Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 2/801-810

Fascicules du tome 2
pages 791 à 800

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 2, pages 801 à 810

pages 811 à 820


glacée. D’où l’Académie conclut que la congélation se fait en un instant.

L’Académie de Florence a plus fait ; elle a donné des tables de tous ces accidens dans lesquelles elle marque comment ils arrivent sur différens liquides, & elle y met premièrement l’État naturel du liquide, c’est-à-dire, le degré où il est dans le cou de la phiole avant qu’on la plonge dans la glace.

2o. Le Saut de l’immersion, c’est-à-dire, le mouvement du liquide au moment qu’on le plonge dans la glace.

3o. L’abaissement, c’est-à-dire, le degré auquel la liqueur se remet après le saut de l’immersion.

4o. Le Repos, ou le degré d’élévation auquel elle reste après s’être abaissée.

5o. Le Soulèvement. C’est le degré où elle se lève ensuite par un mouvement très-lent & toujours égal.

6o. Le Saut de la Congélation. C’est le degré où le liquide monte par ce mouvement rapide & impétueux qu’il prend dans le moment de la congelation.

L’Académie fit plus. Elle se servit d’un thermomètre & d’une pendule, pour observer par le thermomètre à quel degré de froid, & par la pendule en quel temps précisément arrivoit chacune des variations dont on a parlé. Mais comme il étoit impossible d’appliquer toujours également en même-temps la glace à la phiole & au thermomètre, que la dose de sel n’est pas toujours précisément la même sur la neige ou sur la glace dont on se sert pour faire ces congélations, qu’on ne peut pas le distribuer également de tous côtés, parce que la neige ou la glace se durcissent aussi-tôt qu’on y jette le sel, & qu’ainsi on ne peut s’assurer qu’il agisse avec une égale force de toutes parts, on ne peut sûrement compter sur les degrés de froid marqués par le thermomètre. Néanmoins on n’a pas laissé de marquer dans les tables les degrés de froid du thermomètre, & le nombre des vibrations dans lequel chaque changement arrivoit.

Voici ces tables traduites en François.

PREMIÈRE CONGÉLATION
De l’eau de Fontaine.
Deg. du Vas. Différence. Deg. du Th. Différence. Vibrations. Différence.
État naturel. 142. 139. 0.
1½. 6. 23.
Saut de l’Immersion. 143½. 133. 23.
23½. 64. 232.
Abaissement. 120. 69. 255.
0. 20. 75.
Repos. 120. 49. 330.
10. 16. 132.
Soulèvement. 130. 33. 462.
36. 0. 0.
Saut de la Congélation. 166. 33. 0.
Il est à remarquer que dans cette congélation & les quatre suivantes, les vibrations étoient de 65 à la minute.
SECONDE CONGÉLATION DE LA MÊME EAU.
Deg. du Vas. Différence. Deg. du Th. Différence. Vibrations. Différence.
État naturel. 144. 141½. 0.
2½. 23½. 25.
Saut de l’Immersion. 146½. 118. 25.
27. 80. 252.
Abaissement. 119½. 38. 280.
0. 10. 135.
Repos. 119½. 28. 415.
11½. 11. 467.
Soulèvement. 131. 17. 882.
39. 0. 0.
Saut de la Congélation. 170. 17. 0.
TROISIÈME CONGÉLATION DE LA MÊME EAU.
Deg. du Vas. Différence. Deg. du Th. Différence. Vibrations. Différence.
État naturel. 143. 141½. 0.
2. 16½. 23.
Saut de l’Immersion. 145. 125. 23.
25½. 74. 349.
Abaissement. 119½. 51. 369.
0. 7. 196.
Repos. 119½. 44. 565.
10. 6. 368.
Soulèvement. 129½. 39. 933.
39½. 0. 0.
Saut de la Congélation. 169. 39. 0.

Dans ces congélations l’eau dans son état naturel n’étoit point au même degré à cause des différentes causes extrinsèques, du froid & du chaud différent, qui en altéroient la température. De-là vient que tous les accidens conséquens n’arrivoient pas non plus au même degré précisément. Néanmoins en réduisant dans la seconde & la troisième congélation l’état naturel de l’eau à 42 degrés, & tous les cinq autres changemens à proportion ; on verra qu’il y a très-peu de différence entre ces congélations & la première, & qu’elle est presque imperceptible.

PREMIÈRE CONGÉLATION
De l’eau de fleurs de Myrthe distillées.
Deg. du Vas. Différence. Deg. du Th. Différence. Vibrations. Différence.
État naturel. 145½. 141½. 0.
1½. 11. 18.
Saut de l’Immersion. 147. 133. 31.
38. 83. 316.
Abaissement. 109. 49½. 347.
0. 4½. 40.
Repos. 109. 45. 387.
16. 19½. 538.
Soulèvement. 125. 25½. 925.
105. 0. 0.
Saut de la Congélation. 230. 25½.
SECONDE CONGÉLATION DE LA MÊME EAU.
Deg. du Vas. Différence. Deg. du Th. Différence. Vibrations. Différence.
État naturel. 146. 142. 0.
3½. 11. 51.
Saut de l’Immersion. 149½. 131. 18.
41. 96. 442.
Abaissement. 108. 35. 460.
0. 2½. 58.
Repos. 108. 32½. 518.
18½. 13½. 809.
Soulèvement. 126½. 19½. 1327.
106. 0.
Saut de la Congélation. 232. 19½.
Dans les congélations suivantes, on changea d’horloge, & les vibrations n’étoient plus que de 60 à la minute.
PREMIÈRE CONGÉLATION
De l’eau Rose Distillée dans du plomb.
Deg. du Vas. Différence. Deg. du Th. Différence. Vibrations. Différence.
État naturel. 140½. 142. 0.
2½. 4. 20.
Saut de l’Immersion. 143. 138. 20.
27. 88. 331.
Abaissement. 116. 50. 351.
0. 4. 38.
Repos. 116. 46. 389.
11½. 20. 356.
Soulèvement. 127. 26. 745.
67. 0. 0.
Saut de la Congélation. 194. 26.
SECONDE CONGÉLATION DE LA MÊME EAU.
Deg. du Vas. Différence. Deg. du Th. Différence. Vibrations. Différence.
État naturel. 140½. 141. 0.
1. 16. 21.
Saut de l’Immersion. 142½. 125. 21.
27. 86. 533.
Abaissement. 115½. 39. 354.
0. 9½. 168.
Repos. 115½. 29½. 522.
11½. 11. 735.
Soulèvement. 127. 18½. 1257.
67. 0. 0.
Saut de la Congélation. 194. 18½. 0.
PREMIÈRE CONGÉLATION
De fleur d’Orange distillée dans du plomb.
Deg. du Vas. Différence. Deg. du Th. Différence. Vibrations. Différence.
État naturel. 137. 142. 0.
2. 12. 14.
Saut de l’Immersion. 139. 130. 14.
28. 83½. 297.
Abaissement. 111. 46½. 311.
0. 2. 64.
Repos. 111. 44½. 375.
16. 24. 505.
Soulèvement. 127. 20½. 880.
123. 0. 0.
Saut de la Congélation. 250. 20½.

