Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 2/271-280

Fascicules du tome 2
pages 261 à 270

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 2, pages 271 à 280

pages 281 à 290


χ, comme caractère. Mais d’autre, retiennent cette lettre, & écrivent Charisties.

☞ CARISTO. Nom d’une ville de Grèce, dans la partie orientale de l’Ile de Négrepont. Les François l’appellent Château-Roux, C’est le siége d’un Evêché Grec, sous l’Archevêque de Négrepont dont il est suffragant.

CARITATIF. Voyez Charitatif.

CARIVE. s. m. C’est un des treize noms que l’on donne au poivre de Guinée, ou corail des Jardins, vulgairement connu en France sous celui de Piment.

CARIUS. s. m. Terme de Mythologie. Nom d’un Dieu de l’antiquité, fils de Jupiter & de Thorrébie. Carius. Carius se promenant sur les bords du lac Thorrébie entendit le chant des Nymphes, & apprit d’elles la musique, qu’il enseigna ensuite aux Lydiens. En récompense de ce bienfait ils lui décernèrent les honneurs divins, & lui bpatirent un Temple magnifique sur une montagne, qui prit, dit-on, le nom de ce nouveau Dieu.

Carius étoit aussi une épithète de Jupiter chez les Mylassiens. Hérodote.

CARLA s. m. Toile des Indes orientales, ainsi nommée du village où elle se fabrique

☞ CARLADEZ. (le) Petit pays de France, dans la haute Auvergne, sur les confins du Rouergue. Il prend son nom de la petite ville de Carlat. C’est ce que dit Longue Rue. Mais Piganiol de la Force ne connoît point cette ville de Carlat, & met Vie sur la Cère, pour chef-lieu du Carladez.

☞ CARLAT ou CARLAT. Petite ville de France, au Comté de Foix. Baudrand dit Carlac, entre Pammiers & Rieux. C’est la patrie de Bayle qui y naquit en 1648, & mourut a Roterdam le 28 Décembre 1706.

CARLET. Voyez Carrelet.

CARLETTE. s. f. C’est une des sortes d’ardoises qui se taillent sur les ardoisières d’Anjou & du pays du Maine.

☞ CARLIEN, ENNE, pour CARLOVINGIEN, ENNE, adj. & S. Maison Carlienne. Les Carliens. Traité des Maisons Mérovingienne & Carlienne. M. de S. Aubin. Plusieurs Auteurs célèbres ont soutenu que les Maisons Carlienne & Capétienne avoient une tige commune dans S. Arnoul, Evêque de Mets. Id. p.253. La femme de Childebrand étoit sortie du sang Carlien, puisqu’elle étoit fille de Pépin de Herstal. Id. p. 408. Il est certainement établi que le sang Carlien a été transmis à la Maison régnante (la Capétienne) par des alliances continuelles, & de génération en génération pendant neuf cens ans. Id. p. 409.

Le P. Le Cointe est d’avis que les récits fabuleux de la naissance de Mérovée ont été insérés dans les Exemplaires de Frédégaire, sous les premiers règnes des Carliens & qu’ils firent partie des artifices dont on se servit alors pour décrier la Maison Mérovingienne. Mais on conserve à la Bibliothèque du Collège de Louis le Grand un exemplaire de Fredégaire, écrit avant la fin de la première race, où ces mêmes passages se lisent en entier. De S. Aubin, Antiq. de la Nat. & de la Mon. Franç. p. 502.

CARLILE. Carleolum, autrefois Luguvallum, Ville des Brigantes. C’est une petite ville d’Angleterre, capitale du Comté de Cumberland, située sur la rivière d’Eden, vers les frontières d’Ecosse. L’Évêque de Carlile est suffragant de l’Archevêque d’York. On voit à Carlile les restes de la fameuse muraille d’Adrien.

☞ CARLINGFORD, petite ville maritime d’Irlande dans la province d’Ulster, au Comté de Louth.

CARLIN ou CAROLIN. s. m. Carlinus, Carolinus minimus. Monnoie de Naples qui y avoit cours au XVe siècle, comme il paroît par les actes de S. François de Paule, Act. SS. April. T.I, p. 183, c. C’étoit apparemment la monnoie qu’y fit battre Charles d’Anjou Roi de Naples, frère de S. Louis.

☞ Il y a aussi le carlin de Sicile, qui vaut quatre sols deux deniers ; & celui de Malte, qui, vaut quatre deniers de notre monnoie.

CARLINE ou CAROLINE. s. f. Carlina. Plante qu’on dit avoir été indiquée par un Ange à Charlemagne, pour guérir son armée de la peste ; on croit aussi que par cette raison elle porte le nom de cet Empereur. Carlina, quasi Carolina. Elle est vivace, & a des racines longues, très-profonds en terre, grosses comme le pouce, quelquefois plus, d’autres fois moins, roussâtres en dehors, blanches en dedans, & d’une odeur aromatique. Son collet est divisé en plusieurs couches, d’où sortent des feuilles disposées en rond, couchées par terre, longues de demi-pied ordinairement, sur deux pouces de largeur, & découpées jusques vers la côte qui parcourt toute leur longueur, ondées sur leurs bord qui sont armés de piquans assez aigus, & cotoneuses d’abord, un peu pus verdâtres dans la suite. De leur milieu naît une tête pareille à peu près à celle d’un artichaut, presqu’aussi grosse, mais un peu plus aplatie, & composée d’écailles plus minces & en plus grand nombre que dans le côté d’en-haut ; ces écailles sont pointues, piquantes, & un peu longuettes. Cette tête renferme un amas considérable de fleurons d’un pourpre pâle, & environnés de pétales blancs ou argentins, longs d’un pouce & demi sur deux lignes de largeur, & qui tiennent lieu de demi-fleurons ou de couronne. Les embryons, sur lesquels portent les fleurons, deviennent autant de semences oblongues, velues & chargées d’une brosse de poil en manière d’aigrette. Cette Carline se nomme la grande Carline. Carlina acaulos magno flore. C.B. Il y en a une autre espèce différente de celle-ci, non seulement parce qu’elle a des tiges branchues, mais encore par ses feuilles, qui sont plus étroites & beaucoup plus vertes, & par ses têtes, qui sont presques d’une moitié plus petites. Carlina polycephalos, &c. La racine de la Carline est recommandée dans les maladies pestilentielles ; elle est sudorifique et diurétique.

CARLINGUE ou ESCARLINGUE. s. f. Terme de Marine. C’est une pièce de bois qui règne presque le long du vaisseau, directement au-dessus de la quille, pour faire liaison ensemble ; c’est pourquoi plusieurs l’appellent contrequille. Ces deux pièces servent de fondement à tout le corps du vaisseau, parce que les varangues & les autres membres dé charpenterie y sont assemblés. C’est aussi sur la carlingue, que l’on pose le grand mât. C’est pourquoi on, appelle encore carlingue, une pièce de mât qu’on met au pied de chaque mât. La grande carlingue est la carlingue du grand mât. On dit carlingue de cabestan, carlingue de bittes.

Carlingue. s. m. Quelques anciens Auteurs disent Carlingue pour Carlovingien, postérité de Charles Martel, IIe race des Rois de France. Carlovingus. Les Carlingues, ainsi nomme-t-on la postérité de Charles Martel, n’étoient pas François naturels, ni de la Germanie de-là le Rhin ; ainsi étoient Barbançons. Coquille.

CARLOEK s. m. Espèce de colle de poisson qu’on tire d’Archangel. Elle est faite avec la vessie de l’esturgeon. Son principal usage est pour éclaircir le vin. On s’en sert aussi pour la teinture : la meilleure vient d’Astracan, ville Moscovite à l’embouchure du Volga, où il se pêche quantité d’esturgeons.

CARLOSTAD ou CARLSTAD. Nom de plusieurs villes différentes. Carolostadium. Carlostad, ville de Suède, est dans la Westrogothie, c’est-à-dire, dans la Gothie occidentale. Carlostad ou Carlowitz, ville du Royaume de Hongrie & Capitale de la Croatie. Carlstad, ville du Cercle de Franconie, est située sur le Mein dans l’Evêché de Wirtsbourg. Le nom de Carlostad ou Carlstat, est aussi la même chose que Carelstat, & ils viennent tous du nom Carolus, Charles, & du mot Allemand stat, qui signifie Etat, ville. Status, civitas. Toutes ces villes ont reçu ce nom de quelque Prince nommé Charles.

