite qui se tint à la gauche d’Esdras, lorsque celui-ci fit au peuple la lecture de la loi à Jérusalem. II Esd., viii, 4. Quelques interprètes le confondent avec Phadaïa 4, d’autres avec Phadaïa 7.

6. PHADAÏA (Septante : *a8aia), fils de Colaïa, de la tribu de Benjamin, ancêtre de Sellum qui habita à Jérusalem au retour de la captivité. II Esd-, xi, 7. Dans I Par., ix, il ne figure pas parmi les ancêtres de Sellum.

7. PHADAÏA (Septante : $a8aia), lévite à qui Néhémie confia, en même temps qu’à quelques autres Israélites, la garde des magasins qui contenaient le produit de la dlme du blé, du vin et de l’huile. II Esd., xiii, 13. Divers commentateurs pensent que ce Phadaïa est le même que Phadaïa 4 ou Phadaïa 5, mais on ne peut ni l’affirmer, ni le nier avec certitude ; quoi qu’il en soit, Néhémie avait choisi Phadaïa comme représentant des lévites et défenseur de leurs intérêts.

PHADASSUR (hébreu : Pedâkçûr, « [celui que] le rocher délivre » ; Septante : >a81x<ro)p, Qa&aaaovp), chef d’une famille de la tribu de Manassé et père de Gamaliel, du temps de l’exode. Num., i, 10 ; ii, 20 ; vii, 54, 59 ; x, 23. Voir Gamaliel 1, t. iii, col. 102.


PHADON (hébreu : Pddôn, « délivrance » ; Septante : $aS< !)v), chef d’une famille de Nathinéens, qui revint en Palestine avec Zorobabel après la captivité de Babylone. I Esd., ii, 44 ; II Esd., vii, 47.


PHAHATH MOAB (hébreu : Pa^af Mô’ab, « gouverneur de Moab » ; Septante : aà9 Mio<£6), chef d’une des principales familles de la tribu de Juda. On explique ordinairement ce nom comme signifiant « gouverneur (ou pacha) de Moab ». Pour expliquer cette signification, on a fait toutes sortes d’hypothèses, dont aucune. n’est pleinement satisfaisante. La plus naturelle, si le nom n’est pas altéré, consiste à supposer que le chef de la famille exerça réellement un certain pouvoir dans le pays de Moab. II est question, I Par., lv, 21-22, des descendants de Séla, fils de Juda, qui « dominèrent sur Moab ». Quoi qu’il en soit, les descendants de Phahath-Moab formaient une des principales familles juives au retour de la captivité de Babylone : elle est nommée la quatrième dans les deux listes de captifs qui revinrent en Palestine du temps de Zorobabel, I Esd., ii, 6 ; II Esd., vii, 11 ; et le cinquième dans la liste des compagnons d’Esdras, I Esd., viii, 4 ; son chef signa le second l’alliance du temps de Néhémie parmi les chefs du peuple. II Esd., x, 14. Elle était aussi très Importante par le nombre de ses membres, la plus nombreuse après celle de Sénaa le Benjamite. Celle-ci comptait près de 4000 membres, I Esd., ii, 35 ;

II Esd., vii, 38 ; celle de Phahath Moab en avait 2818. II Esd., vii, 11 (2812, d’après I Esd., ii, 6). Elle se composait de deux branches, celle de Josué et celle de Joab, comme on le lit expressément, II Esd., vii, 11, « fils de Josué et de Joab » (la conjonction et manque dans II Esd., ii, 6, mais on doit très vraisemblablement l’y suppléer). Nous ignorons ce qu’étaient ce Josué et ce Joab ; nous connaissons seulement un Joab descendant de Juda, nommé I Par., iv, 14, cf. ii, 54, sans pouvoir dire si c’est celui dont il est parlé dans Esdras et dans Néhémie. Esdras, à son retour en Palestine, emmena avec lui 218 hommes « des fils de Joab », I Esd., viii, 9 ; il les énumère à part, après avoir compté plus haut, au ꝟ. 4, deux cents hommes de Phahath-Moab.

Tout ce que nous savons des descendants de Phahath Moab, lorsqu’ils furent revenus dans leur patrie, se résume dans ces trois points : — 1° Esdras obligea huit d’entre eux qui sont nommés par leurs noms, à répudier les femmes étrangères qu’ils avaient épousées.

I Esd., x, 30. — 2° Hasub, qui était probablement un des chefs de la famille, travailla à la réparation d’une partie des murs de Jérusalem et de la tour des Fourneaux ou des Fours (t. ii, col. 2344). Quelques commentateurs confondent cet Hasub avec celui qui répara une autre partie des murs de Jérusalem, II Esd., iii, 23, mais c’est sans raison. — 3° Lorsque les principaux d’entre les Juifs signèrent avec Néhémie l’alliance que le peuple fit avec Dieu, le représentant de la famille de Phahath Moab signa après Pharos, le second sur quarante-quatre parmi les chefs du peuple. II Esd., x, 14.


PHALAIA (hébreu : Pelâ’yâh, « Jéhovah fait des choses admirables » ; Septante : 4>sXia, omis dans

II Esd., viii, 7), un des lévites qui aidèrent Esdras à expliquer la loi au peuple, II Esd., viii, 7, et qui signèrent plus tard, avec Néhémie, l’alliance contractée entre Dieu et son peuple. II Esd., x, 10. — Un fils d’Élioénaï, de la race royale de David, appelé Peldydh dans le texte hébreu, porte le nom de Phéléia dans la Vulgate. I Par., iii, 24.


PHALANGE, ordre de bataille usité chez les Grecs, consistant en la disposition des troupes par colonnes, en files espacées pour la marche, rapprochées pour la charge et serrées pour l’attaque. La Vulgate a traduit par ce mot « phalanges », I Reg., xvii, 8, l’hébreu ma’arkof (Septante : napâtaÇiç), qui désigne l’armée d’Israël rangée en ordre de bataille par Saül contre les Philistins et contre Goliath. — Sur la manière dont les Syro-Macédoniens disposaient leur ordre de bataille, voir I Mach., vi, 35.


PHALÉA (hébreu : Pilha’; Septante : ^ayXat), un des chefs de famille qui signèrent l’alliance entre Dieu et son peuple au temps de Néhémie. II Esd., x, 24.


PHALEG (hébreu : Pélég, « division » ; Septante : ÊâXêx ; Josèphe, Ant. jud., i, xi, 5), descendant de Sem, fils d’Héber, frère aîné de Jectan et père de Réiï, un des ancêtres d’Abraham. Gen., x, 25 ; xi, 16, 17, 18, 19 ; I Par., i, 19, 25. Il fut appelé Phaleg, dit la Genèse, x, 25, « parce qu’en ses jours la terre fut divisée. » On a donné de cette phrase les explications les plus diverses. Les uns l’ont entendue de la dispersion des peuples dont parle la Genèse à propos de la construction de la tour de Babel, xi, 9 ; d’autres, du partage de la terre par Noé entre ses petits-fils ou bien de la séparation des enfants d’Héber dont les uns seraient allés en Arabie, pendant que les autres demeuraient en Babylonie. Ces explications sont peu vraisemblables, de même que l’opinion de ceux qui voient dans cette division une allusion

à une catastrophe terrestre, tremblement de terre, éruption volcanique, au commencement de la canalisation en Babylonie,-etc. Les expressions du texte sacré sont si vagues qu’on ne peut aujourd’hui en préciser le sens avec certitude : si elles semblent plutôt faire allusion à la dispersion du peuple, Gen., XI, 9, il faut remarquer que la Genèse, xi, 4, 8, 9, emploie le verbe pus, « disperser », et non le verbe pâlag, « diviser », pour marquer tfcWt ^ys$ « s < h$^. — Divers commentateurs ont voulu sans raison suffisante prendre le nom de Phaleg comme un nom ethnographique ou un nom géographique et ils l’ont rapproché de celui de la ville de Phaliga, mentionnée par Isidore de Charax comme située au confluent du Chaboras et de l’Euphrate, mais il n’est nullement question de cette ville avant cet auteur, qui vivait seulement au IIIe siècle avant J.-C. — Phaleg engendra Réû à l'âge de 30 ans et mourut à l'âge de 239 ans, laissant des fils et des filles. Gen., xi, 18-19. Il est nommé dans la généalogie de Notre-Seigneur en saint Luc, iii, 35.

    1. PHALEL##

PHALEL (hébreu : Pâldl, « [Dieu] juge » ; Septante : <&aâx ; Alexandrinus : $oXâf), fils d’Ozi. Du temps de Néhémie, il rebâtit une partie des murs de Jérusalem, « vis-à-vis de l’angle et de la haute tour qui fait saillie en avant de la maison du roi, près de la cour de la prison. » II Esd., iii, 25.

    1. PHALET##

PHALET (hébreu : Pélét, « délivrance, évasion » ; Septante : <£>a>ix ; Alexandrinus : $ « Xér, I Par., ii, 47), nom de deux Israélites, dans le texte hébreu. Dans la Vulgate, le nom de l’un des deux est écrit Phallet,

I Par., xii, 3. Le Phalet de notre version latine était de la tribu de Juda et de la famille de Caleb l’Hesronite, le quatrième des six fils de Johaddaï.I Par., ii, 47.

    1. PHALETH##

PHALETH (hébreu : Pélét ; Septante : *a>é9), nom de deux Israélites, dans le texte hébreu. La Vulgate écrit le nom de l’un d’eux Phéleth, Num., xvi, 1. Celui qu’elle écrit Phalet était de la tribu de Juda, fils de Jonathan, de la descendance de Jéraméel. I Par., Il, 33.

    1. PHALLET##

PHALLET (hébreu : Pélét ; Septante : 'ImcoaXÉT ; Alexandrinus : ^a).).^), fils d’Azmoth et frère de Jaziel, de la tribu de Benjamin. Les deux frères sont comptés parmi les gibborîni de David. Ils étaient allés se joindre à lui à Siceleg. I Par., xii, 3.

    1. PHALLONITE##

PHALLONITE (hébreu r hap-Pelôni, I Par., xi, 27, 36 ; xxvil, 10 ; Septante : <5 « ÊeXuvî : I Par., x, 27 ; 6 « Êdiuv(, , ꝟ. 36 ; ô èx $aXXouç ; Vulgate : Phallonites, I Par., xxvii, 10 ; Phalonites, I Par., xi, 27 ; Phelonites, ꝟ. 36), originaire de Bethphalefh, d’après un certain nombre de commentateurs. Deux des gibborîm de David, Hellés ou Hélés (t. iii, col. 567), I Par., xi, 27 ; xxvii, 10, et Ahia 1 (t. i. col. 291), I Par., xi, 36, sont dits Phallonites ou Pélonites. Cette dénomination semblerait désigner une ville de Péloni ou Pélon, mais comme on ne connaît aucune ville de ce nom et que dans

II Reg., xxiii, 26, Hélés est appelé hap-Paltî, « le Phaltite » (Vulgate : de Phaltï), beaucoup de critiques croient que la leçon de II Beg. est la meilleure et que hap-Paltî veut dire que Hélés était originaire de (Beth)phaleth (t. i, col. 1709), ville du Négeb au sud de la Palestine, dans la tribu de Juda. Il y a cependant contre cette identification une difficulté sérieuse qui n’est pas résolue : c’est que Hélés était Éphraïmite, d’après II Par., xxvil, 10, et que Bethphaleth était une ville de Juda, nom d'Éphraïm. On a imaginé d’autres hypothèses, mais toutes sont purement conjecturales.

    1. PHALLU##

PHALLU (hébreu : Pallû' ; Septante : *aU6 « , $aXoôç), second fils de Ruben, le fils aîné de Jacob. Gen.,

xlvi, 9 ; Exod., vi, 14 : Num., xxvi, 5 ; I Par., v, 3. Il eut pour fils Éliab et devint le chef de la famille desPhallonites. On compte parmi ses descendants Dathan et Abiron. Num., xxvi, 5, 8.

    1. PHALLUITES##

PHALLUITES (hébreu ; hap-Pallu'î ; Septante ' :

Stloi ; toO *aX).out ; Vulgate : Phallwitse), descendantsde Phallu. Num., xxvi, 5. PHALONITE, dans la Vulgate, I Par., si, 27. "Voir Phallonite.

    1. PHALTI##

PHALTI (hébreu : Paltî ; Septante : * « /.ti), nom de deux Israélites et nom ethnique. Phalti, nom d’homme, signifie « (Dieu) est mon libérateur ».

1. PHALTI, fils de Raphu, de la tribu de Benjamin. Il fut l’un des douze espions que Moïse envoya dans la terre de Chanaan pour l’explorer. Num., xiii, 9.

2. PHALTI, fils de Laïs, de Gallim. Saùl lui donna en mariage sa fille Michol qu’il avait déjà mariée avecDavid. I Reg., xxv, 44. Après la mort de Saùl, David se fit rendre Michol par Abner. Phalti la suivit en pleurant jusqu'à Bahurim où Abner l’obligea de retourner chez lui. II Reg., iii, 15. Dans ce dernier passage, Phalti est appelé Phaltiel, ce qui est la forme complète de son ; nom, El (Dieu) étant sous-entendu dans Phalti.

3. PHALTI, pour Phaltite. II Reg.. xxiii, 26. Hélés est désigné dans ce passage comme étant « de Phalti », . selon la traduction de la Vulgate. Ailleurs il est dit Phellonite. Voir Phallonite.

    1. PHALTIAS##

PHALTIAS (hébreu : Pelatyâh, « Yah est mon libérateur ; » Pelatyâhû, sous une forme plus complète dansÉzéchiel, XI, 1, 13), nom de quatre Israélites dans le texte hébreu. Il ne diffère que par le nom divin, qui est ici exprimé, de Phalti et de Phaltiel ou Phalthiel. Dans la Vulgate, deux de ces noms sont écrits Phaltias (dans quelques exemplaires Phalthias), le troisième est écrit Pheltias, Ezech., xi, 1, 13, et le quatrième Pheltia. II Esd., x, 22.

1. PHALTIAS (Septante : « ÊaXeTTi’a), descendant de David, fils d’Hananiaset père de Jésaïas. I Par., itl, 21.

2. PHALTIAS (Septante : *a).asTx£a), le premier nommé des quatre fils de Jési, de la tribu de Siméon. Ils se mirent à la tête de cinq cents hommes de leur tribu, pour aller combattre dans la montagne de Séir les restes des Amalécites qui s’y étaient réfugiés et, les ayant vaincus, s’y établirent à leur place. I Par., iv, 42-43.

1PHALTÎEL (hébreu : PaltVêl, voir Phaltia ; Septante : *aXnv))), nom de deux Israélites.

1. PHALTIEL, fils d’Ozan, chef de la tribu d’Issachar, qui fut choisi par Moïse pour représenter sa tribu dans le partage de la Terre Promise. Num., xxxiv, 26.

2. phaltiel, le même que Phalti, le mari deMichol. II Reg., iii, 15. Voir Phalti 2.

PHANUEL(hébreu : Penû'êl, « face de Dieu ; » Septante : $avour É i), nom de trois Israélites et nom de lieu.

1. PHANUEL, fils d’Hur et petit-fils de Juda. Il fut le père de Gédor. I Par., iv, 4. =

2. PHANUEL, le dernier nommé des onze fils de Sésac, de la tribu, de Benjamin, qui s'établirent à Jérusalem 1 Par., viii, 25.

3. PHANUEL, de la tribu d’Aser, père de la prophétesse Anne. Luc, ii, 36. Voir Anne, 5, t. i, col. 630.

    1. PHANUEL##

PHANUEL (hébreu : Penî'él, « face de Dieu, » On., xxxii, 30, 31 ; Penû'èl, ibid., 32 ; Jud., viii, 8, 17 ; I (III) Reg., XH, 25 ; Septante : e’So ? ©soû, Gen., xxxii, 30 ; eISo « toû ©eov, 32 ; <î>avouii>, partout ailleurs), localité située sur les rives du Jaboc où Jacob lutta avec l’ange et où s'éleva une ville du même nom. Elle est mentionnée sur les monuments égyptiens sous la forme

I JS Jt&, Penualu. W. M. Muller, Asien und

Europa, p. 168.

I. Identification et description. — Phanuël était à l’est du Jourdain et de Socoth, puisque Gédéon franchit le fleuve et passa par Socoth avant d’arriver à Phanuël. Cf. Jud., viii, 4, 5, 8. Il était' sans doute en vue et non loin du Jourdain, dont Jacob disait en arrivant au Jaboc : « J’ai passé ce Jourdain. » Gen., xxxii, 10. Le même arrivant de Galaad et Mahanaïm qu’il faut chercher au nord du Jaboc, la rive opposée, où il allait passer le lendemain et rencontrer l’ange, est nécessairement la rive gauche ou méridionale du Jaboc, aujourd’hui le Nahr-Zerqâ. Cf. Gen., xxxii, 13, 21-23. Phanuël paraît être oubliée depuis longtemps, car VOnomasticon se contente de l’indiquer « prés du Jaboc », et les anciens écrivains juifs n’en font plus mention. Les savants anglais pensent qu’on doit chercher ce lieu probablement sur les pentes septentrionales du Djebel OSa Armstrong, Wilson et Conder, Names and Places in the Old Testament, Londres, 1887, p. 138 ; Conder, Heth and Moab, Londres, 1887, p. 177-179. Rich. von Riess le croit plutôt sur la rive septentrionale du Jaboc, c’est-à-dire du côté opposé. Bibel-AtUxs, Fribourg-en-Brisgau, 1887, p. 231. M. Merill, East of Jourdan, 2e édition, NewYork, 1883, p. 384, le suppose au Teloul ed-dehab, au nord de la rivière et non loin de sa sortie des montagnes. M. Gotl. Schumacher préfère Medouar-Nôl, village situé à une heure et quart au nordest d’un excellent gué de la Zerqd, se trouvant au nord de Ain es-Zerqâ. Dans Miitheilungen und Nachrichten des deutschen Palâstina-.Vereins, 1901, p. 2. Quelques autres auteurs ont proposé, quoique en hésitant beaucoup, le Tell Der’alla. Cf. Buhl, Géographie des alten Pdlâstina, Leipzig, 1896, p. 260. La similitude de ce nom avec Tar'éldh identifiée dans les Talmuds avec Succoth, a fait penser qu’il s’agit de la même localité. Ibid. Cf. A. Neubauer, Géographie du Talmud, Paris, 1860, p. 218-219 ; Schumacher, loc. cit., 1889, p. 21 ; Armstrong, etc., loc. cit., p. 166. L’identification de Der’alla avec Tar’elâh n’est pas sans vraisemblance, mais celle de Tar'éldh avec Socoth est contestable. L’itinéraire de Gédéon poursuivant les Madianites, Jud., viii, 4-5, paraît indiquer cette localité tout près du Jourdain et Phanuël, où « il monta » de Socoth, plus à l’est et plus près de la montagne. Il semble toutefois qu’il y ait là un souvenir des faits racontés Gen., xxxii. Cette identification, si elle n’est pas d’une certitude absolue, parce que les données positives font défaut pour désigner ce tell, me semble d’une très grande probabilité. Les diverses indications bibliques s’appliquent parfaitement à lui et on ne trouve d’autres sites ou d’autres vestiges de villes auxquels on puisse les rapporter de même.

Le Tell Der’alla est un grand tell au sommet aplati, s'élevant de sept à huit mètres au-dessus de la plaine environnante, où l’on constate des restes d’anciennes constructions, et semblable à tous ces anciens tell que l’on a reconnu être formés de débris d’anciennes cités. U est à deux kilomètres et demi environ vers le sud d’Abou 'Obeidah, où les musulmans vénèrent le tombeau du général de ce nom, compagnon deMahometjàla lisière orientale du GMr, et à deux ou trois cents mètres

seulement des montagnes d’où sort le Zerqâ, sur le chemin qui monte de la vallée aux montagnes, se dirigeant vers Sait, Djebéhat et Amman, voie que dut prendre Gédéon poursuivant les Madianites et les Benê-Qédem. Ce qui paraît avoir fait hésiter les palestinologues, c’est que le nahr ez-Zerqâ passe à un kilomètre au sud du tell, alors que la Bible indique Phanuël au sud de la rivière ; mais son cours actuel est un cours nouveau que l’eau s’est frayé à travers les siècles. L’ancien lit de la rivière, large de vingt mètres et profond de cinq ou six, se voit au nord du tell qui est immédiatement sur la rive méridionale. De là on aperçoit à trois kilomètres vers l’ouest et non loin du Jourdain un autre tell de même forme. C’est à celui-ci, semble-t-il, qu’il faut placer Socoth.

II. Histoire. — Jàcob, venant de Mésopotamie et ayant quitté Mahanaïm pour s’avaûcer vers le Jourdain, était arrivé sur la rive du Jaboc, où il avait établi son campement. De là il envoya en avant ses serviteurs avec les présents destinés à apaiser son frère Ésaû qui s’avançait à sa rencontre. S'étant levé pendant la nuit, il fit passer le gué du Jaboc à toute sa famille et à ses troupeaux, et le passa après eux. Resté seul sur le bord de la rivière, un personnage mystérieux, que la Genèse appelle un homme, 'U, xxxii, 23, et le prophète Osée, xii, 3-4, un ange, se présenta et se mit à lutter avec lui jusqu’au lever de l’aurore. En quittant Jacob, l’ange lui donna le nom d’Israël, et Jacob en souvenir du fait appela l’endroit Phanuël, disant : « Jai vu mon Dieu face à face et mon âme a été sauvée. » Gen., xxxm. Levant les yeux, Jacob vit son frère Ésaû qui s’avançait vers lui. De là, il se retira à l’endroit qu’il appela Socoth et où il s'établit avant de monter vers Sichem. Gen., xxxm. — Dans le partage de la Terre Promise, Phanuël dut échoir, avec Socoth et toute la partie orientale de la vallée du Jourdain, à la tribu de Gad. Cf. Jos., xiii, 27. — Phanuël était devenue une ville forte au temps de Gédéon. Le libérateur d’Israël poursuivant les Madianites, ayant franchi le Jourdain, demanda aux habitants de Socoth du pain pour ses hommes fatigués, afin de pouvoir continuer la poursuite de l’ennemi. Ceux-ci refusèrent en ajoutant à leur refus le mépris et l’injure. Les habitants de Phanuël firent de même. « Quand je reviendrai victorieux, j’abattrai cette tour, » jura Gédéon. À son retour, il tint son serment et mit à mort les principaux habitants de la ville. Jud., viii, 4-17. — Jéroboam I er, après avoir restauré Sichem, fit de même pour Phanuël. III Reg., xii, 25. D’après Josèphe, Ant. jud., VIII, viii, 4, il s’y fit construire un palais. U n’est plus question depuis de Phanuël. L. Heidet.

    1. PHARA##

PHARA, nom d’un Israélite et d’une ville.

1. PHARA (hébreu : Purâh, « rameau » ; Septante : « fapâ), serviteur de Gédéon. Il alla pendant la nuit avec son maître dans le camp des Madianites. Jud., vii, 10-11.

2. PHARA (Septante : ap « 6(i>v/), ville de Judée, fortifiée par Bacchide pendant la guerre contre Jonathas. I Mach., ix, 50. Le nom de cette ville est douteux. La Vulgate distingue deux villes, Thamnatha et Phara ; de même Josèphe, Ant* jud., xiii, i, 3, ©ct[*va6à x « t 3>apa8<o ; et aussi la version syriaque. Les Septante ne font qu’une seule ville de zrp ©anvaôà *apa6wv(. Si la leçon du grec était la véritable, ce qu’on peut contester, nous n’aurions dans l'Écriture aucune autre trace de l’existence de Phara, mais si l’on admet la distinction de Tamnatha et de Phara ou Pharathon, nous retrouvons le nom de cette dernière dans le livre des Juges, xii, 13. 15, et dans l’histoire des rois. II Reg., xxiii, 30 ; I Par., xi, 31 ; xxvii ; 14. Sur cette identification et sur la ville même, voir Pharathon, col. 204.

    1. PHARAI##

PHARAI (hébreu : Pa’urai ; Septante : 0-àpæosp-/i, par corruption de « Êaapai o 'Apëî), un des vaillants soldats de David. II Reg., xxiii, 35. Dans I Par., xi, 37, il est appelé Naaraï. Voir Naaraï, col. 1428. Il était d’Arab, ville de la tribu de Juda, de Arbi, dit la Vulgate. II Reg., xxiii, 35. Voir Arbi, t. i, col. 886.

    1. PHARAM##

PHARAM (hébreu : Pir’dm ; Septante : <Mwv ; Alexandrinus : $£paà[i), roi amorrhéen de Jérimoth, du temps de Josué, qui avec trois autres rois du sud de la Palestine répondit à l’appel d’Adonisédec roi de Jérusalem et marcha avec eux contre les Gabaonites qui s'étaient soumis aux Israélites. Jos., x, 3. Ils furent tous battus par Josué devant Gabaon et s'étant enfuis, ils se réfugièrent dans la caverne de Macéda, mais ils y furent pris et mis à mort, après qu’on leur eut mis le pied sur le cou (voir Pied), par ordre du vainqueur, puis pendus à cinq poteaux et enfin ensevelis dans la caverne. Jos., x, 10, 20-27.

    1. PHARAN##

PHARAN (hébreu : Pâ'rân ; Septante : 4>apâv), nom d’un désert de l’Arabie Pétrée, d’une chaîne de montagnes et, d’après certains commentateurs, d’une localité.

1. PHARAN (DÉSERT de) (hébreu : midbâr-Pd’ran, Gen., xxi, 21 ; Num., x, 12 ; xiii, 1, 4, 27 (hébreu : xii, 16 ; xiii, 3, 26) ; 1 Reg., xxv, 1 ; Septante : èprijjio ; $apâv, Num, , xiii, 4, 27 ; to-3 <t>apàv, Num., x, 12 ; xiii, 1 ; Gen., xxi, 21 ; Septante : <ï>apàv AîyÛtitou), désert de l’Arabie Pétrée, appelé aujourd’hui Badiet-et-Tih, « désert de l'Égarement », parce que les Israélites y errèrent plusieurs années. Num., xiv, 32-33.

I. Identification. — Le désert de Pharan est formé par le large plateau de l’Arabie Pétrée qui est borné à l’est par la partie de la vallée de PArabah, s'étendant du sud de la mer Morte au golfe Élanitique (voir Arabah, t. i, col. 821) ; à l’ouest par le désert de Sur, Gen. xvi, 7 (voir Sur) ; au sud par le Djebel et-Tih, et au nord par les montagnes des Amorrhéens, c’est-à-dire par la frontière méridionale du pays de Chanaan, Deut., i, 19-20, ou de la Palestine, aux environs de Bersabée. Voir H. S. Palmer, Hinai from the fourlh Egyptian dynasty to the présent day, Londres, 1878, p. 198, 205 ; E. H. Palmer, The désert of the Exodus, 1831, t. ii, p. 508-510.

IL Description. — Le Badiet et-Tih est un grand plateau désert qui compte environ deux cent quarante kilomètres de longueur, du sud au nord, et à peu près autant de largeur. Dans sa longueur il est coupé par l’ouadi el-AHsch, qui le divise ainsi en deux parties. La partie orientale, plus élevée que la partie occidentale, est un plateau calcaire d’une surface irrégulière, une contrée montagneuse coupée de grands et de petits ouadis dont beaucoup se dirigent vers le nor.d. Le côté méridional se termine en un long escarpement, abrupt vers le sud et s’abaissant doucement vers le sud-est.

La surface du plateau est aride, sans physionomie marquée, et son aspect n’est relevé que par quelques groupes isolés de montagnes. La contrée est presque sans eau, à l’exception de quelques sources, entourées de tamaris et d’acacias et fréquentées par les gazelles dans les grands ouadis ; l’eau ne s’obtient souvent dans le lit des ouadis qu’en creusant de petits puits, thémail, et en la puisant avec la main. À peu près partout, le terrain est très dur et recouvert de petits cailloux. Malgré l’aridité du sol, une grande quantité d’herbes brunes et desséchées sont éparses à la surface, et fournissent un combustible pour le campement. Pendant la plus grande partie de l’année, le terrain semble brûlé et mort ; mais il arrive, avec la pluie', à une vie soudaine. Dans les ouadis, la végétation est beaucoup plus abondante que dans les plaines. Là, il y a toujours

des pâturages suffisants pour les chameaux ; çà et là même, quelques endroits sont susceptibles de culture. E. H. Palmer, The Désert of the Exodus, t. ii, p. 327348.

III. Histoire. — 1° Le nom de Pharan est mentionné pour la première fois dans la Genèse, xiv, 6. L’auteur sacré indique dans son récit la limite septentrionale du désert et l’extrême point sud qu’atteignit l’expédition de Chodorlahomor et de ses alliés contre les rois de la Pentapole et les pays voisins. Après avoir battu les Raphaïm, les Zuzim et lesÉmim, les confédérés battirent aussi « les Chorréens ou Horréens, dans les montagnes de Séir, jusqu'à 'Êl-Pdrân, qui est près du désert. » La Vulgate traduit 'Êl-Pdrdn, par campestria Pharan, « plaine de Pharan », les Septante, par ri xepéëevOoç toû $apdtv, « le térébinthe de Pharan ». Plusieurs savants modernes croient que 'Êl-Pâràn désigne la ville d’Aila ou Élath. Voir Élath, t. ii, col. 1643. Le texte est trop peu précis pour qu’on puisse trancher la question avec certitude. D'Êl-Pdrân, les envahisseurs n’ayant rien à piller dans le désert de Pharan, ne poussèrent pas plus loin vers le sud ; ils se dirigèrent vers la fontaine de Masphath ('En Mispât), qui est le même lieu que Cadès, Gen., xiv, 7, situé dans le désert de Pharan. Cadès est placé plusieurs fois dans le désert de Sin, Num., xx, 1 ; xxvii, 14 ; xxxui, 36 ; Deut., xxxii, 51, mais Sin était le nom particulier de la partie septentrionale du désert de Pharan. Cf. Num., xiii, 27 (26). Voir Cadès 1, t. ii, col. 21. — 2° Dans le désert de Pharan habita Ismaël, fils d’Abraham et de sa servante Agar, que Sara fit chasser afin qu’Isaac devînt seul héritier des biens paternels. Gen., xxi, 10, 21.-3° Mais le désert de Pharan doit sa principale renommée à ce que les Israélites y ont erré pendant trente-huit ans : il a été ainsi le théâtre des événements les plus remarquables de l’histoire du peuple de Dieu pendant cette période. Voici les principaux. Mais tout d’abord, comme semblent l’exiger les textes bibliques, prenons le désert de Pharan dans un sens moins restreint et étendons-le jusqu’au massif du Sinaï. — Le premier épisode saillant est l’incendie d’une partie du camp d’Israël à Tab'êrâh, Num., xi, 1-3, en punition des murmures du peuple contre Dieu et contre Moïse. Voir Embrasement, t. ii, col. 1729, et Incendie, t. iii, col, 864. Plusieurs sont d’avis qu’on pourrait l’identifier avec la station Qibrôt-Hattaâvah. Cf. Lagrange, L’itinéraire des Israélites, dans la Revue biblique, 1900, p. 275. — Qibrôt-Hattaâvah était en tout cas dans le voisinage. Cette localité fut ainsi appelée, « Sépulcres de concupiscence », comme traduit la Vulgate, à cause des nombreux Israélites qui y furent frappés par la main de Dieu, à la suite de leurs murmures contre la manne, lors du second envoi des cailles. Num., xi, 4-6, 31-34. Voir Sépulcres de conGUPISCENCÉ. — De Qibrôt-Hattaâvah les Hébreux se mirent en marche pour Haséroth, autre endroit du désert de Pharan, pris dans un sens plus large. Voir Haséroth, t. iii, col. 445. C’est là que Marie, sœur de Moïse, de concert avec Aaron, parla contre son frère. Frappée de la lèpre, elle fut séquestrée sept jours hors du camp, et le peuple dut attendre sa guérison pour se remettre en voyage. Num., xii. — Partant d’Haséroth les Israélites gagnèrent le sommet du plateau d’et-Tih, et allèrent planter leurs tentes dans le désert de Pharan, au sens strict du mot, c’est-à-dire dans la partie de cette solitude qui renfermait Cadès (Aïn-Qadis). Il ne fallut pas moins de dix-neuf étapes pour atteindre ce terme final. Les dix-neuf stations, dont plusieurs nous restent inconnues, sont énumérées Num., xxxiii, 17-36. Cf. Lagrange, L’itinéraire des Israélites, dans la Revue biblique, 1900, p. 277 ; L. de Laborde, Commentaire géographique sur l’Exode et les Nombres, in-f°, Paris, 1841, p. 120-127. À Cadès, située dans la partie septentrionale du désert de Pharan qu’on appelle aussi

quelquefois désert de Sin, Moïse reçut de Dieu l’ordre d’envoyer dans la Terre Promise, les douze espions chargés de l’explorer, Sur a route qu’ils suivirent, cf. E. H. Palmer, The Désert of the Exodus, t. ii, p. 510-513, 351. Voir Espion, 2°, t. ii, col. 1966. À leur retour, le rapport décourageant qu’ils firent au peuple provogua une révolte, Dieu la punit en condamnant tous les Israélites âgés de vingt et un ans lors de leur sortie d’Egypte, à mourir dans le désert. Caleb et Josué furent seuls exceptés de cette peine. Le peuple, consterné de cette sentence et passant alors de l’abattement à la présomption, voulut, malgré Moïse, envahir le pays de Chanaan et il se Ht tailler en pièces, par les Amalécites et les Chananéens dans les environs d’Horma. "Voir Horma i, t. iii, col. 755. Il fut refoulé sur Cadès. Num., xm-xiv. Alors commença pour les enfants d’Israël, du côté de la mer Rouge, cette vie errante de trente-huit ans, dans le désert.

Les derniers incidents du séjour des Israélites dans le désert de Pharan, depuis que la génération coupable y eut semé ses ossements, eurent encore lieu à Cadès. Marie, sœur de Moïse y mourut ; Moïse donnant suite aux plaintes amères du peuple à cause du manque d’eau, y frappa le rocher et en fit jaillir une source abondante d’eau, qu’on appela Mê-Merîbâh ou « Eaux de contradiction ». Voir Eaux de contradiction, t. ii, col. 1523. De Cadès, Moïse envoya des messagers au roi d'Édom pour obtenir la permission de traverser son territoire, 'afin de gagner ainsi les frontières de la Terre Promise : mais Édom refusa formellement. Quelque temps après, se rapprochant de la Terre Promise dans la direction de l’est, les enfants d’Israël quittèrent définitivement le désert de Pharan. Num., xx, 1-22.

Le nom de Pharan ne paraît plus que deux fois dans l’histoire sainte. David, persécuté par Saûl, se réfugia dans le désert de Pharan, après la mort de Samuel, I Reg., xxv, 1, d’après le texte hébreu, le Codex Alexandrinus et la Vulgate. Le Codex Vaticanus lit Maon, à cause de la suite du récit. Voir Maon, t. iv, col. 703. — Adad l’Iduméen, fuyant devant Joab, traversa avec ses hommes le désert de Pharan et emmena avec lui plusieurs habitants du pays qui l’accompagnèrent en Egypte où il se réfugia. III Reg., iii, 18.

A. Molini.

2. PHARAN (hébreu : 'Êl-Pd’rân ; Septante : zspéêiv60? toS *apàv ; Vulgate : campestria Pharan, Gen., xrv, 6), l’extrême point méridional de l’expédition de Chodorlahomor contre les rois de la Pentapole. ÊlPharan, d’après les Septante et la Vulgate, était dans le désert ; d’après l’hébreu, près du désert. L’appellation de Pharan lui vient probablement du désert du même nom, dont il aurait été dans des temps très reculés la dernière limite orientale. D’après les Septante, 'êl désigne un térébinthe qui était connu et célèbre dans le pays. Beaucoup de commentateurs croient que cette traduction est exacte. D’après d’autres, 'êl serait le nom antique de la ville d'Élath, mais ce n’est qu’une conjecture. Voir plus haut, col. 188.

A. Molini.

3. PHARAN (MONTAGNE DE) (hébreu : har Pâ'rân ; Septante : opoç $apâv), montagne du désert de Pharan. Elle est nommée dans deux passages de l'Écriture : Deut., xxxiii, 2 ; Hah., iii, 3. L’un et l’autre font allusion, en langage poétique, aux merveilles opérées par Dieu à l'époque de la sortie d’Egypte. Dans l’exorde du cantique où il bénit les tribus d’Israël, Moïse s'écrie :

Jéhovah est venu du Sinaï,

Il s’est levé pour eux de Séïr,

II a resplendi des montagnes de Pharan,

Il est sorti du milieu des saintes myriades.

De sa droite jaillissaient sur eux des jets de lumière.

Habacuc, ta, 3, supplie Dieu de renouveler l'œuvre

de miséricorde et de justice acccomplie dans le passé en se montrant de nouveau à son peuple :

Dieu vient de Théman

Et le Saint de la montagne de Pharan.

Les données de ces textes sont trop vagues pour nous permettre d'établir avec certitude l’identité des monts de Pharan. D’où la divergence d’opinion parmi les savants. Les uns les identifient avec le Djebel Moukrah (1050 mètres d'élévation) à 46 kilomètres au sud A’Aïn-Qadis, à 80 kilomètres à l’ouest d'Édom, et à 200 kilomètres au nord du Sinaï. Le Djebel Moukrah occupe la partie méridionale du plateau accidenté qu’habitent aujourd’hui les Arabes AzdziméhW. Schultz, Das Deuteronomium erklért, 1859 ; Palmer, The Désert of the Exodus, p, 510, 288, 344-345. — D’autres, au contraire, retrouvent lés montagnes de Pharan dans la chaîne qui du Sinaï se projette vers le nord-est, tout le long de la côte ouest du golfe Élanitique jusqu'à Édom. Driver, Deuteronomy, Edimbourg, 1902, p. 391. — Har-Pâ'rdn peut signifier aussi « la région montagneuse et sauvage qui est située au sud de la Palestine. » L.-Cl. Fillion, Bible commentée, t. vi, p. 520.

A. Molini.

I. PHARAON (hébreu : Pare'ôh ; Septante : *apaw), titre des rois d’Egypte. — I. Signification. — Le sens du terme pharaon n’est point douteux dans la Bible : c’est le nom générique des rois d’Egypte, au temps d’Abraham, de Moïse et de l’Exode, des rois et des prophètes. Gen., xii, 15-20 ; Exod., vi, 41 ; III Reg., ix, 16 ; Is., xxxvi, 6, etc. Pour deux d’entre eux seulement le nom générique se rencontre à côté du nom propre : « Pharaon Néchao » et « Pharaon Ephrée », de la XXVIe dynastie. Quatre autres sont désignés simplement par leur nom propre, dont deux de la XXIIe dynastie, Sésac et Zara ; et deux de la XXVe, Sua et Tharaca. Voir ces noms. Ces exceptions n’infirment en rien l’usage général et l’on peut dire que pour les auteurs sacrés tout roi d’Egypte s’appelait Pharaon, de la même manière que plus tard toute reine d’Ethiopie s’appela Candace, que dans les temps modernes tout empereur de Russie s’appelle tsar.

II. Étymologie. — L’origine du mot pharaon est égyptienne. 'O 3><xpa(iv koct' AiyuTCTfou ; (3aot).£a ctï)[aouvsi. Josèphe, Ant. jud., viii, 6, 2, nous en avait déjà prévenus. Rosellini, Monumenli storici, 1832, i, p. 116117 ; Lepsius, Die Chronologie der Aegypter, 1849, p. 336, et Chabas, Le papyrus magique Harris, 1860, p. 1860, p. 173, note 2, ont proposé successivement comme origine du mot pharaon l’expression égyptienne

^Él ?, pa râ, « le soleil, le dieu Râ ». Avec plus

d’apparence de raison, Stem, Koptische Grammatik, 1880, p. 92, et Zeitschrift fur âg. Sprache, t. xxii, 1884, p. 52, a affirmé que Pharaon était identique à ^L/III' pa our àa, « le grand prince ». Mais ce titre fréquent, qu’on rencontre en particulier dans le traité entre Ramsès II et les Khétas et dans une stèle du temps de Scheschanq IV, « était celui que la chancellerie égyptienne donnait aux princes asiatiques ou africains, soit qu’ils reconnussent, soit qu’ils ne reconnussent pas la suzeraineté des Pharaons. » Maspero, Sur deux stèles récemment découvertes, dans Recueil des travaux relatifs à la philologie et à l’archéologie égyptiennes et assyriennes, t. xv, 1893, p. 85. De bonne heure cependant, E. de Rougé, Note sur le mot Pharaon, dans le Bulletin archéologique de l’Athéneum français, 1856, p. 66-68, avait indiqué l'étymologie vraie de ce mot en

le dérivant de

m

per âa, « la grande maison, le palais ». Il se rencontrait avec l’oïxoç uiY a î de la tradition grecque conservée par Horapollon, Hieroglyphica, i, 61, édit. Leemans, 1835, p. 58. Cf. Maspero, ;

Histoire ancienne de l’Orient classique, t. i, 1895, p. 263, note 4. Pour les autres appellations royales, voir Erman, Aegypten und âgyptisches Leben, édit. anglaise, 1895, p. 58, et Maspero, loc. cit., p. 263-264. Aujourd’hui tout le monde est d’accord que Pharaon, Pare'ôh, est la forme hébraïsée de per àa, comme le

f-*']*— »-w.4**~-| t : i ||| e= i Pi-ir-'-w de Sargon parait en être la forme assyrianisée. Cf. Oppert, Mémoire sur les rapports de l’Egypte et de l’Assyrie, 1869, p. 15. L'étude des textes égyptiens de plus en plus nombreux nous a fourni sur l’expression per àa et sur son évolution dans la langue des données d’un haut intérêt pour la Bible.

III. Historique. — Ici nous avons pour guide principal, sans nous y astreindre de tous pointset sans nous dispenser de recourir aux sources, un remarquable article de Griffith : Chronological value of Egyptian mords found in the Bible, dans les Proceedings ofthe Society of biblical archseology, t. xxiii, 1901, p. 72-76. Sous l’Ancien Empire où les inscriptions officielles sont

les seuls témoins de la langue, le mot "" _ est pris au sens littéral de « grande maison », palais du souverain : h— sL, per âa n souten. Mariette, Mastabas, C 1,

p. 112. Il entre surtout en composition avec toute une série de titres : « Ami unique dé la faveur de la grande maison », ibid., C 25, p. 160 ; « connu de la grande maison », ibid., D 51, p. 314 ; « médecin de la grande maison », ibid., D 11, p. 203 ; « surintendant du jardin » ou « domaine de la grande maison », Inscription d’Ouni, dans E. de Rougé, Recherches sur les monuments qu’on peut attribuer aux six premières dynasties, pi. vil, lig. 9. Dans tous ces titres nous voyons per àa s'écarter de son sens primitif, une métonymie s'ébauche, si bien que partout nous pourrions le traduire par « roi ». Pourtant ce n’en est pas encore le synonyme adéquat, ce n’en est qu’une paraphrase respectueuse, quelque ehose comme le Saint-Siège pour le pape, la Sublime Porte pour le sultan. Cf. W. M. Muîler, art. Pharaoh, dans Cheyne, Encyclopedia biblica, t. III, col. 3687. — Au moyen empire, XIIe -XVIIe dynastie, avec les papyrus nous sortons des textes officiels et de leurs artifices. Désormais c’est l’idiome populaire, plus fidèle interprète de la nature du langage et de ses particularités, qui va nous fournir des exemples. Là encore per àa se montre tantôt avec un sens franchement littéral, tantôt avec un sens plus vague derrière lequel se cache le roi. Ainsi, à la XIIe dynastie, il est question de taxes sur le bétail pour « la grande maison ». Griffith, Hieratic Papyri from Kahun and Gurob, 1898, pi. xvi, et p. 30. À la XIIIe dynastie on parle de « la porte de la promenade du roi dans la grande maison ». Mariette, Papyrus égyptiens du musée de Boulaq, t. ii, 1878, n. XVIII, pi. xxx ; de « provisions envoyées à la grande maison », ibid., pi. xxxm. Dans un document qui est pour le moins de la fin du moyen empire, nous lisons encore : « la cour de la grande maison », Erman, Die Mârchen des Papyrus Westcar, 1890, pi. vin et p. 10. Deux remarques sont à faire sur les textes de cette période : 1° Le mot per âa s’y trouve ordinairement

au duel, , per(oui) àa(oui), « les deux grandes

maisons », particularité qui tient à ce que l’Egypte fut de tout temps divisée en deux terres, la terre du Sud et la terre du Nord. L’union des deux terres se faisait dans la personne du roi, qui devenait ainsi le. double roi, le roi de la Haute et le roi de la Basse-Egypte, et, par suite, ce qui se rapportait à lui revêtait un caractère de dualité pour répondre à sa double personnalité. Ainsi « la Maison Blanche (magasin royal) » était c la double Maison Blanche », le Palais était « la double

grande maison ». Cf. Erman, Aegypten, loc. cit., et Maspero, Les contes populaires de l’ancienne Egypte, 3e édit. (1905), p. 14, notel. 2° Per âa à cette époque est presque toujours suivi

du souhait royal par excellence + i II, ânk oudja senb,

« vie, santé, force ! » ce qui est un signe, dans le fond, 

que la métonymie prend corps de plus en plus, que le nom du palais marche vers une personnification et va être attribuée au maître lui-même du palais. En effet, la personnification est un fait accompli sous le nouvel empire. — À la XVIIIe dynastie, une lettre, adressée à Aménophis IV (Khounaton), porte en suscription

per âa ânk oudja senb Neb : « Pharaon v. s.

Ml » f. ! le Maître ! » tandis qu'à l’intérieur la titulature complète du roi remplit les trois premières lignes. Griffith, Hieratic Papyri, etc., pi. xxxviii et p. 92. À la XIXe dynastie, per àa prend le déterminatif personnel

  • " J + J I, « Pharaon v. s. f ! » et devient une expression courante pour désigner le roi, comme dans le

Conte des deux frères, écrit au temps de Ramsès II. Birch, Select papyri, t. ii, 1860, pi. x, lig. 8, 9, 10 ; pi. xi, lig. 1, 3, 4, etc. Et, remarque importante, le mot « Pharaon » se présente toujours sans être accompagné du nom royal jusqu'à la XXIIe dynastie. À cette époque seulement on commence à le faire suivre du nom du roi. De ce fait l’un des Scheschanq (Sésac) est le premier

exemple, dans une stèle hiératique : J J T I I

imiV^V^V^lf 1 '" le P h " aon v - s - f Shashaka v. s. ꝟ. ». Spiegelberg, Eine Stèle aus der Oase Dachel, dans Recueil des travaux, t. xxi, 1899, p. 13. A la XXVe dynastie abondent les documents légaux et dans les dates des papyrus de l'époque de Taharqa on trouve per àa précédant le nom royal. Revillout, Quelques textes démotiques archaïques, papyrus 3228 du Louvre. A partir de ce moment jusqu'à la fin de la période païenne, tous les rois en démotiques sont intitulés « Pharaon »,

FH) i i ou avec Ie cartouche ( p^ I. — Chez

les Coptes, l’ancien per âa perdit le a’in et devint nepo, Griffith, Stories of the high priest of Memphis, 1900, p. 73, note 7 ; puis le n initial, considéré à tort comme l’article, disparut à son tour et il resta epo, ppo, cs-pto. Steindorff, Zeitschrift fur âg. Sprache, t. xxvii, 1889, p. 107 ; Sethe, Das âgyptische Verbum, 1. 1, 1899, p. 22. IV. Le mot pha.ra.on et la critique de la Bible. — On a voulu tirer contre l’authenticité du Pentateuque une objection de la manière dont y figure le mot Pharaon. Les uns ont dit : « Delà part d’un homme (Moïse) élevé à la cour du roi, nous aurions pu nous attendre… à des renseignements plus précis sur les noms propres… Il y en a si peu que, dans toute cette histoire (l’Exode), il est toujours question du roi Pharaon, qu’il s’agisse de celui dont la fille recueillit l’enfant dans le fleuve, ou de celui devant lequel le vieillard octogénaire se' présente pour demander la liberté de son peuple. Le rédacteur n'éprouve pas le moindre besoin de distinguer par leurs noms des personnages si importants. La notice qu’il survint un autre roi qui ne savait rien de Joseph… n’est pas précisément l’indice d’un témoignage immédiat. » Reuss, L’histoire sainte et la loi, t. ii, 1879, p. 80-81. Sans nous arrêter à relever l’expression inexacte « roi Pharaon », cf. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, t. IV, 1902, 5e édit., p. 375-376, il nous suffira de remarquer, qu’en ne désignant le roi que par son titre générique de Pharaon Moïse est en parfait accord avec les usages d’Egypte à son époque. Il nomme le roi comme on le nommait du 193

PHARAON D’ABRAHAM

194

temps de Ramsès II, comme faisait, par exemple, l’auteur du Conte des deux Frères, On ne peut donc lui demander une meilleure mise au point. « Ce fut surtout au temps des Ramsès, quand le peuple d’Israël était prisonnier en Egypte, que ces mots (per àa) servirent à dénommer le roi du Delta et de la Thébaïde… Lorsque nous donnons aujourd’hui à Ramsès le nom de Pharaon, nous employons l’expression même dont se servaient ses contemporains pour le désigner. » V. Loret, L’Egypte au temps des Pharaons, 1889, p. 18. Par cette simple observation nous voyons aussi le cas qu’il faut faire de cette autre affirmation, au sujet du séjour d’Abraham en Egypte, Gen., xii, 15 sq. : « Le récit contient une pâle représentation des choses d’Egypte ; il ne connaît ni le nom du Pharaon ni le nom de sa capitale, » Gvmkel, Genesis, 1901, p. 156. Smis doute, au temps d’Abraham, per àa n'était pas encore devenu l’expression usuelle pour désigner le roi. Mais rappelons-nous que Moïse vit, écrit et meurt en pleine époque ramesside. Voudrait-on qu’il eût fait de l’archaïsme ou du style de basse époque ! Et précisément, ce qui fait que le Pentateuque, en ce qui concerne le mot Pharaon — seul point en question ici — est pour nous l'œuvre de Moïse, c’est que le mot Pharaon reste indéterminé sous sa plume. Le préciser par l’adjonction d’un prénom serait nous rejeter au moins à la XXII dynastie, c’est-à-dire après l’an 1000. C’est justement pour placer la composition du Pentateuque vers cette date que d’autres ont émis des conjectures d’apparence plus scientifique. Us veulent bien que le titre « Pharaon » soit employé familièrement dans la littérature populaire du Nouvel-Empire. Mais c’est plus tard seulement, affirment-ils, qu’il devient le mot usuel pour « roi » et se substitua aux anciennes expressions comme honef, « sa majesté », et sotiten. Par conséquent les Hébreux ne purent le recevoir qu’après l’an 1000 avant J.-C. W. M. Mùller, art. Pharaoh, loc. cit. M. W. M. Mûller oublie que l'évolution du mot per àa est complète sous la XVIIIe dynastie, témoin l’adresse de la lettre à Aménophis IV. Pharaon est donc dès lors le mot usuel, le terme courant et à la portée de tous qu’un historien emploiera de préférence. Et pourquoi les Hébreux vivant en Egypte et mêlés aux Égyptiens, pourquoi Moïse surtout, élevé dans le palais royal, auraientils ignoré ce fait et parlé autrement que les gens qui les entouraient ? Ce raisonnement garde toute sa valeur même dans l’hypothèse peu recevable de ceux qui veulent faire coïncider l’Exode avec les temps troublés d' Aménophis IV. W. M..Mûller, loc. cit., prétend tirer une confirmation de son dire dans le fait qu’en Asie, au xiv « siècle, le mot Pharaon est absent des Lettres cunéiformes de Tell Amarna adressées à Aménophis III et à Aménophis IV de la XVIIIe dynastie. Mais on ne peut établir de parité entre les auteuus de ces lettres, des roitelets syriens, vivant en dehors de la vie égyptienne, et les Hébreux habitant la terre même des Pharaons, et Moïse surtout « instruit dans toute la sagesse des Egyptiens », Act., vii, 22, et auquel nous ramène à chaque instant, comme à l’auteur du Pentateuque, ce que nous révèle l'égyptologie. Cf. Heyes, Bibel und Aegypten, i$0b, p. 24. C. Lagier.

2. PHARAON D’ABRAHAM. — 1° C’est le premier que mentionne la Bible. Gen., xii, 15. Avec Ebers, Aegypten und die Bûcher Mose’s, t. i, p. 256-258, et d’autres, ce Pharaon doit-il être cherché parmi les Aménémhat ou les Osortésen de la XIIe dynastie, c’est-à-dire aux environs de l’an 2000? Il n’y aurait pas d’hésitation possible si nous devions admettre comme certaine la récente chronologie baséeparEd. Meyer, Aegyptische Chronologie, dans les Abhandlungen der kbniglichen preussischen Akademie, 1904, sur un lever de Sothis découvert dans un papyrus de Kahun par Borchardt. Zeitschrift fur


àg.Sprache, t. xxxvii, 1899, p. 99-101. J. H. Breasted, A history of Egypt, in-8°, New-York, 1905, et Ancient Records of Egypt, t. i, 1906, p. 25-39, accepte de confiance cette chronologie. Mais ainsi que leremarque Maspero, Revue critique, nouvelle série, t. i, xii, 1906, p. 142, « lors même qu’on admettrait l’authenticité des calculs élevés sur cette observation, la réduction systématique du nombre de siècles assignés aux dynasties antérieures à la XVIII<> n’est qu’une affaire de sentiment. M. Borchardt ayant à choisir pour l'époque delà' XIIe dynastie entre deux périodes sothiaques dont l’une le reportait au début du troisième millénaire avant J.-C ; , et l’autre au début du quatrième, a choisi la première a priori parce que l’autre ne lui convenait pas, et Ed. Mayer s’est rangé à cette façon de penser sur Vautorité de Borchardt : en lionne critique ils auraient dû se borner à poser l’alternative et à indiquer leur opinion personnelle sans l'ériger en axiome ne varietur. » Voir dans Archssological Report, 1904-1905, de VEgypt Exploration Fund, p. 43-44, un résumé de la question et des discussions qu’elle a soulevées entre Allemands. Faut-il maintenant avec d’autres retarder l’arrivée d’Abraham en Egypte ? C’est en particulier l’opinion de Sayce, The Egypt of the Hebrews and Herodotos, 3e édit., 1902, p. 16 sq. Il faut l’en croire si l’on accepte les calculs de Flinders Pétrie, Researches in Sinai, Londres, 1906, c. xii, p. 163185. Celui ci reprend résolument la période sothiaque abandonnée par Borchardt et Ed. Meyer, tâche de l'étayer à l’aide de dates trouvées au Sinaï, et assigne comme origine à la XIIe dynastie l’an 3459. Reste alors l’espace suffisant pour caser entre la XIIe dynastie (34593246) et la XVIII 6, qu’on admet de part et d’autre commencer vers 1580, pour caser, dis-je, la longue XIIIe dynastie et les suivantes qui comprennent la période des Hyksos. Reste aussi pour les dynasties XIII-XVII, si peu connues, * assez de jeu dans la chronologie relative de l’Egypte pour que, dit Maspero, loc. cit., nous y puissions ranger les faits nouveaux sans être obligés à démolir et à reconstruire un système rigoureux à chaque découverte d’un règne inconnu. » Étant données ces incertitudes de la chronologie générale, qui s’aggravent encore dans les détails, il n’est donc pas possible actuellement d’identifier le Pharaon d’Abraham ni même la dynastie contemporaine. Mais ce Pharaon n’en rappelle pas moins la vallée du Nil. Quoi qu’on en ait dit, il agit et parle en roi égyptien. L’exactitude de l'écrivain sacré et la confiance qu’il mérite ressortént pleinement du récit.

2° Le pharaon, dit la Genèse, xii, 16, fit bon accueil à Abraham. Ce n'était pas la première fois que des Sémites trouvaient faveur en Egypte. Le tombeau de Khnoumhotep à Beni-Hassan nous fournit un tableau d’immigrants asiatiques qui peut servir d’illustration â la descente d’Abraham, des enfants de Jacob et de Jacob lui-même en Egypte. Voir t. ii, la planche entre les colonnes 1067-1070. La caravane compte, hommes, femmes, enfants, trente-sept personnes. Quand même l’inscription ne le dirait pas, on ne peut se tromper sur la race à leurs traits, à leurs vêtements multicolores, à leurs armes. Ils ont le nez fortement aquilin, la barbé des hommes est noire et pointue, leurs armes sont l’arc, la javeline, la hache, le casse-tête et le boumerang. Si la plupart des hommes n’ont pour vêtement que le pagne bridant sur la hanche, le chef porte un riche manteau, les femmes, de longues robes de bon goût et de belle élégance, le tout rayé, chevronné, quadrillé de dessins bleus sur fond rouge ou rouges sur fond bleu, semé de disques blancs centrés de rouge. Des ânes portent le mobilier. Un autre âne est muni d’une sorte de selle à bords relevés où sont assujettis deux enfants.. G’est le grand veneur Néferhotep qui a rencontré ces Amoii, le scribe royal Khéti les a aussitôt inscrits et, en les pré V. - 7

sentant à son maître, il lui transmet la requête du chef de la tribu, Abescha. Celui-ci demande à s'établir sur les terres de Pharaon. En signe de soumission, il offre les produits du désert, du feob.1, un bouquetin et une gazelle. Knoumhotep le reçoit, lui et les siens, avec le cérémonial usité pour les personnages de distinction. Ceci se passait sous la XIIe dynastie, en l’an VI d’Osortésen II, avant la venue d’Abraham en Egypte. Cf. Newberrj, Beni-Hasan, part, i, pi. xxxi, xxxviii et p. 69 (Mémoire i de YArchxological Survey).

3° Abraham avait une raison de plus d'être bien traité : il était accompagné de Sara, 'remarquable par sa beauté, et qu’il faisait passer pour sa sœur. Les sujets du Pharaon en préviennent aussitôt leur maître. Et Sara enlevée est placée dans le harem royal. En Egypte, comme dans tout l’Orient, le roi, outre l'épouse principale, avait un harem où il s’arrogeait le droit d’introduire toute femme libre à sa convenance. Un grand officier en était le gouverneur. Il avait sous lui un scribe et divers fonctionnaires. Cf. Erman, Aegypten und âgyptisches Leben, édit. anglaise, p. 74. Tout ce monde était attentif à prévenir les désirs et les passions de leur seigneur, comme les courtisans du Conte des deux Frères. Une boucle de cheveux parfumés a été apportée par le Nil. Les scribes et les sorciers s'écrièrent aussitôt : « Cette boucle de cheveux appartient à une fille de Phra-Armachis qui a en elle l’essence de tous les dieux ! a Des messagers à la hâte se mettent en campagne et l’on amène la personne que le Pharaon salue grande favorite. Maspero, Les contes populaires de l’ancienne Egypte, 3e édit. (1905), p. 13-14. Mais les préférences des Égyptiens allèrent de tout temps aux filles de l’Asie. Dans VOstracon 2262 du Louvre nous voyons le prince Samentou, fils de Ramsès II, accepter dans son harem une fille sémite de basse naissance, « suivant une ancienne coutume pratiquée par les Pharaons comme par les sujets. » Spiegelberg, Ostraca hiératiques du Louvre, dans Recueil des travaux, t. xvi, 1894, p. 64-65. Les roitelets syriens pour se faire bien venir du Pharaon, sous la XVIIIe dynastie, ne manquent pas de le pourvoir de femmes esclaves et se prévalent du présent. C’est ainsi qu’Abkhiba de Jérusalem rappelle qu’il a envoyé au Pharaon vingt et une esclaves. Winckler, Die Thontafeln von Tell-el-Amarna, n. 181, p. 309. Aménophis II admit dans son harem au moins trois princesses sémites, dont l’une, comme suite, n’amena pas moins de trois cent dix-sept compagnes choisies. Pétrie, À history of Egypt, t. ii, 3 S édit., 1889, p. 181-182. Ces quelques exemples que l’on pourrait multiplier, suffisent à prouver que l’enlèvement de Sara était un geste vraiment pharaonique. On sait ce qui en résulta. « Et Pharaon appela, AJjraham et lui dit : Qu’est-ce que tu as fait ? Pourquoi ne m’as-tu pas fait savoir que c'était ta femme ? Pour quel motif m’astu dit qu’elle était ta sœur, de telle sorte que je la prisse pour femme ? » Gen., xii, 18-19. Il semble que les grandes plaies dont Dieu frappa le Pharaon à cause de Sara aient réveillé dans son cœur la crainte de l’adultère. Tout défunt avait en effet à répondre à ses juges sur cet article et la porte du séjour des dieux lui était fermée s’il ne pouvait dire : « Je n’ai pas eu commerce avec une femme mariée. » Pierret, Le Livre des morts des anciens Égyptiens, c. cxxv, p. 374.

4° Sara fut donc rendue à Abraham et celui-ci avec tons ses biens et les présents qu’il avait reçus remonta « vers la région méridionale… Et il était très riche et possédait beaucoup d’or et d’argent. » Gen., xiii, 1, 2. Cet or ne lui venait pas de la terre de.Chanaan qui n’en produisait pas, mais de la munificence du Pharaon. De tout temps l’or abonda en Egypte apporté par les Nomades, et le Pharaon en était l’unique dispensateur. Il y abonda surtout à partir de la XII » dynastie lorsque les limites de l’empire furent reportées par la conquête

à la seconde cataracte, jusqu'à Semnéh, et que les districts de l’or furent ouverts aux expéditions annuelles. Nous apprenons par la tombe d’Améni que cet officier dirigea deux expéditions aux mines de l’Etbaye, suivi la première fois d’une escorte de quatre cents, la seconde fois de six cents hommes. À chaque fois il ramena au Pharaon Osortésen I er tout l’or qui lui avait été demandé. Newberry, loc. cit., pi. viii, p. 21-26. Au retour d’une de ses campagnes en Nubie, Osortésen III délégua à Abydos son trésorier Ichernefret pour orner le sanctuaire d’Osiris, ses barques et tout le mobilier avec l’or rapporté. Stèle 1204 de Berlin, publiée par H. Schæfer, dans les Untersuchungen zur Geschichte und Alterthumshunde Aegyptem de Sethe, t. iv, fascic. 2, 1905. Les prodigieux trésors découverts à Dahchour par M. de Morgan confirment cette abondance de l’or sous la XIIe dynastie. Fouilles à Dahehour,

1894, pi. xv-xxv et p. 60-72 ; Fouilles à Dahchour, 1894 1895, pi. v-xm et p. 51-53, 58-65, 67-68.. Sous la XVIII » dynastie cette richesse excitera Vauri sacra famés des roitelets syriens. Il leur faut de l’or, de l’or pur, ils y reviennent sans cesse dans leur correspondance. « Que mon frère, écrit l’un d’eux à Aménophis III, m’envoie de l’or en grande quantité, sans mesure ; qu’il m’en envoie plus qu’il n’a fait à mon père. Cardans la terre de mon frère l’or est aussi commun que la poussière. » Winckler, loc. cit., n. 25.

Quant à l’objection tirée de la présence du chameau parmi les dons du Pharaon à Abraham, voir Chameau, t. ii, col. 524-525. Ajoutons que les études et les fouilles récentes confirment sur ce point les données de la Bible. Le musée de Berlin possède un vase en terre cuite représentant un chameau accroupi, chargé de quatre jarres et monté par son conducteur. Von Bissing, Zur Geschichte des Kameels, dans la Zeilschrift fur âg. Sprache, t. xxxviii, 1900, p. 68-69 ! estime que cet objet remonte aux derniers Ramessides, 1100-1000 avant J.-C. Plinders Pétrie, dans ses fouilles de 1907, Gizeh and Rifeh, p. 23, a trouvé aux environs d’Assiout, dans une tombe de la XIXe dynastie, la représentation bien authentique d’un chameau. Le même Flinders Pétrie, Abydos, part, ii, 1903, pi. x, n. 224 et p. 27, 49 (Mémoire xxiv de VEgypt Exploration Fund) avait déjà trouvé en Abydos une tête de chameau en terre cuite, contemporaine des objets de la I rc dynastie.

C. Lagier.

3. PHARAON DE JOSEPH. — 1° En admettant, comme on le fait généralement aujourd’hui, que l’Exode eut lieu dans les premières années de Menephtah qui commença de régner vers 1225, et en ajoutant à ce chiffre les 430 ans que les Hébreux passèrent en Egypte, Exod., XII, 40, nous obtenons la date approximative de 1655, époque de leur arrivée dans la terre de Gessen, époque aussi des Hyksos égyptianisés, mais à leur déclin. Cela concorde avec la tradition. Jean d’Antioche, dans Hist. grœc. fragm., fragm. 30, édit. Didot, t. iv, p. 555. Or, parmi les derniers rois Hyksos, XVIe ou XVIIe dynastie, se trouvent les Apapi, et c’est précisément sous un Apapi, d’après la tradition encore, que Joseph devint vizir d’Egypte : Xéfoviffi tivsî… t<5 retàptc ; ) era tîjç PauXeia ; aO-roS TAçoçt ; ) tôv 'Iio<jt)9 ÈXfteïv ilç

Afy’JTtTOV 80ÛXOV. OiïOÇ XaTSOT71<Je TOV 'Ih>TT|Ç XUpCOV

AtyyTtTO’j xat tox<it|ç tîjç pa<nXe[aç avroû t<5 i£' ïzti xti ; àp ; £T| ; aû-roû. Syncelle, Chronographie, édit. Dindor/, 1829, p. 204. L’un des Apapi, peut-être le second, serait donc le Pharaon de Joseph. Voir Joseph, t. iii, col. 1657. Contre ce calcul on a invoqué la stèle de Menephtah. Voir Menephtah, t. iv, col. 956-957. En l’an V de Menephtah, disent quelques-uns, les Hébreux sont en Palestine où ils se trouvent en conflit avec les Égyptiens, ce qui permet à Menephtah d’affirmer qu' & Israël est déraciné ; qu’il n’y en a plus de graine » ou « de postérité ». W. Mûller, loc. cit., col. 3688 ; Steindorff,

ZeitschriftfûrdievlttestamentlicheWis$enschaft, t.xv, 1896, p. 330, etc. À cela on a fait deux réponses principales : — a) Les troupes de Ménephlah, si tant est qu’elles poussèrent jusqu’en Palestine, purent y trouver des Israélites, mais non ceux de l’Exode. Jacob en effet descendit en Egypte seulement avec ses fils et leur famille, au nombre de soixante-dix personnes, Gen., xlvi, 27 ; mais une partie de la tribu, de cette tribu qui avait déjà fourni à Abraham trois cent dix-huit hommes pour combattre Chodorlahomor, Gen., xiv, 14, resta au pays. D’autres Israélites durent revenir dans l’intervalle. Tout ce monde campait dans la région d’Hébron, autour du tombeau d’Abraham où Joseph avait ramené le corps de son père. Gen., l, 13. Pendant que les Israélites de Gessén poursuivaient leur marche au désert, c’est dans ce lieu de ralliement des groupes épars que Menephtah put écraser les Hébreux restés dans le pays ou revenus d’Egypte soit après la fin de la disette, soit lors du voyage de Josepli, soit à d’autres époques. Cf. Daressy, Bévue archéologique, 3° série, 1898, t. xxxiii, p. 262266. — b) « Il me semble, dit Edouard Naville, que nous avons là une allusion très courte au fait que l’Exode a eu lieu, » que nous avons aussi « la version égyptienne, ou plutôt le nom que les Égyptiens donnaient à cet

36. — Anneau (sceau) portant le nom d’Apapi I", le « bon roi Aaouserra, donnant la vie ». Le chaton, en stéatite vernissée dé vert, est taillé en forme de scarabée avec’une tête d’homme, et sertie dans une légère monture d’or. Sur la base du chaton est gravée en intaille et dans un cartouche le nom du roi. Un fil d’or fixe le chaton à la monture. D’après Newbervy, Scarafos, frontispice.

événement : l’anéantissement des Israélites. Je ne vois rien là qui aille à l’encontre de l’ancienne idée qui plaçait l’Exode au commencement du règne de Menephtah, c’est-à-dire peu avant le moment où la stèle a été gravée. Les Israélites étaient dans le désert marchant vers la Terre Promise… Pour les Égyptiens ils n’existaient plus, ils avaient disparu dans le désert et ils n’avaient laissé derrière eux aucune postériié. Cette explication me semble en harmonie avec le langage habituel des Pharaons. Dans la bouche du roi d’Egypte ou de ses écrivains officiels, la sortie des Israélites ne pouvait être que leur destruction ». Les dernières lignes de la stèle mentionnant les Israélites, dans Recueil des travaux, t. xx, 1898, p. 37. Cf. Revue égyptologique, t. ix, 1900, p. 111. Le Pharaon de Joseph était donc probablement Apapi II (fig. 36). Qu’il soit égyptianisé, il le montre par sa manière de faire. En effet :

2° Ce pharaon célèbre le jour de sa naissance. Gen., xl, 20. Les théogamies des temples, expression d’une tradition antique et commune à tous les Pharaons, nous disent de reste qu’un pareil jour devait être tout à la joie. Ne rappelait-il pas le jour où les déesses accoucheuses avaient reçu dans leurs bras le pharaon « dès l'œuf », le dieu nouveau-né, et l’avaient présenté à son père selon le sang, Ra ou Amon, tout le ciel étant dans la jubilation ? Cf. A. Moret, Du caractère religieux de la royauté pharaonique, 1902, p. 48-55, 66-67 ; Prisse d’Avennes, Monuments de l’Egypte, pi. xxi, lig. 3-4. Les Ptolémées, gardiens des croyances et des

coutumes pharaoniques, fêteront de même & le jour de la naissance du dieu bon s Épiphane, Pierre de Rosette, texte hiérogl. lig. 10, « la fête de la nouvelle' année — tx f&tiVkia — de Sa Majesté, » le dieu Évergète I CT. Décret de Canope, lig. 3. Et ces jours solennels sont une occasion de faveurs pour leurs sujets, Pierre de Rosette, lig. 47, comme pour l'échanson du Pharaon de Joseph, Gen, , xl, 21, comme pour les prisonniers à l’avènement de Ramsés IV, Maspero, Notes sur quelques points de grammaire et d’histoire, dans Recueil des travaux, t. ii, 1880, p. 115-117, ou ceux de la Pierre de Rosette, lig. 1 i. Ce dernier passage semble

lj^&£i

V*

37. — Aménothès, architecte sous Aménophis III, célèbre surtout dans la science des formules magiques et de ce chef devenu plus tard dieu ptolémaïque. Il était à ce double titre conseiller de son maître. — Musée du Caire. — Découvert & Karnak par M. Legrain en 1901.

exclure des faveurs certains coupables. Le grand panetier devait avoir à se reprocher un grand crime, car le Pharaon le condamne à la décapitation, comme Horemheb plus tard, à côté d’autres criminels châtiés moins sévèrement, condamnera au même supplice le receveur qui avait enlevé à un homme de peine la barque et le chargement qu’il convoyait pour le service d’un maître. Revue égyptologique, t. vlit, 1898, p. 120-121. Puis, en exemple, on suspendit à un gibet le cadavre du panetier, Gen., xl, 19, 22, comme fera Aménophis II pour sept chefs syriens révoltés, tués de sa main, et suspendus l’un aux murs de Napata, les autres aux murs de Thèbes. Maspero, Histoire ancienne, t. ii, p. 292. Cf. Capart, Note sur la décapitation en Egypte, dans Zeitschrift fur âgyptische Sprache, t. xxxvi, 1898, p. 125-126. Sur les plus anciens monuments de l’Egypte se trouvent des exemples de décapita

tion. Quibell, Bierakonpolis, part, i, 1900, pi. xxix.