Comme on remarquoit toujours de la différence dans les secondes congélations, on voulut chercher quelle en étoit la cause. Et pour cela, on vida la cuvette, & l’on y remit de la glace avec du sel, & l’expérience se fit comme il suit :


SECONDE CONGÉLATION
De l’eau de fleur d’Orange.
Deg. du Vas. Différence. Deg. du Th. Différence. Vibrations. Différence.
État naturel. 137½. 142. 0.
2½. 22. 29.
Saut de l’Immersion. 140. 120. 29.
28½. 74. 337.
Abaissement. 111½. 46. 366.
0. 2. 18.
Repos. 111½. 44. 384.
15. 12½. 523.
Soulèvement. 127. 31½. 907.
121. 0. 0.
Saut de la Congélation. 248. 31½. 0

De sorte qu’il paroît que la différence des secondes expériences aux premières, ne vient point des liqueurs, mais se doit attribuer à la glace, qu’apparemment la pointe du froid que le sel lui communique, diminue, & qu’elle a besoin d’un temps plus long pour agir. Et qu’ainsi ne soit, lorsque l’on a changé la glace, la différence de la première à la seconde congélation de l’eau de fleur d’orange n’a été que 1′, 46″, au lieu qu’en ne la changeant point, elle est allée jusqu’à 7′, 29″ & 13′, 20″, comme on le voit dans la première & la seconde congélation de l’eau rose, & dans la première & la troisième de l’eau de fontaine. On verra même par la seconde congélation, de l’eau de fraises que la petite différence 1′, 46″ qui se trouve dans la seconde congélation de l’eau de fleur d’orange est purement accidentelle, & qu’elle ne vient point d’aucune résistance à une nouvelle congélation qu’elle ait acquise dans la première, puisque la glace ayant été aussi renouvellée dans la seconde congélation de l’eau de fraises, elle se fit en 3′, 15″ moins que la première.


PREMIÈRE CONGÉLATION
De l’eau de Fraises distillées au bain marie.
Deg. du Vas. Différence. Deg. du Th. Différence. Vibrations. Différence.
État naturel. 137. 143. 0.
2. 23. 30.
Saut de l’Immersion. 139. 120. 30.
28. 83. 405.
Abaissement. 111. 37. 435.
0. 1. 15.
Repos. 111. 36. 450.
15. 17½. 538.
Soulèvement. 126. 18½. 988.
89. 0. 0.
Saut de la Congélation. 215. 18½. 0.
SECONDE CONGÉLATION DE LA MÊME EAU.
Deg. du Vas. Différence. Deg. du Th. Différence. Vibrations. Différence.
État naturel. 139. 143½. 0.
2. 9. 18.
Saut de l’Immersion. 141. 134½. 18.
27. 92½. 402.
Abaissement. 114. 42. 420.
0. 1. 7.
Repos. 114. 41. 427.
15. 20. 446.
Soulèvement. 129. 21. 873.
86. 0.
Saut de la Congélation. 215. 21.

On peut remarquer que le saut de l’eau au moment de la congélation, est plus ou moins haut, comme aussi plus ou moins rapide en différens fluides, & il paroît qu’il est plus haut & plus rapide en ceux qui se gèlent plus fortement.


CONGÉLATION DE L’EAU DE CANNELLE DISTILLÉE.
Deg. du Vas. Différence. Deg. du Th. Différence. Vibrations.
État naturel. 139½. 141. 0.
1½. 7.
Saut de l’Immersion. 141. 133½. 13.
29½. 88½.
Abaissement. 111½. 45. 347.
0. 6.
Repos. 111½. 39. 60.
9. 12.
Soulèvement. 120½. 27. 300.

Lorsque par le mouvement très-lent, avec lequel cette eau s’étoit élevée après son repos, elle fut arrivée à 120½, au lieu de s’élancer par un saut rapide, elle ne fit autre chose que de prendre en un moment un mouvement un peu plus vîte. Ce qu’ayant remarqué, on retira subitement la phiole de la glace, & on trouva l’eau réduite en une gelée si fine, qu’elle n’eût pas vu l’air qu’elle fut détruite.

Il est à remarquer que dans les congélations artificielles, il y en a où la glace est plus tendre, comme est celle de l’eau de Cannelle, & celle de l’eau Rose, & d’autres où elle est plus dure, telle qu’est celle de l’eau de fleurs d’Orange, & celle de l’eau de fleurs de Myrte, laquelle, à ce qu’il paroît jusqu’ici, est celle, qui dans le premier instant de la congélation, s’endurcit le plus. On passe dans cette congélation & dans les suivantes les répétitions des expériences, parce qu’on peut suffisamment voir dans les exemples précédens, la conformité des expériences dans les mêmes liqueurs.


CONGÉLATION DE L’EAU DE NEIGE.
Deg. du Vas. Différence. Deg. du Th. Différence. Vibrations. Différence.
État naturel. 136½. 141. 0.
2½. 9. 27.
Saut de l’Immersion. 139. 132. 27.
28. 80. 318.
Abaissement. 111. 52. 345.
0. 4. 32.
Repos. 111. 48. 377.
5½. 8.
Soulèvement. 116½. 40.

Ici cette liqueur accéléra son mouvement, mais l’accélération fut très-lente, en comparaison de celle des autres liqueurs au moment qu’elles se geloient. Elle commença à se geler le long du verre, & successivement dans les parties extérieures l’une après l’autre jusqu’au centre, avec la même lenteur de raréfaction & de mouvement. La glace qui se fit, n’étoit point unie comme les autres, mais interrompue & rayée de veines inégales & entrelacées de tous les sens. L’expérience ayant été faite une seconde fois, tout arriva à point nommé, comme la première.

On la recommença avec la même eau, après l’avoir fait bouillir, & l’on n’y remarqua pas grande différence.


CONGÉLATION DE L’EAU DELLA FICONCELLA.
Deg. du Vas. Différence. Vibrations. Différence.
État naturel. 98. 0.
2. 19.
Saut de l’Immersion. 100. 19.
29. 269
Abaissement. 71. 288.
0. 75.
Repos. 71. 363.
12. 453.
Soulèvement. 83. 816.
117.
Saut de la Congélation. 200. 0.


CONGÉLATION DU VIN ROUGE DE CHIANTI.
Deg. du Vas. Différence. Deg. du Th. Différence. Vibrations. Différence.
État naturel. 141. 141. 0.
2. 4. 15.
Saut de l’Immersion. 143. 137. 15.
65½. 109½. 585.
Abaissement. 77½. 27½. 600.
0. 4. 95.
Repos. 77½. 23½. 695.
4. 7½. 340
Soulèvement. 81½. 15. 1035.


CONGÉLATION DU VIN MUSCAT BLANC.
Deg. du Vas. Différence. Deg. du Th. Différence. Vibrations. Différence.
État naturel. 140. 139. 0.
2½. 7. 16.
Saut de l’Immersion. 142½. 132. 16.
65½. 108. 644.
Abaissement. 77. 24. 660.