CARLOVINGIEN. ENNE, f. m. & f. & adj. est le nom qu’on donne aux Rois de France de la seconde race. Carlovingus, ou, selon quelques-uns, Carolingus, Les Carlovingiens ont pris le nom de Charles Martel, père de Pepin le Bref, premier Roi de la race ou famille Carlovingienne, qui monta sur le trône en 751, & finit en 988. Il n’y a que quatorze Rois de France Carlovingiens. Le dernier Roi Carlovingien fut Louis V. Le Baron de Leibnitz a écrit les Annales des Empereurs Carlovingiens, depuis Charlemagne jusqu’à Henri l’Oiseleur. D’autres disent que ce nom lui a été donné de Charlemagne fils de Pepin, & second Roi de cette race, & qu’elle a pris son nom plutôt que celui du premier Roi Pepin, à cause de la gloire & des actions éclatantes de Charlemagne, le plus grand Prince de tous les Rois de cette race. Dans la décadence de la race Carlovingienne, les fiefs devinrent héréditaires. Le Gendre.

Rochefort dit Carlien pour Carlovingien, la race Carlienne, la maison Carlienne. Mezeray & Cordemoy disent Carlien ou Carlovingien, & d’autres Carlingue. Quelques-autres, comme Bardin, disent Carlien. Carlovingien est plus en usage. Heineccius remarque dans son ouvrage De Sigillis, P. I, c.VIII, n. VI, que les Sceaux des Carlovingiens sont bien travaillés ; ce qui vient de ce que Charlemagne fit revivre les Arts. Il décrit quelques-uns de leurs Sceaux au même endroit.

CARMAGNOLE. Carmaniola. Ville des Etats du Duc de Savoie en Italie. Elle est des dépendances du Marquisat de Saluces, quoi qu’elle soit dans le Piémont propre.

☞ CARMAIN. Petite ville de France, de la haute Gascogne, mais enclavée dans le haut Languedoc, à quatre lieues de Toulouse.

☞ CARMANCHA. Ville de Perse, & la dernière de ce Royaume, sur la route d’Amadar à Bagdat.

☞ CARMARDEN & CARMARTHE. Voyez Caer-marthen.

CARMATHE. f. Nom d’une faction Mahométane. Les Carmathes sont des rebelles de l’Arabie Heureuse, qui vers l’an de l’Hégire 300, ou dans le Xe siècle, se révoltèrent contre les Califes. L’an 319 de l’Hégire, 930 de J. C. le pèlerinage de la Mecque cessa, par la crainte des Carmathes, qui, en une seule fois, tuèrent plus de 20000 pèlerins. D’Herbelot.

CARMATIEN, ENNE. s. f. C’est la même chose que Carmathe, dont on vient de parler. Carmatianus, a. Les Carmatiens étoient une Secte musulmane en Arabie, qui s’éleva au Xe siècle, sous le Calife Almonetadir-Billa. Aboutaher, Carmatien, défit en 312 de l’Hégjre, 924 de J.C. la caravane de la Mecque ; en sorte que le pèlerinage cessa pendant douze ans. Fleury.

CARME. Ordre religieux, l’un des quatre Mendians, qui tire son nom & son origine du Carmel, montagne de Syrie, autrefois habitée par les Prophètes Elie & Elizée, & par les enfans des Prophètes, dont cet Ordre prétend descendre par une succession non interrompue. Voyez au mot Carmel. Ce que l’on peut dire de plus sur de son origine, c’est ce qu’en écrit Jean Phocas, Moine Grec de l’Île de Pathmos, qui visitoit les saints lieux en 1185. Il rapporte que sur le Mont Carmel, est la caverne d’Elie, qu’il paroît par des ruines des bâtimens qu’on y voyoit, qu’il y avoit eu là autrefois un grand Monastère ; que, depuis quelques années un Moine, Prêtre, & âgé, comme le témoignoient ses cheveux blancs, étoit venu de Calabre, & s’étoit établi en ce lieu par révélation du Prophète Elie ; qu’il y avoit assemblé dix frères, avec lesquels il y vivoit, dans le temps que lui, Phocas, écrivoit ceci. Gunther, Moine Latin, qui a fait la relation du voyage de Martin, Abbé de Paris, près de Bâle, dit la même chose. Voyez Leo allatius, Opusc, c. 3. Le B. Albert, natif du Parmésan, Chanoine régulier d’abord, puis Evêque de Verceil, & ensuite Patriarche de Jérusalem, donna à ces Solitaires vers l’an 1229, une règle contenant 16 articles, que le P. Papebroch a fait imprimer dans la vie de ce Saint, ch. 5. Acta SS. April, T. I, ad VIII, April. p. 778, en 1217, ou, selon d’autres, en 1226, le 3 Janvier. Honorius III approuva cette règle, & ordonna aux Hermites du Mont-Carmel de la garder, vu qu’ils l’avoient reçue avant le Concile de Latran, qui défendoit les nouvelles religions.

Après la paix désavantageuse que Frédéric II fit avec les Sarrazins en 1229, le Roi S. Louis en revenant de la Terre-Sainte amena des Carmes est France en 1254 & les établit à Paris, ainsi qu’en fait foi une lettre de Charles-le-Bel son arrière-petit-fils, de l’an 1322. Ils demeurèrent d’abord où sont à présent les Célestins. Leur règle avoit été confirmée par Honorius III dès 1217, & Innocent IV en mitigea la sévérité en 1245. Plusieurs Papes leur ont donné le titre de Frères de la bienheureuse Vierge Marie. Cet ordre est célèbre par la dévotion du Scapulaire, & par le grand nombre de Docteurs, de Prélats & de Saints qu’il a donné à l’Eglise. Il y eut dans le dernier siècle quatre Saints canonisés ; savoir, sainte Thérèse, S. André Corsin, sainte Magdelene de Pazzi, & le B. Jean de la Croix. Il a des Missions en Grèce, en Syrie, en Perse, au Mexique, au Pérou, au Brésil, aux îles Antilles, en Angleterre & autres lieux. Ces Missions sont partagées entre les Carmes de l’ancienne observance, que l’on appelle Mitigés, & les Carmes de la plus étroite observance, dits Déchaussés. L’ancienne observance n’a qu’un Général, auquel obéissent quarante Provinces, & la Congrégation de Mantoue qui a un Vicaire-Général. L’étroite observance a deux Généraux ; l’un en Espagne, qui a huit Provinces de son obéissance ; l’autre en Italie, qui a douze Provinces en diverses parties de l’Europe.

Il faut donc remarquer qu’il y a plusieurs réformes de l’ordre des Carmes, qui sont la Congrégation de Mantoue, établie dans un Monastère de l’ordre, situé dans les Alpes, en un lieu nommé Girone, dans le Diocèse de Sion, vers l’an 1432, par le P. Thomas Concète de Rennes en Bretagne, P. Helyot, T. I, c. 45.

Les Carmes de la Congrégation d’Alby, établie sous le Généralat du P. Baptiste, Mantouan, sous Léon X, & qui ne dura pas.

Les Carmes de l’étroite observance. Cette Congrégation fut établie à Rennes par le P. Pierre Bouhourt. Elle a environ 25 Couvens d’hommes, deux hospices & quatre Monastères de filles, qui forment une Province, qu’on appelle la Province de Touraine. On les nomme souvent Carmes de Bretagne. Les Carmes Billettes de Paris sont de cette Congrégation. Les Réformés de Flandre & d’Allemagne, s’appellent aussi de l’étroite Observance, & ceux qui ne sont pas réformés, s’appellent l’ancienne Observance. P. Heliot, Ibid. ch. 45 & 46.

Le P. Hardouin dans ses Opera varia, soutient que les Religieux Carmes s’appeloient primordialement en France Barrés, Barrati, & qu’ils furent appelés Carmes vers l’an 1290 à cause de l’Eglise ou Chapelle de Ste Marie de Carpino, du Carme ou charme, dont ils furent mis en possession au mont Ste Génevieve. Ainsi, selon ce savant homme, ils furent alors appelés Frères du Carme du mont Ste Génevieve : & par le laps de temps, il se fit une légère transposition dans leur nom ; en sorte qu’au lieu de dire comme auparavant, les Religieux du Carme, ou du Carmel du Mont, de Carpineto-Montis, on vint insensiblement à dire les Religieux du Mont-Carmel, de Monte-Carmelo.

