Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CONGRU

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 808).
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☞ CONGRU, UE. adj. convenable, congruus. Dans ce sens on ne le dit qu’en Droit Canonique. Portion congrue, somme que les gros décimateurs sont obligés de fournir ou de suppléer aux Curés qui n’ont pas assez de revenu pour pouvoir subsister, congrua portio. Les portions congrues sont ordinairement taxées à 300 livres. Elles ont été augmentées dans ces derniers temps, & portées à 450 livres.

Congru, ue, est aussi un terme de Grammaire qui se dit d’un discours où il n’y a point de faute contre la Grammaire, ni contre la syntaxe. Sermo congruus, congrua oratio. Diction congrue, phrase congrue, qui est selon les règles de la Grammaire.

Congru, en Géométrie, se dit de deux figures qui se correspondent parfaitement quand elles sont mises l’une sur l’autre. Quæ mutuò sibi congruunt. Deux triangles semblables & égaux sont dits congrus, parce que appliqués l’un sur l’autre, selon les mêmes dimensions, ils conviennent parfaitement.

Congru, ue, terme dogmatique qui se dit de la grace, congruus, a, um, propre à produire son effet, proportionné à la production de cet effet ; qui est de telle nature, qui a telle force ou activité, qui produira son effet, quoiqu’il put absolument ne le pas produire. Voilà en général ce que c’est que congru, & ce que ce mot signifie ; mais les Théologiens expliquent différemment en quoi cela consiste. Les Scotistes disent que l’efficacité de la grace consiste en ce qu’elle est proportionnée au génie & aux dispositions de celui à qui elle est donnée, joint un décret non pas antécédent mais concomitant, accompagnant la détermination de la volonté. Tel est le sentiment d’Angelus à monte Piloso. Plusieurs autres Scotistes cités par Hugo Cavellus, & Cavellus lui-même dans ses Notes ou Scholies sur les Ouvrages de Scot, craignant que ce décret ne nuise encore à la liberté, font précéder la science des conditionnels, par laquelle Dieu voit cette grace tellement proportionée au génie & aux dispositions actuelles d’un tel homme, que si elle lui est donnée dans ces circonstances, elle aura infailliblement son effet ; & ces Auteurs prétendent que c’est-là la pensée de Scot.

Les Jésuites, & un grand nombre de Théologiens séculiers & réguliers de tous les Ordres, disent aussi que la grace congrue est celle qui est tellement proportionée au génie & aux dispositions de celui à qui elle est donnée, que Dieu a prévu que si elle lui étoit donnée en telle & telle circonstances, elle auroit son effet. Et la grace efficace est cette grace congrue donnée à l’homme par une affection particulière de Dieu. Cette grace ne nuit point à la liberté, car elle suppose la préscience de l’exercice de la liberté & de la détermination de la volonté. D’ailleurs elle est infaillible & aussi infaillible que la préscience même de Dieu.

Ce nom vient du latin congruus, & il a été donné à la grâce efficace à l’occasion de quelques passages de S. Augustin, qui appelle congrus les secours que Dieu donne à l’homme pour l’attirer à soi : Sic vocat quomodo scit congruere, ut vocantem non spernat. Et. L. I. ad Simpl. quæst. 2. Hoc modo vocavit quomodo aptum erat eis, qui secuti sunt vocantem. Et de bono perseverantiæ, C. 14. ex quo apparet habere quosdam in ipso ingenio divinum naturaliter munus intelligentiæ, quo moveantur ad fidem, si congrua suis mentibus vel signa conspiciant.