Etant arrivé-là sans s’arrêter un moment, il commença à s’élever de nouveau avec un mouvement un peu plus vîte que celui avec lequel on a déjà dit plusieurs fois que s’élevoient les liqueurs, qui en se congelant, s’élançoient dans l’instant fort haut. La phiole étant tirée de la glace, on trouva que le vin avoit commencé à se geler dans les parties extérieures.


CONGÉLATION DU VINAIGRE BLANC.
Deg. du Vas. Différence. Deg. du Th. Différence. Vibrations. Différence.
État naturel. 141. 140. 0.
2. 14. 11.
Saut de l’Immersion. 143. 134. 21.
88. 110. 724.
Abaissement. 75. 24. 735.
4. 5. 440.
Soulèvement. 79. 19. 1175.
194. 0.
Saut de la Congélation. 273.

La vélocité est moins grande que celle de l’eau, & beaucoup plus grande que celle du vin Muscat, de l’eau de cannelle & du vinaigre non distillé.


CONGÉLATION DU JUS DE LIMON.
Deg. du Vas. Différence. Deg. du Th. Différence.
État naturel. 142. 143.
9. 9.
Saut de l’Immersion. 144. 134.
160. 102.
Abaissement. 84. 32.

Quand il fut arrivé à 84 degrés, il commença à remonter d’un mouvement très-lent, en se gelant peu à peu.


CONGÉLATION DE L’ESPRIT DE VITRIOL.
Deg. du Vas. Différence. Deg. du Th. Différence. Vibrations. Différence.
État naturel. 140½. 140½. 0.
1½. 7½. 15.
Saut de l’Immersion. 142. 133. 15.
52. 95½. 405.
Abaissement. 90. 37½. 420.

Il ne s’arrêta point ; mais étant arrivé à 90 degrés, il commença à remonter avec un mouvement très-lent & uniforme, en se gelant en même temps en différens endroits & en différens plans, comme on le voit faire à l’eau naturelle, mise dans un vaisseau de verre, & exposée à l’air pour geler.


CONGÉLATION DE L’HUILE.
Deg. du Vas. Différence.
État naturel. 140.
18.
Saut de l’Immersion. 122.
 
Abaissement. 0.

L’huile se réduit toute dans le corps de la phiole, où elle se gela sans la moindre raréfaction. C’est peut-être de-là que l’huile gelée va au fond de l’huile fondue & fluide, au lieu que toutes les autres glaces faites par raréfaction, surnagent dans leurs fluides.

L’eau-de-vie se condense merveilleusement par le froid, mais ensuite elle se raréfie & ne se gèle point. Quand on jette de l’eau-de-vie sur la glace, elle en augmente le froid.

La même Académie de Florence a fait beaucoup d’expériences sur la gelée & la glace naturelle.

CONGELER, v. a. se dit de l’action par laquelle le froid durcit les liqueurs. Fixer un fluide par l’action du froid. Congelare. Le grand froid congèle l’eau. Le sel mêlé avec de la neige ou de la glace congèle la plûpart des liqueurs.

Congeler, dans la signification de coaguler. Il y a des poisons qui congèlent le sang, les humeurs. Coagulare.

Congeler. (Se) v. récip. Congelari, congelascere, concrescere. L’eau se congèle par le froid. La cire fondue se congèle aussi-tôt qu’elle est exposée à l’air : cette humeur se congèle par la chaleur du soleil. Congelatur humor isto calore solis. Les sens se congèlent dans les grottes.

On dit aussi congeler des fruits ; pour dire, les mettre à la glace. Laisser congeler un bouillon, un syrop, le laisser prendre & épaissir en se refroidissant.

Congelée, ée. part.

CONGÉNÈRE. adj. terme d’Anatomie. C’est une épithète que l’on donne à certains muscles. Ejusdem generis, similis. Les muscles congénères, sont ceux qui concourent à un même mouvement ; ils sont opposés aux antagonistes, qui font un mouvement opposé.

En termes de Botanique, congénères signifie qui est de même genre. Les plantes congénères, sont les différentes espèces comprises sous un même genre de plantes. Le coco & le palmier sont des plantes congénères. Ainsi nous avons dit ci-dessus, le concombre se distingue par ses fruits, qui sont plus petits que ceux des citrouilles, des melons des potirons & des courges, plantes cependant qui lui sont congénères.

☞ CONGERIE. s. f. vieux terme dont on se servoit en Physique pour exprimer un masse informe, un tas de plusieurs choses réunies sans ordre. Congeries.

CONGESTION, s. f. terme de Médecine, qui se dit d’un amas d’humeurs qui se fait lentement en quelque partie du corps. Congestus. La congestion se fait peu à peu, en quoi elle diffère de la fluxion, qui se fait plus promptement.

CONGIAIRE. s. m. terme de Médailliste. Don, ou présent représenté sur une médaille. Congiarium. Le congiaire de Nerva. Le congiaire étoit un présent que l’Empereur faisoit au Peuple romain ; ceux qu’il faisoit aux soldats, ne s’appeloient point congiaires, mais donatifs ; donativum. Congiarium populo donativum dedit, dit Tacite, en parlant du jeune César. Tibère donna pour congiaires trois cens pièces de monnoie à chaque citoyen. Caligula donna deux fois trois cens sesterces par tête : Néron en donna quatre cens ; c’est le premier dont les congiaires soient marqués sur les médailles.

On appelle aussi quelquefois congiaire, la médaille sur laquelle le congiaire est marqué. J’ai tous les congiaires d’Adrien. Voilà un beau congiaire, & qui est bien rare. L’inscription des congiaires est Congiarium ou Liberalitas.

Ce mot vient de celui de conge, congius, parce que les premiers présens que l’on fit ainsi au Peuple, consistoient en huile & en vin, qui se mesuroient par conges. On changea ensuite l’huile & le vin en d’autres choses, mais le nom demeura toujours le même.

CONGIUS. s. m. Voyez Conge. On retient souvent le mot latin congius en notre langue. L’on conserve à Rome un congius du Vatican, dont Villalpandus, Vigenère & d’autres, ont donné la description, la figure & la capacité. Vigenère a dit conge, congius, congie. Ce dernier n’est pas bon.

CONGLOBATION. s. f. figure de Rhétorique, par laquelle on entasse plusieurs preuves, plusieurs argumens les uns sur les autres. Conglobatio.

CONGLOBÉ, ÉE. adj. amassé en un globe. Conglobatus. Ce terme est en usage dans l’Anatomie, où l’on appelle glandes conglobées, plusieurs glandes réunies qui n’en composent qu’une sous une même enveloppe dont la superficie est égale & fort unie. Telles sont les glandes du mésentère. Les glandes conglobées ont toutes une artère qui leur apporte du sang, & une veine qui le rapporte, après avoir été filtré dans ces glandes. Elles ont aussi un ou plusieurs vaisseaux excrétoires. Il y en a qui ont une cavité au milieu, & des vaisseaux lymphatiques, qui vont se rendre dans un réservoir ou dans un canal.