Le Tiers Ordre des Carmes est différent de la Confrérie du Scapulaire. Selon Didace Martinez Coria, dans un Traité qu’il a fait sur ces Tierciaires, imprimé à Séville en 1592. Ces Tierciaires Carmes descendent immédiatement d’Elie, aussi bien que les Carmes mêmes ; & le prophète Abdias parmi les hommes, & Ste Emérentienne bisaïeule de Jésus-Christ, parmi les femmes étoient de ce tiers-Ordre. Il s’appuie sur les Bulles de Léon IV, d’Etienne V, d’Adrien II, & d’autres Papes, que le P. Hélyot a réfutées dans son T. I. c. 41, D’ailleurs, Coria se contredit, & écrit que ce ne fut qu’après avoir reçu le baptême de la main des Apôtres que les Carmes se divisèrent en Religieux, en Religieuses & en Tierciaires. De plus, il convient que c’est le Pape Sixte IV, qui a donné permission aux Carmes l’an 1476, d’établir ce Tiers-Ordre. Silvera, fameux Ecrivain des Carmes, & Lezane en convienent. Ce n’est donc qu’en 1477, que le Tiers-Ordre des Carmes a commencé en vertu de la Bulle de Sixte IV, de l’an 1476. Leur règle fut d’abord la même que celle que le B. Albert donna aux Carmes. Vers l’an 1635, Théodore Stratius, Général des Carmes leur en donna une autre, qui fut réformée l’an 1678, par le P. Emile Jacomelli, Vicaire général de cet Ordre. Ces Tierciaires Carmes font un an de Noviciat, après lequel ils font profession & promettent obédience & chasteté. L’habit des Freres est une robe ou tunique, qui descend jusqu’aux talons, de couleur tirant sur le noir ou rousse sans teinture ; par-dessus une ceinture de cuir noir, large de deux doigts, sous la tunique un Scapulaire de six pouces de large, descendant plus bas que les genoux, enfin une chappe blanche, longue jusqu’à mi-jambe. Les Sœurs ont un voile blanc, sans guimpe ni linge au front & à la gorge. Dans les pays où ces habits ne sont pas en usage, ils peuvent être habillés comme séculiers en gardant seulement la couleur tannée. P. Hélyot, Tome I, c. 52.

Si quelques Carmes ont dit qu’ils étoient les oncles de Jésus-Christ, &c. si l’on a avancé dans des thèses de Béziers qu’il est probable que Pythagore étoit Carme, & que les Druides des Gaulois avoient aussi les observances régulières des Carmes, ce sont des rêveries de particuliers, qu’il ne faut point attribuer à tout l’Ordre ; non plus qu’il ne faut point blâmer ceux qui révoquent en doute cette grande antiquité que quelques-uns attribuent à cet Ordre, sur-tout s’ils proposent leur doute avec la même modération & la même modestie que le P. Papebroch dans les Act. SS. sur le huitième d’Avril, p. 777, &c. Voyez aussi Barrés.

Carmes déchaux ou déchaussés. Religieux Carmes de la réforme de Ste Thérèse. Les Carmes Dechaussés, ou comme on dit plus communément, les Carmes Déchaux, sont ainsi appelés, parce qu’ils vont nus pieds. Sainte Thérèse entreprit de remettre les Carmes dans leur première austérité, & commença l’an 1540, par les couvens de filles.

Ensuite aidée du P. Antoine de Jésus, & du P. Jean de la Croix, elle établit la même réforme dans ceux des hommes. La réforme des filles commença par le couvent d’Avila, dont elle étoit Religieuse, & celle des hommes dans un Couvent que les deux Pères que nous venons de nommer établirent près d’Avila. Pie V approuva le dessein de Ste Thérèse, & Grégoire XIII confirma sa réforme en 1580. Il y a deux Congrégations de Carmes Dechausses qui ont chacun leur Général particulier, & leurs constitutions. L’une est la Congrégation d’Espagne divisée en six provinces ; l’autre s’appelle la Congrégation d’Italie, & comprend tout ce qui ne dépend point d’Espagne. Elle comprend 44 ou 45 Couvens en France. Les Carmélites réformées furent appelées en France en 1603, & les Carmes Dechaussés en 1605. Le P. Isidore de S. Joseph a fait l’histoire des Carmes Déchausses, & le P. Jérôme de S. Joseph l’histoire de la Réforme des Carmes, qui se trouve aussi en partie dans la vie & les lettres de Sainte Thérèse.

Le différent qu’ont eu les Carmes avec les Bollandistes, c’est-à-dire, les Jésuites d’Anvers qui travailloient au grand ouvrage des Acta Sanctorum, a trop fait de bruit dans le monde savant, pour n’en pas dire un mot.

On sait que les Carmes prétendent descendre du Prophète Elie, & que depuis son temps jusqu’à nos jours il y a toujours eu des Religieux du Mont-Carmel descendans de ce Prophète, & faisant les trois vœux essentiels de religion. Les Bollandistes dans leurs Actes des Saints donnèrent en 1668 au sixième de Mars la vie de S. Cyrille, & au 19 celle du B. Berthold. Ils donnèrent à celui-ci le titre de premier Général de l’Ordre des Carmes & appelèrent S. Cyrille troisième Général du même Ordre. Ils ne disoient en cela rien de nouveau, rien qui n’eût été dit par Jean le Gras, l’un des Généraux de l’Ordre des Carmes, & par Jean Paléonydor, Religieux du même Ordre. Ils avoient même cité un Traité de l’origine & du progrès de cet Ordre, que l’on attribue à ce S. Cyrille leur Général, dont nous venons de parler, & dont il y a un exemplaire de l’an 1446, dans la Bibliothèque du collège de Navarre à Paris, Traité que le Pere Daniel de la Vierge Marie a inséré dans sa Vigne du Carmel. Malgré tout cela, & quoique les Bollandistes se fussent autorisés du sentiment des savans Cardinaux Baronius & Bellarmin qui ne mettent l’origine des Carmes que sous le Pontificat d’Alexandre III, en l’an 1180, ou 1181, les Carmes furent fort scandalisés qu’on diminuât ainsi leur antiquité.

Le P. François de Bonne-Espérance, Exprovincial de Flandre ; répondit aux Bollandistes par un livre qui a pour titre, Historico-Theologicum Armamentarium, proferens omnis generis scuta, sive Sacra Scripturæ, summorum Pontifium, Sanctorum Patrum, Geographorum & Doctorum tam antiquorum quam recentiorum auctoricates, traditiones & rationes quibus amicorum dissidentium tela sive argumenta in Ordinis Carmelitarum antiquitatem, originem ; & ab Elia sub tribus essentialibus votis in monte Carmelo hæreditariam successionem & huc usque legitime non interruptem, vibrata enervantur. Mais comme les Carmes virent bien qu’on leur répondroit, & que dans les tomes suivans des Actes des Saints on continueroit à établir le même sentiment, le P. Matthieu Orlandi, pour lors Général des Carmes, écrivit aux Bollandistes pour les prier que lorsqu’ils parleroient du bienheureux Albert, Patriarche de Jérusalem, & de la règle qu’il avoit donnée aux Carmes, ils consultassent le P. Daniel de la Vierge-Marie, historiographe de leur Ordre ; & que quand ils citeroient l’autorité du Cardinal Baronius, ils ne le fissent pas si nument qu’ils l’avoient fait dans le mois de Mars, mais qu’ils modifiassent un peu les paroles de cet Annaliste par quelque commentaire. Les Bollandistes avoient consulté ce P. Daniel sur ce qu’ils avoient dit de S. Berthold, & il l’avoit approuvé.

En 1675, parurent trois tomes du mois d’Avril. Le P. Papebroch y soutient que le sentiment sur l’origine des Carmes venant du Prophète Elie, étoit plein de contradictions ; que leur Ordre n’étoit que du XIIe siècle ; & l’Auteur rapporte à cette occasion ce que nous avons dit de Jean Phocas au commencement de cet article. Les Carmes opposèrent un autre voyage fait en Terre-Sainte par un S. Antonin, martyr ; mais les Bollandists prétendent que ce voyage rempli de Fables n’a été donné que par un écrivain du XIIe siècle. Les Bollandistes, ont fait imprimer ces deux voyages au commencement du II tome de Mai. Outre cela le P. Papebroch au II tome d’Avril, disputoit aux Carmes d’anciens Monastères qu’ils prétendoient leur avoir appartenu avant le XIIe siècle, & regardoit comme supposés les titres sur lesquels on appuyoit cette prétention.

Cela engagea le P. François de Bonne-Espérance de donner un tome II de son Arsenal Historique-Chronologique ; & le P. Daniel de la Vierge-Marie, un Propugnaculum Carmelitanœ historiæ. Après quoi ces deux Défenseurs des Carmes étant morts, ceux-ci demeurèrent dans le silence jusqu’en 1680.