3° Deux ans après, le pharaon eut le double songe des sept vaches grasses et des sept vaches maigres, des sept épis pleins et des sept épis desséchés. L’esprit « frappé », il convoque ses conseillers, comme cela arrive dans toutes les grandes circonstances : les sages et les magiciens. Gen., xli, 1-8. C’est ainsi qu’Osortésen I er, songeant à reconstruire le Temple d’Héliopolis, assemble son conseil et expose son plan que tous approuvent. L. Stem, Urkunde ûber den Bau des Sonnentempels zu On, pi. i, lig. 1-17, dans Zeitschrift fur àg. Sp. t. xii, 1874, p. 85 sq. C’est ainsi encore que Ramsès II, d’après la stèle de Kouban, sollicité d’assurer l’eau aux caravanes des mines d’or, s’inspire de ses conseillers pour la construction de nouvelles citernes. Prisse d’Avennes, loc. cit., pi. xxi. Si le cas était ardu, ce n'était plus seulement les sages ou hakamim qu’on appelait en délibération, mais aussi les magiciens ou hartumim. Voir Divination, t. ii, col. 14431444 ; Magie, t. iv, col. 563. « La sorcellerie avait sa place dans la vie courante aussi bien que la guerre, le commerce, la littérature, les métiers qu’on exerçait, les divertissements qu’on prenait… Le prêtre était un magicien… Pharaon en avait toujours plusieurs à côté de lui… et qui étaient ses sorciers attitrés. » Maspero, Les contes, préface, p. xlvi. Ils possédaient les secrets de Thot, gardaient soigneusement les écrits hermétiques par lesquels ils avaient puissance sur la nature. Cf. Maspero, loc. cit., p. 102-103, et Histoire ancienne, 1. 1, p. 145-146, 279-280. Ce sont ces mêmes conseillers, sages ou devins (fig. 37), dont le prophète raillera plus tard l’impuissance à sauver le pharaon et l’Egypte des Assyriens. Is., xix, 11-13. Le pharaon de Joseph ne lit donc, en convoquant les sorciers, qu’agir suivant la pratique courante. C’est, d’après la tradition, ce même Apapi qui ayant construit un temple à Soutek rêva d’imposer aux Thébains le culte de son dieu, Les grands ou sages ne purent lui dire quel moyen employer, tandis que le collège des devins et des scribes trouva un expédient qui lui plut. Maspero, Les contes, p. 238-242. Mais cet : e fois les devins furent impuissants à résoudre le cas.

4° L'échanson rétabli dans sa charge se souvint alors de Joseph qui expliqua le double songe. « Puisque Dieu t’a montré tout ce que tu as dit, tu seras établi sur ma maison et au commandement de ta bouche tout le peuple obéira, je ne serai plus grand que toi que par mon trône, » dit le Pharaon à Joseph. Gen., xli, 39-40, Le fait d’appeler Joseph à une si grande charge n’a rien que de très naturel de la part d’un roi Hyksos, puisque sous les dynasties indigènes la même chose se présente. À la cour de Ménephta, ii, le Chananéen Ben-Matana est le premier porte-parole du Pharaon. Mariette, Abydos, t. ii, pi. l ; Catalogue général des monuments d’Abydos, p. 422, n. 1145. Nésamon et Néferkaram-per-Amon, sous leurs noms égyptianisés, sont deux esclaves arrivés à être l’un, surintendant des domaines d’Amon-Ra, l’autre, procureur du Pharaon. Papyrus Abbot, pi. iv et passim. Ce qui avait lieu pour des esclaves pouvait à plus forte raison avoir lieu pour des étrangers de marque. À la cour de Thèbes, sous la XVIIIe dynastie, étaient élevés à l'égyptienne et comblés d’honneurs les fils des princes syriens, qu’on renvoyait ensuite à l’occasion commander dans leur pays. Mariette, Karnak, pt. xvli. Un chef de Gaza, Yabitiri, avait été conduit tout jeune en tgypte par un inspecteur égyptien. « Je m’attachai au roi mon maître, écrit "Yabitiri au Pharaon et je demeura^ à la porte du roi mon maître… Le joug du roi mon maître est à mon cou et je le porterai. » Winckler, Die Thontafeln von Tell el-Amarna, n. 214. Ce sera plus tard le cas de Hadad l’Iduméen qui, nous l’avons vii, épousa la sœur de la reine et dont le fils fut élevé parmi les princes du sang. Jéroboam sera accueilli de même par Sésac. III Reg., xi, 40.

5° Quand la Bible fait dire à Joseph par le Pharaon : « De ta bouche dépendra tout mon peuple, » elle ne

fait que traduire un titre égyptien "~"" Y vv, ra-heri

ou ro-heri, « bouche supérieure. » Le fonctionnaire qui portait ce titre était le premier intermédiaire "entre les fonctionnaires et le Pharaon : toutes les affaires passaient par lui. Un certain Rahotep était « la bouche du roi de la Haute-Egypte et l’oracle du roi de la Basse-Egypte ». Brugsch, Wôrterbuch, t. vi, p. 671. Tenouna de la XVIIIe dynastie s’intitule « grande bouche supérieure du pays tout entier ». Id., Recueil desmonuments, pi. lxvi a. Avant d'être roi, Ramsès III fut élevé par son père à la dignité de « grande bouchesupérieure de tous les pays d’Egypte ». Chabas, JRe SHilSiâ^iS !  ! 4

38. — Tradition du sceau. — Au nom de Toutankhamon, le grand chancelier remet au prince Houi le sceau de gouverneur ou vice-roi d’Ethiopie. XVIII* dynastie. L’inscription se traduit : « Kemise du sceau de la dignité de royal fils par le grand chancelier, afin que prospère la dignité du royal fils de Kousch Houi. » (Son commandement) va de Nekhen (El-Kab) à Keri CDjébel Barkal). — D’après Newberry, Scarabs, pi. n. — L’anneau et son chaton sont colorés en jaune pour indiquer qu’ils sont en or. Les deux personnages portent la robe de fin lin. „ Tombe de Houi à Thèbes. Colline de Kôurnet Mourai, près du petit temple de Deir el-Medinet.

cherches sur la XIX' dynastie p. 14, 27. Mais cette fonction n’entraînait pas nécessairement avec elle celle de vizir. Même dans le Papyrus Hood-Wilbour, lig 14, elle ne vient qu’après la fonction de maréchal de la cour. Cf. Maspero, Études égyptiennes, t. ii, p. 25-26. C’est pourquoi après avoir établi Joseph sur toute sa maison, le Pharaon qui veut faire mieux encore dit de nouveau : « Voici que je t’ai établi sur toute la terre d’Egypte. » Et en même temps il lui fait la tradition du sceau royal et de la robe de fin lin que nous voyons portée par Rekhmara, vizir de Thothmès III, dans l’exercice de ses fonctions. Chez Newberry, The life of Rekhmara, pi. xii, Rekhmara est assis dans la longue robe de vizir ; pi. xii et xxiii, il fait sceller les provisions du temple d’Amon, et il nous dit, pi. xvii, lig. 3, que lui-même il scelle de son sceau les portes du Trésor. Dans une tombe thébaine, Toutankhamon nommait Houi à la dignité de vice-roi de Chus

et lui remettait en grande pompe le sceau royal sous la forme d’un anneau d’or massif (fig. 38). Joseph reçoit de plus un collier d’or. Voir Collier, t. n. flg. 308, col. 837. C'était la récompense royale par excellence. La scène se reproduit souvent dans les tombeaux des grands fonctionnaires et les inscriptions ne manquent pas de noter Je nombre de fois que le Pharaon gratifia de la sorte le défunt. Ahmès d’El-Kab, le bras droit de son homonyme Ahmès I er dans l’expulsion définitive des Hyksos, reçut jusqu'à sept fois l’or de la vaillance. E. de Rougé, Mémoire sur le tombeau d' Ahmès, 1849, p. 61. Il suffira de renvoyer à Newberry, Rock Tombs of el-Amarna, part, ii, 1905, pi. xxxm et p. 36-37 (Mémoire xiv de Y Archeological Survey), où Mérira est

aujourd’hui encore les sais des équipages cairotes. Cf. en particulier Newberry, The rock tombs of elvmarna, loc. cit., pi. xiii, xv, xvi, xvii, où Khounaton sur son char est suivi de la reine et de ses filles également sur leurs chars. — Sur abrek, du héraut de Joseph, cf. Spiegelberg, Aegyptologische Randglossen zum Alten Testament, 1904, p. 14-18, et voir Abrek, t. i, col. 90 ; sur le nom donné à Joseph, voir Çafnat Pa’nêah. En changeant le nom de Joseph, le Pharaon se conformait à une coutume égyptienne. Plus haut nous avons déjà rencontré portant des noms égyptiens plusieurs étrangers. Un certain Sarebibina, grandprêtre d’Amon et prêtre de Baal et d’Astarté, sous Améhophis IV, s’appelait en égyptien Abaï. Lepsius, Denk 39. — Triomphe d’Aménophis III. Stèle découverte dans le temple funéraire de Mënephtah. Musée du Caire 1377. — Le tableau est double. La partie de gauche, incomplète ici, montre le pharaon sur son char marchant sur les Syriens. — La partie de droite est complète : le pharaon foule sous son char les vils Éthiopiens dont les chefs sont liés sur les chevaux. En légende, on lit : a (Le Dieu bon) maître du glaive, puissant à les enchaîner (ses ennemis du Sud) ; détruisant la face de la vile KouS, amenant leurs chefs en prisonni ers vivants. »

accablé d’or littéralement, et à la stèle C 133 du Louvre où Séti I er de son balcon tend les mains vers son favori Horkhem pendant qu’on passe au cou de celui-ci le collier d’or. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit. t. ii, p. 128-129.

6° Il fallait que le peuple qui devait, obéir à Joseph connût aussi son élévation, et c’est pourquoi Pharaon le fait monter sur son second char. Gen., xli, 43. Ce n'était plus la litière des anciens temps portée à épaules d’hommes ou assujettie entre deux ânes, mais le vrai char asiatique introduit en Egypte avec le cheval par les Hyksos. À partir de cette époque les monuments représentent partout le Pharaon paradant, combattant et triomphant sur un char enlevé par de grands chevaux (fig. 39). Il en est de même pour les hauts fonctionnaires. Naturellement la hiérarchie des chars suivait la hiérarchie des personnages, et comme Joseph était établi le premier après le roi, il devait marcher immédiatement après lui. Cf. Heyes, Bibel und Aegypten, ï fasc, p. 250-253. Grâce aux tombes de Tell el-Amarna, il n’est pas difficile de reconstituer Pharaon sur son char et son cortège, s’avançant au vent des grands éventails, précédé de ses coureurs que nous rappellent

màleraus Aegypten und Aethiopien, publiés par Naville, Sethe et Borchardt, t. ï, p. 16-17. Un chef des orfèvres, Kertana, devint Nefer-renpit. Naville, Das âgyptische Totenbuch der 18-30 Dynastie, 1886, Introduction p. 64. Ben-Matana, que nous connaissons, fut pour tous les Égyptiens Ramsès-m-per-ra, « Ramsès dans le temple de Ra » avec le surnom de Mer-on « aimé d’Héliopolis ». La princesse héthéenne qu'épousa Ramsès II ne nous est connue que par le nom égyptien que lui imposa le Pharaon : Our-ma-neferou-ra, « la grande qui voit les beautés de Ra ». Maspero, Histoire ancienne, t. ii, p. 405-406.

7° Quant au mariage de Joseph avec une fille d’un prêtre d’Héliopolis, il était des plus honorables. Le sacerdoce d’Héliopolis occupait J’undes premiers rangs par son antiquité et parla qualité de son dieu. À défaut de ses filles, le Pharaon alliait ses favoris à des filles de prêtre. Lui-même ne croyait pas déroger en choisissant parmi elles son épouse principale. La femme d’Amasis, la mère de Psammétique III, était de race sacerdotale. Wiedemann, Aegyptische Geschichte, 1880, p. 659.

8° On ne pouvait entrer en Egypte ou en sortir sans

l’assentiment du Pharaon. Aux immigrants autorisés à s’y établir était. assignée la place qu’ils devaient habiter. Nous avons vu les Amou du tombeau de Khnumhotep demander à se fixer en Egypte. ïte^Schasou au temps de Menephtah ne pénètrent avec leurs troupeaux dans les pâturages laissés libres par le départ des Hébreux qu’avec l’autorisation des gardes qui veillaient à la frontière, et aussitôt le Pharaon en est prévenu. Anastasi VI, pi. vi, 4. Dans le traité entre le roi héthéen Khétasar et Ramsès II, les contractants s’engageaient réciproquement à se rendre les transfuges. Lig. 22-25, dans Records of the past, 1™ série, t. iv, p. 30. L'Égyptien Sinouhit réfugié chez lès tribus voisines du Sinaï ne peut rentrer en Egypte que sur l’invitation du Pharaon alors régnant. Maspero, Les contes, p. 71-73. Nous ne sommes donc pas surpris de voir le Pharaon de Joseph autoriser Jacob et sa famille à demeurer en Egypte et leur désigner un territoire, Gen., xlvii, 1-6, pas plus que nous ne serons surpris de voir Menephtah résister au départ des Israélites jusqu'à la dixième plaie. C. Lagier.

4. PHARAON DE L' (( OPPRESSION ». Exod., i, 10, etc. Voir Ramsès II.

5. PHARAON DE L’EXODE. Voir MENEPHTAH, t. IV, col. 955-957.

6. PHARAON (FILLE DU). — I Par., iv, 18. Dans une généalogie, il est question d’une fille de Pharaon : Bi autem filii Bethiee filise Pharaonis quam accepit Mered. Mered avait peut-être rendu de grands services au Pharaon. Dans l’histoire de l’Egypte, il n’est pas rare de voir le roi récompenser ses serviteurs en les mariant à l’une de ses nombreuses filles. Bethia serait-elle une fille de Ramsès II ? Convertie à son mariage, elle aurait

Teçu un nom nouveau, n’ru, Bîtyah, « la fille de Jéhovah », nom d’autant plus auguste que son rang était plus élevé. Voir Bethia, t. i, col. 1686 ; Judaïa, t. iii, col. 1778 ; Méred, t. iv, col. 996.

7. LE PHARAON CONTEMPORAIN DE DAVID. —

Quand l’armée de David battit les Iduméens, Àdad, de la race royale d’Edom chercha un refuge auprès du Pharaon. III Reg., xi, 15-22. Ce Pharaon était probablement Psousennès II. Voir Adad 3, t. i, col. 166.

8. LE PHARAON BEAU-PÈRE DE SALOMON. — Un

Pharaon donna à Salomon sa fille en mariage. III Reg., m, 1. Voir Salomon.

9. LE PHARAON DE JÉROBOAM ET DE ROBOAM.

— Voir Sésac. L'Écriture lui donne le titre de roi et non celui de Pharaon.

10. LE PHARAON ENNEMI D’ASA. — Il est appelé « roi d’Ethiopie », II Par., xiv, 9, mais il était sans doute aussi roi d’Egypte. Voir Zara.

11. LE PHARAON CONTEMPORAIN D’OSÉE, ROI D’ISRAËL. — Il est appelé roi d’Egypte. IV Reg., xvii, 4. Voir Sua.

12. LE PHARAON CONTEMPORAIN D'ÉZÉCHIAS,

ennemi de Sennachérib. Is., xxxvi, 6. Voir Tharaca.

13. LE PHARAON CONTEMPORAIN DE JOSIAS. —

Voir Néchao, col. 1547.

14. LE PHARAON CONTEMPORAIN DE SÉDÉCIAS,

dont il est question dans Jérémie et dans Ézéçhiel. Voir Éphrée, t. », col. 1882. C. Lagier.

    1. PHARATHON##

PHARATHON (hébreu : Pir'âfôn ; Septante : *ocpaôeiv ; Alexandrinus : « PpaaOwv), ville d'Éphraïm, patrie du juge Àbdon, fils d’IIlel, où il fot enseveli. Jud., xii, 13-15. De là fut aussi Banaïas, un des vaillants chefs de l’armée de" David. II Reg., xxiii, 30 ; 1 Par., xi, 31 ; xxvii, 14. Cette ville était bâtie sur la montagne d’Amalec. Voir Amalec, t. i, col. 427. Elle fut plus tard fortifiée, munie de murs élevés, de portes et de serrures, par Bacchide, général de l’armée d’Antochius. I Mach., ix, 50. Quelques commentateurs ont douté si la « pa8wvc des Machabées (Alexandrinus et Sinaiticus 2 :

  • apa6eûv ; Vulgate : Phara ; Josèphe, Ant. jud., XIII,

i, 3 : "PapaOti) était identique à la Pharathon des Juges, parce que les villes fortifiées par le général gréco-syrien sont attribuées à la Judée. Mais la phrase peut s’interpréter différemment : Il bâtit des villes fortes en Judée et [en outre] les forteresses de Jéricho, etc. ; ou bien la Judée est prise ici dans l’acception plus générale qui lui a été souvent attribuée de « pays d’Israël ». Thamnata et Thopo (Taphua [?]), citées en ce passage, n’appartiennent pas non plus à la province de Judée. Pharatha, d’après le rabbin Estôri ha-Parchi (xui 8 siècle), était située « à environ six heures de Sichem, à l’ouest déclinant un peu au sud et appelée Fer’a((â'. » Caflor va-Phérach, édit. Luncz, Jérusalem, 1897-1899, p. 288. Fer’atâ' est aujourd’hui un petit village de moins de deux cents habitants, à douze kilomètres environ à l’ouest-sud-ouest de Naplouse, l’ancienne Sichem. On s’y rend de cette ville par deux sentiers escarpés, difficiles et formant de nombreux détours ; et ce sont sans doute ces difficultés qui ont induit l'écrivain juif en erreur sur la distance réelle entre ces deux localités, car on ne peut contester qu’il ne désigne la même localité. Fer’atâ' s'élève sur une colline de 555 mètres d’altitude au-dessus du niveau de la mer Méditerranée. Les belles pierres, régulièrement taillées que l’on voit dans les murs des habitations modernes ou que l’on trouve éparses aux alentours, attestent que le village actuel, s’il s’agit de Thamna d'Éphraïm, comme permet de le croire l’ordre des villes procédant du sud au nord, a succédé à une localité antique de quelque importance. On rencontre aussi des sarcophages en pierre de style grec et des tombes antiques. À sept ou huit cents mètres, au nord-est du village, un petit sanctuaire, musulman dédié à Youély Abou-Djoud est en grande vénération dans le pays. L’identification d’Estôri reproduite par le rabbin Jos. Schwarz, Tebuoth ha-'Arez, édit. Luncz, Jérusalem, 1900, p. 187, a été adoptée par Ed. Robinson, beue biblische Forschungen in Palâstina, Berlin, 1887, p. 175 ; Guérin, Samarie, t. ii, p. 179-180, et la plupart des palestinologues. Cl. R. Conder cependant identifie Far’affâ' avec Éptira, Jud., vi, 11, et propose de voir Pharathon dans Fir’aûn. The survey of Western Palestine, Memôirs, t. ii, p. 162-163, 164. Cf. Armstrong, Wilson et Conder, Names and places in the Old Testament, Londres, 1887, p. 137. Fir’aûn est un grand village de sept à huit cents habitants, situé à trois kilomètres au sud de Tûl-Karem, sur une des collines qui bordent)a plaine côtière méditerranéenne. Son nom procède sans doute de la même étymologie que Fer’atâ' ; mais tandis que celui-ci conserve la forme historique arabisée du nom de Fer’atôn, comme 'Anâtâ, par exemple, celle de 'Anafôt, on s’expliquerait difficilement comment contrairement au fait le plus constant dans la modification des noms anciens en Palestine, ce serait le t intermédiaire qui aurait disparu tout en laissant subsister la syllabe finale on. La Chronique samaritaine (XIIe siècle) connaît déjà le nom de Fer’atâ dans sa forme actuelle et en fait remonter l’origine à l'époque des Juges. Suivant un récit légendaire, le lieu aurait été ainsi appelé, de la racine fâra', parce que là, à l’occident du mont sacre de Garizim, les Israélites dissidents par PHARATHON — PHARISIENS

206

rapport à eux, se seraient retirés et « multipliés à l’instar des rameaux d’un arbre touffu ». Chron. samarit., ch. xli, édit. Juynboll, Leyde, 1848, p. 41.

L. Heidet. PHARATHONITE (hébreu : ' hap-Pir’d{ônî ; Septante : 6 $ocpa6n>vÎT>]s ; 6 "tapotfltovj), originaire de Pharathon. Un des juges d’Israël, Abdon, Jud., xiii, 13, 15, et Banaïas, un des vaillants soldats de David, II Reg., xxm, 30 ; I Par., xi, 31 ; cf. xxvii, 14, étaient de Pharathon. Voir Pharathon.

    1. PHARES##

PHARES, nom, dans la Vulgate, de deux Israélites qui ont des noms différents dans le texte hébreu.

1. PHARES (hébreu : Pérès, « brèche » ; Septante : « tapé ; ), fils de Juda et de Thamar et frère jumeau de Zara. Voir Thamar. Au moment de la naissance, Zara présenta le premier la main et la sage-femme y attacha un fil cramoisi, mais il retira la main et son frère, qui fut appelé pour cela Phares, sortit le premier. Gen., xxxviu, 28-30. Ces détails sont donnés par la Genèse, à cause de l’importance des droits d’aînesse. Ces droits paraissent avoir été donnés à Phares, car il est toujours nommé le premier dans les listes généalogiques. Gen., xl vi, 1-2 ; Num., xxvi, 20 ; I Par., ii, 4 ; Matth., i, 3. Ses descendants furent bénis de Dieu, selon le souhait des parents de Booz, Ruth, iv, 12, ils devinrent très nombreux ; Phares fut la tige de la mission royale de David et l’ancêtre de Notre-Seigneur. Matth., i, 3 ; Luc, iii, 33. La postérité de Juda forma quatre familles principales, et Phares fut la souche de deux d’entre elles, celle des Hesronites et celle des Hamulites, par ses deux fils Hesron et Hamul. Num., xxvi, 20. Les deux autres fils de Juda ne furent chefs que d’une famille chacun, Séla de celle des Sélaïtes, et Zaré de celle des Zaréites. Num., xxvi, 20. La généalogie des descendants de Phares est donnée, Ruth, iv, 18-22, jusqu'à David, et plus en détail, I Par., ii, 5, 9-m, 24, jusqu’après la captivité de Babylone. Outre les rois de Juda, tous descendants de Phares, les livres historiques de l’Ancien Testament nous font connaître parmi les Pharésites, les généraux de David, Jesboam, I Par., xxvii, 3, ainsi que Joab et ses frères, Abisaï et Azaël. fils de Sarvia, sœur de David, I Par., ii, 16, qui descendaient de Phares au moins par leur mère ; leur père n’est nommé nulle part dans l'Écriture. Du temps de Zorobabel, 468 des fils de Phares habitèrent Jérusalem. II Esd., xi, 4-6. Cf. I Par., ix, 4.

2. PHARES (hébreu : Péréë ; Septante : $apsç), le premier nommé des fils que Machir eut de Maacha. Il était de la tribu de Manassé. I Par., vii, .16.

3. PHARES, un des mots prophétiques qui furent écrits sur la muraille de la salle du festin de Baltassar. Voir Baltassar 2, t. i, col. 1421-1422.

    1. PHARÉSITES##

PHARÉSITES (hébreu hap-Parsî ; Septante^ : Stjiio ; ô « fcapein ; Vulgate : Pharesitse), descendants de Phares, fils de Juda. Num., xxvi, 20. Voir Phares, 1.

    1. PHARIDA##

PHARIDA (hébreu : Perîdâ', IIEsd., ix, 57 ; Peràdâ', I Esd., ii, 55 ; Septante : *ep18â, II Esd., ix, 57 ; 4>a80upâ, I Esd., ii, 55), éponyme d’une famille de « serviteurs de Salomon » qui retournèrent de la captivité de Babylone en Palestine avec Zorobabel. I Esd., ii, 55 ; II Esd., ix, 57. Dans le premier passage, ta Vulgate écrit Pharuda, conformément à l’orthographe du texte original. Les « serviteurs de Salomon » étaient des Nathinéens. Voir Nathinéens. t. iv, col. 1486.

PHARISIENS. — I. Les sources. — Tout ce que nous savons des pharisiens — ou à peu près — nous

vient de Josèphe, du Talmud et du Nouveau Testament. Josèphe parle souvent des pharisiens et les passages qui suivent sont surtout à étudier : Bell, jud., II. vm, 14 ; Ant. jud., XIII, v, 9 ; XIII, x, 5-6 ; XVII, h, 4 ; XVIII, i, 2-4 ; Vita, 2, 38. Le portrait qu’il nous en trace est doublement précieux, parce qu’il est d’un contemporain et d’un homme qui fut quelque temps affilié au pharisaïsme. Malheureusement, l’historien juif, désireux d'être compris de ses lecteurs païens, nous les présente comme une école philosophique, les assimilé aux stoïciens et les met constamment en opposition avec les sadducéens et les esséniens, qui seraient d’après lui des sectes (a ! pi<reiç) du même genre. Ces réserves faites, les détails qu’il nous donne sont fort instructifs et trouvent dans les faits leur confirmation. — Le Talmud contient, de nombreux détails sur les pharisiens, principalement dans leur contraste avec les sadducéens et le vulgaire Çam hâ'-ârès). On trouvera dans Schùrer, Geschichte des jûdischen Volkes, 2e édit., t. ii, Leipzig, 1898, p. 384-388, les textes de la Mischna à ce sujet. Bien que la Mischna n’ait été rédigée dans son état actuel que vers la fin du second siècle, par Juda le Saint, beaucoup de parties sont antérieures et supposent l’existence du temple. Mais ce qu’il y a dans le Talmud (Mischna, Ghemara et Midrasch) de plus intéressant que les textes particuliers, c’est l’esprit pharisaïque dont il est imprégné d’un bout à l’autre. Non seulement le Talmud est l'œuvre des pharisiens, mais il peut être regardé comme l’image vivante et l’incarnation du pharisaïsme. — Les allusions du Nouveau Testament aux pharisiens ne sont qu’accidentelles et les informations qu’elles nous fournissent ne sont le plus souvent qu’indirectes. Mais les pharisiens jouent un tel rôle dans l’histoire évangélique et apostolique que cette source de renseignements devient pour nous d’une très haute importance. Les récits et les discours de l'Évangile éclairent d’un jour très vif les données étrangères et trouvent aussi en elles leur commentaire et leur explication.

II. Les noms des pharisiens. — Le mot « pharisiens » est en hébreu n>tfns, en araméen ptfns, état emphatique nwis, d’où vient le grec « Sapiaaîot. C’est donc le participe passif de wns, paras, « séparer » ; et la seule question est de savoir si les pharisiens sont ainsi appelés parce qu’ils s'éloignent des choses impures, capables de produire une souillure légale, ou parce qu’ils se séparent des personnes dont le contact et le commerce les souilleraient. Une raison d’adopter le premier sens pourrait être que le dérivé fvtfHs ou rwHS signifie l'éloignement des choses impures, l’exemption de toute impureté. Mais des raisons plus puissantes militent en faveur du second sens. D’abord l'éloignement des choses impures entraîne nécessairement l'éloignement des personnes impures, c’est-à-dire de celles qui n’observent pas les prescriptions relatives aux aliments ou aux contacts impurs. Ensuite toute l’histoire des pharisiens nous les montre séparés du vulgaire et formant entre eux une sorte de cercle fermé. Enfin les écrivains anciens adoptent unanimement cette acception. Clémentine hom., xi, 28, t. ii, col. 296 (les pharisiens et les scribes ot elaiv àjKopKT(iévot) ; Origène, In Matth., xxiii, 2, t. xiii, col. 1611 (dividunt seipsos quasi meliores a multis… qui interpretantur divisi et segregati) ; In Matth., xxiii, 23, t. xiii, col. 1626 ; lbid., xxiii, 29, t. xiii, col. 1633 (recte Pharisæi sunt appellati, id est prsecisi) ; In Joa., vi, 13, t. xiv, col. 240 (5uipr, (i£vo'. tivsxai araatwêsi : ) ; lbid., xiii, 54, t. x’iv, col. 504 ; Pseudo-Tertullien, Contra hser., à la fin du De prsescript., t. ii, col. 61 [additamenta quœdam legi adstruendo a Judseis divisi sunt) ; S. Épiphane, Cant. hœr., xvi, 1, t. xli, col. 249 (sXsfovTO lï "tapiaaîm Stoc tô àfopc<7(tévou< eîvat aûroù ; àna tôv 3).)*>v) ; S. Je

rôme, AdvLuciferian : , 23, t. ssiii, col. 178 (Pharisæi a Judseis divisi, propter quasdam observatiohes superfluas, nomen quoque a dissidio susceperunt) ; Jn Matth., xxii, 23, t. xxvi, col. 163 (unde et divisi vocabantur a populo). Le Talmud donne de l'étymologie du nom des pharisiens la même explication. On peut voir les passages dans le Lexique de Buxtorf et la définition des pharisiens dans l’Aruch. — Le sens du mot « pharisien » étant « séparatiste », il n’est guère probable que les pharisiens eux-mêmes se soient donné ce nom ; ils finirent par l’accepter ; mais tout porte à croire qu’il leur fut attribué d’abord par leurs adversaires. En effet, selon toute apparence, les pharisiens apparaissent pour la première fois dans l’histoire sous le nom de a>TDn, hàsîdîm, « les hommes pieux », lors du soulèvement des Machabées, Le nom de pharisiens est encore relativement rare dans la Mischna et presque toujours (sauf deux fois), il est mis dans la bouche des sectes hostiles. Enfin nous savons que les pharisiens s’appelaient entre eux nnan, hâbêrîm, « associés ou compagnons ». — Un fait très digne de remarque et trop peu remarqué, c’est la synonymie apparente, dans le Nouveau Testament, entre scribes et pharisiens. Non seulement les scribes et les pharisiens sont très souvent nommés ensemble comme une classe à part, mais ce qu’un Évangile attribue à un pharisien est par un autre Évangile attribué à un scribe ou réciproquement. C’est que, à l'époque néotestamentaire, les scribes appartenaient en général au parti pharisien ; aucun scribe sadducéen n’a laissé un nom dans l’histoire et cela n’est pas pour surprendre, car les sadducéens rejetant toute tradition, le métier de scribe était chez eux presque réduit à rien. Tous les pharisiens n'étaient pas scribes, puisqu’on distinguait, même parmi les pharisiens, l’ignorant (îs’uin) et le savant (nsn), mais à peu près tous les scribes étaient

TT

pharisiens. Cependant les Evangélistes ont conscience que les mots « scribes » et « pharisiens » ne sont pas pleinement synonymes, puisque, assez souvent, ils mentionnent les pharisiens à côté des scribes, Matth., xii, 38 ; xv, 1 ; xxiii, 2, 13, 14, 15, 23, 25, 27, 29 ; Marc, vii, 1, 5 ; Luc, v, 21, 30 ; vi, 7 ; xi, 53 ; xv, 2 ; cf. Act., v, 34. Ils signaient même quelquefois les scribes appartenant auparti pharisien, Marc, ii, 6 (oi ypocfifiateîç t<5v <3>aptffat’wv) ; cf. Luc, v, 30. Saint Jean ne parle pas des scribes, sauf une fois dans l'épisode de la femme adultère, viii, 3. Saint Luc emploie le mot-fpoc[j.[j.3(Teij ; concurremment avec voquxô ; et vofio818â<7xaXo ; . Voir ScRIbes et Sadducéens.

III. Historique. — 1° Origine des pharisiens. — L’esprit de séparation, si caractéristique des pharisiens, commence à se manifester chez les Juifs revenus de l’exil de Babylone avec Zorobabel et Esdras. Dès cette époque, la terminologie usitée dans la suite entre en vigueur, quoique dans un sens différent. Obéissant aux exhortations d’Esdras et de Néhémie, les Israélites dévots se séparent des habitants du pays ('am hâ'ârés), c’est-à-dire des païens ou des Juifs infidèles qui étaient restés en Judée après la déportation. I Esd., VI, 21 ; IX, 1 ; x, H ; II Esd., ix, 2 ; x, 29. Mais les pharisiens proprement dits, qui se séparent de la masse du peuple trop peu zélée pour l’observation rigoureuse de la loi, ne remontent pas si haut. Leur première apparition a lieu lors de la grande persécution entreprise par les rois de Syrie en vue d’helléniser la Palestine. En montant sur le trône (175 avant J.-C), Antiochus Épiphane avait juré d’exterminer la religion juive, et il fut puissamment secondé dans ce dessein par la lâcheté et l’ambition d’un certain nombre de personnages influents appartenant au sacerdoce, entre autres les grands-prêtres Jésus, surnommé Jason, etMénélas.EnlTO, le monarque "sacrilège avait pénétré dans le lieu saint et enlevé le trésor du Temple. Peu de temps après il interdisait la

circoncision, la célébration du sabbat, les sacrifices, en un mot tout le culte judaïque. Le 15 du mois de casleu, un autel de Jupiter Olympien remplaça dans le Temple l’autel de Jéhovah, et le 25 du même mois on y immolait des victimes. Cette profanation fit éclater le soulèvement des Machabées qui trouvèrent bientôt un ferme appui dans un parti qui s'était formé un peu auparavant pour résister à l’hellénisme et pour maintenir intacte la religion mosaïque. Les Assidéens, amen, oi 'AfftSaïoi, « les hommes pieux » — c’est ainsi qu’on les nommait et qu’ils s'étaient peut-être nommés euxmêmes — sont les ancêtres des pharisiens ou pour mieux dire ils ne se distinguent pas, au nom près, des pharisiens. Depuis Wellhausen, Die Pharisâer und die Sadducâer, Greifswald, 1874, p. 78-86, l’identité est' généralement admise. Cf. I Mach. î, 65-66 ; ii, 42 ; vii, 12-13 ; II Mach. xiv, 6. Cohen, Les Pharisiens, t. i, p. 106, émet l’hypothèse que les assidéens, en disparaissant, donnèrent naissance aux deux sectes des pharisiens et des esséniens : « Une fraction (les assidéens) restant fidèle à la tradition naziréenne, se réfugia, contre les orages de ces temps malheureux, dans un ascétisme obstiné. L’autre fraction (les pharisiens) — et ce fut la plus nombreuse — se séparant de ses frères en doctrine et les laissant dans la retraite, marcha en avant d’un pas résolu, aspirant ouvertement à diriger dans les voies nouvelles le judaïsme réformé. » Si l’origine assignée aux esséniens est très contestable, la descendance des pharisiens du vieux parti assidéen semble établie.

2° Les pharisiens sous les Asmonéens. — C’est sous le roi Jean Hyrcan] (135-105) que les pharisiens apparaissent pour la première fois dans l’histoire sous là dénomination de pharisiens. Voici comment Josèphe, Ant. jud., XIII, x, 5-6, raconte l’anecdote. Dans un festin, où les principaux d’entre les pharisiens étaient invités, le roi pria les convives de ne pas lui ménager leurs conseils. Pendant que les autres se récriaient, en exaltant à l’envi les vertus du monarque, un des assistants, nommé Éléazar, lui dit que ce qu’il aurait de mieux à faire pour plaire à Dieu serait de se démettre du souverain pontificat. Comme le roi en demandait la raison : « C’est, ajouta l’autre, qu’au rapport des anciens ta mère a été captive. » Un sadducéen, présent à la scène, lui insinua alors que pour sonder les véritables sentiments des pharisiens à son égard il n’avait qu'à leur demander quel supplice méritait l’insolent. Tous opinèrent, non pas pour la mort, mais poor la pfison ou la peine du fouet ; et le roi jugeant par là qu’ils lui étaient hostiles et qu’ils prenaient secrètement parti pour le coupable, se déclara désormais contre eux et se jeta dans les bras des sadducéens. D’après le Talmud de Babylone le fait se serait passé sous Alexandre Jannée (104-76). Sur l’avis d’un sadducéen du nom d'Éléazar, le roi aurait feint de vouloir se démettre du pontificat afin de savoir ce que les pharisiens pensaient de lui. Un pharisien, donnant dans lefpiège, lui aurait dit : « roi, contente-toi de la couronne royale et laisse la couronne des pontifes aux descendants d’Aaron. » À ces mots, Alexandre Jannée aurait fait mettre à mort tous les pharisiens. Des deux anecdotes la dernière est certainement la plus invraisemblable. Voir E. Montet, Le premier conflit entre pharisiens et sadducéens d’après trois documents orientaux, Paris, 1887. Ces récits légendaires peuvent contenir un fond de vérité. Les pharisiens ne pouvaient pas voir de bon œil les Asmonéens usurper et retenir dans leur maison le souverain pontificat. Les visées profanes et les ambitions mondaines de Jean Hyrcan n'étaient point pour leur plaire. Les cruautés de ses deux fils et successeurs immédiats, Aristobule et Alexandre, n'étaient pas non plus de nature à les concilier et ils avaient contre ces deux princes un grief

nouveau, celui d’avoir ajouté à la qualité de pontife le titre de roi que Jean Hyrcan n’avait pas osé prendre. A la mort d’Alexandre Jannée, les pharisiens rentrèrent en faveur. Ici encore il fout, dans le récit de Josèphe, faire la j>art de la légende. Sur le conseil du monarque expirant, sa femme Alexandra se serait livrée aux mains des pharisiens, leur permettant de réparer à leur gré les injustices de son mari, sans épargner sa mémoire ni même son cadavre. Touchés de ces avances, les pharisiens auraient accordé au roi défunt de magnifiques funérailles et pris sous leur protection ses deux enfants Aristobule et Hyrcan qui lui succédaient, celui-ci comme roi, celui-là comme pontife. Ant. jud., XIII, xv, 5 ; xvi, 2 ; Bell, jud., i, v, 1-2. Mais les pharisiens, abusant de leur pouvoir, tirèrent une terrible vengeance de tous ceux dont Alexandre Jannée s'était servi pour les persécuter. Les massacres et les exils arbitraires leur aliénèrent bientôt lescœurs et furent pour beaucoup dans la révolution qui fit passer le sceptre des mains d’Hyrcan II à celles d’Aristobule et qui amenèrent, avec l’intervention de Pompée, la perte de l’autonomie juive. Dans les temps troublés qui suivirent on n’entend plus parler des pharisiens. Ils rentrent en scène à l’avènement d’Hérode auquel six mille d’entre eux refusent le serment de fidélité. Frappés d’une forte amende et plusieurs même punis de mort, ils restent en défaveur durant tout ce règne ; mais leur crédit auprès du peuple n’en devenait que plus grand. Ant. jud., XVII, ii, 4. À partir d’ici les pharisiens, grâce au Nouveau Testament et au Talmnd, apparaissent en pleine lumière historique ; mais toute' la période précédente est fort obscure, parce que les pharisiens, qui par leurs scribes et leurs légistes se trouvaient maîtres de la littérature, ont enseveli dans un silence systématique la dynastie des Asmonéens. Judas Machabée lui-même est à peine nommé dans le Talmud et l’on ne fait exception que pour le chef de la famille Matathias. Voir Gaster, The Scroll of the Hasmonseans (Megillath Bene Hashmunai), dans Transactions of the ninth internat. Congress of Orienlalists, t. ii, Londres, 1893, p. 3-32.

IV. Doctrines des pharisiens. — 1° Les pharisiens et les traditions. — Les pharisiens, dit Josèphe, se faisaient remarquer par leur exacte interprétation de la Loi, Bell, jud., II, viii, 14 : oî (ircà àypiëei’a ? Boxoîvxeç é$7|Ysï<T6a ! zk vô ; j.t|xa. Cf. Yita, 38 ; Ant. jud., XVII, II, 4. Nous le savions déjà par saint Paul qui s’exprime presque dans les mêmes termes. Act., xxii, 3 ; Xxvi, 5 ; Php., iii, 5. Mais ce qui les distinguait des sadducéens, c'était l’admission de la tradition orale qui interprétait et au besoin complétait la Loi, tandis que les sadducéens, en principe du moins, refusaient de rien reconnaître en dehors de la Loi écrite. Josèphe, Ant. jud., XIII, X, 6 : Notifia tsvoi TrapéBoaav tw frrîu.fj> ot « tapiuafoi èx naTÉptov SiaBovJjç, âitep oùx âvaY^YP*' nTOt ' lt toîç MwuTÉwç v(S|i.oi(. Les Évangélistes mettent aussi en relief ce caractère des pharisiens. Matth, , XV, 2 ; Marc, vir, 3. Le Talmud va jusqu'à dire qu’on est moins coupable en allant contre la Thora qu’en rejetant les prescriptions des scribes. Sanhédrin, XI, 3 ; cf. Abolh, m, 11 ; v, 8. Repousser ces traditions c'était rompre ouvertement avec les pharisiens. Ant. jud., XIII, Xvi. 2. Geiger, Sadducàer und Pharisàer, dans Jud. Zeilschrift, t. ii, 1863, est donc bien mal inspiré lorsqu’il prétend que le pharisaïsme était l’image anticipée du protestantisme. — Les traditions se divisaient en traditions juridiques (Halacha) et en traditions historiques (llagada). Voir Midrasch, t. iv, col. 1078-1079. Sur les unes et sur les autres on peut consulter Schûrer, Geschichte des jûdischen Volkes, 3e édit., t. iii, 1898, p. 330350. Pour constater à quelles minuties puériles descendait la casuistique des pharisiens, il n’y a qu'à parcourir l’ouvrage de J. de.Pauly et Neviasky, Rituel du judaïsme,

Orléans, 1898-1901, surtout fasc. vi : Des aliments préparés par un païen. De la vaisselle d’un païen.

2° Les pharisiens et la théologie. — Les pharisiens et les sadducéens étaient en désaccord sur trois points principaux : l’immortalité de l'âme, la résurrection des justes et le libre arbitre. — A) L’immortalité de l'âme. — Les sadducéens étaient matérialistes : ils n’admettaient ni anges, ni esprits. Act., xxiii, 8. Ils affirmaient que l'âme périt avec le corps. Josèphe, Bell, jud., II, vin, 14 ; Ant. jud., XVIII, i, 4 : SaSôouxaîoiç toç ipuxàç 6 Xriyo ; ouvafœvsïs ! toi ; ow|jiaTtv. Les pharisiens au contraire étaient spiritualistes : ils admettaient la survivance des âmes, celles des méchants comme celles des bons. Josèphe, Ant. jud., XVIII, i, 3 : 'AOàvarov îa-xùv zaXi <|'U)C a 'C otttc ; aÙTOÏç sïvai. — B) La résurrection des justes. — Il est évident que pour les sadducéens il ne pouvait être question de résurrection, puisque l'âme ne survivait pas. Matth., xxii, 23 ; Marc, su, 18, Luc, XX, 27 ; Act., xxiii, 8. Les pharisiens, de leur côté, enseignaient bien que les méchants sont punis dans l’autre monde, mais ils réservaient aux justes seuls le privilège de la résurrection. Josèphe exprime cela en termes qui rappellent la métempsychose des platoniciens (mais non pas celle des pythagoriciens), Bell, jud., II, Vin, 14 : 'J^CT 7 t5°*v nèv ctçOapTov (leTaêatveiv SI sïî ÊTepov aw(i.x ttjv ifaHCiv p.ôvr)V, zhç & xwv çaiXwv iï'Siui Tijxwpi’a xoXàÇsaôai. Mais ce texte est mis en lumière par le rapprochement de Ant. jud., XVIII, i, 3, qui présente le dogme de la résurrection sous un jour orthodoxe, le seul qui cadrât avec les idées juives. — C) Le libre arbitre. — Ici la description de Josèphe est des plus confuses, parce qu’il revêt les concepts sémitiques d’une terminologie hellénique. À l’en croire, les esséniens auraient fait tout dépendre du destin ; les sadducéens, tout rapporté au libre arbitre ; les pharisiens, partie au libre arbitre et partie au destin, Ant. jud-, XIII, V, 9 : Tivà xat où navra ttiç d[iapiiévï)ç spyov eïvai XéYouotv Tivà 6'ètp' Ioutoî-ç iicapxeiv aujiëaiveiv ts xoù (jlti yivca-Sat. Sans même parler de ce schématisme suspect, la notion du destin est tellement contraire aux idées sémitiques qu’il est difficile de deviner ce que Josèphe a voulu dire. Peut-être se rapprocherait-on de la vérité en remplaçant le destin par la grâce et le secours de Dieu ou encore par la providence et la prédestination. Que tel soit bien le sens, le passage suivant le prouve, Bell, jud., II, viii, 14 : sinap|jilvT) xe xal Weôi irpouànToycn TcavTJt, xal tô ^èv 7rpaTre[v rot ôt’xata xa ^tj *arà zh jtXsïïxov éiti zoXç àvpOwiroiç X£îa6at, (HotiBeïv Bè elç É'xaaxov xal t^v stjj.apjvlvi’iv. D’après cela, les esséniens auraient été fatalistes ou mieux prédestinationistes, les sadducéens auraient été rationalistes et précurseurs de Pelage, les pharisiens auraient tenu le juste milieu et sauvegardé le libre arbitre de l’homme tout en reconnaissant la nécessité du concours divin. Mais, encore une fois, il convient de se défier de ce schématisme.

3° Les pharisiens et la politique. — Aux yeux des pharisiens la religion primait tout : aussi ne furent-ils jamais, à proprement parler, un parti politique. Les assidéens, leurs ancêtres, s'étaient ralliés aux Machabées aussi longtemps que l’indépendance de la patrie fut une condition essentielle de la liberté religieuse. Ce résultat obtenu, ils se retirèrent peu à peu de la lutte et ne suivirent jamais les Asmonéens dans leurs visées ambitieuses de domination et d’agrandissement. Il n’est pourtant pas tout à fait exact de dire que les pharisiens, par principe et comme parti religieux, faisaient abstraction de la politique. Il y eut toujours parmi eux deux courants opposés : les uns acceptaient le fait accompli et se soumettaient à la domination étrangère, comme à un châtiment divin, aussi longtemps que la liberté religieuse leur était accordée, n’attendant un sort meilleur que d’un événement providentiel ; les autres, regardant le joug de l'étranger comme essentiel

lement contraire à la théocratie judaïque et aux privilèges d’Israël, épiaient toutes les occasions de révolte et comptaient parmi les zélotes les plus ardents. On vit ces deux tendances rivales se manifester lors de l’avènement d’Hérode et au moment du grand soulèvement national de l’an 66 de notre ère.

V. Les pharisiens et l'Évangile. — 1° Prélude aux hostilités entre Jésus et les pharisiens. — A) Saint Jean-Baptiste. — Jaloux de conserver leur influence, les pharisiens étaient les ennemis-nés de quiconque gagnait l’estime ou les sympathies du peuple. Leur attitude à l'égard du Baptiste fut une sourde défiance et peut-être une hostilité déclarée. Pendant que toutes les classes de la société accouraient en masse au Jourdain pour y recevoir le baptême du Précurseur, les pharisiens et les sadducéens s’y rendaient aussi, mais pour l'épier et le prendre en faute. C’est du moins l’impression laissée par le récit de saint Matthieu rapportant les paroles sévères que leur adresse Notre-Seigneur, iii, 7 : « Race de vipères, qui vous a enseigné à fuir la colère imminente ? Faites donc de dignes fruits de pénitence. » Dans saint Luc, iii, 7, ces paroles sont adressées à la foule en général ; mais le premier Évangile nous montre qu’elles visaient principalement les pharisiens et les sadducéens. Nous ne voyons pas cependant qu’ils aient trempé dans le complot contre la vie du Baptiste : les rancunes d’Hérode Antipas et la haine d’Hérodiade prévinrent leur vengeance.

B) Origine du conflit entre Jésus et des pharisiens. -r Le solennel témoignage que Jean rendit à Jésus dut rendre celui-ci suspect aux pharisiens ; mais il n'était pas besoin de cela pour exciter leur antipathie. Ils ne pouvaient manquer de s’apercevoir que la popularité du nouveau thaumaturge amoindrissait leur influence et que sa doctrine était le contrepied de leur enseignement. Le discours sur la montagne contient déjà la condamnation de leur formalisme, v, 20 : « Je vous le dis, si votre justice n’est pas plus abondante que celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux. » L’autorité avec laquelle Jésus enseignait faisait l’admiration des foules qui ne pouvaient s’empêcher de la mettre en contraste avec la manière sournoise et embarrassée des scribes et des pharisiens. Matth., vii, 18-29 ; cf. Marc, i, 22. Ceux-ci avaient dû remarquer dans tout le Sermon sur la montagne, en particulier dans le parallèle entre l’ancienne et la nouvelle loi, Matth., v, 17-48, un antagonisme latent dirigé contre eux, et la déclaration de Jésus qu’il n'était pas venu abolir la loi mais l’accomplir ou la compléter, n'était pas faite pour les rassurer. Le conflit, désormais inévitable, éclata à l’occasion de la guérison du paralytique. Avant de lui rendre la santé du corps, Jésus lui avait dit : « Mon fils, tes péchés te sont remis. » Et les pharisiens présents de s'écrier aussitôt : « Celui-là blasphème : qui peut remettre les péchés si ce n’est Dieu seul ? » À la vérité, saint Matthieu, vin, 3, et saint Marc, ii, 6, ne mentionnent en cet endroit que les scribes, mais saint Luc nomme expressément les scribes et les pharisiens, v, 21, ou ce qui est pour lui la même chose les pharisiens et les docteurs de la loi (vo[Ao818â<Tx « Xo0t et il ajoute qu’ils étaient venus de la Galilée, de la Judée et de Jérusalem, v, 17, sans aucun doute dans des vues malveillantes.

2° Lutte ouverte entre Jésus et les pharisiens. — A) Les griefs des pharisiens. — Les trois griefs principaux sont rapportés par les Synoptiques dans le même ordre et rattachés aux mêmes circonstances extérieures ; mais comme saint Matthieu intercale, entre les deux derniers, divers événements, il n’est pas sûr que les Évangélistes entendent marquer une succession chronologique. — a) Premier grief : rémission des péchés. La guérison du paralytique amena le premier conflit entre Jésus et les pharisiens. Quand Jésus dit à l’infirme :

n Confiance, mon fils, tes péchés te sont remis, » ils s'écrièrent : « Celui-là blasphème ! » et le miracle fait incontinent par le Sauveur ne leur dessilla point les yeux. Matth., ix, 1-8 ; Marc, ii, 1-12 ; Luc, v, 11-26. Saint Matthieu et saint Marc attribuent cette réflexion aux scribes ; -saint Luc, aux scribes et aux pharisiens : la variante est sans importance. — 6) Deuxième grief : fréquentation des pécheurs. Peu de temps après, Jésus et ses disciples assistaient au festin donné par saint Matthieu récemment converti. Les pharisiens se scandalisèrent de les voir en compagnie de païens et de publicains ; mais Jésus leur ferma la bouche par ces paroles : « Ce ne sont pas les hommes. bien portants qui ont besoin du médecin, mais les malades… Je suis venuappeler les pécheurs (à la pénitence) et non pas les justes. » Matth., ix, 9-13 ; Marc, ii, 13-17 ; Luc, v, 27-32. Ici saint Matthieu ne nomme pas les pharisiens ; les deux autres Synoptiques nomment les pharisiens et les scribes. Dans la même occasion, on fit un grief à Jésus de ne pas jeûner, lui et ses disciples. Saint Matthieu, il est vrai, ix, 14, attribue ce reproche aux disciples de Jean-Baptiste ; mais la manière dont le grief est formulé montre que ces disciples de Jean-Baptiste étaient de connivence avec les pharisiens ou qu’ils étaient pharisiens eux-mêmes. En effet, Marc, ii, 18, et Luc, v, 33, mentionnent expressément les pharisiens. — c) Troisième grief : violation du sabbat. Il est très vraisemblable que les pharisiens, si pointilleux sur l’observation exacte du sabbat, incriminèrent souvent la conduite de Jésus. Les Synoptiques rapportent à ce sujet deux faits caractéristiques, qu’ils racontent dans le même ordre et à peu près dans les mêmes termes. Un jour de sabbat, les disciples traversant un champ de blé presque mûr arrachaient quelques épis pour apaiser leur faim et les mangeaient après les avoir broyés dans leurs doigts. Aussitôt les pharisiens de crier à la violation du repos sabbatique. Ils ne se scandalisent pas de voir les disciples cueillir quelques épis dans un champ étranger — car l’usage et la Loi elle-même le permettaient — mais de les voir préparer leur nourriture un jour de sabbat, contrairement à leur absurde interprétation de la Loi. Jésus leur répond qu’ils ne comprennent rien à l’esprit de la législation : Miseric’ordiam volo et non sacriflcium ; que la Loi n’est pas faite pour les cas de nécessité, comme le prouve l’exemple de David consommant les pains de proposition ; que d’ailleurs le Fils de l’Homme est maître du sabbat et peut en dispenser qui il veut. Matth., xii, l-8 ; Marc, ii, 23-28 ; Luc, , vi, .l-6. — L’autre fait met encore plus en relief l’aveugle prévention des pharisiens. Jésus allait guérir un paralytique : il lui suffisait pour cela d’une parole et d’un acte de volonté. Or, les pharisiens s’indignaient d’avance de cette prétendue violation du sabbat. Le Sauveur les confond en leur rappelant qu’ils n’hésitent pas eux-mêmes à relever une brebis tombée dans un fossé. Combien plus est-il permis de soulager un malheureux. Matth., xii, 9-14 ; Marc, iii, 1-6 ; Luc, vi, 6-11.

B) Les embûches des pharisiens. — Plusieurs fois les pharisiens, soit seuls soit unisaux sadducéens, essayèrent de prendre Jésus en défaut et de le faire tomber dans un piège. Après le miracle de la multiplication des sept pains, ils lui demandent « un signe dû ciel ». Marc et Matthieu notent expressément que c'était pour le « tenter ». Marc, viii, 11 (îtsipdtïovTeî aîiriv) ; Matth., xvi, 1. Jésus, qui accomplissait sous leurs yeux prodige sur prodige, refusa de satisfaire leur curiosité malveillante et mit aussitôt en garde ses disciples contre « le levain des pharisiens et d’Hérode », comme parle Marc, vin, 15, ou contre « le levain des pharisiens et des sadducéens », comme s’exprime Matthieu, xvi, 6, ce qui montre que les ennemis du Sauveur s'étaient déjà coalisés. Ils espéraient, si Jésus ne faisait pas droit à

leur requête, persuader aux foules que c'était un faux prophète^incapable de prouver sa mission divine. — La seconde embûche fut encore mieux tendue. Ils lui demandèrent s’il était possible de renvoyer sa femme pour n’importe quel motif. Ils étaient sûrs de sa réponse négative et par conséquent assurés de le mettre en contradiction avec la loi de Moïse qui avait autorisé le divorce, Marc, x, 2-11 ; Matth.. xix, 1-9 ; Jésus répéta ce qu’il avait dit dans son sermon sur la montagne, Matth., v, 31-32 ; cf. Luc, xvi, 18, rejetant la tolérance du divorce sur l’imperfection de la loi mosaïque et sur la dureté de cœur des Juifs. — La conspiration la mieux ourdie fut cependant la troisième. Fallait-il ou non payer le tribut à César ? Matth., xxii, 15-22 ; Marc, xii, 13-17 ; Luc, xx, 20-26. En disant non, Jésus se posait en adversaire de l’ordre de choses établi et devenait criminel politique ; en disant oui, il s’aliénait les sympathies d’un grand nombre de ses auditeurs. On pourrait deviner, alors même que saint Matthieu, xxii, 16, et saint Marc, xii, 13, n’en feraient pas mention expresse, que les partisans d’Hérode étaient ici de concert avec les pharisiens. Mais les sadducéens eux-mêmes n'étaient pas loin ; car ils vinrent à la rescousse dès que Jésus eut fermé la bouche à ses autres adversaires et essayèrent de l’embarrasser sur le dogme de la résurrection en lui posant le cas d’une femme qui aurait eu successivement sept maris. Matth., xxii, 34-40 ; Marc, xii, 28-34 ; Luc, xx, 39-40. Presque aussitôt après, un scribe ou légiste voulut savoir quel était le plus grand des commandements. Le récit de saint Marc, xii, 28, 34, ne fait pas supposer d’intentions malveillantes, mais celui de saint Matthieu, xxii, 35-40, note le dessein de prendre Jésus en défaut (raipdtÇwv aiktfv). À partir de ce jour les scribes et les pharisiens cessèrent de « tenter » Jésus. Matth., xxii, 46. Mais la mesure de leurs iniquités était comble et leur condamnation était prête à fondre sur eux. Cf. Luc, xviii, 10-14.

3° Le dénouement de la lutte. — A) Le grand discours contre les pharisiens. — Ce fut seulement deux ou trois jours avant sa passion, que Jésus prononça le terrible réquisitoire enregistré par les Évangélistes. Ce discours est placé par les trois Sypnoptiques en connexion avant la dernière tentative des pharisiens ; mais tandis que saint Marc et saint Luc se contentent de l’indiquer sans le reproduire, Marc, xii, 38-40, Luc, xx, 45-57, saint Matthieu lui donne un développement et une forme schématique, où l’on ne peut nier le dessein de résumer et de coordonner les principales accusations du Sauveur contre ses perfides ennemis. Sept fois Jésus renouvelle ses objurgations en commençant toujours par la formule : « Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites. » Matth., xxiii, 13, 15, 23, 25, 27, 29. Une seule fois, ꝟ. 16, la formule change : Vse vobis duces cseci. Le huitième vas qui se trouve dans la Vulgate et dans un certain nombre de manuscrits grecs, j>. 14, est très probablement interpolé d’après Marc, xii, 20, et Luc, xx, 47 ; en effet, non seulement il fait défaut dans les meilleurs manuscrits, mais il interrompt évidemment la suite des idées. — Jésus-Christ reproche aux Pharisiens : 1° de fermer aux autres le royaume des cieux, c’est-à-dire l’accès de l'Église, sans y entrer eux-mêmes ; 2° de parcourir la terre et les mers à la recherche d’un prosélyte pour en faire un fils de perdition ; 3° d’enseigner que le serment fait par le Temple ou par l’autel est invalide et que le serment fait par l’or du Temple ou par la victime posée sur l’autel est valide ; 4° de payer exactement la dime de la menthe, de l’anis et du cumin et de négliger la justice et la miséricorde ; 5° de laver soigneusement les vases et les ustensiles et de compter pour rien l’impureté de l'âme ; 6° de ne faire attention qu'à l’extérieur et aux dehors et d'être, au fond du cœur, comme des sépulcres blanchis ; 7° d'élever aux prophètes de ma gnifiques tombeaux et de les persécuter ou de les mettre à mort. Il termine par cette accablante apostrophe : « Serpents, race de vipères, comment échapperez-vous à la condamnation de la géhenne ? » On peut lire dans les commentaires de Knabenbauer, de Schegg ou de Schanz, les textes rabbiniques justifiant et expliquant ces imputations du Sauveur. Voir M c Klintock, Cyclopsedia of biblical… Literature, t. viii, 1889, p. 69-70, des détails curieux sur les cas d’impureté légale et le payement des dîmes.

B) La revanche des pharisiens. — Une circonstance assez significative c’est que, dans les jours qui précèdent immédiatement la passion, les pharisiens cessent de se montrer. Dans le récit même de la passion, les Évangélistes ne les nomment plus (sauf Jean, xviii, 3, pour l’expédition nocturne de Gethsémani et Matthieu, xxvii, 62, quand il s’agit de faire garder le sépulcre). Il les remplacent par -, les scribes, c’est-à-dire par les représentants des pharisiens au sein du sanhédrin. U est remarquable que les sadducéens s’effacent aussi et que les princes des prêtres, c’est-à-dire les chefs du parti sadducéen, qui entraient dans le sanhédrin, prennent leur place. Maintenant les scribes et les princes des prêtres sont pleinement d’accord contre leur commun adversaire. Ils ont su gagner les anciens, les notables qui ne sont ni scribes ni prêtres et qui forment un tiers du sanhédrin. La coalition des adversaires de Jésus datait de loin. Dès le début du ministère public, les pharisiens s'étaient concertés avec les hérodiens sur les moyens de le perdre. Matth., xxii, 16 ; Marc, iii, 6 ; cf. xii, 13. Pour atteindre ce but, les pharisiens et les sadducéens oubliaient leurs rivalités et leurs querelles. Matth., xvi, 1, 6, 11, 12 ; xxii, 34. Mais, en ce moment, leur entente est parfaite et leur plan arrêté. « Les princes des prêtres, dit saint Luc, xix, 47-48, et les scribes et les premiers du peuple cherchaient à le perdre ; mais ils ne savaient comment faire, car tout le peuple était suspendu à ses lèvres. » Désormais les trois fractions du sanhédrin marchent toujours ensemble. Luc, xx, 1 ; xxii, 66 ; Marc, xiv, 43, 53 ; Matth., xxvii, 41. Mais on voit que l’aristocratie sacerdotale joue le rôle principal et dirige l’action.

4° Les pharisiens et l’Eglise naissante. — La mort de Jésus semble avoir assouvi les rancunes des pharisiens, tandis que la haine des sadducéens, loin de s’apaiser, ne cessait de croître. Ceux-ci, vivant du temple el de l’autel, étajent profondément remués, nonobstant l’indifférentisme religieux d’un grand nombre d’entre eux, par tout ce qui menaçait la religion nationale. Les disciples n’eurent pas d’ennemis plus irréconciliables. Dans le contlit qui ne tarda pas à se produire, ce fut un pharisien, Gamaliel, qui prit publiquement la défense des Apôtres et fit entendre raison à leurs persécuteurs : au contraire, l’aristocratie sacerdotale, composée de sadducéens (Act., v, 17 : Princeps sacerdotum et omnes qui cum Mo erant ; quse est hxresis Sadducœorum ; cf. v, 24), avait pris l’initiative des mesures de rigueur. Act., v, 17-42. Plus tard saint Paul, poursuivi pour infraction à la Loi qui interdisait d’introduire des étrangers dans le Temple, s’appuya résolument sur le parti des pharisiens et se fit gloire d’avoir été jadis pharisien lui-même. Act., xxiii, 6-10 ; cf. xxii, 3. Il ne faut pas méconnaître ce qu’il y avait de sérieux dans le pharisaïsme. Si le zèle des pharisiens était souvent aveugle ou mal éclairé, il n’en était pas moins sincère. Les convictions fortes au service de la passion sont plus faciles à tourner au bien qu’un scepticisme armé d’indifférence. Saint Paul dépassait tous ses compatriotes par l’ardeur de son pharisaïsme : malgré cela — ou plutôt à cause de cela — la grâce divine eut vite raison de lui. Il est à croire qu’une partie de l'église-mère de Jérusalem se recruta au sein des pharisiens. Ainsi s’explique l’attachement aux pratiques de l’ancienne Loi qui la carac

. térisa si longtemps. Act., ii, 46-47 ; iii, 1 ; xxi, 20, etc. Ce fut un 1res grand danger pour l'Église au berceau. On s’aperçut bientôt que les pharisiens, en embrassant la religion du Christ, n’avaient pas dépouillé le particularisme qui était leur caractère dominant. L’assemblée des Apôtres à Jérusalem fut rendue nécessaire grâce à. leurs agissements ; tout fait penser que le conflit d’Antioche fut provoqué par eux, et l’on peut sans témérité les soupçonner d'être entrés dans les complots qui essayèrent d’entraver l'œuvre de Paul et l’admission des Gentils dans l'Église. Act., xv, 5. Cf. J. Thomas, L’Eglise et les judaïsants à Vd’ge apostolique, dans les Mélanges d’histoire et de littérature religieuse, in-8°, Paris, 1899, p. 1-196.

VI. Traits caractéristiques du pharisien. — « Enveloppée comme d’un étroit réseau par les six cent treize prescriptions du code mosaïque renforcées de traditions sans nombre, la vie du pharisien était une intolérable servitude. Les purifications rituelles prescrites à la suite des souillures que causait le seul contact d’objets impurs, remplissent plusieurs traités du Talmud : par exemple tout le sixième et dernier seder de la Mischna intitulé Teharôth et comprenant douze traités. Impossible de quitter sa maison, de prendre de la nourriture, de faire une action quelconque, sans s’exposer à mille infractions. La peur d’y tomber paralysait l’esprit et oblitérait le sens supérieur de la moralité naturelle. Toute la religion dégénérait en un formalisme mesquin. L’homme était tenté de se croire l’artisan de sa propre justice ; il ne devait rien qu'à lui-même ; il devenait le créancier de Dieu. À quoi bon le repentir, la prière ardente et humble, les soupirs vers le ciel du pécheur et du publicain ? N'était-il pas, lui, le juste qui jeûnait deux fois par semaine, le lundi et le jeudi, selon la coutume de sa secte, qui payait exactement la dîme de la menthe, de l’anis et du cumin, qui n’oubliait jamais aucun rite traditionnel ? Le pharisaïsme nourrissait l’amour-propre, la présomption et l’orgueil. Il fomentait aussi l’hypocrisie. L’idéal du pharisien était élevé, mais il n’avait pour l’atteindre que son orgueil. Ce mobile ne suffisant pas, sa seule ressource était dedissimuler ses défaillances et de les tourner en vertus devant le vulgaire ('am hâ-ârés), objet de ses craintes et de ses mépris. Quels stratagèmes decasuiste retors pour tempérer la rigueur du jeûne, pour modérer l’incommodité du repos sabbatique ! Ainsi le traité Erubin permet de placer un domicile fictif au terme du voyage autorisé un jour de sabbat pour le prolonger d’autant et d’unir fictivement plusieurs domiciles pour porter des aliments de l’un dans l’autre, sans enfreindre la loi du repos. » Voir F. Prat, Théologie de saint Paul, t.jtP- 33-34, et comparer Bousset, Die Religion des Juden l tums, Berlin, 1903, Vie Frommen, p. 161-168. Les prétentions exclusives des pharisiens à la justice légale, leur suffisance, leur présomption, leur ostentation, leur orgueil en un mot, ne sont guère contestés. Sur ce point, les accusations de l'Évangile et le réquisitoire de saint Paul (surtou t Rom., IX, 31-32 ; x, 1-4) se tro uvent pleinement justifiés. Mais il s’est trouvé des auteurs pour nier la sincérité du portrait que l'Évangile nous trace de leur hypocrisie. Il ne sera donc pas hors de propos d’en appeler à l’autorité du TalmUd qui est, comme nous l’avons dit, l'œuvre de pharisiens. Le Talmud de Jérusalem, aussi bien que celui de Babylone, distingue sept espèces de pharisiens dont la dernière seulement, ou tout au plus les deux dernières, sont exemptes de duplicité. Voici d’abord le passage du Talmud de Jérusalem, d’après M. Schwab, Traité des Berakholh, Paris, 1871, p. 171 : « Il y a sept pharisiens : 1° celui qui accepte la loi comme un fardeau ; 2° celui qui agit par intérêt ; 3° celui qui se frappe la tête contre le’murpour éviter la vue d’une femme ; 4° celui qui agit par ostentation ; 5° celui qui prie de lui indiquer une bonne

action à accomplir ; 6° celui qui agit par crainte et 7° celui qui agit par amour.' En voici une explication plus détaillée : le premier ressemble à quelqu’un qui chargerait les commandements divins sur les épaules pour les transporter ; le deuxième à celui qui dirait : prêtez-moi de l’argent pour que j’accomplisse le précepte ; le troisième : je vais accomplir ce dévoir religieux, puis me permettre une transgression légale et les contrebalancer l’un par l’autre ; le quatrième semble dire : je me rends compte de tout ce que j’ai et c’est par bonne volonté que j’obéis à la religion : . le cinquième qui a conscience de ses devoirs, tâche d’effacer ses péchés par sa bonne conduite ; le sixième agit par crainte comme Job ; le septième paramour comme Abraham et ce dernier degré est le meilleur de tous. » Les explications du Talmud de Babylone, Sota, 22 6 et les définitions de l’Aruch diffèrent très sensiblement. Voir Lightfoot, Horse hebraicse et talmudicee, sur Matth., iii, 7, Works, Londres, 1684, t. ii, p. 125. Les énonciations sibyllines des deux Talmuds sont diversement interprétées. Le nom de la première classe, par exemple, >D2îf tus, est dérivé par le Talmud de Babylone de osir, « Sichem », et non de ddit, sekéni, « épaule », et expliqué : « qui accomplit la loi à contre-cœur, ; comme les Sichémites, Gen., xxxiv, 10, reçurent la circoncision. » La seconde » spa whs, « le pharisien qui hésite », désignerait le pharisien qui dirait à celui qui demande un service : « Attendez un peu ; je suis occupé à faire une bonne action. » La cinquième classe voudrait dire d’après YAnich : « Personne ne peut me montrer que j’ai mal agi. » Quoi qu’il en soit de ces commentaires, nous pouvons conclure de ces textes que beaucoup de ceux qui se disaient pharisiens obéissaient à des mobiles peu avouables.

Les jugements des auteurs sur les pharisiens sont assez divergents. Pour certains, le pharisaïsme aurait représenté l’orthodoxie juive. « Les Pharisiens reflétaient fidèlement les aspirations, les idées du peuple, et d’un autre côté ils exerçaient, par leur enseignement et leur autorité, sur ces mêmes idées une influence très grande. Toutes les faces du caractère national, favorables et défavorables, toutes les nuances de l’esprit public se retrouvaient en eux. » Dôllinger, Paganisme et judaïsme, trad. franc., Bruxelles, 1858, t. iv, p. 130. Selon d’autres, les sadducéens auraient été les conservateurs tandis que les pharisiens auraient incarné l’idée de progrès. Kohler, dans The Jewish Encyclopœdia, t. ix, 1905, p. 662-665, Ces vues en apparence contradictoires ne sont pas inconciliables. Sur beaucoup de points, les sadducéens, s’attachant à la lettre de la Loi, pouvaient passer pour plus conservateurs ; tandis que les traditions pharisiennes, entendues au sens large comme enseignement ou opinion des sages, avaient l’air d’innovations. Dans le droit criminel par exemple, les sadducéens étaient plus rigoristes ; ils appliquaient, sans distinction et sans miséricorde, la peine du talion : les pharisiens tempéraient cette rigueur et admettaient des compensations pécuniaires. Comparez Josèphe, Ant. jud., Xlll, X, 6 : "AXito ; te xa çiioei Ttpbç ià ; xoXà<T£t ; â7netxwç e^ouatv ot 4° aptaaîot. Bell, jud., II, viii, 14 (les sadducéens sont moins sociables et plus rudes dans leurs rapports) ; Ant. jud., XX, ix, l : sîui (oîSaoSuxaîot) itep rà ; xpt’aôi’c liaoi raxpà Ttâvxas tous 'IouSaîouç. — D’un autre côté, les pharisiens faisaient appel à leurs traditions pour atténuer l’incommodité du repos sabbatique et pour écarter l’obligation des visites au Temple prescrites par la Loi. Leur but était de transformer le jour du Seigneur en jour de fête et en jour de joie. Les fictions dont nous avons parlé plus haut étaient destinées à les y aider. En tout cela, les sadducéens, préoccupés surtout de la fréquentation et du service du Temple, voulaient qu’on s’en tint à la lettre de la Thora.

VII. Bibliographie. — Ugolini, Trihatresium sive dissertatw de tribus sectis Judœorum (dans Thésaurus ântiq. sacr., t. xxil), et Triglandius, Trium scriptorum illustriwm de tribus Judseorum sectis syntagma, 1703, ont recueilli un certain nombre d’anciennes dissertations sur les pharisiens ; Carpzov, Apparatus historico-çriticus antiquitatum sacri Codicis, Helmstedt, 1748, p. 173-215, en donne la bibliographie. Parmi les monographies plus récentes on peut citer : Grossmann, De Pharisxismo Judseorum Alexandrino, Leipzig, 1816-1850 ; De collegio Pharisœorum, Leipzig, 1851 ; Biedermann, Pharisâer und Sadducâer, Zurich, 1854 ; Wellhausen, Die Pharisâer und Sadducâer, Greifswald, 1874 ; Cohen, Les Pharisiens, 2 in-8°, Paris, 1877 ; Montet, Essai sur les origines des partis sadducéen et pharisien et leur histoire jusqu'à la naissance de Jésus-Christ, Paris, 1883 ; Narbel, Étude sur le parti pharisien, son origine et son histoire, Paris, 1891 ; Elbogen, Die Religionsanschauung der Pharisâer,

Encyclopsedia, t. IX, 1905, p. 661-666. — Comme articles de revues, nous devons nous.borner à signaler : Montet, Le premier conflit entre Pharisiens et Sadducéens, dans le Journal asiatique, 1887, p. 415-423 ; Hanne, Die Pharisâer und Sadducâer als politische Parteien^dans Zeitschrift fur wissensch. Theol., Halle, 1867 ; Mûller, Pharisâer und Sadducâer oder Judaismus und Mosaistnus, dans les comptes’rendus de l’Acad. de Vienne, philos, et hist., t. xxx, 1860, p. 95-164 ; Geiger, Sadducâer und Pharisâer, dans Jud, Zeitschrift, t. ii, 1863, p. 11-54 ; Krùger, Beitràge zur Kenntniss der Pharisâer und Essener, dans Theolog. Quartalschrift, Tubingue, 1894, p. 431-496. F. Prat.