☞ CONGLOBÉ, terme de Botanique. Confertus. Entassé, ramassé en pelotons très-serrés. Voyez Fleurs, Feuilles, Racines.

CONGLOMÉRÉ, ÉE. adj. C’est une épithète que l’on donne dans l’Anatomie à une espèce de glandes. Conglomeratus, a. Les glandes conglomérées, sont des glandes amassées en pelotons, composées de plusieurs petits corps, ou grains glanduleux, joints ensemble sur une même membrane, comme les glandes salivales, sudorales, lacrymales, & le pancréas. Les glandes conglomérées, outre des artères, des veines & des nerfs, sont encore fournies chacune d’un vaisseau excrétoire ramifié dans leur propre substance, par le moyen duquel elles déchargent dans les réservoirs les liqueurs qu’elles ont filtrées.

CONGLUTINATION. s. f. action de joindre, de cimenter deux corps ensemble par des parties onctueuses, gluantes & tenaces. Conglutinatio. On met de la cire, de la poix dans une composition, afin que la conglutination en soit plus prompte & plus ferme.

CONGLUTINER, v. a. lier, attacher un corps avec un autre par le moyen de quelque chose de gluant & de tenace. Conglutinare, agglutinare. Il n’est guère en usage que dans le dogmatique.

☞ C’est encore rendre une liqueur gluante & visqueuse. Il y a des poisons qui conglutinent le sang.

Conglutiné, ée, part.

CONGO, grand pays dans la basse Ethiopie. Congum. Sanson renferme dans ce pays tout ce qui est entre la ligne équinoxiale & le cap noir dans la Cafrerie, parce que tous ces pays ont été sujets, alliés ou tributaires du Roi de Congo. Le royaume de Congo est borné au nord par le royaume de Loango, & par les peuples Anzicains, il a au sud le royaume d’Angola, & au couchant la mer de Congo.

La mer de Congo est une partie de l’Océan d’Ethiopie sur la côte occidentale de l’Afrique, vis-à-vis du royaume de Congo, dont elle tire son nom. Mare Congolanum.

CONGOIS, OISE. s. m. & f. Congensis. M. Corneille appelle ainsi les peuples de Congo, que Maty appelle Congolans. L’équipage de guerre des Congois est fort singulier. Les Capitaines portent des bonnets carrés, ornés de plumes de paon. Ils ont le dessus du corps tout nu, si ce n’est qu’ils portent sur leurs épaules & sous les aisselles des chaînes de fer passées en sautoir, dont les boucles sont de la grosseur du doigt. Leurs armes sont de grandes haches larges, des poignards, des arcs de six paulmes de long, des flèches avec un fer à crochet & des plumes pour les rendre plus légères, des mousquets, des fusils, des écus d’écorce d’arbre garnis d’une peau de bufle. Corn.

CONGOLAN, ANE. s. m. & f. qui est du Congo. Congolanus. Les Congolans sont noirs, robustes, mais poltrons. Maty. Les Portugais ont converti un très-grand nombre de Congolans.

CONGRATULATION, s. f. ☞ témoignage de joie sur un heureux succès ; action par laquelle on témoigne à quelqu’un la part qu’on prend à ce qui lui est arrivé d’heureux, d’avantageux. Congratulatio. Recevoir les complimens de congratulation. Il a reçu les congratulations au sujet de son mariage. Ce mot n’est point fort usité.

☞ CONGRATULER, v. a. assûrer quelqu’un de la part qu’on prend à ce qui lui est arrivé d’heureux ; lui témoigner la joie qu’on ressent du bonheur qui lui est arrivé. Gratari, congratulari, gratulari alicui aliquam rem, aliquâ re, de, in, ou pro aliquâ re. On l’a congratulé sur son mariage, sur la naissance d’un fils, sur sa réception à l’Académie.

☞ Ce verbe n’est pas aujourd’hui d’un grand usage. On dit plus communément féliciter, faire compliment.

☞ On a dit autrefois congratuler à quelque chose. Corneille même s’est servi de ce mot ; congratuler à la pureté. Cette phrase est latine. Tibi congratulor. Mais aujourd’hui congratuler régit l’accusatif comme féliciter.

Congratulé, ée, part.

☞ CONGRE, s. m. poisson de mer, fort alongé, qui ressemble à une anguille. Les congres qui ne s’éloignent pas du rivage, ont le ventre blanc & le dos noir. Ceux qui sont dans la haute mer, ont le dos blanc comme le ventre. On fait peu de cas en France de ce poisson dont la chair est dure. Conger.

CONGRÉER ou CONGRÉGER, Nicot observe qu’on disoit autrefois ces verbes du mot de congregare, ou de concrescere.

CONGRÉGANDINE. s. f. C’est ainsi que l’on nomme vers la Bourgogne & au-delà, les Religieuses instituées sous le nom de la Congrégation Notre-Dame, par le P. Fourrier (Foderarius) Chanoine régulier, Curé de Mataincourt en Lorraine.

CONGREGANISTE. s. m. & f. ☞ celui ou celle qui est d’une congrégation laïque, dirigée par des Ecclésiastiques séculiers ou réguliers. Sodalis B. M. Virginis. Voyez Congrégation dans cette acception.

CONGREGATION. s. f. terme de Physique dont s’est servi M. Grew pour signifier le plus petit degré de mélange des parties du mixte, c’est-à-dire, celui par lequel les parties du mixte n’entrent point les unes dans les autres, ou n’adhèrent point ensemble, mais se touchent dans un point. Harris cité dans l’Encyc.

Congrégation. s. f. assemblée de plusieurs personnes Ecclésiastiques qui font un corps. On le dit particulièrement des Cardinaux qui sont commis en certain nombre par le Pape, & distribués en plusieurs chambres pour exercer certains offices de juridictions, à peu près comme les Bureaux des Conseillers d’Etat en France. Cœtus, conventus. La première est la Congrégation du S. Office, ou de l’Inquisition. La seconde, la juridiction sur les Evêques & les Réguliers. La troisième est celle du Concile. Elle a pouvoir d’interpréter le Concile de Trente. La quatrième est celle des coutumes, cérémonies, préséances, canonisations, appelée la Congrégation des Rits. La cinquième, celle de la fabrique de S. Pierre, qui connoît de toutes les causes pies, dont une partie est due à la fabrique de S. Pierre. La sixième, celle des eaux, ponts & chaussées. La septième, celle des fontaines & des rues, dont le Cardinal grand Chambellan est le chef. La huitième, est celle de l’Index, qui juge des livres à imprimer, ou à corriger. La neuviè me est celle du gouvernement de tout l’Etat de l’Eglise. La dixième, de bono regimine. Le Cardinal Neveu est le chef de ces deux dernières. La onzième est celle de la Monnoie. La douzième, celle des Evêques, où l’on examine ceux qui doivent être promus aux Evêchés d’Italie. Elle se tient devant le Pape. La treizième, celle des matières consistoriales, dont le chef est le Cardinal Doyen. Il y a encore une Congrégation de l’aumône, qui a soin de ce qui regarde la traite des vivres nécessaires à la subsistance de Rome & de l’Etat Ecclésiastique. Les Congrégations changent quelquefois selon la volonté des Papes, qui en établissent souvent de nouvelles, qui ne durent qu’un certain temps, & pour décider des affaires particulières. Le Cardinal Jean-Baptiste de Luca a fait une relation de la Cour Romaine, où il parle de toutes les Congrégations, Tribunaux & Juridictions de l’Etat.