Cette année-là parurent les trois premiers tomes du mois de Mai. Durant le courant de l’impression, les Carmes sachant qu’on y devoit mettre la vie de S. Ange, Martyr de leur Ordre, en demandèrent communication. Le P. Papebroch fit d’abord quelque difficulté, mais enfin il l’envoya à Rome à son Général, pour être montrée au Général des Carmes. Ceux-ci firent traîner l’examen si long-temps, que le Libraire se lassant de ne point débiter ses Livres, & de ne point voir rentrer les fonds dont il avoit besoin, obtint enfin la permission du P. Papebroch de les mettre en vente. L’ordre vint ensuite de ne point imprimer cette vie, mais il y avoit déjà plusieurs exemplaires de débités, & ceux qui en vouloient, même les Carmes, déclaroient qu’ils n’en prendroient point, si la vie du B. Ange étoit retranchée. Outre cela, au commencement de la vie du bienheureux Rabata, il avoit donné une espèce d’Apologie de sa conduite à l’égard des Carmes, & il réfutoit l’Arsenal Historico-chronologique. Et au commencement du IIIe tome dans l’histoire des Patriarches de Jérusalem, il réfutoit encore les prétentions des Carmes. Ils y opposèrent un Ouvrage du P. Daniel de la Vierge-Marie, qui étoit sous la presse depuis 9 ans, & qui étoit intitulé, Speculum Carmelitamun, sive Historia Eliani ordinis, &c. en 4 vol. in-folio. Les Editeurs de cet ouvrage posthume y avoient ajouté beaucoup de choses pleines d’aigreur contre le P. Papebroch. On vit encore alors beaucoup de libelles contre ce Pere, lettres anonymes, pasquinades, vers satyriques. Messieurs d’Herouval, & du Cange furent aussi attaqués, parce qu’ils avoient approuvé le sentiment & la conduite du P. Papebroch. M. de Launoy qui avoit écrit contre la Bulle Sabbarhine de Jean XXII, le Scapulaire & la vision du Bienheureux Simon Stock, ne fut pas plus épargné.

Le P. Papebroch & ses collègues méprisèrent ces écrits, & n’y répondirent point. Ils continuèrent leur grand ouvrage, & donnèrent en 1685, deux nouveaux tomes de Mai, & en 1688, les trois derniers ; mais le Père Sébastien de S.Paul, qui avoit écrit en faveur de son Ordre, ayant mis à la tête de son Ouvrage une supplique au Pape Innocent XI par laquelle il le supplioit de terminer leur différent avec les Jésuites : le P. Papebroch & ses associés crurent être obliges de détruire les préventions qu’on auroit pu inspirer aux Prélats de la Cour de Rome ; & le P. Janning, l’un des associés du P. Papebroch, répondit aux faits allégués dans la supplique, & justifia la conduite des Bollandistes. La supplique imprimée d’abord à Francfort ne fut point présentée au Pape ; elle fut quelque temps après réimprimée à Venise, & supprimée par la République.

Les Carmes ne perdirent point courage pour cela au contraire de défendeurs qu’ils étoient, ils devinrent aggresseurs, & déférèrent à Innocent XII, les 14 volumes des Acta Sanctorum, comme pleins d’erreurs. Le Pape renvoya l’affaire à la Congrégation de l’index. Les Carmes n’espérant pas bien du succès de leur affaire à Rome & croyant qu’ils auroient plus de crédit en Espagne, dénoncèrent le même ouvrage à l’Inquisition de ce Royaume, qui le 4 Novembre 1689, donna un décret portant condamnation des Acta Sanctorum. Ce décret révolta tous les Savans de l’Europe ; qui s’intéressèrent à la défense de l’ouvrage supprimé. L’empereur Léopold écrivit en faveur des Jésuites à Innocent XII, & au Roi d’Espagne. Les Jésuites présentèrent une Requête au grand Inquisiteur d’Espagne, & demandèrent à être ouïs dans leurs défenses. L’Inquisition par un décret du 3 Août 1696, leur permit de répondre. Ils le firent par trois volumes in-4°. imprimés en 1696, 1698, & 1699. Les Carmes écrivirent de leur côté, & dénoncèrent même à l’Inquisition la lettre de l’Empereur au Roi d’Espagne, comme hérétique & schismatique. Le 11 Juin 1697 l’Inquisition d’Espagne défendit tous les Livres concernant ce différent. Dès l’année précédente Innocent XII, avoit défendu aux deux partis d’écrire l’un contre l’autre. Le Général des Carmes présenta une supplique à ce Souverain Pontife, pour le prier d’ordonner qu’on ne parlât plus de ces questions, & qu’on laissât les Carmes dans leurs prétentions. L’affaire fut renvoyée à la Congrégation du Concile, qui jugea que le Pape devoit imposer silence sur la question de la primitive origine de l’Ordre des Carmes, ce qui fut fait par un décret du 8 Mars 1698, & un Bref du 20 Novembre de la même année. Dans la suite, c’est-à-dire, au commencement de ce siècle, l’Inquisition d’Espagne a permis l’entrée & la distribution des Acta Sanctorum en Espagne, où ils sont reçus maintenant, comme par-tout ailleurs. Voyez le P. Helyot. Hist. des Ord. Relig. Tome I, c. 40.

Il y a un livre de l’institution des Moines, que les Carmes attribuent à Jean II, quarante-quatrième Patriarche de Jérusalem, & selon d’autres quarante-deuxième Evêque de cette ville, & premier Patriarche, qui vivoit à la fin du IVe siècle. Ils prétendent que ce livre contient la règle qu’ils ont suivi jusqu’à ce que le Patriarche Albert leur en eût donné une autre au commencement XIIIe siècle. Mais outre qu’ils ne sont point d’accord entr’eux fut cela, le livre de l’institution des Moines parle du Scapulaire, qui ne fut donné au B. Simon Stock, qu’en 1283. Il y est encore parlé du manteau blanc & du capuce, qu’ils n’ont portés qu’en 1287 ou 1288, sans parler des fables dont ce livre est rempli, & qui l’ont fait regarder par tous les Savans, comme un ouvrage faux & supposé. Ils n’ont point suivi non plus la règle de saint Basile, ni aucune autre que celle du Patriarche Albert. Voyez sur tout cela, le P. Helyot, T. I, c. 41.

Carme, est aussi une espèce d’acier, Voyez Acier.

Carme, est aussi un vieux mot, qui signifioit un vers. Carmen ; mais en ce sens, il est hors d’usage. Carmes circulaires ; Carmes & formules d’expiation. Vigen. sur Tite-Live. Les disciples des Druides apprennent à leur école grand nombre de carmes par cœur ; & pourtant quelques-uns demeurent bien vingt ans entiers en cette étude ; car ils ne pensent pas être licite de les mettre par écrit. Vigenere, Trad. de Cés. Le même Auteur prétend que ce nom vient de carmenta, parce que cette Prophétesse débitoit ses prédictions en vers.

Tous les vents se taisoient pour entendre ses charmes,
Les vagues après lui disoient tout bas ses carmes.

Parran.

Carmen, carme ou vers. Ce mot est proprement tiré de carm ou Garm, qui, chez les Celtes, étoient les cris de joie, & les vers que les Bardes chantoient avant le combat, pour encourager les soldats. Cela est si vrai, que même en grec, χάρμη (charmê) signifie tout-à-la fois pugna, conflictus, combat & joie, lætitia, gaudium. Pezron. Oui, mais il vient de χαίρω (chairô), gaudeo, & non pas du celtique carm, que les Grecs ignoroient très-certainement.

Carmes, terme du jeu de trictrac, qui signifie deux 4, que les deux dés amènent à la fois. Jactus tessarum referens bis quatuor. On appelle aussi quadernes.

CARMÉ. s. f. Nom d’une fausse Divinité. Carme. Carmé est une Nymphe, qui eut Britomaris de Jupiter. Elle étoit amie intime de Diane, parce qu’elle avoit des inclinations conformes aux siennes, aimant passionnément la course & la chasse. Minos, épris d’amour pour elle, & la poursuivant un jour, elle donna dans des filets de pêcheurs, & se précipita. Hoffman, d’après Rhodigin, L. XVIII, ch. 16.