    1. PHARMACIEN##

PHARMACIEN (hébreu : rôqêah ; Septante : ô u.upsty6ç ; Vulgate : unguentarius), celui qui prépare les remèdes (fig. 40). Le nom est le même que celui du parfumeur, à cause des préparations à l’huile dont l’un et l’autre s’occupaient principalement. Le mot rôqêah

40. — Préparation et administration des remèdes. — Une peinture découverte dans la maison des Vettii à Pompéi représente sous la forme à'Amorini, le medicus qui chez les anciens préparait et administrait les remèdes. — À droite est un pressoir d’où jaillit l’huile médicinale dans un petit bassin circulaire. De chaque côté deux Amorini tiennent un gros marteau dont ils frappent des coins de bois qui, en pénétrant au dedans, font descendre les planches mobiles du pressoir, lequel écrase les matières d’où est extraite l’huile médicinale. — Plus loin, une Psyché assise remue avec une longue cuiller l’huile posée sur un trépied dans un petit bassin. Deux Amorini debout en font autant. — À gauche un petit Amorino est au comptoir et tient une grosse bouteille. Sur le comptoir est placée une balance. Sur le côté postérieur du comptoir est un rouleau de papyrus contenant le formulaire. À côté est une armoire avec des vases de verre et une. statuette d’Apollon, dieu de la santé. — À gauche est une Psyché dont le maintien indique une malade. Un Amorino, tenant un vase et une cuiller, va lui administrer le remède qui y est contenu. Derrière Psyché est la servante de la malade. Voir Domus Vettiorum, in-f", Naples, 1898, p. 6, pi. xiii.

Berlin, 1904. — En dehors des monographies, les quatre ouvrages suivants donnent des renseignements précieux : Geiger, Urschrift und Uebersetzungen der Bibel, Breslau, 1857, p. 101-158 ; Weber, Jûdische Théologie auf Grund des Talmud und verwandten Schriften, Leipzig, 1890, p. 10-14, 44-46 (seconde édition d’un ouvrage publié d’abord sous un autre titre) ; Schùrer, Geschichte des jùdischen Volkes im Zeitalter Jesu Chris ti, 3e édit., t. ii, Leipzig, 1892, p. 380-419 ; Bousset, Die Religion des Judenthums, Berlin, 1903, p. 161-168. — Toutes les encyclopédies bibliques ont sur les pharisiens des articles d’importance et de valeur inégale : Twisleton, dans le Dictionary of the Bible de Smith ; Ginsburg, dans Cyclopxdia of biblical Literature de Kitto ; Reuss, dans Real-Encyclop. de Herzog, 1™ édit. ; Sieffert, lbid., 2e et 3° édit. ; Daniel dans Allgemeine Encyclop. de Ersch et Gruber ; Hamburger, dans Realencycl. fur Bibel und Talmud ; Kaulen, dans Kirchenleocieon, l re et 2e édit. ; Hausrath, dans Bibellexikon de Schenkel ; J. Strong, dans Cijclopsedia of biblical, theological and ecclesiastical Litefature, NewYork, t. viii, 1894, p. 68-76 ; Eaton, dans Hastings, Dictionary of the Bible, Edimbourg, t. iii, 1900, p. 821-829 ; Prince, article Scribes and Pharisees, dans Encyclopmdia biblica, Londres, t. iv, 1903, col. 4321-4329 ; Kaufmann Kohler, dans The Jewish

ne se trouve que dans le texte hébreu de l’Ecclésiastique, xxxviii, 8, avec le sens de pharmacien. On lit en effet dans ce passage :

Le Seigneur fait produire à la terre ses remèdes,

Et l’homme sensé ne les dédaigne pas…

H a donné aux hommes la science

Pour qu’ils se fissent un nom par ses dons merveilleux.

Par eux l’homme procure la guérîson

Et il parvient à enlever la douleur.

Le pharmacien en fait des médicaments,

Et son œuvre est à peine achevée

Que par lui la santé se répand sur la terre.

Eccli., xxxviii, 4-8.

Cf. Ezech., xxx, 21. Le pharmacien n'était pas d’ordinaire distinct du médecin. — Sur les remèdes employés par les pharmaciens israélites et cités dans Ja Sainte Écriture, voir Médecine, t. iv, col. 912, 913.

H. Lesêtre.

PHARNACH (hébreu : Parnâh ; Septante : #ocpvax), zabulonite, père d'Élisaphan. Celui-ci était le chef de la tribu de Zabulon du temps de Moïse, un des douze Israélites qui furent chargés de présider au partage de là Terre Promise. Num., xxxiv, 25.

    1. PHAROS##

PHAROS (hébreu : Par'ôë, « mouche » ; Septante : <&op6< ;  ; dans I Esd., ii, 3, *apé ; ), chef d’une famille dont

41. — Pierre gravée au nom de Pharos.

les descendants au nombre de 2172, IEsd., ii, 3 ; II Esd., vu, 8, retournèrent de Babylonie en Palestine avec ZoroJbabel. Un autre groupe, comprenant 150 hommes, sous leur chef Zacharie, revint plus tard en Judée avec Esdras. I Esd., viii, 3. Sept des « fils de Pharos » avaient épousé des femmes étrangères et Esdras les obligea à les répudier. I Esd., x, 25. — Phadaïa « fils de Pharos », répara une partie des murs de Jérusalem. II Esd., m, 25. — Parmi les chefs du peuple qui signèrent l’alliance que Nëhémie fit renouveler entre Dieu et les Israélites, le premier nommé est Pharos, probablement le représentant de la famille de ce nom. II Esd., x, 14. Un sceau antique en cornaline porte le nom de Pharos gravé en lettres phéniciennes (fig. 41). Voir W. von Landau, Beitrâge zur Altertumskunde des Orients, t. iv, in-8°, Leipzig, 1905, p. 43.

    1. PHARPHAR##

PHARPHAR (hébreu : Parpar ; Septante : ifapçâp ; Alexandrinus : « tapçapà), la seconde des rivières qui arrosent la ville de Damas. Elle est mentionnée par Naaman, qui, dans IV Reg., v, 12, répond au prophète Elisée, lorsque celui-ci lui conseille d’aller se laver dans le Jourdain pour se guérir de la lèpre : « L’Abana et le Pharphar, les rivières de Damas, ne sont-ils pas meilleurs que toutes les eaux d’Israël ? » — Le Pharphar s’appelle aujourd’hui Nahr el-Aouadj, voir Abana, t. i, col. 14, et un de ses affluents porte encore le nom de Barbar. Il a deux sources principales, l’une sur la pente orientale de l’Hermon, au-dessous du pic central ; l’autre, à quelques kilomètres au sud, près du village de Beit Djann. Les deux cours d’eau se réunissent près de Sasa et, par un lit profond creusé au milieu des rochers, vont se jeter dans la direction de l’est dans un lac marécageux, le Bahret Hidjanéh, à six kilomètres environ au sud du lac où débouche le Barada, l’ancien Abana. L’Aouadj ne passe pas à Damas même, mais à douze kilomètres de la ville ; il mérite néanmoins le nom de fleuve de Damas, parce qu’il arrose toute la plaine qui porte le nom de la ville, et, par d’anciens canaux, ses eaux en arrosent les champs et les jardins presque jusqu’aux murailles de la cité. Le cours du Nahr el-Aouadj est d’une soixantaine de kilomètres et son volumed’eau est à peu près le quart de celui du Barada. — Voir J. L. Porter, Five years in Ddmascus, 3 in-12, Londres, 1855, t. i, p. 299, 311-312, 318-321, 389 ; t. ii, p. 12-14, 247-248 ; Id., The Rivers of Damascus, dans le Journal of sacred Literatvre, t. v, octobre 1853, p. 45-57 ; Ed. Robinson, Notes on biblical Geography, the A’waj, dans la Bibliolheca sacra, t. vi, 1849, p. 366-371. F. Vigouroux.

' PHARSANDATHA (hébreu : Parsandâtd' ; Septante : « Êapiravvé ;  ; Alexandrinus : 4>apaavEaTÔv), le premier nommé des dix fils d’Aman qui furent mis à mort à Suse par les Juifs le 13 du douzième mois appelé Adar après la chute et l’exécution de leur père. Esther, ix, 7. Le nom de Pharsandatha est en perse, d’après certains philologues, Fraçna-data, « donné par prière ». Cf. J. Oppert, Commentaire du livre d’Esther, 1864, p. 21.

PHARUDA. I Esd., ii, 55. Voir Piiarida, col. 205.

    1. PHARUÉ##

PHARUÉ (hébreu : Pavùah ; Septante : *ouauoOS ; Alexandrinus : "Êappou ; Lucien : Bapottovy), père de Josaphat. Salomon chargea Josaphat de la levée des tributs sur la tribu d’Issachar. III Reg., iv, 17.

    1. PHARURIM##

PHARURIM (hébreu : Parvdrim ; Septante : *aipoupifi), partie des dépendances du Temple. IV Reg., xxiii, 11. L’auteur sacré raconte dans ce passage que le roi Josias « fit disparaître les chevaux que les rois de Juda avaient dédiés au soleil à l’entrée de la maison de Jéhovah, près de la chambre de Nathanmélech, l’eunuque qui était à Parvarîm ». Au premier livre des Paralipomènes, xxvi, 16-18, nous lisons au sujet des portiers du sanctuaire : « À Séphim et à Hosa [échut la garde du] côté de l’occident, avec la porte Salléhéf sur Je chemin montant (Vulgate : juxta portant quse ducit ad viam ascensionis)… Il y avait… au Parbâr, à l’occident quatre [lévites] sur le chemin, deux au Parbâr. » (Virlgate : In cellulis quoque janitorum ad occidenlem quatuqr in via, binique per cellulas.) Le Parbâr dont il est question ici, d’après le contexte, était situé à l’ouest du Temple, près de la porte appelée Sallékéf (dejectio), à l’endroit peut-être où est la Bab Silsilis actuelle. Le chemin mentionné conduisait du Temple à la colline appelée aujourd’hui le mont Sion, en traversant la vallée du Tyropœon. — On ne s’entend pas sur la signification précise du mot parbâr. La plupart croient que ce mot est le même que celui de parvarîm (au singulier parvâr), les deux ne différent entre eux que par une lettre, 3, 6, et i, v. La Vulgate a traduit parbâr par « cellules ». Gesenius, Thésaurus, p. 1123, entend par parvarîm des portiques ou des colonnades ouvertes qui entouraient le Temple ; il rapproche ce mot du perse farouar, « maison d'été, kiosque ». D’autres ont traduit parbâr par « faubourgs », parce que c’est le sens donné par les Targuens et le Talmud aux mots paryârin et parvilîn. Buxtorf, Lexicon chaldaicum, 1640, p. 1804, 1805. Cf. Josèphe, Ant. jud., XV, xi, 5, qui dit que deux des portes du Temple d’Hérode débouchaient à l’ouest eîç tô îipodcinretov, dans le faubourg de la ville. Voir Temple. — Les six portiers dont parle I Par., xxvi, 16, avaient leur poste, quatre probablement en dehors de la porte, du côté du chemin, et deux à l’intérieur de la porte. — Pour les chevaux du soleil qui étaient à Pharurim, voir Nathanmélech, col. 1485.

    1. PHASE##

PHASE, nom donné à la Pâque, dans la Vulgate, dans tous les livres de l’Ancien Testament, Exod., xii, 11, etc., excepté Ezech., xlv, 21, et I Esd., VI, 19, 20, où cette fête est appelée Pascha, comme dans tout le Nouveau Testament, lorsqu’elle n’est pas désignée par son autre nom de « fête des Azymes ». Voir PaQDE, t. iv, col. 2094, et Azymes, 2°, t. i, col. 1313.

    1. PHASÉA##

PHASÉA (hébreu : Paséah, « boiteux » ; Septante : ^aarj), chef d’une famille de nathinéens qui retourna de captivité en Palestine avec Zorobabel. I Esd., ii, 49 ; III Esd., vii, 51. Un des membres de cette famille appelé Joîada restaura avec Mosollam la porte Ancienne de Jérusalem. II Esd., iii, 6. Certains commentateurs font cependant de Phaséa « père de Joîada » un per-, sonnage distinct du chef de la famille nathinéenne. — Le texte hébreu mentionne un descendant de Juda qui porte le même nom, mais la Vulgate l’a écrit Phessé. I Par., n% 12.

    1. PHASËLIDE##

PHASËLIDE (grec : $a<nlç), ville de l’Asie Mineure, située sur les confins de la Lycie et de la Pamphylie (fig. 42). C'était une colonie dorienne. Hérodote, ii, 178. Sa position était tros favorable pour le commerce. Bâtie dans un isthme, elle n’avait pas moins de trois ports. C'était la première terre qui apparaissait au navigateur dans le voyage de Cilicie à Rhodes. Tï.te Live, xxxvji, 23 ; Cicéron, Verr., iv, 10 (22). Dès le IIe siècle avant J.-C, sous le règne d’Amasis, elle avait à Naucratis, en Egypte, une part dans PHellénium, qui était une sorte de bonrse de commerce pour les Grecs. Hérodote,

il, 178. Son trafic était très considérable. Straion, XIV, m, 9 ; Thucydide, ii, 69 ; viii, 88 ; Polybe, xxx, 9. Le mont Solyme, au-dessous duquel elle était située, servait comme de phare aux navires qui se dirigeaient vers Phasélide. « Sur la côte orientale de Lycie, dit Elisée Reclus, Nouvelle géographie universelle, t. v, 1884, p. 480, se dresse, à 2375 mètres, la montagne de Takh talou, le Solyma des anciens, à la base entaillée de gorges, aux pentes moyennes couvertes d’arbrisseaux ; c’est sur le versant méridional de ce pic superbe que brûle jour et nuit la Chimère dont parlent les géographes grecs et romains et qui adonné lieu à tant de fables La source du feu, le Yanar ou Yanar-tach, jaillit d’une ouverture profonde d’un mètre environ, au-dessus de laquelle s'élèvent les débris d’un temple. Aucune fumée n’accompagne la flamme ; à quelques mèlrës de distance, la roche serpentineuse d’où s'élance le feu mystérieux n’a pas une température supérieure à celle

42. — Monnaie de Phasélide. Poupe de galère ; dans le champ *AEH. — Éj. Minerve Promachos. À droite un monogramme dans un cercle, à gauche <ï>.

des terrains environnants ; des arbres croissent dans le voisinage et un ruisseau serpente sous l’ombrage… Une autre ouverture du rocher, semblable à celle du Yanar, est maintenant éteinte. » — Phasélide à l'époque des Romains, devint un repaire de pirates. P. Servilius les attaqua et détruisit la ville. Cicéron, Verr., iv, 10 : Elle perdit son indépendance en 72-75 avant J.-C. Elle fut restaurée, mais elle ne recouvra jamais sa première prospérité. On y voit encore des ruines de ses anciens monuments ; son port est devenu un marais d’où s’exhalent des miasmes délétères. Elle porte aujourd’hui le nom de Tekrova.

C’est à l'époque où la piraterie ne prédominait pas encore à Phasélide que les Romains écrivirent aux habitants de cette ville et de quelques autres, situées la plupart sur la route que suivait le commerce maritime de la Lycie en Italie, pour leur demander de porter aide et appui à Simon Machabée et aux Juifs. I Mach., xv, 23. Phasélide avait donc une colonie juive vers 139 avant notre ère. — Voir Fr. Beaufort, Karamania or description of the south Coast of Asia minor, in-8°, Londres, 1817, p. 53-65 ; Ch. Texier, Asie Mineure, in-12, Paris, 1862, p. 697-699 ; G. F. Hill, Catalogue of Greek, Coins in the Brit. Muséum, Lycia, 1897, p. lxvii.

F. Vigourotjx.

    1. PHASÉRON##

PHASÉRON (grec : "Êamptôv), nom d’une tribu nabuthéenne, « les fils de Phaséron, » qui fut battue par Jonathas Machabée, I Mach., ix, 66, dans les environs de Bethbessen. Cette tribu est inconnue.

    1. PHASGA##

PHASGA (hébreu : Pisgdh), montagne du pays de Moab. Dans le texte hébreu, ce nom est toujours précédé de l’article : hapPisgâh. Il n’est jamais employé seul, mais précédé tantôt de rô'S, a. sommet duPhasga », tantôt de 'asdôf, mot qui est diversement interprété. On n’est pas d’accord sur le point de savoir si Pisgâh est un nom propre ou un nom commun ; les deux opinions ont des partisans. La Vulgate l’a toujours considéré comme un nom propre ; les Septante l’ont rendu tantôt comme an nom propre et tantôt comme un nom commun : $a<r{â dans Deut., iii, 67 ; xxxiv, 1 ; Jos., XII, 3 ; xiii, 20 ; et xopuçri toO Xe>aÇeu|iévou, « sommet du (mont) taillé », escarpé, dans Num., xxi, 20 ; xxiii.

14. Saint Jérôme, Onomast., édit. Larsow, 1862, p. 73 et 227, explique aussi le sens de Phasga par abscissum et eœcisum. On peut l’interpréter par « section, partie ». Gesenius, Thésaurus, p. 1114. — Sur les 'asdôf Pisgdh, mentionnées Deut., iii, 17 ; iv, 49 ; Jos., xii, 3 ; xiii, 20, voir Asédoth, t. i, col. 1076.

1° L'Écriture dit expressément que le Phasga est dans le pays de Moab, Num., xxi, 20 ; vis-à-vis de Jéricho, Deut., xxxiv, 1, et du désert de Jésimoth, Num., xxi, 20, à l’est de la pointe septentrionale de la mer Morte. Deut., iv, 49 ; Jos., xii, 3. — Le mont Phasga fait partie de la chaîne des Abarim. Deut., xxxii, 19, comparé avec xxxiv, 1. Les monts Abarim s'étendent du nord au sud, à l’est de la mer Morte, depuis l’ouadi Hesban jusqu’au Zerka Maïn. Voir Abarim, t. i, col. 17. Le mont Nebo était un des pics des Abarim. Voir Nébo 2, t. iv, col. 1544. Phasga est-il un autre nom de la chaîne ou d’une partie de la chaîne des Abarim, ou bien un des pics du mont Nébo ou bien enfin simplement un nom commun, désignant le sommet du mont Nébo ? Dans ce dernier cas, la phrase du Deutéronome, xxxiv, 1, « Moïse monta sur le mont Nébo, au sommet du Phasga, » devrait se traduire : « Moïse monta sur le mont Nébo, au sommet de la hauteur. » On peut alléguer en faveur de cette version, outre les passages des Septante rapportés plus haut, le Targum de Jérusalem et celui du Pseudo-Jonathan qui rendent invariablement Pisgâh par ramafa, « colline, élévation », et ne le regardent pas comme un nom propre. Cette explication est difficile à concilier avec les textes qui représentent le Phasga comme une montagne au pied de laquelle campèrent les Israélites, cf. Num., xxiii, 14 et xxiv, 2, et d’où jaillissaient des sources d’eau. Deut., m, 17 ; iv, 49 ; Jos., xii, 3 ; xiii, 26. Les divers passages dans lesquels l’Ecriture nomme le mont Phasga semblent s’expliquer plus commodément en admettant que c'était une montagne de la chaîne des Abarim distinguée, par ce nom propre, des autres parties de la chaîne. C’est du mont Nébo que Moïse, Deut., xxxii, 49, contemple la Terre Promise avant de mourir. Or nous lisons, Deut., xxxiv, 1, « Moïse monta des plaines de Moab sur le mont Nébo, au sommet du Phasga ; » ce dernier sommet paraît donc bien n'être qu’un pic du Nébo, mais, à cause de son élévation, il désignait sans doute aussi toute la montagne. — Les voyageurs modernes n’ont pas trouvé de traces du nom de Phasga dans la Moabitide. Quelques-uns d’entreeux identifient le Phasga avecie Djebel ou Rds Siaghah, C. R. Condër, Palestine, 1889, p. 259, mais le Djebel Neba, à l’est du Siaghah est plus élevé.

2° Le mont Phasga est nommé pour la première fois dans les Nombres, xxi, 20. En s’approcha nt de la Terre Promise pouren faire la conquête, les Israélites allèrent camper « de Bamoth (voir Bamoïh-Baal, 1. 1, col. 1423) à la vallée qui est dans le pays de Moab au sommet du Phasga, en vue du désert (de Jésimon) ». De là, Moïse fit demander à Séhon, roi des Amorrhéens, qui régnait à Hésébon, dans le voisinage, l’autorisation de traverser pacifiquement son territoire. Séhon ne l’accorda point, mais, au contraire, attaqua Israël. Il fut battu et les Israélites allèrent camper sur la rive orientale du Jourdain vis-à-vis de Jéricho. — Balac, roi de Moab, ne se sentant pas de force à les arrêter, eut recours à Balaatn, et lui demanda de maudire ses ennemis, afin qu’il pût ainsi les mettre en fuite. Balaam prononça son second oracle, au sujet d’Israël, du champ de ?ofim (Vulgate : « d’un lieu élevé, » in locum sublimem), au sommet du Phasga. Num., xxiii, 11-24. — Le Phasga est nommé ensuite plusieurs fois comme marquant la frontière orientale de la Terre Promise qui doit s'étendre à Test « jusqu'à la mer de sel ou mer Morte » au pied de 'Asdof hap-Pisgdh. Deut., iii, 17 ; iv, 49 ; Jos., xii, 3. — Moïse donna 'Asdôf hap-Pisgdh à la tribu de Ruben. Jos., xiii, 20. — Enfin Moïse, sur l’ordre de Dieu, « monta des plaines de Moab sur le mont Nébo, au sommet du Phasga. » Deut., xxxiv, 1. C’est là qu’il contempla la Terre Promise et qu’il mourut. — Quant à la vue dont on jouit de cette montagne sur la Palestine, voir Nébo, t. iv, col. 1544.

    1. PHASHUR##

PHASHUR (hébreu : Pashûr ; Septante : $aa-so-jp), chef d’une famille sacerdotale. II Esd., vii, 41. Son nom est écrit Pheshur I Esd., ii, 38 ; x, 22 ; II Esd., x, 3, dans la Vulgate. « Les fils de Phashur » retournèrent de Babylonie en Palestine avec Zorobabel au nombre de 1247. I Esd., ii, 38 ; II Esd., vii, 41. Six d’entre eux sont nommés par leur nom dans I Esd., x, 22, comme ayant épousé des femmes étrangères, qu’Esdras les obligea à répudier. —Phashur (Pheshur), ou le chef de la famille de ce nom, signa du temps de Néhémie l’alliance contractée entre Dieu et son peuple. II Esd., x, 3. — Dans le texte hébreu, plusieurs autres Ismaélites sont nommés aussi Pashûr. La Vulgate écrit les noms de trois d’entre eux qui furent contemporains de Jérémie Phassur (voir ce mot) et Pheshur, dans II Esd., xi, 12, celui qu’elle appelle Phassur dans I Par., ix, 12. — Certains commentaires identifient le Phashur dont les fils revinrent à la captivité avec un des Phassur nommés par Jérémie : ce n’est pas impossible, mais peu probable. Voir Phassur 2.

    1. PHASPHA##

PHASPHA (hébreu : Pispâh ; Septante : $oc<Ttpà), second fils de Jéther, un des principaux chefs de famille de la tribu d’Aser. I Par., vii, 38.

    1. PHASSUR##

PHASSUR (hébreu : PaShûr), nom de six Israélites. La Vulgate écrit le nom de deux d’entre eux Phashur et Pheshur. Voir ces deux noms.

1. PHASSUR (Septante : llaax^?), prêtre, fils d’Emmer. Un des oracles de Jérémie, xx, 1-6, est dirigé contre lui. Phassur était inspecteur en chef (hébreu : pâqû nàgîd ; Vulgate : princeps) ou intendant du temple de Jérusalem. Ayant entendu Jérémie prophétiser la ruine de Jérusalem et du Temple, il le frappa et le fit mettre aux ceps dans le Temple à la porte Haute de Benjamin. Il ne le délivra que le lendemain. Jérémie lui dit alors : « Jéhovah ne t’appelle plus Phassur (étymologie incertaine ; Gesenius, Thésaurus, p. 1135, l’explique par « sécurité tout autour » ), mais Mâgôr Missâbîb (terreur tout autour), parce que voici ce que dit Jéhovah. « Je te livrerai à la terreur toi et tous tes amis. » Tous ses amis seront frappés par l’ennemi, Juda sera livré au roi de Babylone, et Phassur et les siens seront emmenés en captivité. Jérémie, ꝟ. o termine sa prophétie en reprochant au fils d’Emmer d’avoir prophétisé des mensonges. Il devait donc avoir prédit que Juda serait délivré des attaques des Chaldéens. Le texte sacré ne nous dit rien de plus sur le sort de Phassur et de sa famille, mais on ne saurait douter que la prophétie qu’il avait faite contre eux n’ait été réalisée. — Phassur, fils d’Emmer, peut être le même que Phassur, père de Gédélias. Voir Phassur 3.

2. PHASSUR (Septante : IlaaxtSp), Aïs de Melehias, contemporain de Jérémie comme le précédent, prêtre selon les uns, cf. I Par., îx, 12, prince du peuple, selon les autres. Il fut mêlé à deux événements de la vie de Jérémie. Le roi Sédécias l’envoya auprès du prophète avec le prêtre Sophonie pour lui demander de consulter Jéhovah au sujet de la guerre que lui faisait les Chaldéens, dans l’espoir d’en obtenir une prédiction favorable, mais Jérémie annonça la prise de Jérusalem. Jer., xxi, 1. — Plus tard, nous retrouvons le fils de Melehias, Jer., xxxviii, 1, parmi les grands de la cour qui, ayant entendu Jérémie prophétiser la ruine de Jérusalem, pendant qu’il était dans la cour de la prison,

pressèrent le roi de le faire mettre à mort et obtinrent _de lui de le jeter dans la citerne boueuse de Melehias d’où il fut retiré par l’eunuque éthiopien Abdémélech. Jer., xxxviii, 1-13. — Ce Phassur est peut-être le même que le « Phassur, fils de Melehias », qui est nommé I Par., ix, 12, et II Esd., xi, 12, comme aïeul d’Adaïas, lequel figure parmi les prêtres qui habitèrent Jérusalem au retour de la captivité, mais on ne peut établir qu’il soit le chef éponyme des « fils de Phashur » qui revinrent de captivité avec Zorobabel. Voir Phashur, col. 223. — Quelques commentateurs croient aussi que le fils de Melehias est le père de Gédélias, Jer., xxxviii, 1, mais ce n’est guère vraisemblable, Gédélias « fils de Phassur » étant nommé dans ce ꝟ. 31, avant « Phassur, fils de Melehias », et sans l’indication d’aucun lien de parenté. Le nom de « Phassur, fils de Melehias », manque, il est vrai, dans les Septante, mais il se lit dans l’hébreu comme dans la Vulgate.

3. PHASSUR (Septante : Tlaaxûp), père de Gédélias. Gédélias fut un des ennemis de Jérémie. Jer., xxxvili f 1. Certains commentateurs confondent ce Phassur avec l’un des précédents. Voir Phassur 1 et 2.

4. PHASSUR (Septante : « fcasxwp), père de Jéroham, aïeul d’Adaïas et fils de Melehias. I Par., ix, 12. Quelques commentateurs le prennent pour un personnage différent de Phassur 2, mais la distinction des deux n’est pas certaine. Le livre de Néhémie, II Esd., xi, 12, mentionne aussi Phassur (dont elle écrit le nom Peshur), fils de Melehias, comme ancêtre du prêtre Adaïa, fils de Jéroham. Seulement dans ce passage la généalogie est plus complète ; elle contient quelques noms qui sont omis dans I Par., ix, 12.

    1. PHATAÏA##

PHATAÏA (hébreu : Petahyâh, « Jéhovah délivre » ; Septante : ieéeîa), un des Lévites qui avaient épousé une femme étrangère. Esdras l’obligea à la répudier.

I Esd., x, 23. Nous le retrouvons dans II Esd., IX, 5, le dernier de ceux des Lévites qui du temps de Néhémie adressèrent à Dieu une longue prière pour le renouvellement de l’alliance entre lui et son peuple. Dans ce passage, les Septante omettent son nom et la Vulgate l'écrit Phathahia. — Le texte hébreu mentionne deux autres Petahyâh qui sont appelés dans notre version latine Phétéia, I Par., xxiv, 16, et Phathahia, Il Esd., xi, 24.

    1. PHATHAHIA##

PHATHAHIA (hébreu : Petahyâh), nom de deux Israélites dans la Vulgate. Voir Phataïa.

1. PHATHAHIA (Septante omettent son nom), lévite.

II Esd., ix, 5. C’est le même que la Vulgate appelle Phataïa. I Esd., x, 23.

2. PHATHAHIA (*a6ai’a), fils de Mesézebel, descendant de Zara, de la tribu de Juda, contemporain de Néhémie. Il était « sous la main du roi » Ârtaxerxès, c’est-à-dire son représentant ou son mandataire ou son conseiller pour toutes les affaires qui concernaient les Juifs. II Esd., XI, 24.

    1. PHATHUEL##

PHATHUEL (hébreu : Pefiïêl ; Septante : B*60wiX), père du prophète. Joël Joël. I, 1. On ne connaît que son nom, et encore ce nom est-il diversement écrit dans les manuscrits grecs et dans les versions. Voir Joël 15, t. iii, col. 1582.

    1. PHATURÈS##

PHATURÈS, PHATHURÈS, PHÉTROS (hébreu : Patrôs ; Septante : yï| IlaGoup^ ; et y 5 ! $a80up^ ;  ; Vulgate : Phatures, dans Jérémie, xuv, 1, 15 ; Phat hures, dans Ézéchiel, xxix, 14 ; xxx, 14 ; Phetros, ls., xi, 11), la Haute Egypte.

I. Étymologie et signification. — Phathurès ou Phétros est un mot égyptien hébraïsé. Il se décompose de

l’avis généra], enpo ta risi, it 7TT JL Y, ou P-to-res, « la terre du sud », et il désigne la Haute Egypte, la Thébaïde des Grecs, le Sàïd des Arabes, par opposition

à pa ta mehit, X. * * * > ou P-to-mehet, « la terre du nord », la Basse Egypte, le Delta. Pour ces noms et leurs variantes, voir Brugsch, Dictionnaire géographique de l’ancienne Egypte, Supplément, 1880, p. 1399. La plus ancienne histoire de l’Egypte est unanime à nous montrer la division du pays en deux terres et en même temps son union dans les mains d’un seul chef. Déjà les rois des premières dynasties font l’union des deux terres et la figurent par le sam-tooui, c’est-à-dire la ligature du lotus, emblème de la Haute Egypte, et du papyrus, emblème de la Basse Égvpte. Quibell, Hierakonpblis, part. i, 1900, pi. xxxvii-xxxviii et p. 11. Chaque région avait sa couronne propre, couronne blanche pour la Haute Egypte, couronne rouge pour la Basse Egypte. Les deux couronnes réunies formaient le pschent (fig. 43). Le royaume du sud com 43. — Couronnes d’Egypte. 1. Couronne blanche. — 2. Couronne rouge. — 3. Pschent.

mençait plus ou moins loin de Memphis, suivant les époques, et se terminait à Bigeh et à Philse. Dès l’Ancien Empire, il eut ses gouverneurs dont la résidence ne paraît pas avoir été fixe. Ouni, que Mérenra de la

VI » dynastie nomma à la dignité de — V * == ' 4>, 1)atj à mer res, « chef gouverneur du midi », résidait à la cour. Le territoire de la province méridionale descendait alors jusqu'à Memphis. E. de Rongé, Recherches sur les monuments qu’on peut attribuer aux six premières dynasties, p. 135. Hirkhouf qui eut le même honneur après Ouni était gouverneur d'ÉIéphantine. J. de Morgan, Catalogue des monuments et inscriptions de l’Egypte antique, t. i, p. 172. Quand plus tard Thèbes eut obtenu la suprématie et fut devenue NoutRisit, « la ville par excellence du sud », la grande capitale, c’est là que résida le gouverneur du midi. A une époque où les Hébreux vivaient encore tranquilles en Egypte, Rekhmara, nomarque de Thèbes, vizir de Thotmès III, etc., joignait à ses autres charges celle de

gouverneur du midi. Mais alors 2., Besit, la région

du-midi, si elle allait toujours jusqu'à Bigen, ne descendait plus que jusqu'à Siout, puisque c’est dans ces limites que Rekhmara perçoit les taxes de son commandement. Newberry, The life of Rekhmara, 1900, pi. v-vi et p. 26. Après les Ramessides et la disparition des rois prêtres, les Bubastites de la XXII 8 dynastie firent de la Thébaïde déchue un apanage royal et la maintinrent de la sorte sous leur dépendance, avec des alternatives toutefois. Cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, 6e édit., 1904, p. 476. Elle ne tarda pas de tomber aux mains des Éthiopiens et, sous ces derniers, vers la fin du vme siècle, puis sous les Saïtes, vne et vr= siècles, elle devint une principauté théocratique régie par des femmes de sang royal. Toutes ces péripéties contribuè

rent politiquement à rendre réelle, de nominale qu’elle était auparavant, la démarcation déjà si tranchée par la nature elle-même, entre la Haute et la Basse Egypte. Le nom d’Egypte ou Mesraîm se restreignit à la dernière. II. La terre du sud chez les prophètes. — 1° Isaïe, xi, 11, prophétisant la venue du Messie, annonce qu’il apportera au inonde le règne de la justice, et spécialement qu' « il éteudra de nouveau sa main », comme il avait déjà fait pour la sortie d’Egypte, et qu' « il rappellera le reste de son peuple » dispersé aux quatre points cardinaux. Il le rappellera en particulier du sud, c’està-dire de l’Egypte, de Phétros et de l’Ethiopie. On ne s’explique pas que les Septante lisent ici àm> Baguî.wvt’a ; pour a Phetros, contrairement au texte hébreu suivi par la Vulgate. Quoi qu’il en soit, Phétros est le même mot que Phaturès. Jer., xliv, 1, 15. Isaïe est pleinement d’accord avec l'état de choses existant en Egypte de son temps, lorsqu’il distingue la terre du sud de Mesraîm devenue au sens restreint l’Egypte proprement dite. De plus il suit l’ordre géographique, allant du nord au sud jusqu'à l’ithiopie, jadis soumise à l’Egypte, maintenant indépendante d’elle et parfois la dominant. Asarhadon ne fait pas autrement quand il se déclare « le roi des rois d’Egypte (Musur), de la Haute Egypte (Paturisi) et de l’Ethiopie (Kusi). » Budge, The hislory of Esaraddon, n° 5, p. 16 19. — 2° Jérémie, xliv, 1 : « Parole qui fut transmise par Jérémie à tous les Juifs qui habitaient le pays d’Egypte, à Magdal, à Taphnès et dans Memphis, et dans la terre de Phaturès. » il. 15 : « Et, 'tout le peuple de ceux qui habitaient en Egypte (et) à Phaturès, répondirent à Jérémie… » Jérémie suit aussi l’ordre géographique et met en parallèle Mesraîm et Phaturès, soit qu’il annonce aux Juifs réfugiés et dispersés en Egypte le châtiment de leur idolâtrie par la main de Nabuchodonosor, soit qu’il cite la réponse de ces mêmes Juifs opiniâtres dans leur incrédulité. Tous ceux de Mesraîm et ceux de Phaturès (ꝟ. 15), Dieu les atteindra en Mesraîm où ils occupent trois villes, Magdal à la frontière orientale, Taphnis un peu plus haut dans les terres et enfin Memphis à la pointe de Delta ; il les atteindra pareillement en Haute Egypte (ꝟ. 1) ; d’un mot, dans les deux régions distinctes où s'étend la dispersion. Cf. Ézéchiel, xxx, 13-14, où l’on voit la même opposition entre Mesraîm et Phaturès. — 3° Dans Ézéchiel, xxx, 14, le Seigneur prédit la dispersion de la terre de Phaturès. Au chap. xxix, 12-13, le Seigneur vient de dire : « Je disperserai les Égyptiens parmi les nations, et je les séparerai dans tousles pays… Après quarante ans je rassemblerai les Égyptiens du milieu des peuples parmi lesquels ils avaient été dispersés. » Il ajoute, ꝟ. 14 : « Je ramènerai les captifs d’Egypte ; je les placerai dans la terre de Phaturès, dans la terre de leur naissance, et ils y feront un royaume humilié. » Dans l'état actuel de nos connaissances, la réalisation de cette prophétie reste obscure par plus d’un côté. Ni les documents assyriens et égyptiens, ni Josèphe et les autres écrivains ne font la lumière sur ces quarante années suivies du rétablissement de l’Egypte dans un royaume limité à la terre du sud. Cf. W. M. Mùller, art. Pathros, dans Hastings, Dictionary of the Bible, t. iii, p. 693. Une seule chose est certaine : après les invasions des Assyriens, l’Egypte était frappée à mort, et malgré son renouveau sous Amasis, elle était bien « un royaume humilié ». Les Perses allaient venir. Peut-être est-ce dans la période qui va d' Amasis aux Perses (570-525) qu’il faudra placer la restauration signalée par le prophète ? Il y eut là, semble-t-il, un moment d’accalmie et de paix relative, surtout dans la Haute Egypte délivrée des Éthiopiens. Mais il est un point de la prophétie où nos connaissances nous permettent de vérifier l’exactitude d'Ézéchiel. Il dit expressément que Phaturès est la terre d’origine des Égyptiens, terra nativilatis suse. En cela il est d’accord avec la tradition égyptienne

V. -8

consignée par Hérodote ii, 4, 15, et Diodore ii, 50, Thinis, ^~ ], Theni, dans la Haute-Egypte, fut en

effet le berceau et la première capitale de l’Egypte, Menés, le premier roi historique, en était originaire, les deux premières dynasties sont appelées thinites. Brugsch, Histoire d’Egypte, i™ partie, 2e édit., Leipzig, 1875, p. 29-30. De plus, les inscriptions attestent la priorité du sud en le plaçant toujours avant le nord ; ainsi, par exemple, le Pharaon est constamment en premier lieu roi de la Haute Egypte. Enfin Amélineau a découvert (1895-1898) les tombes des plus anciens rois à Abydos, nécropole de Thinis, et cette découverte est venue donner à la tradition la plus éclatante confirmation. Cf. Pétrie, The royal Tombs, 2 in-8°, 1900-1901 (Mémoires XVIII et XXI de l’Egypt Exploration Fund). Venus d’Asie par la mer Rouge et l’ouadi Hammâmât, suivant l’opinion la plus probable, les Égyptiens s'établirent donc dans les environs d’Abydos. Ce fut là qu’ils naquirent en quelque sorte comme peuple et d’où ils s'étendirent au sud et au nord sur toute la vallée du Nil._ Cf. J. de Morgan, Recherches sur les origines de VÉgypte, t. ii, 1897, p, 214 sq.

C. Lagier. PHAÙ (hébreu : ws, Pâ'û, Gen., xxxvi, 39 ; >7B, Pâ'i, I Par., i, 50 ; Septante : "^(ofiip), ville d’Idumée où résidait Àdar (appelé Âdad I Par., i, 50), roi d'Édom. Le site de cette ville est inconnu. U. J. Seetzen, Reisen jiurch Syrien, Palàstina, t. iii, Lund, 1835, p. 18, propose de reconnaître Phaû dans Phau’ara. F. Buhl, ' Geschichle der Edomiter, 1893, p. 38, combat cette identification.

PHÉ, lettre hébraïque. Voir Pé, col. 1.

    1. PHEDAEL##

PHEDAEL (hébreu : Pedâh'êl « Dieu délivre » ; Septante : $aSa-ri>.), fils d’Ammiud, de la tribu de Nephthali. II fut chef de sa tribu et Moïse le chargea de la représenter dans le partage de la Palestine, avec les chefs des autres tribus israéVites. ÏVvim., raxw, Î.8.

    1. PHEGIEL##

PHEGIEL (hébreu : Pag'î'êl, Septante : $o-(ct.i-r{>., « Êa-fe-r^), fils d’Ochran, chef de la tribu d’Aser, du temps de Moïse. Il oiîrit au Tabernacle les mêmes présents et les mêmes sacrifices que les autres chefs de tribus. Num., i, 13 ; ii, 27 ; vii, 72, 77. Il marchait à la tête des Asérites. Num., x, 26.

    1. PHELDAS##

PHELDAS (Pildâs ; Septante : « SctASé ; ), le sixième des huit fils de Nachor, frère d’Abraham et de Melcha, sa nièce. Gen., xxii, 22. Le nom îurrbs a été trouvé dans les inscriptions nabuthéennes. M. A. Levy, Ueber die nabatâischen lnschriften, dans la Zeitschrift der deutschen movgenlàndischen Gesellschaft, t. xiv, 1860, p. 440.

    1. PHÉLÉIA##

PHÉLÉIA (hébreu : .Prfd’yâfcfvoirPHALAïA, col. 182] ; Septante : $a8ats ; À lexandrinus : QoXvda.), troisième fils d’Elioénaï, de la race royale de David. I Par., iii,

24.

    1. PHÉLELIA##

PHÉLELIA (hébreu : Pelalyâh, « Jéhovah juge » ; Septante : « JaXaXîâ), prêtre, fils d’Amsi et père de Jéroham qui était lui-même père d’Adaïa, contemporain de Néhémie. II Esd., xi, 12. C'était un des descendants de Pheshur ou Phassur, fils de Melchias.

    1. PHÉLETH##

PHÉLETH (hébreu : Pélét ; Septante : $aXI6), père de Hon, de la tribu de Ruben. Hon prit part à la révolte de Coré et des deux autres Rubénites Dathan et Abiron contre Moïse et Aaron, Num., xvi, 1. Les Septante et le texte samaritain appellent Phéleth fils de Ruben. — Un descendant de Jéranjéel de la tribu de

Juda, qui est aussi appelé Pélét dans le texte hébreu, est appelé Phaleth, dans la Vulgate. I Par., ii, 33.

    1. PHÉLÉTHIENS##

PHÉLÉTHIENS (hébreu : hap-Pelêti ; Septante : ô $e).£80> gardes du corps du roi David. II Reg., viii, 18 ; xv, 18 ; III Reg., i, 38, 44 ; IPar., xviii, 17. La Vulgate nomme aussi les Phéléthiens, IV Reg., xi, 19, parmi les gardes qui accompagnèrent le roiJoas lors de son intronisation, mais l’hébreu et les Septante n’en font pas mention et parlent seulement des Céréthiens. Dans tous les autres passages cités plus haut, les Phéléthiens sont toujours joints aux Céréthiens et nommés à leur suite. On croit communément que leur nom n’est qu’une variante de celui de Philistin. Cf. Ezech., xxv, 15 ; Soph., ii, 5. Voir Céréthiens, t. ii, col. 441.

PHÉLONITE. I Par., xi, 36 : Voir Phallonite, col. 183.

PHELT1 (hébreu : Pillai ; Septante : ^eltu), représentant de la famille sacerdotale de Miaminet Moadiadu temps du grand-prêtre Joacim. II Esd., xii, 17. Voir Miamjn 3, col. 1058.

    1. PHELTIA##

PHELTIA (hébreu : Pelatyâh [voir Phaltias, col. 184] ; Septante : ^aX-cid), un dés chefs du peuple qui du temps de Néhémie signèrent l’alliance entre Dieu et les Israélites. II Esd., x, 22.

    1. PHELTIAS##

PHELTIAS (hébreu : Pelatyâh et Pelatyâhû [voir Phaltias, col. 184] ; Septante : ^aXxtâç), fils de Banaïas, contemporain d'Ézéchiel, un des chefs du peuple. Le prophète, dans une vision, xi, 1-13, fut transporté à la porte orientale du Temple de Jérusalem et il vit là vingt-cinq hommes au milieu desquels étaient Jézonias, fils d’Azur, et Pheltias. Dieu lui ordonna de prophétiser contre eux et comme il prophétisait, Pheltias mourut.

    1. PHENENNA##

PHENENNA (hébreu : Peninnâh, n corail ou perle ; » Septante : $evvava), seconde femme d’EIcana, père de Samuel. Elle avait des enfants et Anne, la première femme et la femme préférée d’EIcana, n’en avait point. Phénenna, jalouse sans doute de la préférence que montrait son mari, reprochait sa stérilité à Anne qui était humiliée et blessée de ses reproches. I Reg., i, 1-8. Quand ses prières lui eurent obtenu de Dieu un fils qui fat Samuel, Anne s'écria dans son cantique, à l’adresse de Phénenna, I Reg., ii, 5 :

La stérile enfante sept fois, Et celle qui avait beaucoup de fils est flétrie.

    1. PHÉNICE##

PHÉNICE (grec : <J>oïvt£ ; Vulgate : Phœnice), port de Crète. Act., xxvii, 12. Voir Phœnice.

PHÉNIC1E, nom donné à la cote de Syrie et au territoire compris entre le mont Liban à l’est et la mer Méditerranée à l’ouest. Sa longueur a été très différente selon les diverses époques. Elle s'étendait depuis Gébal ou Byblos jusqu'à Dor ou Tantourah, mais on l’a prolongée aussi jusqu'à Joppé et même Rhinocolure, à la frontière de l’Egypte, avant l'établissement des Philistins dans la Séphélah. Jamais elle n’a désigné un État unique, gouverné par un même chef ; elle fut toujours divisée en un certain nombre de villes possédant chacune un territoire particulier et une domination pi us ou moins étendue.

I. Nom. — 1° Le nom de Phénieie nous vient des Grecs et non des Phéniciens eux-mêmes. La forme grecque est <E>otv : Vr], Odys., iv, 83 ; Hérodote, iii, 5 ; Thucydide, ii, 69 ; Strabon, XVI, ii, 21 ; Ptolémee, v, 15, 21, et la forme latine, Phœnice. Cicéron, Acad., ir, 20 ; Tacite, Rist., v, 6 ; Pomponius Mêla, i, 12 ; Pline, H. N., v, 13. Les auteurs latins plus récents écrivirent le

nom Phœnicia et cette forme a prévalu parmi les modernes, mais elle ne se trouve pas dans l'Écriture. Ce nom ne se lit que dans les livres écrits en grec, puisqu’il est d’origine grecque, c’est-à-dire dans le second livre des Machabées, iii, 5, 8 ; iv, 4, 22 ; viii, 8 ; x, 11, et dans les Actes, xi, 19 ; xv, 3 ; xxi, 2 ; xxvii, 12 : « Êoivnai etPhœnice. Saint Marc, vii, 26, mentionne une Syro-phénicienne Evpotpofvtffda, Syrophœnissa.

2° L’Ancien Testament, en dehors de II Mach., ne désigne pas autrement la Phénicie que par le nom général de terre de Chanaan. Gen., x, 19 ; Is, , xxiii, 11 ; Abd., 20. Cf. Matth., xv, 22, appelant « Chananéenne » la femme que saint Marc, vii, 26, appela Syro-phénicienne, et les Septante rendant (quelquefois à tort), Jos., v, 12, la locution « terre de Chanaan » par ? ! $oivîxt] ou t( -/wpa twv $otvi’xwv. Exod., xvi, 3, 5 ; Jos., v, 1 ; Is., xxiii, 2 ; Job, XL, 15 (30). Cf. Deut., iii, 9. Voir Chanaan 2, t. ii, col. 537. Mais il faut observer que ce nom de Chanaan n’est pas réservé seulement à la Phénicie ; il est plus étendu et s’applique à des territoires et à des peuples qui n'étaient pas phéniciens. L’absence d’un nom général pour la Phénicie provient de ce que les cités phéniciennes étaient indépendantes les unes des autres et n'étaient unies par aucun lien politique. La table ethnographique de la Genèse, x, 15 44. — Monnaie de Laodicée du Liban. Tête diadémée et radiée d’Antiochus, à droite. — R). BAEIAEQ5

ANTioxor. Zjo/, 44 fi &> &'W%-i'-i' Neptune, debout, de face, drapé aux trois quarte dans sa chlamyde, tenant une patère de la main droite et le trident de la main gauche. Dans le champ à gauche, A. À (pour Laodicée) ; à droite, un monogramme.

18, énumère séparément Sidon, l’Aracéen, l’Aradien, le Samaréen, et les écrivains hébreux ne désignent jamais les Phéniciens par un nom ethnique spécial, mais par les noms des villes auxquelles ils appartiennent : les gens de Sidon, les gens de Tyr, I Esd., iii, 7 ; les Giblites, III Reg., v, 18 ; les gens d’Arad, Ezech., xxvii, 11 ; les Aracéens, les Sinéens, les Samaréens, Gen., x, 17, 18 ; les habitants d’Acho, d’Achzib et d’Aphec. Jud., i, 31. En englobant d’ailleurs la Phénicie dans la terre de Chanaan, les écrivains hébreux parlaient comme les Phéniciens eux-mêmes. Une monnaie de Laodicée du Liban (fig. 44), frappée au nom d’Antiochus IV Épiphane, nous montre que, à cette époque encore (175164 avant J.-C), on donnait au pays le nom de Chanaan. On y lit en effet ^yjsa ™ xs-mbb, « De Laodicée, mère (métropole) de Chanaan. » Gesenius, Phœnicise monumenta, t. ii, p. 267. Etienne de Byzance, De urbibus, édit. Dindorf, Leipzig, 1835, t. i, p. 464, dit formellement ; Xvà, ovtok ? ; "foivi’xï] ÊxaXeïTo. Cf. la citation de Philon de Byblbs dans Eusèbe, Prmp. evang., i, 10, t. xxi, col. 84 : 'ASeXço ; Xvà toû rcptito-j u.tTovop.acr9ÉVTOc <&ocvixo ; . Chna est une forme apocopée de Chanaan. Dans le papyrus Harris, i, 9, lig. 1 et suiv., la Phénicie est appelée aussi Kanaan. Voir W. M. Mùller, Asien und Europa, 1893, p. 181. Saint Augustin nous apprend que de son temps les paysans carthaginois, en latin, Pœni, dénomination qui n’est pas différente de Phœnices, s’appelaient eux-mêmes Chanani : Interrogati rustici nostri quid sinl, dit-il, In Rom, inch. Expos., 13, t. xxxv, col. 2096, punice respondentes

Chanani… Cf. Gesenius, ' Thésaurus, p. 696 ; Schrôder, Die phônizische Sprache, in-8°, Halle, 1869, p. 6 (et les citations, ibid.). Sur le nom Chanaan-Phénicie, voir W. M. Mùller, Asien und Europa, p. 205-208. Le nom géographique de Chanaan ne désigne pas directement le peuple qui habitait sur la côte, mais le pays lui-même d’après son caractère physique. Chanaan signifie « le pays bas », qui longeait la Méditerranée, par opposition au pays haut, Aram ou la Syrie, formée par les montagnes qui s'élevaient à l’ouest. Cur dicta sit terra Chanaan interpretatio hujus nominis aperit. Chanaan quippe interpretatur Humilis, dit saint Augustin, Enarr. in Ps. cir, 7, t. xxxvii, col. 1394.

3° L'étymologie du mot grec d>oîvi£ est controversée. Le nom de la Phénicie paraît tiré, d’après les uns, du nom de ses habitants. Les Grecs les appelèrent djoïvixeç, d’où les Latins tirèrent Phœnices et Pœni, à cause de la couleur rouge-brun de leur peau (çoivôj). R. Pietschmann, Geschichte der Phônizier, Berlin, 1889, p. 13. D’après d’autres, les Hellènes antérieurs à Homère donnèrent au pays situé à l’ouest du Liban le nom de « Êoivtxr], parce que ce qui les frappa le plus, quand ils le visitèrent, ce fut le palmier qui y est indigène et élève sa couronne de palmes au-dessus de l’olivier, du

45. — Monnaie de Tyr.

Tête diadémée d’Antiochus IV, adroite. ANTioxor. Un palmier.

R). BAEIAEflE

figuier et du grenadier ; Phénicie veut dire le pays des palmiers, <poïvi ? signifiant « palmier » en grec. G. Rawlinson, History of Phœnicia, 1889, p. 1. Cet arbre figure sur des monnaies de Tyr (fig. 45) et de plusieurs autres villes phéniciennes. Babelon, Les rois de Syrie, Paris, 1890, p. xcix, 75 (n° 577, 578), pi. xiii, n » 12. Voir, pour d’autres monnaies phéniciennes reproduisant le palmier, Schrôder, Phônizische Sprache, pi. xviii, fig. 11, 12, 14.

II. Origine des Phéniciens. — La table ethnographique de la Genèse, x, 15-18, fait descendre les Phéniciens de Chanaan, fils de Noé. Elle énumère parmi les fils de Chanaan, Sidon, son premier-né, l’Aracéen, le Sinéen, l’Aradien et le Samaréen, c’est-à-dire que Sidon, Arca (voir Aracéen, t. i, col. 866), Arad ou Arvad et Simira, qui comptaient parmi les principales villes de Phénicie, furent fondées et habitées par les descendants de Chanaan. Sidon fut en effet tout d’abord la ville la plus florissante du pays, et Tyr, qui n’est pas nommée dans le Pentateuque et n’apparaît que dans le livre de Josué, xix, 29, n’acquit que plus tard la prééminence. Voir Tyr, Sidon.

On croit généralement que les Phéniciens ont émigré des bords du golfe Persique sur les rives de la Méditerranée environ 3000 ans avant notre ère. Hérodote, i, 1 ; vii, 89 ; Strabon, XVI, iii, 2 ; Justin, XVIII, m, 2. Ce dernier, abréviateur de Trajan Pompée, dit : te La nation syrienne fut fondée par les Phéniciens, qui étant troublés par un tremblement de terre, quittèrent leur pays d’origine et s'établirent d’abord sur les bords du lac Assyrien (probablement le Bahr Nedjif, dans le voisinage de Babylone) et puis sur les bords dé la Méditerranée, où ils bâtirent une ville qu’ils appelèrent Sidon, à cause de l’abondance du poisson, car les Phéniciens appellent le poisson sidon », Ces affirmations

ont été contestées, mais le fond paraît exact. G. Rawlinsoft, History of Phœriicia, p. 54. Quel a été leur berceau primitif ? Nous l’ignorons. On en fait assez généralement aujourd’hui un peuple sémitique, surtout à cause de sa langue, qui diffère très peu de l’hébreu et est apparentée aux autres langues sémitiques, mais il ne_ résulte pas de là nécessairement que les Phéniciens fassent des descendants de Sem et que l’origine chamitique qui leur est attribuée par la Genèse soit controu 46. — Carte de la Phénicie.

vée. Les Phéniciens, commerçants par goût et par tempérament, ont pu adopter la langue des nations et des tribus avec lesquelles ils étaient en affaires. Il est possible aussi que Sémites et Chamites aient parlé longtemps la même langue et que les Phéniciens vivant au milieu des Sémites aient toujours parlé un idiome semblable à celui de leurs plus proches voisins. Cf. Th. J. Ditmar, Ueber das Vaterland der Phônizier, in-12, Berlin (1889).

III. Le pays. — 1° Etendue. — La longueur de la Phénicie a varié aux diverses époques et les anciens géographes n’ont eu qu’une idée assez vague de ses dimensions. Si on l'étend du cap Possidi à Rhinocolure, elle eut en ligne droite, environ 610 kilomètres de longueur, mais, en général, les Phéniciens n’ont pas de beaucoup dépassé le mont Carmel. Pomponius Mêla,

Chorogr., t, 11-12, édit. Teubner, p. 15-16, en remontant du sud au nord la fait commencer à Joppé (fig. 46).

De la frontière d’Egypte au mont Carmel, sur une longueur de 240 kilomètres, on ne rencontre aucun promontoire, aucune baie digne de ce nom. Du Carmel qui s’avance assez avant dans la mer et offre un refuge aux navires, jusqu'à Beyrouth, pendant 146 kilomètres, la côte est presque régulière. Ce n’est qu’au nord de Beyrouth que la ligne de côtes devient accidentée. De cette ville à Tripoli, elle est coupée par plusieurs promontoires et plusieurs baies. À partir de là, de Tripoli à Tortose (Antaradus), la mer fait une forte échancrure dans les terres. J usqu’au delà de Gabala, la côte remonte vers le nord avec peu de sinuosités, mais ensuite, jusqu’au cap Possidi, elle est très irréguliére ; les monts Bargylus et Casius se prolongent dans (a mer et forment des promontoires dont le cap Possidi est le plus remarquable.

La largeur du territoire occupé par les Phéniciens sur le rivage de la Méditerranée variait de 12 à 15 kilomètres à 50. La frontière orientale était l’arête montagneuse qui sépare les eaux qui se déversent dans la mer à l’ouest, , de celles qui se déversent à l’est dans l’Oronte, le Litany et le Jourdain. Entre ces montagnes et la mer, on trouve des plaines d’alluvion et sur le rivage même une bande de sable blanc, plus ou moins large, qui se distingue par sa finesse et par son excellente qualité siliceuse, spécialement dans le voisinage de Sidon et au pied du mont Carmel.

2° Plaines et montagnes. — Les plaines les plus remarquables sont celles de Saron, d’Accho, de Tyr, de Sidon et de Marathus. Les montagnes qui appartiennent ou se rattachent à la Phénicie sont le Carmel, le Casius, le Bargylus et le Liban. Voir Carmel 2, t. ii, col. 290, et Liban, t. iv, col. 1277. Le Bargylus des anciens, Ansayriéh ou Nasariyéh des modernes s'étend de l’Oronte près d’Antioche à la vallée de l'Éleuthérus. L’eau y abonde et là prennent naissance le Nahr-el-Kebir qui a son embouchure près de Latakiéh, le Nahr-el-Melk, le Nahr-Amrit, le Nahr-Kublé, le Nahr-el-Abratb, etc. Le Liban était la chaîne la plus importante, la défense naturelle la plus forte de la Phénicie ; les armées étrangères n’osaient guère s’aventurer à l’ouest de ses cimes.

3° Climat. — Le climat de la Phénicie est très varié, à cause de l'étendue de ses côles et de la diversité des altitudes. Pendant l’hiver, les tempêtes sont nombreuses et la pluie abondante, la navigation, interrompue et même impossible, mais de mai à octobre, le baromètre varie fort peu, le ciel est sans nuage et sans pluie.

4° Productions. — Le sol produit le palmier qui, autrefois surtout, était très abondant, le sycomore, le pin maritime, le platane, sur la côte ; et dans les montagnes le cèdre, « la gloire du Liban », le pin d’Alep, le cyprès, etc., le chêne, le noyer, le peuplier et le caroubier. Les arbres fruitiers indigènes dans le pays sont l’olivier, la vigne, le dattier, le noyer et le figuier. Voir ces mots. On trouve sur la côte les coquillages dont les Phéniciens tiraient la couleur pourpre. Voir Pourpre.

5° Villes principales. — Les principales villes de Phénicie, depuis Laodicée au nord jusqu'à Joppé au sud, étaient au nombre de vingt-cinq : Laodicée, Gabala, Balança, Paltos ; Arad on Arvad, Gen., x, 18 ; Ezech., xxvii, 8, avec Antaradus, Marathus, Simyra, Orthosiade et Arca ; Tripoli, Calamus, Triéris et Botrys ; Gébal (Byblos), Ezech., xxvii, 9 ; III Reg., v, 18 (32) ; Aphaca ; Béryte, voir Béroth, t. i, col. 1625 ; Sidon, Sarepta et Ornithopolis ; Tyr et Ecdippe ; Accho et Porphyrîon ; Dor et Joppé. Sarepta est nommée dans l'Écriture, III Reg., xvii, 9-24 ; Abd., 20 ; Luc, IV, 26, ainsi qu’Orthosiade, IMach., xv, 37, Accho, Dor, Joppé et surtout Tyr et Sidon. Voir ces mots. La plaine de la Phénicie dans le sens strict s'étendait du Promonto

rium Album des anciens (Rds el-Beyad ou Abyad des modernes), à huit kilomètres environ au sud de Tyr jusqu’à l’ancien Bostrenus (Nahr el-Auly des modernes) à deux kilomètres au nord de Sidon, Robinson, JBiblical researches, 2e édit., 1856, t. ii, p. 473, occupant une plaine ondulée de 450 kilomètres de longueur.

IV. Le commerce. — Les Phéniciens sont surtout célèbres par leur commerce, leur industrie et leurs navigations. Doués du génie du négoce, leur trafic nous explique toute leur histoire. Il leur avait procuré de grandes richesses qui les avaient rendus célèbres. Cf. Ps. xliv (xlv), 13 ; lxxxvi (lxxxvii), 4 ; Ezech., xxvii ; Ose., ix, 13 ; Zach., ix, 2-3. « Ce petit peuple, attaché à la frange d’un littoral, possédait le monopole des grandes navigations dans la Méditerranée et fournissait à tous ses voisins les objets précieux importés des extrémités du monde, aussi bien par les voies de terre où cheminaient les caravanes, que par les voies de mer, pratiquées des navires. Les Phéniciens avaient acquis des ports sur la mer Rouge, afin de s’élancer vers l’océan des Indes et de visiter les côtes de l’Afrique, de l’Asie, même de l’Insulinde, =^. r -_ s^ki ainsi qu-’en témoignent nom pi--- i^ïï^Et ^re d’inscriptions phénicien feî" * "-^SWs : nés trouvées à Rejang, dans l’île de Sumatra, et datant de vingt-deux à vingt-trois siècles. .. Pour aller chercher l’étain qu’ils vendirent d’abord aux Égyptiens, puis aux Hellènes, de la Petite et de la Grande Grèce, les Phéniciens avaient même osé franchir les portes d’Hercule, et s’aventurer sur la « mer Ténébreuse ». Enfin, devançant de vingt siècles les Diaz et les Vasco de Gama, n’avaient-ils pas, par ordre du roi d’Lgypte, Néchao II, accompli la circumnavigation complète du continent d’Afrique ? Lé récit des navigateurs affirmant qu’ils avaient vu le soleil d’abord à leur droite, puis à leur gauche, pendant ce long périple, entraîne Hérodote à douter de l’authenticité de ce voyage et c’est précisément ce dire sur lequel s’appuient maintenant les géographes pour conclure à la réalité de l’événement. » Elisée Reclus, LaPhénicie et les Phéniciens, in-8°, Neuchatel, 4900, p. 15-16.

Les Phéniciens firent leur apprentissage de la navigation lorsqu’ils habitaient sur les bords du golfe Persique, en voyageant au moyen de radeaux d’une île à l’autre, selon la tradition antique. Pline, H. N., VII, lvi, 206, édit. Teubner, 1870, t. ii, p. 52. Quand ils se furent établis sur le territoire qu’on a appelé de leur nom, ils perfectionnèrent peu à peu leurs moyens de transport. La situation du pays le rendait très favorable pour le commerce. Pomponius Mêla, I, 12 ; J. Kenrick, Phœnicia, Londres, 1855, p. 186-187. Le Liban leur fournissait en abondance mi excellent bois de construction pour les navires ; Chypre, tous les matériaux nécessaires pour le grément du vaisseau, de la quille jusqu’aux voiles. Nous ne connaissons pas en détail le navire phénicien, mais nous savons qu’il faisait l’admiration des Grecs. DansXénopbon, i£, cono)i ! v viii, Ischomachos

47. — Flacon de verre phénicien, à parfums, trouvé à Gamiros, dans l’île de Hhodes. — D’après Perrot et Chipiez, Histoire de l’art, t. iii, fig. 522, p. 741.

dit qu’il n’avait jamais vu de navire mieux disposé qu’un vaisseau phénicien. Voir Navire, t. iv, fig. 405, col. 2427. Ézéchiel, xxvii, a tracé un tableau célèbre du commerce de Tyr, qui était celui de tous les Phéniciens. Cf. Is.. xsiii, 2-8. Ils fournissaient à l’ancien monde des produits textiles renommés. Damas et l’Arabie lui vendaient la laine à tisser. Ezech., xxvii, 18, 21. Leurs

8Eïï3 EE^EiœiBŒ

y

i i_


48. — Peigne phénicien en ivoire, trouvé en Espagne. Musée du Louvre.

tissus étaient estimés par-dessus tous les autres, lliad., vi, 290, à cause de la beauté et de l’éclat de leurs couleurs et aussi, souvent, à cause de la délicatesse et de la richesse de leurs broderies. Voir Perrot, Histoire de l’art, t. iii, p. 877. Leurs étoffes de pourpre jouissaient d’une grande réputation. Voir Pourpre. Le verre était avec les tissus un des principaux objets

49. — Buste de femme ornée de ses bijoux. Sculpture grécophénicienne, trouvée à Elché (ancienne Ilici) en Espagne Musée du Louvre.

du commerce des Phéniciens. Voir Verre. Les Égyptiens le connaissaient avant eux, mais quoiqu’ils n’aient pas été les premiers à le connaître, ils l’exploitèrent sur une large échelle et avec le plus grand succès. Sidon, Tyr et Sarepta se distinguèrent par leurs manufactures. Il fut exporté dans tout le monde ancien et l’on en a retrouvé de très beaux échantillons, transparents ou demi-transparents et diversement colorés (fig. 47).

L’art céramique en Phénicie fut loin d’égaler celui du verre, mais ils fabriquaient de. la poterie à bon marché et la répandirent ainsi très loin. Strabon, III, y,

11 ; Scylax, Periplus, 112, dans Geogr. min., édit. Didot, t. r, p. 94. Ils fabriquaient aussi des objets de toilette, comme le peigne en ivoire qui a été retrouvé en Espagne (fig. 48), et des bijoux de toute sorte (%. 49). Les ouvriers phéniciens étaient aussi habiles en métallurgie, comme ils le montrèrent dans la fabrication des deux colonnes du temple de Salomon, voir III Reg., vu, 21 ; et des ustensiles en bronze destinés au service, du même temple, III Reg., vii, 14 ; II Par., ii, 14. Ils

l’Assyrie, la Mésopotamie (Haran), l’Arménie (Thogormah), l’Asie Mineure, l’Ionie, Cypre, l’Hellade (Javan), l’Espagne (Tharsis). Avec les uns, les Phéniciens faisant leur commerce par terre ; avec les autres, par mer. Grâce à leurs découvertes géographiques et à leurs découvertes astronomiques qui leur permirent de naviguer en pleine mer, sans s’astreindre à longer seulement les côtes, ils élargirent sans cesse le cercle de leur commerce. Ils établirent un peu partout des

50. — Coupe de travail phénicien, trouvée dans l’Ile de Chypre. Musée du Louvre.

fabriquaient pour l’exportation de nombreux objets en métal, statuettes, coupes, patères, etc., et les vendaient à l'étranger (fig. 50). ZKad., xxiii, 740-744 ; Odys., iv, 615 ; xv, 115. Leur art est de qualité inférieure ; c’est une imitation un peu gauche et maladroite de l’art assyrien et surtout de l’art égyptien, mais ces œuvres n’en faisaient pas moins leur chemin à travers le monde qui, en dehors des bords de l’Euphrate et du Nil, ne connaissaient rien de mieux dans ces temps antiques. Voir G. Perrot, Histoire de l’art dans l’antiquité, t. iii, p. 403-439, 518-535 ; Clermont-Ganneau, - L’imagerie phénicienne, Paris, 1880, p. 2.

Ézéchiel, dans son chapitre xxvii, énumère une partie des pays avec lesquels trafiquait la ville de Tyr : la Syrie Damas, la Palestine, l’Egypte, l’Arabie, la Babylonie,

comptoirs qui facilitèrent leur négoce. Voir A. Daux, Recherches sur les emporta phéniciens, dans le Zeugir et le Bysacium, in-8°, Paris, 1869.

Les Phéniciens achetaient en Palestine les chênes de Basan, pour en faire des rames, Ézech., xxvii, 6, le froment de Mennith (voir Mennith, t. iv, col. 972), le baume, le miel, l’huile et la résine, ꝟ. 17, les ceintures fabriquées par les femmes israélites, Prov., xxxi, 24, et sans doute toutes les productions du pays. Cf. Joël, in, 3-6, En échange, ils donnaient les étoffes et les bijoux de leurs artistes (fig. 51) ; les Tyriens allaient vendre leur poisson jusqu'à Jérusalem, avec toute espèce de marchandises, omnia venalia, et ce ne fut pas sans peine que Néhémie les obligea à respecter le repos du sabbat. II Esd., xiii, 16-21..

Les Phéniciens n’exercèrent pas toujours leur commerce sans violer les lois de la justice. Ils s’étaient souvent rendus odieux par leurs pirateries et par leurs rapines. Ils enlevaient par la ruse et la violence tous ceux qu’ils pouvaient surprendre, hommes, femmes, enfants, pour les vendre comme esclaves. La fraude, « 7tan)}.ia, Odyss., xiv, 883, était pour eux, en même

51. — Bijoux phéniciens sur une statue de femme drapée, trouvée dans les ruines du temple de Gurium en Chypre. Pierre calcaire. Le vêtement forme des plis très marqués. La tête manque. Autour du cou, une petite chaîne à laquelle était suspendu un objet brisé. Au-dessous un collier à gros grains ; plus bas, deux autres grands colliers auxquels sont suspendus des ornements en forme de glands ; enfin, traces d’un quatrième collier qui paraît porter un ornement en forme de tête de taureau. Une longue chaîne, travaillée avec beaucoup d’art, descend du cou jusqu’au-dessous de la main droite ; quatre anneaux sont attachés à l’ornement en forme de lyre que deux têtes d’aspic nouent à la chaîne. Aux bras, un bracelet. — D’après di Cesnola, Atlas, in-f", part. 2, pi. ex, fig. 588.

temps que la vente de leurs marchandises, un moyen de s’enrichir. Hérodote, II, 56 ; v, 58 ; Odyss., xiv, 290 ; xv, 415-484 ; Cicéron, De Rep., iii, 36 ; Thucydide, i, 8. Le mensonge leur était familier pour dissimuler leurs voyages et las sources de leurs profits. Le ^£û<tu ; «  <{>oiv ! xtx6v "était devenu proverbial. Strabon, III, v, 5, Étymologic. Magn., édit. Craisford, Oxford, 8, 48, p. 797. Gf. Hérodote, iii, 107, HO, 111, 115. Un capitaine phénicien, qui allait de Cadix au pays de l’étain (Cassitérides), s’étant aperçu qu’il était suivi par uu navire romain, n’hésita pas à aller briser le sien sur la

côle pour ne pas révéler le pays où il allait s’approvisionner. L’État le dédommagea de sa perte volontaire. Les Phéniciens réussirent ainsi à conserver longtemps l’empire de la mer. On comprend sans doute que ce

52. — Buste supposé de Melkarth. Musée du Louvre.

peuple de marchands ne négligeât rien pour cacher à ceux qui seraient devenus leurs conçu rrents les routes qui leur servaient à faire fortune, mais il eût été désirable pour leur honneur qu’ils n’eussent employé que des moyens honnêtes dans leur trafic. Il faut d’ailleurs reconnaître qu’ils rendirent aussi de véritables services. Malgré leur rapacité et leurs pillages trop fréquents, les marchands phéniciens étaient ordinairement reçus avec bienveillance par les pays qu’ils visitaient et à qui ils vendaient des objets estimés, qu’ils étaient seuls à fournir. Ils méritaient ce bon accueil, parce qu’ils achetaient

53. — Autel phénicien de Hagiar Kim. Malte. D’après Perrot, Histoire de l’art, t. iii, p. 304, fig. 229.

aux indigènes leurs produits, qu’ils les intéressaient et les instruisaient par les récits plus ou moins fabuleux de leurs voyages et leur apportaient un luxe et des éléments de bien-être inconnus. Le premier vaisseau, a-t-on dit, qui partit du port de Sidon pour aller trafiquer à l’étranger, emportait dans ses flancs la civilisation et le progrès. Progrès très relatif, il est vrai, mais progrès

cependant, quoique matériel surtout. Quand ils inven^ tèrent l’écriture alphabétique et la communiquèrent aux Grecs, ils devinrent les bienfaiteurs de l’humanité et ils supplantèrent peu à peu toutes les écritures imparfaites imaginées jusque-là. "Voir Alphabet, 1. 1, col. 402. Ils ne nous ont guère laissé d’ailleurs que quelques inscriptions, la plupart religieuses, et point de littérature, absorbés qu’ils étaient par leurs opérations mercantiles. L’existence de Sanchoniaton est révoquée en doute, Philon de Byblos et les autres écrivains anciens qu’a produits la Phénicie ne sont pas antérieurs au commencement de notre ère.