Congrégation se dit aussi de plusieurs sociétés Religieuses. Sodalitas, Sodalitium. La Congrégation de l’Oratoire. La Congrégation de S. Maur, de S. Vanne, de Cluny, qui forment divers Corps de Bénédictins en France.

Congrégation se dit aussi de l’assemblée de plusieurs personnes pieuses, en forme de Confrairie érigée en l’honneur de la Sainte Vierge, comme en avoient particulièrement les Jésuites. Sodalitas, sodalitium Beatæ Virginis.

Congrégation se dit dans les Ordres Religieux pour les assemblées que l’on y tient pour les affaires de l’Ordre. Congrégation générale est celle où il se trouve des Députés de tout l’Ordre. Congrégation provinciale, celle qui est composée des Députés seulement d’une province de l’Ordre. Etant allé à Avignon pour assister à une de ces assemblées que nous appelons Congrégations provinciales, il y reçut ordre de partir pour aller à la Cour. P. d’Orl. Vie du P. Cot. p. 61.

Congrégation du S. Sacrement. Outre les Congrégations dont on vient de parler, il y en a encorde une autre en plusieurs villes de France. C’est une Congrégation de Prêtres séculiers. On en voit à Valence, à Marseille, &c.

Congrégation de Notre-Dame de Reims. Congrégation instituée à Reims, & à laquelle appartiennent des privilèges établis par des bulles des Papes, des transactions & des arrêts. Congregatio Beata Mariæ Remensis. Cette Congrégation est composée d’abord de tous les Dignitaires, les Chanoines, les Chapelains & autres membres Ecclésiastiques de l’Eglise de Reims. Le Chapitre en corps a droit de choisir dans le territoire de l’archevêché dix francs-Servans communs. Il y a outre ces dix francs-Servans communs, des francs-Servans particuliers de chaque Chanoine ; le nombre de ces francs-Servans particuliers pourroit être de 64 Chanoines, mais rarement ce nombre est rempli, parce que le droit de choisir des francs-Servans particuliers n’appartient qu’aux Chanoines in sacris, gagnant les gros fruits de leur prébende. Il y a 4 Coutres-Laïcs, 4 Coutres Ecclésiastiques, & 2 sous-Coutres. Il y a un Chapucier. Il y a trois Prébendés & semi-Prébendés de S. Rigobert, appelés pauvres de S. Rigobert, à cause de la modicité du revenu attaché à leurs Offices. Il y a trois francs-Sergens de l’Archidiacre, & autrefois chaque Chanoine avoit droit d’en choisir un pareil nombre, mais par les transactions le droit des Chanoines a été réduit à un seul. Enfin l’Hôtel-Dieu & l’Eglise de S. Denis, jouissent encore du droit d’avoir un franc-Sergent. Voilà exactement tous les membres qui composent la Congrégation de Notre-Dame, & qui, en qualité de membres de cette Congrégation, sont affranchis de la juridiction de l’Archevêque, & sont soumis à la juridiction du Chapitre, quoiqu’ils demeurent dans le ban de l’Archevêché. Aubry, Mém. pour le Chapitre de Reims.

Congrégation Pauline. Voyez Ecoles pieuses.

CONGREGATIONAUX. s. m. pl. C’est une des quatre principales sectes, sorties de l’indépendantisme. Voyez le Dictionnaire d’Hoffmann.

CONGRÉGÉE. adj. f. Les premières Ursulines fondées vers l’an 1537, par la B. Angèle de Bresse, & qui n’étoient point encore Religieuses, s’appellerent les Ursulines Congrégées, & ce nom est resté à celles qui sont toujours demeurées dans l’état séculier. Voyez Ursuline.

Congréger. Voyez Congréer.

CONGRÈS. s. m. L’épreuve de la puissance ou impuissance des gens mariés, autrefois ordonnée par la Justice & qui se faisoit en présence des Chirurgiens & de matrones, dans les occasions où il s’agissoit de la nullité d’un Mariage pour cause d’impuissance. Congressus. Le Droit Civil, ni le Droit Canonique ne font aucune mention de la preuve d’impuissance par le congrès : cet usage doit son origine à la témérité d’un jeune homme, qui demanda le congrès. Le Juge surpris de la nouveauté de cette demande, ne crut pas qu’elle pût être refusée, regardant cette épreuve comme un moyen infaillible de découvrir la vérité. Depuis il devint une jurisprudence certaine dans les Officialités, & les arrêts l’ont autorisée. Mais outre que cette expérience offense la pudeur, & qu’elle est contraire à la pureté de nos mœurs, on a reconnu que cette prétendue certitude que l’on pouvoit en tirer, & qui seule l’avoit fait accepter, étoit une illusion ; & que dans la plûpart de ceux qu’on y assujétissoit, la honte de l’accusation, la crainte d’un événement incertain, la pudeur & le trouble causé par la présence des experts, produisoient le même effet que l’impuissance naturelle. L’effronterie seule pouvoir soûtenir les honteuses formalités du congrès. Une femme ne doit jamais venir à la fâcheuse extrémité de publier des malheurs domestiques, que la pudeur lui ordonne de tenir secrets, ni faire éclater son infortune. C. B. Boileau dit en parlant des animaux,

Que jamais Juge entr’eux, ordonnant le congrès,
De ce burlesque mot n’a sali ses arrêts.

On a enfin abrogé l’usage du congrès par un sage arrêt du Parlement du 18 Février 1677, inséré dans le Journal du Palais, il fait aujourd’hui Loi dans tout le Royaume. On tient qu’il n’avoit été pratiqué en France que depuis 110 ans. Voyez Hotman, Tagerau, & le Dictionaire Critique de M. Bayle à l’art. de Quellenec.

Congrès se dit aussi d’une assemblée de plusieurs Ministres des différentes Puissances qui se sont rendus dans le même endroit pour traiter, discuter, concilier les intérêts de leurs Cours respectives, conclure un traité, la paix. Le Congrès de la Haye, d’Utrecht, de Cambrai, de Soissons. &c. Ce mot vient du Latin congressio, congressus, assemblée, conférence.

☞ CONGRESSION. s. f. dans Montagne, synonyme à congrès ; accouplement du mâle & de la femelle.

CONGRIER. s. m. terme de Coutume, du latin congregare, est un espace dans une rivière enfermé de pieux joints près l’un de l’autre, & sortant hors de l’eau, entre lesquels le poisson est enfermé. Droit de congrier, est le droit de faire un congrier dans une rivière.

☞ CONGRU, UE. adj. convenable, congruus. Dans ce sens on ne le dit qu’en Droit Canonique. Portion congrue, somme que les gros décimateurs sont obligés de fournir ou de suppléer aux Curés qui n’ont pas assez de revenu pour pouvoir subsister, congrua portio. Les portions congrues sont ordinairement taxées à 300 livres. Elles ont été augmentées dans ces derniers temps, & portées à 450 livres.