CARMEL. s. m. Nom de montagne. Carmelus. Il en a eu deux qui ont porté ce nom dans la Terre-Sainte. La plus fameuse étoit dans la tribu d’Issachar, sur la côte, avançant dans la mer, en forme de promontoire ou de cap, que nos cartes maritimes appellent encore Cap Carmel. C’est-là que demeura long-temps le Prophète Elie, & qu’il assembla le peuple d’Israël la troisième année de sécheresse, & qu’il fit mettre à mort les prophètes de Baal. Cette montagne s’étendoit de la tribu d’Issachar, le long de celle de Zabulon, jusqu’aux confins de celle d’Aser. Voyez Josué XII, 22. Pour distinguer ce mot Carmel de l’autre, dont nous allons parler, l’écriture appelle celle-ci le Carmel de la mer. C’est de celui-ci que les Carmes ont pris leur nom.

On prétend que l’autel miraculeux d’Elie fut changé dans la suite en un autel profane, sur lequel on offroit des victimes à Jupiter. Cependant Tacite ne dit point que Jupiter y fut adoré. Au contraire, il assure que le Dieu qu’on y honoroit, s’appeloit Carmel, Carmelus, comme la montagne, ou que c’étoit la montagne même ; qu’il n’y avoit point de statue, mais seulement un autel, & que ce lieu étoit en grande vénération. C’est-là ce prétendu dieu Carmel, dont, au rapport de Suétone, c. 5. Vespasien alla consulter l’oracle, & qui prédit à ce Prince qu’il seroit Empereur.

☞ Il y avoit donc un oracle sur le mont Carmel, & l’on y adoroit un Dieu de même nom que la montagne, selon Tacite, qui s’est trompé en ce qu’il a cru que le mot entier de Carmel étoit le nom de ce Dieu, au lieu qu’il n’y a que la syllabe el, qui signifie Dieu. Le mot entier signifie vigne de Dieu, c’est-à-dire, vigne excellente, selon la façon de parler des Hébreux, qui ajoutent le nom de Dieu à ce qu’ils regardent comme excellent dans son genre. Quoi qu’il en soit, Vespasien, qui étoit idolâtre, consulta l’oracle du Carmel, lui fit immoler une victime ; & ce fut par l’inspection des entrailles de la victime immolée que le Prêtre Basilide lui prédit un heureux succès. N’est-ce pas là le paganisme tout pur ? cependant ce lieu avoit été habité par le Prophète Elie, & d’après une tradition assez ridiculement imaginée, & entretenue par un grand fond de crédulité, il y avoit laissé des héritiers de ses vertus, en fondant l’ordre des Carmes qui a subsisté sans interruption depuis ce saint Prophète jusqu’à présent.

☞ On ne s’arrêtera point à combattre de pareilles chimères.

☞ Jamblique dit que Pythagore alloit souvent sur le mont Carmel, & se tenoit seul dans le temple qui y étoit. Si l’ordre des Carmes subsistoit alors, quelle dévotion pouvoit attirer ce Philosophe chez eux ? Il étoit certainement païen, & le temple où il alloit, étoit consacré au culte des faux Dieux. Depuis Elie jusqu’à J. C. nul sacrifice qu’à Jérusalem : si des Rois impies en ont établi ailleurs, ce furent des attentats sacrilèges, dont les Disciples d’Elie étoient incapables : cependant on y sacrifioit, & on y prédisoit l’avenir par l’examen des entrailles des victimes. Dire que c’étoit l’ordre fondé par Elie qui rendoit ces oracles, c’est le comble de la folie. Le temple que fréquentoit Pythagore, l’oracle que consulta Vespasien, étoient des ouvrages du paganisme. Ce fut plus de deux mille ans aprés Elie que S. Louis trouva sur cette montagne des Religieux de cet Ordre, & qu’il en amena en France. Mais depuis quand y étoient-ils ? Voilà la question. Ce fut sans doute dans ces temps de ferveur que les persécutions d’une part, & de l’autre les charmes d’une vie solitaire consacrée à Dieu, peuplèrent les déserts d’Anachorètes. Le Carmel eut aussi les siens ; & voilà l’origine des Carmes.

L’autre montagne nommée Carmel, étoit au midi de la Tribu de Juda sur les confins de l’Idumée, dans les terres. C’est à celle-ci, selon quelques Auteurs, qu’il faut rapporter tout ce que l’Ecriture dit des pâturages du Carmel. Jérém. L. 19. Amos. I. 2. Mich. VIII, 14. Il peut néanmoins aussi convenir à l’autre Mont-Carmel.

Ce mot est hébreu composé de כר, Car, qui signifie agneau, & pâturage ; & de מול, mel, qui veut dire, couper, circoncire. Delà — vient que quelques-uns le traduisent Agneau circoncis, & d’autres champ ou pré que l’on coupe, qui se moissonne, ou qui se fauche. Cette dernière explication paroit convenir mieux à cette montagne, qui étoit en effet très-fertile, ou qui avoit au pied une vallée très-abondante.

Mont-Carmel. Ordre militaire de Chevaliers Hospitaliers, fondé par le Roi Henri IV, sous le titre, l’habit & la règle de Notre-Dame du Mont-Carmel ; & en conséquence des Bulles de Paul V du 16 Février 1607. Il a été uni à l’Ordre des Chevaliers de S. Lazare de Jérusalem, par acte du dernier Octobre 1608, avec toutes ses Commanderies, Prieurés & autres biens, pour sa dotation. Carmelus. Henri le Grand voulut que l’Ordre du Mont Carmel ne fût composé que de François, & qu’il le fût de cent Gentilshommes, qui seroient obligés de marcher en temps de guerre auprès de la personne de nos Rois, & pour leur garde. Le Collier qu’il leur donna fut un ruban tanné auquel pendoit une Croix d’or, sur laquelle étoit gravée une image de la Sainte Vierge environnée de rayons d’or. Le manteau de l’ordre étoit chargé de la même croix. C’est Paul V qui approuva cet Ordre, dont le premier Grand Maître que le Roi choisit, fut Philibert de Nérestang. Voyez Sponde à l’an 1608, num. 3 & à l’an 1565. n. 16. Cet Auteur prétend que c’est moins une institution nouvelle, qu’un renouvellement de l’Ordre de S. Lazare. Matt. Favyn. L’Abbé Justiniani, qui en traite, tome II, c. 82, prétend qu’en 1607 cet Ordre n’étoit point encore uni à celui de Saint Lazare, & que cela paroît par l’Edit du Roi de 1672. Ainsi cet Ordre a été établi comme un Ordre distingué de celui de Saint Lazare, & n’y a été uni qu’après quelque temps. Par un Décret de la Congrégation touchant les Conciles, les Chevaliers du Mont-Carmel sont déclarés capables de posséder des pensions sur les Bénéfices, & même des Bénéfices. Voyez au mot Lazare. Le P. Toussaint de S. Luc, Carme, imprima en 1681 à Paris, des Mémoires ou Extraits des titres de l’Ordre de Notre-Dame du Mont-Carmel & de S. Lazare de Jérusalem.

CARMELINE. adj. f. Laine, carmeline de vigogne, qu’on nomme aussi laine bâtarde.

CARMELITE. s. f. Quelques-uns ont écrit Carmeline, mais mal. C’est une Religieuse qui vit sous la règle des Carmes. Carmelitana monialis. Le Cardinal de Bérulle les avoit attirées en France, deux ans avant que les Carmes déchaussés s’y fussent venus établir.

Lezana & plusieurs Ecrivains de l’Ordre des Carmes prétendent qu’il y a eu des Carmelites aussi bien que des Carmes depuis le temps d’Elie ; mais le P. Louis de Sainte Thérèse, dans son livre de la succession d’Elie, convient que ce fut le bienheureux Jean Soreth XXVIe Général, & premier réformateur de l’Ordre des Carmes, qui sous Nicolas V au XVe siècle les institua. Il étoit Normand, & naquit l’an 1420. Après avoir passé par toutes les autres charges de l’Ordre, il fut élu Général au Chapitre tenu à Avignon l’an 1451. Ce fut dans cette charge qu’il institua les Carmelites, & qu’il obtint pour elles de Nicolas V les mêmes privilèges que ceux des Dominicaines & des Augustines. Les Carmelites sont habillées comme les Carmes. Elles ont une robe & un Scapulaire de drap couleur de Minime ou tanné, & au chœur elles mettent un manteau blanc avec un voile noir. Voyez P. Helyot, tome I, c. 44.

Carmélite déchaussée. C’est le nom de celles qui furent établies par Sainte Thérèse au XVIe siècle, & dont les Constitutions faites par cette Sainte furent approuvées par Pie IV le 11 Juillet 1562. P. Hel. tome I, c. 46 & 47.