V. Religion. — La religion des Phéniciens eut une

54. — Prêtre carthaginois. Musée Lavigerie à Carthage.

grande influence sur les Israélites, à toutes les époques de leur histoire et particulièrement à l’époque d’Achab, où la reine Jézabel, Phénicienne d’origine, et fille d’Ithobal, grand-prêtre d’Astarthé (Ménandre d’Éphèse, fragm. 1, dans les Hist. grssc. fragm., édit. Didot, t. iv, p. 446), voulut la faire dominer par la force dans le royaume des dix tribus. Le voisinage et la prospérité de la Phénicie ne pouvaient manquer d’exercer une fâcheuse influence sur les Israélites, déjà enclins par eux-mêmes à l’idolâtrie. Aussi adorèrent-ils les dieux de Tyr et de Sidon et pratiquèrent-ils les rites de leur religion. Jud., x, 6. A la tête du panthéon phénicien étaient le dieu Baal et sa compagne, la déesse Astarthé ou Astoreth. Voir Baal, t. î, col. 1315, et Astarthé, col. 1180. Chaque ville eut son Baal ; de là les Baalim, Jud., ii, 11 ; iii, 7 ;

x, 6, etc., Baal-samin ou des cieux, Baal des mouches, voir Béelzébub, t. i, col. 1547, etc. Les autres principales divinités phéniciennes furent El, Melkarth (fig. 52), Dagon, t. ii, col. 1204 ; Hadad, t. iii, col. 391. Adonis, voir Thammuz, Sydik, Eschmûn, les Cabires. Onca, Tanith, Tanata ou Anaïtis, Baalith, Baaltis ou Beltis. On honorait ces divinités par des sacrifices et par des hymnes, des processions et des offrandes votives. On élevait des temples et des autels en leur honneur (fig. 53). Des prêtres (fig. 54) et des prêtresses (fig. 55) étaient attachés à leur service. Leur culte était déshonoré par des sacrifices humains, Porphyre, De abstin.,

i-j

55. — Prêtresse carthaginoise. Musée Lavigerie à Carthage.

il, 56 ; Quinte Curce, iv, 15 ; cf., 1er., xix, 4-5 ; Mich., vi, 7 ; IV Eeg., iii, 27 ; xvi, 3 ; xxi, 6, et par des pratiques licencieuses. Ovide, Metam., x, 240 ; Hérodote, I, 199 ; Justin, xviii, 5 ; Eusèbe, Vita Const., iii, 55, 3, t xx, col. 1120 ; Lucien, De Dea Syra, 50-52 ; Corpus inscript, semit., t. i, fasc. 1, p. 92. Les Phéniciens n’avaient qu’une idée vague de l’immortalité de l’àme, mais ils faisaient des provisions pour la vie d’outre-tombe. « Après la pluie le soleil brille de nouveau, » lit-on sur une inscription funéraire. Gesenius, Monum., p. 147. Us étaient très religieux à leur façon et ils faisaient fréquemment des vœux à leurs dieux, comme le prouvent spécialement les nombreuses stèles votives trouvées à Carthage, voir Corpus inscript, semit., part, i, t. i, et les ex-votos trouvés en grande quantité en Chypre, où le temple de Golgi a fourni à ceux qui l’ont fouillé 228

statues votives, et une seule chambre du trésor de Curium plus de trois eents^ objets consacrés, en argentou argentés. Di Gesnola, Cyprus, p. 146, 325, 306-334.

VI. Histoire. — i. caractère de leur gouvernement. — Les villes phéniciennes étaient autonomes, lors-~ qu’elles apparaissent dans l’histoire, et sous le gouvernement d’un roi ; pendant la période de la prépondérance égyptienne, de 1600 à 1350 environ, aucune d’elles ne paraît avoir prédominé sur les autres. Elles tenaient surtout à la liberté de leur commerce ; le reste semble leur avoir importé peu ; elles n’ont jamais eu le goût des conquêtes ; elles se soumettaient même sans trop de difficulté aux rois d’Egypte et d’Assyrie plus forts qu’elles et leur payaient tribut, quand ils faisaient campagne contre leur territoire. Une inscription égyptienne antérieure à Moïse est à ce sujet très significative.

Sur le tombeau de Rekhmara qui fut préfet de Thèbes sous Thothmès III (XVIIIe dynastie), on voit le défunt recevant au nom du Pharaon les hommages des nations tributaires. Parmi elles sont représentés les Phéniciens (fig. 56). « Viennent, dit l’inscription, et sont les bienvenus les princes de Phénicie et des îles qui sont au

und Europa, p. 208-212, nie que les Fenh = Fenkhu des textes hiéroglyphiques soient lesPhéniciens mais, quoi qu’il en soit de ce nom, les guerres des Pharaons contre le pays sont historiques.

m. suprémat[e de siBON. — Ce qu’ils faisaient à l’égard des Égyptiens, auxquels ils payaient tribut dans l’intérêt de leur commerce, les Phéniciens le firent à l’égard de presque tous leurs vainqueurs, à toutes les périodes de leur histoire. Après avoir été à peu près égales entre elles, les cités phéniciennes acquirent cependant plus ou moins d’importance. Aradus (Arvad) et surtout Sidon exercèrent d’abord une certaine suprématie. Du temps d’Homère, tous les marchands de Phénicie n’étaient connus que comme Sidoniens. Itiad., xxhi, 743-748 ; mi, 290-295 ; Odys., iv, 613-619 ; xv, 460. Avec le déclin de la puissance égyptienne, après Ramsès II, du temps de Moïse, Sidon se fit connaître comme « Sidon la grande ». Jos., xi, 8 ; xix, 28. Son territoire s’étendit jusqu’à Laïs (Dan). Jud., xviii, 7-8. Ce fut sans doute la crainte qu’inspirait son pouvoir qui empêcha les Hébreux, lors de la conquête de la Terre Promise, de s’emparer de villes qui n’auraient

56. — Phéniciens apportant leur tribut en Egypte. Tombeau de Rekhmara. Mémoires de la mission du Caire, t. v, fasc. i, pi. v.

milieu de la Grande Verte (la mer), à l’état de courbés et d’inclinés pour les volontés de sa majesté le roi du midi et du nord, Ramenkheper, vivificateur éternellement. Ses victoires sur tous les pays [ont porté] chez eux le dégoût [de combattre ( ?)]. Leurs apports sur leur dos, ils présentent l’hommage [pour que leur soient donnés] les souffles de vie, comme désireux de subsister par l’émanation de sa majesté… » Ph. Virey, Le tombeau de Rekhmara, dans les Mémoires de la mission du Caire, t. v, fasc. 1, p. 38. Les Égyptiens avaient de bonne heure envahi la Phénicie.

u. la phénicie sous les ÉGYPTIENS. — La plus ancienne inscription égyptienne qui mentionne la Phénicie la nomme Dahé ou Zahi. W. Max Mûller, Asien und Europa, p. 176-182. D’après ses calculs, entre 1587 et 1562 avant notre ère, Aahmés atteignit son territoire. Il nomme des Fenkhu qui travaillaient dans des carrières. Thothmès I er, vers 1541-1516, envahit toute la Syrie jusqu’à l’Eupbrate. Thothmès III, vers 1503-1449, mentionne la 23e année de son règne une victoire sur les Fenkhu et les autres habitants de la Syrie ; la 29e année, il fait une campagne contre les Rutennu, Tunep, Arvad et Zahi et s’empare d’un riche butin ; sa 30e année, il prend Cédés, Simyra et Arvad ; sa 34e année, il fait payer tribut au pays de Zahi, de Rutennou et d’Asi (Cypre). Aménophis III, vers 1414-1379, tient sous sa domination la Phénicie et la Syrie tout entière. Les lettres de Tell el-Amarna nomment les gouverneurs de Tyr, de Béryte, de Simyra, de Gebal, d’Accho, de Sidon, etc., qui représentaient le Pharaon dans ces villes à cette époque. Voir Keilinschrifiliche Bibliothek, t. v, 1896, p. 131, 133, 151, 267, 271, etc. Ramsès II envahit à son tour le pays et une inscription de lui se voit encore près du Nahr-el-Kelb (le Lycus). — M. W. M. Mûller, Asien

pu leur résister par leurs propres forces, Accho, Achazib, Aphec, Jud., i, 31 ; cf. Eccli., XLVi, 21, et qui avaient été attribuées à Aser, lors du partage de la Terre Sainte. Cf. Jos., xix, 26.

Les cités du voisinage de Sidon, Sarepta, Heldun, peut-être Béryte (Beyrouth), Ecdippe et Accho acceptèrent sa suzeraineté. Elle se distingua particulièrement pendant cette période par ses progrès dans les arts, dans la guerre et dans la navigation. Les premiers navigateurs grecs les rencontrèrent dans toutes les parties de la Méditerranée où ils s’aventuraient, et l’on savait qu’ils fréquentaient de plus des régions inconnues à l’Héllade. Une guerre qu’ils eurent à soutenir contre les Philistins, qui s’étaient établis au sud de leur pays sur les rives de la Méditerranée, leur mérita une grande réputation d’audace, mais elle fut pour eux un échec fatal à leur puissance. Les Philistins, conduits par le chef des Ascalonites, assiégèrent Sidon par terre, la bloqués rent et voulurent la forcer à se rendre, mais ses habitants se sauvèrent par mer et se réfugièrent à Tyr, Justin, Hist.P/uHpp., xviii, 3. Avant cette défaite, à l’époque des Juges et antérieurement à la judicature de Jephté, les Sidoniens avaient opprimé les Israélites, Jud., x, 12, mais nous n’avons aucun détail à ce sujet.

iv. suprématie de tyr. — L’hégémonie passa alors à Tyr. C’était vers 1250 avant notre ère. Voir J. Kenrick, Phœnicia, p. 343. Elle dura jusqu’en 877. Du temps de Josué, Tyr est appelée « une ville forte », Jos., XIX, 29 et elle ne le cédait probablement alors qu’à Sidon en importance. L’arrivée dans ses murs des Sidoniens vaincus lui assura la suprématie. Dans le Voyage d’un Égyptien, trad. Chabas, 1866, p. 169, vers 1350, elle est mentionnée comme un port « plus riche en poissons qu’en sable ». Vers 1130, la colonisation de Gadés

(fig. 57), au delà des colonnes d’Hercule, sur le rivage de l’Atlantique, marque un nouvel élan et une hardiesse plus grande qu’auparavant dans les entreprises commerciales et dans le rayon d’action de la Phénicie. Ce furent les Tyriens qui effectuèrent les plus longs voyages, Hérodote, i, 1, et qui cherchèrent à nouer le plus de relations pour ouvrir à leur commerce toute espèce de débouchés. L’histoire sainte nous en fournit des exemples remarquables. Lorsque David fut acclamé roi à Hébron, Abi-Baal occupait le trône de Tyr (fig. 58). Dius,

57. — Monnaie de Gadès.

Tête d’Alexandre le Grand. — S|. Meba’alé Agadir. « Des citoyens de Gadès ». Deux poissons.

Fragm. n ; Ménandre, Fragm. i, dans Histor. Grœc. fragm., édit. Didot, t. iv, p. 398, 446. Cf. Josèphe, Cont. Apion., i, 17, 18. Il eut pour successeur son fils Hiram, âgé de dix-neuf ans. lbid. Celui-ci semble avoir discerné promptement les hautes qualités de David et le profit qu’il pourrait tirer de son alliance, Peu après la prise de Jébus par le jeune roi, il lui envoya des ambassadeurs avec des cèdres du Liban, des maçons et des charpentiers pour lui bâtir un palais. I Par., xiv, 1. Cf. II Reg., Vil, 2. Les bonnes relations durèrent

58. — Sceau en sardoine ayant appartenu bï3 >3 ! <S à « Abi-Baal. » Musée de Florence. Grossi au double.

pendant tout leur règne. III Reg., v, 1. Lorsque David prépara les matériaux pour la construction du temple de Jérusalem, les sujets d’Hiram, Sidoniens et Tyriens, « lui apportèrent beaucoup de cèdres. » I Par., xxii, 4. Sous son fils Salomon, les rapports devinrent encore plus étroits. À la mort de David, Hiram lui envoya une ambassade. III Reg., v, 1 ; Josèphe, Ant. jud., VIII, n, 6, et Salomon en profita pour lui demander son concours dans l’œuvre de la construction du Temple. Josèphe reproduit les lettres qu’il dit avoir été échangées entre les deux monarques en cette circonstance ; il assure qu’elles étaient conservées dans les archives de Tyr et de Jérusalem. Ant. jud., VIII, ii, 7-8. Il leur fut facile de s’entendre. Les Phéniciens avaient tout intérêt à vendre leur bois du Liban et à recevoir en x échange les denrées qui abondaient en Palestine, et dont la -Phénicie avait besoin pour sa nombreuse population. L’accord fut conclu à ces conditions : Salomon fournirait annuellement, pendant la durée du contrat, 20000 cors d’orge, autant de froment, 20000 baths d’huile et la même quantité de vin. III Reg., v, 3-12.

Les Phéniciens donneraient en échange les bois nécessaires et les ouvriers qui dirigeraient et exécuteraient les travaux de construction et de décoration. Hiram avait fait élever lui-même des temples à ses dieux, Melkarth et Astoreth, Ménandre, Fragm. i, p. 44<5 ; il envoya au roi d’Israël un excellent architecte qui s’appelait aussi Hiram.

La construction du temple de Jérusalem et au palais royal dura vingt ans. III Reg., vi, 38 ; vii, 1 ; cf. ix, 10. Quand tout fut achevé, Salomon, pour reconnaître les services que lui avait rendus Hiram, lui céda de son propre gré vingt villes de Galilée, dans le voisinage d’Acho, qui faisait probablement partie du royaume de Tyr. À cause de ce voisinage, elles semblaient donc devoir être à la convenance du roi phénicienn, mais elles étaient placées sur un plateau nu et désolé, qui déplut au prince tyrien ; il exprima son mécontentement en donnant au territoire le nom de Chabul, « rebut, balayures. » III Reg., ix, 10-13. Voir Chabul, t. ii, col. 473. Leur amitié mutuelle n’en fut pas d’ailleurs rompue pour cela. Saint Justin, Dial. curn Tryph., 34, t. xi, col. 549, reproche â Salomon d’avoir adoré les idoles à Sidon. Ménandre, Fragm. ii, p. 447 (dans Clément d’Alexandrie, Strom. i, 21, t. viii, col. 840), raconte que le roi de Tyr lui donna une de ses filles en mariage. Cf. III Reg., xi, 1 (Sidoniennes). Quoi qu’il en soit de ces faits, il est certain que les deux rois s’entendirent pour aller faire un commerce fructueux à Ophir. Voir Ophir 2, col. 1289. Les Phéniciens étaient les maîtres de la Méditerranée, mais il ne l’étaient pas de la mer Rouge. Ils fournirent des matelots au roi de Juda qui mit à profit leur habileté dans le golfe Persique, III Reg., ix, 26, ce qui les enrichit les uns et les autres.

Hiram mourut à l’âge de 53 ans, après un règne de 33 ans. Il eut pour successeur son fils Baléazar. Ménandre Fragm. i, p. 446. Après lui, le trône fut occupé par Abd.-Asboreth, qui périt de mort violente. Dans l’espace de 34 ans, trois rois moururent assassinés et la dynastie régnante fut changée trois fois, Ithobal ou Eth-Baal, en montant sur le trône, y ramena la tranquillité. Il était en môme temps grand-prêtre d’Astoreth. Il fit alliance avec Achab, roi d’Israël, et lui donna sa fille Jézabel en mariage. III Reg., xvi, 31. Ménandre lui attribue la fondation de Botrys, sur la côte, au nord de Gebal. Fragm. iv, p. 447. En fondant cette ville, Ithobal avait peut-être pour but de se défendre contre l’Assyrie qui était alors pour la Phénicie une menace perpétuelle.

Ithobal eut pour successeur son fils Balezor ou Baal-asar, et celui-ci, son fils Matgen ou Mattan. Tyr était alors divisée entre le parti aristocratique et le parti populaire. Justin, Hist. Phil., xviii, 5. Mattan craignait que le parti populaire ne l’emportât. Pour l’empêcher, il donna sa fille Élisa à son frère Sicharbas, grand-prêtre de Melkarth, qui épousa ainsi sa nièce et de la sorte devint l’héritier présomptif du royaume. À sa mort, Mattan laissait un fils appelé Pygmalion, âgé de 8 ou 9 ans. Le parti populaire le choisit pour son roi, et Sicharbas et Élisa rentrèrent dans la vie privée. Au bout de sept ans, le jeune Pygmalion fit tuer son beau-frère, qui était en même temps son oncle. Élisa (Didon), sa sœur, réussit à lui échapper et se sauva avec une flotte d’abord en Chypre, puis en Afrique où elle bâtit la ville devenue si célèbre sous le nom de Carthage, 143 ans après la construction du temple de Jérusalem, raconte Josèphe, "pont, Apion., i, 18. Sur ce récit, cf. la critique de O. Meltzer, Gesckichte der Karthager, 1870, p. 111-141 ; G. Rawlinson, Phœnicia, p. 122-126.

Voici la liste des rois de Tyr depuis Hiram jusqu’à Pygmalion, avec les années de leur règne, d’après Pietschmann, Geschichte der Phônizier, p. 299. Ménandre,

d’où sont tirés ces chiffres, loc. cit., ne les donne que jusqu’à Pygmalion.

Avant J.-C.

Hiram 969-936

Baalbazer 935-919

Abdastart 918-910

Metuastart 909-898

Astharymos. 897-889

Phellés (8 mois) — 888

Ithobaal 887-856

Baalazar.. 855-850

Mettenos 849-821

Pygmalion 820-774

v. la phénicie sous les AssrRiENS. — Quand les Phéniciens avaient été affranchis des invasions égyptiennes, ils n’avaient pas tardé longtemps à avoir à redouter celles des Assyriens. Il est possible que vers l’an 1140, Nabuchodonosor I er, roi de Babylone, ait fait déjà une incursion en Phénicie. Cf. Winckler, Geschichte Babyloniens und Assyriens, 1892, p. 95 et notel8, p. 329, mais les Assyriens devaient être pour ce pays un ennemi bien plus à craindre. Théglathphalasar I er, vers 1100, poussa ses troupes jusqu’à la Méditerranée près d’Arvad. Au IXe siècle, vers 877, sous le règne d’Ithobal, Assurbanipal pilla le pays. Eb. Schrader, Keilinschriftliche Bibliothek, t. i, 1889, p. 122. La Phénicie n’eut pas moins à souffrir qu’Israël sôus les successeurs de ce prince. Parmi les tributaires de Salmahazar II figurent Tyr, Sidon, Gebal, et Arvad, de même que Jéhu d’Israël. Mattanbaal d’Arvad combattit contre les Assyriens avec Achab d’Israël à la bataillé de Karkar (854 avant J.-C). Au vme siècle, Théglathphalasar III, qui ravagea Israël, reçut aussi le tribut d’Arvad, de Tyr et de Gébal, à qui il fit plusieurs fois la guerre. Voir Pietschmann, Geschichte der Phônizier, p. 299 sq., Salmanasar IV, d’après un fragment de Ménandre, dans Joséphe, Ant. jud., IX, xiv, 2, assiégea Tyr pendant cinq ans. Les ennemis les plus redoutables d’Israël et puis de Juda. Sargon, Sennachérib, Asarhaddon, Assurbanipal tinrent la Phénicie sous leur joug. Au vie siècle, le vainqueur de Jérusalem, Nabuchodonosor^H, assiégea Tyr et Sidon. Sidon fut prise après avoir perdu par la peste la moitié de ses défenseurs. Ezech., xxviii, 21-23. Tyr résista pendant treize ans. Ménandre, loc. cit. Cf. Ezechiel, xxvi, 2, 8-12, 17-18, vers 585. Les prophéties contre la grande ville phénicienne commençaient ainsi à s’accomplir.

Les habitants de la Palestine avaient eu plus d’une fois à se plaindre de la cupidité et des violences des Phéniciens. Ps. lxxxii (lxxxhi), 8 ; Ezech., xxvi, 2 ; Joël, iii, 3-6 ; Amos, i, 9 ; I Mach., v, 15 ; II Mach., viii, 10. Les prophètes avaient prédit le châtiment que Dieu infligerait à Tyr et à Sidon. Is., xxiii, 1-17 ; Jer., xxv, 22 ; xxvii, 3 ; xlvii, 4 ; Ezech., xxvi-xxviii ; Ose., ix, 13-15 ; Joël, iii, 4-8 ; Amos, i, 9-10 ; Zach., ix, 3-7. Ces menaces ne devaient cependant s’exécuter complètement que plus tard.

— La Phénicie passa du joug de Babylone sous celui de Cyrus, vainqueur de Nabonide et de Baltassar.

VI. LA PHÉNICIE SOUS LA DOMINATION PERSE ET

grecque. — Les Phéniciens n’eurent pas alors à se plaindre de la domination perse. Cyrus ne les inquiéta pas. Cf. Hérodote, iii, 19, 44. Vers cette époque ils purent fournir des matériaux aux Juifs pour la reconstruction du temple de Jérusalem, I Esd., iii, 7, et ils furent payés en blé et en vin. Cambyze les comprit dans la même satrapie que la Palestine, la Syrie et Cypre, et il eut recours à leur marine. Hérodote, m, 19. Il n’essaya pas de les forcer à le servir contre Carthage. Leurs marins aidèrent les Perses contre les Grecs, jusqu’en 351 où Sidon se révolta. Ochus les soumit bientôt. — Ils conservèrent leurs rois jusqu’après la bataille d’Issus (333), où ils furent asservis par Alexandre le Grand, qui infligea un long siège et un dur châtiment à Tyr. Voir Tyr. Après la

mort d’Alexandre, la Phénicie échut à Laomédon, en 320 à Ptolémée Lagus, en 314 à Antigone. En 287, elle fut de nouveau soumise à Ptolémée Lagus, et elle demeura pendant près de. 70 ans sous la domination des Lagides qui les gouvernèrent avec sagesse, jusqu’au règne de Philopator. Ce roi monta sur le trône en 222, et se montra faible et mauvais administrateur. Antiochus III en profita. En 219, il chassa les Égyptiens de Séleucie, le port d’Antioche, et prit possession de Tyr et d’Accho qui avait reçu alors le nom de Ptolémaïde. En 198, à la suite de la victoire d’Antiochus sur Scopas, Polybe, xvi, 18 ; Joséphe, Ant. jud., XII, iii, 3, la Phénicie devint définitivement la possesion des Séleucides. La fondation d’Alexandrie l’avait rendue jalouse de l’Egypte ; elle s’accommoda fort bien du gouvernement des rois de Syrie, qui la traitèrent avec faveur, participèrent à ses fêtes, Il Mach., iv, 18, visitèrent ses principales villes, II Mach., iv, 44-50. Elle les paya de retour. Tite Live, xxvii, 30. Pendant le règne d’Antiochus Épiphane, ce prince, ayant condamné injustement à la mort, à Tyr même, les Juifs qui avaient dénoncé les crimes de Ménélas, voir t. iv, col. 964, les Tyriens touchés de leur sort, leur donnèrent une sépulture honorable, II Mach., iv, 49, mais il n’en avait pas toujours été ainsi. Ils s’étaient joints aux ennemis des Juifs au commencement de la persécution. I Mach., v, 15. Plus tard, entraînés par leur avidité mercantile, ils acceptèrent les propositions des généraux d’Antiochus, quand ils leur offrirent de leur vendre à bas prix les prisonniers qu’ils espéraient faire dans la guerre contre Judas Machabée, ce qui leur assurerait, en les revendant, un gain considérable. _ II Mach., viii, 11. Ils accoururent en foule à la suite de l’armée syrienne, I Mach., iii, 41, apportant avec eux une grande quantité d’or et d’argent. Nicanor avait compté payer avec le bénéfice de la vente des esclaves juifs les deux mille talents d’argent que son maître Antiochus devait payer aux Romains. II Mach., viii, 10. Voir Antiochus IV, t. i, col. 698. Il fut complètement battu par Judas Machabée. Les cupides marchands phéniciens eurent la vie sauve, mais il leur fallut donner au vainqueur l’argent qu’ils avaient apporté. II Mach., vin., 25 ; Joséphe, Ant. jud., XII, vii, 4. C’est le dernier événement dans lequel les Phéniciens se trouvent mêlés à l’histoire juive. — Ils s’hellénisèrent de plus en plus sous le gouvernement des Séleucides. Leurs monnaies portèrent des légendes grecques à côté des légendes phéniciennes, les noms grecs devinrent à la mode. Antipater et Apollonius, philosophes stoïciens de Tyr, Strabon XVII, ii, 22, Philon de Byblos, Dius, Théodo.te, Philostrate, Boëthus et Diodote, péripatéciciens de Tyr, Hermippe de Béryte étudièrent la philosophie grecque, Strabon, XVII, ii, 22 ; leurs littérateurs écrivirent leurs ouvrages en grec.

Vil. LA PHÉNICIE EST SOUMISE AUX ROMAINS. —

Le royaume des Séleucides prit fin l’an 83 avant J.-C. et la Phénicie dut alors se soumettre à Tigrane, le roi d’Arménie contemporain de Lucullus et de Pompée. Ce ne fut pas pour longtemps. Les Romains attaquèrent Tigrane en 69 et ne tardèrent pas à le déposséder de la Syrie et de la Phénicie. Ce fut alors la fin pour toujours de son indépendance. La Phénicie fit partie de la province de Syrie sous un proconsul ou un propréteur. Cependant Tyr, Sidon et Tripoli restèrent cités libres. Les Actes, xii, 20-23, supposent cette autonomie relative. Ils nous apprennent qu’Hérode Agrippa était en discussion l’an 44 avec Tyr et Sidon et que ces deux villes lui envoyèrent une ambassade à Césarée pour calmer sa colère. Hérode ne leur aurait point cherché querelle, si ces cités avaient été complètement gouvernées par Rome, car autrement il aurait eu sur les bras les Romains eux-mêmes, ce à quoi il n’aurait eu garde de s’exposer. vin. le christianisme en phénicie. — Le christianisme ne tarda pas à s’implanter en Phénicie, comme

l’avaient prédit les prophètes. Ps. lxxxvi (lxxxvii), 4 ; cf. Zach., ix, 4. Notre-Seigneur avait daigné visiter le pays deTyr et de Sidon, dont il avait déclaré l’incrédulité moins coupable que celle des Juifs, Matth., xi, 21-22 ; Luc, x, 13-14, et il avait guéri la fille de la Ghananéenne qui était possédée. Matth., xv, 21 ; Marc, vii, 24-31. Des Phéniciens avaient été témoins de ses miracles, Luc, vi, 17. Quelques-uns des nouveaux chrétiens qui avaient quitté Jérusalem après le martyre de saint Etienne se dispersèrent en Phénicie et y prêchèrent la foi aux 3uiîs qui habitaient le pays. Âct., xi, 19. Quand saint Paul, lors de son troisième voyage de mission (an 58), se rendant en Palestine à son retour de Grèce et d’Asie Mineure, débarqua à Tyr, il y trouva une église déjà établie et y séjourna pendant sept jours, bien accueilli par les nouveaux, chrétiens, hommes, femmes et enfants. Act., xxi, 3-6. Le christianisme fut florissant dans cette ville pendant les deux premiers siècles. Origéne s’y retira vers 250 et c’est là qu’il mourut.

VII. Bibliographie. — Corpus inscriptionum semiticarum, in-f°, part. i, t. i, Paris, 1881-1889 ; Scylax, Periplus, dans C. Mùller, Geographi minores, édit. Didot, in-4°, Paris, 1855-1861, t. i ; Falconer, Voyage of Hanno, Londres, 1797 ; F. C. Movers, Die Phbnizier, 2 tomes en 41n-8°, Bonn, 1841-1856 ; Walpole, Ansayrii, in-8°, Londres, 1851 ; John Kenrick, Phœnicia, in-8°, Londres, 1855 ; W. Gesenius, Scripturse linguseque Phœnicim monumenla, 3 in-4°, Leipzig, 1857 ; E. Benan, Mission de Phénicie, in-4, Paris, 1864 ; Voyage d’un Egyptien en Syrie, en Phénicie, traduit par Chabas, in-4°, Paris, 1866 ; Hans Prutz, Aus Phônizien. Geographische Skizzen und historische Studien, in-8°, Leipzig, 1876 ; di Cesnola, Cyprus, in-8°, Londres, 1877 ;  ! d., Salanxinia, in-8°, Londres, 1882 ; G. Perrot et Chipiez, Bistoire de l’art dans l’antiquité, t. iii, 1885 ; G. Rawlinson, History of Phœnicia, in-8°, Londres, 1889 ; Id., Phœnicia, dans Story of the Nations, in-8°, Londres, 1889 ; B. Pietschmann, Geschichteder Phônizier, ’xi-% a y Berlin, 1889 ; A. Mayr, Aus den phônischen Nekropolen von Malta, in-4°, Munich, 1905’; W. von] Landau, Die Bedentttng der Phônizierim Vôlkerleben, in-8°, Leipzig, 1906.

F. Vigouroux.

    1. PHÉNIX##

PHÉNIX, oiseau fabuleux, dont les auteurs anciens font souvent mention. Cf. Métrai, Le Phénix, Paris, 1821. D’après Hérodote, ii, 73, le phénix arrivait d’Arabie, tous les cinq cents ans, apportait avec lui le corps de son père, enveloppé de myrrhe, et le déposait dans le temple du soleil. Lucien, Hermot-, 53 ; Pline, B. N., x, 2 ; Ovide, Amor., ii, 6, 54 ; Metam., xv, 391 ; Claudien, Laud. Stil, ii, 417 ; Horapollon, ii, 57, etc., font aussi mention du phénix. Tacite, Annal., vi, 28, rapporte différentes traditions à son sujet, en concluant que <t tout est incertain et augmenté de fables », mais que du moins « il est sûr qu’on voit quelquefois cet oiseau en Egypte. » On a voulu reconnaître le phénix dans l’oiseau d’Osiris, le bonau ; mais cet oiseau est un vanneau ou une espèce de héron. Cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, t. i, p. 131, note 2. Les premiers écrivains ecclésiastiques ont fait grand état de la fable du phénix, parce qu’ils y voyaient un symbole de la résurrection. "Voici la forme que prend la fable dans la Dicfascalie, 20, trad. > ! au, Paris, 1902, p. 108 : Le phénix se est unique, car s’il avait une femelle, les hommes en verraient bientôt beaucoup, tandis que maintenant on n’en voit qu’un qui entre en ngypte tous les cinq cents ans, et va à l’autel qui est appelé du Soleil. Il rassemble du cinnamome, puis, priant vers l’orient, le feu s’allume de lui-même, le brûle et le réduit en cendre ; puis, de cette cendre, il se forme un ver, qui croit semblable à lui et devient un phénix parfait ; puis il s’éloigne et retourne d’où il est venu. » Cf. lbid., p. 166. La même légende se retrouve dans S. Clément, / Cor., 25, t. i, col. 261 ; les

Constitutions apostoliques, v, 7, t. i, col. 846 ; Tertullien, De resur. carn., 13, t. ii, col. 811 ; S. Ambroise, De excès, fralr., ii, 59, t. xvi, col. 1331, etc. Ces auteurs font séjourner le phénix en Arabie ou dans l’Inde ; il n’apparaît en Egypte que pour y périr et y renaître.

— Dans un passage où il parle de ses espérances de longue et heureuse vie, Job, xxix, 18, s’exprime ainsi :

Je disais : Je mourrai dans mon nid, J’aurai des jours nombreux comme le hôl.

Le mot hôl, fréquemment employé dans la Bible hébraïque, y a toujours le sens de « sable », et la comparaison du sable est usitée pour donner l’idée d’un peuple nombreux, Gen., xxii, 17 ; Jos., xi, 4 ; I Reg-, xm, 5 ; I*, x, 22, etc., et aussi d’un petit nombre d’années que l’on assimile à un grain de sable. Eccli., xvii, 8, 9. Dans ce dernier passage, cent ans sont comparés à un grain de sable ; Job, au contraire, se promettait des jours nombreux comme le sable. Cependant les massorètes ont noté ici le mot h.ôl d’un signe indiquant qu’il n’a pas le même sens que dans les autres passages. Les Septante l’on traduit primitivement par çoîviE, qui veut dire à la fois « palmier » et « phénix ». Comme le palmier se nomme en hébreu tdmâr et non pas })ôl, les Septante avaient donc eu en vue tout d’abord le phénix. Pour corriger l’amphibologie du mot grec, on substitua ensuite l’expression are/e^oç çbfvcxoç, « trône de palmier ». Les talmudistes assurent que dans ce passage de Job il est question du phénix, Sanhédrin, fol. 108, 2, et les commentateurs rabbiniques affirment la même chose. D’après eux, le phénix serait le seul de tous les animaux qui aurait refusé de partager le fruit défendu avec Eve, et plus tard Noé aurait souhaité au phénix une vie sans fin. Cf. Buxtorf, Lexic. lalmud., col. 720. Le phénix aurait été appelé holi par les Égyptiens, si l’on en croit les hiéroglyphes interprétés par G. Seyffarth, dans la Zeilschrift der deulsch. morgenl. Gesellsch, t. iii, p. 64, et lés mots allôê ou alloê, reproduisant Ifôl, sont traduits dans les glossaires coptesarabes par semendel ou semendar, noms communs aux deux animaux qui échappent à l’action du feu, la salamandre et le phénix. L’idée d’oiseau paraît appelée dans le texte de Job par celle du nid, mentionné au vers précédent, et le phénix était dans l’antiquité le symbole de la longue vie ; on disait proverbialement : cpofvtxoi ; ety) pioOv, « vivre les années du phénix ». Lucien, Hermot., 53. Il faut observer cependant qu’au lieu de qinnî, « mon nid », les Septante, Saint Éphrem et Barhebrseus ont lu qdnai pour qânéh, « roseau », dans le premier vers, ce qui rendrait moins probable la mention d’un oiseau dans le second. Rosenmûller, Jobus, Leipzig, 1806, t. ii, p. 694 ; Welte, Das Buch Job, Fribourg-en-B., 1849, p. 288 ; Delitzsch, Das Buch lob, Leipzig, 1876, p. 381-383 ; Knabenbauer, In Job, Paris, 1886, p. 342, etc., regardent comme possible ou même probable la désignation du phénix par le mot hôl. Elle ne peut étonner de la part d’un auteur familier avec les choses de l’Egypte et de l’Arabie. La mention d’un mythe, pris comme simple terme de comparaison par un écrivain sacré, ne soulève pas non plus de difficulté, cette mention n’impliquant à aucun degré la réalité du mythe allégué. Cependant cette explication ne s’impose pas. D’autres interprètes se contentent d’entendre le mot hôl dans son sens habituel de « sablé », adopté par la Vulgate. Cf. Gesenius, Thésaurus, p. 454 ; Le Hir, Le livre de Job, Paris, 1873, p. 354.

H. Lesêtre.
    1. PHERATH##

PHERATH (hébreu : Peràfâh, avec le hé local ; Septante : EOippomriç ; Vulgate : Euphrates), ’lieu ou Jérémie, sur l’ordre de Dieu, alla cacher dans le creux d’un rocher la ceinture neuve qu’il venait d’acheter, où il la trouva ensuite toute pourrie. Jer., xiii, 1-7. Les anciens interprètes et commentateurs ont généralement

cru qu’U était là question du fleuve de l’Euphrate. Bochart cependant, Geographia sacra, 3e édit., Opéra, 1692, t. i, col. 956, et quelques autres après lui, y ont vu plutôt la petite ville d'Éphrata. Cf. Knabenbauer, In Jer., 1889, p. 183-186. Les palestinologues modernes contes’ent l’ancienne identification et voient le Pherath ou plutôt Phârah (le ii, f, n'étant que le n transformé par la présence du n local) de Jérémie dans VOuadi Fdrak, ou vallée de Phârah, avec l’article haf-Fârah (Septante : *apc< ; Vulgate, Aphara). Jos., xviii, 23. Voir Aphara, t. i, col. 721._Sur une trentaine de fois que les auteurs nomment l’Euphrate, à l’e.xception de deux ou trois cas isolés, c’est presque toujours « le fleuve d’Euphrate », où sa nature est déterminée par le contexte :

I Reg., xiii, 6, et auxquelles faisaient allusion ces ennemis d’Israël, xiv, 11, en voyant Jonathas monter de la vallée qui est sous Machinas, c’est-à-dire de l’OuadiSoueinît, l’un des affluents de YOuadi-Fârah, qu’il rejoint un peu plus bas. C’est probablement dans l’une d’elles que Jérémie cacha sa ceinture. Les juifs fidèles, au temps de la persécution d’Antiochus, durent chercher avec Mathathias et ses fils un refuge dans cette même vallée et les circonvoisines. Cf. I Mach., i, 56 ; n, 26, 31. Au temps de la guerre de Judée, Simon ben Gioras ne trouvait pas de cachette plus sûre que ces grottes, pour y renfermer ses trésors, et que la vallée pour y séjourner avec ses partisans. Bell, jud., IV, IX, 4. Josèphe appelle l’endroit Pharan, mais le n est sans

59. — Vue de l’ouadi Far&h, au nord-est de Jérusalem, non loin d’Anatoth. D’après une photographie de M. L. Heidet.

en Jérémie, xiii, sur quatre fois que le nom est répété de suite, non seulement cet appositif ne lui est pas adjoint, mais c’est celui de « rocher » ou « région rocheuse ». « Prends la ceinture que tu as achetée et qui ceint tes reins ; lève-toi et va à Perâtha et cache-la dans un creux du rocher, » binqîq has-sâla'. Jer., xiii, 4. Quand le Seigneur veut instruire le peuple par un symbole prophétique, pour frapper davantageson attention, c’est toujours sous ses yeux qu’il le fait exposer ; il serait étrange, en ce cas, qu’il envoyât Jérémie à une distance de près de trente jours de marche.

Formé par la jonction de l’ouâd' er-Redeiddh et de l’ouad' ibn 'Idd, appelé encore ouâdi-Anâtâ, parce qu’il passe sous cette localité qui est l’antique Anathoth, patrie de Jérémie, Vouadi-Fârah commence à trois kilomètres au nord-est de 'Anâtâ (fig. 59). De chaque côté de la vallée s'élèvent, à une hauteur de plus de cent mètres, de gigantesques rochers percés d’innombrables grottes, les unes naturelles, les autres artificielles. Plusieurs d’entre elles sont sans doute de celles où se cachèrent les Israélites fuyant devant les Philistins, aux premiers temps du règne de Saûl,

doute le signe de l’accusatif. En ces mêmes lieux, où les Assidéens avaient accueilli les Machabées et les fugitifs d’Israël plutôt qu’ils ne s'étaient joints à eux, I Mach., ii, 42, et II Mach., xiv, 67, les âmes redoutant les dangers du monde vinrent, au Ve siècle de l'ère chrétienne, y reprendre la vie de mortification des Esséniens, comme sous l’ancienne loi. C’est à Fàrah, à six milles à l’ouest de Jérusalem, que les Chariton, les Euthyme, les Théoctiste, les pères de la vie cénobitique, l’inaugurèrent en Palestine. Cf. Cyrille Scyth., Vita S. Euthijmii, n. 12, 41, 114, 184 ; Acta sanct., januarii t. ii, p. 668, 672, 688, 691 ; Vita S. Charitonis, ibid., septembris t. vii, p. 576.

A cette époque, la ville de Phara, qui avait vraisemblablement pris son nom de la vallée, le portait encore, à quelques stades en aval des grottes qui formaient la Laure de Phara ou Pharan ; ses ruines sont connues aujourd’hui sous le nom seulement de Khirbet elQoreini. Au pied des grands rochers, jaillit une source pure et abondante qui se déverse dans des bassins naturels où se jouent de nombreux petits poissons, des crabes et des grenouilles et forme un ruisseau qui va

s’unir, environ six kilomètres plus bas, au Nahr elKelt. Au-dessus de la fontaine, des moines russes ont jeté en 1905, là où se voient les restes de l’ancienne église, les fondements d’un nouveau monastère et occupent les anciennes grottes. —Voir Schick, dans Zeitschrift des deutschen Palàstina Vereins, t. iii, p. 6 ; Buhl, Géographie des alten Palàstina, in-8°, 1896, p. 99-100.

L. Heidet. PHÉRÉZÉEN (hébreu : ha-p-Perizzi ; Septante : ^speÇaïot, dans la Genèse en général et en quelques endroits ; plus communément $tpiZatt>i, au sing. ; correspondant à l’hébreu qui conserve partout ce nombre. La Vulgate emploie quatorze fois Pherezseus et huit fois Pheressei), peuplade du pays de Chanaan dont le territoire fut promis à Abraham et conquis par les Israélites. Le Phérézéen est nommé seul avec le Ghananéen, Gen., xiii, 7 ; xxxiv, 30, et Jud., i, 4, pour désigner avec ce dernier toutes les populations du pays. Serait-ce pour spécifier une classe particulière d’entre elles ? Selon Gesenius, Thésaurus, p. 1126, Perizzi a la même signification que Perâzi, « campagnard, paysan ». Ce nom serait ainsi l'équivalent de celui de fellah, fellahin, employé aujourd’hui pour désigner la classe des cultivateurs par opposition à toutes les autres classes. Quelle que soit la signification étymologique du nom, on ne peut cependant admettre que dans les cas précités le Phérézéen désigne ainsi une catégorie, tandis que le Ghananéen représenterait la population des villes ou celle exerçant les professions industrielles et libérales. Dans la plupart des cas le Phérézéen est cité parmi toutes les autres populations comme une d’entre elles, c’est-à-dire comme une tribu ou une nation. De plus, s’il désignait ainsi toute une catégorie, il devrait représenter les « campagnards » de toute la Terre Promise, ceux de la plaine comme ceux de la montagne, ceux de la région septentrionale comme ceux du midi, tandis qu’il est expressément donné pour une des peuplades de la montagne seulement, in montants, Jos., XI, 3, et de la partie méridionale, in meridie, ibid., xii, 8. L’opposition du Phérézéen au Ghananéen ne l’indiquerait-elle pas plutôt comme le représentant des populations autochtones, tandis que le Chananéen représenterait la race conquérante et dominatrice, comme le fellah représente aujourd’hui la race aborigène et le turc l'étranger dominateur ? Si aucune indication positive n’appuie cette conjecture, on peut remarquer toutefois que le Phérézéen n’est pas nommé dans la table ethnographique de la Genèse, x, 6-20, parmi les tribus descendant de Chanaan ou de Cham. La population phérézéenne paraît avoir été concentrée dans la partie montagneuse qui devint le partage des fils de Joseph, Éphraïm et Manassé, c’est-à-dire dans la contrée qui forma plus tard la province de Samarie. Jacob étant encore à Sichem, disait à Siméon et à Lévï, ses fils, qui venaient de massacrer les habitants de la ville : « Vous me mettez dans le plus grand embarras, en me rendant odieux aux habitants de ce pays, aux Chananéens et aux Phérézéens. » Gen., xxxiv, 30. Quand les fils de Joseph, d'Éphraïm et de Manassé se plaignaient de manquer d’espace pour s'établir, Josué leur répondait : « Puisque vous êtes un peuple nombreux, montez à la forêt et faites-vous là de l’espace dans le pays des Phérézéens et des Raphaïm, puisque la montagne d'Éphraïm est étroite pour vous. Jos., xvii, 1416. Abraham les avait trouvés établis jusqu’aux alentours de Béthel. En parlant de la rixe survenue entre les pasteurs du patriarche et de Lot son neveu, alors établi entre Béthel et Haï : « En ce temps, fait remarquer l’auteur sacré, le Ghananéen et le Phérézéen habitèrent ce pays. Gen., xiii, 7. Les fils de Juda et de Siméon, trouvèrent les Ghananéens et les Phérézéens devant eux quand ils faisaient la conquête de leur territoire particulier. Jud, , i, 4-5. Il est possible toutefois

qu’en ce passage le nom de Phérézéen ait une signification générique pour désigner les autres habitants de la contrée, distincts des Chananéens proprement dits, car ce sont ordinairement les Amorrhéens qui sont présentés comme les habitants du territoire qui deviendra celui de Juda et dé Siméon. Cf. Gen., xiv, 7, 13 ; Deut., i, 7, 19, 27, 44 ; Jos., x, 5, 6, 12 ; Jud., i, 36. — Les Phérézéens furent vaincus avec les autres peuplades de Chanaan et en partie exterminés par Josué et les Israélites. Jos., iii, 10 ; ix, 1 ; xi, 3, 8 ; xii, 8 ; xxiv, 11 ; Judith, v, 20. Ce qui en resta fut soumis au tribut et à la corvée ; on les retrouve dans cette condition sous le règne de Salomon, travaillant aux constructions élevées par ce roi. III Reg., ix, 20 ; II Par., viii, 7. Ils sont signalés encore en général avec les éléments chananéens, après la captivité, et on reproche aux Juifs peu fidèles à la loi de prendre de leurs filles en mariageI Esd., îx, i. L. Heidet.

    1. PHERMESTA##

PHERMESTA (hébreu : Parmastâ' ; Septante : MapHaomâ), le septième des fils d’Aman, qui fut mis à mort par les Juifs de Suse. Esther, ix, 9. D’après J. Oppert, ParmaSta' est le perse Paramaistâ, « celui qui se met au premier rang. » Commentaire du livre d’Esther, 1864, p. 22.

    1. PHESDOMIM##

PHESDOMIM (hébreu : Pas Dammîm ; Septante : $aaoSa(jn’v ; Alexandrinus : $a<ro8011t), localité de Juda. IPar., xv, 13. Le nom complet est'Éfés Dammîm, comme il se lit I Sam. (I Reg.), xvii, 1 (Vulgate : in finibus Dommim). L’aleph initial de ce nom propre paraît avoir disparu devant l’article dans I Par., xi, 13 : D23, bap Paz, pour be-hap-Paz. Voir Dommim, t. ii, col. 1483.

PHESHUR. I Esd., ii, 38 ; x, 22 ; II Esd., x, 3. Voir Phashur, col. 223. — II Esd., xi, 12. Voir Phassur 4, col. 224.

    1. PHESSÉ##

PHESSÉ (hébreu ; Paséah [voir Phaséa, col. 220] ; Septante : Beaaîje ; Alexandrinus : Qccari), second fils d’Esthon, de la tribu de Juda et de la famille de CaJeb. I Par., IV, 12.

    1. PHÉTÉI À##

PHÉTÉI À (hébreu -.Petahydh [voir Phataïa, col. 224J ; Septante : Ssxaîa), prêtre, contemporain de David, chef de la dix-neuvième famille sacerdotale. I Par., xxiv, 16.

    1. PHÉTHROS##

PHÉTHROS (hébreu : Patrôs), la Haute Egypte. Is., xi, 11. Les Septante traduisent dans ce passage BaëuXwvia, mais ils ont rendu ailleurs le mot hébreu par « ÊaOcopîJ !  ; , de même que la Vulgate l’a rendu par Phaturès. Voir Phaturès, col. 224.

    1. PHÉTRUSIM##

PHÉTRUSIM (hébreu : Patrusîm ; Septante : Haipo<rwvi£in), descendants de Mesraïm. Gen., x, 13-14 ; I Par., i, 12. La forme plurielle du mot indique qu’il s’agit ici d’un nom ethnique désignant une collectivité d’hommes. Phetrusim « est évidemment formé avec le mot Patros où l’on a reconnu depuis longtemps p-tores, « le pays du midi », la Thébaïde. » E. de Rougé. Recherches sur les monuments qu’on peut attribuer aux six premières dynasties, p. 8. Les Phetrusim sont donc les habitants de Phaturès ou Phetros, la terre du sud, la Haute Egypte. Voir Phaturès.

C. Lagier.

    1. PHICOL##

PHICOL (hébreu : Pvkôl ; Septante : $ix6X et $txwX), chef de l’armée d’Abimélecn, roi de Gérare. L'étymologie de ce nom est inconnue ; il est probablement chananéen. On ne sait si c’est un nom propre ou un titre de dignité. Si l’on admet avec beaucoup de commentateurs que la Genèse parle de deux Phicol, et non d’un seul, il est plus naturel de supposer que ce mot est simplement le titre du général qui commandait les soldats d’Abi

mélech. La Genèse, xxv, 22, dit que Phicol ou le Phicol accompagna le roi de Gérare, lorsqu’il alla trouver Abraham pour faire alliance avec lui. Nous retrouvons les deux mêmes personnages ou deux personnages désignés par le même nom, Gen., xxvi, 26, qui vont faire alliance avec Isaac. Si PAbimélech du temps d’Isaac était le fils de celui qui avait fait alliance avec Abraham, il est vraisemblable que le Phicol de Gen., xxvi, 26, était le successeur de celui de Gen. ; xxi, 22, et c’est le sentiment le plus vraisemblable. Voir Abimélech 1 et 2, t. i, col. 58, 54.

    1. PHIGELLE##

PHIGELLE, chrétien d’Asie. II Tim., i, 15. Voir Phygelle.

    1. PHIHAHIROTH##

PHIHAHIROTH (hébreu, Pi Hah, îrô t ; Hahirôt ; Septante : 'Eiupwfl, ÉJpiifl, gitoevviç), localité d’Egypte.

I. De Ramessès a Phihahiroth. — Réunis à Ramessès, quelque part à l’entrée de l’Ouadi Toumilat, les Israélites s’engagèrent dans l’Ouadi le long du canal et vinrent camper à Socoth dans les environs de Phithom. Voir Phithom. Exod., xii, 37. Là ils touchaient à l’extrémité nord du lac Timsah et au désert. Deux routes s’ouvraient devant eux : la route du nord, la plus courte, longeant d’abord les terres cultivées, puis le bord de la Méditerranée, et de là, courant en droiture au pays des Philistins et à la côte syrienne, la route du sud, plus longue et plus difficile, à cause des montagnes qu’il faut traverser, route que suivaient encore les Bédouins avant le percement de l’isthme. C’est par cette seconde route que les Hébreux devaient marcher. « Partis de Socoth, ils campèrent à Etham, aux confins extrêmes du désert. » Exod., xiii, 17, 18, 20. Voir Etham, t. ii, col. 2002-2003. Maintenant, comme l’armée de Pharaon approche, et que Dieu veut sauver son peuple, et le sauver par un prodige capital dans l’histoire des Juifs, il lui fait abandonner la route d’Etham qui contournait vraisemblablement le lac Timsah par son extrémité septentrionale, et le ramène en arrière sur le bord occidental et vers le sud pour placer la mer entre lui et le désert. Il le fit camper à Phihahiroth, entre Magdala et la mer, vis-à-vis de Béelsephon. Exod., xiv, 1-2. C'était une folie au point de vue humain, puisque les Hébreux allaient être pris entre la mer, les montagnes et l’armée de Pharaon. Mais Dieu avait ses vues.

II. Le nom et le site. — 1° On a cherché l'étymologie de Phihahiroth du côté de l’hébreu. Le Targum et la Peschito regardent 's, pi, dans ce nom comme l'état

construit de ns, péh, << bouche », tandis que pour le

premier mm, hirôt, signifie montagne ou rocher, et pour le second, « fossé » ou « canal ». Cf. S. Jérôme, Epist. lxxviu, ad Fabiolam, t. xxii, col. 702. Mais Phihahiroth étant unnom égyptien, il faut nous en tenir à l'égyptien. Dans ses fouilles de Tell el-Maskhouta, Na ville a rencontré sur une stèle de Ptolémée Philadelphe le nom de

serpent sacré ». Store-City of Pithom, 4e édit., 1903, pi. viii, IX, lig. 7, x lig. 26. Pikeheret était un sanctuaire d’Osiris dans la terre de Socoth. Il joue un rôle important dans la stèle. Les listes géographiques des temples donnent aussi Pikeheret sous la forme Askeheret,

I S. E.-J. de Rougé, Inscriptions et notices recueillies à Edfou (Haute Egypte), t. ii, pi. cxlv. Elles la nomment alternativement avec Pi-tum et parlent de son serpent sacré, Dûmichen, Geographische Inschriften, t. iii, pi. xxxiii, et, comme la stèle de Philadelphe, la placent dans la région de Socoth. Il y avait donc deux temples dans le VIIIe nome", proches l’un de l’autre, Pi-tum et Pikeheret, ce dernier dans le voisinage de la mer. Sans doute Pikeheret ne se rencontre

8 K, Pikeheret ou Pikerehet, « la demeure du

que sur des monuments ptolémaïques. Mais on peut croire que, là comme ailleurs, les Grecs n’innovèrent pas ; ils restaurèrent un ancien culte, agrandirent ou reconstruisirent le temple, respectant une tradition locale et antique. Par suite, il reste probable qu’Osiris, dès la plus ancienne époque, eut un sanctuaire à Pikeheret, Store-City of Pithom, p. 30. Et Pikeheret semblerait être le même mot que la Phihahiroth de la Bible.

2° Mais où placer Phihahiroth ? Ici la Bible ne nous fournit qu’un point de repère : la retraite des Hébreux vers le sud par le bord occidental du golfe arabique. Mais dans l’Exode station et jour de marche n'étant pas synonymes, nous ne savons combien ils marchèrent dans cette direction. De plus, nous ne savons pas davantage la position de Magdala et de Béelsephon. Les théories sur l'étendue de la mer à l'époque de la XIXe dynastie viennent encore compliquer la question. Certains savants veulent que la mer ait alors communiqué non seulement avec les lacs Amers, mais aussi avec le lac Timsah, au moins par intermittences, ce qui permettrait de chercher Phihahiroth sur les bords de ce dernier lac et Béelsephon en face sur le bord oriental où se trouve la colline actuelle de Toussoum : c’est la théorie de Naville. D’autres, et c’est le grand nombre, nient qu’on puisse attribuer cette extension aux temps historiques ; ce serait dans la pré-histoire que la mer en se retirant aurait laissé derrière elle le lac Timsah, peut-être même les lacs Amers, suivant quelques-uns. Par conséquent, Phihahiroth serait à reculer vers le sud, jusqu’au seuil de Chalouf, Lecointre, La campagne de Moïse pour la sortie d’Egypte (1882) ; et même jusqu'à Adjroud qui n’est pas sans rappeler vaguement Phihahiroth. Ebers, Durch Gosen zum Sinai, 2e édit., 1881, p. 509.

III. Hypothèse de M. Naville. — 1° Le savant égyptologue regarde comme difficile de ne pas admettre qu’au temps de Ramsès II, le golfe s'étendît beaucoup plus au nord qu’aujourd’hui. La mer Rouge ne comprenait pas seulement les lacs Amers, mais aussi le lac Timsah. Il appuie son dire du témoignage des anciens, confirmé suivant lui par les études géologiques des modernes. En conséquence, l’ancien canal aurait été borné à l’ouadi Toumilat, ou à peu près. Tout d’abord Strabon, xvii, 3, 20, place Héroopolis à l’extrémité du golfe arabique. Pline, H. N., VI, xxxiii, 2, dit que sur le golfe d'^Eant (arabique) se trouve Héroum. Tous les écrivains de l’antiquité, même les plus récents d’entre eux, parlant d’Héroopolis, semblent supposer le voisinage de la mer. Agathémère fait commencer le golfe arabique à Héroopolis : 'Apafit’oç xôXtioî.., apxeTat àirô 'Hptiuv TtoXétoç. Muller, Geographi grxci minores, édit. Didot, t. ii, p. 465. Artémidore affirme que les navires partaient d’Héroopolis pour la terre des Troglodytes, dans Strabon XVI, iv, 5. D’où l’on peut sûrement conclure que non seulement au temps de l’Exode, mais même sous les Romains, le golfe s'étendait jusque dans le voisinage d’Héroopolis, à l’ouest d’Ismaïliah. Store-City of Pithom, p. 10, 25-26. Nous verrons tout à l’heure ce qu’il faut penser de ces textes.

Ce point lui semblant acquis, M. Naville cherche à situer en conséquence Pikeheret-Phihahiroth. Parla stèle de Philadelphe et par les textes géographiques, on a vu que Pikeheret était un sanctuaire d’Osiris. Les Grecs, par suite, durent l’appeler Sérapéum, Or, l’Itinéraire d’Antonin, édition Wesseling, p. 170, mentionne un Sérapiu ou Sérapéum à dix-huit milles d’Ero ou Héroopolis, et ce ne peut être que Pikeheret, puisque c’est le seul sanctuaire d’Osiris que l’on connaisse dans le voisinage d’Héroopolis. Si l’on cherche maintenant la place qu’il a dû occuper, elle nous est indiquée au pied du Djebel Maryam, falaise plate qui forme comme le fond du lac Timsah sur la rive occidentale. À sa base 255

PHIHAHIROTH

' 256

et sur les bords du canal se trouve un vaste emplacement romain, en partie recouvert par les lagunes. Il ne concorde pas tout à fait avec la distance de l’Itinéraire, mais l’Itinéraire ne mérite 'pas une confiance absolue. Là seulement put être le Sérapéum, et non à huit kilomètres plus loin, endroit que les ingénieurs français ont appelé de ce nom. Ce dernier endroit portait bien une stèle de Darius, mais s’il y a place pour une tour de garde, un migdol, il n’y a pas trace d’habitations. Store-City of Pithom, p. 25. Que ce soit bien là la situation de Pikeheret, les textes égyptiens et la version des Septante le confirment. La stèle de Philadelphe parle de taxes annuelles en chevaux ou en bétail affectées au sanctuaire de Pikeheret, pi. x, lig.17-20. D’autre part, le Papyrus Anastasi VI, pi. iv, nous a appris que sous Ménephtah les Shasou d’Atuma demandèrent à conduire leurs troupeaux dans les pâturages

qui appartenaient au domaine ou à la ferme I 8 C3

ah, de Pharaon, dans la terre de Socoth. Ce mot ah désigne un domaine avec pâturages où l’on élève et nourrit les chevaux et tout bétail. Si nous passons maintenanl à l’Exode, nous trouvons que les Septante ont rendu vis-à-vis de Phihahiroth, de l’hébreu et de la Vulgate, par ânevàvti ttjç litauXéo) ; , c< devant le domaine, la ferme », l'équivalent exact de l'égyptien ah. Ainsi, tandis que l’hébreu donne le nom propre du sanctuaire d’Osiris, les Septante nous parlent du domaine que le Papyrus Anastasi VI nous a fait connaître comme étant dans la terre de Socoth où se trouve Pikeheret. Nous avons ainsi le cadre du campement des Israélites : au nord-ouest, Phihahiroth-Pikeheret sur le lac Timsah, non loin de Phithom, proche de l’actuel Djebel Maryam ; au sud-est, Migdol ou Magdala, la butte marquée par la stèle des Perses, à peu de distance de l’actuelle station du Sérapéum sur le canal ; à l’est, la mer et, au delà, sur la rive asiatique, Béelsephon, l’actuelle colline de Toussoum. Voilà ce qui semble probable à M. Naville. Store-City of Pithom, p. 31.

2° La géographie de l’isthme, selon M. Naville, a contre elle le témoignage d’Hérodote qui vit l’Egypte sous les Perses. À lui tout seul cet auteur suffit à ruiner la thèse que nous venons d’exposer. Il dit du canal qu’il avait « quatre journées de navigation… On commença à le creuser, poursuit-il, dans cette partie de la plaine d’Egypte qui est du côté de l’Arabie. La montagne qui s'étend vers Memphis, et dans laquelle sont les carrières, est au-dessus de cette plaine et lui est contiguë. Le canal commence donc au pied de la montagne ; il va d’abord pendant un long espace, d’occident en orient, il passe ensuite par les gorges de cette montagne et se porte au midi dans le golfe d’Arabie. » ii, 158. « La signification du passage et l’intention de l’auteur sont visibles : Hérodote décrit les deux directions du canal, l’une de l’ouest à l’est dans le sens de l’Ouadi Toumilat, l’autre de l’est au sud, dans le sens des lacs Amers. La montagne dont il parle est le versant méridional delà chaîne qui longe l’Ouadi, et la gorge de cette montagne correspond à l’ouverture septentrionale du bassin qui contient les lacs Amers. La topographie de l’historien ne s’accorde en aucune façon avec la carte de M. Naville qui place l’ancien rivage de la mer Rouge entre Pikeheret et le lac Timsah, ne laissant ainsi aucun moyen de tracer le coude décrit par le canal de l’est au sud, ni de comprendre en outre, comment les vingt lieues de l’Ouadi Toumilat auraient exigé quatre jours de voyage, quand la journée de navigation, en Egypte, était de treize à quatorze lieues. — On remarquera que la description d’Hérodote est confirmée de plusieurs manières, et notamment par les traces du canal creusé ou recreusé par les Perses depuis les lacs Amers jusqu’aux environs de Suez. Entre ces deux points la Commission d’Egypte a

découvert des ruines et des inscriptions, surtout dans le voisinage de Chalouf, près de l’ancien canal (appelé aujourd’hui canal des Pharaons), qui fut retrouvé par le général Bonaparte. » E. Lefébure, Les fouilles de M. Naville à Pithom, dans la Revue des religions, t. xi, 1885, p. 322. Les traces de ce dernier canal semblent montrer que cinq cents ans avant J.-C. les lacs Amers et le lac Timsah étaient séparés et ne différaient guère de ce qu’ils sont aujourd’hui. — Strabon, XVII, i, 26, fait franchir au canal les lacs Amers : êtappet il y-où Sià twv urapôiv xaXou|iév<i)v Xifivwv. Et il nous k représente ces lacs comme dessalés par le canal soit qu’il prenne quelque partie pour le tout, soit qu’il confonde les lacs avec le canal lui-même, qui était large et poissonneux. » E. Lefébure, loc. cit., p. 323. — Pline, qui suit Strabon et d’autres auteurs, compile sans bien comprendre et semble même faire partir le canal de la mer Rouge pour venir aboutir aux lacs, usque ad fontes amaros. H. N., vi, 33. Quoi qu’il en soit, Strabon et Pline nous montrent le canal se prolongeant bien plus loin que l’Ouadi Toumilat à travers des lacs qu’ils distinguent de la mer Rouge. Philadelphe, dans la stèle de Phithom, parle du « Grand lac noir », Kemour, et du « lac du Scorpion » (Timsah actuel) comme étant navigables et communiquant par le canal avec la mer Rouge, ce qui permettait aux marchandises du pays des Troglodytes de venir débarquer dans le lac Timsah, pi. x. On ne peut donc accorder à M. Naville que le canal se soit borné à l’ouadi Toumilat. Les lacs Amers de Pline et de Strabon ne peuvent se placer que dans le site actuel de ce nom et ils correspondent, semble-t-il, au grand lac noir de Ptolémée II. Par conséquent, si plus loin Strabon, XVII, iii, 20, dit qu’Héroopolis est sur le golfe arabique, si Pline le répète avec lui, loc. cit., nous ne devons pas les prendre à la lettre, pas plus que nous ne prenons à la lettre Josèphe disant que la mer Rouge s'étend jusqu'à Coptos, qui est sur le Nil. De Bell, jud., IV, x, 5. « Les Anciens, qui appelaient nier toute grande étendue d’eau, ont regardé les lacs Amers et leur canal tantôt comme faisant partie et tantôt comme ne faisant pas partie de la mer Rouge. On ne peut même comprendre autrement le passage où Aristote dit que Sésostris, le premier, essaya de canaliser la mer Rouge, T-qv ÊpuSpàv Qâlavzav 2nsipiôri Siopijttîiv. Metereolog. i, 14. Les lacs Amers étaient une mer intérieure à peine séparée de l’autre, si bien que l’on pouvait les réunir toutes les deux sous un même nom, quand le sujet n’exigeait pas une précision d’ailleurs peu conforme aux habitudes de l’antiquité. » E. Lefébure, loc. cit., p. 324. Quant aux auteurs qui avec Artémidore font partir les navires d’Héroopolis pour la terre des Troglodytes, cela ne préjuge en rien la question des lacs. Héroopolis était la dernière ville d’Egypte, la plus connue, que l’on rencontrait avant de s’engager dans les lacs reliés à la mer Rouge. On pouvait donc dire que la navigation commençait à cette place. Il n’y a pas d’autre conséquence à en tirer. On ne peut rien tirer non plus du Clysma que la seconde inscription latine de Phithom place à neuf milles d’Ero. Clysma signifie port et pouvait convenir à bien des localités différentes, comme les mots Migdol et Sérapéum. Ce Clysma était quelque part sur le lac Timsah et différait de l’autre Clysma que l’Itinéraire d’Antonin place sur la mer Rouge à soixante huit milles d’Héroopolis. Reste le texte d’Agathémère qui pourrait recevoir la même explication que les autres textes. Mais il faut remarquer de plus que cet auteur copie Eratosthène. Celui-ci, dans Strabon, XVI, iv, 4, dit que l’on a à sa droite la Troglodytique quand on longe la côte depuis Héroopolis : oirsp ! <rtiv âv 8eE13 .aTroiiXéo’jffiv àno 'Hpwwv uôXeoiç. Il fait donc simplement Héroopolis le point de départ de la navigation, tandis qu’Agathémère change les mots concernant

Héroopolis dont il fait le commencement du golfe arabique. Son témoignage en perd toute sa valeur.

Mais peut-être que la géologie donnera raison à M. Naville ? Linant de Eellefonds lui est tout entier favorable et il s’en prévaut à plusieurs reprises. Store-City of Pithom, p. 25, 26, etc. Partant d’un point communément admis, savoir que la mer Rouge et la mer Méditerranée ont communiqué dans lestempspréhistoriques, il signale trois atterrissements successifs intervenus entre les deux mers. Le premier est antérieur à l’histoire, c’est celui qui existe entre les lagunes les plus au sud du lac Menzaleh et le lac Timsah, nommé seuil de Gisr. Le second se trouve entre le lac Timsah et les lacs Amers, c’est le seuil du Sérapéum. Le troisième est situé entre les lacs Amers et le fond du golfe actuel, c’est le seuil de Chalouf. Selon l’auteur, l’atterrissement du Sérapéum s’est produit après Moïse, à plus forte raison celui de Chalouf, et il explique dans ce sens les textes des anciens. Linant, Mémoires sur les principaux travaux d’utilité publique exécutés en Egypte depuis la plus haute antiquité jusqu'à nos jours, Paris, 1872-1873, p. 178-194, surtout p. 195-197, où l’auteur se résume. Les autres géologues sont moins affirmalifs. Ils s’accordent en général pour dire que la mer Ronge n’a pas dû dépasser le Sérapéum depuis les temps historiques. Mais ils admettent par contre que les lacs Amers, à une époque récente, n’ont fait qu’un avec la mer Rouge. Cf. Lecointre, La campagne de Moïse pour la sortie d’Egypte (1882), p. 37-38. La difficulté glt donc tout entière dans le seuil de Chalouf, Par sa nature, il est hors de doute qu’il est bien antérieur à Moïse, puisqu’il est d’origine tertiaire. Cf. 0. Fraas, -4ms dern Orient : geologische Beobachtungen am Nil, auf der Sinai-Halbinsel und in Syrien, 1867, p. 170-173 ; O.Ritt, Histoire de l’Isthme de Suez, p. 5. Mais ce seuil a pu être soulevé par les modernes tremblements de terre ou les mouvements du sol. C’est l’opinion de M. Ritt, loc. cit., p. 4-5. Il n’insiste pas et passe à des preuves d’un autre ordre, aux mesures données par les anciens sur la largeur de l’isthme. « Hérodote, dit-il, rapporte que la dislance du mont Casius, formant cap sur la Méditerranée, à la mer Erythrée était de mille stades, c’est-à-dire d’environ cent kilomètres, ie stade unitaire employé par le savant historien dans toutes ses observations équivalant à peu près à cent mètres. Or, d’après l’examen de la carte, la distance du cap Casius à la mer Rouge est un peu supérieure à la plus petite largeur de l’isthme. Il résulte donc de l’assertion d’Hérodote, que l’isthme de Suez n’avait pas plus de quatre-vingt-dix à quatre-vingtquinze kilomètres de large, il y a deux mille ans, " c’està-dire que la mer Rouge devait faire, à cette époque, une pointe d’environ cinquante kilomètres dans l’intérieur de l’isthme. Loc. cit., p. 5. Cf. Linant, loc. cit., p. 161-165. M. Vigouroux répond que M. Ritt « suppose que le stade d’Hérodote n'était que de trois cents pieds ; en réalité, il était du double, c’est-à-dire de six cents, comme nous le lisons formellement dans la description du lac Moeris, où il est dit que le stade équivaut à cent oryges et l’oryge à six pieds. Hérodote, ii, 149. Le stade était donc de six cents pieds. Par conséquent la distance du mont Casius au golfe de Suez, était, non pas de quatre-vingt-quinze, mais de cent quatre-vingtcinq kilomètres : c’est plus que la distance actuelle, laquelle ne dépasse pas cent treize kilomètres environ, s La Bible et les découvertes modernes, t. ii, 6e édit., 1896, p. 397-398 et p. 390-396, utilisées ci-dessus. C’est même, trop, et nous restons perplexes sur la nature du stade employé ici par un auteur qui change à ce sujet d’une page à l’autre. Lecointre, loc. cit., p. 93-99. Les chiffres d’Hérodote, répond-on, confirmés par ceux de Strabon, XI, i, 5, 6 ; XVII, 1, 21, de Pline, H. N., v, 2, de l’Itinéraire, s’appliquent sans doute à la route


suivie, et c ette route avait ses circuits et ses détours Nous aurions ainsi l’explication dé la différence entre ces distances et celles des modernes qui mesurent en ligne droite. Vigouroux, loc. cit., p. 399.

V. Conclusion. — Que conclure maintenant par rapport à Phihahiroth ? Évidemment, il faut reculer cette station plus au sud que ne le fait Naville, que ne le suppose Linant. Mais combien plus au sud la reporter ? En admettant qu’au temps d’Hérodote, c’est-à-dire au v s siècle avant J.-C, la largeur de l’isthme ait répondu à peu près à ce qu’elle est aujourd’hui, s’ensnit-il qu’au temps de l’Exode, c’est-à-dire au XIIIe siècle avant J.-C, il en ait été de même ? Le seuil de Chalouf, par son origine tertiaire, semble nous l’assurer. Mais ce seuil est un soulèvement, de l’avis de tous les géologues ; et, suivant l’ingénieur Lecointe, ce soulèvement qui correspond à un affaissement du côté de la Méditerranée, se poursuit toujours, puisque le fond du canal recreusé par Amrou est resté par places, à Chalouf spécialement, « dans un état de conservation vraiment merveilleux ; les talus sont réguliers, les arêtes vives, le fond de cailloux et d’argile parfaitement plat et sans trace d’ensablement… Sa cote est de 17 m 76, tandis que celle de la hauteur de la mer Rouge est de 18<J6 : il n’aurait donc plus aujourd’hui que soixante centimètres à demi marée, et resterait toujours à sec à marée basse : par suite le canal serait hors de service. » Loc. cit., p. 38. Le même auteur en déduit que le seuil a dû se relever, au minimum, de quatre mètres vingt depuis Ptolémée Philadelphie et « qu'à l'époque de Moïse, il devait être profondément submergé ». Loc. cit., p. 39. Il s’en faut que tous se soient ralliés à cette opinion. Le dernier mot sur la question, controversée entré savants qui ne cherchent pas à supprimer le caractère miraculeux du passage de la mer Rouge, le dernier mot est aux fouilles nouvelles et à leurs révélations. En attendant, on peut penser avec les uns que Phihahirot se trouvait en face des lacs Amers, avec les autres, qu’elle était vers Adjroud, en face de la mer Rouge proprement dite. Cette dernière opinion repose sur la tradition juive alexandrine, acceptée par les premiers chrétiens, et qui peut n'être qu’une accommodation aux conditions géographiques de l'époque. Peut-être encore nous forcerait-elle à reporter trop haut Phihahiroth pour que son identification si séduisante avec Pikeheret n’en souffrît pas. Pourtant, qui sait ? L’innombrable multitude des Hébreux avec leurs troupeaux et leurs bagages occupait une immense place et le « vis-à-vis de Phihahiroth » peut nous donner de la marge.