Congru, ue, est aussi un terme de Grammaire qui se dit d’un discours où il n’y a point de faute contre la Grammaire, ni contre la syntaxe. Sermo congruus, congrua oratio. Diction congrue, phrase congrue, qui est selon les règles de la Grammaire.

Congru, en Géométrie, se dit de deux figures qui se correspondent parfaitement quand elles sont mises l’une sur l’autre. Quæ mutuò sibi congruunt. Deux triangles semblables & égaux sont dits congrus, parce que appliqués l’un sur l’autre, selon les mêmes dimensions, ils conviennent parfaitement.

Congru, ue, terme dogmatique qui se dit de la grace, congruus, a, um, propre à produire son effet, proportionné à la production de cet effet ; qui est de telle nature, qui a telle force ou activité, qui produira son effet, quoiqu’il put absolument ne le pas produire. Voilà en général ce que c’est que congru, & ce que ce mot signifie ; mais les Théologiens expliquent différemment en quoi cela consiste. Les Scotistes disent que l’efficacité de la grace consiste en ce qu’elle est proportionnée au génie & aux dispositions de celui à qui elle est donnée, joint un décret non pas antécédent mais concomitant, accompagnant la détermination de la volonté. Tel est le sentiment d’Angelus à monte Piloso. Plusieurs autres Scotistes cités par Hugo Cavellus, & Cavellus lui-même dans ses Notes ou Scholies sur les Ouvrages de Scot, craignant que ce décret ne nuise encore à la liberté, font précéder la science des conditionnels, par laquelle Dieu voit cette grace tellement proportionée au génie & aux dispositions actuelles d’un tel homme, que si elle lui est donnée dans ces circonstances, elle aura infailliblement son effet ; & ces Auteurs prétendent que c’est-là la pensée de Scot.

Les Jésuites, & un grand nombre de Théologiens séculiers & réguliers de tous les Ordres, disent aussi que la grace congrue est celle qui est tellement proportionée au génie & aux dispositions de celui à qui elle est donnée, que Dieu a prévu que si elle lui étoit donnée en telle & telle circonstances, elle auroit son effet. Et la grace efficace est cette grace congrue donnée à l’homme par une affection particulière de Dieu. Cette grace ne nuit point à la liberté, car elle suppose la préscience de l’exercice de la liberté & de la détermination de la volonté. D’ailleurs elle est infaillible & aussi infaillible que la préscience même de Dieu.

Ce nom vient du latin congruus, & il a été donné à la grâce efficace à l’occasion de quelques passages de S. Augustin, qui appelle congrus les secours que Dieu donne à l’homme pour l’attirer à soi : Sic vocat quomodo scit congruere, ut vocantem non spernat. Et. L. I. ad Simpl. quæst. 2. Hoc modo vocavit quomodo aptum erat eis, qui secuti sunt vocantem. Et de bono perseverantiæ, C. 14. ex quo apparet habere quosdam in ipso ingenio divinum naturaliter munus intelligentiæ, quo moveantur ad fidem, si congrua suis mentibus vel signa conspiciant.

CONGRUAIRE. adj. nom que l’on donne aux Curés ou Vicaires perpétuels, qui n’ont qu’une portion congrue du revenu de leur bénéfice. C’est une maxime certaine que les dixmes de terres novales appartiennent aux Curés congruaires, à l’exclusion des Curés primitifs ou gros décimateurs, suivant la déclaration du Roi de 1686.

CONGRUEMENT. adv. Voyez Congrument.

☞ CONGRUENCE, égalité & similitude de deux choses. Voyez Congru, terme de Géométrie.

CONGRUENT, ENTE, adj. m. & f. vieux mot, convenable, du latin Congruens. Le Médecin, après avoir fait enlever de dessus la table de Sancho Panca, devenu Gouverneur d’une Île, beaucoup de mets capables d’exciter l’appétit. Pour l’heure, dit-il, ce que doit manger son Excellence pour entretenir & corroborer sa santé, c’est une douzaine de cornets avec quelques légeres léches de coins, qui sont admirables pour sa poitrine, & lui feront faire une digestion congruente. Hist. de Don Quich. tom. 4, ch. 47, p. 176. Sancho, naturellement gourmand, se mit dans une furieuse colère, & chassa le Médecin.

☞ CONGRUENT se dit aussi en Géométrie, synonyme à congru. Voyez ce mot.

CONGRUISME. s. m. Doctrine de ceux qui expliquent l’efficacité de la grace par la grace congrue, comme on l’a expliqué à ce mot.

CONGRUISTE. s. m. terme dogmatique. On appelle en Théologie Congruistes, ceux qui tiennent le systême de la congruité dans les matières de la grace. Congruista.

Les Congruistes enseignent qu’il est certain & infaillible que la volonté ne résiste point à la grace qu’ils appellent congrue. Pourquoi, parce que cette grace est donnée dans le moment précis auquel Dieu a prévu que s’il la donnoit, l’homme se détermineroit à suivre cette grace, quoiqu’il eût le pouvoir parfait d’y résister. Ainsi cette certitude & cette infaillibilité du consentement de l’homme est fondée sur la prévision de Dieu, qui ne peut se tromper : cette prévision divine a pour objets la détermination de la volonté : la détermination de la volonté suppose le pouvoir complet d’accorder ou de refuser le consentement. Ainsi cette infaillibilité du consentement à la grace congrue, loin d’exclure le pouvoir de refuser ce consentement, le suppose & le renferme. Donc cette infaillibilité est conséquente, comme on parle dans l’Ecole.

CONGRUITÉ. s. f. congruitas, terme de Théologie. C’est une convenance & un rapport des choses qui donnent des connoissances sûres de ce qui arrivera. Le systême de la congruité dans la matière de la grace consiste à dire que Dieu, qui connoît parfaitement la nature de la grace, & les dispositions de la volonté de l’homme dans toutes les circonstances où elle se trouvera, donne des graces avec lesquelles, en vertu de leur congruité avec la volonté de l’homme, considérée en telles circonstances, l’homme fera toujours infailliblement, mais non nécessairement, ce que Dieu veut qu’il fasse, parce que la volonté, suit toujours infailliblement, quoique librement & sans nécessité, son plus grand attrait.

Congruité. Mérite de congruité, meritum de congruo. Terme de Théologie, qui se dit du mérite d’une action à laquelle la récompense n’est point due par justice, mais qui est telle qu’elle met l’homme dans des dispositions capables d’engager Dieu à accorder quelque chose par bonté pure & par libéralité, qui servent à obtenir de Dieu la grace. Un pécheur dans l’état du péché ne mérite point la grace d’un mérite de condignité ; mais il peut faire & fait des actions qui servent à l’obtenir ; c’est ce qu’on appelle mérite de congruité. Voyez Maldonat, de Pœnit. C. I. Telles sont les œuvres d« charité & de miséricorde, les actes de justice, de tempérance & d’humilité, les aumônes, les prières, les jeûnes, les pénitences, &c. que fait un pécheur avant d’être sorti de l’état du péché.