Les Carmélites déchaussées passèrent en France en 1604, par les soins & le zèle de Mlle Acarie, fille de Nicolas Avrillot, Seigneur de Champlâtreux, & Maître des Comptes, & femme de M. Acarie, aussi Maître des Comptes, La princesse Catherine d’Orléans de Longueville obtint l’agrément du Roi pour cet établissement &. une Bulle de Clément VIII, de l’an 1603. Ce Pape en confirmant cet établissement fit des Règlemens pour les filles qui embrasseroient cet institut en France. Six Religieuses d’Espagne vinrent en 1604, pour le commencer, & on leur donna le Prieuré de Notre-Dame des Champs au Fauxbourg Saint Jacques, qui dépendoit de Marmoutier, & que l’on supprima.

Carmélite. s. f. Nom d’une espèce de poire. C’est une assez grosse poire, plate, grise d’un côté, un peu teinte de l’autre, & chargée en certains endroits de quelques taches assez grandes, qui paroissent comme des pièces qu’on y a appliquées après coup. La Quint. Il la nomme autrement Mazuer, ou Gilogile, & la met au rang des mauvaises poires. Elle murit en Novembre. Elle est bonne à cuire.

CARMELUS. s. m. Divinité des Syriens, qui habitoient aux environs du Mont-Carmel. Voyez CARMEL

CARMENTALES. s. m. & pl. Carmentalia. C’est le nom que les Romains donnoient à la Fête qu’ils célébroient tous les ans le 15 de Janvier à l’honneur de Carmente, dont on va parler. Cette Fête fut établie au sujet d’une grande fécondité des Dames Romaines après leur réconciliation avec leurs maris, avec qui elles s’étoient brouillées, parce qu’ils leur avoient défendu l’usage des chars par un Edit du Sénat. C’étoient les Dames qui célébroient cette fête. Celui qui offroit les sacrifices s’appeloit Prêtre Carmentale, ou de la Déesse Carmente. Flamen carmentalis. La Porte carmentale à Rome étoit proche du temple de Janus, on l’appeloit aussi la porte scélérate. Elle ne subsiste plus. Plutarque, Quæst. Rom. q. 56. Alex, ab Alex. Genial. dier. Lib. XVI, cap. 8. Vigenere, sur Tite-Live, tome I, p. 918, & 1116.

CARMENTE ou CARMENTIS. s. f. Carmenta, Carmentis. C’est le nom d’une Prophétesse d’Arcadie, mère d’Evandre, avec lequel elle vint en Italie, où ils furent favorablement reçus du Roi Faunus 60 ans avant la guerre de Troye. Elle fut ainsi nommée en Italie à carminibus : c’est-à-dire, des vers ou prophéties qu’elle faisoit, car son nom propre étoit Nicostrate. Il y avoit à Rome une porte de son nom & une fête à son honneur. Son Histoire est décrite par Denys d’Halicarnasse, par Aurélius Victor, & par Plutarque dans Romulus, par Vigenere sur Tite-Live, T. I, p. 709 & 918, & par Vossius, De Idol. L. I, c. 12. On la représentoit jeune & vigoureuse, & les cheveux épars & en désordre. Id. L. IX, c. 38. Carmente, autrement Nicostrate & Thémis, ou la fatalité & Thémis, que les Grecs appellent Εἱμαρμένη, fut fille d’Ionius, Roi des Arcadiens. Elle eut Evandre de Mercure, comme dit Virgile, environ 60 ans avant la guerre de Troye : elle s’en vint en Italie avec son fils.

Carmente fut ainsi appelée, dit Vigenere, de carens mente, c’est-à-dire, hors de sens, hors de soi-même, à cause de l’enthousiasme où elle entroit souvent. D’autres prétendent que son nom vient de carmen, parce qu’elle faisoit ses prophéties en vers : mais Vigenere soutient au contraire que carmen, vient de Carmenta.

CARMIN. s. m. Est une couleur rouge, fort vive, qui est employée par les Enlumineurs & les Peintres en miniature. Minium. Il est composé de bois de Brésil, de Fernambouc, de couleur d’or, battu dans un mortier, & trempé dans du vinaigre blanc : l’écume qui en sort après avoir bouilli, est le carmin, qu’on fait sécher. On en fait aussi avec de la graine de chonan dont se servent les panachers, avec de la cochenille, du roucou, & de l’alun de Rome, qui est rougeâtre. Il y a de beau carmin, & du carmin commun ; la couleur du carmin est un beau rouge tirant sur le pourpre.

☞ CARMINACH. Ville d’Asie dans la grande Tartarie, dans la contrée de Bochara. La même Ville est appelée Carminiyah.

CARMINATIF, IVE. adj. Terme de Médecine, qui se dit des remèdes dont on se sert pour expulser les vens retenus dans l’estomac & dans les intestins. Carminendi vim habens.

Les remèdes carminatifs ont la propriété de râcler, de grater les endroits par où ils passent. On met de l’anis dans les lavemens pour les rendre carminatifs. On appelle les quatre fleurs carminatives, celles de camomille, de mélilot, de matricaire & d’anet. Les plantes carminatives sont celles qui dissipent les vens. Leur nature chaude les rend très-propres à raréfier l’air & à faire sur la membrane des intestins une petite irritation capable de broyer les humeurs visqueuses.

Ce mot vient du Latin carminare, qui signifie carder, tirer ce qu’il y a de grossier, purger.

☞ CARMONS ou CORMONS. Petite ville d’Italie au Frioul, dans le comté de Goritz.

☞ CARNA. Voyez Carne.

CARNACIER, IÈRE. adj. Voyez Carnassier.

CARNACIÈRE. Voyez Carnassière.

CARNAGE. s. m. Tuerie de plusieurs personnes. Charles Martel fit un horrible carnage des Sarrazins dans les plaines de Tours. Cædes, strages, internecio. Les passions de l’homme ont fait de la terre un théâtre de carnage & d’horreur. S. Evr. La colère n’a point de plus doux objets que la vengeance & le carnage. Félib. Faire un grand carnage, un horrible carnage. Remplir tout de sang & de carnage.

On le dit aussi en termes de chasse. A la fête de Saint Hubert, il se fait un grand carnage de gibier, pour dire qu’on en tue beaucoup.

☞ On dit encore que certains animaux, comme les loups, les tigres, & tous les animaux qu’on appelle carnassiers, vivent de carnage, pour dire qu’ils se nourrissent de la chair des animaux qu’ils tuent.

Et mon esprit enfin n’est pas plus offensé
De voir un homme fourbe, injuste, intéressé,
Que de voir des vautours affames de carnage. Mol.

On dit aussi, qu’on fait carnage aux chiens de chair de mulet, ou d’autres animaux, quand on leur en donne à manger.

CARNAL. s. m. Caro. Ce mot s’est dit autrefois pour chair. Si qu’il lui trencha pleine paume du carnal de la cuisse. Merlin.

CARNALAGE. s. m. Terme de coutumes. Droit ou tribut qui est du en chair à un Seigneur par les Boucher de sa Seigneurie.

CARNALER. v. a. Terme de coutumes. Celle d’Acqs définit ainsi ce mot au tit. XI, art. 42. 43. Carnaler, est tuer le bestial, & le convertir en ses usages. ☞ Ainsi c’est tuer du bétail pour sa consommation, sans en vendre. Mais tuer est l’occire sans en faire son profit. En quelques lieux il est permis de carnaler le bétail du moins jusqu’à un certain nombre de bêtes, lorsqu’on les trouve en dommage en son domaine.

☞ CARNARVAUSHIRE. Voyez CAERNARVAN-SHIRE.

☞ CARNASSIER, ÈRE. adj. Epithète qui s’applique aux animaux qui sont avides de chair crue, & qui s’en nourrissent naturellement. Carnivorus. Les corbeaux, les loups, les vautours sont des animaux carnassiers.

☞ On le dit aussi des hommes qui mangent beaucoup de chair. Ainsi l’on dit que les peuples méridionaux sont moins carnassiers que les Septentrionaux,

☞ Ce mot vient du latin caro, carnis. Chair.

CARNASSIÈRE. s. f. Poche, petit sac fait d’un gros rézeau, dans le quel un chasseur met le gibier qu’il tue. Il ne revient point de la chasse, qu’il n’ait sa carnassière bien garnie. Quelques-uns écrivent carnacière.