C. Lagier.

    1. PHILADELPHIE##

PHILADELPHIE (grec : $0Mnl<?la), ville ancienne de Lydie, en Asie Mineure, sur la rive méridionale du Kogamos, affluent de l’Hermus, actuellement Alachehr,

£0. — Monnaie de Philadelphie (dernière partie du i" siècle de notre ère). => Tête de Diane, à gauche, avec un carquois. — H). Apollon jouant de la lyre : *LAAEA*EaN EPMinnoC APXIEPEÏC.

c’est-à-dire « la bigarrée », dans le vilayet d’Aïdîn, dans le pachalik d’Anatolie, à 118 kil. de Smjrne, qui lui est reliée par une ligne de chemin de fer. Elle était bâtie sur les derniers contreforts du mont Tmolus, au bord du haut plateau central de l’Asie Mineure (fig. 60). Voir la carte de Lydie, t. iv, col. 448. Elle est mentionnée deux fois dans le Nouveau Testament : Apoc, i, 11, dans la liste des sept Églises de l’Asie

V. - 9


proconsulaire auxquelles saint Jean devait envoyer le livre de ses visions ; Apoc, iii, 7, en tête de la lettre adressée à l’ange, c’est-à-dire à l’évêque de la ville. Elle fut fondée par Attale HPhiladelphe (voir Attale II, 1. 1, col. 1227-1228), roi de Pergame entre les années 159138 avant J.-C., auquel appartenait son territoire et dont le surnom servit à la désigner. En 133 avant J.-C, elle passa sous —la domination romaine, avec tout le royaume de Pergame. Voir Pergame, t. iv, col. 137. Située tout auprès de la région volcanique nommée Katakékauméné, « district brûlé, » qui est très exposé aux tremblements de terre, elle eut beaucoup à souffrir de ce fléau ; elle était presque en ruines à l’époque de Strabon, XIII, iv, 10. Mais elle ne tarda pas à se

sur laquelle elle se dresse est couverte de jardins et d’arbres ; la plaine est un champ immense, bien cultivé, que traversent de nombreux canaux d’irrigation. La population s’occupe beaucoup d’agriculture, comme au temps de Strabon, qui comparait son sol à celui de Catane, en Sicile, sous le rapport de la fertilité. Cf. Strabon, xii, 8 ; xiii, 4. Son vin était déjà très renommé dans les temps anciens, Virgile, Georg., ii, 98, et elle en exportait de grandes quantités ; ses monnaies portaient souvent, pour ce motif, la tête de Bacchus ou celle d’une bacchante. Les ruines de l’ancienne cité sont peu nombreuses ; elles consistent dans les restes d’un théâtre, d’un stade, de deux enceintes, etc. Mais nous devons à Philadelphie une lettre de l’Apocalypse

61. — Vue d’Alachehr. D’après une photographie.

relever. Elle porta pendant quelque temps, au i « siècle de l’ère chrétienne, le nom de Néocésarée, qu’on lit sur des monnaies contemporaines des règnes de Tibère, de Caligula et de Claude. Sous Vespasien, elle reçut l’épithète de Flavia. On lui donna aussi, à l’époque de sa plus grande prospérité, le titre de « petite Athènes », à cause du grand nombre de ses temples et de ses fêtes. Cf. J. G. Droysen, Geschichte des Hellenismus, 2e édit., 3 vol., in-8°, Gotha, 1878, t. iii, 2e partie, p. 276. À l’époque byzantine, c’était encore une ville grande et peuplée, qui faisait un commerce considérable. Philadelphie eut la gloire de ne tomber au pouvoir des Turcs qu’en 1390, après huit années de vigoureuse résistance, alors que toutes les autres villes d’Asie Mineure étaient déjà entre leurs mains.

Alachehr (fig. 61), qui a succédé à la cité antique, est à 200 mètres au-dessus du niveau de la mer, et domine une vaste et fertile plaine. De loin, elle a un aspect imposant ; mais elle est mal bâtie et très malpropre, comme la plupart, des villes orientales. Son activité commerciale est encore très importante. La terrasse

III, 7-13, qui ne mourra jamais. Son évêque y reçoit de grands éloges, comme celui de Smyrne, Apoc, ii, 811, et pas un seul reproche. La communauté chrétiennequ’elle abritait était peu considérable encore, Apoc. m, 8, et les Juifs essayaient de la troubler, Apoc, iii, 9 ; mais pasteurs et fidèles résistaient vaillamment à cette « synagogue de Satan ». Notre-Seigneur n’a donc qu’à les louer, à leur promettre une brillante récompense et à leur recommander de conserver avec soin le don précieux qu’ils ont reçu. Apoc, iii, 10-11. Dans l’épître intéressante qu’il leur écrivit quelques années plus tard, saint Ignace d’Antioche met également les chrétiens de Philadelphie en garde contre les juifs. Cf. Funk, Die apostolischen Vàler, in-8°, Tubingue, 1901, p. 98-102. Aujourd’hui encore, l’élément chrétien est de beaucoup prépondérant parmi la population d’Alachehr ; la bénédition du Christ a porté bonheur à cette Église comme à celle de Smyrne.

Nous ne savons pas dans quelles circonstances spéciales le christianisme avait pénétré à Philadelphie.

D’après les Constitut. Apost., vii, 46, t. i, col. 1053, son premier évêque, nommé Démétrius, aurait été institué par saint Pierre lui-même. L’apologiste saint Miltiade, dans Eusèbe, H. E., v, 17, t. xx, col. 473, mentionne une prophétesse, nommée Ammia, qui aurait appartenu à l’Église primitive de Philadelphie. Durant la période byzantine, cette ville était le siège d’un évêché qui dépendait du centre métropolitain de Sardes. — Voir Arundell, Discoveries in Asia Minor, in-8°, t. i, p. 34 ; Curtius, Nachtrag zu den Beitràgen zur Geschichte und Topographie Kleinasiens, dans les Abhandlungen der Berliner Akademie, 1873 ; Ramsay, Historical Geography of Asia Minor, in-8°, Londres, 1890, p. 86 ; Id., Cities and Bishoprics of Phrygia, 2 in*, t. i, p. 196 ; t. ii, p. 353 ; Mot Le Camus, Les sept Églises de l’Apocalypse, in-4°, Paris, 1896, p. 203216. L. Fillion.

    1. PHILARQUE##

PHILARQUE (grec : à çuXâpxis ; Vulgate : Philarches), chef de tribu, chef de troupes comme çuXâp xoç. Cf. £ïpt8ctf>x’"]Ç> I Mach., x, 65. Nos éditions de la Vulgate donnent ce mot comme un nom propre, et beaucoup de commentateurs acceptent cette interprétation, mais la phrase grecque : rèv Se ipuXâpxijv t&v Ttepi TijidŒov, s’entend plus naturellement du « commandant ou chef de ceux qui étaient avec Timothée », c’est-à-dire de ses soldats. II Mach., viii, 32 ; cf. ꝟ. 30. Le texte sacré nous dit que Judas Machabée ayant battu Timothée et Bacchide, les vainqueurs mirent à mort le philarque, « homme très pervers, qui avait fait aux Juifs beaucoup de mal. »

1. PHILÉMON (grec, ^iX^mm), riche chrétien de Colosses à qui saint Paul écrivit une de ses lettres. Le nom qu’il portait était très répandu en Phrygie, comme le témoignent Ovide, Metam., viii, 631 ; Aristophane, Aves, 762, et de nombreuses inscriptions. Wieseler, Chron. des Apost. Zeitalt., 1884, p. 452, a prétendu conclure d’un passage de l’Épître aux Golossiens, iv, 7, que Philémon était originaire de Laodicée, et que la lettre qui lui est adressée était celle que l’Apôtre envoya, par les soins de Tychique, à cette dernière Église, Col. iv, 16. Mais il est plus naturel de supposer que Philémon habitait, comme son esclave Onésime, Col., iv, 9, « l’un d’entre vous, » la ville de Colosses. On y montrait encore sa maison au temps de Théodoret, InEpist. adP hi lem., Procem., t. xxvi, col. 601, et les Constitutions apostoliques, Iv, 46, t. i, col. 1053, en font l’évêque de cette cité. D’après les Menées grecques du 22 novembre, il aurait subi là le martyre en compagnie d’Appia, d’Archippe et d’Onésime. J.-B. Lightfoot, The Apostolic Fathers, lgnatius, Londres, 1884, t. ii, p. 535. Saint Paul n’ayant jamais été à Colosses, il est probable que Philémon et les siens l’avaient connu dans un voyage à Éphèse. Act., xix, 26 ; I Cor., xvi, 19. En tout cas, c’est à l’Apôtre lui-même, qu’il devait sa conversion, ꝟ. 19.

Philémon paraît avoir joui d’une certaine fortune : il a des esclaves ; il reçoit de nombreux amis dans sa maison, ꝟ. 22 ; il est connu par sa libéralité envers les pauvres, ꝟ. 5-7 ; la communauté chrétienne se réunit chez lui, % 2. L’épithète de cruvEpyrfç, que lui donne Paul, % 1, laisse entendre qu’il servait avec zèle la cause de l’Évangile parmi ses compatriotes. C’était une âme généreuse, droite, loyale, toute dévouée à la personne de l’Apôtre, ꝟ. 13, 17, 22. — Les traditions le présentent tantôt comme prêtre, tantôt comme évêque ou comme diacre ; les martyrologes grecs l’appellent simplement « un saint apôtre’». Lightfoot, lgnatius, il, p. 535. Philémon semble avoir été marié : sa femme est sans doute cette Appie qui figure avec lui, dans l’adresse de l’Épître à côté d’Archippe lequel, vraisemblablement, était leur fils. C. Toussaint.

2. PHILÉMON (ÉPITRE A). — Cette lettre se distingue des autres Épitres de l’Apôtre par des caractères tout particuliers. C’est d’abord la plus courte : elle n’a que quelques lignes. Elle semble, de plus, avoir été écrite tout entière de la main de Paul, ꝟ. 19, cas fort rare pour les Épitres de saint Paul. Enfin elle n’est adressée ni à une église, ni à un chef d’église comme les lettres pastorales, mais à une famille, plus exactement encore, à un ami personnel, pour une affaire d’ordre’privé.

I. Contenu de l’Épître. — Malgré son peu d’étendue, ce billet présente les divisions habituelles des grandes épîtres : préambule, corps du sujet, épilogue.— « Préambule, f 17. — Il se compose de l’adresse et de l’action de grâces. L’adresse mentionne en première ligne Philémon, le chef de famille, à qui la lettre est principalement destinée. Elle y ajoute les noms d’Appia sa femme et d’Archippe son fils. Les autres membres de la famille du riche Colossien sont désignés par ces mots « l’église qui se réunit dans ta maison ». L’action de grâces, en louant, d’une façon délicate, la foi et la charité de Philémon, prépare la requête que l’Apôtre va lui présenter, f 1-7.

2° Corps de l’Epître, ꝟ. 8-21. — Saint Paul y sollicite le pardon d’Onésime, avec un art consommé. L’Apôtre n’aborde son sujet qu’avec mille précautions. Il n’énonce pas de suite l’objet de sa demande. Il rappelle d’abord à Philémon quel est celui qui la lui adresse, f 8-9, c’est Paul lui-même. Au besoin, il pourrait commander, il aime mieux, par amour, le supplier et demander, comme service personnel, ce qu’il pourrait exiger comme apôtre. Comment Philémon pourrait-il refuser cette grâce à celui qui passe sa vie au service des gentils, qui endure, en ce moment même, toutes les souffrances de la captivité, et qui est arrivé à l’âge de la vieillesse ? À ces motifs, Paul joint ceux qu’il trouve dans la personne de son client, f 1016. Celui en faveur de qui il intercède est son « fils spirituel », qu’il a enfanté dans sa prison ; c’est cet Onésime qui, jusqu’ici, il est vrai, n’a guère justifié la signification de son nom (Onésime, en grec, signifie « utile » ) mais qui, désormais, en est tellement digne, que Paul l’aurait volontiers gardé auprès de lui pour l’aider dans l’œuvre de l’Évangile et faire pour lui tout ce que Philémon ferait lui-même s’il était.’présent, mais Paul n’a voulu devoir cette précieuse assistance qu’à la bonne volonté de Philémon lui-même. De plus, celui pour qui parle l’Apôtre n’est plus un simple esclave, c’est « un frère » et un frère pour l’éternité, frère aimé de Paul et, à plus forte raison, de Philémon qui l’avait aimé autrefois comme maître, en sorte que si Onésime a été séparé de Philémon pour un temps, c’est afin qu’il le recouvre pour l’éternité, non plus comme un esclave, mais comme un frère bien-aimé. L’Apôtre prononce alors le mot décisif : « Reçois-le, ꝟ. 17-21, comme tu me recevrais moi-même < » Il est vrai qu’Onésime ne s’est pas enfui seulement de chez son maître, mais qu’il lui a causé quelque grave dommage. Mais Paul s’offre pour le réparer. Il s’engage, par écrit, à indemniser Philémon, bien qu’au fond celui-ci soit son débiteur puisqu’il lui doit son salut. Cette idée remplit l’âme de Paul de confiance. Il reproduit sa prière, au ꝟ. 20, sur un ton qui écarte jusqu’à la possibilité d’un refus. Bien plus, au verset suivant, il attend de Philémon quelque chose de mieux encore. Quoi donc ? Le tour de phrase est général et laisse aux interprètes la place à diverses hypothèses. Les uns supposent un bienfait quelconque en plus du bon accueil réservé à Onésime, d’autres (De Wette, Oltramare, Reuss, Godet), l’affranchissement pur et simple.

3° Épilogue, 22-25. — L’Apôtre prie Philémon de lui préparer un logement, car il espère suivre de près Onésime à Colosses. Les autres versets contiennent les

salutations des compagnons de Paul, ce sont les mêmes noms que dans l’Épltre aux Colossiens, à part celui de Jésus Justus qui probablement n’était pas connu de Philémon. Par contre, Êpaphras est mentionné le premier de tous, étant l’ami personnel de Philémon. Il était alors à Rome et partageait l’appartement que le prisonnier Paul avait loué. Col., iv, 10-12.

II. LlEK ET DATE DE LA COMPOSITION DE L’ÉPÎTRE. —

De l’aveu de presque tous les critiques, l’Épltre à Philémon a été rédigée en même temps que les Épîtres aux Colossiens et aux Éphésiens. « . Ces trois lettres, dit Sabatier, forment un groupe distinct dans l’ensemble des Épîtres de la captivité et ne doivent point être séparées. Écrites en même temps, portées en Asie Mineure par les mêmes messagers, elles gardent des traces frappantes de cette parenté d’origine. Philem., 10, et Col., iv, 9 ; Philem., 23, 24, et Col., iv, 10, 12, 14 ; Philem., 2, et Col., iv, 17. Ces Épîtres, en effet, se supposent l’une l’autre. A. Sabatier, L’Apôtre Paul, 3e édit., 1896, p. 233. D’après leur contenu, elles ont été certainement écrites durant une des deux captivités de Paul. Mais est-ce celle de Rome ou celle de Césarêe ? Les exégètes modernes ne sont point d’accord sur ce point. Voir leurs arguments, pour ou contre, à l’article Colossiens (ÉpItre aux), t. ii, col. 867.

III. Authenticité. — On ne trouve pas de traces certaines de l’Épltre à Philémon chez les Pères apostoliques. Br. F. Westcott, Canon of the N. T., 1884, p. 48. Les premières citations formelles de l’Épître à Philémon viennent d’Origène qui l’attribue à Paul et en extrait plusieurs passages. In Jerem., nom. xix, 2 ; Comm. séries in Matth., § 66, 72, t. xiii, col. 501, 1707, 1715. Tertullien, Adv. Marc, v, 11, t. ii, col. 254, remarque que la brièveté de cet écrit l’a mis à l’abri des falsifications de Marcion. D’après saint Épiphane, Hser., xlii, 9, t. xli, col. 708, la lettre à Philémon occupait dans le recueil de Marcion l’avant-dernière place, après les Épîtres aux Colossiens et aux Laodicéens et avant celle aux Philippiens, tandis que, d’après Tertullien, elle venait après celle-ci, comme la dernière. On la trouve mentionnée dans le canon de Muratori, à côté des trois Épîtres pastorales. Voir t. ii, col. 170. Les deux anciennes versions syriaque et latine la contenaient. Saint Jérôme, Comm. in Epist. Philem., Proœm., t. xxvi, col. 601, observe pourtant que plusieurs ne la croyaient pas écrite par saint Paul ou que, si elle était de luj, elle n’était pas inspirée, car elle ne contenait rien pour l’édification : c’était plutôt Une lettre de recommandation qu’une lettre doctrinale. A quoi l’illustre exégète répondait : on trouve, dans toutes les lettres de Paul, des détails se rapportant aux choses de la vie, par exemple, II Tim., iv, 13, où l’Apôtre donne l’ordre de lui rapporter son manteau et ses livres, et d’ailleurs jamais cette lettre n’aurait été reçue par toute l’Église, si l’on n’avait pas cru qu’elle fût de Paul. Saint Chrysostome, In Philem. Prol., t. lxii, col. 702, reproduit à peu près les mêmes raisons contre ceux qui considéraient cette Épître au-dessous de la dignité du grand Apôtre. À partir de ce moment, l’authenticité de notre Épître n’a laissé aucun doute dans les esprits. Elle n’a été mise en question que par Christian Baur qui lui dénia son origine paulinienne, opinion plus ou moins adoptée par "Weizsàcker, Pfleiderer, Steck, von Manen. Pour ces critiques, l’Épltre à Philémon est l’embryon d’un roman chrétien analogue à celui des Récognitions clémentines, destinées à mettre en exemple la telle idée chrétienne que chaque fidèle se retrouve lui-même dans chacun de ses frèresCette hypothèse n’a aucun fondement.

La lettre à Philémon est d’une telle originalité et l’âme de Paul l’a si bien marquée de son empreinte ineffaçable, qu’on ne peut douter de son authenticité. Voir P. Sabatier, L’Apôtre Paul, 3e édit., p. 235, 236 ; Re nan, Saint Paul, 4869, introd., p. xi. Von Soden, dans le Hand-Commentar z-um N. T., t. iii, part, i, Fribourgen-B. , 1893, p. 73, admire, dans cette lettre, un témoignage charmant de la délicatesse et de l’humour de l’Apôtre, et tout à la fois de l’élévation de sentiment et de langage avec laquelle il savait traiter les choses concrètes de la vie. Les objections tirées du vocabulaire de l’Épltre méritent à peine de retenir l’attention. Les sept âiraS AeY<5[<.eva qu’on y signale, âva71 ! [i.71eiv, dtitOTÎveiv, a)y » )crTOç, iitniaæii, ijevt’ot, ôvivaurôoti, itpocrotpe&eiv, n’enlèvent pas l’impression générale que le style de l’Épître ne soit celui de Paul, en particulier celui des autres Épîtres de la captivité. On retrouve, en effet, plusieurs des expressions favorites de Paul : è7ti’-fvw<"î> itappiimoi, 7tapâxX ?)<nc. La belle métaphore 8v èy£vvr|<Toc èv toi ; Ssiriioiç, jt. 10, rappelle I Cor., i, 15, l’adverbe Tà^a, ꝟ. 15, l’Épître aux Romains, v, 7. Il y a, en outre, nombre de coïncidences verbales avec les Épîtres aux Colossiens, aux Éphésiens, aux Philippiens, par exemple, 8é<T|iioç Xpio-coO’Ir|<ToO, ll, 1, 9 ; Eph., ni, 1 ; iruvep-fiSî et (nj<rrpaTiMTr|Ç, v, 1, 2 ; Phil., ii, 25 ; dtvrixov, v, 8 ; Eph., v, 4 ; Col., iii, 18 ; (ruvaixiidcXuTo ; , v, 23 ; Col., iv, 10 ; àStlfoç àYa7niT<îç, v, 16 ; Eph., vi, 21 ; Col., iv, 7.

IV. Mérite littéraire. — Tous les critiques s’accordent à reconnaître, dans l’Épître à Philémon, un vrai petit chef-d’œuvre de l’art épistolaire. Érasme, In Philem. , 20, défie même Cicéron de dépasser l’éloquence de ces quelques lignes. On ne sait ce qu’il faut le plus admirer dans cette page, unique en son genre parmi les écrits de Paul, la finesse, la grâce, la délicatesse de sentiment et de langage, les tournures heureuses, les insinuations habiles, les sous-entendus pleins de tact et d’à-propos. Cette Épître nous révèle la souplesse du génie de Paul. « Ce ne sont, dit Sabatier, que quelques lignes familières, mais si pleines de grâce, de sel, d’affection sérieuse et confiante, que cette courte Épître brille, comme une perle de la plus exquise finesse, dans le riche trésor du Nouveau Testament. Jamais n’a mieux été réalisé le précepte que Paul lui-même donnait à la fin de sa lettre aux Colossiens : « Que votre « parole sorte toujours revêtue de grâce, assaisonnée de « sel, de manière à savoir comment vous devez répondre « à chacun. Col., iv, 6. » L’Apôtre Paul, 3e édit., p. 234, 236. La conservation de cette Épître est due sans doute au respect, à l’affection, au culte de la famille de Philémon pour tout ce qui émanait de J’Apôtre Paul.

V. La question de l’esclavage. — On a parfois reproché à Paul d’avoir renvoyé Onésime à son maître au lieu de prendre occasion de cet incident pour proclamer, au nom de l’Évangile, l’émancipation des esclaves. Il faut, au contraire, louer l’Apôtre de ne s’être point posé en Spartacus imprudent et d’avoir traité avec une si grande sagesse un point de doctrine si grave et si délicat. On doit lui savoir gré d’avoir tracé la ligne de conduite que le christianisme devait prendre à l’égard d’une institution qui tenait, par tant de liens intimes, à la vie politique, sociale, économique, des sociétés anciennes. En renvoyant l’esclave à son maître, Paul reconnaît, respecte l’institution existante mais il ne lui donne pas, comme on l’a prétendu, une sorte de consécration qui la rende intangible. Il pose, au contraire, les principes qui doivent, dans un avenir plus ou moins rapprochera faire disparaître du monde civilisé. Par le fait qu’il fait de l’esclave chrétien le frère de son maître et qu’il efface dans le Christ toutes les différences sociales, il ruine, par la base, cette oppression de l’homme par l’homme. Voir Onésime, t. iv, col. 1812.

VI. Bibliographie. — J.-B. Lightfoot, S. Paul’s Epistles to the Colossians and to Philémon, in-8°, Londres, 1892 ; H. K. von Soden, Die Briefe an die Kolosser, Epheser, Philémon, Fribourg, 1893, p. 73 ; Meyer, Comment, ùber die Briefe an die Kolos. und

Phil., t. viii, ix ; H. Oltramare, Comment.^ sur les Ëpîtres de saint Paul axix Colossiens, aux Éphésiens et à Philémon, ia-8°, Paris, 1891 ; Vincent, dans Intem. Critic. Commentary, Epist. io the Philip, and to Philémon, p. 157, Edimbourg, 1897 ; Holtzmann, Der Brief an Philémon, kritisch untersucht dans Zeitschrift fur wissenschaftliche Théologie, 1873, p. 428-441. C. Toussaint.

    1. PHILÈTE##

PHILÈTE (grec : ^iX^toç, « aimé » ), chrétien" infidèle à sa foi qui partagea l’hérésie d’Hyménée, en disant que la résurrection était déjà accomplie. II Tim., ii, 17-18. Voir Hyménée, t. iii, col. 391. On ne sait rien autre chose de certain sur sa vie. Ce qu’on lit dans le Pseudo-Abdias, Apostolicx historiée, iv, 2-3, dans J. A. Fabricius, Codex apocrypJius Novi Testamenli, 1719, t. ii, p. 517-520, sur ses rapports avec l’apôtre saint Jacques, fils de Zébédée, est fabuleux. On trouve séparément les noms d’Hyménée et de Philète parmi ceux de la maison de César dont les cendres avaient été déposées dans des Columbaria de Rome. Voir J. G. Walch, De Hymenseo et Philelo, dans ses Miscellanea sacra, Amsterdam, 1744, p. 81-121 ; J. Ellicott, The Pastoral Epistles of St. Paul, 4e édit., Londres, 1860, p. 133-134.

    1. PHILIPPE##

PHILIPPE (grec : « SD.nraoç, « ami des chevaux » ), nom de deux rois de Macédoine, d’un oncle d’Antiochus Épiphane, de deux Hérodes, d’un apôtre et d’un diacre.

1. PHILIPPE II, fils d’Amyntas (fig. 62) roi de Macédoine (350-336 avant J.-C), et père d’Alexandre le Grand.

62. — Monnaie de Philippe II, roi de Macédoine.

Tète de Jupiter laurée, à droite. — i^. *IAinnor. Cavalier

marchant à droite et portant une palme.

C’est seulement en cette dernière qualité qu’il est nommé I Mach., i, 1 ; VI, 2.

2. PHILIPPE V, roi de Macédoine (220-179 avant J.-C.) (fig. 63). Il était fils de Démétrius II, et lui ; succéda sur le trône. Voulant agrandir son royaume, il entra en conflit avec les Romains pendant qu’ils étaient en guerre avec Carthage et profita de la cir 63. — Statère de Philippe V, roi de Macédoine.

Tête de Philippe V, diadémée, à droite. — tf. BASlAEQ[r] MAinnOï. Hercule debout, à gauche, portant sa massue et une corne d’abondance.

constance pour consolider son pouvoir. Mais lorsque la victoire de Zama-eut permis aux Romains de l’attaquer à. leur gré, en 200, il ne put leur résister longtemps, malgré sa bravoure. Il lutta contre eux ""jusqu’en 198, où l’arrivée de T. Q. Flaminius lui fut filiale. Celui-ci le battit en 197 à Cynoscéphale en

Thessalie et lui imposa uue paix humiliante. Philippe termina sa vie en vains efforts pour regagner une partie de sa puissance perdue. Le premier livre des Machabées, viii, 5, rappelle la défaite de Philippe V et celle de Persée comme une preuve de la grande force des Romains.

3. PHILIPPE, « Phrygien d’origine, » et par caractère plus cruel qu' Antiochus IV Épiphane lui-même qui l’avait nommé gouverneur de Jérusalem, 170 avant J.-C. II Mach., v, 22. Il fit brûler dans les cavernes des environs de Jérusalem les Juifs qui s’y étaient réfugiés pour célébrer le sabbat et qui ne se défendirent point pour respecter le repos de ce jour. II Mach., vi, 11. Plus tard, effrayé de la résistance et des progrès de Judas Machabée qui avait battu Apollonius et Séron, généraux d’Antiochus, Philippe demanda des secours contre lui à Ptolémée, gouverneur syrien de la Cœlésyrie et de la Phénicie, qui lui envoya Nicanor, fils de

Patrocle et Gorgias. Voir Nicanor, t. iv, col. 1613, et Gorgias, t. iii, col. 277. II Mach., viii, 8-9.

Philippe était frère de lait, (rjvTpotpoi ; , collactaneus, d’Antiochus IV Épiphane. II Mach., ix, 29. Le premier livre des Machabées, vi> 14, l’appelle s un des amis » du roi. Sur ce titre, voir Ami 2, 7°, t. i, col. 480. Quand Antiochus IV entreprit sa campagne en Perse, il voulut emmener son familier avec lui. Là, sentant sa fin approcher, il le chargea de la régence et lui remit son diadème, ses insignes royaux et son anneau, afin qu’il les transmît à son fils, Antiochus, encore mineur (163 avant J.-C). I Mach., vi, 14-15. Mais à la nouvelle de la mort d'Épiphane, Lysias qui était en Syrie s’empara du pouvoir au nom du jeune Antiochus qui n'était qu’un enfant et dont il était le tuteur (voir Antiochus V, t. i, col. 700) et lui donna le nom d’Eupator. IMach., vi, 17. Philippe, qui ne se sentait pas le plus fort, n’osa pas revenir aussitôt à Antioche. Il se rendit en Egypte, emportant avec lui le corps d’Antiochus IV, auprès de Ptolémée Philométor, afin de lui demander appui contre Lysias. II Mach., IX, 29. Il réussit sans doute dans ses démarches et pendant que Lysias faisait la guerre en Judée contre Judas Machabée, Philippe, avec l’aide des troupes syriennes qui étaient revenues de Perse "et de Médie, occupa Antioche. I Mach., vi, 56 ; II Mach., xiii, 23. Lysias, informé de cet événement, s’empressa de faire la paix avec les Juifs (voir Lysias 1, t. iv, col. 458) et de retourner avec son armée en Syrie" ; il reprit Antioche,

I Mach., vi, 63, et d’après Josèphe, Ant. jud., XII, IX, 7, s’empara de la personne de Philippe et le fit mettre à mort. — Un certain nombre d’historiens distinguent le frère de lait d’Antiochus Épiphane de Philippe le Phrygien, mais plus communément on admet que c’est un seul et même personnage. Quelques critiques veulent révoquer en doute le voyage de Philippe en Egypte,

II Mach., ix, 29, parce qu’il n’est pas mentionné I Mach., vi, 56. La prétérition de I Mach., vi, 56, ne prouve nullement que le voyage n’ait pas eu lieu. — Tite Live, xxxvii, 41, mentionne un Philippe qui avait le commandement des éléphants dans l’armée syrienne à la bataille de Magnésie (190 avant J.-C), mais rien n’autorise à l’identifier avec celui dont parient les livres des Machabées.

4. PHILIPPE I er HÉRODE, premier mari d’Hérodiade et père de Salomé. Les Évangélistes ne le désignent que sous le nom de Philippe. Matth., xiv, 3 ; Marc, vi, 17 ; Luc, iii, 19. Voir Hérode 4, t. iii, col. 619.

5. PHILIPPE il HÉRODE, tétrarque de Trachonitide et d’Iturée. Luc, iii, 1. Il rebâtit l’ancienne Panéas, qui prit de lui son nom de Césarée de Philippe. Matth., xvi, 13 ; Marc, viii, 27. Voir Hérode 5, t. iii, col. 649-650.

6. PHILIPPE (saint), un des douze Apôtres (fig.61).

I. Saint Philippe d’après les Évangiles. — Il était originaire de Bethsaïde en Galilée, comme Simon Pierre et André, Joa., i, 44 ; xii, 21. Cette communauté d’origine explique comment il était particulièrement lié avec saint André. Joa., xii, 22 ; vi, 5-8. C’était aussi un ami de Nathanaël ou Barthélémy. Joa., i, 45-46. Saint Philippe est nommé le cinquième dans toutes les listes des Apôtres et les trois Évangélistes nomment immédiatement après lui son ami Barthélémy. Matth., x, 3 ; Marc, iii, 18 ; Luc., vi, 14 ; cf. Açt., i, 13. Cet apôtre est donc placé immédiatement après les deux frères Pierre et André et les deux fils de Zébédée, et ce rang lui revient historiquement, parce qu’il fut un des premiers disciples du Sauveur. Lorsque saint Jean-Baptiste eut

64. — L’apôtre saint Philippe. Type traditionnel. D’après Albert Durer.

révélé à André, qui était son disciple, ce qu’était Jésus, André s’empressa de communiquer la grande nouvelle à son frère Simon et il l’annonça aussi sans doute à son ami Philippe qui était probablement comme lui disciple de Jean-Baptiste. Ces faits se passaient à Béthanie au delà du Jourdain. Joa., i, 28. Le lendemain Jésus, ayant rencontré Philippe, lui dit : « Suis-moi, » Joa., i, 43, et l’heureux élu se mit aussitôt à sa suite, ayant été appelé directement le premier de tous les Apôtres. Il ne tarda pas à faire part de son bonheur à son ami Nathanaël et l’amena à son nouveau Maître. Joa., i, 45, 48. La manière dont Philippe parle à Nathanaël du « prophète » qu’avait prédit Moïse et qu’il venait de rencontrer semble indiquer que la venue du Messie avait été déjà auparavant un sujet d’entretien entre les deux amis. Comme Nathanaël était de Cana, Joa., xxt, 2, on est porté à croire que c’est à son arrivée dans cette ville que Philippe rencontra Nathanaël. Cf. Joa., ii, 1. Celui-ci ne put croire d’abord que quelque chose de bon pût venir de Nazareth : « Viens et vois, » lui dit Philippe, et son ami fut bientôt convaincu. Joa., i, 4649. Philippe avait d’ailleurs mal renseigné, son ami, n’étant pas encore bien instruit lui-même, eu lui parlant de Jésus comme fils de Joseph et originaire de Nazareth. Joa., i, 45.

Les trois synoptiques se contentent de nommer Phi lippe dans leur catalogue des Apôtres, mais saint Jean, né comme lui sur les bords du lac de Tibériade, nous fournit sur sa personne, outre le récit de sa vocation, quelques renseignements particuliers propres à intéresser ses lecteursjl’Asie Mineure. Philippe assista aux noces de Cana, car il doit être compris parmi « les disciples » qui y avaient été invités avec Jésus. Joa., ii, 2. Clément d’Alexandrie, dans ses Stromates, iii, 4, t. viii, col. 1129, £le nomme [comme étant le disciple à qui Jésus aurait dit : « Laisse les morts ensevelir leurs morls », Matth., viii, 22, quand ce disciple, que l’Évangéliste ne désigne pas par son nom, lui aurait demandé d’aller ensevelir son père. Le Maître aurait voulu le former ainsi au détachement nécessaire à un apôtre, mais nous ignorons sur quel fondement Clément d’Alexandrie appuie son identification.

Ce qui est certain, c’est que Notre-Seigneur voulut lui inspirer pleine confiance en lui, lors du miracle de la multiplication des pains. À la vue de la foule qui l’entourait, Jésus lui demanda ; « Ou achèterons-nouc du pain, pour que ce monde puisse manger ? » Jésus, ajoute l’Évangéliste, « disait cela pour l’éprouver, car il savait ce qu’il allait faire. » Philippe s’attendait si peu à un miracle, qu’il lui répondit : « Deux cents deniers de pain ne suffiraient pas pour que chacun en eût un morceau. » Joa., VI, 5-7. Saint Jean Chrysostome conclut de là que Philippe avait particulièrement besoin des instructions du Sauveur. Hom. xlii, 1, in Joa., t. lix, col. 239. Tentât /idem Philippi, consilium petere minime indigens, dit J. Corluy, Comment, in Ev. Joannis, 2e édit, Grand, 1880, p. 135. Des commentateurs modernes ont supposé, en se plaçant à un point de vue plus positif, que si Philippe avait été interrogé directement, c’est parce qu’il était chargé des provisions et que s’il avait parlé de deux cents deniers, c’est parce que c’était la somme qui était alors dans la possession des Apôtres. Cl, Fillion, Évangile selon saint Jean, 1887, p. 118.

Saint Jean nous a conservé dans son Évangile deux autres épisodes où l’apôtre Philippe joua un rôle. Parmi les pèlerins qui s’étaient rendus à Jérusalem à l’occasion de la fête de Pâques, il y avait des prosélytes grecs qui désiraient voir Jésus. Attirés peut-être par le nom grec de Philippe ou hien le connaissant auparavant, ils s’adressèrent à lui afin qu’il les présentât au Maître. Philippe semble n’avoir pas osé le faire lui seul. Il appela son ami André qui était moins timide et les deux ensemble prévinrent Notre-Seigneur qui adressa à la foule un discours, confirmé par une voix du ciel. Joa., xii, 20-30. — Une autre fois, et c’est la quatrième où saint Jean parle nommément de saint Philippe, dans le discours après la Cène, Jésus dit à ses Apôtres qu’ils avaient vu son Père. Philippe ne comprit pas ce que le Maître entendait par là, qu’ils avaient vu le Père dans le Fils qui est un avec lui, et attachant à ces paroles un sens matériel, il répondit à Jésus dans l’espoir de voir quelque théophanie comme les patriarches. ce Seigneur, montrez-nous le Père et cela nous suffit. » « Il y a longtemps que je suis avec vous, et tu ne m’as pas connu ? » répliqua le Sauveur (d’après le texte grec). « Philippe, celui qui m’a vu a vu aussi le Père. Comment peux-tu dire : Montrez-nous le Père. Ne crois-tu pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi ? » Joa., xiv, 7-10. La demande faite par Philippe avec la simplicité de son caractère fournit ainsi à Jésus-Christ l’occasion de donner à ses Apôtres sur son union avec son Père céleste une leçon profonde qui resta profondément gravée dans la mémoire de saint Jean.

Philippe étant natif de Bethsaïde et, lié comme il l’était avec les fils de Zébedée et Nathanaël, dut être l’un des deux disciples anonymes, Joa., xxi, 2, à qui Jésus ressuscité apparut sur les bords de la mer de Galilée ; . ce n’est toutefois qu’une hypothèse. — Cet apôtre n’est 269

    1. PHILIPPE##

PHILIPPE (SAINT) L’ÉVANGÉLISTE

270

nommé qu’une autre fois dans le Nouveau Testament, avec les dix autres qui étaient rassemblés dans le Cénacle, après l’Ascension, Act., i, 13, et il reçut avec eux le Saint-Esprit le jour dé la Pentecôte. Act., ir, 1-3.

II. Saint Philippe d’après la tradition. — À partir de ce moment nous ne savons plus rien sur cet apôtre que par les témoignages de la tradition qui ne sont pas en tout concordants. Les plus anciens écrivains ecclésiastiques ne l’ont pas toujours distingué exactement de l’Evangéliste Philippe, un des sept diacres. Voir Philippe 7. Eusèbe lui-même, H. E., iii, 31, t. xxi, col., 281, les confond ensemble.

Ce qui se dégage avec le plus de certitude des traditions anciennes, c’est que saint Philippe évangélisa la Phrygie. D’après le Bréviaire romain et plusieurs martyrologes, il avait évangélisé d’abord la Scythie et la Lydie. Tous les monuments sont d’accord pour lui faire passer les dernières années de sa vie à Hiérapolis en Phrygie, Polycrate, évêque d’Éphèse dans la dernière partie du IIe siècle, qui avait tous les moyens d’être bien informé, dit dans sa lettre au pape Victor dont un fragment nous a été conservé par Eusèbe, H. E., iii, 31, t. xx. col. 280 : « …Philippe, qui fut’un des douze Apôtres, et mourut à Hiérapolis, ainsi que deux de ses filles qui avaient vieilli dans la virginité. Son autre fille… fut enterrée àtphèse. » Cf. Théodoret de Cyr, InPs. cxvi, i, t. lxxx, col. 1808 ; Nicéphore, H. E., ii, 44, t. cxlv, col. 880 ; dans les œuvres de S. Jérôme, De vitis apost., t. xxiii, col. 721. D’après tous ces auteurs à rencontre de Cai’us, voir Philippe 6, l’apôtre saint Philippe fut marié et eut trois filles, dont deux restèrent vierges et dont la troisième mourut à Éphèsé où elle était probablement mariée. Papias, qui fut évêque d’Hiérapolis, connut les filles de l’apôtre et apprit d’elles, au rapport d’Eusèbe, qu’un mort avait été ressuscité de son temps, par leur père sans doute. Eusèbe, H. E., iii, 39, t. xx, col. 297 ; Nicéphore, H. E., iii, 2, t. cxlv, col. 937. Cf. Clément d’Alexandrie, Strom., iii, 6, t. viii, col. 1156. L’antique nécropole d’Hiérapolis, dont les nombreux tombeaux ont été conservés par les eaux pétrifiantes de la ville, au milieu desquelles ils sont incrustés, contient une inscription où il est fait allusion à une église dédiée à saint Philippe, en souvenir de son apostolat : toC eùSôfjou’AitomiXou ti’i ^€oyoj « PtXmrou. W. M. Ramsay, The Cities und Bishoprics of Phrygia, Londres, 1895-1897, p. 552. Les restes de l’Église qu’on voit encore à Hiérapolis, au nord à l’entrée de la grande nécropole, près des anciens tombeaux, sont peut-être ceux de l’Eglise qui avait été consacrée à la mémoire du saint apôtre. Voir E. Le Camus, Voyage aux sept Églises de l’Apocalypse, in-4°, Paris, 1896, p. 189-190. Cf., dans le Dictionnaire, le plan d’Hiérapolis, fig. 147, t. iii, col. 705.

La mort de saint Philippe est racontée de façons très diverses. Clément d’Alexandrie, Strom., iv, 9, t. viii, col. 1281, dit faussement que les apôtres Matthieu, Philippe et Thomas moururent de mort naturelle. Le Pseudo-Hippolyte, De duodecim Apostolis, t. x, col. 952, et la plupart des documents anciens disent que saint Philippe fut martyrisé sousDomitien à Hiérapolis, et qu’il fut crucifié la tête en bas. Il devait avoir environ 87 ans. Voir Acta sanctorum, maii t. i, p. 10. Sa sœur Marianne et ses deux filles qui étaient avec lui à Hiérapolis furent enterrées plus tard à côté de lui, d’après les Ménologes grecs. Dans un sermon attribué à saint Jean Chrysostome, Hom. de XII Apost., t. lis, col. 495, on lit que « Philippe conserve Hiérapolis par ses miracles ». Les reliques du saint ont été depuis transportées à Rome dans l’église des Saints-Apôtres, où elles sont placées avec celles de saint Jacques le Mineur, " fils d’Alphée, sous le grand autel. L’Église latine célèbre la fête de ces deux Apôtres le 1 er mai. — Il existe des Actes apocryphes de saint Philippe qui ne

contiennent guère que des fables. Voir Actes apocryphes des apôtres, vii, Acta S. Philippi, 1. 1, p. 164. Sur un prétendu Évangile de saint Philippe, voir Évangiles apocryphes, ii, 50, t. iii, col. 2117.

F. Vigouroux.

7. PHILIPPE (SAINT) L’EVANGÉLISTE (grec : $0urcito ; ô EîJavve).i<irTi « ), un des sept premiers diacres. Il est nommé pour la première fois dans les Actes, vi, 5, le second des sept diacres que les Apôtres chargèrent de s’occuper des veuves des juifs hellénistes convertis à la foi. Il est distingué de l’apôtre du même nom, dans le livre des Actes, xxi, 8, par le titre d’évangéliste. Voir Évangéliste, t. ii, col. 2057. Ce fut, après saint Etienne, celui des sept diacres qui joua le rôle le plus important. Il annonça le premier l’Évangile aux Samaritains et baptisa le premier Gentil.

La persécution qui suivit la lapidation de saint Etienne l’obligea à quitter Jérusalem. Act., vii, 1. Il se rendit à la ville de Samarie, y prêcha Jésus-Christ et y opéra de nombreux miracles. Il fit de nombreuses conversions et conféra le baptême à beaucoup de Samaritains, hommes et femmes, et aussi à Simon le Magicien. Les Apôtres, ayant appris à Jérusalem qne Samarie avait reçu la parole de Dieu, Pierre et Jean s’empressèrent d’aller administrer aux nouveaux fidèles le sacrement de confirmation. Simon le Magicien toutefois se montra indigne de la grâce en offrant à saint Pierre d’acheter pour de l’argent le pouvoir de conférer le Saint-Esprit. Act., vm. 5-24.

2° Un ange du Seigneur commanda alors au diacre Philippe de se diriger vers le midi de la Judée, sur la route de Jérusalem à Gaza. Là, il rencontra l’eunuque de Candace, reine d’Ethiopie. Voir Candace, t. ii, col. 131. Tous les détails de la rencontre sont donnés par les Actes, viii, 26-29. Saint Luc avait pu les apprendre de la bouche même du diacre évangéliste, pendant le séjour qu’il fit plus tard dans sa maison avec saint Paul à Césarée, et il les dépeint au vif. L’Éthiopien, assis sur son char, lisait le chapitre lui d’Isaïe, mais il ne le comprenait pas. Philippe l’accoste, monte avec lui sur le char, lui explique le sens messianique de la prophétie, l’évangélise, et arrivé auprès d’une fontaine, sur la demande du néophyte, lui confère le baptême. Une tradition identifie cette fontaine avec celle A’él-Haniéh, entre Aïn Karîm et Bethléhem ; et on l’appelle la Fontaine de saint Philippe. Liévin, Guide Indicateur de la Terre Sainte, 4e édit., 1897, t. ii, p. 29-30. Cf. V. Guérin, Judée, t. i, p. 109. « . La tradition qui rattache à l’Aïn-el-Haniéh les souvenirs (de saint Philippe) est, je l’avoue, dit V. Guérin, Judée, t. iii, p. 293-294, depuis longtemps consacrée, en quelque sorte, par les témoignages presque unanimes de tous les pèlerins qui l’ont visitée… Mais cette tradition, qui ne paraît pas remonter à une époque antérieure à celle des Croisades, doit évidemment céder le pas, pour tout esprit impartial, à la tradition primitive, telle qu’elle est consignée dans le Pèlerin de Bordeaux, dans Eusèbe et dans saint Jérôme (qui placent la fontaine de saint Philippe à l’Ai » ed-Dirouéh) au-dessous de Bethsur, Onomast., édit., Larsow et Parthey, 1862, p. 104, 105, (et qui sont)… les plus sérieuses autorités que l’on puisse consulter en pareille matière… En outre, les circonstances elles-mêmes du récit des Actes des Apôtres relativement à ce baptême semblent s’opposer matériellement à l’hypothèse qui.place à l’Aïn el-Haniéh le lieu de cet événement. Le texte sacré nous dit que l’eunuque de la reine d’Ethiopie étaitsur un char… Or la route qui passe près de l’Aïn elHaniéh ne parait pas avoir été jamais carrossable. Au contraire, la route à côté de laquelle coule l’Ain ed-Dirrouéh conserve encore çà et là, les traces d’un ancien passage. » Saint Jérôme, dans l’Épitaphe de sainte Paule, t. xxii, col. 886, dit qu’elle visita la fontaine sur la fc vieille 271

    1. PHILIPPE##

PHILIPPE (SAINT) L’ÉVANGÉLISTE — PHILIPPES

272

route » qui mène à Gaza. « L’épifhète de vêtus, vieille, donnée par saint Jérôme à la route conduisant à Gaza par Hébron explique très bien, ditV. Guérin, p. 293, 1e sens que l’on doit donner à celle de déserta, déserte, employée dans les Actes’pour désigner la même voie. Il ne faut pas prendre ce dernier mot à la lettre et croire que cette route était réellement déserte, puisqu’elle traversait des villes et des villages ; elle était seulement abandonnée alors par la plupart de ceux qui se rendaient à Gaza, lesquels en prenaient une autre plus occidentale, comme le font encore les caravanes d’aujourd’hui. »

La fontaine d’Ain ed-Dirrouéh est sur le bord de la route actuelle de Jérusalem à Hébron, au bas de la colline sur laquelle sont les restes de l’antique Bethsur. L’eau de la fontaine s’écoule à un mètre environ au-dessus de la chaussée, à l’est, par un bloc de marbre rouge cannelé, dans un réservoir fait en partie de sarcophages. Le filet d’eau est assez abondant. Les femmes des environs vont y puiser de l’eau dans des outres et laver leur linge dans le réservoir. Les ruines d’une vieille église bâtie au-dessus de la source conservent le souvenir du baptême de l’eunuque éthiopien. L’eau est absorbée sur place dans la terre comme l’observe saint Jérôme. Onomast., p. 105 (Notes prises sur les lieux en mars 1888). Après que l’eunuque eut été baptisé, le nouveau converti et l’apôtre se séparèrent. Les fonctions que l’Éthiopien remplissait à la cour de la reine Candace font croire qu’il était réellement eunuque. Le langage des Actes ne permet pas de supposer que c’était un juif né en Ethiopie ; il devait être un prosélyte de la porte, Is., li, 4-5, son état l’empêchant d’être un prosélyte de justice. Deut., xx.ui, 1. Ce fut, comme le remarque Eusèbe, H. E., ii, 1, t. xx, col., 137, itpwro ? è ? êOvôv, « le premier des gentils converti » et à ce titre l’acte de saint Philippe est particulièrement mémorable. Il remplit bien en cette circonstance ses fonctions d’évangéliste. En conférant le baptême à un descendant de Cham, à un homme de cette race méprisée, à un eunuque et à un Éthiopien, cf. Amos, ix, 7, il montrait que Jésus-Christ était le Sauveur de tous les hommes et qu’il n’excluait personne de son royaume. Cet événement accompli sans témoins, et en faveur d’un prosélyte qui quitta aussitôt la Palestine, eut moins d’éclat que plus tard la conversion du centurion Corneille, mais elle en était comme le prélude. De retour en Ethiopie, le néophyte, d’après la tradition, y prêcha l’Évangile et convertit la reine elle-même. Eusèbe, H. E., ii, 2, t. xx, col. 137 ; S. Jérôme, In. Is., lui, t. xxiv, col. 509 ; Nicéphore, H. E., i, 6, t. cxlv, col. 769. Quant à Philippe, « l’Esprit du Seigneur le ravit à la vue de l’eunuque, » Act., viii, 39, et il prêcha l’Évangile à Azot, dans les villes philislines et sur toute sa route jusqu’à Césarée, ꝟ. 40, où habitait probablement sa famille.

3° Saint Philippe reçoit, saint Paul à Césarée. — Nous ne retrouvons le diacre Philippe que plusieurs années plus tard, et c’est la dernière fois qu’il est nommé dans les Actes, xxi, 8. Saint Paul venant de Ptolémaïde et allant à Jérusalem, à la fin de sa troisième mission, reçut chez lui l’hospitalité comme chez une ancienne connaissance. L’apôtre des gentils devait s’entendre pleinement avec celui qui avait baptisé le premier gentil.. Il demeura plusieurs jours à Césarée avec ses compagnons.dans la maison du diacre Philippe et c’est là que le prophète Agabus annonça à saint Paul sa prochaine captivité. Saint Luc nous apprend, Act., xxi, 9, que leur hôte avait quatre filles « qui prophétisaient », et qui instruisaient sans doute ceux qui voulaient se convertir au christianisme, aidant leur père dans son œuvre d’évangéliste. C’est la mention de ces quatre filles qui a amené la confusion des traditions relatives à Philippe l’apôtre et à Philippe l’évangé liste. Les témoignages anciens qui attribuent trois filles à l’apôtre et le font évêque d’Hiérapolis, ont été rapportés plus haut. Voir Philippe 6, col. 269. Un passage de Caïus, cité par Eusèbe, H. E., iii, 31, t. xx, col. 281, attribue au diacre Philippe ce qui regarde en réalité l’Apôtre du même nom. Cet écrivain ecclésiastique était contemporain du pape Zéphyrin (202-219). Eusèbe, H. E., ii, 25, col. 208. D’après l’Histoire littéraire de la France, t. i, 1, p. 356, il était originaire de la Gaule. Il eut à Rome’une discussion publique avec le montaniste Proclus. qu’il publia plus tard sous le titre de AiâXoyoç T.pbz Hç>6xov ; c’est dans ce dialogue que nous lisons : « Après cela les quatre filles de Philippe furent prophétesses à Hiérapolis en Asie, où l’on voit leur tombeau et celui de leur père Philippe. » Ce nombre de quatre et le titre de prophétesses montrent qu’il faut entendre par là Philippe l’Évangéliste. Act., xxi, 8. Caïus est la seule autorité ancienne qu’on puisse citer en faveur de cette opinion, qui compte encore aujourd’hui des défenseurs. Cependant la plupart des critiques reconnaissent que le témoignage de Caïus n’a pas la valeur de celui de Polycrate qui écrivait avant lui et vivait non loin d’Hiérapolis. Voir J.-B. Lightfoot, St. Paul’s Epistles to the Colossians and to Philemon, Londres, 1875, p. 45.

Un Ménologe grec, dans Lipsius, Die apokryphen Apostelgeschichten, 1889-1890, t. iii, p. 3, appelle les quatre filles de saint Philippe Hermione, Charitine, Irais et Eutychiane. D’après les traditions les plus anciennes, leur père devint évêque de Tralles et il y mourut de mort naturelle. Acta Sanctorum, junii 1. 1, p. 609-Des martyrologes plus récents le font mourir à Césarée. Du temps de saint Jérôme, on montrait encore dans cette dernière ville, la maison où le diacre Philippe avait reçu saint Paul et les chambres de ses quatre filles. Le saint docteur raconte que sainte Paule y fit un pèlerinage. Epist. cviii, 8, t. xxii, col. 82. L’Église célèbre la fête de l’évangéliste saint Philippe le 6 juin.

F. Vigouroux.

    1. PHILIPPES##

PHILIPPES (grec : $fXnra : )i ; Vulgate, Philippi), ville très ancienne et citadelle très forte de la Macédoine (fig. 65). Elle était située entre les monts Hémus

65. — Monnaie de Philippes.

TICLAUDIUS CAESAR. AUG. PM. TRP. IMP. Tète de l’empereur Claude, à gauche. — ^. COL AUG IUL PHILIP. Entre deux cippes, statues de Jules César et d’Auguste, placées sur un piédestal sur lequel on Ht DIVUS AUG.

et Pangée, à l’est du fleuve Strymon, prés de la frontière de Thrace et de la rivière Gangès ou Gangitès, sur une colline élevée (fig. 66). Cf. Appien, De bellis civ., iv, 106. Elle dominait une vaste plaine, d’une grande fertilité, mais dont quelques parties sont marécageuses. Elle n’était séparée de la mer Egée que par environ trois heures de marche, et avait pour port la petite ville de Néapolis Datémon, aujourd’hui Cavalla. Voir Néapolis, t. iv, col. 1542. Ce fut d’abord une colonie fondée par les habitants de l’île de Thasos, située non loin de là. Elle porta en premier lieu le nom de Krenid.es, ou « Fontaines », à cause des sources très abondantes qui l’arrosent. En 356 avant J.-C, elle fut conquise par Philippe II de Macédoine, père d’Alexandre 273

PHILIPPES

-274

le Grand, qui l’agrandit considérablement, la fortifia et lui donna son propre nom. Sa situation stratégique était fort importante, car elle commandait tout à la fois les routes de Grèce et de Thrace. De plus, on avait découvert des gisements très riches d’or et d’argent dans la montagne voisine, le Pangëe, et ces deux motifs réunis avaient excité la convoitise du roi Philippe. La recherche de l’or fut la grande affaire de toute la région pendant plusieurs siècles, et la ville en obtint un redoublement de prospérité.

Dès l’année 168 avant J.-C, elle tomba sous la domination de Rome. C’est dans sa vaste plaine qu’en 42 avant notre ère Octave et Antoine, héritiers d’e César,

l’année 53. Appelé en Macédoine par une vision surnaturelle, Act., xvi, 9, l’apôtre des gentils traversa la mer Egée, et vint en droite ligne à Philippes, avec Silas, Timothée et saint Luc. Durant un séjour rapide, il réussit à fonder une chrétienté vaillante et généreuse, malgré l’opposition des Juifs et des autorités romaines. Voir Paul (Saint), t. iv, col. 2209. C’était la première fois que Paul annonçait l’évangile en Europe. La persécution qui éclata après son départ contre les néophytes ne fit qu’exciter davantage leur zèle. I Thess., Il, 2. Saint Paul fit à Philippes une seconde visite plus prolongée, pendant son troisième voyage, vers l’année 58, après avoir quitté Éphèse. Act., xx, 1-2. Cette fois, la

66. — Vue de la plaine de Philippes. D’après une photographie de M. H. Cambournac.

remportèrent une victoire décisive sur Brutus et Cassius, les derniers défenseurs de la république. Devenu empereur, Octave établit à Philippes une colonie de vétérans, et lui donna le nom de Colonia Augusta Julia Philippensium. Cf. Pline, H. N., iv, 18 ; Act., xvi, 12. Ce fut un quatrième élément apporté à la population, qui se composait déjà de Macédoniens, de Grecs et de Thraces. Après la bataille d’Actium, 31 avant J.-’C, d’autres vétérans furent envoyés à Philippes. Cf. Dion Cassius, LI, iv, 6. Il n’est donc pas étonnant qu’on ait trouvé sur l’emplacement de la ville de nombreuses monnaies et inscriptions latines (fig. 66). Philippe reçut alors le « jus italicum », qui accordait à ses habitants des droits et des privilèges presque égaux à ceux des citoyens de Rome. Voir Marquardt, Rômische Staatsverwaltung, 2 in-8°, Leipzig, t. i, 1873, p. 187. Les débuts du christianisme à Philippes sont racontés tout au long, dans les termes les plus dramatiques, au" livre des Actes, xvi, 12-40. Rien de plus modeste, et aussi rien de plus touchant. C’était pendant le second voyage apostolique de saint Paul, vers

ville n’est pas mentionnée nommément par l’historien sacré ; mais le texte suppose de la façon la plus évidente que Paul vit alors toutes les chrétientés de Macédoine. Il y revint encore une troisième fois, de Corinthe, pendant ce même voyage, Act., xx, 3-6, vers la Pâque de l’année 59. De Rome, à la fin de sa première captivité, il écrivit aux Philippiens une de ses lettres les plus intimes, voir Philippiens (ÉpIthe aux), qui montre à quel degré il leur était attaché et combien il était payé de retour. Cf. Phil., i, 1 ; ii, 12 ; iv, 3, 10 ; II Cor., xi, 8-9.

Un passage des Actes, xvi, 12, relatif à la ville de Philippes, a de tout temps créé quelque difficulté aux interprètes. Le texte présente en cet endroit plusieurs variantes, qui prouvent qu’on ne le comprenait pas très bien et que les copistes cherchaient à le rendre plus clair. On lit, d’après la leçon la plus commune, qui est vraisemblablement la meilleure : eîç $[), itctcouc, îjTt ; êutVv xpion) ttjç (ispiSo ; TrjçMaxsSovîaç tuoXiç, xoXo>vta. Vulgate : Philippos, quse est prima partis Hac&doniœ civitas, colonia. Le Codex B supprime l’article

devant (tspiêoç ; le Codex D substitue xEfaXiij, « capitale, » aux mots irpii-n)-riji (iepî50<. Cf. E. Nestlé, Novi Testaments supplementum, in-8°, Leipzig, 1896, p. 60. Ce passage peut avoir deux sens, auxquels se ramènent les principales interprétations des commentateurs : 1° Philippes était une ville macédonienne de premier rang ; 2° c’est la première des villes de Macédoine qu’atteignit saint Paul. Le premier sens serait contraire à l’histoire, si l’on prétendait, avec quelques auteurs, que Philippes était alors la capitale de la province de Macédoine : c’est Thessalonique qui possédait ce privilège. D’autres interprètes se sont souvenus que, dès l’année 167 avant J.-C, la Macédoine avait été distribuée en quatre districts, dont les inscriptions mentionnent clai 1895, h. ii, lit rcpÛTrjc au lieu de itp<iT » i rij ;  : « Ville de la première région de la Macédoine. » MM. Westcott et Hort, The New Testament in the original Greek, Cambridge, 2 in-12, 1882, t. ii, p. 96-97, transforment jiapfôo ; en IlsepiSoç : « Ville chef-lieu de la Macédoine Piéride. » On nommait ainsi la région à laquelle appartenait Philippes. Cf. Hérodote, vii, 212 ; Thucydide, ii, 99. Mais ce ne sont là que de simples conjectures. D’autres, spécialement W. Meyer dans son commentaire de ce passage, Kritisch-exegetisch. Commentai* ûber dos Neue Test., part, iii, Die Apostelgeschichte, 8° édit., in-8°, Gœttingue, 1899, p. 278, 280, rattachent le mot tcoXi'ç à xoXom’a, et traduisent : « La première ville colonie fondée dans ce district. » Mais cette asso

67. — Ruines du Direkeir à Philippes. D’après une photographie.

rement l’existence, voir Macédoine, t. iv, col. 475 — MaxéêovMV kpârm, M. Seu-rÉpa ; , M. texâpTuc, c’est-à-dire (monnaie) des Macédoniens de la première, de la seconde, de la quatrième (division) — et ils ont dit que Philippes était la première ville, le chef-lieu de la Macedonia prima, dont elle faisait partie. Mais cela aussi est inexact, car la métropole officielle de ce district était Amphipolis. Cf. Tite-Live, xlv, 29-30. Peutêtre pourrait-on, avec quelques commentateurs, regarder les mots itp<irï) rift iJiEpîêoç… comme un de ces titres d’honneur que les villes grecques convoitaient alors si ardemment et qu’elles aimaient à se faire octroyer par les Romains ; dans ce cas, le sens serait : Philippes était une ville importante, jouissant de grands privilèges, etc. Cf. C. T. Kuinoel, Acta Apostolorum, 2e édit., in-8°, Leipzig, 1827, p. 542. On trouve, en effet, d’anciennes monnaies sur lesquelles la cité porte le titre de irpÛTi). Voir Rettig, Qusestiones Philippenses, in-8°, Giessen, 183t, p. 5. On a proposé aussi quelques modifications au texte, en vue de le rendre plus clair. M. Frd. Blass, Acta Apostolorum, in-8°, Gœttingue,

ciation ne saurait être justifiée sous le rapport de la syntaxe. Il resterait à dire que la proposition aurait une signification locale : pour saint Paul, arrivant du côté de la mer Egée et de l'île de Samothrace, Philippes était la première ville proprement dite de Macédoine placée sur sa route ; car le port de Néapolis, ajoutet-on, aurait appartenu à la Thrace, non à la Macédoine. Voir van Steenkiste, Actus Apostolorum breviter explicatif in-8°, 4<= édit., Bruges, 1882, p. 246 ; J. Felten, Die Apostelgeschichte ûberselzt und erklàrt, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1892, p. 311-312. Cf. Néapolis, t. iv, col. 1542. Cette interprétation supprime la difficulté ; mais elle est difficile à justifier.

La chrétienté de Philippes a eu aussi l’honneur de recevoir une lettre de saint Polycarpe. Cf. Funk, Die apostolischen Vâter, in-8°, Tubingue, 1901, p. 110-116. La ville s’est maintenue durant tout le moyen âge ; elle est souvent mentionnée dans l’histoire deà guerres du xive siècle. Plus tard, elle fut détruite par les Turcs. Les ruines, complètement inhabitées, portent le nom de Filibedjik. Elles consistent dans les substructions

d’un amphithéâtre et dans les restes d’un stade, d’un tempte de Claude, etc. Elles ont fourni des inscriptions très intéressantes. — Voir Leake, Travels in northern Greece, 1835, t. iii, p. 214-225 ; Heuzey, Exploration archéologique de Macédoine, Paris, 1864-1876 ; W. Ramsay, St. Paul the Traveller and the Roman Citizen, in-8°, 5e édit., 1900, p. 206-226 ; Id., The Church in the Roman Empire, in-8°, 1896, p. 156-158 ; F. Vigoureux, Le Nouveau Testament et les découvertes archéologiques modernes, 2e édit., p. 211-229 ; Corpus inscriptionum latinarum, t. iii, i"> partie, p. 633-707, et le Supplementum, 7337-7358.

L. Fillion.

    1. PHILIPPI Henri##

PHILIPPI Henri, chronologiste, né aux environs de Saint-Hubert (grand-duché de Luxembourg) le 30 mars 1575, mort à Ratisbonne le 30 novembre 1636. Admis le 26 août 1597 dans la Compagnie de Jésus, il professa plusieurs années les belles-lettres, la théologie et l'Écriture Sainte aux universités de Gratz, Vienne et Prague. Le P. Philippi s’occupa surtout de chronologie. Ses travaux en cette matière, qui se rapportent à l’exégèse, peuvent encore, même à notre époque, être consultés avec profit. Ce sont d’abord des ouvrages généraux : 1° Generalis synopsis sacrorum temporum… intelligentise sacrarum litterarum accommodata, in-4°, Cologne, 1624 ; 2° Manuale chronologicum veteris Testamenti, in-8°, Anvers, 1635 ; 3° Chronologies veteris Testamenti accuratum examen, Cologne, 1637. — On peut signaler ensuite, comme traités plus particuliers : Notes et qussstiones chronologies^ in Pentateuchum Moysis, in-4°, Vienne, 1633 ; — lnlibros Josue, Judicum, Ruth, Regum, Paralipomenon, Esdrse, Nehemise, in-4°, Cologne, 1637 ; — In libros Tobise, Judith, Ésther, Prophetarum, in-4, Cologne, 1637 ; — In duos libros Machabxorum, in-4°, Cologne, 1637. P. Bliard.

    1. PHILIPPIENS##

PHILIPPIENS (ÉPITRE AUX). - I. Importance.

— Cette lettre, la plus épistolaire entre les Épîtres, est une de celles qui offrent, à divers points de vue, le plus d’intérêt parmi les écrits de saint Paul. Ce qui charme d’abord le lecteur, c’est le ton intime et familier, l’abandon touchant avec lequel l’Apôtre épanche ses joies, ses tristesses, ses espérances. L'épltreaux Philippiens est une lettre d’ami. Aucune discussion ni argumentation théologique. Si l’Apôtre parle des judaïsants, ce n’est pas avec une intention de polémique, mais pour prémunir son troupeau, i, 17 ; iii, 2, 18. De même le beau passage sur la kénose (exinanivit) du Christ, ii, 7, si riche en conclusions dogmatiques, n’est là que pour appuyer une exhortation pratique à l’abnégation et au dévouement. L'âme de Paul se reflète donc ici dans ce qu’elle avait de merveilleusement tendre, délicat, affectueux, reconnaissant, pour une communauté répondant à peu près à son idéal. On s’attend à ce qu’une lettre écrite dans de pareils sentiments exprime mieux que toute autre la situation personnelle de l’auteur. Les Philippiens tenaient à être mis au courant de tout ce qui concernait leur apôtre bien-aimé. De fait, la présente Épître est le meilleur document pour combler les lacunes de la fin du livre des Actes. L’historien y peut recueillir des données certaines sur les derniers mois de la captivité de Paul à Rome. Il constate les progrès de l’Evangile dans la cité et jusque dans la maison des Césars, l’effet produit, dans les prétoires, par les chaînes du vaillant prisonnier, les luttes qu’il soutient contre des ennemis envieux et jaloux qui essaient d’exciter les Juifs contre lui et d’aggraver une position déjà si pénible, les espoirs mêlés d’inquiétudes qui traversent l’esprit de Paul et donnent à sa lettre un fond de mélancolie qui contraste avec les autres sentiments exprimés dans la lettre, enfin les projets qu’il nourrissait dans le cas où il serait rendu à la liberté. Mais tout cela n’est rien

auprès de la valeur qui s’attache, pour la théologie, , au chap. il de cette lettre, encore qu’il ait été écrit sans aucune préoccupation dogmatique, dans le seul but de proposer en exemple le renoncement du Verbe fait chair. La conception christologique de l’Apôtre a su trouver, à cet endroit, des expressions qui surpassent en clarté et en précision toutes celles des autres Épttres. A' ce point de vue seul PÉpttre aux Philippiens sérail déjà hors de pair.

II. Les relations de saint Paul avec l'Église de Philippes. — Aucune Église n’a été en rapports aussi étroits et aussi suivis avec l’Apôtre ; aucune ne lui a donné autant de consolations. Il l’appelle lui-même « sa joie et sa couronne ». iv, 1. C’est vers l’automne de l’an 52, dans son second voyage, que saint Paul prêcha l'évangile à Philippes et y fonda la. première communauté chrétienne de Macédoine en compagnie de Silas, de Timothée et de l’auteur des Actes. Voir Act., xvi. Les premières et les plus nombreuses conversions paraissent s'être produites parmi les femmes d’un certain rang, déjà affiliées au judaïsme. La plus connue est Lydie, riche marchande de pourpre, originaire d’Asie Mineure, qui fut baptisée par Paul avec toute sa maison et doDna l’hospitalité à la troupe apostolique. Voir Lydie, col, 447. Ce fut là le commencement de l'Église de Philippes. On sait à la suite de quels événements Paul et Silas durent quitter la communauté naissante. Act., xvi, 16-40. Voir Paul, t. iv, col. 2208, La nouvelle Église devait compter peu de Juifs ; elle était surtout composée de gentils, les femmes paraissent y avoir tenu une place considérable. Leur influence s’y maintint longtemps, puisque dans cette lettre l’Apôtre regarde la mésintelligence de deux d’entre elles, Evodie et Syntyque, comme un sérieux danger pour l'Église de Philippes tout entière, iv, 2, 3.

Il paraît qu’en Macédoine les femmes jouèrent, de tous temps, un rôle social plus considérable que partout ailleurs. C’est ce qu’attestent, en grand nombre, les inscriptions de ce pays. La jeune Eglise, après le départ précipité de l’Apôtre, ne cessa de croître et de prospérer. Saint Luc, que plusieurs critiques supposent originaire de cette ville, voir Luc, col. 376, y continua pendant près de cinq ans l'œuvre de son maître. Les persécutions ne parvinrent pas à ébranler les généreux néophytes, II Cor., viii, 2 : ils restèrent fidèles à Paul et à son Évangile. L’Apôtre ne revit probablement ses chers Philippiens qu'à son départ d'Éphèse vers l’an 58, lors de son troisième voyage à Corinthe, Il se rendit alors en Macédoine pour l'œuvre des collectes. On croit qu’il écrivit à Philippes sa seconde lettre aux Corinthiens, II Cor., ii, 13 ; vii, 5 ; viii, 1 ; ix, 2, 4. Il avait sous les yeux le spectacle de leur foi, de leur générosité, de leur ardeur. Ils étaient prêts, dit-il, non seulement à donner leurs biens, mais à se donner eux-mêmes, II Cor., viii, 1-5, pour l'œuvre du Seigneur. Au printemps de l’année suivante, en se rendant à Jérusalem pour y porter la collecte, saint Paul passa la semaine de Pâques à Philippes, Act., xx, 5, 6 ; il y retrouva saint Luc. Les Épîtres pastorales surtout, I Tim., 13, laissent entendre que l’Apôtre réalisa le vœu qu’il énonçait dans sa lettre aux Philippiens, i, 26 ; ii, 24, et qu’après sa première captivité il revit sa chère Église. Durant les intervalles plus ou moins longs qui séparèrent ces divers séjours, les relations les plus amicales ne cessèrent jamais entre la communauté de Philippes et son fondateur. A diverses reprises, les Philippiens envoyèrent des secours d’argent à leur père bien-aimé, deux fois à Thessalonique, iv, 16 ; une fois, à Corinthe, II Cor., xi, 9, et à Rome, Phil., iv, 18. Cette dernière fois, ils ne se contentèrent pas de secours matériels, ils envoyèrent Épaphrodite, le chef de leur église, auprès du prisonnier. Paul, qui connaissait les sentiments élevés de ces âmes généreuses, ne craignait pas d’accepter d’eux

un service qu’il aurait refusé de la part d’autres Églises. Il trouvait aussi là, chaque fois, l’occasion de leur envoyer des remerciements et des nouvelles de. ses travaux. Aussi a-t-on supposé, avec quelque vraisemblance, qu’il leur écrivit d’autres lettres que celles que nous possédons. Dans son Épître aux Philippiens, Polycarpe semble y faire allusion quand il dit que le bienheureux et glorieux Paul leur écrivit « des lettres s>, émaroXat. Ad Phil., iii, t. v, col. 1008. Il se peut toutefois, comme le remarque Lightfoot, que ce pluriel, suivant l’usage des Grecs et des Latins, puisse être circonscrit à une lettre unique. Quoi qu’il en soit, un passage de la présente Épître de Paul, iii, 1, paraît sous-entendre d’autres lettres antérieures.

III. Lieu et date de composition. — La lettre aux Philippiens a été écrite en prison, i, 7, 13, 14, 17. Est-ce à Rome ou à Césarée ? L’opinion générale des critiques, même de ceux qui datent de Césarée les Épîtres aux Colossiens, aux Ephésiens, à Philémon, penche pour la première hypothèse. On a définitivement abandonné celle dePaulus (1799), Bôttger (1837), Rilliet (1841), Thiersch (1879), qui plaçaientà Césarée la rédaction de cette Épître. Les termes mêmes de la lettre lui sont défavorables. Le prétoire tout court, i, 13, s’entend mieux de la cour impériale que du palais d’Hérode à Césarée, Act, xxiii, 35 ; la maison de César, iv, 22, ne peut s’appliquer à la maison du gouverneur Félix ; les prédicateurs envieux et jaloux dont se plaint l’Apôtre, I, 17, supposent une église bien plus considérable que celle de Césarée. Son espoir d’être bientôt rendu à la liberté, i, 25, 27 ; ii, 24, son projet de revenir à Philippes, se conçoivent mieux à Rome qu’après l’appel à César, Le point difficile est de savoir sicette, lettre a précédé ou suivi les Épltres aux Colossiens, aux Ephésiens, à Philémon, ou, en d’autres termes, si elle a été écrite au commencement ou à la fin des deux ans de captivité dont parlent les Actes, xxviii, 30. Ici les opinions se partagent. La majorité des critiques (Meyer, Weiss, Godet, [Lipsius, Holtzmann, Zahn, Jùlicher, Ramsay) penchent vers la seconde manière de voir. Us font remarquer qu’on ne peut expliquer sans un long séjour à Rome les succès de la prédication de Paul dans le prétoire, i, 12, dans la maison de César, iv, 22. Il faut, de plus, un temps suffisant pour les deux voyages, aller et retour, ’entre Rome et Philippes, indiqués dans l’Épître ; message de Rome à Philippes pour annoncer la captivité de l’Apôtre, voyage d’jipaphrodite de Philippes à Rome, annonce de sa maladie en Macédonie, lettre au messager qui apprend à Épaphrodite et à Paul l’inquiétude des Philippiens au sujet de cette maladie ; toutes ces allées et venues, ces échanges de nouvelles, ces envois de secours exigeaient alors un intervalle assez long. Qu’on ajoute à cela le fond de tritesse, presque de découragement, qui se détache de la lettre, l’absence de Luc et d’Aristarque, ii, 20, envoyés sans doute en mission par l’Apôtre, l’isolement où se trouve le prisonnier, l’attente imminente de son procès, l’incertitude de plus en plus grande sur l’issue de, son appel à César, la possibilité d’une condamnation à mort, on trouvera là tous les indices d’une captivité déjà longue qui touche à sa fin. Aces arguments, Lightfoot répond qu’il n’y a pas de verset décisif, pas même, i, 12, en faveur d’une longue détention ; que les succès de Paul dans Rome, i, 13-17, peuvent avoir eu lieu dès les premiers mois de son arrivée dans la Ville éternelle, que l’absence de salutations, de la part de Luc et d’Aristarque ne prouve rien, les arguments a silentio étant, par eux-mêmes, toujours très précaires ; que le ton général de la lettre est celui de la jpie et de la confiance, non celui de la tristesse et de l’abattement ; enfin, que les 1 200 kilomètres entre Rome et Philippes, par la voie Egnatienne, peuvent être parcourus dans l’espace d’un mois. Farrar insiste, à son

tour sur les analogies entre cette épître et celle aux Romains, comme si, remarque von Soden, il n’y en avait pas de plus frappante encore avec l’Épître aux Corinthiens. Le même auteur allègue encore l’absence de toute controverse avec le judaïsme semi-gnostique combattu dans l’Épître aux Colossiens, prétendant qu’il est contraire à toute psychologie de ne pas prolonger jusque dans l’Épître aux Philippiens, une préoccupation aussi envahissante, si cette Epître avait été écrite, en réalité, après l’Épître aux Colossiens. Or, remarque excellemment Rarasay, Paul n’avait pas à envoyer à Philippes un traité contre des hérésies qui ne s’y étaient jamais montrées. Aussi l’opinion de Lightfoot et de Farrar qui est aussi celle de Hort et de Sanday, est-elle de moins en moins acceptée des exégètes. Il semble donc, d’après la chronologie la plus reçue, que l’Épître aux Philippiens date de la fin de l’an 63, tout au plus des premiers mois de l’an 64.