☞ CONGRUMENT. adv. d’une manière congrue. Parler une langue congrument, congruenter ; c’est à-dire, selon les règles de la Grammaire. & de la Syntaxe.

On dit dans un autre sens, parler congrument d’une affaire ; pour dire, pertinemment. Voyez ce mot.

CONI, Ville d’Italie dans le Piémont, au confluent des rivières de Sture & de Gez. Cunæum.

CONJECTURAL, ALE. adj. qui n’est fondé que sur des conjectures, sur des argumens probables. Conjecturalis. La Médecine, la Physique, sont des sciences conjecturales. Preuve conjecturale.

Conjectural, ale. Accoutumé à conjecturer. L’Auteur transporte quelquefois aux antiques des merveilles qui appartiennent à leurs Interprètes, dont elles ont échauffé le génie conjectural. Observ. sur les Ecr. mod. tom. 19, pag. 172.

CONJECTURALEMENT. adv. par conjecture. Conjectatoriè. Vous ne pouvez juger de l’avenir par le passé, si ce n’est conjecturalement.

CONJECTURE. s. f. Jugement fondé sur des probabilités, sur des preuves qui n’ont qu’un certain degré de vraisemblance ; qui n’ont pas une liaison assez étroite avec la chose que l’on en conclut, pour pouvoir juger avec certitude. Conjectura, conjectatio. Les gens sages n’agissent point sur de légères conjectures. La connoissance des gens que l’on voit le plus souvent, n’est qu’un art de conjectures, où l’on se trompe souvent. M. Soud.

CONJECTURER, v. a. juger par conjecture, sur des probabilités. Conjicere, conjectare. La prudence fait quelquefois si bien conjecturer, qu’elle prévoit les événemens. De-là je conjecture sa perte. Conjecturer de l’avenir par le passé.

Conjecturé, ée. part.

CONJECTUREUR. s. f. qui conjecture. Les Journalistes de Trévoux se servent souvent de ce mot. Il est plus de dix fois dans l’extrait de la conjoncture du Cardinal de Cusa sur la fin du monde. Ils s’en servent aussi en parlant des œuvres diverses du P. Hardouin. Le Conjectureur a-t-il oublié que Lamech, descendant de Caïn, étoit Nègre ? Le P. Tournemine. Ce qui auroit retenu un Conjectureur moins hardi, anime l’Ecrivain Anglois. Id.

CONIFÈRE. adj. de t. g. terme de Botanique. On appelle arbres conifères, ceux dont les fruits sont de figure conique, comme le pin, le sapin, le picea, la melèse. Arbores coniferæ. ☞ Ces fruits sont composés d’écailles ligneuses, appliquées les unes contre les autres, s’ouvrant par en haut, & fixées par le bas sur un axe qui occupe le centre.

CONILLER. Voyez Conniller.

CONIMBRE, que M. de la Neuville & d’autres encore écrivent COIMBRE, à la Portugaise ; cependant nous disons toujours Conimbre. Conimbrica. Ville de la Province de Beira en Portugal. Conimbre est une grande Ville, qui a un Evêché suffragant de Brague, une Université célèbre fondée par Jean III, Roi de Portugal, & un titre de Duché, La rivière de Mondejo, Munda, passe au milieu de Conimbre.

Dans les Colléges on dit les Conimbricenses, pour citer un cours de Philosophie en quatre volumes in-4o. composé par les Jésuites de Conimbre au commencement du siècle passé.

☞ CONINGSMACHEREN, petite Ville du Duché de Luxembourg, à deux lieues de Thionville.

CONJOINDRE, v. a. joindre une personne avec une autre. Conjungere. Il ne faut pas que l’homme sépare ce que Dieu a conjoint. ☞ Conjoindre par mariage. Joindre ensemble. Ce terme est peu usité ; il sent un peu la pratique.

Conjoint, s. m. se dit au pluriel, en termes de pratique, du mari & de la femme. Matrimonio juncti, conjuges. Les conjoints par mariage sont uns & communs en biens par la Coutume de Paris. La polygamie est opposée à la tendre union qui doit être entre les conjoints, parce qu’elle partage les sentimens du cœur. S. Evr. On dit en Droit que la fraude est facilement présumée entre les personnes conjointes ; pour dire, entre les parens ou intéressés.

On dit aussi en musique, & en expliquant la gamme des anciens, les conjointes, les disjointes : on entend les consonantes. Soni conjuncti, disjuncti. Tétrachordes conjoints, sont deux tétrachordes dont la même chorde est la plus haute du premier, & la plus basse du second. De Brossard. ☞ Dans la Musique moderne, on appelle degré conjoint, la marche d’une note à celle qui la suit immédiatement dans la gamme, soit en montant, soit en descendant.

CONJOINTEMENT. adv. ensemble l’un avec l’autre. Conjunctè, conjunctim. Un arrêt d’appointement porte que deux instances seront jugées conjointement, ou séparément, ainsi que de raison. Il faut que des associés travaillent conjointement, de concert, pour réussir en leurs desseins.

CONJONCTIF, IVE, adj. terme de Grammaire. Qui joint un mot à un autre mot, ou un sens à un autre sens. Conjunctivus. Et est une particule conjonctive ou copulative, opposée à la disjonctive. Particula conjunctiva, copulativa. Ni est une particule conjonctive. Voyez Conjonction. Conjunctivus. Et est une particule conjonctive, ou est disjonctive.

Conjonctif se dit aussi quelquefois en Grammaire au lieu de subjonctif. Conjunctivus, subjunctivus modus. Parce que la plûpart de ses temps sont joints à un que, ou à quelque conjonction. ☞ Mais ce n’est point à cause de cette conjonction que le Verbe est mis au subjonctif ; c’est parce qu’il est dépendant de quelque autre Verbe qui le précède. Voyez Subjonctif.

CONJONCTION. s. f. jonction de deux personnes. On le dit de l’union de l’homme & de la femme. Conjunctio. Il se fait dans le mariage une conjonction sacramentale de deux personnes, qui ne sont plus qu’une même chair. Si l’homme se régloit par l’instinct aveugle des animaux, l’on pourroit soûtenir qu’il n’y a rien de criminel dans les conjonctions les plus illicites. S. Evr. L’honnêteté, qui est une loi inviolable dans les bonnes mœurs, ne souffre pas ces conjonctions vagues, & ces emportemens immodérés. Id.

En Grammaire, il se dit des particules qui lient, qui joignent les parties d’un discours. La conjonction est la huitième en ordre des parties de l’oraison. Et, car, mais, sont des conjonctions grammaticales. ☞ Il y a différentes sortes de conjonctions. Les copulatives, qui lient les mots. Le père & le fils. Les disjonctives, les augmentatives, les alternatives, les conditionnelles ou hipothétiques, les adversatives, les extensives, les périodiques, les motivales ou causales, les conclusives, les explicatives, les transitives, &c. Voyez tous ces mots pour l’explication.