CARNATION. s. f. Terme de Peinture, ☞ qui se dit au simple de la couleur des chairs, & au figuré de l’art de les rendre. C’est la représentation de la chair d’une figure humaine d’un tableau par le coloris. Il s’étend à toutes les parties d’un tableau en général qui représentent de la chair, qui sont nues & sans draperie. Nuda corporis cutis nativis coloribus expressa. Le Titien & le Corrège en Italie, & Rubens & Van Dyk en Flandres, ont excellé dans les carnations. Il faut remarquer sur ce mot de carnation, qu’il ne se dit point de chaque partie d’une figure considérée en particulier. Ce seroit mal parler, par exemple, que de dire, ce bras, cette cuisse est d’une telle carnation ; mais l’on diroit cette figure est d’une belle carnation ; ce peintre excelle dans les carnations : & quand il s’agit d’une partie seulement, quelques-uns disent : ce bras, cette cuisse est bien de chair ; mais comme cette façon de parler, bien de chair, exprime le tendre & la mollesse des chairs en général, & se dit également des mollesses de chair exprimées dans un dessein, c’est-à-dire, de toutes les parties nues d’une figure simplement dessinée, quoi qu’il n’y soit pas question de la beauté des carnations, on lui a substitue celle de belle chair. Ainsi l’on dit aujourd’hui, ce bras est de belle chair, d’une belle chair, & non pas, bien de chair.

Mais en parlant des parties plus délicates & plus colorées, comme les joues & la bouche, il faut dire : ces joues, cette bouche, sont d’une belle carnation, et non pas de belle chair. Dict. de Peint. et d’Arch.

On le dit aussi en termes de Blason, des parties nues du corps peintes au naturel : & particulièrement du visage, des mains & des pieds. D’argent, à la tête de carnation.

CARNAU. s. m. Nom que donnent les Matelots à sangle de la voile latine qui est vers la proue.

CARNAVAL. s. m. Temps de réjouissance qui se compte depuis les Rois jusqu’au Carême. Bacchanalia, geniales ante quadragenarium jejunium dies. Les bals, les festins, les mariages, se font principalement dans le Carnaval. On va de tous côtés à Venise pour y passer le Carnaval.

Ce mot vient de l’italien carnavale. Ménage. Mais Du Cange dit qu’il vient de car-à-val, parce que la chair s’en va ; ou plutôt de Carn-aval, parce qu’on mange alors beaucoup de viande, pour se dédommager de l’abstinence où l’on doit vivre ensuite. Il dit en conséquence que dans la basse latinité on l’a appellé carnelevamen, carnisprivium ; & les Espagnols, carnes tollendas.

CARNE. s. f. Angle ou pointe solide, composée de plusieurs superficies inclinées l’une vers l’autre. Angulus. Il s’est blessé contre la carne de cette table, de cette cheminée, de cette pierre.

CARNE ou CARNA ou CARDINEA. s. f. Terme de Mythologie. Nom d’une Déesse révérée chez les Romains. Carna. Elle présidoit aux gonds des portes, cardinibus, comme il paroît par le VIe Livre des Fastes d’Ovide, V. 101, & c’étoit la même qui se nommoit aussi Cardinea, Voyez ce mot. Elle est aussi nommée Cardea par S. Augustin ; mais il ne faut pas la confondre, comme on fait communément, avec Carda, ou Cardea, autre Déesse. Voyez ces mots. Plusieurs néanmoins les confondent, & appellent aussi Carna, ou Carne, la Déesse qui présidoit à la chair & aux parties nobles de l’homme. C’est ainsi que l’appelle Efossius, de Idol. Lib. IV, cap. p. 47. On ne lui sacrifioit point de poisson ; on ne lui offroit que de la bouillie faite de farine de fèves, & du lard. Voyez Cardan, & Vigénere sur Tite-Live, Tome I, p. 1166, où il dit qu’elle fut d’abord appelée crane, ce que je ne trouve point ailleurs ; que ce fut une Nymphe qui hantoit les forêts & les chasses ; corrompant tous les jeunes gens qui s’adressoient à elle ; que Janus pour récompense lui donna le privilège d’ouvrir & fermer, aussi-bien que lui, la commettant sur les gonds des portes, qui s’appellent en Latin cardines, dont elle avoit pris sa seconde dénomination.

CARNÉ. s. f. Fille d’Ebulus, fut une des maîtresses de Jupiter, dont elle eut Britomattis.

CARNÉ, ÉE. adj. Terme de Fleuriste. Qui est de couleur de chair vive. Color ad nativam corporis cutem accedens. Anémone carnée. Fleur nuée de carné. La plupart de mes œillets sont carnés. Liger.

CARNEA GROSSA. s. f. Terme de Fleuriste. Anémone à peluche, toute de couleur de chair en incarnat ; sa peluche est assez large. Elle a été élevée en Italie. Morin.

CARNEAU. Voyez Creneau.

CARNÉEN ou CARNIEN. s. m. Carnius, Carneus, Κάρνειος (Karneios), en grec. Epithète que les Grecs donnoient à Apollon, sans qu’on sache trop pourquoi ; Hésichius dit que c’est peut-être à cause de Carnus, fils de Jupiter & d’Europe, (voyez plus bas Carniennes & Carnus) ou selon le Scholiaste de Pindare, απὸ τῶν Κὰρνων, ἤνᴕν ϖρόβατων (apo tôn Karnôn, ênoun probatôn), du mot grec Κὰρνος (Karnos), qui signifie brebis, peut-être parce qu’Apollon, pendant son exil du Ciel, eut soin des troupeaux d’Admète. Mais après tout ce n’est qu’une fable, & peut-être Καρνειος (Karneios), Carnien, ne signifie-t-il dans son origine autre chose que rayonnant, de l’hébreu ou du phénicien קרן, Keren, corne, qui se dit aussi des rayons, comme il est clair par ceux qui sortoient du front de Moïse. Cependant le sentiment commun & le plus probable est que ce fut à cause de Carnus, ou des fêtes Carniennes. Voyez ces mots.

CARNÉES. s. f. pl. Voyez Carniennes.

CARNEL. s. m. Vieux mot, qui veut dire créneau. De carnel, on a fait carneau, puis créneau.

CARNELE. s. f. Bordure d’espèce de monnoie paroissant autour du cordon qui ferme la légende. Conspicuus nummi limbus, eminens nummi margo.

CARNELER. v. a. Faire la carnèle. Nummum suo limbo circumcingere.

CARNELÉ. Terme de Blason. Linnatus.

CARNER. V. n. Terme de Fleuriste. Prendre une couleur de chair. Tirer sur la couleur de chair. Subrubrum colorem induere. Voilà un blanc qui carne trop. Liger. C’est un défaut dans l’œillet.

Ce terme vient de caro, carnis, chair.

CARNES. Terme de jeu de Tritrac. C’est la même chose que Carmes, qui est plus usité. Voyez ce mot. On écrit aussi Quarnes.

CARNET. s. m. Terme de Négoce. C’est un petit livre que tient un marchand de toutes ses dettes passives, & du jour qu’elles doivent être payées, qui est un extrait de son livre d’achat, afin de ne pas manquer d’argent dans les payemens, & au temps de la morte-vente. Commentariolum exigendi suis temporibus debiti, ou codex.

CARNIEN. Voyez Carnéen.

CARNIENNES. adj. f. Terme de Mythologie. Les Fêtes Carniennes. Carnia, carnea, en grec Καρνέια (Karneia). Sous le regne de Codrus les Héraclides marchant dans l’Ætolie contre les Athéniens d’Acarnanie, un devin nommé Carnus leur apparut, & leur prédit ce qui leur arriveroit. Ils le prirent pour un Magicien ; & Hippotès l’un d’eux, fils d’Alès, le perça d’une flèche & le tua. La peste se mit aussitôt dans leur armée ; on attribua ce malheur à la mort du devin Acarnanien. Hippotès s’exila : on résolut d’appaiser Carnus, & à ce dessein on institua les fêtes carniennes à l’honneur d’Apollon, lesquelles se célébroient chez les Lacédémoniens avec quelques cérémonies militaires, parce qu’elles furent instituées dans un camp. Ensuite pendant la XXVIe Olympiade, on y ajouta un prix de Musique. Pausanias, L. III. Apollodore, L. II. Eusèbe, de la Prépar. Liv. V, ch. 20.

CARNIES. s. pl. Carnia. Jeux institués en l’honneur d’Apollon. Athénée en parle. C’est la même chose que carniennes dont on vient de parler.