IV. Authenticité. — Les témoignages en faveur de de l’origine paulinienne de la lettre aux Philippiens sont à peu près les mêmes que pour les grandes Épîtres. Dès la fin du I er siècle, Clément de Rome paraît s’être inspiré du passage christologique déjà cité, Phil., ii, 6-8, quand il écrit : « Le Christ appartient à ceux qui ont des sentiments humbles et qui ne s’élèvent pas au-dessus de son troupeau. Le sceptre de la majesté de Dieu, le Seigneur Jésus-Christ n’est pas venu avec la jactance de l’orgueil, l’arrogance, quoiqu’il l’ait pu, Phil., ii, 6-8, mais avec des sentiments humbles. Voyez, frères bien-aimés, quel exemple nous est proposé, car si le Seigneur a eu de tels sentiments d’humilité, que ferons-nous, nous qu’il a amenés sous le joug de sa grâce ? » I Cor., xvi, 1. On trouverait encore d’autres réminiscences en comparant entre eux :

I Cor., xl vii, = Phil., iv, 15 ; ifc., xxi = Phil., i, 27 ; ib, , n = Phil., i, 40 ; ii, 15. Diverses expressions des épîtres de saint Ignace offrent des ressemblances caractéristique avec l’Épître aux Philippiens, Rom., il = Phil., Il, 17 ; Philad., vin =Phil., ii, 3 ; Smyrn., i = Phil., iv, 18 ; ib., xi = Phil., iii, 15 ; et surtout : ii »., ii, 3 = Phil., iii, 15, 16, « Etant parfaits, aspirez aussi aux choses parfaites. » — L’épltre de Polycarpe aux mêmes Philippiens, il, 1, est encore plus explicite : « Le glorieux Paul qui, étant personnellement parmi vous, vous a enseigné exactement. et sûrement la parole de la vérité ; lequel aussi étant absent vous a écrit des lettres (ou une lettre) que vous n’avez qu’à étudier pour être édifiés dans la foi qui vous a été donnée, » Or une de ces lettres est certainement celle-ci, car le même Polycarpe semble y avoir fait des emprunts : i = Phil., iv, 10 ; n = Phil., ii, 10 ; ix= Phil., ii, 16 ; x = Phil., ii, 2, 5 ; xii = Phil., iii, 18. On rencontre des réminiscences semblables dans le Pasteur d’Hermas, dans les Testaments des douze patriarches, dans l’épître à Diognête, t. ii, col. 1168 ; dans Théophile d’Antioche, cité par S. Jérôme, Epist. cxxi, 6, ad Algas., t. xxii, col. 1020, enfin dans la belle lettre des Églises de Vienne et de Lyon, Eusèbe, H. E., v, 1, 2, t. xx, col. 433, où se trouvé reproduit le passage sur les abaissements du Christ, ii, 6.

II parait, d’après les Philosophumena, x, 11, t. xvi, 3, col. 3426, que les Séthiens, se servaient de Phil., Il, 6, 7, pour expliquer leurs doctrines. Des écrits du Valenlinien Théodote, Clément d’Alexandrie, Strom., iii, 4, t. vui, col. 1196, a conservé deux citations de l’Épître aux Philippiens, ii, 7. Elle a saplace, avec toutes les autres, dans les versions syriaque et latine et elle se trouvait dans le recueil de Marcion. Mentionnée par le canon de Muratori, voir Canon, t. ii, col. 170, elle est attribuée à saint Paul, à la fin du ir* siècle, par saint Irénée, Cont. hxr., iv, 18 ; v, 13, t. vii, col. 1026, 1158. Tertullien, De resur., 23 ; Cont. Marc, v, 20 ; De prxscr., 26, t. ii, col. 826, 843, 522, 557 ; Clément d’Alexandrie, Psedag., i, 524, t. viii, col. 312, 408 ; Strom, iv, 12, 13, 94, t. viii,

col. 1196. Origène et Eusèbe reconnaissent aussi son origine paulinienne qui a été admise par toute l’antiquité. Les premiers doutes, à ce sujet, ne commencent qu’avec Schrader qui attaque l’authenticité d’une partie de la présente Épitre, iii, 1-iv, 9. En 1845, Baur et ses disciples la rejettent complètement. Voici leurs griefs. Cet écrit, disent-ils, est dépourvu de toute originalité : c’est une imitation des autres Épîtres. On y trouve, de plus, des idées semi-gnostiques, une doctrine sur la justification qui n’est pas celle de Paul, des anachronismes évidents comme l’existence de l’épiscopat et du diaconat, autant d’indices de l’époque réelle où ce pastiche aurait été composé, c’est-à-dire au second siècle, quand s’opère la réconciliation des deux partis en lutte dans l’Église, partis symbolisés ici par les deux diaconesses, Èvodie et Sjntyque, IV, 2. Le nom de Clément dont la tradition faisait un ami de Pierre et que l’auteur de l’Épître présente comme un collaborateur de Paul, n’est qu’un mythe destiné à concourir à cette œuvre de conciliation.

Ces difficultés de Baur ne présentent guère plus qu’un intérêt purement historique depuis les travaux de Lûnemann, Pauli ad Phil. Ep. contra Baurium défendit, 1847 ; B. Brûckner, Ep. ad Phil. Paulo auctori vindicata contra Baurium, 1848 ; Ernesti, dans les Studien und Kritiken, 1848, p. 858-924 ; Schenkel, Bibelleœicon, 1872, t, iv, p. 531. Cependant, après plusieurs années, l’Épître aux Philippiens fut de nouveau combattue par llitzig, 1870 ; Kneucker, 1881 ; Huisch, 1873 ; Hœkstra, 1875 ; Bindermann, 1885, et surtont par Holsten qui reprit l’attaque avec plus d’ardeur ; abandonnant les arguments ruineux de son maître, les rapprochements imaginaires avec le gnosticisme et les allusions aux légendes du second siècle, il prétendit prouver que la langue et les doctrines de l’Épître aux Philippiens n’étaient pas celles des autres écrits de l’Apôtre. Il dressa un catalogue très minutieux des expressions propres à cette Épitre et les mit en regard des locutions habituelles aux grandes Épîtres de saint Paul, Voir Lightfoot, dans le Speaker’s Conimentary on Phil., p. 43. On y trouve une quarantaine d’hapaxlegomena, mais cela ne prouve rien. On en compte plus de cent dans l’Épître aux Romains et plus de deux cents dans la première Épître aux Corinthiens. « Toutes les raisons avancées dans ce domaine contre l’authenticité n’ont de valeur que pour celui qui’fait de l’apôtre Paul, cet esprit le plus vivant et le plus mobile de tous ceux que le monde a jamais vus, un homme d’habitude et de routine, qui devait écrire chacune de ses lettres comme toutes les autres, ne faire que répéter dans les suivantes ce qu’il avait dit dans les précédentes, et le redire toujours de la même manière et dans les mêmes termes. Dès que l’on a renoncé à cette manière de voir, toutes les objections contre l’authenticité de la lettre aux Philippiens tombent d’elles-mêmes. » Schûrer, dans la Litteratur Zeitung, 1877. D’ailleurs, la terminologie paulinienne n’est pas absente de notre Épître. On y relève une vingtaine de mots exclusivement employés par saint Paul, tels que fîpaëeîov, SoxtpiTi, gvSeiÇtç, xevoOv, etc., étrangers aux autres livres du Nouveau Testament. De plus, nombre de tournures de phrases, de figures, de procédés de style, certaines répétitions de mots rappellent les grandes Épîtres les plus authentiques. « Cette lettre, dit Schenkel, dans Bib. Lexïk., 1872, t. iv, p. 531, porte la garantie de son authenticité dans son style et ses expressions mêmes, dans la fraîcheur du sentiment intime qui l’a dictée, dans la sérénité d’esprit et la tendresse de cœur qui s’y expriment de la manière la plus naturelle, et sans la moindre trace d’affectation. »

Quant aux divergences de doctrine, Holsten, dans Jahrb. fur prot. Theol, t. î, p. 125 ; t. ii, p. 58, 282, en allègue deux principales. 1° La christologie. — Holsten

trouve une opposition entre le Christ de l’Épître aux Philippiens et celui de la première Épitre aux Corinthiens, xv, 45. D’après celle-ci, dit-il, saint Paul conçoit le Christ dans sa préexistence, comme un homme céleste, avOpwnoi ; ênoôpavtoç, alors que dans l’autre Épître, il en fait un être purement divin, èv (iopiiꝟ. 9eoG ûnap^uv, qui ne devient homme que par l’Incarnation, appartenant, par suite, à un ordre d’êtres plus élevé que l’humanité, même céleste. — Il suffit, pour lever la contradiction, de replacer, dans son contexte, le passage allégué de l’Épître aux Corinthiens, où l’Apôtre parle, non de la préexistence du Christ, comme dans l’Épître aux Philippiens, mais du Christ après sa résurrection, revêtu du corps spirituel, incorruptible et lumineux qu’est celui des justes qui ressuscitent. La doctrine christologique de cette’Épître n’est pas davantage en opposition avec celle des autres Épîtres pauliniennes. Seulement elle reproduit, sous une forme peut-être plus philosophique, ce qu’avait enseigné l’Épître aux Galates, iv, 4 : « Or, quand le temps est venu, Dieu a envoyé son Fils, né d’une femme ; » l’Épître aux Romains, viii, 3 : « Dieu a envoyé son propre Fils dans une chair semblable à la chair du péché ; » la IIe Épitre aux Corinthiens, viii, 9 : « Jésus-Christ, lui qui, étant riche, s’est fait pauvre à cause de nous. »

2° La justification. — On a encore objecté que celui qui, dans les Épîtres aux Galates et aux Romains, a si énergiquement opposé entre elles la justification par Dieu, Sixatoaw/i t| ex 6eo-3, et la justification par la foi, StxacoCTTjvvi ztzï ttj 7u’<ttee, n’a pu dire, comme le fait l’Épître aux Philippiens, iii, 6, que sa justice légale était apis|jijiTo : , « irréprochable. » Mais il est facile de voir que l’Apôtre se place, en cet endroit, au point de vue juif, extérieur, charnel qu’il combat lui-même. Racontant son passé, il veut rappeler son zèle pour le judaïsme et montrer qu’il n’était, sur ce point, inférieur à aucun de ses contemporains. Il a donc recherché avec ardeur la justice légale, mais c’est pour en avoir expérimenté l’impuissance qu’il l’a plus tard rejetée avec tant d’énergie. Aussi, même les auteurs qui tiennent en défiance les Épîtres aux Éphésiens et aux Colossiens (Jûlicher, Hilgenfeld, Pfleiderer, Lipsius, Holtzmann) sont unanimes à défendre celle-ci. L’authenticité de l’Épître aux Philippiens est donc un résultat définitivement acquis dans le domaine de la critique scientifique. Voir Knowling, The witness of the Epistles, p. 63.

V. Intégrité. — L’expression ro Xotràv, au reste, qui ouvre le c. m de l’Epître, a donné lieu à divers doutes sur l’unité de l’Épître tout entière. Clemen soutient que l’épître actuelle se compose de deux lettres de l’Apôtre à l’église de Philippes, la seconde comprenant H, 19-24 ; iii, 2-iv, 3 ; IV, 8, 9. Seulement c’est l’éditeur et non Paul lui-même, qui aura fondu les deux lettres en une seule. Die Einheil d. paulin. Briefe, 1894. Pour Spitta, Zur Geschichte und Litt. d. Vrchristenthums, 1893, l’Épître actuelle est interpolée : il n’y verrait de la main de l’Apôtre que les passages suivants : i, 1-7, 12-14, 18-26 ; ii, 17-29 ; iv, 10-21, 23 ; tous les autres auraient été ajoutés par une main étrangère. — Toutes ces hypothèses n’arrivent pas à expliquer pourquoi saint Paul n’a pas encore remercié les Philippiens de leur envoi d’argent, auquel il a déjà fait allusion, i, 5, 11 ; ii, 30. La lettre ne doit donc pas se terminer au ch. m. La locution t’o Xotoôv n’est pas, en soi, la conclusion obligée de toute lettre de Paul ; elle lui sert assez souvent de transition pour passer d’un sujet à un autre ; 1 Cor., vii, 29 ; Phil., iv, 8 ; I Thés., iv, 1 ; Il Thés., iii, 1. Voir Jacquier, Histoire des livres du N. T. t. i, p. 352, 1903 ; Lightfoot, St. Paul’s Epistle to the Philippians, 4e édit., 1885, p. 69.

VI. Occasion et but de l’Épitre. — La lettre aux Philippiens est, avant tout, une lettre de remerciement. Si l’Apôtre réserve pour la fin sa dette de reconnaissance, c’est pour mieux marquer combien elle lui tient à cœur. Quand on écrit pour un objet déterminé, on peut le traiter soit en commençant, soit en finissant. Comme il s’agissait, d’autre part, d’une affaire d’argent, Paul aura préféré débuter par les nouvelles et les exhortations. Pourtant il fait allusion, par trois fois, i, 5-11 ; ii, 30, dans le courant de la lettre, aux secours que les Philippiens lui avaient envoyés, ii, 25 ; iv, 18, comme on l’a vu plus haut, col. 278. Épaphrodite s’acquitta de sa mission avec le plus grand dévouement. En même temps qu’il remettait à l’Apôtre l’offrande des fidèles, il lui donnait les nouvelles les plus consolantes de l’Église de Philippes. À part quelques rivalités de peu d’importance, rien n’était venu troubler la paix. Là persécution n’avait fait que montrer la patience des fidèles. Les judaïsants essayaient en vain de les surprendre : l’autorité de Paul était là trop vénérée pour qu’on pût oser quelque chose contre lui. S’il y avait des scandales de chrétiens relâchés, c’était assurément en dehors de Philippes. L’état de l’Église était donc des plus satisfaisants. L’Apôtre dut en ressentir une grande joie. Mais une nouvelle épreuve vint obscurcir cette éclaircie. Épaphrodite qui s’était associé aux travaux de l’Apôtre captif tomba dangereusement malade et faillit mourir, ii, 26. On l’apprit à Philippes avec un vif chagrin et l’on souhaita son retour. Épaphrodite désirait lui-même revoir sa patrie pour calmer les inquiétudes de ses amis. Aussi, quand il eut repris assez de forces pour pouvoir se remettre en route, l’Apôtre voulant faire cesser au plus tôt les craintes de tous, s’empressa de congédier le convalescent, lui remettant, pour les Philippiens, cette Épître pleine de tendresse, écrite de la main de Timothée, ii, 25, 28, lettre toute intime d’un père qui écrit à sa famille ponr la remercier d’une marque d’affection, lui donner de ses nouvelles, lui adresser des exhortations et des conseils, lui faire espérer son prochain retour, ii, 24. Telle est la situation d’où est sortie cette Épître.

VII, Analvse de l’Épure. — Bien que l’unité de cette lettre vienne plutôt de la logique des sentiments que de celle des idées, on peut cependant y trouver les trois grandes divisions des autres Épîtres.

1° Prologue, i, 1-11. — Il renferme l’adresse, l’action de grâces et les vœux de l’Apôtre pour sa chère communauté de Philippes. L’adresse, ꝟ. 1-2, a ceci de spécial qu’elle mentionne les èm’axoiioi et les Siàxovoi comme les deux éléments essentiels de l’organisation ecclésiastique à Philippes. L’action de grâces, ꝟ. 3-8, prend les tons les plus délicats, les plus affectueux pour exprimer aux Philippiens la joie que Paul éprouve de leur zèle pour la prédication de l’Évangile, depuis le jour de leur conversion jusqu’à cette heure où ils viennent de prêter leur concours à l’œuvre apostolique. Aussi l’Apôtre demande-t-il à Dieu, 9-11, pour eux, les dons surnaturels les plus excellents en charité, en science, en pureté morale.

2° Corps de l’Épilre, I, 12-lv, 9 Les nouvelles y

alternent avec les exhortations. On ne peut donc songer à un ordre méthodique. Mais comme les nouvelles prédominent au début de la lettre et ses exhortations vers la fin, on la divise généralement en deux parts à peu près égales. — A) Partie historique, i, 12-n, 30. Elle comprend divers morceaux. — a) Nouvelles personnelles, î, 12-26. L’Apôtre s’empresse de rassurer les Philippiens ; sa situation présente tourne de plus en plus aux intérêts et au progrès de l’Évangile. Son arrivée à Ronre a été le point de départ d’un redoublement de zèle dans la prédication de l’Évangile. La prison de Paul est, en un sens, plus féconde que ne l’avait été sa libre activité. Ses chaînes, traînées au prétoire, sont à elles seules comme une

prédication. À son exemple, et animés par la façon dont il supportait sa captivité, ses disciples et les autres chrétiens de Rome prêchaient. Il n’y a pas jusqu’à la jalousie de ses ennemis, sans doute les judaïsants, qui n’aidât au progrès de l’Évangile. Car cette émulation aboutit, à la fin, à étendre la connaissance du Christ. Aussi Paul s’en réjouit-il sincèrement. Pour lui, le Christ est tout. Que lui importe l’avenir 1 II est sûr que de toute façon le Christ sera glorifié, soit par sa vie, soit par sa mort, ꝟ. 19-21. Il s en remet donc au choix de Dieu. Il attend avec confiance l’issue de son procès, car, en toute hypothèse, il est sûr d’y trouver son profit. En effet, s’il est condamné} à mort, il sera réuni" au Christ ; s’il recouvre la liberté, il en profitera pour de nouvelles conquêtes apostoliques. Il croit pourtant que cette seconde alternative est la plus probable, qu’il pourra revoir les Philippiens, travailler à leur perfectionnement et se procurer ainsi un surcroît d’honneur, au jour de la Parousie, ꝟ. 21-26.

b) Exhortation à l’union, à la concorde, à la fidélité dans toute leur conduite, i, 27-n, 18. — Après ces premiers épanchements d’amitié, l’Apôtre en vient au seul reproche que méritât l’Église de Philippes ou, plus exactement, une portion minime de cette Église. Il s’était récemment passé une querelle d’amour-propre entre deux personnes de qualité, Évodie et Syntyque — peut-être deux diaconesses — qui avait quelque temps troublé les esprits et divisé les cœurs. Le cas avait été de peu d’importance. Aussi l’Apôtre n’y fait-il qu’une légère allusion. Il va droit à l’obstacle de l’union fraternelle : Pégoïsme qu’il faut combattre par l’humilité et le renoncement. Il faut entrer dans l’esprit d’abnégation dont le Christ nous a donné un exemple si sublime. Lui qui jouissait d’un état divin et qui eût pu, par conséquent, paraître ici-bas dans une gloire égale à celle de Dieu, il n’a pas jugé opportun de s’approprier un tel honneur, mais, au contraire, il s’est dépouillé de cet état divin en entrant dans l’état de serviteur, vivant en tout à la manière humaine et poussant même l’abaissement jusqu’à mourir sur une croix. Mais plus il s’est abaissé, plus il a été élevé, ii, 5-11. À cette exhortation spéciale à l’abnégation volontaire, saint Paul ajoute trois recommandations qui se rapportent à la fidélité chrétienne en général, la première en vue du salut des lecteurs eux-mêmes, ꝟ. 12, 13, la seconde, pour l’édification du monde extérieur, 5^. 14, 15 ; la troisième, en vue de leur Apôtre, ꝟ. 17-18.

c) Nouvelles de Timothée et d’Épaphrodite, ii, 1930. — Après l’exhortation d’autres nouvelles. Elles concernent les deux compagnons d’œuvre de saint Paul, qui sont actuellement avec lui : Timothée qui avait travaillé avec lui à la fondation de leur église et qu’il se propose de leur envoyer sous peu, puis Épaphrodite leur messager auprès de lui. Il enverra Timothée dès qu’il aura vu la tournure que prendra son procès, il espère le suivre sans retard, ꝟ. 19-24. Quant à Épaphrodite, il ne veut pas tarder un instant à le leur rendre. Il raconte la grave maladie qu’il a contractée à Rome, sa convalescence inespérée, l’accueil empressé qu’ils devront faire à un homme qui lui a été si utile ! il. 25-30.

B) Partie morale, iii, 1-iv, 9. — Au dernier moment, Paul, qui peut-être songeait à abréger sa lettre, revient aux divers avis qu’il juge utiles aux Philippiens. Il les met en garde : — o) Contre les judaïsants qu’il traite avec la plus grande sévérité et une énergie d’expressions toute sémitique, iii, 2-14. Il montre, par son propre exemple, le cas qu’il faut faire de la justice légale : elle n’est que poussière et ordure auprès de la vraie justice, qui est celle du Christ. — b) Contre les mauvais exemples de chrétiens mondains et sensuels dont l’Apôtre parle avec larmes. Ces exemples ne venaient pas de leur Église. Ces ennemis de la croix du Christ qui déshonorent, par leur vie sensuelle, sans doute par l’ivro285

PHILirPIENS (ÉPITRE AUX) — PHILISTINS

286

gnerie, le nom chrétien, étaient étrangers à la communauté, 18, 19. — c) Contre les dissensions, iv, 29. L’Apôtre touche d’un mot le cas qu’il visait plus haut, d’une manière générale, ii, 2-11, celui des deux femmes, Évodie et Syntyque, qui, sans doute, avaient joué un rôle important dans la fondation de l’Église de Philippes.

3° Épilogue, iv, 10-23. — Saint Paul remercie, dans les termes les plus délicats, ! a générosité des Philippiens. Suivent quelques salutations. Il charge l’assemblée de saluer elle-même tous ses membres et il la salue de Ja part des collaborateurs qui l’entourent ainsi que de la part des membres de l’Église de Rome, surtout de ceux de la maison de l’empereur. . VIII. Texte. — Cette Épître ne présente pas de difficultés spéciales au point de vue du texte. Elle se trouve dans les manuscrits suivants : N, A, B, C, D, F, G, K, L, P, 17, 31, 37, 47, 67, 80, 137, et dans les versions latines, égyptiennes (copte, memphitique, sahi Agar Beet, À commentary on St. Paul’s Epistles to the Philippians, 1891 ; * R. A. Lipsius, Briefe an die GaUtter, Borner, Philipper, dans le Handcommentar zum Neuen Testament, bearbeitet von Holtzmann, Lipsius, Schmiedel, von Soden, 2e édit., t. ii, part. 2, Fribourgen-B. , 1892. C. Toussaint.

    1. PHILISTIE##

PHILISTIE, pays des Philistins. La Vulgate appelle exceptionnellement Philisthœa le territoire occupé par les Philistins, Is., xiv, 29, 31, comme elle appelle aussi quelquefois ses habitants Palsestini, Gen., xxi, 33, etc. Dans le passage d’Isaïe, saint Jérôme a rendu par Philisthœa le nom hébreu PeléSép qui là et ailleurs, Ps. lx, 10 ; Lxxxm, 8 ; lxxxvii, 4 ; cviii, 10, etc., désigne proprement le pays des Philistins.’Voir Philistins, i.

    1. PHILISTINS##

PHILISTINS, peuple qui habitait le sud-ouest de la Palestine (fig. 68).

I. Nom. — Les Philistins sont appelés en hébreu or 68. — Types philistins sur les monuments égyptiens de Médmet-Abou.

dique), syriaque, arménienne, gothique, éthiopienne. Voir Weiss, Kritische Text Vntersuchungen und Text Herstellung, 1896.

IX. Bibliogeaphie. — S. Jean Chrysostome, In Philipp. hom., t. lxii, col. 205-298 ; Théodore de Mopsueste, In Epist. B. Pauli commentaria, t. lxvi, col. 922-926 ; Théodoret, Opéra, t. lxxxii, col. 557-589 ; Pseudo-Athanase, Synops., t. xxviii, col. 420 ; CEcuménius, t. CX.VHI, col. 1256-1325 ; Théophylacte, t. cxxiv, col. 1140-1204 ; S. Thomas d’Aquin, In omnes divi Pauli Apostoli Epistolas commentaria ; Estius, In omnes Pauli Apostoli Epistolas commenlarii. — Commentateurs modernes : ’Henry Alford, Greek Testament, 1849-1861 ; *de Wette, Kurzgefasstes exegetisches Handbuch zum Neuen Testament, 1836-1848 ; *H. A. Meyer, Kritisch-exegetisches Handbuch ûber die Briefe an die Philipper, 5e édit., 1886 ; J. Beelen, Commenlarius in Epislolam ad Philippenses, in-4°, Louvain, 1852 ; *C. J. Ellicott, À critical and grammatical Commentary on St. Pauls’Epistles to the Philippians, 1888 ; *H. von Soden, Der Brief des Apostels Paulus an die Philipper, 1889 ; *J.-B. Lightfoot, St. Paul’s Epistle to the Philippians, 12e édit., 1896 ; *B. Weiss, Der Philipperbrief ausgesetzt, 1859 ; *A. Klôpper, Der Brief des Apostels Paulus an die Philipper, 1893 ; *J.

dinairement Pelistîm ; quelquefois Pelistiyim ; au singulier, Pelispî. Ces mots désignent les habitants du pays lui-même, lequel est appelé aussi PeléSé{. Les Septanle appellent les Philistins $u).torisf|i (variante :

  • iXtuxicc’(i) dans le Pentateuque, Josué et l’Ecclésiastique,

xlvi, 18 ; XLvn, 7 ; l, 26 ; IMach., iii, 24 ; ’AXXoçuXot, « étrangers, » dans les autres livres de l’Ancien Testament. Ils ne sont pas nommés dans le Nouveau. La Vulgate les appelle Philistseus, Philistiim, Philistini, Palsestini. Les documents égyptiens, d’après l’opinion la plus répandue parmi les égyptologues, les appellent

_ M _ || lâ-t, Purusati = Pulusati (les Égyptiens

transcrivaient la lettre l par un r, parce qu’ils ne distinguaient pas les deux sons l’un de l’autre dans leur langue et dans leur prononciation).

II. Origine des Philistins. — Elle a été longtemps très controversée et aujourd’hui encore on ne peut la déterminer avec une entière certitude. L’Écriture ne l’indique nulle part d’une manière explicite, mais elle les fait venir de Caphtor. Nous lisons dans le Deutéronome, n, 23 : « Les Hévéens, qui habitaient dans des villages jusqu’à Gaza (c’est-à-dire dans le pays qui devint celui des Philistins) furent détruits par les Caphtorim, qui, étant sortis de Caphtor, s’établirent à leur

place, » La Vulgate appelle les Caphtorim Cappadociens et Caphtor, la Cappadoce. Amos, ix, 6, met à son tour dans la bouche de Dieu ces paroles ; « N’ai-je pas fait venir les Philistins de Caphtor (Vulgate : Palsestinos de Cappadocia) ? » Jérémie, xlvi, 4, appelle aussi les Philistins « les restes de l'île de Caphtor » (Vulgate : Palmsthinos reliquias insulæ Cappadocise). Mais l'Écriture ne précise pas la situation de Caphtor. La table ethnographique, Gen., x, 13-14, nous apprend seulement que les Caphtorim étaient des descendants de Mesraïm. Cf. I Par., i, 12. Le texte de la Genèse, dans sa forme actuelle, représente les Philistins comme issus des Casluim et ne signale aucun rapport de parenté directe entre eux et les Caphtorim : Chasluim, de quibus egressi sunl Philisthiim et Caphtorim, comme traduit la Vulgate. D’après les autres textes scripturaires qui ont été rapportés, il est très vraisemblable qu’il y a une transposition dans le ꝟ. 14 de Gen., x, et que c’est après le mot Caphtorim et non avant, qu’il faut lire l’incidente : « et d’où sont sortis les Philistins. » Quoi qu’il en soit, et de quelque manière <ru.'on interprète le passage de la table ethnographique,

Les Septante et la Vulgate ont traduit le nom de Caphtor par « Cappadoce ». Sur l’identification du nom hébreu, voir Caphtorim, t. ii, col. 211. D’après les renseignements fournis par les documents égyptiens, les Philistins, ou au>moins une partie d’entre eux, durent donc venir de la côte méridionale de l’Asie Mineure, en longeant les côtés de Syrie, peut-être avec les Héthéens, et s'établir finalement dans la Séphéla.

Des savants modernes ont voulu identifier Caphtor avec l'île de Crète et considèrent les Philistins comme des Cretois d’origine. Ils s’appuient principalement sur le nom de Céréthéens donné a une tribu philistine et à une partie des gardes du corps de David. Voir Céréthéens, t. ii, col. 441. De la distinction qu'établit plusieurs fois le texte sacré entre 2e Céréthéen et le Phéléthien = Pbilistin, I Reg., xxx, 14 ; II Reg., viii, 18 ; xv, 18 ; xx, 3, 7, 23 ; III Reg., i, 38, 44 ; IV Reg., XI, 19 ; I Par., xvill, 17, et du parallélisme ou de la synonymie qu'établissent entre les Céréthéens et les Philistins, Sophonie, II, 5 (hébreu : gôï Kerêtîm ; Septante : nipoixoi Kpiitôv, Vulgate : gens perditorum) et Ézéchiel, xxv, 16 (hébreu : Kerêfîm ; Septante : Kçr^a ; ',

Chars des Philistins. D’après Champoilion, Monuments de l’Egypte, pi. ccxx.

l’origine chamitique des Philistins n’en demeure pas moins établie par son témoignage.

Les documents égyptiens ont fourni de nouvelles lumières sur ce peuple. Le nom de Purusati donné par les Égyptiens aux Philistins porte à croire que c'était là leur nom national et qu’on ne doit pas en chercher l'étymologie, comme on l’a fait souvent jusqu'à nos jours, dans une racine sémitique. La manière dont ils sont représentés sur les monuments, leur costume, leur armure, leur type sont ceux que les documents égyptiens attribuent aux peuples de la côte méridionale de l’Asie Mineure et des îles de la mer Egée. W. M. Mûller, Asien und Europa, p. 312, 362. Les inscriptions égyptiennes appellent la côte méridionale de l’Asie Mineure Kefto et même Kptâr, W. M. Mûller, Die Urheimath der Philistâer, dans Stud. zur vorderas. Geschichte, 1900, p. 5 ; H. Sayce, The higher Criticism and the verdict of the Monuments, 2e édit., p. 13, et ce nùm rappelle le Caphtor biblique. De tout cela on peut conclure que les Phéniciens n'étaient pas de race sémitique, à rencontre de plusieurs savants, tels que SchwaÛey, Die Rasse der Philistâer, dans la Zeitschrift fur wissenschaftliche Théologie, 1891, p. 103-108. On a voulu, sans autre preuve qu’une coïncidence fortuite, expliquer le nom des Philistins dans le sens d' « émigrants », en le dérivant de la racine wbs, pis, « émigrer, » qui existe encore en éthiopien, mais cette étymologie suppose que c’est un nom qui leur a été donné par les habitants du pays où ils ont émigré et nous avons vu qu’il est probable que c’est au contraire leur nom primitif. II est vrai que les Septante, dans quelques - livres de l'Écriture, col. 286, ont traduit leur nom par àMoçuXoc, mais ce nom qu’on peut rendre par <c étrangers » n’est pas nécessairement la traduction du mot « Philistins ».

Vulgate : interfectores), on doit conclure qu’il y avait en effet des Philistins d’origine Cretoise et des Philistins venus d’autres contrées. Les découvertes de M. Arthur J. Evans en Crète ont montré' que cette île était un ancien foyer de civilisation très avancé. Evans, Cretan Pictograph and prse-Phœnician Script, in-8°, Londres, 1895 ; Id., The Mycenœan Ti-ee and Pillar EnltanditsMediten’anean Relations, with illustrations from récent Cretan ftnds, in-4°, Londres, 1901 ; Id., Theprehistoric Tombs of Knossos, in-4°, Londres, 1906. La présence de diverses tribus philistines dans la Séphéla s’explique facilement par l’arrivée successive dans cette contrée de divers émigrants qui se sont ensuite plus ou moins unis ou fondus ensemble par suite de la communauté d’intérêts. Les Céréthéens semblent avoir habité l’extrémité méridionale de la Palestine. I Reg. (Sam.), xxx, 14. Mais les détails nous font défaut sur l’histoire de ces diverses émigrations. Nous savons cependant qu’une des invasions principales eut lieu sous le règne du pharaon Ramsès III. Les monuments (fig. 69) de ce roi nous les montrent emmenant avec eux, sur des chars traînés par des bœufs, leurs femmes et leurs enfants. W. M. Mûller, Asien und Europa, p. 366.

On a essayé de faire des inductions sur l’origine des Philistins d’après leur langage. Malheureusement la langue que parlaient primitivement les Philistins ne nous est pas connue. On sait que le roi de Geth, du temps de David et de Salomon, s’appelait Achis (hébreu : 'Akis) ; les inscriptions assyriennes d’Asarhaddon et d’Assurbanipal nomment un Ikausu, roi d’Accaron, qui rappelle le nom d’Achis (cf. W. M. Mûller, Die Urheimath der Philister, dans Studien zur vorderasiatischen Geschichte, 1900, p. 9) ; un roi de Dor est nommé Bidir dans le papyrus Golénischeff, ibid., p. 37. On peut supposer que le titre de sêïén (seranîm) donné dans l’Écriture aux chefs des cinq principales villes des Philistins est un mot de leur langage primitif. Mais ces données sont trop maigres pour en tirer quelque conclusion sur la nature de leur langue originelle. Après leur arrivée en Palestine, ils semblent avoir adopté assez vite le langage du pays ; leurs noms dans l’Ancien Testament et dans les documents cunéiformes, sont pour la plupart sémitiques ou chananéens.

II. Géographie. — L’étendue du pays occupé par les Philistins n’a pas été la même aux diverses époques de leur histoire. Leur territoire, après l’occupation de la Terre Promise par les Hébreux, embrassait surtout la plaine maritime de la Sêphélah qui s’étendait d’Ascalon au nord jusqu’au désert de Gaza au sud et des possessions de la tribu de Juda à l’est à la mer Méditerranée à l’ouest. Jos., xiii, 2-3 ; I Reg. (Sam.), VI, 12 ; Is., IX, 42 (hébreu, II). C’était la Philistie propre. Les Grecs employaient ce nom, dont nous avons fait Palestine, dans un sens imprécis et il s’étendit peu à peu jusqu’au Jourdain. Reland, Palssstina, 1714, p. 38. Les Philistins, malgré les conquêtes qu’ils firent à diverses époques, demeurèrent toujours eux-mêmes renfermés dans leur territoire, qui comprenait cinq villes principales, leur servant de centre : Gaza, Azot, Ascalon, Geth et Accaron, I Reg. (Sam.), vi, 17 ; Jos., xiii, 3 ; Jer., xxv, 20 ; Soph., ii, 4-7, etc. (voir ces noms), et quelques autres bourgs ou villages fortifiés ou non murés, Jabné ou Jamnia, II Par., xxvi, 6 ; Siceleg, I Reg. (Sam.), xxvii, 5, et autres. Deut., ii, 23 ; I Reg. (Sam.), vi, 18.

La plaine de la Sêphélah est plate et unie, avec de légères ondulations ; suffisamment arrosée, fertile et presque partout cultivable. Voir Sêphélah. La côte, depuis le Carmel jusqu’à Gaza, formée de dunes et de collines de sablepeu élevées, ne possède pas de grands ports naturels. Les villes maritimes, Azot, Ascalon, Gaza, avaient de petits ports (y.a.iaiy.ïç), mais peu sûrs, et les Philistins ne purent jamais rivaliser pour leur commerce avec les Phéniciens. En revanche, la route qui longeait la mer avait une importance capitale pour les caravanes qui devaient passer à Gaza pour se rendre en Egypte, ou en Phénicie, et pour remonter en Syrie, en Babylonie et en Assyrie. Les conquérants égyptiens étaient obligés de suivre cette voie pour porter leurs armes au nord et sur les bords de l’Euphrate et du Tigre ; les rois de Ninive et de Babylone devaient faire de même, en sens contraire, pour soumettre la vallée du Nil. Les invasions égyptiennes dans l’Asie antérieure et les invasions babyloniennes en Egypte remontent à une antiquité reculée.

III. Organisation politique. — 1° Gouvernement. — Les Philistins étaient un peuple assez avancé en civilisation. Ils avaient une organisation supérieure à celle des tribus qui habitaient à leur arrivée la terre de Chanaan, et leur supériorité militaire les mit en état de s’établir avec solidité sur le territoire dont ils s’emparèrent. Voir W. M. Mûller, Asien und Europa, p. 364366.

Les Philistins avaient cinq seranîm ou chefs particuliers. On peut supposer que c’était parce qu’ils appartenaient à cinq tribus différentes d’origine. Toutes ces tribus avaient sans doute des liens de parenté et elles avaient pu être attirées, à la même époque ou à des époques différentes, par les besoins de l’émigration, sur la côte occidentale de la Palestine. Les Pulusati étaient peut-être venus les premiers, les Cérèthéens ensuite. Cf. W. M. Mûller, Die Chronologie der Philistereinwanderung, loc. cit., p. 30-42. — Le nom général de seranîm donné à leurs chefs leur est particulier et doit être un reste de leur langue primitive. Il n’est jamais employé qu’au pluriel. On n’en a pas encore découvert


d’étymologie satisfaisante. Les^ Septante [traduisent ce nom le plus souvent par atxzpinai, I Reg. (Sam.), v, 8, 11 ; vi, 4, 12, 16, 18 ; vii, 7 ; tuux, i, 6, T ; et carpoméia, Jos., xiii, 3 ; Jud., iii, 3 ; aussi par apxov-cs ; , Jud., xvi, 5, 8, 18, 23, 27, et par <jT ? xzrna(, I Par., xii, 19. La Vuhjate a repuli, Jos., xw, 3 ; sœtrœpctr, Jud., iii, 3 ; xrc, 8 ; I Reg., v, 8, 11 ; vi, 12, 16 ; vii, 7 ; XXIX, 2, 6, 7, principes, Jud., xvi, 5, 18, 23, 27 ; I Par., xii, Ç19 ; provinciss, I Reg., vi, 5, 18. Seranîm désigne donc certainement le chef de chacune des cinq grandes villes philistines, Gaza, Azot, Ascalon, Geth et Accaron. Jos., xiii, 3.

Ces chefs avaient tout à la fois une autorité militaire et civile. Ils avaient sous leurs ordres des sarîm ou commandants de troupes, I Reg. (Sam.), xviii, 30 (manque dans les Septante ; Vulgate : principes) ; xxix, 3 (o-arpàitac, trcpTtYiY oi ; principes), en temps de guerre. Les. textes parlent tantôt « des armées », IReg. (Sam.), xxiii, 3 ; xxix, 1, et tantôt « de l’armée », xxviii, 1. Chacun des seranîm avait sans doute ses troupes personnelles, cf. I Reg. (Sam.), xxviii, i ; xxix, 2, mais ils agissaient toujours ensemble et d’un commun accord. Leurs forces étaient divisées par groupes de mille, subdivisés en centaines. I Reg. (Sam.), xxix, 2. C’est tantôt le chef de Gaza, nommé le premier, Jos., xiii, 3 ; Amos, i, 6-7, tantôt le chef d’Azot, tantôt celui de Geth ou d’une autre des cinq villes qui paraît avoir été à la tête des Philistins. I Reg. (Sam.), v, 1 ; vi, 17 ; I Par., xx, 6. Chaque sére’n, gouvernait outre sa ville capitale, les dépendances du voisinage. I Par., xviii, 1 ; I Reg. (Sam.), v, 6| ; Jos., xv, 4547.

On ne sait si la dignité des seranîm était héréditaire ou élective et si le titre de roi, donné quelquefois aux chefs philistins, implique une fonction particulière. Ce n’est pas probable. Aucun des rois nommés dans l’Écriture ne régnait sur toutes les villes de la Philistie et ceux qui sont nommés dans les documents cunéiformes sont à la tête des villes où nous savons qu’il y avait des seranîm. Jer., xxv, 20 ; Zæh., ix, 5. La division du pays en cinq districts, qu’on retrouve dès le commencement, peut avoir été le résultat de la manière dont les émigrants avaient fait la conquête du pays, peut-être successivement. Leur politique semble avoir consisté surtout, dans leurs rapporls avec les Israélites, non pas à s’emparer de leur territoire, mais aies empêcher de former un tout compact dont ils auraient eu à redouter la puissance. Dés que les Israélites veulent s’unifier sous Héli et Samuel, il les attaquent. I Reg. (Sam.), vii, 7 ; de même du temps de Saul, xin-xrv ; quand David ne règne que sur le sud de la Palestine, ils le laissent en paix ; dés que les douze tribus se soumettent à lui, ils lui font la guerre. II Reg., v, 17. Pour dominer plus sûrement les Israélites, au moment où ils faisaient effort pour s’unir entre eux, les Philistins leur imposèrent le désarmement et leur interdirent la fabrication des armes, au commencement du règne de Saûl.

I Reg. (Sam.), xiii, 19-23. La supériorité de leur organisation militaire les mettait d’ailleurs en état d’imposer leur volonté à leurs voisins.

2° L’armée philistine. — Les Philistins se distinguaient par leur valeur guerrière. On comptait parmi eux des soldats redoutables, surtout par leur force exceptionnelle. Voir Goliath, t. iii, col. 268. L’histoire de David, II Reg. (Sam.), xv, 18, 19, 22, et ce qui nous est raconté des Cérèthéens et des Phélétiens (voir ces mots), attestent qu’ils avaient le goût des armes et qu’ils en faisaient métier. Ils étaient divisés et groupés d’une manière régulière, I Reg., xxix, 2, armés de l’arc, xxxi, 3 ; I Par., x, 3, mais ce qui faisait surtout leur force et mettait Israël dans l’impossibilité de leur résister en plaine, c’étaient leurs chars. I Reg. (Sam.), xiii, 5 ;

II Reg. (Sam.), i, 6 ; cf. Jud., i, 19. Leurs fantassins avaient des armes défensives comme des armes offensives, le bouclier, le casque, la cuirasse, l’arc, la lance,

V. - 10

la pique et l’épée large et courte (fig. 69). 1 Reg., xvii, 5-7. Ils étaient aussi marins et l’histoire enregistre quelques-unes de leurs campagnes navales. Des navires partis d’Ascalon, au commencement de leur séjour dans la Séphélah, battirent les vaisseaux de Sidon et saccagèrent la ville pendant les pre mières années du XIIe siècle avant notre ère. Justin, XVIII, iii, 5. Les monuments de Ramsès III nous ont conservé la forme de leurs navires (voir iig. 230, t. iv, col. 861) et aussi le souvenir de leur défaite par ce pharaon qui les battit sur terre et sur mer avec leurs confédérés. Soit que cette défaite eût ralenti leur ardeur, soit surtout qu’ils trouvassent plus de profit, avec moins de danger, à rester tranquilles dans leur riche plaine, et à se contenter du commerce intérieur ou côtier, ils semblent avoir renoncé, d’ailleurs d’assez bonne heure, aux expéditions aventureuses sur mer.

3° Agriculture et commerce. — Les Philistins, tout en s’exerçant à la guerre, ne négligeaient pas l’agriculture, lis cultivaient le blé, dans leur riche plaine de la Séphélah, qui l’a toujours produit en abondance. Jud., xv, 5 ; cf. IV Reg., viii, 2. Ils s’adonnaient aussi sans doute au commerce, la situation de leur territoire, comme nous l’avons vu col. 289, le rendait un lieu de passage pour les caravanes qui trafiquaient entre l’Éypte et les pays asiatiques et ils devaient mettre à profit cette circonstance si avantageuse.

4° Religion. — En s’établissant sur la côte occidentale de la Méditerranée, les Philistins y apportèrent avec eux la religion de leurs pères. Le culte de Dagon, Jud., xvi, 23 ; I Reg. (Sam.), v, 2 ; I Par., x, 10 ; IMach., x, 84 ; xi, 4 ; voir Dagon, t. ii, col. 1204, et celui de Béelzébub, IV Reg., i, 2, 3, 6, 16 ; voir Béelzébub, t. i, col. 1547, leur était propre, comme celui de Derkéto, connu par Diodore de Sicile, ii, 4 (fig. 70). Mais selon la coutume de la plupart des anciens peuples, à leur culte national ils durent joindre dans la Séphélah le culte des dieux déjà adorés dans le pays. Peut-être Astoreth ou les Astarthés furent-elles du nombre des divinités adoptées ; peut-être aussi vénéraient-ils déjà ces déesses, compagnes de leurs dieux, avant leur émigration. I Reg. (Sam.), xxxi, 10 ; Hérodote, i, 105. Ils avaient des temples consacrés à Dagon et l’on y vénérait sa statue, I Reg., v, 2-5 ; xxxi, 9-10 ; I Par., x, 10 ; I Mach., x, 83-84 ; on lui offrait des sacrifices zébah, . Jud., xvi, 2-3. Des prêtres, kohànîm, étaient voués à son culte. I Reg. (Sam.), vi, 2. On lui demandait conseil dans les circonstances difficiles. I Reg. (Sam.), iii, 2. On consultait aussi les devins (gôsmim ; Vulgate : divini), qui paraissent avoir joui d’un grand crédit, vi, 2. Leurs’ônenim (Vulgate : augures) étaient renommés. Is., n, 6. Les Philistins avaient une coutume religieuse singulière à Azot. À la suite de la chute de la statue de Dagon, dans le temple fameux de cette ville, quand l’arche y avait été déposée, ils ne marchaient pas sur le seuil de la porte, mais le franchissaient d’un bond.

I Reg. (Sam.), v, 4. Cf. Soph., i, 9. Ils emportaient avec eux dans leurs guerres les statues de leurs dieux Çâsabêhém ; Septante : Uoi ; Vulgate : sculptilia sua).

II Reg. (Sam.), v, 21. Voir Idole, 20°, t. iii, col. 821. Ils attribuaient leurs victoires à la protection de leurs divinités et consacraient leurs trophées dans leurs temples. I Reg. (Sam.), v, 1-2 ; xxxi, 9. Ils ne pratiquaient pas la circoncision, ce qui les distinguait des autres habitants de la Palestine et des Égyptiens, et les faisait mépriser par les Israélites qui les appelaient avec dédain « incirconcis ». Jud., XIV, 3 ; xv, 18 ; I Reg. (Sam.), xiv, 6 ; xvii, 26, 36 ; xxxi, 4 ; II Reg. (Sam.), i, 20.

IV. Histoire. — 1° Avant l’établissement des Israé 70, — Derkéto

Calcédoine

gravée du

Musée’du

Louvre.

lites en Palestine. — Nous ne savons rien de l’histoire des Philistins avant leur arrivée en Palestine. Nous ignorons aussi l’époque de cette arrivée. Du temps d’Abraham, il y avait déjà des Philistins (Palœstini dans la Vulgate) dans la terre de Chanaan, Gen., xxi, 33, 34, mais ils paraissent avoir habité alors plus au sud que les émigrants du même nom qui s’établirent plus tard dans la Séphélah. Ils avaient â leur tête un chef qui portait le titre de roi, mélék, et s’appelait Abimélech. Il demeurait à Gérare, Gen., xxxvi, 1, an sud de Gaza. Sur les rapports du roi de Géràre avec Abraham et Isaac, voir Abimélech, 1. 1, col. 53, 54, et Gérabe, t. iii, col. 200. Il faut observer que quelques savants ne croient pas qu’Abimélech fût un véritable Philistin ; ils supposent que le titre de « roi des Philistins i> lui est attribué, non pas parce qu’il était de leur race, mais parce qu’il habitait dans la contrée qui reçut plus tard le nom de Philistie. Quoi qu’il en soit, tout le monde admet que des Philistins étaient en possession de la Séphélah du temps de Moïse, et les Israélites, sur l’ordre de Dieu, évitèrent de se rendre dans la Terre Promise, « par le chemin du pays des Philistins, » quoiqu’il fût le plus court, parce qu’ils n’étaient pas capables de forcer le passage et de lutter contre des hommes aguerris tels que les habitants du pays. Exod., xiii, 17. Les Caphtorim (Philistins) avaient déjà chassé auparavant les llévéens de Gaza, à une époque de date inconnue. Deut., n, 23.

L’histoire antérieure du pays ne nous est connue que très imparfaitement et d’une manière tout à fait fragmentaire, an moyen des rares renseignements épars dans les documents cunéiformes et hiéroglyphiques. Depuis longtemps déjà les plaines qui s’étendent sur le rivage occidental de la Méditerranée avaient été témoins des grands conflits qui avaient mis aux prises l’Afrique septentrionale avec l’Asie occidentale.

Les lettres de Tell el-Amarna fournissent la preuve qu’antérieurement au xve siècle avant notre ère la civilisation babylonienne et probablement sa domination s’étaient implantées sur la côte palestinienne et dans toute la Palestine. Sous la xviii » dynastie égyptienne, le pays de Chanaan faisait partie de l’empire pharaonique sous le nom de Haru. Les noms des villes philistines et de nombreuses villes palestiniennes reviennent constamment dans les lettres de Tell el-Amama, Gaza, Ascalon, Joppé, Lachis, Geth, Gazer, Aïalon, Jérusalem, etc. Thothmès III, Séti I er, Ramsès II, Ménephtah avaient cherché à s’assurer la possession du pays et entretenu des soldats à Gaza. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, ¥ édit., 1884, p. 313 ; H. Brugscb, Geschichte Aegyptens, 1877, p. 529, 581. Ramsès II fit le siège d’Ascalon. Il nous en a laissé la représentation sur les murs du grand temple de Karnak, voir t. i, fig. 286, col. 1061, et elle nous montre que les Philistins n’y étaient pas encore établis ; du moins les hommes que combat le pharaon ne ressemblent-ils en aucune façon à ceux que va nous faire connaître Ramsès III. — C’est du temps de ce derner roi qu’eut lieu la plus grande invasion philistine. Ramsès III nous a conservé sur les bas-reliefs de Médinet-Abou les principaux épisodes de la grande campagne que les Pwlv.satietd’autres peuples de la mer entreprirent contre l’Egypte sous son règne. Le texte qui accompagne les tableaux de la guerre est peu explicite et très incomplet, mais nous voyons par l’ensemble que les confédérés furent battus sur terre (fig. 71) et sur mer (voir col. 291), et il leur fit des prisonniers (fig. 72). Néanmoins pour se débarrasser d’eux, le roi d’Egypte leur fit des concessions et il accorda aux Pulusati la plaine de la Séphélah pour s’y établir. Les nouveaux venus trouvèrent des émigrants déjà établis dans le pays ; , ils s’unirent à eux et apportèrent aux anciens occupants un accroissement de force considérable dont les

conséquence ne tardèrent pas à se faire sentir pour les Israélites.

2° Histoire des Philistins depuis l’époque de Josué jusqu’au règne de Saül — Lorsque les douze tribus avaientconquis la Terre Promise, elles avaient dû renoncer à s’emparer de la plaine des Philistins, n’étant ni assez fortes ni assez bien armées pour en chasser les possesseurs. Cette plaine faisait partie de leur héritage, Jos., xv, 4, 45-47, mais au moment du partage du pays

le gouvernement d’Héli que les Philistins commencèrent à attaquer, et de façon redoutable, les Israélites dont ils furent dès lors les ennemis acharnés pendant des siècles. Ils avaient peu redouté les descendants de Jacob, tant que ceux-ci étaient restés divisés en tribus séparées et indépendantes, mais quand elles travaillèrent à former un seul peuple uni et fort, dont la cohésion devenait un péril pour les habitants de la Séphélah, les Philistins les combattirent avec acharnement. Ils remportèrent

71. — Pulusati battus sur terre par le pharaon Ramsès III. Bas-relief de Médinet-Abou. D’après Champollion, Monuments de l’Egypte, pi. 120.

elle n’était pas encore entre leurs mains. Jos., xiii, 2-3 ; Jud., iii, 3. La tribu de Juda, à qui elle avait été attribuée, fit quelques tentatives pour s’y établir, et remporta quelques succès contre Gaza, Ascalon et Accaron, Jud., i, 18, mais elle ne put s’y maintenir. Les Philistins, qui ne se sentaient pas sans doute encore assez forts à cette époque, ne semblent d’ailleurs avoir rien fait en ce moment pour s’opposer à l’établissement des Israélites dans la terre de Chanaan. Ils eurent même d’abord des relations de bon voisinage, Jud., xiv, 1, 7, 10, 11. Ce ne fut que lorsque l’arrivée de nouveaux émigrants du temps de Ramsès III eut augmenté leur puissance, qu’ils se mirent à harceler les Hébreux. Jud., x, 6, 7, 11. Samgar frappa six cents d’entre eux. Jud., iii, 31. Samson eut à lutter contre eux pendant toute sa vie. Jud., xiv-xvi. Voir Samson. Mais ce fut surtout sous

contre Israël d’éclatantes victoires à Aphec à la fin de la judicature d’Héli et s’emparèrent de l’arche sainte. I Reg. (Sam.), iv, 1-11. Voir Aphec 3, t. i, col. 728 ; Arche d’allia.nce, 1. 1, col. 920. Les châtiments divins obligèrent les vainqueurs à renvoyer l’arche à Israël. 1 Reg. (Sam.), v-vi. Samuel ayant succédé à Héli comme juge d’Israël rassembla tout le peuple à Masphath. Les Philistins en prirent ombrage et marchèrent de nouveau en armes contre eux, mais cette fois, ils furent battus à Ében-Ézer (La Pierre du Secours). Le succès des Israélites fut tel qu’ils recouvrèrent les places qu’ils avaient perdues et que leurs ennemis les laissèrent en paix jusqu’à l’avènement de Saûl, vii, 5-13.

3° Guerres des Philistins contre Saûl. — L’élection d’un roi qui réunit sous son pouvoir les douzetribos d’Israël était propre à inspirer des inquiétudes anx

Philistins pour leur indépendance. C'était spécialement contre eux que la royauté avait été établie, viii, 20. Aussi luttèrent-ils avec acharnement contre Saül pendant toute sa vie et ne furent-ils satisfaits qu’après avoir anéanti sa puissance à Gelboé et l’avoir réduit à se donner la mort. Pendant cette longue guerre 'qui dura tout le règne de Saûl, c’est-à-dire pendant quarante ans, il y eut des deux côtés alternatives de succès et de revers, mais, quoique Saül eût fait de grands efforts pour former une armée, les Philistins furent le plus souvent vainqueurs. Saül entreprit d’abord de les chasser des environs de sa ville natale, Gabaa, qui lui servait de résidence et où ses ennemis s'étaient établis, x, 5 ; xii, 9 ; ira, 3. Grâce à la bravoure de Jonathas, fils aine de Saûl, les Philistins furent battus à Gabaa, et Saül appela aus la tribu de Juda et campèrent à Éphès Dommim, entre Socho et Azéca. Saûl, pour les arrêter, se porta ayèc son armée dans la vallée duTérébinthe, à une vingtaine de kilomètres au sud-ouest de Jérusalem. Là le géant Goliath défia les Israélites. Le jeune David releva le défi, le tua. et entraîna ainsi la défaite de toute l’armée philistine, xvii. Voir Goliath, t. iii, col. 268. Les Israélites poursuivirent leurs ennemis jusqu'à Geth et à Âccaron, mais ils les laissèrent en paix dans leur territoire, xviii. David put se réfugier chez Àehis, le roi de Geth, pendant la persécution de Saül et il y fut, ainsi qu’ensuite à Siceleg, à l’abri des poursuites de son ennemi, xxi, 10-15 ; xxvii. La paix n'était pas cependant établie entre Israël et la Philistie. Il y avait sans doute de temps en temps des incidents de fron 72. — Pulusati prisonniers deTtarnsèsYn. "Bas-iëùeft aeTftéHma-ïù » ^.^^Vv^%^^'3j « $sâR..

sitôt tout le peuple à prendre les armes contre les Philistins, XHI, 2-4. Ces derniers né perdirent pas de temps pour répondre à ces menaces. Avec trois mille chars (nombre marqué par une note de la Massore, quoique le texte porte trente mille, chiffre trop élevé, par erreur, et en contradiction avec le chiffre suivant qui porte six mille cavaliers, c’est-à-dire six mille soldats montés sur des chars) et de nombreux fantassins, ils allèrent camper à Machmas et remplirent de terreur les Israélites qui coururent en foule se cacher dans les environs et même se réfugier au delà du Jourdain, xiii, 57. Cependant les Philistins, après qu’un de leurs avantpostes eût été battu par la vaillance de Jonathas et eût porté la frayeur dans tout leur camp, furent défaits depuis Machmas jusqu'à Aîalon, xiii, 16-xiv, 21.

Ce ne fut qu’au bout de plus de vingt ans que les Philistins purent reprendre l’offensive. Saûl, après sa victoire, avait aussi battu les Amalécites, mais à cause de sa désobéissance aux ordres de Dieu, ' il avait été rejeté et David avait été sacré secrètement à sa place. Ce dernier événement Venait de s’accomplir, lorsque les Philistins rassemblèrent leurs troupes à Socho dans

tière et des escarmouches comme dans l'épisode de Céilah, xxiii, 1-5, mais ce ne fut qu'à la lin du régne de Saül que la guerre entre les deux peuples recommença avec violence. Cette fois le théâtre de la bataille fut le nord de la Palestine, à l’extrémité occidentale de la plaine d’Esdrelon. Les Philistins avaient-ils été attirés en cet endroit par le désir de faire une razzia fructueuse dans la riche plaine, comme autrefois les Madianites au temps de Gédéon, ou par l’espoir d’y battre plus facilement les ennemis en terrain plat avec le secours de leurs chars, ou pour couper en deux le territoire du royaume et en briser la force, on est réduit aux conjectures. Quoi qu’il en soit, Saül avait cherché à se protéger contre eux en s’adossant au. mont Gelboé, tandis que les Philistins campaient à Sunam, mais ce fut en vain, la défaite d’Israël fut complète, Saül et Jonathas périrent dans la bataille, les vainqueurs s’emparèrent des villes qu’abandonnèrent leurs habitants et pénétrèrent jusgu’au delà du Jourdain, xxviii, 1xxix, 1-2 ; xxxi, 1-10. Si les Philistins avaient voulu diviser les douze tribus pour briser leur force, ils avaient pleinement réussi. Les luttes intestines qu’a

mena Ja mort de Saül ne pouvaient que îorliBer)a suprématie des Philistins. Ils cherchèrent à la maintenir en attaquant David sans retard.

4° Du règne de David à celui d’Achaz. — Dès que David eut été reconnu comme roi par les douze tribus et que l’unité du royaume eut été ainsi reconstituée, ils s’avancèrent en armes dans la vallée de Raphaïm au sud-ouest de Jérusalem et établirent même un poste à Bethléhem. I Par., XI, 16. Les Israélites réunis pouvaient lutter avantageusement contre eux, et avec un chef comme David, ils battirent deux fois leurs ennemis à Raphaïm et, dans la seconde rencontre, les poursuivirent depuis Gabaa jusqu’à Gézer. II Reg. (Sam.), v, 17-25 ; I Par., xiv, 8-16.

Sept ans plus tard environ, la situation des belligérants était tellement changée que ce fut David qui prit l’offensive et s’empara de Geth. I Par., xviii, 1. La puissance des Philistins était désormais brisée. L’Écriture mentionne encore quatre combats contre les Philistins, qui eurent lieu vers la fin du règne de David ou à des dates inconnues, II Reg. (Sam.), xxi, 15-22, mais ils furent sans grande importance et servirent surtout à faire éclater la bravoure de quelques-uns des soldats d’Israël.

Sous le règne de Salomon, les villes philistines, en conservant leur autonomie, III Reg., ii, 39, lui payèrent sans doute tribut, III Reg., iv, 21, 24 ; II Par., ix, 26, mais le schisme des dix tribus leur permit de relever la tête. Roboam pour les arrêter fortifia contre eux Geth et les villes limitrophes de leur territoire. II Par., XI, 8. Ils réussirent à prendre Gebbéthon et à s’y établir. Cette place commandait les défilés qui menaient delà plaine de Saron à Samarie. Voir Gebbéthon, t. iii, col. 142. Les rois d’Israël Nadab et Baasa firent donc de longs efforts pour la leur reprendre. III Reg., xv, 27 ; xvi, 15, 17. Du temps de Josaphat, roi de Juda, quelques Philistins lui payaient encore tribut, II Par., xvii, 11, mais sous son fils Joram, s’étant joints à des pillards arabes, ils saccagèrent le palais du roi, XXI, 16-17. Du temps de Joas, Hazaèl, roi de Damas, prit la ville de Geth. IV Reg., xii, 17. Les Philistins parvinrent sans doute à la reprendre après son départ, car Ozias, en leur faisant la guerre, détruisit les murs de cette ville avec ceux de Jamnia et d’Azot. II Par., xxvi, 6. Cf. Amos, vi, 2. La haine des habitants de la Séphélah contre les Israélites s’en augmentait toujours. Nous apprenons par les prophètes, Joël, iii, 4-6 ; A, mos, i, 6-10, que, unis aux lduméens et aux Phéniciens, ils avaient fait la traite des esclaves et vendu les Juifs dont ils s’étaient emparés. Pendant le règne d’Achaz, ils mirent à profit les embarras que les lduméens et les Syriens causaient à ce roi pour s’emparer des villes de Juda qui étaient dans leur voisinage. II Par., xxviii, 18. Cf. Is., ix, 11. Mais le moment approchait où les habitants de la Séphélah allaient avoir affaire à des ennemis plus redoutables que Juda, aux Assyriens, selon la prophétie d’Isaïe, xiv, 28-31. Ils avaient eu déjà à souffrir de leur part lors de leurs premières invasions contre le royaume du nord de la Palestine.

5° Les Philistins aux prises avec les Assyriens. — Le pays des Philistins avait été soumis au tribut par les rois d’Assyrie en même temps qu’Israël et l’Idumée par Rammannirar III. Téglathphalasar III comptait, vers 734, parmi ses vassaux, Mitinti d’Ascalon et Hanon de Gaza, qui avaient pris part avec Rasin de Damas et Phacée d’Israël à la révolte contre Ninive (734-732). Rukipti succéda à son père Mitinli comme roi d’Ascalon et fit sans doute sa soumission au roi d’Assyrie. A l’approche des Assyriens, Hanon de Gaza s’enfuit en Egypte, et sa capitale fut prise et pillée. Après le départ des vainqueurs, il y revint, et en 720 nous le trouvons parmi les alliés de Sô ou Sévé, le Schabak égyptien, qui avait promis son appui à Osée d’Israël,

IV JReg., xvir, é, mais ne l’avait pas sauvé. Il fut battu et fait prisonnier à Raphia par Sargon, le vainqueur de Samarie. Sargon déposa aussi Azuri, roi d’Azot, et le remplaça par son frère Ahimiti ; mais quand Sargon se fut éloigné, les habitants d’Azot chassèrent Ahimiti et le remplacèrent par Yamani. Le roi de Ninive marcha en 7Il contre les rebelles et s’empara d’Azot, Is., XX, 1, de Geth, etc., déporta les habitants du pays, les remplaça par des colons qu’il fit venir de l’est de l’Assyrie et les plaça sous le gouvernement d’un Assyrien. Ce fut pour peu de temps. Sous le règne de Sennachérib, Mitinti d’Azot figure parmi les tributaires de Sennachérib. Ezéchias, qui avait secoué le joug des Assyriens, avait battu les Philistins, IV Reg., xviii, 8, et les avait entraînés en partie dans sa révolte.

Quand Sennachérib porta la guerre en Palestine, Sidqa d’Ascalon, l’un des chefs philistins, fut défait par ce roi et envoyé captif en Assyrie ; Sarludari, fils d’un ancien roi d’Ascalon, fut mis sur le trône à sa place. Le roi d’Accaron, Padi, avait refusé de se révolter contre le roi de Ninive. Ses sujets l’avaient saisi et envoyé captif à Ezéchias roi de Juda. Sennachérib obligea le roi de Juda à le lui rendre et le rétablit sur le trône. Il saccagea en même temps plusieurs villes des Philistins. Depuis lors ces derniers semblent être restés fidèles aux Assyriens. Asarhaddon et Assurbanipal énumèrent parmi leurs tributaires Silbel de Gaza, Mitinti d’Ascalon, Ikausu d’Accaron, Ahimilki d’Azot. Quand l’Egypte voulut secouer le joug de l’Assyrie sous le règne de Tharaka, les Philistins restèrent fidèles aux Assyriens. Hérodote, ii, 157, raconte que le roi d’Egypte Psammétique assiégea Azot pendant 29 ans. Cf. Jer., xxv, 20. Le temple d’Ascalon, dédié à « Aphrodite Urania », dit Hérodote, i, 105, fut pillé par les Scythes.

6° Les Philistins tributaires des Chaldéens et des Perses. — Après la chute de l’empire assyrien, lorsque Néchao II porta la guerre sur l’Euphrate (608), il prit Gaza à son passage. Hérodote, ii, 159. Sa défaite à Carchamis ne tarda pas à amener Nabuchodonosor en Egypte et il semhle n’avoir rencontré aucune résistance dans le pays des Philistins, fort maltraité pendant toutes ces guerres. Soph., ii, 4-7 ; Jer., xvii, 1-7 ; Ezech., xxv, 15-17. Nabonide fit lever des tributs jusqu’à Gaza pour la construction du grand temple de Sin à Harran. Keilinschriftliehe Bibliotheh, t. iii, 2, p. 98.

Lorsque Babylone fut tombée au pouvoir des Perses et que Cambyse marcha contre l’Egypte, Gaza fut la seule ville philistine qui s’opposa à son passage, Polybe, xvi, 40. Quand Darius organisa son empire, les Philistins, avec la Palestine, firent partie de la cinquième satrapie. Hérodote, iii, 91. Ils fournirent leur contingent à la flotte de Xerxès. Hérodote, vii, 89. Pendant quelque temps, Ascalon paraît avoir été soumise à Tyr, du moins, Scylax, dans son Périple, l’appelle « une ville tyrienne. » Geographi min., édit. Didot, t. i, p. 79. Gaza jouit alors d’une grande prospérité. Hérodote, iii, 15. On ne sait rien de précis sur les villes philistines pendant les dernières années de la monarchie perse. Mais le livre deNéhémie, IIEsd., xiii, 23-24, nous apprend que, de son temps, la communauté de malheurs ayanl atténué sans doute la haine qui divisait Philistins et Israélites, plusieurs Juifs avaient épousé des femmes philistines, originaires d’Azot, qui avaient appris à leurs enfants à parler la langue de cetle ville, de sorte qu’ils ne connaissaient même pas la langue juive.

7° Les Philistins à l’époque des Lagides et des Séleucides. — Sous Alexandre le Grand et ses successeurs, la Philistie soutint de fréquentes guerres. Alexandre assiégea Gaza, qui lui refusait le passage, quand il se rendait de Tyr en Egypte, et la traita durement (332). Diodore de Sicile, XVII, xlviii, 7 ; Arrien, ii, 265 ; Q. Curce, iv, 67. — Après sa mort, la Syrie échut à

Laomédon. En 320, Ptolémée I er s’empara de Gaza et de Joppé. Antigone les prit en 315. Ptolémée les reprit en 315, Diodore de Sicile, xix, 80, mais il en fut chassé l’automne suivant par Démétrius et Antigone. Diodore, xix, 93. Ptolémée fit une nouvelle tentative en 302 et elle fut en partie couronnée de succès. La Philistie resta à ses successeurs, Antiochus le Grand, en 219, entreprit de la reprendre. Il s’empara de Gaza et c’est dans cette ville, en 218, qu’il prépara l’invasion de l’Egypte. Une grande bataille fut livrée à Raphia en 217, le roi de Syrie fut battu et Ptolémée recouvra les villes philistines. Polybe, v, 82-86. Un nouvel effort d’Antiochus en 201 le rendit maître de Gaza, les Égyptiens furent battus à Phanéion en 200 et toute la Syrie tomba ainsi au pouvoir des Séleucides.

La domination des successeurs d’Alexandre contribua beaucoup à la diffusion de la civilisation grecque en Philistie. Déjà auparavant, sous les rois perses, les rapports commerciaux des Philistins avec les Grecs avaient introduit dans les villes philistines des monnaies du type athénien. E. Schùrer, Geschichte desjûd. Volhes im Zeitalt. J. C, 3e édit., t. ii, 1898, p. 84 ; E. Babelon, Les Perses Achéménides, 1893, p. lv-lxiv, 47-52, pi. vin. Sous les Séleucides, on se mit à parler grec, on donna aux dieux les noms des dieux grecs, on imita les institutions grecques. Antiochus Épiphane, qui chercha à helléniser les Juifs, ne dutéprouver aucune difficulté à établir les mœurs grecques dans la Séphélah.

8° Histoire des Philistins à l’époque des Machabées. Leur assujettissement par les Romains. — 1. Du temps des Machabées, les Syriens eurent d’ordinaire les Philistins comme auxiliaires dans leur lutte contre les Juifs ; ils en avaient dans leurs armées, ils partaient souvent de la Séphëlah pour attaquer les fils de Mathatias ; les Philistins achetaient comme esclaves les prisonniers juifs. I Mach., iii, 41. Les Hasmonéens eurent ainsi souvent à les combattre. Judas Machabée prit Azot et la pilla. I Mæh., v, 68. Bacchide fut obligé, pour éviter ces incursions, de fortifier Emmaûs, Béthoron, Thamnatha, Pharathon, Gézer.I Mach., IX, 50-52. Jonathas, ayant pris le parti d’Alexandre Balas contre Démétrius, essaya en 147 de s’emparer de Joppé, mais sans succès ; il battit cependant Apollonius près d’Azot et brûla le temple de Dagon. I Mach., x, 75-85 ; cf. xi, 4. Ascalon lui ouvrit ses portes. I Mach., x, 86. Il reçut en don Accaron d’Alexandre Balas. I Mach., x, 89. Plus tard, Jonathas soumit Ascalon et obligea Gaza à traiter avec lui (145-143). I Mach., xi, 60-62. Simon Machabée prit à son tour Joppé et y établit ensuite des Juifs, ainsi qu’à Gaza. I Mach., xii, 33 ; xii, 11, 43-48. Jean Hyrcan semble avoir perdu ces villes qui lui furent enlevées par Antiochus Sidètes, mais ce dernier dut les lui rendre à cause de l’intervention de Rome. Alexandre Jannée se rendit maître de Raphia, d’Anthédon et de Gaza. Josèphe, Ant. jud., XIII, xiii, 3 ; Bel. jud., i, iv, 2. — 2. Pompée rendit leur autonomie aux villes philistines, mais il les incorpora dans la province de Syrie (63 avant J. C). Josèphe, Bell, jud., i, vii, 7. Gabinius (57-55 avant J. C.) rebâtit les villes détruites ou maltraitées par les Juifs. Josèphe, Ant. jud., XIII, xiv, 53 ; Bell, jud ; I, viii, 4. César rendit Joppé aux Juifs. Ant. jud., XIV, x, 6. Antoine donna à Cléopâtre toute la côte de la Méditerranée depuis 1’n.gypte jusqu’au fleuve Éleuthère, à l’exception de Tyr et de Sidon (36 avant J. C.). Plutarque, Anton., 36 ; Josèphe, Bell, jud., i, xviii, 5. Auguste (30 avant J. C.) donna à Hérode Gaza, Anthédon, Joppé et la tour de Straton dont Hérode fit Césarée. — 3. Quand le royaume d’Hérode fut divisé, Gaza fut sous la dépendance directe du gouverneur de Syrie ; il en fut de même pour Joppé et Césarée à la déposition d’Archélaûs (6 de notre ère). Azot et Jamnia furent données à Salomé ; leurs revenus, après la mort de Salomé, furent attribués à l’impératrice Livie et plus tard à Ti bère. Josèphe, Ant. jud., XVII, xi, 4-5 ; XVIII, ii, 2 ; vi, 3 ; Bell, jud., II, vi, 3 ; ix, 1 ; E. Sçhurer, Gesch. desjûd. Volkes im Zeitalt. J. C, 3e édit., t. ii, 1898, p. 78. — Pendant toutes ces révolutions, Ascalon conserva ses franchises, conquises en 104 avant J. C. — 4. En 66 de notre ère, au commencement de la révolte des Juifs contre Rome, les Juifs de Césarée furent égorgés par les autres habitants de la ville, avec la connivence du procurateur Gessius Florus. Des massacres eurent lieu aussi à Ascalon. Josèphe, Bell, jud., II, xviii, 5. Les Juifs révoltés brûlèrent de leur côté Ascalon, détruisirent Anthédon et Gaza. Bell, jud., II, xviii, 1. Cestius Gallus prit Joppé et en massacra la population juive, mais les Juifs la reprirent et s’y tinrent jusqu’à ce qu’elle fût détruite par Vespasien. Bell, jud., II, xviii, 10 ; xx, 4 ; III, IX, 2. Ainsi s’était accomplie peu à peu la ruine de la Philistie. Cf. Zach., x, 5-7. Le nom des Philistins n’apparaît plus dans le Nouveau Testament.