En Astronomie, on appelle la conjonction des astres, lorsqu’ils se rencontrent dans un même degré du Zodiaque : & que leur situation est telle, que la même ligne droite par laquelle on les regarde, passe par leur centre ou proche de leur centre. La conjonction est le premier des aspects des astres. La lune se trouve tous les mois en conjonction avec le soleil. La lune fait le tour du Zodiaque en vingt-sept jours ; mais il lui en faut encore près de trois pour se trouver en conjonction avec le soleil. Les éclipses de soleil n’arrivent que quand les conjonctions se font dans les nœuds de l’écliptique ou près des nœuds.

☞ On divise les conjonctions en vraies ou centrales, partiales, & apparentes. Si les deux astres sont dans le même degré de longitude & de latitude en sorte que la ligne droite tirée du centre de la terre passe par le centre des deux astres, la conjonction est vraie & centrale. Si la ligne qui passe par le centre des deux astres, ne passe pas par le centre de la terre, on l’appelle conjonction partiale ; si les deux corps ne se rencontrent pas précisément dans le même degré de longitude, en sorte que la ligne qui passe par le centre des deux astres ne passe pas par le centre de la terre, mais par l’œil de l’observateur, la conjonction est apparente.

On divise encore les conjonctions en conjonctions grandes, & très-grandes. Les grandes conjonctions, sont celles qui arrivent en des temps éloignés ; comme celle de Saturne & de Jupiter, qui n’arrive que de 20 ans en 20 ans. Les conjonctions très-grandes, sont celles qui arrivent en des temps très-éloignés, comme celle des trois Planètes supérieures, Saturne, Jupiter & Mars, qui n’arrive que de 500 ans en 500 ans. Les Astrologues disent, que le déluge étant arrivé par l’influence & par la conjonction de toutes les Planètes avec le Capricorne, le monde brûlera par la conjonction de toutes les Planètes avec le signe du Cancer. Ainsi en supputant le temps de cette conjonction, ils prétendroient trouver la fin du monde.

Les Planètes inférieures, c’est-à-dire, Vénus & Mercure, ont deux sortes de conjonctions : une conjonction inférieure & une conjonction supérieure car : pendant le temps d’une de leurs révolutions, elle passe deux fois en conjonction avec le soleil, l’une entre le soleil & la terre que l’on nomme conjonction inférieure, & l’autre au-delà du soleil, qui se trouve entr’elles & la terre, que l’on appelle conjonction supérieure.

Conjonction, terme de Musique. Il en est souvent parlé dans les ouvrages des anciens Musiciens, c’est ce qu’on appelle en grec synaphe. Il y a conjonction, lorsque de deux tétrachordes la même chorde est la plus haute du premier, & la plus basse du second, c’est ce qui arrive dans les deux tétrachordes qui composent l’eptachorde, ou la septième. De Brossard. Voyez Conjoint.

CONJONCTIVE. s. f. terme d’Anatomie. Conjunctiva, Adunata alba. La conjonctive est la membrane qui joint le globe de l’œil aux paupières. Elle est ainsi nommée, parce qu’elle renferme toutes les autres, ou parce qu’elle attache l’œil dans l’orbite. Elle est unie, polie, & d’un blanc d’albâtre quand on se porte bien. On dit comunément qu’elle prend son origine du péricrane, cela veut dire qu’elle a des attaches à cette membrane. La conjonctive ne forme pas le globe de l’œil tout entier, elle se termine au bord de la sclorotide. Elle est parsemée d’un million d’artères & de veines, qui ne paroissent que lorsque le mouvement du sang est plus rapide qu’à l’ordinaire, comme dans les ophtalmies. Dionis.

☞ La conjonctive est ce qu’on appelle vulgairement le blanc de l’œil. Cette membrane est douée d’un sentiment exquis. C’est pourquoi l’introduction d’un corps étranger entre la paupière & le globe de l’œil cause des douleurs si cuisantes. Ce mot vient de conjungere, joindre.

CONJONCTURE. s. f. amas ou assemblage de plusieurs circonstances, qui fait trouver de la facilité ou de la difficulté dans le succès des affaires. Rerum status, rerum concursus.

☞ Ce mot désigne la simultanéité, s’il est permis de parler ainsi, de plusieurs faits relatifs à un autre qu’ils modifient, soit en bien, soit en mal. Conjoncture, dit M. l’Abbé Girard, sert à marquer la situation qui provient d’un concours d’événemens, d’affaires, ou d’intérêts. Ce sont ordinairement les conjonctures qui déterminent au parti que l’on prend.

Les vieillards sont d’ordinaire si opiniâtres sur les anciennes coutumes, qu’ils ne savent ce que c’est que de s’accommoder aux diverses conjonctures des temps. S. Didier. Il faudroit dire l’occurrence, & non pas les conjonctures des temps, parce que le mot occurrence se dit de ce qui arrive sans qu’on le cherche, & avec un rapport fixé au temps présent. Il faut se comporter selon l’occurrence des temps, & se déterminer, selon les conjonctures où l’on se trouve, c’est-à-dire, selon que les événemens, les affaires, les intérêts relatifs à notre situation paroissent l’exiger. Occurrence favorable, conjoncture avantageuse. Borel remarque que ce mot n’est venu en usage que du temps de la Reine Catherine de Médicis. Voyez aux mots Cas, Circonstance, Occasion, les idées particulières de ces mots & leurs différences.

☞ CONJOUIR, (Se) vieux verbe réciproque. Congaudere. Se réjouir avec quelqu’un de ce qui lui est arrivé d’heureux, d’avantageux. Se conjouir avec quelqu’un du mariage de son fils. On ne le dit plus.

CONJOUISSANCE, s. f. marque que l’on donne à quelqu’un de la joie qu’on a de quelque heureux succès qui lui est arrivé en sa fortune, en ses affaires. Gratulatio, Congratulatio. Les Princes s’envoient des Ambassadeurs exprès pour faire des complimens de conjouissance sur leurs mariages, sur leurs avénemens à la Couronne, &c. Il est vieux.

CONIQUE. adj. de t. g. terme de Géométrie. Conicus. Miroir conique, speculum turbinatum, cadran conique, qui a la figure d’un cône concave ou convexe. Une ligne conique, est la ligne courbe qui borne une section conique ; ou c’est la section d’un plan, & de la superficie d’un cône, qui n’est pas coupé par son axe. On confond ordinairement les lignes coniques, avec les sections coniques.

On appelle section conique, des figures qui se trouvent dans les différentes sections du cône, qu’on peut couper en plusieurs manières : comme l’ellipse, la parabole & l’hyperbole, le cercle & le triangle. In figuram, formam coni sectum. Le plan par lequel se fait la section d’un cône, s’appelle le plan sécant. Ces sections coniques exercent les plus subtils Géomètres ; il nous reste de l’antiquité l’excellent livre d’Apollonius Pergeus. Archimèdes, Colon Serenus, Papus en ont aussi écrit chez les Anciens : & à l’égard des Modernes, François Barocio Sénateur de Venise, La Hire, & M. le Marquis de l’Hôpital.

On appelle, en termes de Botanique, fruits coniques, ceux qui approchent de la figure d’un