V. Bibliographie. — Frisch, Le origine, diis et terra Palœstinorum, Tubingue, 1696 ; VVolf, Apparatus Philistseorum bellicorum, Wittenberg, 1711 ; F. Hitzig, Vrgeschichte und Mythologie der Philistàer, Leipzig, 1845 ; Bertheau, Zur Geschichte der lsrealiten, Gœttingue, 1842, p. 186-200, 280-285, 306-308 ; G. Bour, Der Prophet Amos, Giessen, 1847, p. 76-94 ; fûiobel, Die Vôlkertafel der Genesis, Giessen, 1850, p. 215-225 ; Fr. W. Schultz, dans Herzog, Real-Encyklopàdie, 2° édit., t. xi, 1883, p. 618-636 ; Kneucker, dans Schenkel, Bibel-Lexicon, t. iv, 1872, p. 541-559 ; Ritter, Erdkunde, t. xvii, Berlin, 1852, p. 168-192 ; Stark, Gaza und die philistàische Kûste, Iéna, 1852 ; Hanneker, Die Philistâea, Eichslâdt, 1872 ; V. Guérin, Judée, t. ii, 1869, p. 45-51 ; Schwally, Die Rasse der Philistàer, dans Hilgenfeld, Zeitschrift fur wissenschaftliche Théologie, t. xxxiv, 1890, p. 103, 265 ; W. M. Mûller, Asien und Europa nach altàgyptischen Denkmâlern, 1893, p. 386-390.

F. Vigouroux.

    1. PHILOLOGUE##

PHILOLOGUE (grec : 3>[X6Xoyoç)ï chrétien de Rome, salué par saint Paul. Rom., xvi, 15. Ce nom était commun parmi les esclaves et les affranchis de la maison impériale. Corpus inscript, lat., t. vi, 4116 ; Pape, Wôrterbuch der griechischen Eigennamen, 3e édit., t. ii, coi. 1626. Origène suppose qu’il pouvait être le mari de Julie, nommée avec lui. Voir Julie, t. iii, col. 1866. Le pseudo-Dorothée. De septuaginta discip., 41, Patr. Gr., t. xiii, col. 1063, dit qu’il était un des soixante-dix disciples et que saint André le fit évêque de Sinope dans le Pont, Cf. Pseudo-Hippolyte, De septuaginta Apostolis, 41, t. x, col. 955, qui répète les mêmes choses. On célèbre sa fête le 4 novembre. Voir Acta sanctorum, novembris t. ii, 1894, p. 222-224.

    1. PHILOMÉTOR##

PHILOMÉTOR, « aimant sa mère, » surnom donné par antiphrase à Ptolémée VI, roi d’Egypte, qui détestait sa mère. II Mach., iv, 21 ; ix, 29 ; x, 13. Voir Ptolémée VI.

    1. PHILON##

PHILON, écrivain juif, contemporain de Jésus-Christ.

I. Sa vie. — On n’a que fort peu de renseignements sur la vie de Philon. D’après Josèphe, Ant. jud., XVIII, vin, 1 ; cf. Eusèbe, H. E., ii, 4, t. xx, col. 148, il appartenait à une famille distinguée ; son frère Alexandre (ou plutôt le fils de son frère, Ewald, Geschichte des Volkes Isræls, 3e édit., Gœttingue, 1868, t. vi, p. 259) exerçait en Egypte les fonctions d’alabarque, probablement de fermier général des impôts sur la rive droite du Nil, fonctions qui furent plusieurs fois confiées à de riches Juifs. Saint Jérôme, De vir. ill., 11, t. xxiii, col. 625, dit que Philon était de famille sacerdotale ; mais cette indication ne trouve sa confirmation chez aucun historien, pas même chez Eusèbe, et les écrits de Philon ne font aucune allusion à ce point. Ils sont d’ailleurs très sobres

de détails concernant leur auteur. Celui-ci y mentionne seulement ses fréquentes retraites dans le désert pour y jouir de la comtémplation, sans un grand résultat, Leg. allegor., ii, 21, édit. Mangey, t. i, p. 81 ; la part qu’il prenait aux festins des fêtes, Leg. allegor., iii, 53, t. i, p. 118 ; le soin avec lequel il s’adonnait à la philosophie, De spécial, leg., ii, 1, t. ii, p. 299, et son voyage pour les fêtes à Jérusalem. Fragm. de Provident., t. ii, p. 646. Le seul événement historique auquel ait été mêlé Philon est l’ambassade à Caligula, en l’an 40 après J.-C. On sait que quand Caligula se mit en tête de se faire rendre partout les honneurs divins, et même d’installer sa statue dans le Temple de Jérusalem, les Juifs s’abstinrent partout de participer à ce culte. Malmenés à cette occasion par leurs concitoyens gréco-égyptiens, les Juifs d’Alexandrie envoyèrent à Rome une députation à la tête de laquelle fut placé Philon ; une députation contraire’suivit la première, sous la conduite d’Apion, ennemi déclaré des Juifs. Philon et ses collègues trouvèrent l’empereur à Pouzzoles et ne purent l’aborder. A Rome, ils furent reçus par Caligula dans la maison de Mécènes, eurent à y subir toutes sortes d’affronts et finalement se virent congédier sans avoir rien obtenu. Peu de temps après, l’assassinat de l’empereur résolut la difficulté. Philon a fait lui-même le récit de son ambassade, De légat, ad Caium, t. ii, p. 545-600. Cf. Beurlièr, Le culte impérial, Paris, 1891, p. 264-271. Au début de cet écrit, Philon dit de lui-même qu’il était alors un vieillard, répwv. On en conclut que sa naissance remontait à une vingtaine d’années avant Jésus-Christ. D’après Eusèbe, H. E., ii, 17, t. xx, col. 173, que saint Jérôme reproduit dans sa notice, t. xxui, col. 627, Philon se serait rendu une seconde fois à Rome, sous Claude, et y aurait connu saint Pierre ; à Alexandrie, il aurait été en rapport [avec les chrétiens de saint Marc. Ces derniers renseignements sont regardés comme sujets à caution. On ignore la date de la mort de Philon, À la lecture de ses écrits, on voit que Philon n’avait rien de Pétroitesse du pharisien, attaché principalement à la lettre de la Loi. Il était au contraire homme de mysticisme et de culte intérieur. Cf. De cherub. , 27. t. i, p. 155, 156 ; De plantât., 30, t. i, p. 348 ; Desomn., t, 42, t. i, p. 657. II avait un sentiment très élevé de piété et d’obéissance envers Dieu et il professait que délaisser son service, c’était renoncer au bonheur. Cf. Ritler, Philo und die Halacha, Leipzig, 1879.

II. Ses écrits. — Philon a laissé de nombreux écrits, dont quelques-uns se sont perdus. Eusèbe, H. E., ii, 18, t. xx, col. 183, et saint Jérôme, De vit : ill., 11, t. xxiii, col. 628, donnent le catalogue de ceux qu’ils connaissaient. On peut les classer comme il suit :

i. questions et solutions. — Dans le projet de Philon, elles devaient porter sur tout le Pentateuque. Eusèbe ne connaît que ce qui concerne la Genèse et l’Exode. Une version arménienne a conservé la plus grande partie des questions sur la Genèse et l’Exode ; une ancienne version latine, ignorée des premiers éditeurs du texte grec de Philon, reproduit les questions sur la Genèse ; en grec, on ne possède qu’un très grand nombre de fragments épars dans les Pères, les Chaînes et les anciens recueils de commentaires.

II. COMMENTAIRES ALLÉGORIQUES SUR LA GENÈSE. —

Us se composent de différents traités : 1° Allégories des lois, trois livres sur Gen., ii, 1-17 ; ii, 18-m 1 ; iii, 8-19, édit. Mangey, t. i, p. 43-137. — 2. Des chérubins et du glaive de flamme, sur Gen., iii, 24 ; iv, 1, t. i, p. 138162. — 3. Des sacrifices d’Abel et de Caïn, sur Gen., iv, 2-4, t. l, p. 163-190. Saint Ambroise s’est beaucoup servi de ce traité dans son De Caïn et Abel, t. xiv, col. 315360. — 4. Que le pire cherche à nuire au mieux, sur Gen., iv, 8-15, t. i, p. 191-225. — 5. De la postérité de Caïn qui se croit sage et de son changement de de meure, sur Gen., IV, 16-25, t. i, p. 226-261. — 6. Des géants, sur Gen., vi, 1-4, t. î, p. 272-299. — 7. De l’agriculture, sur Gen., ix, 20, 1. 1, p. 300-328, avec un second livre intitulé : De la plantation de Noë, sur Gen., ix, 20, t.i, p. 329-356. — 8. De l’ivresse, sur Gen., ix, 21, t. i, p. 357-391. Eusèbe et saint Jérôme indiquent deux livres ; il n’en reste qu’un, probablement le premier. — 9. De la sobriété, sur Gen., rx, 24-27, t. i, p. 392403, intitulé dans Eusèbe et saint Jérôme : De ce qu’un esprit sobre souhaite et maudit. — 10. De la confusion des langues, sur Gen., xi, 1-9, t. i, p. 404435. — 11. De la migration d’Abraham, sur Gen., xii, 1-6, t. i, p. 436472. — 12. De l’héritier des choses divines, sur Gen., xv, 2-18, t. i, p. 473-518. — 13. De l’union à contracter pour s’instruire, sur Gen., xvi, 1-6, t. i, p. 519-545. — 14. Des exilés, sur Gen., xvi, 6-14, t. i, p. 546-577. Saint Ambroise utilise ce traité dans son De fuga sxculi, t. xiv, col. 569-596. — 15. Du changement de noms, sur Gen., xvii, 1-22, t. i, p. 578-619. — 16. Des songes, sur Gen., xxviii, 12 ; xxxi, 11, et xxxvii, 40, 41, t. i, p. 620-699. Eusèbe et saint Jérôme indiquent cinq livres sur ce sujet ; il y en aurait donc trois de perdus et ceux qui restent sont probablement le’troisième et le quatrième.

III. EXPOSITION DE LA LÉGISLATION MOSAÏQUE."— 1. De

la création du monde, t. i, p. 1-42, comme base naturelle de toute la législation. — 2. Sur Abraham, t. ii, 1-40, la vie des patriarches montrant en action la loi non écrite. — 3. Sur Joseph, t. ii, p. 41-79. Philon avait écrit sur Isaac et Jacob des livres qui sont perdus et auxquels il fait allusion au début du traité sur Joseph.

— 4. Du décalogue, t. ii, p. 180-209. —. 5. Des lois spéciales, en quatre livres comprenant plusieurs traités : I. De la circoncision, t. ii, p. 210-212 ; De la monarchie, eh deux livres, traitant de l’unité de Dieu, t. ii, p. 213232 ; Des honoraires des prêtres, t. ii, p. 232-237 ; Des victimes, t. ii, p. 237-250 ; De ceux qui offrent les victimes, t. ii, p. 251-264. — TI. Sur les troisième, quatrième et cinquième préceptes, t. ii, p. 270-277, et spécialement Du septennaire, t. ii, p. 277-298. Le traité Des devoirs envers les parents manque. La plus grande partie en a été éditée par Mai, De cophini festo et de colendis parentibus, Milan, 1818 ; tout le texte l’a été par Tischendorf, Philonea, Leipzig, 1868, p. 1-83. — III. Sur les sixième et septième préceptes, t. ii, p. 299334. — IV. Sur les trois derniers préceptes, t. ii, p. 335-358, et De la justice, t. ii, p. 358-374. — 6. Des trois vertus, De la force, t. ii, p. 375-383 ; De la charité, t. ii, p. 383-405 ; De la pénitence, t. ii, p. 405407 ; il faut y joindre le morceau Sur la"noblesse, dont la source est la vertu, non la naissance, t. ii, p. 437444. Les vertus se rapportent au décalogue parce qu’elles aident à en accomplir les préceptes. — 7. Des récompenses et des peines, t. ii, p. 408428, et Des exécrations, t. ii, p. 429437, formant un seul traité.

ir. écrits spéciaux. — 1. Vie de Moïse, en trois livres, t. ii, p. 80-133, 134-144, 145-179. Eusèbe ne cite pas cet écrit, mais seulement un traité Sur le tabernacle, qui n’en est qu’une partie. — 2. Que tout homme de bien est libre, t. ii, p. 445470. — 3. Contre Flaccus, t. ii, p. 517-544, et De l’ambassade à Caïus, t. ii, p. 545600, deux livres qui se rapportent aux persécutions auxquelles furent en butte les Juifs d’Alexandrie, surtout sous Caligula. — 4. De la Providence, seulement en arménien et traduit en latin par Aucher, Philonis Judeei sermones très, Venise, 1822, p. 1-121. — 5. Sur Alexandre et que les animaux ont une raison à eux, également en arménien, cf. Aucher, p. 123-172. — 6. Hypothétiques, apologie des Juifs, qu’on a tout lieu de croire identique au traité suivant. — 7. Sur les Juifs, ou apologie des Juifs. On n’en a que des fragments dans Eusèbe, Prœpar. evang., viii, 6, 7, t. xxi, col. 606-614.

— 8. De la vie contemplative, t. ii, p. 471486. C’est

une description de la vie des thérapeutes, qui avaient transporté l’essénisme aux environs d’Alexandrie. Eusèbe pensait que ces contemplatifs étaient des chrétiens, disciples de saint Marc. Saint Jérôme le croit aussi, et à leur suite, beaucoup d’auteurs l’ont admis. Cf. Montfaucon, Le livre de Philon de la vie contemplative, Paris, 1709. On fait valoir contre l’authenticité de l’ouvrage que Philon ne fait allusion à cette colonie de thérapeutes dans aucun autre endroit de ses écrits, que le persiflage du Banquet de Platon qu’on y rencontre, De vit. contempl., 7, ne concorde guère avec l’admiration professée par Philon pour le grand philosophe grec, que l’ascétisme décrit dans cet ouvrage n’est, à proprement parler, ni juif, ni chrétien, etc. Néanmoins, ces raisons ne sont pas absolument convaincantes, et l’authenticité du traité a encore, parmi les modernes, de nombreux partisans, tels que Delaunay, dans la Revue archéologique, t. xxii, 1870, p. 268-282 ; t. xxvi, 1873, p. 12-22 ; Renan, dans le Journal des savants, 1892, p. 83-93 ; Massebieau, dans la Revue de l’histoire des religions, t. xvi, 1887, p. 170-198, 284-319 ; Conybeare, Philo about the contemplative Life, Oxford, 1895 ; Wendland, Die Therapeuten und die philonische Schrift, dans le Jahrb. fur class. philol., 1896, p. 695772, etc. On remarque surtout l’analogie que présente ce traité avec les autres écrits de Philon au point de vue de la langue et des idées, de sorte que la thèse de l’authenticité paraît en somme mieux établie que la thèse contraire.

v. œuvres apocryphes. — Sont considérés comme inauthëntiques les ouvrages suivants, ordinairement attribués à Philon : 1. De l’incorruptibilité du monde, t. ii, p. 487-516, qui soutient la thèse de l’éternité du monde. — 2. Du monde, t. ii, p. C01-624, compilation tirée des autres écrits de Philon. — 3. Sur Samson et sur Jonas, seulement en arménien et en latin. — 4. Interprétation des noms hébreux, œuvre probablement anonyme attribuée à Philon par Origène, au témoignage de saint Jérôme, Lib. de nomin. hebraic., t. xxiii, col. 771, qui juge à propos de la refondre totalement et de la compléter. — 5. Livre des antiquités bibliques, qui raconte l’histoire biblique d’Adam à Saûl. Le texte latin suppose un texte grec, qui lui-même suppose un original hébreu. Cf. Massebieau, Le classement des œuvres de Philon, dans la Bibliothèque des hautes études, Scienc. relig., t. i, 1889, p. 1-91. — 6. Abrégé des temps, postérieur à Philon. — En outre, sont perdus vingt et un livres mentionnés par Philon lui-même ou cités par des auteurs postérieurs. — La meilleure édition complète des œuvres de Philon était celle de Mangey, Londres, 1742, 2 in-f° ; elle sera désormais remplacée par l’édition critique, en cours de publication, de Cohn et Wendland, Berlin, 1896-1906, t. i-v. La traduction latine a été faite par Sigismond jGelenius, Bâle, 1554 ; une traduction française a été publiée par Bellier, Paris, 1588, et revue par Morel, Paris, 1612. Cf. Schûrer, Geschichte des jûdischen Volkes im Zeit. J. C, Leipzig, t. iii, 1898, p. 487-542, qui donne toute la bibliographie concernant Philon. On voit que l’écrivain juif s’occupe surtout du Pentateuque. On peut dire que les trois quarts de son œuvre s’y rapportent. Il ne cite d’ailleurs que fort peu les autres Livres sacrés. — Dans la plupart de ses écrits, Philon est assez médiocre écrivain. Sa composition est lâche, avec des longueurs et des répétitions ; les idées sont souvent confuses, formulées sans clarté ou imparfaitement exposées ; l’abus des métaphores contribue à rendre la pensée plus indécise. Philon n’est pas un écrivain châtié ; c’est un penseur assez superficiel qui se contente d’écrire comme il parle.

III. Ses doctrines. — I. leur source. — La formation intellectuelle de Philon se montre à la fois juive et grecque ; mais c’est surtout le philosophisme grec qui

dirige sa pensée. Il connaît et cite les grands poètes, Homère, Euripide et les autres. Platon est pour lui 1& maître « sacré » par excellence, hpiitaioi, cf. Quod omnis probus liber, t. ii, p. 447, et saint Jérôme, De vir. ill., 11, t. xxiii, col. 629, transcrit le dicton qui courait à ce propos parmi les Grecs : « C’est ou Platon qui philonise ou Philon qui platonise. » Il appelle-Philon un « Platon juif », Epist. lxx, 3, t. xxii f col. 666. Cf. Epist. xxii, 35, col. 421. Aux yeux de Philon, Parménide, Empédocle, Zenon, Cléanthe sont deshommes divins. Cf. De Provid., ii, 48. Il est également pythagoricien, cf. Clément d’Alexandrie, Strom., i, 15 r 72 ; ii, 19, 100, t. viii, , col. 767, 1039 ; Eusèbe, H. E., ii, 4, 3, t. xx, col. 148. Les récentes études sur la philosophie stoïcienne démontrent que Philon a emprunté à Zenon et à son école la théorie de la nature à la fois providence, juge, cité universelle, dont Moïse et le grand-prêtre sont les citoyens par excellence. De septemar. , t. ii, p. 279 ; De monarch., t. ii, ç. 227. Cf. Hans von Arnim, Quellensludien zu Philo von Alexandria, Berlin, 1880, p. 101-140 ; Massebieau, Le classement, p. 11-12. « Philon doit à sa foi juive les croyances religieuses qui orientent sa pensée : la transcendance divine, la nécessité d’un intermédiaire par qui Dieu agit et se manifeste ; il a reçu de Platon les spéculations brillantes qui la dominent ; la théorie des idées, l’exemplarisme, mais c’est aux stoïciens qu’il emprunte toute la charpente qui la soutient, c’est-à-dire toute sa théorie sur le monde, sur sa constitution intrinsèque sur le rôle qu’y jouent la raison et la loi. » J. Lebreton ; Les théories du Logos au début de l’ère chrétienne, Paris, 1906, p. 70. Cependant, au-dessus de tous les philosophes, il place Moïse, auquel tous, d’après lui, ont emprunté ce qu’ils ont de vrai. Cette idée avait été formulée, avant Philon, par Âristobule, 170-150 avant J.-C, cf. Clément d’Alexandrie, Strom., v, 14, 97, t. ix, col. 145, voir Aristobule, t. i, col. 964, et même par Hermippe Callimaque, 246-204 av. J.-C, cf. Origène, Cont. Cels., i, 15, t. xi, col. 682. Philon la reproduit, Vit. Mosis, t. ii, p. 163, et Josèphe, Cont. Apion., i, 22 init., la reprend à son tour. Pour Philon, la Loi de Moïse est l’expression parfaite de la sagesse divine ; elle est la seule source de toute philosophie, ’c’est à cette source qu’ont puisé tous les grands penseurs grecs. Pour justifier ce système, Philon voit surtout dans l’Écriture des allégories, ce qui lui permet d’y retrouver les doctrines les plus variées de la philosophie grecque. En réalité, il prête à l’Écriture les idées que sa culture grecque lui suggère. C’est le triomphe de l’hellénisme, dont il croit faire une doctrine essentiellement mosaïque. Juif et Grec à la fois, Philon s’imagine réaliser ainsi l’unité de deux civilisations et de deux peuples. Pour lui, comme bientôt après pour saint Paul, « il n’y a pas de différence entre le Juif et le Grec. » Rom., x, 12. Seulement l’Apôtre parle ainsi parce que le même Christ est devenu le Seigneur de tous, tandis que Philon, qui ignore totalement l’enseignement et l’action du Christ, pourtant son contemporain, n’a réalisé qu’une vaine et superficielle tentative. Les éléments si divers qu’il combine ensemble n’arrivent à former qu’une unité factice. Voici quelles sont ses idées principales :

u. DIEU. — Dieu est l’absolu par essence ; il est éternel, immuable, simple, libre, se suffisant à lui-même. Il est le souverain bien, la souveraine beauté, la souveraine unité. Il est àirotoc, sans propriété particulière, sans itoiôTYic, c’est-à-dire sans qualité positive qui le détermine ou le limite. On peut dire qu’il est, mais non ce qu’il est. Il n’est cependant pas une abstraction ; il jouit d’une personnalité absolue, qui réunit en elle toute perfection.’m. les êtres intermédiaires. — Dieu, étant l’être absolu et immuable, ne peut entrer en rapport avec le monde changeant et imparfait. Il y a donc des êtres

intermédiaires qui agissent sur ce monde sans que Dieu ait à se commettre avec lui. Philon prend ces êtres intermédiaires là où il les trouve ; il emprunte les « idées » à Platon, les « énergies » aux stoïciens, les « anges » à la théologie juive et les « démons ou génies » à la mythologie grecque. Ces forces spirituelles, identiques-malgré la diversité des noms, sont les agents de Dieu en ce monde ; c’est par elles qu’il le gouverne. Les intermédiaires ainsi supposés sont en nombre illimité ; quelquefois Philon les réduit à trois, quatre ou cinq, ou même à deux, l'énergie créatrice appelée Dieu, et l'énergie royale appelée Seigneur. Philon leur accorde la personnalité, mais parfois la leur refuse. Il les place si avant dans l’essence divine qu’on a peine à les en ' distinguer ; et cependant, il faut bien qu’ils en soient distincts, pour éviter à Dieu ce contact avec le monde que l'écrivain déclare impossible. Cf. Zeller, Die Philosophie der Griechen, Leipzig, 1881, t. iii, 2, p. 365.

IV. LE logos. — Pour Philon, le Logos est à la tête de tous ces êtres. Il est l’agent par excellence de la puissance divine. Il n’est ni incréé, comme Dieu, ni créé comme les autres êtres. Il est parole créatrice, et non-seulement l’organe de Dieu vis-à-vis du monde, mais encore le médiateur entre le monde et Dieu. On ne peut savoir cependant si, dans la pensée de Philon, il se confond avec Dieu ou s’il constitue une personne distincte de lui. Il est certain que les idées juives ne permettaient pas d’admettre une seconde personnalité divine qui eût paru inconciliable avec le dogme de l’unité absolue de Dieu. Voir Logos, 1 IV, col. 325-327, Le Logos exerce surtout son activité dans le monde moral ; il est l’inspirateur de tout bien, l’initiateur de toute vie supérieure, le guide du salut, le législateur, le grand-prêtre, l’intercesseur, l’introducteur dans la vie éternelle. Philon a certainement connu le livre de la Sagesse, composé au moins un demi-siècle avant lui, dans le milieu helléniste et alexandrin où il vécut lui-même. Cf. Sap., xiii, 8, 9, et De profug., 38, t. i. p. 577. Dans sa description du Logos, il s’en est inspiré d’autant plus volontiers que l’auteur du livre sacré s’inspirait lui-même de Platon. Voir Sagesse (Livre de la). « Il est incontestable qu’il y a entre les doctrines platoniciennes et philoniennes d’une part, et les endroits du livre de la Sagesse de l’autre part, un accord frappant, affectant non seulement le fond des pensées, mais encore l’expression. Il n’est pas possible que pareille concordance soit l’effet du hasard. Nous avouons donc volontiers que, dans sa description de la Sagesse, l’auteur sacré a fait des emprunts au platonisme et qu’il a, en suivant Platon, marché dans une voie à peu près parallèle à celle où.entra plus tard l’alexandrin Philon. » J. Corluy, La Sagesse dans l’A. T., dans le Congrès scient, internat, des cathol., 1889, t. i, p. 81. Aujourd’hui, on admet assez généralement le caractère stoïcien du Logos de Philon. Cf. Zeller, Die Philosophie der Griechen, p. 385 ; Schûrer, Geschichte, t. iii, p. 557 ; Bousset, Die Religion des Judentums in neutest. Zeitalter, Berlin, 1903, p. 346. Pour Philon, le Logos est encore l'âme du monde, idée qu’il emprunte à Platon. « Ce que l'âme est dans l’homme, le ciel, je pense, l’est dans le monde… Il y a donc deux natures indivisibles, la raison qui est en nous, et cette autre raison divine. » Quis rer. divin, hser., 48, t. i, p. 506. « Le Logos très ancien de Celui qui est, est entouré du monde comme d’un vêtement… Comme il est le lien de toutes choses, il tient ensemble et resserre toutes les parties, ne les laissant ni se dissoudre ni se disperser. » De profug., 20, t. i, p. 562 ; cf. De migr. Abrah., 1, t. i, p. 436. Cf. J. Lebreton, Les théories du Logos au début de l'ère chrétienne, p. 63-90 ; Hackspill, Etude sur le milieu religieux et intellectuel du Nouveau Testament, dans la Revue biblique, 1901, p. 379-383.

r. le xoifDE. — Dans bon nombre de passages, Phi lon affirme nettement l’idée de création. Dieu a tout tiré du néant, Leg. alleg., iii, 3, 1. 1, p. 89 ; il a appelé du néant à l'être. De justit., 9. t. ii, p. 367, etc. Philon reproche aux philosophes d’avoir ignoré la création. De opif. mund., i, 61, t. i, p. 2, 41. D’autres fois, par une singulière inconséquence, il la nie. De plantât., 1, t. i, p. 329 ; De profug., 2, t. i, p. 547. Ailleurs, De somn., ii, 6, t. i, p. 665, il suppose comme préexistante une matière informe, indéterminée, sans qualité, à laquelle Dieu donne la forme, la détermination, la qualité et une âme. Cf. De opif. mund., 5, t. i, p. 5. En tous cas, Dieu n’agit sur la matière que par son Logos et les êtres intermédiaires. Ceux-ci continuent l'œuvre première en veillant à la conservation et au gouvernement du monde. Les astres sont des êtres intelligents, composés d’une âme et d’un corps, mais dont la volonté toujours droite ne pèche jamais. De opif. mund., 24, t. i, p. 17.

vi. l’homme. — Toutes les âmes préexistent à l’union avec le corps. Elles habitent les régions aériennes. Il en est qui s’approchent de la terre et finissent par s’unir à des corps mortels. Si elles le font pour se livrer à la philosophie, elles retournent ensuite à la demeure céleste ; mais elles sont perdues si elles se laissent absorber par le corps. De gigant., 3, t. i, p. 263, 264. « L’homme est mortel selon le corps, et immortel selon l'âme. » De opif. mund., 46, t. i, p. 32. Mais Philon ne sait affirmer l’immortalité que pour les justes. Il parle des Juifs persécutés qui « se précipitent volontiers vers la mort, comme vers l’immortalité. » Leg. alleg., 16, t. ii, p. 562. Il ne dit rien de la sanction réservée aux méchants, ni rien de la résurrection, malgré ce qu’il pouvait lire à ce sujet dans les livres de Daniel, des Machabées et de la Sagesse.

vu. la religion. — Elle consiste à connaître et à honorer le Dieu unique. Le vrai prêtre est aussi un prophète, illuminé de Dieu. De justit., 8, t. ii, p. 367, 368. Le Juif doit exercer le prosélytisme, De victim., 12, t. ii, p. 260, 261, mais avec douceur, parce que les idolâtres sont victimes de leur éducation et de leur ignorance. De monarch., i, 7, t. ii, p. 220. Quant aux apostats, ils sont dignes de toutes les poursuites et de tous les châtiments, Aux Juifs qui seraient tentés d’innover, en matière de religion, il rappelle qu' « il n’est pas avantageux d'ébranler les coutumes des ancêtres. » Adv. Flacc, 6, t. ii, p. 523.

vin. la morale. — Le grand principe de la morale philonienne est le dégagement de la matière, source de tout mal. Comme les stoïciens, Philon impose l’obligation de combattre et de contenir les passions, les besoins et les affections sensuelles. Il se distingue d’eux, cependant, en ce qu’ils estimaient cette lutte à la portée des forces humaines, tandis que, pour lui, on ne peut la mener à bien qu’avec le secours de Dieu. Seul, Dieu peut faire croître la vertu dans l'âme, et cette vertu consiste à tout faire en vue de Dieu. Il suit de là que la foi en Dieu est le premier des devoirs, tandis que l’incrédulité est le pire des crimes. La récompense de la vertu sera la vue même de Dieu dans autre monde. Mais, dès ici-bas, on peut s'élever jusqu'à cette vue de Dieu par l’extase. En état d’extase, l'âme s'élève au-dessus de tous les êtres, même du Logos, et plonge dans l’essence divine elle-même. On arrive à l’extase en se dépouillant de soi-même pour s’abandonner passivement à l’action de Dieu. On est alors animé, comme les cordes d’un instrument, par le souffle d’en haut et, de fils du Logos, on devient fils de Dieu et presque l'égal du Logos. Philon prétend avoir atteint plusieurs fois cet état extatique. Cf. Quis rerum divin, hseres, t. i, p. 482, 508, 511. Le règne messianique, tel qu’il le conçoit, n’est guère que l’extension de cet état d’extase à toute la nation juive. Les Juifs pratiqueront alors de si sublimes vertus que les na

tions, frappées d’admiration, les renverront tous dans leur pays, où le sol se couvrira de moissons spontanées, pour que les saints ne soient pas détournés de leur contemplation. Une nombreuse postérité et une longue vie leur seront alors accordées. On reconnaît ici les idées millénaristes familières aux coreligionnaires de Philon. Cf. Dôllinger, Paganisme et judaïsme, trad. J. de P., Bruxelles, 1858, t. iv, p. 249-262 ; Drummond, Philo Judseus or the Jewish-Alexandrian Philosophy, Londres, 1888 ; Schûrer, Geschichte, t, iii, p. 542-562, et les auteurs qu’il cite ; Ed. Herriot, Philon le Juif, Paris, 1898 ; J. Martin, Philon, Paris, 1907.

On voit comment Philon, qui se pique de philosophie et de littérature, utilise les philosophes grecs avec un parfait éclectisme. « Il emprunta, sans choix, à chaque philosophe, les théories purement physiques… Mais comme Philon vénérait les philosophes et que son orthodoxie n’était pas toujours assez avisée, il n’arrivait pas à bien discerner chez les philosophes leur réelle doctrine. Il lisait le Timée, et c’était avec une admiration et un respect presque aussi absolu que s’il s’était agi de la Genèse. Donc, dans ses ouvrages, il mêle au hasard l’enseignement de la Bible avec celui des philosophes ; il garde avec une parfaite quiétude toute son orthodoxie ; et lorsque, à propos de Dieu, de la création et de la providence, l’enseignement des philosophes ruinerait celui de la Bible, Philon n’aperçoit pas la contradiction ; il n’a jamais conscience que le Timée ne s’accorde pas avec la Genèse ; il n’a jamais songé ; à se demander si l’accord existe. Il a passé sa vie à lire les philosophes, et on peut bien affirmer qu’il ne les a jamais compris, et que jamais non plus le souci de choisir dans leurs œuvres les vérités qui s’y trouvent, et de faire servir toutes ces vérités à l’éclaircissement du dogme, n’a guidé son étude. » J. Martin, Philon, p. 42, 43. « La philosophie de Philon est si fuyante et si incertaine, que l’on hésite toujours à en trop presser les maximes. » Lebreton, Les théories du Logos, p. 88. À l’égard des doctrines bibliques, il prend des libertés bien autrement répréhensibles. Ses théories sur les êtres intermédiaires et sur le Logos, sur l’existence de la matière indépendamment de Dieu, sur l’impossibilité où est Dieu d’agir directement sur elle, sur sa nature essentiellement mauvaise, sur l’origine des âmes et la formation de l’homme, sur l’extase et l’obtention sur terre de la vue de Dieu, sont en contradiction formelle avec la doctrine des Livres Saints. « Philon ne voit pas comment la doctrine enseignée dans la Bible montre, dans des faits concrets, très différents de vaines allégories, la toute-puissance absolue d’un Dieu maître et père de l’homme. Il ne voit pas que l’intervention de Dieu au début de l’histoire présage une autre intervention encore : il ne voit pas le dogme de la chute et la promesse du Rédempteur. Le messianisme est l’aboutissement du judaïsme ; le messianisme ne tient aucune place dans la pensée de Philon. Si son âme est restée religieuse, l’idée grecque a dissous en lui la foi juive. » A. Dufourcq, L’avenir du christianisme, Paris, 1904, p. 87. Il esta croire que la plupart des écrits de Philon étaient composés quand Jésus-Christ prêcha son Évangile. On ne peut donc dire si le silence qu’il garde à son sujet provient d’un parti-pris ou d’une inattention assez explicable de sa part. On sait que Josèphe, écrivant un demi-siècle après lui, a probablement gardé le même silence. Voir t. iii, col. 1516.

IV. Son exégèse. — 1° Son texte biblique. — Philon interprête la Bible exclusivement d’après la traduction des Septante. Il avait certainement la connaissance de l’hébreu, comme le montrent ses étymologies des noms ; celles-ci sont souvent fort arbitraires, mais Philon ne dépasse pas sur ce point ce que se permettaient les docteurs palestiniens. Pour lui, l’Écriture est inspirée ;

les oracles que contient le Pentateuque ont pour auteur, les uns Dieu lui-même immédiatement, les autres le prophète qui est l’instrument de Dieu. Dieu d’ailleurs ne parlait pas lui-même ; il se contentait de former dans l’air les syllabes. Philon considère la version des Septante comme reproduisant l’hébreu avec une exactitude rigoureuse, au point qu’on peut regarder les traducteurs comme de vrais prophètes. C’est lui qui prétend que les traducteurs, comme s’ils eussent été inspirés, rendirent tous l’hébreu par des expressions identiques, bien qu’ils travaillassent séparément. Il ajoute qu’en mémoire de ce fait, on célébrait chaque année, dans l’île de Pharos, une fête qui attirait à la fois les Juifs et les Grecs, Cf. Vit. Mosis, ii, 5-7, t. ii, p. 139-140. Cependant, il n’indique pas le nombre des traducteurs, et laisse entendre que ces derniers n’ont travaillé que sur le Pentateuque. On comprend que, dans ces conditions, il ne fasse pas de différence, au point de vue de l’inspiration, entre le texte de la version grecque et le texte hébreu. Il y a lieu toutefois de se demander comment il a pu, s’il savait l’hébreu, affirmer une exactitude de traduction qui n’existe pas. Sur le texte des Septante dont se sert Philon, cf. Schûrer, Geschichte, t. iii, p. 489. — 2° Son allégorisme.

— Philon avait eu des devanciers dans l’emploi de la méthode allégorique. Plus de quatre siècles avant lui, les philosophes grecs avaient commencé à réduire leurs mythes religieux à de simples allégories, afin d’en pouvoir fournir une explication plus rationnelle et d’empêcher le peuple de se prévaloir des exemples scandaleux des dieux. Théogène de Rhegium, Heraclite, Métrodore de Lampsaque s’appliquèrent à donner aux légendes de la mythologie grecque des interprétations physico-allégoriques. Cf. Tatien, Orat., 27, t. vi, col. 864. Les stoïciens Zenon, Cléanthe, Chrysippe, adoptèrent les mêmes procédés d’interprétation, cf. Cicéron, De nat. deor., iii, 24, malgré les protestations de Platon et d’Isocrate. Cf. Dôllinger, Paganisme et judaïsme, t. ii, p. 48-50, 141, "142 ; Decharme, La critique des traditions religieuses chez les Grecs, Paris, 1904, p. 270-355. À Alexandrie même, la mythologie égyptienne avait été l’objet de semblables interprétations de la part des philosophes grecs. On voit, au début du traité de Plutarque sur Isis et Osiris, comment chaque école prétendait retrouver dans les légendes égyptiennes ses principes et sa doctrine. Les Juifs eux-mêmes y voyaient quelque chose de leurs croyances et de leur histoire. Cf. De 1s. et Osir., 31. L’idée d’imiter ce procédé d’interprétation devait venir naturellement aux Juifs hellénistes, désireux de faire accepter par le monde grec les récits merveilleux de la Bible. Sans nier la valeur historique de ces récits, qu’on ne pouvait assimiler aux mythes grecs, ils s’efforcèrent de les interpréter comme des allégories scientifiques ou morales. Ainsi Aristobule allégorisa, à l’usage de Ptolémée VI, les anthropomorphismes du Pentateuque, et Aristée faisait remonter à Moïse lui-même les principes de l’allégorisme. Cf. Eusèbe, Preepar. evang., viii, 9, t. xxi, col. 636. Voir Aristobule, 1, t. r, col. 964 ; Alexandrie (École exégétique d’), t. i, col. 360. Les thérapeutes étaient des allégoristes. « Ils interprètent la loi mosaïque allégoriquement, persuadés que les mots de cette loi ne sont que les signes et les symboles de vérités cachées. De plus, ils possèdent des écrits d’anciens sages, fondateurs de leur secle, qui leur ont laissé beaucoup de monuments de la sagesse allégorique dont ils font leurs modèles… La loi entière leur apparaît comme un être organique, qui aurait pour corps le sens littéral, et pour âme le sens caché ». Philon, De vit. contempl., 3, t. ii, p. 475, 476. Cf. Karppe, Étude sur les origines et la nature de Zohar, Paris, 1901, p. 15-17. Les Juifs palestiniens cultivaient eux-mêmes le genre allégorique dans leurs Mi

draschim. Voir Midbasch, t. iv, col. 1079, 1080. Philon, avec son estime pour les philosophes grecs et son désir de faire accepter les écrits bibliques comme les trésors de la parfaite sagesse, ne pouvait manquer de faire appel à toutes les ressources de l’allégorisme et de transporter ainsi dans le domaine de l’hellénisme une méthode déjà en faveur auprès des rédacteurs delà Hagada palestinienne. Cf. Frankel, Ueber den Einfluss der palàsliniscken Exégèse auf die alexandrinische Hermeneutik, 1851, p. 190-200. Il n'était donc pas le premier à se servir de l’allégorisme pour expliquer les Livres Saints ; mais il faut reconnaître qu’avant lui personne, dans le monde juif, n’avait encore employé cette méthode d’une manière aussi étendue et aussi systématique. Cf. R. Simon, Hist, crit. du Vieux Testament, Rotterdam. 1685, p. 92, 97, 98, 371, 373. - Toutefois, Philon ne néglige pas le sens littéral du texte sacré ; mais il le traite comme secondaire et uniquement destiné à ceux qui ne sont pas capables de s'élever à une sagesse supérieure. C’est un corps dont le sens allégorique est l'âme, et l’intérêt de l'âme demande qu’on prenne soin du corps. Il dit, en s’inspirant des idées qu’il a prêtées aux thérapeutes : « Quelques-uns, bien assurés que le texte des lois symbolise des réalités intelligibles, s’appliquent avec grand soin à ces réalités et ne font plus aucun cas de la lettre. Je blâme leur parti-pris ; il fallait, en effet, avoir souci de l’un et de l’autre, rechercher avec grand zèle [les choses invisibles, et conserver comme un précieux trésor l'élément visible… Il faut assimiler la lettre au corps, et le sens mystique à l'âme. De même donc que l’on doit veiller sur le corps, parce qu’il est la demeure de l'âme, ainsi l’on doit tenir compte de la lettre. » De migr. Abrah., 16, t. i, p. 450451. « La lettre des Saintes Écritures ressemble à l’ombre des corps, les sens mystérieux dégagés des Écritures sont la vraie réalité. » De confus, ling., 38, t. i, p. 434. Cf. Col., ii, 17 ; Heb., x, 1. Philon tient surtout à écarter du texte sacré les conceptions anthropomorphiques. Il dit à leur sujet : « Pour ce qui est de la propre interprétation, l’esprit le plus lent ne manquera pas de concevoir qu’ici, il faut saisir, en dehors de la lettre, une autre chose. » De somn., 16, t. i, p. 635, 636. La lettre ainsi reléguée à Parrièreplan, Philon allégorise en toute liberté. Il se refuse à entendre littéralement les six jours de la création, Leg. alleg., i, 2, t. i, p. 44 ; le récit de la formation d’Eve, Leg. alleg., ii, 7, t. i, p. 70 ; le paradis terrestre, De mund. opif., 54, t. i, p. 37 ; la tentation d’Eve, De mund. opif., 56, t. i, p. 38, etc. Abraham reçoit l’ordre de sortir de son pays, de sa parenté, de la maison de son père. Gen., xii, 1-3. Dieu indique par là ce qu’il faut faire pour purifier l'âme : l'éloigner du corps, de la sensibilité et de la conversation. De migr. Abrah., 1, t. i, p. 436. Le traité De congressu explique le texte où il est dit que Sara envoya Abraham à sa servante pour en avoir des enfants. Gen., xvi, 1-6. Sur ce thèmev Philon explique que, désirant épouser la philosophie, il commença par entrer successivement en rapport avec trois servantes de celle-ci, la grammaire, la géométrie et la musique, et qu’il en apporta les fruits à l'épouse légitime. De congress., 14, t. i, p. 530. Certaines lois même ne peuvent se prendre dans le sens littéral, par exemple, celle qui exempte les fiancés du service militaire. Deut., xx, 5. Cette loi signifie simplement que ceux qui n’ont pas fait grand progrès dans la vertu ne doivent pas s’exposer à la tentation. De agricult., t. i, p. 322. Ces exemples montrent comment Philon traite les récits bibliques. Les personnages ont aussi leur signification allégorique. Adam est l’homme inférieur, Caïn Pégoïsme, Noé la justice, Sara la vertu féminine, Rébecca la sagesse, Abraham la vertu acquise par la science, Isaac la vertu produite par la nature, Jacob la vertu qui résulte de la pratique et de la méditation, etc.

L’Egypte symbolise le corps, Chanaan la piété, la tourterelle la sagesse divine, la colombe la sagesse humaine, etc. En un mot, tout dans la Bible, hommes, choses, événements, devient sujet d’allégorie et même n’est mentionné que dans ce but. Sans doute, il y a des allégories dans la Sainte Écriture. Voir Allégorie, t. i, col. 368. Mais encore faut-il qu’il existe un rapport naturel et justifiable entre le sens littéral et le sens allégorique ou mystique. Voir Mystique (Sens), t. jv, col. 1371-1374. Philon ne doutait pas de la valeur objective de ses interprétations ; il s’imaginait que, dans l’extase, c'était Dieu même qui l’inspirait. « J’ai appris plus d’une fois une merveilleuse doctrine ; c'était mon âme qui me l’enseignait. Il lui arriva en effet d'être soulevée par Dieu et de prophétiser cela même qu’elle ne savait pas. » De cherub., 9, t. i, p.l43. Cf. De migr. Abrah., 7, t. i, p. 441. Son système n’en est pas moins, dans son application, subjectif et arbitraire. Il a porté au delà des limites permises l’exagération d’un principe vrai. Aussi, bien qu’elle soit presque complètement exégétique, son œuvre n’apporte-t-elle qu’une contribution insignifiante à l’intelligence des Livres Saints. Cf. Cornely, Introd. in U. T. libros sacros, Paris, t. i, 1885, p. 598-599. ' V. Son influence. — 1° Nouveau Testament. — On a signalé un certain nombre de resemblances de pensée ou d’expression entre Matth., iii, 10 ; vii, 18, 19, et De agricult., 2, 3, t. i, p. 301 ; Mattb., vii, 13, 14, et Leg. alleg., ii, 24, t. i, p. 84 ; Matth., xxiii, 23-28, et De ckerub., 27, 28, t. i, p. 155, 156 ; Joa., v, 3, et De victirn., 8, t. ii, p. 257 ; Rom., i, 25, et De sacrif. Abel, 20, t. i, p. 177 ; I Cor., xv, 47-49, et Leg. allegor., i, 29, t. 1, p. 62 ; II Cor., v, 6, et De agricult., 29, t. i, p. 310, etc. Dans l'Épltre aux Colossiens, les rapprochements possibles seraient au nombre de plus de vingt-cinq. Ces analogies prouvent seulement que la terminologie et les idées de l'école d’Alexandrie étaient assez répandues au temps des Apôtres pour que ceux-ci pussent y faire des allusions plus ou moins formelles. Dans l'Épître aux Hébreux, les ressemblances sont d’un autre ordre. Elles portent sur les points suivants : 1. Caractère et mission du grand-prêtre, Heb., v, 1, 2, et De monarch., ii, 12, t.'ii, p. 230 ; De prœm., 9, t. ii, p. 417. — 2. Le vrai grand-prêtre est le Logos, Heb., v, 5-10 ; vii, 25, et De profug., 20, 1. 1, p. 562 ; De leg. spec, m, 24, t. ii, p. 322 ; De somn., i, 37, t. i, p. 653 ; Vit. Mos., iii, 14. — 3. Le Temple et la liturgie, Heb., IX, x, et De somn., i, 37, t. i, p. 653 ; Vit. Mos., iii, 1-18 ; Légat, ad Caj., 39, t. ii, 591. — 4. Difficulté du pardon, Heb., vi, 4-6, et De prœm., i, t. ir, p. 409. — 5. Le serment de Dieu, Heb., vi, 13, et Leg. alleg., iii, 72, t. i, p. 127 ; De sacrif. Abel, 28, t. i, p. 181. — 6. Le pontife Melchisédech, Heb., vii, 1, et Leg. alleg., iii, 25, t. i, p. 102, 103, etc. D’autres ressemblances sont purement verbales, Heb., iv, 12, et Quis rer. divin, hœres, 48, 1. 1, p. 506 ; Heb., iii, 5, et Leg. alleg., iii, 81, 1. 1, p. 132 ; Heb., v, 8, et De agricult., 23, t. i, p. 315, etc. Rien n’autorise à supposer un document antérieur auquel les deux auteurs auraient puisé chacun de leur côté. Plusieurs savants en concluent que le rédacteur de VÉpitre aux Hébreux connaissait plusieurs traités de Philon. Quoi qu’il en soit, il ne dépend de lui en aucune manière pour le fond même des idées. Pour éviter toute confusion entre sa doctrine et celle de Philon, il s’abstient même d’employer le nom de Logos et fait du Christ le Fils même de Dieu. Voir Hébreux (Épitre aux), t. iii, col. 543, 544. Cf. Petau, De incarn. Verbi, XII, xi, 1, 2 ; Siegfried, Philo von Alexandria ah Au$leger des Alten Testaments, Iéna, 1875, p. 321-330. Il faut de plus observer que la plupart des ressemblances entre les écrits de Philon et des Epîtres de saint Paul s’expliquent par le livre de la Sagesse et parce que ces idées étaient devenues courantes dans les milieux juifs.

2° Exégètes postérieurs. — Le système allégorique de Philon inspira ceux qui après lui étudièrent ou enseignèrent dans l’école d’Alexandrie. Il est presque exact de dire qu’il « avait absorbé, comme un immense réservoir, tous les petits ruisseaux de l’exégèse biblique à Alexandrie, pour déverser ensuite ses eaux dans les rivières et les canaux à mille bras de l’interprétation juive et chrétienne des Saintes Ecritures. » Siegfried, ’Philo von Alexandria, p. 27, Il eut à Alexandrie même d’illustres imitateurs, Clément d’Alexandrie, qui admettait la création instantanée et tendait à introduire l’allégorie dans l’explication du paradis terrestre, Strom., V, 11 ; vi, 16, t. ix, col. 109, 370, 376 ; voir Clément d’Alexandrie, t. ii, col. 803 ; Origène qui, comme Philon, distinguait dans l’Ecriture un corps et une âme, Periarchon, iv, 11, t. xi, col. 365 ; In Levit., homil. v, 5, t. xii, col. 456, excluait l’anthropomorphisme et appliquait avec grande hardiesse le système de l’interprétation allégorique ; voir Origène, t. iv, col. 18741878 ; saint Athanase, Orat. u cont. Arian., 49, 60, t. xxvi, col. 249, 276, et saint Cyrille, Glaphyr. in Gen., 1, t. lxix, col. 13, 16, qui, en beaucoup de points, suivent la tradition alexandrine. Voir Athanase (Saint), t. i, col. 1209 ; Cyrille d’Alexandrie (Saint), t. ii, col. 1185. À la même tradition se rattache, au vne siècle, Anastase le Sinaïtique, In Hexæmer., 7, t. lxxxix, col. 961, 968, qui blâme cependant l’abus du sens allégorique chez Origène, et dit que Philon, Papias, Irénée, Justin, Pantène, Clément et les deux Grégoire de Cappadoce entendaient dans un sens mystique les six jours et le paradis terrestre. Voir Alexandrie (École exégÉtique d’), 1. 1, col. 358. La réaction contre Pallégogisme se produisit à Antioche de Syrie. Voir Antioche (École exégétique d’), t. i, col. 683. Cf. Vigouroux, La cosmogonie mosaïque, Paris, 1882, p. 20-57. — L’idée de Philon sur la dépendance des philosophes grecs par rapport à Moïse est adoptée par saint Justin, Apol., i, 59 ; Dial. cum Tryph., 1, K. s, col. 416, 491, par Tatien, Orat., 36-41, t. vi, col. 880-888, Clément d’Alexandrie, Strom., i, 21, t. viii, col. 819 ; v, 3, t. ix, col. 31, Théodoret, Grsec. Affect., ii, t. lxxx, col. 810, et presque tous les Pères des cinq premiers siècles. Cependant Origène, Cont. Cels., i, 16 ; vii, 27, t. xi, col. 687, 1459, et saint Augustin, De civ.Dei, xviii, 27, t. xli, col. 583. sont moins affirmatifs. — Eusèbe et saint Jérôme considèrent Philon comme un écrivain important et lui consacrent une notice. Deux autres Pères lui empruntent fréquemment ses pensées, Clément d’Alexandrie, cf. la préface de Potter, Oxford, 1715, reproduite dans Migne, t. viii, et saint Ambroise, dans ceux de ses livres où il traite les mêmes sujets que Philon, In Hexæmer., De paradis-, De Gain et Abel, De Noe et arca, De Abrah., De fug. ssec, De Jacob. Cf. Siegfried, Philo von Alexandria, p. 371-391. — En appliquant à leurs explications des textes sacrés l’allégorisme philonien, les Pères alexandrins, même Origène, n’avaient pas dépassé certaines limites, imposées par la nécessité de sauvegarder le sens littéral de la Sainte Écriture. L’opposition que rencontra de bonne heure l’exégèse allégorique empêcha d’ailleurs leur méthode de faire loi dans l’Église. Il n’en fut pas de même pour l’exégèse juive. Obligée de se dérober à l’explication littérale d’un bon nombre de passages bibliques, elle recourut de plus en plus à l’allégorisme pour se tirer d’embarras. A l’allégorie des choses, elle ajouta celle des mots, des chiffres, des lettres elles-mêmes, pour aboutir à la kabbale. Philon, sans doute, n’y fut pour rien ; le Talmud même l’ignore absolument. Néanmoins « il existe entre la kabbale et le nouveau platonisme d’Alexandrie de telles ressemblances, qu’il est impossible de les expliquer autrement que par une origine commune. » A. Franck, La kabbale ou la philosophie religieuse des Juifs, Paris, 1889, p. 213. Partis des mêmes prin cipes, obéissant aux mêmes besoins, Philon et les kabbalistes aboutirent aux mêmes résultats, et rien ne ressemble mieux à l’œuvre du premier que le Zohar, qui renchérit encore sur l’allégorisme de l’écrivain d’Alexandrie. Cf. Sepher ha-Zohar, édit. Lafuma-Giraud, Paris, 1906.

VI. Bibliographie. — Fabricius, Dissertatio de Platonismo Philonis, in-4°, Leipzig, 1693 ; Stahl, dans YAllgemeine Bibliothek der Biblischen Literatur d’Eichhorn, t. iv, fasc. v, p. 770-890 ; Plank, Commentatio de principiis et causis interpretationis PhilonianiB allegoricse, 1807 ; Grossmann, Qumstiones philonianse, part, i, De théologies. Philonis fontibus et auctoritate, 1829 ; Gfrôrer, Philo und die alexandrinische Theosophie, 2 in-8°, Stuttgart, 1831-1835 ; Dàhne, Geschichtliche Darstellung der jùdisch-alexandrinischen Religionsphilosophie, 2 in-8°, 1834 ; Creuzer, Kritik der Schriften des Juden Philo, dans les Theologische Studien und Kritiken, 1832 ; Kirchbaum, Der jûdische Alexandrinismus, Leipzig, 1841 ; Bûcher, Philonische Studien, 1848 ; M. Wolf, Die Philonische Philosophie, Leipzig, 1849 ; 2e édit., Gothenbourg, 1858 ; J. Biet, Essai historique et critique sur l’école juive d’Alexandrie, in-8°, Paris, 1854 ; F. Delaunay, Philon d’Alexandrie, m-8, Paris, 1867 ; C. Siegfried, Philo von Alexandria als Ausleger des Alten Testaments, in-8°, Iéna, 1875 ; Ed. Ryle, Philo and Holy Scripture, in-16, Londres, 1895 ; Ed. Herriot, Philon le Juif, in-8°, Paris, 1898 ; J. Martin, Philon, ’Paris, 1907.

H. Lesêtre.
    1. PHILOSOPHIE##

PHILOSOPHIE (grec : tpiXocrocpCa ; Vulgate : philosophia), ensemble d’idées fondamentales et rationnelles sur Dieu, l’homme, le monde et leurs relations.

I. Philosophie hébraïque — 1° Les Hébreux avaient reçu de leurs ancêtres chaldéens un certain nombre de notions théoriques et pratiques sur les êtres qui font l’objet des connaissances fondamentales de l’esprit humain. Ces notions, conservées et approfondies par le bon sens des générations successives, avaient cependant subi l’influence des croyances religieuses, issues elles-mêmes des traditions primitives, mais défigurées et matérialisées par le long travail de l’erreur et des passions. Les révélations faites à Abraham et aux patriarches et surtout la législation donnée par Dieu " à Moïse remirent toutes choses au point pour les Hébreux. Dès lors furent fixés pour eux les grands principes méconnus ou à peine soupçonnés par les penseurs privés des lumières de la révélation : existence, unité, spiritualité, puissance créatrice et providence de Dieu, contingence et infériorité du monde et de tous les êtres qui le composent, double nature corporelle et spirituelle de l’homme, sa liberté et « sa responsabilité. C’est donc de la révélation que procédait la philosophie hébraïque, c’est sur elle qu’elle s’appuyait, c’est par elle qu’elle corrigeait ses écarts, quand les tendances naturelles des Israélites les poussaient au polythéisme ou au matérialisme. À cet égard, il était juste de dire : « La crainte de Jéhovah (c’est-à-dire la religion) est le commencement de la sagesse. » Prov., i, 7. Celui-là était sage et savant, il s’élevait même à un niveau très supérieur à celui des philosophes de l’antiquité, parce qu’il connaissait Dieu, l’homme et le monde par les inspirations de sa foi. Pour les sages hébreux, « la divinité n’est pas le résultat d’une suite de syllogismes ; il n’existe dans leurs livres aucune trace de ces spéculations métaphysiques que nous trouvons chez les Hindous et chez les Grecs : il n’y a chez eux ni théologie savante, ni philosophie dans le sens que nous attachons à ce mot, et, pour faire connaître Dieu, ils s’adressent au cœur de l’homme, à son sentiment moral, à son imagination. L’Hébreu croyait au Dieu créateur qui s’était révélé à ses pères et dont l’existence est au-dessus du raisonnement des hommes. La morale des Hébreux est

celle de la conviction, du sentiment intime d’un Dieu juste et bon ; les maximes de leurs sages et de leurs prophètes ont jailli d’une source divine, elles se sont manifestées tout à coup par un sublime élan et ne sont pas les résultats d’une froide réflexion et d’un orgueilleux stoïcisme. » Munk, Palestine, Paris, 1881, p. 418. Il n’existe donc pas, à proprement parler, de philosophie hébraïque ; les Hébreux reçoivent de la révélation leurs idées toutes faites ; tout au plus en tirent-ils les conséquences immédiates ; l’observation leur est familière, comme à tous les Orientaux, mais la spéculation leur demeure à peu près étrangère. Leur sagesse a un caractère positif et traditionnel ; ils reçoivent la vérité de leurs prophètes et de leurs sages ; ils l’admettent ou la repoussent pratiquement, suivant les dispositions du moment ; ils ne songent guère à justifier par le raisonnement déductif leurs conclusions vraies ou fausses. — 2° Bien que renseignés authentiquement par la révélation sur les thèses capitales de la vraie philosophie, les Hébreux ne laissent pas de garder, sur les points secondaires, les théories qui sont celles de leur temps et de leur milieu, ou qui même leur sont particulières. La révélation respecte chez eux ces manières imparfaites de penser, pour autant qu’elles ne sont pas en contradiction avec les données essentielles de leur foi. Ainsi la nature spirituelle et transcendante de Dieu est affirmée avec la plus parfaite netteté. Néanmoins, les Hébreux tiennent à concevoir Dieu d’une certaine manière ; de là les anthropomorphismes si fréquents dans la Bible, surtout dans les anciens livres. Voir Anthropomorphismes, t. i, col. 662. Dieu a interdit toute représentation de la divinité et personne ne l’a vii, même parmi les plus privilégiés. Exod., iii, 6 ; xxiv, 10, 11 ; xxxiii, 18-23 ; Joa., i, 18. Néanmoins les Israélites s’imaginent qu’un veau d’or peut être une image de Jéhovah, Exod., xxxii, 1, 4 ; III Reg., xii, 28, et les prophètes sont obligés de leur rappeler que Dieu ne se nourrit pas de la chair de leurs sacrifices. Ps. L (xltx), 12, 13. Ces tendances grossières ne se corrigent complètement qu’après le retour de la captivité, et les conquérants romains conduits par Pompée sont singulièrement étonnés, avec leurs idées polythéistes, de constater dans le temple de Jérusalem, nulla intus deûm effigie, vacaani sedeni et inanià arcana, « aucune image de divinités à l’intérieur, un sanctuaire vide etde vains mystères. » Tacite, Hist., v, 9. Voir Elohim, t. ii, col. 1701 ; Jéhovah, t. iii, col. 1235. Cf. de Broglie, L’idée de Dieu dans l’Ancien Testament, Paris, 1892, p. 45-194. — 3° Les notions nécessaires sur la nature, la destinée et les devoirs de l’homme sont également fournies aux Hébreux par la révélation. Voir Adam, t. i, col. 171 ; Ame, col. 453 ; Morale, t. iv, col. 1260. Mais comme celle-ci n’a pas à intervenir dans la manière dont on conçoit le fonctionnement de l'être intelligent, la psychologie des Hébreux est purement humaine et spécialement sémitique. Ils comprennent les opérations de l'âme et ses rapports avec le corps comme on pouvait le faire de leur temps et dans leur milieu, prêtant au souffle, au sang, au cœur, aux reins, aux entrailles, aux os, une action dans la vie de l'âme, dans ses pensées, ses volontés et ses sentiments. Cf. Fr. Delitzsch, System der biblischen Psychologie, Leipzig, 1861, p. 149-285. Les termes qu’ils emploient reflètent ces conceptions. La substance spirituelle et pensante prend chez eux le nom de ruâh, « soufflé », nvEÛ[x.a, spiritus. Le corps est appelé bâ&âr, « chair », <ràpÇ, caro, le mot râpa, corpus, étant plus habituellement réservé pour désigner le cadavre. Matth., xiv, 12 ; xix, 5 ; xxvii, 58 ; Marc, x, 8 ; xv, 43 ; Luc, xvii, 37 ; xxiii, 52, 55' ; Joa., xix, 31, 38, 40 ; Act., ix, 40, etc. Le néfeir hébreu, Ivx’hi anima, est le nom du composé humain et par conséquent de la vie. Matth., ii, 20 ; vi, 25 ; x, 39 ; Marc, iii, 4 ; x, 45 ; Luc, vi, 9 ; xii,

20, 23 ; Joa., x, 11 ; xii, 25 ; Act., xx, 24 ; Rom., xvi, 4, etc. Il remplace même le pronom personnel pour désigner la personne elle-même. Matth., vi, 25 ; xxvi, 38 ; Luc, i, 46, 47 ; Act., ii, 43, etc. La sensibilité y a parfois son siège. Matth., xi, 29 ; xxvi, 38 ; Marc, xiv, 34 ; Luc, ii, 35 ; xii, 19, 20 ; Apoc, xviii, li, etc. Les termes abstraits pour désigner la sensibilité et les sens n’existent pas. Des verbes servent à indiquer les opérations de ces derniers, sans qu’on se soucie toujours d'établir un rapport logique entre l’idée et l’expression. Ainsi on. « voit > : la chaleur, Is., xliv, 16, le bruit, Marc, v, 38, la vie, Joa., iii, 36, la corruption, Luc, ii, 26 ; Joa., viii, 51 ; Act., ii, 27, au lieu de les « sentir » ; on « goûte » la mort, Matth., xxvi, 28 ; Joa., viii, 52, etc., au lieu de la « souffrir ». Rien ne marque explicitement la distinction entre la sensation et le sentiment. Les nuances manquent pour l’expression des sentiments intermédiaires ; pour dire « aimer moins », on est obligé d’avoir recours au verbe « haïr ». Luc, xiv, 26. Les passions ne sont pas distinguées des désirs. L’intelligence est habituellement nommée lêb, « cœur », xapSc’a, cor. Voir Cœur, t. ii, col. 823. La raison, la conscience' n’ont pas de nom spécial ; la loi est écrite dans le cœur, Rom., ii, 15, et non dans la conscience. L’imagination n’est pas mentionnée ; l’intention ne se distingue pas du cœur où elle se forme. Le nom abs- 1 trait de la vertu se rencontre à peine. Cf. Vigouroux, Le Nouveau Testament et les découv. archéol. mod., Paris, 1896, p. 61-76. Cette psychologie était donc assez rudimentaire et ne comportait pas une analyse très profonde des facultés de l'âme et de leur exercice. — Pareillement, les Hébreux ne se font qu’une idée imparfaite de la nature de l'âme, de sa distinction d’avec le corps et des conditions de sa vie séparée. De là peut-être leur embarras pour concevoir clairement sa survivance après la mort, quand le corps lui-même n'était plus là pour la servir et tombait en dissolution. Voir Schéol. Ainsi s’explique en partie leur lenteur à dégager complètement la notion de son immortalité, comme aussi à trouver la solution du problème de l'épreuve des bons et de la prospérité des méchants sur la terre. Voir Mal, t. iv, col. 601-604. Les révélations et les bienfaits divins dont ils ont été l’objet, les précautions qui ont été prises. pour les isoler des autres peuples, les persécutions et la haine dont ils finissent par devenir les victimes, enfin les prophéties qu’ils entendent dans un sens temporel et exclusivement favorable à leur nation, deviennent pour les Israélites le prétexte à une appréciation très exagérée de leur supériorité par rapport aux autres hommes. Ils oublient que, s’ils ont été les premiers bénéficiaires de la révélation, c’est afin de la conserver et de la transmettre au reste de l’humanité, et non de la monopoliser comme un bien qui leur est dû. Il y a là une méconnaissance de l'égalité originelle des hommes et de l’indépendance de Dieu dans la répartition de ses dons, que saint Paul est obligé de redresser. Rom., ii, 1-ni, 20. — 4° La révélation ne faisait connaître aux Hébreux que deux idées fondamentales au sujet du monde : la création de toutes choses par Dieu et l’action de sa providence sur tous les êtres créés. À elles seules, ces deux idées font dé la cosmogonie mosaïque une œuvre philosophique qui n’a été dépassée par aucun système. Voir Cosmogonie mosaïque, t. ii, col. 1034. Quant aux explications de détail, les Hébreux sont restés tributaires de la science de leur époque, science des apparences audessus de laquelle ils n’ont eu ni le désir ni le moyen de s'élever. Seulement leurs idées religieuses, se combinant avec leur connaissance fort restreinte des lois de la nature, les ont portés à supposer très fréquemment une action directe de Dieu là où nous ne voyons que le jeu normal des forces créées et réglées par lui. II. La philosophie des auteurs sacrés. — 1° Moïse &

et les prophètes sont des philosophes en ce sens que leurs écrits enseignent la vraie sagesse, beaucoup moins par le côté théorique que par le côté pratique. Ils règlent les rapports de l’homme avec Dieu et avec ses semblables : vis-à-vis de Dieu, respect, obéissance, amour, culte conforme à la loi, mais sincère et exempt de formalisme ; vis-à-vis du prochain, justice sous toutes ses formes et bienveillance. Il n’y a pas de meilleure philosophie que celle qui conduit à de pareilles conclusions et aide à en faire des règles pratiques et obéies.

— 2° D’autres écrivains sacrés ont traité plus directement et plus exclusivement les questions philosophiques, telles que les concevaient les Hébreux. Ce sont d’abord certains Psalmistes, qui se sont occupés des questions de morale. Ps. (Vulgate) 1, xxxvi, lxxii, cxi, cxxxviii, Cxliv, etc. Le livre de Job est le type d’une large discussion philosophique. Le problème posé est celui de la relation de cause à effet qu’il faut supposer entre le mal moral et le mal physique. Plusieurs interlocuteurs défendent des solutions diverses en faisant appel tantôt au raisonnement, tantôt et beaucoup plus fréquemment, à l’expérience. La discussion n’est pas menée avec une logique serrée, comparable à celle des dialogues de Platon. Elle se poursuit cependant majestueuse, vivante, incisive, avec une allure tout orientale, pour aboutir à une double solution : une solution de principe, la soumission à la toute-puissante et insondable volonté de Dieu, et une solution de fait, le retour du juste à la prospérité après son épreuve momentanée. Voir Job (Livre de), t. iii, col. 1570-1576. L’Ecclésiaste est une sorte de traité de la béatitude, consistant sur la terre à servir Dieu tout en jouissant avec modération des biens qu’il accorde à l’homme. Le raisonnement y tient peu de place ; l’auteur procède surtout par aphorismes qui s’inspirent du bon sens et par des appels à sa propre expérience et à celle des autres. Voir Ecclésiaste (Le livre de l’), t. ii, col. 1584. Le livre des Proverbes est par excellence le livre de la sagesse hébraïque. Il contient l’éloge de la sagesse, dont il cherche l’origine en Dieu même, et traite des devoirs de la vie morale, de la vie domestique et de la vie civile. C’est un De officiis, mais composé suivant la méthode orientale. On n’y voit ni. déductions logiques, ni développements suivis, mais seulement de brèves sentences, des observations, des conseils, des tableaux de mœurs, le tout tendant à rendre la vie vertueuse et en même temps aussi supportable que possible, pour soi et pour les autres. Les plus hautes leçons de morale s’y mêlent aux préceptes les plus élémentaires de la prudence et de la civilité. Le même genre de philosophie pratique se retrouve dans le livre de l’Ecclésiastique. Seulement le groupement logique des pensées y est beaucoup plus sensible. D’après le fils de Sirach, la vraie sagesse vient toujours de Dieu et se manifeste surtout par l’accomplissement des devoirs envers lui. Mais elle préside également à tons les actes et à toutes lès relations des hommes, afin de rendre la vie bonne et heureuse ici-bas. Voir Ecclésiastique (Le livre de l’), t. ii, col. 1551-1553. La morale de ces livres est inférieure à celle de l’Évangile ; mais, en général, elle s’élève fort au dessus de la morale des sages du paganisme. — L’un des traités de la Mischna, Pirke Aboth, « sentence des pères, » contient, en cinq chapitres, une collection analogue de conseils pratiques, parmi lesquels plusieurs insistent sur la nécessité d’étudier la loi. Ce recueil est d’une date postérieure à l’ère chrétienne (70-170), mais se réfère parfois à des autorités plus anciennes. Sa philosophie ne dépasse pas celle des livres précédents, si tant est qu’elle l’égale.

III. Influence de la philosophie grecque. — 1° Elle se fait sentir dans un des livres de l’Ancien Testament, la Sagesse, œuvre dont l’auteur appartenait à la communauté judéo-hellénique d’Alexandrie. Il est naturel que Ce livre inspiré reflète les manières de penser des

Juifs hellénistes, tout en restant conforme à la doctrine révélée. On sait que les Juifs de la Palestine voyaient de fort mauvais œil cette sorte de décentralisation de I » pensée hébraïque et cette intrusion de la culture grecque, justement suspecte à bien des égards. Josèphe, Ant. jud., XX, xi, 2, se fait l’interprète de cette antipathie : « On n’estime pas chez nous, dit-il, ceux qui apprennent à parler la langue de beaucoup de nations et qui recherchent dans leurs discours l’élégance et les ornements du langage, parce qu’on regarde cette recherche comme à la portée des esclaves aussi bien que des hommes libres. On ne tient pour sages que ceux qui ont acquis la science des lois et savent interpréter avec compétence la valeur des choses et des paroles dans les saintes Lettres. » Le livre de la Sagesse, par sa manière de présenter les idées hébraïques et de les exprimer, sort évidemment du cadre traditionnel et se rapproche de l’hellénisme. La sagesse n’y apparaît plus seulement sous la forme poétique usitée dans les livres précédents ; elle y prend une allure plus philosophique. Elle est un « . souffle de Dieu », une « émanation de sa gloire », un « éclat de la lumière éternelle », vii, 25, 26 ; elle s cohabite avec Dieu », elle « initie à la science de Dieu », elle « choisit parmi ses œuvres » celles qu’il doit réaliser, viii, 3, 4 ; elle est « assise près du trône de Dieu », îx, 4, et s’identifie avec le Logos tout-puissant qui a son trône royal dans le ciel, xviii, 15. C’est déjà un acheminement vers le Logos de saint Jean. Voir Logos, t. iv, col. 323. L’auteur sacré ne s’écarte pourtant point des données antérieures sur la sagesse ; il veut surtout montrer en elle un attribut divin à la communication duquel sont appelés les hommes de bien. Cette sagesse se meut et pénètre l’univers, vii, 24 ; viii, 1, comme ce que les stoïciens appelaient l’âme du monde. Elle est la source de la tempérance, de la prudence, de la justice et de la force, viii, 7. Ce sont là les quatre vertus cardinales de Platon. L’auteur s’inspire aussi de la psychologie platonicienne dans sa conception de l’âme, viii, 20, dont le corps n’est que la « tente terrestre ». ix, 15. Il ne procède plus par courtes sentences, comme les écrivains palestiniens ; sa pensée se déroule en assez longs développements, dans lesquels le raisonnement prédomine. L’idée elle-même perd sa forme concrète et imagée d’autrefois pour prendre un tour abstrait et philosophique. Là où l’auteur dit : « Qui tient des discours impies ne saurait rester caché… Facilement on la trouve (la sagesse) quand on la cherche, » Sap., i, 8 ; VI, 13, ses prédécesseurs avaient écrit : « L’oreille qui entend et l’œil qui voit, c’est le Seigneur qui a fait l’un et l’autre… La sagesse crie dans les rues, elle élève sa voix sur les places. » Prov., xx, 12 ; i, 20. Un sorite en règle est même employé pour prouver que le désir de la sagesse conduit à la royauté éternelle. Sap., vi, 17-20. Les dix derniers chapitres sont une philosophie de l’histoire des égyptiens, au moment de l’exode des Hébreux, tendant à montrer l’infériorité de l’idolâtrie par rapport au culte du vrai Dieu. D’ailleurs les grandes erreurs des philosophes grecs sont présentes à l’esprit de l’écrivain sacré. Par sa théodicée si claire et si ferme, il prémunit à la fois contre le panthéisme des stoïciens, l’abstraction rationaliste des péripatéticiens et le nihilisme des sceptiques. — 2° Platon a exercé une large influence sur les idées du juif Philon ; mais cette influence est demeurée étrangère aux écrivains sacrés, puisque le Logos de saint Jean n’emprunte rien à celui du disciple de Platon. Voir Logos, t. iv, col. 323. — 3° Par contre, quelques écrivains juifs ont cru que les philosophes grecs, Pythagore, Socrate, Platon, avaient puisé dans les livres de Moïse. Cette idée a été mise en avant par Aristobule, vers 170-150 avant Jésus-Christ. Philon l’a également soutenue. Cf. Schûrer, Geschichte des jûdischen Volkes im Zeit.

J. C, Leipzig, t. iii, 1898, p. 386, 547. Josèphe, Cont. Apion., ii, 16, prétend que les philosophes grecs ont eu Moïse pour maître et pour guide dans tout ce qu’ils ont dit de juste sur Dieu. Les livres de Moïse n’ont pu exercer d’influence directe sur les penseurs grecs avant leur traduction par les Septante, sous Ptolémée Philadelphe, 284-246 avant Jésus-Christ, Il se peut que dans leurs voyages, surtout en Egypte, Pythagore et Platon aient eu quelque connaissance des enseignements mosaïques. Mais on ne saurait dire en quelle mesure et rien n’est prouvé à cet égard. Dans les reproches qu’il adresse aux philosophes du paganisme, saint Paul ne fait aucune allusion à une transmission de la doctrine mosaïque sur Dieu. Il suppose au contraire que ces philosophes ont parfaitement pu connaître Dieu par ses œuvres, et que la raison suffisait à les instruire de son existence et de sa nature. Rom., i, 18-20. Si l’enseignement de la révélation était arrivé jusqu’à eux, ils auraient été beaucoup plus coupables. IV. La philosophie du Nouveau Testament. — 1° Les écrivains du Nouveau Testament se rattachent à leurs ancêtres hébraïques quand ils touchent aux questions qui peuvent se rapporter à la philosophie. Les enseignements évangéliques, avec leur impeccable rectitude, apportent la solution définitive aux principaux problèmes qui tourmentent la raison humaine, dans la mesure où cette solution intéresse la vie chrétienne. Pour le reste, Notre-Seigneur ne dit rien dont puissent profiter soit la philosophie spéculative, soit les sciences profanes, abandonnées à la libre activité des hommes. Ce sont surtout des idées de bon sens que le Sauveur met en relief : « La vie est plus que la nourriture et le corps plus que le vêtement. » Matth., vi, 25. « Le sabbat est fait pour l’homme, non l’homme pour le sabbat. » Marc, ii, 27. « Celui à qui on remet moins, aime moins. » Luc, vii, 47. s Ce qui souille l’homme n’est pas ce qui entre dans sa bouche, mais ce qui en sort. » Matth., xv, 11> etc. D’autres fois, ce sont des traits de vive lumière projetés sur les questions de théodicée ou de morale : « Mon Père est sans cesse en action. » Joa., v, 17. « Dieu est esprit et ceux qui l’adorent doivent le faire en esprit et en vérité. » Joa., IV, 24. « Qui fait le mal hait la lumière, qui pratique la vérité vient à la lumière. » Joa., iii, 20, 21, etc. La seule doctrine philosophique que Notre-Seigneur ait rencontrée sur son chemin est celle des sadducéens, qui niaient la résurrection des corps et l’immortalité de l’âme, Matth., xxii, 23 ; Marc, xii, 18 ; Luc, xx, 27 ; Act., iv, 1, 2, et aussi l’existence des anges. Act., xxiii, 8. Il y avait là une sorte de matérialisme, qui allait même jusqu’à révoquer en doute l’action de Dieu sur ses créatures. Le Sauveur les réfuta en leur rappelant que, d’après l’Écriture, Dieu est le Dieu des patriarches et le Dieu des vivants, c’est-à-dire celui pour qui tous sont vivants, Luc, xx, 38, d’où il suit que les patriarches son encore vivants par leur âme. — 2° À Athènes, saint Paul eut à conférer avec des philosophes épicuriens et stoïciens. Act., xvii, 18. Voir épicuriens, t. ii, col. 1894 ; Stoïciens. À l’Aréopage, l’Apôtre traite la question des attributs de Dieu et de ses rapports avec l’homme dans les termes les plus philosophiques. Mais l’affirmation de la résurrection des morts lui aliène son auditoire. Act., xvii, 23-32. Dans ses jipîtres, il fait allusion à cette sagesse qu’estiment tant les Grecs, I Cor., i, 22-25 ; il est obligé de recommander aux Colossiens, ii, 8, de se tenir en garde contre une certaine philosophie qui est contraire aux enseignements de l’Évangile. Col., ii, 16-23. Souvent il rencontra dans ses missions des docteurs dont les rêveries empruntaient une certaine forme philosophique pour s’opposer avec plus de succès aux doctrines évangéliques. Act., xx, 30 ; I Tim., iv, 1-7 ; vi, 20 ; II Tim., ii, 16-18 ; iii, 13, etc. S’inspirant surtout de fables judaïques, ceux-ci préconisaient un culte

particulier des anges, avec des généalogies interminables, des mythes, des questions subtiles et ridicules, le tout pour aboutir à des pratiques immorales et condamnables, à une science de mauvais aloi, I Tim., vi, 20, que les systèmes gnostiques devaient plus tard développer et répandre. Saint Paul combat ces doctrines avec énergie, sans cependant leur opposer d’arguments précis : il n’y a pas d’argumentation philosophique contre le vague et l’insaisissable. Cf. Duchesne, Histoire ancienne de l’Église, Paris, 1906, t. i, p. 66-75. L’Apôtre a sa dialectique particulière pour établir les thèses dont il a besoin. Cette dialectique n’est pas toujours conforme aux règles de la logique classique ; mais elle constitue une argumentation ad honùnem contre laquelle ses adversaires demeuraient impuissants. Ainsi, d’après saint Paul, Abraham fut justifié par sa foi avant d’être circoncis ; donc la justification ne peut venir de la circoncision. Rom., IV, 9-22. Abraham eut deux fils, l’un de la servante, l’autre de la femme libre. Or la servante venait du Sinaï, et c’est au Sinaï que les Israélites ont reçu la loi. Donc cette loi était une loi de servitude et en conséquence les Juifs ne sont pas les fils de la femme libre. Gal., iv, 22-28. L’Épître aux Hébreux présente des arguments de même nature. Melchisédech a béni Abraham, donc il lui est supérieur, donc le sacerdoce de Melchisédech est supérieur lui-même au sacerdoce des descendants d’Abraham, par conséquent au sacerdoce aaronique. Heb., vii, 1-10. En réalité, saint Paul s’en tient aux procédés de raisonnement qu’il a appris des docteurs juifs. Quand il s’adresse à des chrétiens venus du paganisme, il fait même profession de répudier la sagesse humaine, avec sa dialectique subtile et son beau langage, afin de laisser à la puissance de la croix de JésusChrist toute la gloire de la prédication évangélique. 1 Cor., ii, 1-5. Comme la philosophie humaine n’a pas su arriver à la connaissance de Dieu, l’Apôtre veut faire accepter par les Grecs la croix du Sauveur, mais sans se servir « des paroles qu’enseigne la sagesse humaine ». I Cor., l, 21 ; il, 13. C’est là l’esprit même de l’Évangile. La doctrine du Sauveur domine de haut toutes les philosophies, elle éclaire beaucoup de leurs obscurités et rectifie beaucoup de leurs erreurs. Mais elle ne les met pas directement à contribution, parce que les systèmes philosophiques ne durent pas toujours et n’atteignent qu’un petit nombre d’esprits, tandis que l’Évangile est destiné à tous les hommes et à tous les temps, et ne fait appel qu’au bon sens pour gagner la raison et à la grâce pour produire la foi. — Voir Philon, col. 300 ; H. L. Mansel, Philosophy, dans Kitto, Cyclopsedia of Biblical Literature, 3= édit., t. iii, 1866, p. 517-531 ; B. F. Westcott, dans Smith, Dictionary of the Bible, t. ii, 1863, p. 849858 ; Frz. Delitzsch, System, der biblischen Psychologie, 2e édit., Leipzig, 1861 ; Buch, Weisheitlehre der Hebrâer, Strasbourg, 1851 ; M. Nicolas, Les doctrines

religieuses des Juifs, Paris, 1860.
H. Lesêtre.
    1. PHILOXÈNE##

PHILOXÈNE, évêque de Mabboug, un des écrivains syriens jacobites les plus féconds. H naquit à Tahal dans le Beit-Garmaï, contrée sise entre le Tigre et les montagnes du Kurdistan au sud du petit Zab. Il étudia à Édesse sous Ibas (435 à 457), et fut chassé d’Antioche par le patriarche Calendion (482 à 485) parce qu’il corrompait la doctrine de l’Église. Il se consacra dès lors à la défense de la doctrine condamnée au concile de Chalcédoine, fut nommé évêque de Mabboug (Hiéropolis), par Pierre le Foulon, en 485, et changea alors son nom, qui était Aksénaya, contre celui de Philoxène. Il alla plusieurs fois à Constantinople et décida enfin l’empereur Anastase à réunir à Sidon un concile qui déposa Flavien d’Antioche et le remplaça par Sévère. Mais Justin I « suivit une politique religieuse opposée à celle d’Anastase, il rétablit, le

24 mars 519, la communion avec Rome, exila les évêques jacobites et déporta Philoxène à Philippopolis en Thrace, puis à Gangres en Paphlagonie où il mourut vers 523.

Parmi ses nombreux ouvrages, dont une petite partie seulement est publiée, nous citerons son commentaire sur les Évangiles conservé en partie dans deux manuscrits du British Muséum, à Londres. L’un de ces manuscrits est daté de l’an 5Il et renferme des fragments du commentaire sur saintMatthieu et saint Luc. Quelques années plus tôt, en 505 ou 508, Philoxène avait chargé le chorévêque Polycarpe de faire sur le grec une version littérale de l’Ancien et du Nouveau Testament. Cette version, nommée « Philoxénienne », jouit d’un certain crédit durant le vie siècle, niais ne tarda pas à être supplantée par d’autres et il n’en reste que des fragments dans quelques manuscrits. Cf. Wright, Syriac Literature, London, 1894, p. 13-14 ; Rubens Duval, La littérature syriaque, Paris, 3e édit., 1907, p. 50, 64.

F. Nau.

    1. PHINÉE##

PHINÉE, PHINÉES (hébreu : Pînelfâs, « bouche d’airain éclatante ; » Septante : <£>tvéec), nom de trois Israélites. D’après certains commentateurs, le nom est d’origine égyptienne et peut signifier en cette langue « le nègre ». Voir E. Nestlé, Die isrælitischen Eigennamen, in-8°, Haarlem, 1876, 112. Cf. Zeitschrift der deutschen morgenl. Gesellschaft, t. xxv, p. 139.

1. PHINÉES, fils d’Éléazar et petit-fils d’Aaron. Sa mère était une fille de Phutiel, que le Targum du pseudo-Jonathan, Exod., i, 25, identifie avec Jéthro le Madianite, mais qui est en réalité un inconnu dont on ne sait que le nom. Phinées fut le troisième grandprêtre d’Israël. Encore jeune, il se rendit célèbre par son zèle à châtier les Juifs infidèles qui participèrent à Settim au culte licencieux de Béelphégor et commirent le mal avec les filles de Moab. Moïse, au nom de Dieu, commanda à son peuple de mettre à mort les coupables. Il s’agissait de préserver la religion judaïque dans sa pureté et de combattre Baal qui devait pendant plusieurs siècles lutter contre Jéhovah. Phinées se distingua entre tous les vrais Israélites. Il pénétra dans la tente de Gozbi, fille d’un prince madianite appelé Sur, où Zambri, fils de Salu, chef de la tribu de Siméon, au grand scandale des Israélites, était entré publiquement, et il frappa à mort les deux complices de sa lance dans le ventre. En récompense de cette action d’éclat, Dieu lui promit pour lui et aa race le souverain sacerdoce. Num., xxv. Son zèle fut fécond : il fut glorifié d’âge en àg&, ïs. CT ^cmi), 3ft-3 ; EceU., tilv, 23-25, et, lorsque Matathias, le père des Machabées, commença la guerre sainte contre le persécuteur Antiochus Épiphane, ce fut j’exempte de Phinées, qui enflamma son ardeur.

I Mach., ii, 26, 54.

Afin d’imprimer l’horreur la plus vive dans le cœur des Israélites pour le culte abominable de Béelphégor, Dieu voulut que Moïse châtiât les Madianites qui avaient faitprévariquer tant de coupables. Douze mille hommes furent envoyés contre eux et Phinées fut chargé de les accompagner en emportant avec lui les instruments sacrés dont la nature n’est pas précisée et les trompettes (bâ ?ô$erôf hat-terû’àh. Num., xxxi, 6 ; cf. x, 8-9 ;

II Par., xiii, 12. La défaite des Madianites fut complète et Balaam, qui avait donné le conseil perfide de séduire les Israélites, en les initiant au culte de Béelphégor, fut au nombre des tués.

Phinées fut, sans doute pendant la vie d’Éléazar, son père, chef des Corites chargés de la garde.des portes du Tabernacle et de l’entrée du camp d’israél. I Par., ix, 19-20. Quand les tribus transjordaniennes construisirent un autel sur les bords du Jourdain, Phinées reçut à Silo, de la part des tribus cisjordaniennes, la mission d’aller à la. tête de, dix princes, leur faire des

remontrances ; ils lui répondirent de manière à le satisfaire ainsi que tout Israël. Jos., xxii, 13-14, 30-33.

Phinées succéda comme grand-prêtre à son père Éléazar. Il remplissait ses fonctions lorsque les onze tribus déclarèrent la guerre à celle de Benjamin pour venger le crime commis à Gabaon contre la femme du Lévite de la montagne d’Éphraïm. Jud., XX, 28. D’après’le texte hébreu, l’arche d’alliance semble avoir été à ce moment à Béthel, }. 26-27, et non à Silo, comme avant et après cette époque. Dans le partage de la Terre Promise, Phinées avait reçu pour héritage dans la montagne d’Éphraïm, la ville de Gabaa, ou, comme l’appelle laVulgate, Gabaath, qui fut surnommé « de Phinées », pour la distinguer des autres localités du même nom. Voir Gabaath de Phinées, t. iii, col. 14. C’est là qu’avait été enseveli le grand-prêtre Éléazar, Jos., xxiv, 32, et c’est là, d’après une addition des Septante, que fut aussi enseveli Phinées. « Phinées, dit le texte grec, remplit les fonctions de grand-prêtre jusqu’à sa mort, à la place d’Éléazar, son père, et il fut enterré dans la ville de Gabaath. » Le lieu traditionnel de sou tombeau (fig. 73) est très fréquenté par les pèlerins juifs et samaritains.

73. — Tombeau traditionnel de Phinées. D’après Conder, Tentivork in Palestine, t. i, p. 77.

Le souverain pontificat se conserva dans la descendance de Phinées, comme Dieu le lui avait promis, en récompense de son zèle, contre les Israélites idolâtres, Num., xxv, 13, sauf une interruption, dont la cause est inconnue. Du temps du grand-prêtre Héli, il était passé dans la branche d’Ithamar, quatrième fils d’Aaron,

I Reg., ii, 23, mais il rentra dans la famille d’Éléazar, en la personne de Sadoc, à l’époque de Salomon, III Reg., Il, 35, et il se perpétua dans la même ligne jusqu’à Notre-Seigneur. Voir Grand-prêtre, t. iii, col. 304. Le grand-prêtre des Samaritains se vante de descendre des Phinées par Ménélas, fils de Johanan et frère de Jeddoa,

II Esd., XII, 22, ou Jaddus. Voir la Lettre des Samaritains à Scaliger, dans J. G. Eichhorn, Reperlorium fur biblische Literatur, t. xii, p. 262.

2. PHINÉES, second fils du grand-prêtre Héli. I Reg.. i, 3 ; ii, 34. Il commit les mêmes fautes que son frère Ophni et périt avec lui dans la défaite que les Philistins infligèrent aux Israélites. I Reg., iv, 4, 11, 17. Voir Ophni 1, t. iv, col. 1833. Sa femme, à la nouvelle de sa mort, mourut elle-même en donnant prématurément naissance à un fils qu’elle appela Ichabod. Elle avait un fils aine appelé Achitob, lequel eut à son tour deux fils, Achias et Achimélech, qui furent grands-prêtres à Silo et à Nobé sous le règne de Saûl. I Reg., iv, 19 ; xiv, 3 ; xxii, 9.

3. PHINÉES, lévite, père d’Éléazar. Cet Éléazar fut un de ceux qui furent chargés par Esdras de vérifier le poids des vases sacrés rapportés de Babylone. I Esd., vm, 33.

    1. PHINON##

PHINON (hébreu : Pinôn ; Septante : « Êetvtov), un des’allûf d’Édom, ainsi appelé du nom de la ville où il

résidait. Gen., xxxvi, 41 ; I Par., i, 52, Eusébe et saint Jérôme, Onomastic, édit. Larsow et Parthey, 1862, p. 360-363, mentionnent une ville de Phinon entre Pétra et Zoar ; ils disent que c’est là, Num., xxxiii, 42 (Vulgate : Phunon), que fut établi un des campements d’Israël pendant l’exode et qu’il y avait en cet endroit des mines (de cuivre) exploitées par les Romains, ^oir Phunon.

. PHISON (hébreu : Pîsôn ; Septante : « Êtcrâv), un des quatre fleuves du Paradis terrestre. Il entourait le pays d’Hévilath. Gen., ii, 11-12. Sur son identification, voir Paradis terrestre, t. iv, col. 212. L’auteur de l’Ecclésiastique, xxiv, 35, compare la loi de Moïse qui fait déborder la sagesse avec le Phison qui fait déborder ses eaux.

    1. PHITHOM##

PHITHOM (hébreu : Pifôm ; Septante : Ilsrôti, ILOwn), ville d’Egypte.

I. Conjectures sur le site de 1766 k 1883. — Sous le pharaon oppresseur, les Hébreux, surveillés par d’impitoyables maîtres des travaux, bâtirent deux villes fortes contenant des magasins, Phithom et Ramessès. Exod., i, 10-11. Longtemps on s’est demandé dans quelle partie du Delta oriental se trouvaient ces deux villes. On se le demande encore pour Ramessès, bien que le cercle où il faut la chercher se soit singulièrement resserré. Quand les premiers chrétiens se préoccupèrent de la géographie de l’Exode, la plupart des stations bibliques d’Egypte étaient disparues ou se cachaient sous des noms nouveaux. On les localisa au hasard. Des modernes seulement datent les recherches précise^. Pour Phithom, d’Anville avait déjà remarqué, Mémoires sur l’Egypte ancienne et moderne, 1766, p. 122-124, qu’elle devait être identique à l’Héroopolis de l’Itinéraire d’Antonin, édition Wesseling, p. 170, et qu’il fallait la placer, non vers le fond du golfe de Suez, mais sur le canal de Néchao, devenu plus tard le Trajanus amnis, à l’endroit même de la IlàTupio ; d’Hérodote, ii, 158, à l’aboutissement de la route de Palestine en Egypte. C’est en effet dans la terre de Gessen, Gen., xlvi, 28, et à ce point même de la terre de Gessen dans la terre de Ramessès que Joseph rencontra Jacob venant de Chanaan et de Bersabée. Josèphe, Ant. jud., II, vii, 15. D’autre part, les Septante, qui devaient connaître la géographie du Delta, ont rendu par’HptowM IIôXiv le Phithom du texte hébreu ; et la version copte, faite d’après le texte grec, a substitué Phithom, n& » (OAJ./ à Héroopolis. Sur ces témoignages il n’était donc pas téméraire de tirer l’équation Phithom = Patumos = Héroopolis. Mais quelle était au juste la situation de PhithomHéroopolis ? Par son Mémoire sur le canal des deux mers, dans la Description de l’Egypte, t. xi, 2e édit., 1822, p. 291-298, poussant plus loin les observations de d’Anville, Le Père situait Héroopolis à Abou-Keycheyd où l’on voyait un vaste amas de décombres. Dubois-Aymé, Sur les anciennes limites de la mer Rouge, loc. cit., p. 377-379, corroborait la même opinion, suivi en cela par Quatremère, Mémoires géographiques et historiques sur l’Egypte, t. ii, p. 166 sq., et Champollion, L’Egypte sous les Pharaons, t. ii, p. 89. Or, Abou-Keycheyd n’est pas autre chose que l’ancien nom de Tell-el-Maskhouta, « le monticule de la statue ». Ce dernier nom, qui nous est plus connu, était dû à un monolithe en granit rouge représentant un roi assis entre deux dieux et dominant les ruines. Précisons la place. Au sortir de Zagazig, quand on prend la direction d’Ismaïliah, le chemin de fer ne tarde pas d’atteindre Tell el-Kébir. On est alors en plein Ouadi Toumilat jusqu’à Ismaïliah, sur une longueur de cinquante kilomètres. L’Ouadi relie à travers le désert » rabique le Delta aux lacs Amers. Le chemin de fer et le canal d’eau douce qui va alimenter Suez y ont pris la place de deux canaux plus anciens dont les traces sont encore reconnaissables, l’un qu’on


appelle « le canal de l’Ouadi », l’autre, « le canal des pharaons », qui depuis Néchao et Darius joignit le Nil à la mer Rouge. Le canal de l’Ouadi était probablement un canal plus moderne destiné à l’arrosage de la région. Déjà Ramsès II dut conduire l’eau jusqu’à Phithom et dans toute la région de Socoth, qui n’auraient pu subsister sans eau, et c’est peut-être ce qui lui a valu la réputation d’avoir tenté de faire communiquer le Nil avec la mer Rouge, suivant la tradition mentionnée par Strabon, i, 2, 31. C’est du canal des pharaons qu’Hérodote a dit : « Son eau procède un petit au-dessus de la ville Bubastis, et passant par Patume, ville d’Arabie, va rencontrer la mer Rouge. » ii, 158, trad. Saliat, édit. Talbot, p. 189. Si l’on est dans l’Ouadi Toumilat, on est aussi en terre de Gessen, voir Gessen, t. iii, col. 218-220, et dans la partie la plus orientale de la terre de Ramessès, qui paraît avoir compris non seulement la terre de Gessen, mais encore toute la partie du Delta située à l’est de la branche tanitique. Ed. Naville, Goshen and Shrine of Saft el-Henneh, 1887, p. 18 (Mémoire iv de YEgypt Exploration Fund). Sur cette partie ainsi délimitée de la terre de Gessen dans la terre de Ramessès, Tell el-Maskhouta occupe le point central, à égale distance de Tell el-Kébir et d’Ismaïliah. L’égyptologie, à qui était réservée le dernier mot sur son identification, s’égara d’abord et même se dispersa. — Mû par la lecture du nom de Ramsès sur le monolithe qui avait donné son nom à la butte, Lepsius proposa d’y voir la ville de Ramessès, Chronologie der Aegypter, 1849, p. 348, tandis qu’il plaçait Phithom quatre ou cinq kilomètres plus à l’est, à Magfar. Loc, cit., p. 345. Pendant les derniers travaux nécessités par le percement de l’Isthme, en 1876, les ingénieurs français entamèrent les ruines de Tell el-Maskhouta. Entre autres monuments, un monolithe semblable à celui qui était visible, deux sphinx, un naos et une grande stèle parurent au jour.- Ils ornent aujourd’hui le jardin public d’Ismaïliah. Maspero les étudia, Sur deux nouveaux monuments de Ramsès II, dans Revue archéologique, nouvelle série, t. xxxiv, 1877, p. 320-332. Les inscriptions ne contenaient aucune indication géographique, mais on y lisait les cartouches de Ramsès II et les hommages de ce roi au dieu Tum. Maspero ne conclut pas autrement que Lepsius et l’on parut s’en contenter. La station du chemin de fer qui s’arrêtait alors en cet endroit porta même le nom de Ramessès. — Brugsch avait d’abord admis l’identité de Phithom et d’Héroopolis, mais en 1874 il fit sienne une théorie de Schleiden. Celui-ci, dès 1858, dans son livre Die Landenge von Sues zur Beurtheilung des Canalsprojects und des Auszugsder lsræliten aus Aegypten, p. 120 sq., fut le promoteur d’un Exode à travers les fondrières du lacSirbonet par les bords de la Jitéditerranée. Brugsch reprit l’idée de Schleiden et, pour le besoin de sa cause, plaça Ramessès à Tanis et Phithom près du lac Menzaleh, à mi-chemin entre Tanis et Péluse. La sortie des Hébreux d’Egypte et les monuments égyptiens, Alexandrie, 1874. Après les fouilles de Naville, il renonça loyalement à l’idée de Schleiden. Naville, Store-City of Pithom and Route of Exodus, 4e édit. 1903, p. 9, n. 8. — Chabas, lui aussi, en 1864, avait d’abord supposé qu’un jour on retrouverait la biblique Phithom en égyptien sous la forme

  • -p ^n=i <kk "] ~. « la demeure du dieu Tum », et que

Tell el-Maskhouta pouvait bien en recouvrir les ruines. Mélanges égyptologiques, 2e série, p. 162. Mais en 1873, Recherches pour servir à l’histoire de la XIX’dynastie et spécialement à celle du temps de l’Exode, p. 109, oubliant sa conjecture, il inclina à chercher Phithom aux environs de l’ancienne Thmuis. — La question de Phithom depuis d’Anville et les savants de l’expédition française s’était donc compliquée au lieu de s’éclaircir

V.

11

II. M. Na ville a Tell el-Maskhouta, 1883. — VJSgypt Exploration Fund venait de s’organiser. Elle confia à M. Ed. Naville le soin d’explorer les raines de Tell el-Maskhouta. Celui-ci commença par étudier les monuments transportés à Ismaïliah. Il se convainquit que le dieu d’Héliopolis sous sa double forme de Tum, le soleil couchant, et d’Horemkhou (Harmachis), le soleil levant, avait été le dieu de la cité à identifier, et il en augura que ce n’était pas Ramessès mais Phithom, la ville ou la demeure de Tum, qu’il découvrirait à Tell el-Maskhouta. Store-City of Pithom, p. 3-4. Reprenant les fouilles au point où avaient eu lieu celles de 1876, M. Naville trouva d’abord qu’il était à l’angle sud-ouest d’une énorme enceinte rectangulaire, encore visible par places, faite de briques crues et enfermant toute la butte, soit une surface de quatre hectares environ. Immédiatement devant lui il reconnut un temple. Les monolithes et les sphinx enlevés par ses devanciers en marquaient l’entrée. Le naos trouvé plus loin correspondait au sanctuaire. Ce temple une fois délimité, Naville poussa ses recherches vers l’angle nord-est de la grande enceinte. Il rencontra sous le sable de singulières constructions rectangulaires, nombreuses, aux dimensions inégales, sans communication entre elles, solidement bâties en murs de briques, d’au moins deux mètres d’épaisseur. C’était évidemment une série de greniers enfermés avec le temple dans la grande enceinte, comme dans une forteresse. On remplissait ces greniers par le haut, puis on les fermait. Pour y puiser, une porte était réservée à mi-hauteur ou vers le bas. Le signe hiéroglyphique i.1, shenut, « grenier », représente deux de ces chambres isolées l’une de l’autre et reposant sur une large assise de terre battue. Au cours de ces découvertes, déjà si précieuses, quelques monuments et des inscriptions sortirent des décombres : une vieille cité livrait quelques feuillets de son histoire, - et non les moins intéressants.

III. Le fondateur de la ville. — Le nom de Ramsès II se lisait déjà, avons-nous dit, sur tous les monuments transportés à Ismaïliah. Naville le rencontra encore sur un faucon de granit noir, emblème d’Horus, et sur un fragment retrouvé du naos. Il n’est sorti des fouilles aucun monument antérieur à ce prince, ni aucun de Ménephtah. À supposer même que Tum ait reçu là un culte plus ancien, il n’en demeure pas moins certain que Ramsès II est l’unique constructeur de la grande enceinte et des édifices qu’elle contenait. Il doit être regardé comme le véritable fondateur de la ville. D’où il suit que si cette ville est Phithom, Ramsès II est à n’en pas douter le pharaon de l’oppression, et ce furent bien les Hébreux, au milieu des plus cruelles vexations, qui la bâtirent avec son temple, ses greniers et son enceinte, en même temps qu’ils bâtissaient Ramessès. Ce qu’ils eurent à souffrir, l’Exode, v, 7-19, nous l’apprend et nous pouvons en juger par l’énorme quantité de briques amoncelées à Phithom, pendant qu’à Ramessès et ailleurs se poursuivait la même besogne, dans les mêmes conditions. Voir Brique, 1. 1, col. 1931-1934. Naville a observé que les murs des greniers étaient remarquablement bien bâtis, avec du mortier entre les couches de briques crues. Celles-ci ont quarante-quatre centimètres de long, sur vingt-quatre de large, et douze d’épaisseur. Tout y indiquait une œuvre de la bonne époque, faite, pour durer. Store-City of Pithom, p. 11. Villiers Stuart qui vint le visiter pendant les fouilles a écrit (citation de M. Naville) : « J’examinai avec le plus grand soin les murs des chambres, et je remarquai que certaines parties étaient faites de briques sans, aucun mélange de paille [ou de roseaux]. Je ne me souyiens pas d’avoir vu en Egypte des briques de cette sorte. Dans un climat sec comme celui d’Egypte, il n’est pas nécessaire de cuire les briques : on les fabrique avec

le limon du Nil et on les fait sécher au soleil. Pour leur donner de la cohésion, on y mélange de la paille, s Egypt after the War, p. 81. Ceci paraît nous indiquer deux choses : à un moment la paille fut supprimée aux Hébreux sans que leur tâche en fut diminuée, comme le rapporte l’Exode, v, 11 ; et, bien qu’ils se répandissent dans toute l’Egypte pour y ramasser des roseaux au lieu de paille, v, 12, il leur arriva parfois de ne pouvoir en réunir en quantité suffisante pour toutes les briques à fournir. S’il en était besoin, le récit de Moïse trouverait là une confirmation. Ramessès et Phithom étaient des forteresses autant que des magasins, comme cela convenait à un pays frontière, toujours menacé par les nomades que les riches plaines de l’Egypte sollicitaient aux razzias ; comme cela convenait surtout au débouché des routes vers la Syrie, à l’entrée du désert où se réunissaient les armées et les caravanes, où des soldats devaient se tenir toujours prêts à marcher pour sauvegarder la Palestine, la seule contrée qui restât aux Égyptiens des anciennes conquêtes de Thoutmès III. Les Septante ont donc pu rendre l’hébreu misknôt, « magasins », par it<5Xei{ 4j(vjpàç, villes fortifiées, cf. II Par., viii, 4 ; xvii, 12 ; ailleurs encore simplement par udXeiç où le contexte indique des citadelles. II Par., xvi, 4. La Vulgate traduit le même hébraïsme par urbes munitissimas, II Par., vin, 4 ; urbes muratas, xvi, 4 ; xvii, 12, et ici par urbes tabernaculorum, villes où l’on dresse pavillon, campement. Toutes ces expressions sont également vraies. IV. Les noms de la ville. — Tell el-Maskhouta représenterait vraiment le site de Phithom, suivant M. Naville. Cela résulte des monuments trouvés par lui. Les plus intéressants sont : — 1° Un fragment de grès rouge appartenant au naos d’Ismaïliah : il porte le titre divin de « maître de la région de Thuku » ou « Thukut ». Store-City of Pithom, pi. ni B.— 2° Une statue en granit rouge, figurant un homme assis, Ankhrenp-nefer, « lieutenant d’Osorkon II, le bon commémorateur de la demeure

de Tum, Cp kj, maître de An (Héliopolis). » Frontispice et pi. iv. — 3° Un fragment de statue du prophète Pamès-Isis, « chef des greniers, scribe du temple de Tum ; » il supplie la dame de An, Hathor, que la statue qui porte son nom soit à jamais fixée dans « la demeure de Tum, le gTand dieu vivant de la ville de

Thukut », ’^. PI. vu a. — 4° Une statue en granit

noir, un homme assis, Aak, « chef des prophètes de Tum, premier prophète de la ville de Thukut. » Il s’adresse aux prêtres : « Vous tous, prêtres, qui entrer dans cette demeure sacrée de Tum, le grand dieu de la ville de Thukut, dites : Le roi donne l’offrande, etc. » PI. v. — 5° Une grande stèle de Ptolémée Philadelphie, pièce capitale. Elle fut trouvée non loin de l’endroit où était le naos. Philadelphie y est représenté trois fois en adoration, dont deux fois devant Tum, « le grand dieu de la ville de Thukut. » PI. vtn. Dans le corps de l’inscription, « il aime Tum, le grand dieu vivant de la région de Thukut, » pi. IX, lig. 1, x, Iig. 28, « de la ville de Thukut. » PL ix lig. 2. « En l’an VI, quand on lui eut appris qu’était achevée la restauration du sanctuaire de son père Tum, le grand dieu de la ville de Thukut, Sa Majesté vint à Thukut, le trône de son père Tum. » PI. ix, lig. 7, etc. — Les cinq monuments énuméréssontou dédiés à Tum ou appartiennent à un prêtre attaché au culte de ce dieu. Le nom géographique de Thukut se présente sur quatre d’entre eux. Sous Ramsès II il porte le signe d’une terre frontière ; plus tard il est donné comme le nom de la capitale d’une région du même nom. Ce nom est généralement associé à celui du dieu Tum, « le grand dieu de Thukut, qui réside dans Thukut, le grand dieu vivant de Thukut. » La seule stèle de Philadelphe le contient au

moins douze fois tantôt avec le déterminatif des villes ©, tantôt avec celui d’une région de quelque

étendue ç. Il s’agit donc bien de Thukut, soit comme

ville soit comme région, et du culte de Tum dieu de la ville et de la région de Thukut. De plus le nom de Pitum se lit trois fois sur la statue de Ankh-renp-nefer, deux fois dans la grande stèle ptolémaïque avec le déterminatif des villes ©, pi. ix lig. 10, 13, où il est parlé des revenus affectés au temple, des statues et des prêtres placés deva nt « les dieux de Pi-tum-Thukut ». Pi-tum y a la

yariante H I., Ra-tum, « la divine demeure de Tum, le grand dieu qui réside dans Thukut. i> PI. v a, vu A, lig. 2, 3. Il s’agit donc bien aussi de Phithoni. Tout ce qu’on peut dire c’est que Pi-tum désignait plus spécialement l’enceinte avec son temple et sesgreniers, tandis que Thukut, désignait, en outre, la ville groupée autour de l’enceinte sacrée. En résumé, les textes de Tell el-Maskhouta nous apprennent que la ville située en cet endroit s’appelait Pi-tum, qu’elle était dans la la région de Thukut dont elle prit aussi le nom dans la suite. Si nous joignons ces données à ce que nous apprennent les Papyrus de la XIXe dynastie, nous voyons qu’à cette époque il n’est pas question de la ville de Thukut, mais uniquement de la région de

Thukut, le plus souvent écrite V ~, ’Anastasi, v,

pi. xix, lig. 2, 3, 8 ; xxv, lig. 2. Une lettre de l’an VIII de Ménephtah parle de nomades voisins de cette région qui furent autorisés à passer la frontière « à la forteresse de Ménephtah dans la terre de Thukut, vers les lacs de Pi-tum de Ménephtah dans la terre de Thukut, pour y vivre en faisant paître leurs troupeaux dans le grand état ou domaine de Pharaon. » Anaslasi, iv, 4. Cf. Brugsch, Dictionnaire géographique de l’ancienne’Egypte, 1889, p. 642 ; Chabas, Recherches pour servir à l’histoire de la XIXe dynastie, p. 107. À rencontre des papyrus de la XIXe dynastie, les textes géographiques de Denderah, Edfou et Philæ tous d’époque ptolémaïque, nous montrent Thukut comme étant, sans perdre son nom de région, le nom vulgaire ou civil de la capitale du VIIIe nome de la Basse-jigypte. Dùmichen, Geographische Inschriften, t. i, pi. lx.ii, lxiv. Le nom sacré de cette même ville était Ha-tum, loc. cit., t. iii, pi. cxlvi, etc., « la demeure de Tum », le dieu principal du nome ; il était aussi Pi-tum, loc. cit., t. ii, pi. lxxxviii ; t. iii, pi. xxix, « qui est à la porte orientale ». Il y a donc pleine correspondance entre les textes de Naville et les textes déjà connus par les papyrus et les temples. De ce que Pi-tum nous paraît n’avoir emprunté que plus tard le nom de la région qui dépendait d’elle, nous devons conclure qu’au temps de l’Exode la Socoth de la Bible, Exod., xii, 37 ; xiii, 20 ; Num., xxxiii, 5, 6, est prise dans le sens de région. On ne peut supposer d’ailleurs qu’une aussi grande multitude que celle des Israélites en route pour la Palestine ait pu s’arrêter, dans la ville même, ville fortifiée dont les portes ne se seraient pas ouvertes pour elle, et, se fussent-elles ouvertes, qui n’aurait pu la contenir. Que n’DD, Sucoth ou Socoth, soit le mot égyptien Thukut, cela est clair. Le s=> égyptien se prononçait th et on le transcrit souvent en grec par a et en hébreu par d. Brugsch, Zeitschrift fur âgyptische Sprache, t. xiii, 1875, p. 7. Pour n’en citer qu’un exemple, pris entre

beaucoup d’autres, la | s=> J©, Thebneter ou Theb nuter des Égyptiens, est devenue la Seëevvuioç, Sebennytus, des Grecs. Store-City of Pithom p. 7. — Il reste à nous demander pourquoi Hérodote appelle Pi-tum « ville d’Arabie » : n « ruji.o « r’Apccë{-r. Les Septante nomment aussi la terre de Gessen Teuét).’Ap « êîaç. Gen., xxxvl, 34. Arabie, Arabique signifient ici Orient, oriental, et c’est la traduction de l’expression égyp tienne I T ffi) Ro-ab, « porte orientale », que les textes de Denderah accolent au nom de Pi-tum, Dùmichen, loc. cit., 1. 1, pi. xcviii, lig. 12 ; t. ri, pi. xxix, lig. 3, et que nous retrouvons dans la grande stèle de Philadelphe, pi. Vm, 3e tableau où, derrière Tum, se tient Osiris « le maître de la porte orientale », comme ayant son sanctuaire ou sérapéum à l’extrémité de la région de Thukut. Pour l’Egypte, l’Orient c’était l’Arabie, les Grecs donnèrent ce nom aux contrées qui touchaient directement au désert de l’est. Outre Gessen d’Arabie, il y eut le nome d’Arabie, le XXe, situé entre la branche pélusiaque et le désert, tout de même <ju’à l’autre extrémité du Delta il y avait le nome libyque. — Nous avons vu plus haut la correspondance entre les textes de Naville et ceux des papyrus et des temples au sujet de Thukut région etThukut-Pi-tum. Cette correspondance va plus loin qu’il n’était nécessaire de l’établir pour notre sujet. Elle s’étend d’abord aux noms des principales divisions du nome, son territoire, son canal, ses terrains inondés. Elle s’étend encore au nom du nome lui-même et à celui d’une de ses localités, As-kéhéret ou Pi-keheret (Pi-hahiroth ?), le sanctuaire’osirien du nome. En effet, tous ces noms que les temples donnaient déjà se sont retrouvés à Tell el-Maskhouta. Store-City of Pithom, p. 5-8. Mais ce que les temples ne disaient pas, c’était la situation précise du VIIIe nome de la Basse-Egypte dont Pi-tum-Thukut était le chef-lieu. Désormais « tout change grâce aux fouilles de Naville. Le huitième nome ne peut plus côtoyer le lac Menzaleh, comme le croyait Brugsch, et une grande découpure de la topographie encore flottante du Delta se fixe et se précise immédiatement, sur la carte, autour de Tell el-Maskouta. » E. Lefébure, Les fouilles de M. Naville à Pithom, dans la Revue des religions, t. xi, 1885, p. 310. Cf. J. de Rougé, Géographie ancienne de la Basse-Egypte, 1891, p. 45-55. — Si Tell el-Maskouta était Pbithom, elle était aussi Héroopolis. Quand Naville découvrit les greniers de Phithom, il s’aperçut qu’à la basse époque on avait nivelé le sol au-dessus et rempli toutes les chambres avec des briques, du sable, de la terre, des débris de calcaire, au grand détriment du temple de Tum. Le but avait été d’y asseoir un camp, et deux inscriptions révélèrent que ce camp était l’œuvre des Romains. La première inscription fragmentaire, qui avait dû faire partie d’une porte, finit après cinq signes peu lisibles par

POLIS

ERO

CASTRA

mots tout à fait distincts et pour lesquels le doute n’est pas possible. L’autre inscription est datée (306 ou 307), car elle contient les noms des empereurs Maximien et Sévère, des césars Maximin et Constantin. Elle donne une distance de neuf milles entre Éro et Clysma :

ABEROINCLUSMA

M Vtlll ©

PI. xi. Le nombre des milles est en latin et en grec. C’est un cas fréquent dans les pays où le grec était parlé. Cf. Corpus inscr. latin., iii, 1, n. 205, 309, 312-315, 347, 464. Phithom sous les Grecs avait donc échangé son nom contre Héroopolis, HPOT, comme l’a lu Naville sur un petit fragment trouvé en place.’Hpw, dit Etienne de Byzance, De urbibus et populis, Amsterdam, 1678, p. 298-299, est une ville égyptienne que Strabon appelle’Hpti » v iroXiv. Nous l’avons vii, les Septante avaient déjà rendu Phithom par Héroopolis, et Josèphe, marquant à cet endroit la rencontre de Jacob et de Joseph, lui donna le nom même que Phithom portait de son temps. Les Romains en firent ii.ro. À la fin du ive siècle de notre ère (vers 385), sainte Silvie suivit la

route de l’Exode, le texte des Septante en mains, de la mer Rouge à Ramessès. Sur tous les noms bibliques elle questionne les moines et les clercs qui l’accompagnent. Ceux-ci localisent sans le moindre embarras les villes mortes et nous rappellent les drogmans du temps d’Hérodote et du nôtre. Il en résulte que les Israélites, pour une part égale, avançaient et reculaient, allaient â droite, puis à gauche : nam mihi credat volo affectio vestra, quantum tamenpervidere potui, (ilios Israhel sic ambulasse, ut quantum irent dextra, lantum reverlerentur sinistra, quantum denuo inante ibanl, lantum denuo rétro revertebantur. Cependant elle ne put être induite en erreur sur le site d’Ero, car cette ville subsistait encore. Il n’est pas certain toutefois qu’elle n’en fasse pas une ville distincte de Phithom. Mais l’important pour ce qui nous touche ici, c’est qu’elle en donne le nom romain : Heroum autem civitas. .. nunc est corne (xioiir, ), sed grandis, quod nos dicimus vicus… Ipse viens nunc appellatur Hero. ïtinera hierosolymitana sseculi ir-Yin, p. 47-48, dans Corpus scriptorum ecclesiasticoruni latinorwm, t. xxxviii, Vienne, 1898. — D’où vient ce nom de’Hpto ? M. Naville avait d’abord pensé qu’il venait de

C*3, àr, pluriel àru, « magasins », ce qui aurait

très bien convenu aux’are misknôt de Phithom. Exod., i, 11 ; Store-City of Pithom, p. 10. Mais il est revenu sur cette interprétation et l’a corrigée dans une note, loc. cil., et dans le Sphinx d’Upsala, t. v, p. 197. « Puisque le sphinx est un lion, il doit porter les différents noms qui sont donnés à cet animal. Nous en connaissons plusieurs, en particulier un qui est peut-être d’origine sémitique, __^ _ » &, àr. La transcription grecque en serait HP et de là vient le nom de’Hpco qui est donné à Tum, dans la traduction de l’obélisque d’Hermapion. Ammien Marcellin, xvii, 4. Ero c’est Tum représenté par un lion, un sphinx ; Eropolis, Ero castra, c’est la ville, le camp du sphinx, de Tum. » Quoi qu’il en soit, la pénétration de d’Anville n’avait pas été en défaut, ni celle des savants français, depuis Le Père, en passant par Dubois-Aymé et Quatremère, jusqu’à Champollion. Le premier avait vu Héroopolis dans Phithom et délimité l’espace où il fallait la chercher, les autres en devinèrent l’emplacement. Elle ne devait pas être confondue, comme le voulut d’abord Lepsius, Chronologie, p. 357, avec le Thohu, Thou ou Thoum de l’Itinéraire d’Antonin, loc. cit., dont la situation à quarante-deux milles d’Héliopolis et à vingt-quatre milles avant d’atteindre Héroopolis ne s’accorde pas avec notre Phithom.

V. Conclusion. — Les fouilles de Phithom ont donné Heu à des conclusions secondaires, dont les unes atteignent la plus grande vraisemblance, comme l’identification du pharaon de l’oppression et, par suite, du pharaon dé l’Exode. « Ramsés II construisant Pithom correspond bien au puissant roi de l’oppression, tandis que Ménephtah I er négligeant Pithom rappelle bien le pharaon malheureux de la Fuite. » E. Lefébure, loc. cit., p. 320. Les autres conclusions sont moins certaines, impossibles même, comme celle qui veut que le golfe de la mer Rouge, même au temps des Romains, se soit étendu jusqu’à neuf milles d’Héroopolis, c’est-à-dire jusqu’à Clysma qui aurait été située à l’extrémité du lac Tirosah. On en devine les conséquences pour déterminer le point où les Hébreux passèrent la mer Rouge. Store-City of Pithom, p. 24-27. Mais ce sujet a été traité. "Voir Phihahiroth. Le point capital ici était de voir que la plus importante ville de l’Exode est à peu près sûrement identifiée ; que tout le début de ce même Exode s’explique, bien qu’on ne sache encore avec certitude où prendre Ramessès ; que Socoth, la seconde station des Hébreux, est au voisinage de Phithom. Toutefois quelque ïive que soit la lumière que les fouilles de

Tell el-MasHiouta ont projeté sur l’authentique récit de Moïse, nous n’oserions pas affirmer de façon absolue que tous les doutes prudents sont levés. Il faut encore compter avec "les surprises possibles des recherches entre Ismaïliah et Suez, sur la rive occidentale du canal.

C. Lagier.

    1. PHITHON##

PHITHON (hébreu : Piton ; Septante : ’*16° v), le premier nommé des fils de Micha, petit-fils de Jonathas et arrière-petit-fils du roi Saûl. I Par., viii, 35 ; ix, 41.

    1. PHLÉGON##

PHLÉGON (grec : 4>Xéy(ov, « ardent, brûlant > ; ), chrétien de Rome, salué par saint Paul. Rom., xvi, 14. Le Pseudo-Dorothée, Patr.gr., t. xiii, col. 1060, et le Pseudo-Hippolyte, Pair, gr., t. x, col. 160, le comptent parmi les soixante-douze disciples de Notre-Seigneur et disent qu’il devint évêque de Marathon dans l’Attique. Les Grecs et les Latins l’honorent comme martyr le 8 avril. Acta sanctorum, édit. Palmé, aprilis 1. 1, p. 739.

    1. PHOCHÉRETH##

PHOCHÉRETH (hébreu : Pokérét, « prenant au filet » ), chef ou ancêtre d’une famille de Nathinéens, « fils des serviteurs de Salomon », qui retourna de captivité en Palestine avec Zorobabel. Le texte hébreu porte : Benê Pokérét has-sebaïm, dans les deux passages où il est nommé, I Esd., ii, 57 ; II Esd., vii, 59, et à en juger par les listes des Nathinéens, que donnent les deux livres et dans lesquelles le mot « fils » est suivi exclusivement du nom seul du père ou chef, sans autre indication, on doit conclure que Pokérét has-sebaïm ne forme qu’un nom propre, à moins qu’on ne suppose que le mot benê, « fils >), est tombé devant has-sebaïm. Les deux opinions ont leurs partisans. Les uns pensent qu’il faut lire en effet : « les fils de Pokéréf-Has-sebaïm », nom ou surnom qui signifie « celui qui prend au piège des gazelles, chasseur de gazelles ». D’autres lisent : « les fils de Phochéreth ; les fils d’Asebaïm. » Les Septante ont traduit : uitù Qayephiï, >o’A.<u60£t>., I Esd., ii, 57, et ; jîoi fcaxstpàB, yiot Satratjx, II Esd., vii, 59. La Vulgate a pris has-sebaïm pour un nom de lieu : filii Phochcreth, qui eranl de Asebaim ; I Esd., ii, 57 ; filii Phochéreth, qui erat ortus ex Sebaim, mais cette interprétation n’est pas facile à justifier. Voir’AsEBAïM, t. i, col. 1075.

PHŒBÉ (grec : *oig-/], « radieuse » ou « lune » ), diaconesse de Cenchrées, recommandée par saint Paul aux chrétiens de Rome et placée en tête des recommandations. Rom., xvl, 1-2, On admet généralement que ce fut Phœbé qui porta aux fidèles de Rome l’Épître écrite à leur adresse par saint Paul. L’Apôtre fait d’elle un grand éloge. Il l’appelle « notre sœur, qui sert (Siâxovoç ) l’Église qui est à Cenchrées » un des deux ports de Corinthe. Ce titre de èiocxÔMo ; tî é ç èxxXrjfft’aç semble indiquer une fonction spéciale et déterminée, quoiqu’il ne soit pas possible de préciser en quoi elle consistait. S. Jean Chrysostome, Hom., xxx, 2, ira Boni., t. i, x, col. 663. Voir Diaconesse, 3°, t. ii, col. 1401. C’est le seul passage du Nouveau Testament où il soit question d’une femme 81ax<5voç, mais on peut y voir comme l’origine des diaconesses, de ces ministre, que Pline le Jeune, Epist., X, xevi, 8, dit avoir existé dans l’Église chrétienne. Cf. Diaconesse, t. ii, col. 1400. Saint Paul ajoute qu’elle a été nposTâ-riç, « aide », c’est-à-dire qu’elle a rendu de grands services « à lui-même et à beaucoup d’autres. » Elle devait être riche et, habitant Cenchrées, le port où débarquaient les voyageurs qui venaient d’Éphèse en Grèce, elle avait eu souvent l’occasion d’être utile aux nouveaux chrétiens qui passaient par là. L’insistance avec laquelle l’Apôtre appuie sa recommandation montre quelle importance il y attachait et combien il tenait à ce qu’on fit bon accueil à la messagère de son Épttre. Nous ignorons quelles affaires particulières Phœbé pouvait avoir à Rome. Saint Paul, sans s’expliquer autrement, demande seulement aux chrétiens de la capitale de l’empire de lui prêter leur concours en tout ce dont elle aura besoin. On croit communément que Phœbé était une veuve, et « on une vierge. Voir Acta sanctorum, t. I septembris, édit. Palmé, p. 605, n. 18. L’Église célèbre sa fête le 3 septembre. Les martyrologes ne savent de sa vie que ce que nous en apprend saint Paul.

PHŒNICE (grec : (foîviÇ), port de mer mentionné Ad., xxvil, 12, à l’occasion du voyage maritime de saint Paul, comme un excellent hivernage, situé sur la côte méridionale de l’île de Crète, à l’est de. Bons-Ports et de Laséa. Cf. Act., xxvii, 9. Son nom lui venait sans doute des palmiers (en grec, ço : vi|) qui, comme nous l’apprend Théophraste, Eist. plantai 1., il, S, croissaient en nombre dans ces parages. Mis en danger par le mauvais temps, le vaisseau qui conduisait saint Paul à Rome se dirigeait vers ce port, pour y passer l’hiver, lorsqu’une terrible tempête le rejeta en pleine mer. Ptolémée, III, xvii, 3, et Slrabon, X, iv, 3, parlent l’un et l’autre d’un port crétois du nom de « Phoinix ». Strabon en fait un village florissant, xaxoixia, et le place sur « l’isthme » de Crète, c’est-à-dire dans la partie la plus étroite de l’île, entre le mont Ida et les montagnes de l’extrémité occidentale, sur le territoire de Lampa ou Lappa, ville d’une certaine importance. Voir Crète, carte, fig. 404, t. ii, col. 1113. Le passage de Ptolémée est plus obscur, et semble désigner tout à la fois un port nommé « Phoinikoi », et une ville appelée « Phoinix », également situés sur la côte méridionale.

D’après MM. James Smith et le commandant Spratt, qui ont tout particulièrement étudié les détails relatifs au voyage et au naufrage de saint Paul dans la Méditerranée, il n’y a pas de doute que Phœnice ne corresponde au port actuel de Loulro, qui est « la seule baie de la côte sud dans laquelle un bâtiment puisse mouiller en toute sécurité durant l’hiver, parce que les vents du sud, repoussés par les hautes montagnes qui la dominent, ne viennent jamais à terre, et parce que la mer qu’ils soulèvent arrive presque morte à la côte, de sorte que les bâtiments roulent, mais les amarres ne fatiguent pas. » Spratt, Instructions sur l’ile de Crète, trad. franc., Paris, 1861, p. 44. Cf. J. Smith, The Voyage and Sliipwreck of St. Paul, 4e édit., in-8°, Londres, 1888, p. 261. Loutro, située à l’est du cap Plaka, qui correspond au cap Herma : a des anciens, est précisément sur le territoire de l’antique cité de Lappa.

Il est vrai que, d’après le texte des Actes, « Phœnice est un port de Crète qui regarde du côté du Libs, i> ou vent du sud-ouest, vent africain, « et du côté du Khorus » ou vent du nord-ouest, tandis que la baie de Loulro est au contraire ouverte dans la direction du sud-est et du nord-est. La difficulté est très réelle. On a essayé de la résoudre de plusieurs manières : 1° Il est possible que l’ancien port de Phœnice ait consisté en un double bassin, dont l’un aurait été abrité contre les vents du sud, et l’autre contre les vents du nord. Voir Ramsay, dans Hastings, Diction, of tlie Bible, in-4°, t. iii, p. 863 ; J. Belser, Die Apostelgeschichte ûberselzt und erklsert, in-8°, Vienne, 1905, p. 317. — 2° Comme l’ont fait remarquer de nombreux commentateurs, à la suite de M. J. Smith, les mots « qui regarde du côté du Libs… » ne sauraient signifier que le port était ouvert aux vents du sud-ouest et du nord-ouest, c’est-à-dire aux vents occidentaux, si dangereux dans ces régions, mais plutôt, que les côtes qui entouraient la baie se dressaient dans cette double direction, et, par suite, la garantissaient contre eux. Presque tous les exégètes récents adoptent ce sentiment ; entre autres MM. Vigouroux, Fouard, Felten, Cook dans la Speaker’s Bible, Wendt dans la 8e édit. du

commentaire de W. Meyer, etc. Cela revient à dire que le port de Phœnice était ouvert, non pas du côté d’où venait le vent, mais dans la direction opposée, du côté où le vent soufflait. Si le port avait été exposé au Libs et au Khorus, il n’aurait nullement répondu aux conditions requises pour un hivernage. — 3° Comme il a été dit plus haut, aucun autreport de la côte méridiodionale de l’île de Crète ne paraît avoir convenu à la situation décrite. C’est bien à tort qu’on a parfois accusé saint Luc de n’awir pas exactement rendu le langage des marins qui l’auraient renseigné sur Phœnice. Les habitants affirment que l’ancien nom de la ville était Phœniki. — Voir Hœck, Kreta, Gœltingue, 1823-1824, t. i, p. 387-388 ; C. Bursian, Géographie von Griecheriland, t. ii, Leipzig, 1870, in S, p. 545-516. ;

-5^K

i^ i

— t 74, — Côte sud de l’ile de Crète.

Spratt, TraveU and Rescarches in Crela, t. ii, p. 247 ; Conybeare and Howson, The _Life and Epistles of St. Paul, in-12, Londres, 1875, p. 641-642 ; A. Breusing, Die Nautik der Allen, in-8°, Brème, 1886, p. 186^ ; A. Trêve, Une traversée de Cësarée… à Putéoles, in-8°, Lyon, 1887, p. 25-26 ; H. Balmer, Die Ronifahrt des Apostcls Paul und die Seefahrtskunde im rômischen Kaiserzeitalter, Leipzig, 1906, 3e partie, chap. I.

L. FlLLION.

1. PHOGOR (hébreu : hap-Pe’or ; Septante : « ! > m y <>> ; >)-, montagne de Moab, mentionnée seulement dans Num, , xxin, 28. Balac, roi de Moab, conduisit Balaam sur son sommet afin qu’il pût voir de là le camp des Israélites et le maudire. Cette montagne était située en face de Jesimon, c’est-à-dire du désert au nord est de la mer Morte, dans le voisinage de l’embouchure du Jourdain. Son emplacement n’est pas rigoureusement déterminé ; elle devait se trouver près de Belhphogor. Voir Bethphogor, t. i, col. 1710. C’est là qu’on rendait un culte impur à Béelphégor. Voir Béelphégor, t. i, col. 1543.

— Phogor, Num., xxv, 18 (Vulgate : idolum Phogor)^ est pour Béelphégor.

2. PHOGOR (Septante : <Paywp), une des onze villes de la tribu de Juda ajoutées par les traducteurs grecs au texte hébreu. Elle était située entre Bethléhem et Élham. Jos., sv, 60. Eusèbe et saint Jérôme en font mention. « Il y a un autre village de Fogor, dit saint Jérôme, qu’on voit non loin de Bethléhem ; il s’appelle maintenant Phaora. « Onomastic, édit. Larsow et Parthey, 1862, p. 363. On identifie généralement aujourd’hui ce Phogor avec le Khirbet Beit-Foghour, qui a conservé le nom antique, à huit kilomètres au sud-ouest de Bethléhem. C’est un amas de ruines situées sur une

colline. M. V. Guérin, Judée, t. iii, p. 314, y a trouvé encore une vingtaine de maisons, d’apparence arabe, en partie debout, mais abandonnées, ainsi que les jardins qui les avoisinent. Dans les environs est la source appelée Ain Faghour, qui coule dans un ancien canal dégradé ; sur les flancs de la colline, qui limite au sud la vallée arrosée' par l’Aï » Faghour, sont d’anciennes chambres sépulcrales creusées dans le roc ; quelques-unes d’entre elles servent de refuge à des bergers. Béelphégor avait-il'été honoré autrefois en ce lieu ? C’est ce que plusieurs supposent, mais on ne peut donner là d’autre indice de son culte que le nom.

    1. PHOLLATHI##

PHOLLATHI (hébreu : Pe’ulfaï ; Septante : * o Mia80, le huitième et dernier nommé des fils d’Obédédom qui avait gardé l’arche d’alliance dans sa maison. Phollathi était un descendant d’Asaph, de la tribu de Lévi et un des portiers du Tabernacle du temps de David. I Par., xxvi, 5.

    1. PHORATHI##

PHORATHI (hébreu : Pôrâtà' ; Septante : « ÊapaSâSa ; Alexandrinus : B « pS ; 16a ; Sinaiticus : apaâ8s<), le quatrième des

dix qui

fils d’Amon fut mis à mort par les Juifs. Esth., ix, 8. Le nom doit être perse et si l’on adopte la leçon grecquePAàradatha, peut signifier « donné par la destinée ».

PHOSECH

(hébreu : Pdsak ; Septante : 4>aaéx), le premier nommé des trois fils de Jéphlat, de la tribu d’Aser. IPar., vii, 33.

75. — La Phrygie personnifiée.

Tête’laurée de Caracalla, à droite, épaule drapée, poitrine cuirassée. n). En haut : 1 nH. En exergue : AAOAIKEON NEQXOPS1N. À gauche : *PVriA ; à droite : KAPIA. Au milieu, la déesse urbaine « Laodicée », assise sur un trône, tourrelée, tenant de sa main droite étendue une statuette de Zeus Laodicien et de la gauche une.corne d’abondance ; devant elle, la Phrygié debout portant sur la tête le kalathos ; dans sa main droite sont deux épis, et dans la gauche un sceptre appuyé sur son épaule. Derrière le trône est la « Carie » portant le kalathos et tenant un rameau et une corne d’abondance.

    1. PHOTINE##

PHOTINE,

nom donné à la

femme samaritaine convertie par Notre-Seigneur, Joa., rv, 6-32, sans doute parce qu’elle avait reçu la lumière d’en haut, ; <pwTsivri, de.çûç, « lumière ». Voir S. Nil, Epist., ii, 31, t. lxxix, col. 212 ; Etymolog. magnum, édit. Craisford, in-f>, Oxford, 1848, p. 276, 53. Le martyrologe marque sa fête comme martyre au 20 mars. Voir Acta sanctorum, martii t. iii, p. 80.

    1. PHRYGIE##

PHRYGIE (grec : *puYa), province d’Asie Mineure, mentionnée une fois dans l’Ancien Testament, II Mach., v, 22, et trois fois dans le Nouveau, Act., ii, 10 ; xvi, 6 ; xviii, 23. Son nom lui venait de ses anciens habitants, les $pûysç — on trouve aussi les variantes Bpûyeç, Bpsiysî et BptYe ; — c’est-à-dire les « hommes libres », suivant l’interprétation donnée à ce mot par Hésychius, au mot BptTfeç. Lexicon, édit. M. Schmidt, 5 in-4°, Iéna, 1858, t. i, p. 398.

I. Limites du territoire phrygien. — Elles demeurèrent toujours assez vagues, et peut-être n’existe-t-il pas, en Asie Mineure, d’expression géographique dont il soit plus difficile de déterminer le sens d’une manière précise. En effet, l'étendue de la Phrygie varia beaucoup aux différentes époques de son histoire, ainsi qu’il sera dit plus bas. Pour savoir au juste ce que signifie ce nom, lorsqu’on le rencontre dans un ancien auteur, on doit donc se demander tout d’abord de quelle période il s’agit et quelles étaient alors, au moins en gros, les

bornes de la Phrygie. Aux temps les plus anciens, les Phrygiens paraissent avoir occupé une partie considérable de la péninsule asiatique. Leur domaine allait jusqu'à la mer Egée et à l’Hellespont. Cf. Diodore, vn> 11, d’après lequel, pendant vingt-cinq ans, au début du ix » siècle avant J.-C, ils furent maîtres de la mer. Troie est souvent appelée phrygienne par les vieux classiques, ainsi que la Lydie méridionale. Néanmoins, lorsqu’on parle de la Phrygie proprement dite, ou de la Grande Phrygie, 7) u.s-fâXr) <S ?pjy13, par opposition à la Petite Phrygie, nommée aussi Phrygie hellespontide, Strabon, X, iii, 6, on désigne surtout l’extrémité occidentale du grand plateau qui occupe le centre de l’Anatolie actuelle, avec les montagnes avoisinantes, jusque vers le fleuve Halys, aujourd’hui Kizil-Irmak, à l’est. Au nord, elle confinait à la Bithynie ; au sud, à la Pisidie. On peut dire aussi, d’une manière plus spéciale, qu’au premier siècle de notre ère, la Phrygie était limitée au nord par la Bithynie ; au sud par la Lycie, la Pisidie et l’Isaurie ; à l’est par la Galatie et la Lycaonie ; à l’ouest par la Carie, la Lydie et la Mysie (fig. 76). II. Géographie physique. — Sous ce rapport, la Phrygie présentait beaucoup de variété, selon les régions dont elle était composée. Dans son ensemble, la Phrygia magna consistait en un vaste plateau, dont l’altitude moyenne est de 900 à 1000 mètres. Ce plateau est coupé en divers endroits par des vallées profondes, entre autres celles du Méandre et de l’Hermos à l’ouest, du Thymbrios au nordest, du Sangarios au nord, du Lycus, etc. Çà et là se dressent des groupes isolés de montagnes, parmi lesquelles on peut citer le Dindymos, aujourd’hui Mourad-Dagh. Les cours d’eau sont plus rares au nord et au sud, plus fréquents au centre et au sud-ouest. Les parties de la contrée qu’arrosent des rivières étaient fertiles, et produisaient en abondance du blé, des fruits et du vin. Cf. Homère, II., ii, 862j iii, .184 ; xii, 719. Les autres districts étaient arides et peu productifs, notamment là région méridionale qui avoisine la Pisidie ; du moins, très riches en sel — ils contiennent plusieurs lacs salés — ils convenaient fort bien à l'élevage des moutons : aussi la race des brebis phrygiennes à laine noire était-elle renommée au loin. La Phrygie était aussi un pays de commerce, grâce aux deux routes qui la traversaient et qui la mettaient en communication soit avec l’Occident, soit avec l’Orient. L’une allait de Byzance en Arménie, par Ancyre et Tavia ; l’autre partait de la côte, à l’ouest, et se dirigeait vers les passes du Taurus, par Sardes, Synnade et Icône, saint Paul dut les utiliser l’une et l’autre, la seconde surtout, durant ses courses apostoliques. — Les carrières de marbre n'étaient pas rares en Phrygie, non plus que les mines d’or, comme le témoigne la légende de son ancien roi, Midas. L’art phrygien fut florissant au IXe et au viii « siècle avant J.-C. ; il consistait surtout en broderies, en tapis, dans la fabrication des voitures, etc. — Les villes du pays étaient bâties pour la plupart dans

les vallées creusées par les fleuves ; Homère vantait déjà leur beauté. Les principales étaient : au nord, Dorylseon et Kotyseon ; à l’est, Amorion, Sjnnade et Ipsos ; dans la vallée du Méandre, Kélése ou Apamée Kibôtos, ancienne résidence des rois phrygiens ; puis Laodicée, t. m. col. 82 ; Hîérapolis, t. iii, col. 702 ; Colosses, t. ii, col. 860, célèbres dans l’histoire des origines chrétiennes.

III. Les habitants. — 1° Les Phrygiens étaient un peuple très ancien. D’après la tradition grecque, ils appartenaient à diverses tribus originaires de Macédoine et de Thrace, qui avaient émigré en Asie Mineure. Cf. Hérodote, vii, 73 ; Strabon, X, iii, 16 ; Pline, H. N., v, 41. Mais Hérodote, vii, 73, signale aussi leur parenté avec les Arméniens, et il est fort possible, comme l’admettent de nombreux auteurs, qu’ils aient formé dans la péninsule asiatique une race un peu mélangée. C'était un peuple doux et pacifique, efféminé même et passif, qui demeura sans vigueur pour résister aux influences étrangères ; aussi fut-il débordé de toutes

76. — Carte de la Phrygie.

parts, aux différentes époques de son histoire, et jamais il n’exerça un rôle important, sous le rapport politique, parmi les peuples anciens.

2° Les rochers abondent sur le territoire phrygien ; aussi les habitants en profitèrent-ils de bonne heure, pour y creuser des habitations, des sanctuaires, des tombeaux, dont on a retrouvé de nombreux restes, spécialement dans le district montagneux du Sangarios supérieur. Il y a là des échantillons très intéressants de l’architecture et de la sculpture phrygiennes. Voir W. M. Ramsay, The Rock Necropolis of Phrygia, dans le Journal of Hellenic Studies, t. iii, p. 1-68, 156263 ; t. v, p. 241-262.

3° La langue des Phrygiens, autant qu’on peut en juger par les rares spécimens qui sont parvenus jusqu'à nous, appartenait à la famille indo-germanique. Voir de Lagarde, Gesammelte Abhandïungen, Leipzig, 1866, p. 276-280 ; Lassen, dans la Zeitschrift der deutsch. morgenlàndischen Gesellschaft, t. x, p. 369375. Elle passait pour remonter jusqu'à l'époque des premiers humains. Hérodote, ii, 2 ; Pausanias, I, xiv, 12.

4° Les Phrygiens avaient aussi, à l’origine, leur religion à part, dont maint détail passa dans celle des Hellènes. Leurs divinités principales étaient Men ou Manès, Cybèle et Attis. Au culte qu’ils leur rendaient se mêlaient les plus honteuses orgies. La légende religieuse ilorissait en Phrygie, et elle a fourni des traits abondants à la mythologie grecque, entre autres l’histoire de Philémon et Baucis.

IV. Histoire de la Phrygie. — Sous le rapport

historique et politique, cette province a passé par des vicissitudes multiples, dont nous n’avons à relever ici que les points les plus saillants. Suivant les anciens auteurs, cf. Hérodote, ii, 2 ; Pausanias, I, xiv 12 ; Claûdien, In Eutrop., ii, 251, etc., il exista d’assez bonne heure, dans la vallée du Sangarios, un royaume autonome. Toutefois, la Phrygie ne forma que pendant unepériode assez restreinte un État indépendant. On entend dans Homère, Iliad., ii, 862 et iii, 187, des échos de son ancienne grandeur. Parmi ses premiers rois, on cite Gordios, et surtout Midas, dont on a retrouvé naguère le tombeau, avec l’inscription « Midas, le roi ». Mais, entre les années 680 et 670 avant J.-C, à partir de l’invasion formidable des Cimmériens, l’histoire de la Phrygie devint « une histoire d’esclavage, de dégradation et de décomposition ». Encycl. britannica, 9e édit., t. xviii, p. 851. Lorsque ces terribles envahisseurs eurent été expulsés d’Asie Mineure, vers la fin du vie siècle ou au commencement du ve, la Phrygie tomba au pouvoir de Crésus,-roi des Lydiens. Un peu plus tard, vers 546, les Perses s’en emparèrent à leur tour ; elle fut ensuite conquise par Alexandre le Grand, qui la légua à ses successeurs. Les Galates l’envahirent aussi en 278 ; mais, refoulés par Attale I er de Pergame, ils ne réussirent à garder définitivement que la partie nord-est du territoire.

Lorsque les Romains furent devenus maîtres de la région qui avait formé la Grande Phrygie, ils en rattachèrent les districts occidentaux à la province d’Asie proconsulaire, sous le nom de Phrygia asiana (49 avant J.-C), tandis que les districts orientaux et méridionaux étaient joints à la province de Galatie, sous le titre de Phrygia galatica (36 avant J.-C). Elle cessa par là-même d’avoir une existence politique séparée. Son nom ne reparut officiellement, comme désignation d’une province, que vers la fin du me siècle après J.-C, lors de la nouvelle division de l’empire romain. Voir J. Marquardt, Organisation de l’empire romain, trad. franc., t. ii, Paris, 1892, p. 237-239, 313314.

V. La Phrygie et les Juifs. — Favorisés par les successeurs d’Alexandre le Grand, qui leur accordèrent en Asie Mineure des droits égaux à ceux des Grecs et des Macédoniens, de nombreux Israélites ne tardèrent pas à s'établir dans les régions phrygiennes. Josèphe, Ant. jud., XII, iii, 4, raconte expressément qu’Antiochus le Grand, roi de Syrie (224-187 avant J.-C.), transporta 2000 familles juives, de Mésopotamie et de Babylonie, en Phrygie et en Lydie. Le Talmud range ces Juifs de Phrygie parmi les descendants des dix tribus qui avaient formé le royaume schismatique du nord, sans doute parce qu’ils venaient de la Babylonie. Il les juge assez sévèrement, car il va jusqu'à dire que « les bains et le vin phrygiens les avaient séparés de leurs frères. » Ce langage figuré signifie qu’ils étaient devenus très relâchés sous le rapport religieux, et qu’ils avaient adopté sur plusieurs points les mœurs des païens. Voir Neubauer, La géographie du Talmud, in-8°, Paris, 1868, p. 315 ; Talmud Babli, Sabbath, 147 6. Cf. Act., xvi, 1. D’autre part, ils exercèrent eux-mêmes une influence salutaire sur les Gentils parmi lesquels ils vivaient, et ils les préparèrent ainsi à recevoir la foi chrétienne. Saint Luc nous apprend que, de leur côté, ils se convertirent en grand nombre à la religion de Jésus dans ces parages. Cf. Act., xiii, 14, 43, 49-50 ; xiv, 19, etc.

VI. La Phrygie dans l’Ancien et le Nouveau Testament. — 1° Nous ne nous arrêterons pas au passage II Mach., v, 22, où il est simplement affirmé que Philippe, qui avait été nommé gouverneur de Jérusalem par Antiochus Épiphane, vers l’an 170 avant J.-C, appartenait à la race phrygienne, tô iièv ïivoi Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/172 Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/173 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/174 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/175 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/176 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/177 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/178 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/179 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/180 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/181