CARNIFICATION. s. f. Terme de Médecine. Changement des os en chair. La carnification, est plus rare que l’ossification : c’est-à-dire, qu’on voit bien plus souvent la chair se convertir en os, que les os se changer en chair. M. Petit a pourtant fait plusieurs observations sur cette dernière conversion, à laquelle il a donné le nom de carnification, qui a été adopté par tous les Médecins & Chirurgiens, On voit dans l’histoire de l’Académie des Sciences de 1700 un exemple d’une carnification si générale, qu’il n’y manquoit que les dents. Le ramolissement des os & leur ressemblance à de la chair a été judicieusement appelé la carnification des os. Mem. de Trév. Juin 1726. p. 1146,

CARNIFIER. (se) v. récip. Se changer & se convertir en chair. On voit quelquefois les os se convertir en chair : c’est ; ce que les Médecins appellent se carnifier. Que la chair se change en os, cela n’est pas extraordinaire, mais qu’au contraire des os deviennent chair & se carnifient, le cas doit être plus rare. Observ. Physiq. tom. III, p. 338. M. Petit a remarqué que souvent les cartilages qui touchent les os carnifiés, ne le sont pas eux-mêmes, quoiqu’ils semblent plus propres à cette altération.

☞ CARNIOIDES. Espèce de pierre graveleuse & argilleuse, de couleur jaunâtre, avec une suture dans le milieu. Elle représente le crâne humain. On la trouve aux environs de Basle.

CARNIOLE. Province du Cercle d’Autriche, & la partie de l’Allemagne la plus méridionale. Carniola. C’est la partie de l’ancienne Norique. Elle est bornée au midi par la Morlaquie, l’Istrie, le Comté de Gorice & le Frioul : au couchant par la Carinthie, qui avec le Comté de Cilley la confine aussi du côté du Nord. Elle a au levant la Croatie. La Save traverse cette Province presque dans toute sa longueur. La Carniole est dans les Alpes Carniques ou Carniennes. Elle ne laisse pas d’être assez fertile en grains, en vin & en huile. La Carniole a dépendu des Ducs de Bavière, elle passa ensuite aux Marquis de Craimbourg ; leur famille s’étant éteinte, les états du pays le donnèrent dans le XVe siècle à Frédéric le belliqueux, Duc d’Autriche, & elle fut érigée en Duché par Frédéric II. La Capitale de la Carniole est Laubach.

La Carniole se divise en haute, basse & moyenne. La haute Carniole est la partie occidentale ; la basse est la partie méridionale vers les confins de l’Italie & de la Dalmatie ; la moyenne, qui s’appelle autrement Windis-Marc ; c’est-à-dire, la Marche ou Marquisat de Vindes ; Carniola media, on Vindorum Marchia, est la partie orientale de la Carniole. On appelle aussi Carniole sèche, ou l’Istrienne, Carniola sicca, ou Istriana, la partie de l’Istrie qui est proche des montagnes de la Vena & du Golphe de Carnero. On la joint à la Carniole, parce qu’elle appartient à la Maison d’Autriche, & on lui donne le surnom de sèche, à cause de sa fertilité. Maty Hoffman, Nous avons une histoire de la Carniole, depuis le commencement du monde, par Jean-Louis, Shoenleben. Carniolia antiqua & nova, &c.

☞ CARNIVORE. adj. Carnivorus. Epithète que l’on donne aux animaux qui vivent de chair. Mot composé de caro, carnis, chair, & vorare, manger, dévorer.

CARNOK ou COMB. s. m. Mesure qui sert en Angleterre à mesurer les grains, graines, légumes.

CARNON. C’est le nom d’une sorte d’arme ancienne des François.

CARNOSITÉ. s. f. Terme de Chirurgie. Petite excroiscence de chair, tubercule, ou verrue qui se forme dans l’uretère au col de la vessie, dans la verge, & qui bouche le conduit de l’urine, Excrescens in veretro tumor. Les carnosités sont difficiles à guérir. On ne les connoît guère que par la sonde qui est introduite dans ce passage, & qui trouve de la résistance, elle vient ordinairement de quelque maladie vénérienne négligée ou mal guérie.

☞ Les succès étonnans des bougies inventées par M. Daran, & perfectionnées par M. Goulan, Chirurgien de Montpellier qui a écrit sur les maladies de l’urethre doivent encourager les Chirurgiens à ne se point rebuter par les difficultés qui se présentent dans le traitement d’une maladie aussi dangereuse.

CARNUS. s. m. Fameux Poète & Musicien, fils de Jupiter & d’Europe, favori ☞ & prêtre d’Apollon, fut tué par les Héraclides pour leur avoir prédit que la guerre qu’ils faisoient aux Athéniens leur seroit funeste. Pour venger la mort de son favori, Apollon les affligea de la peste qui emporta une partie de leur armée. Pour appaiser ce Dieu on institua les fêtes carniennes en son honneur, & il acquit par là le surnom de Carnien.

CARNUTES. s. m. & pl. Carnutes. Anciens peuples de la Gaule qui habitoient le pays Chartrain. César parle des Carnutes dans le Livre VI de ses Commentaires de la guerre des Gaules, ch. 4, & il dit qu’ils étoient sous la protection de ceux de Reims. Les Carnutes passoient pour occuper le milieu des Gaules ? Ils s’étendoient jusqu’au pays des Andegaves, & à celui des Turonois. C’étoit une nation fort étendue entre la Seine & la Loire. On fit plusieurs assemblées secrètes, où les Carnutes protestèrent de s’exposer à tout pour remettre leur patrie en liberté.

CAROBE. s.f. Poids qui pèse 24 minutes. Carobus. On l’appelle autrement prime.

Carobe. C’est un arbre qui s’appelle autrement carouche. Siliqua edulis. Voyez Carouge.

CAROBERT. s. m. Nom d’homme, composé par abréviation de Charles, ou Carolus, & de Robert. Carobertus, Carolus Robertus. Carobert, Roi de Hongrie, que les Hongrois appellent simplement Charles II, est celui en faveur de qui les plus célèbres Jurisconsultes de son temps décidèrent que le fils représentoit son père dans la succession de son ayeul à la couronne, & devoit être préféré à l’oncle.

CAROBES. s. f. pl. Sorte de fèves qui viennent en abondance dans l’île de Chypre ; la plûpart des habitans s’en nourrissent.

CAROCHE ou CAROCHA. s. f. C’est le nom que les Espagnols & les Portugais donnent à un certain bonnet fait en forme de mitre, qui n’est que de carton & de papier, où l’on voit dépeints des démons au milieu des flammes. Ils font porter ce bonnet à ceux que le Tribunal de l’Inquisition a condamnés à la mort. On voit une figure de caroche dans l’histoire de l’Inquisition de Philippe de Limborch.

☞ CAROGNE. s. f. Terme populaire, proscrit parmi les honnêtes gens, qu’on applique par injure à une femme méchante ou débauchée. C’est une carogne, une méchante carogne. C’est la prononciation picarde de charogne.

CAROLE. Chorea, saltatio. Autrefois ce mot étoit en usage, il signifie danse.

CAROLER. v. n. Danser. Poës. de Froissart.

CAROLIN, INE. adj. C’est l’épithète que l’on donne aux quatre livres qui furent composés par l’ordre de Charlemagne, pour réfuter le II Concile de Nicée. Libri Carolini. Ces livres Carolins contiennent 120 chefs d’accusation contre le Concile de Nicée ; & ces accusations y sont proposées en termes très-atroces, & très-injurieux.

☞ L’Eglise Gallicane craignant que le culte qu’on rendoit aux images, ne dégénérât en superstition, dans un temps où le paganisme subsistoit encore en quelques endroits, tenoit le milieu entre les Iconoclastes, qui brisoient les Images, & les Catholiques d’Orient, adversaires des Iconoclastes, qui leur rendoient un culte solennel.

☞ Le II Concile de Nicée avoit fait plusieurs décrets contre les Iconoclastes, qui furent envoyés mal traduits aux Evêques assemblés à Francfort pour le même sujet, par ordre de Charlemagne : ces décrets mal entendus parurent contenir une doctrine qui tendoit à faire rendre aux images un culte approchant de celui qu’on rend à Dieu même ; de là les livres Carolins.

Quelques Auteurs ont douté de la vérité & de l’antiquité de ces livres ; il y en a qui les attribuent à Angilran, Evêque de Mets ; d’autres à Alcuin ; & d’autres disent que ce furent les Evêques de France qui les composèrent, & qui y mirent la longue préface que nous y voyons vers l’an 790. Car le Pape Adrien ayant envoyé à Charlernagne les Actes du II Concile de Nicée, il les fit examiner par les Evêques, & ce fut la réponse qu’ils y firent. Les Livres Carolins furent envoyés au Pape Adrien environ le temps du Concile de Francfort, par Angilbert Abbé de Centule, & le Pape y répondit par une grande lettre adressée à Charlemagne, dans laquelle on ne peut assez admirer la douceur avec laquelle il répond à un écrit si plein d’emportement & de mauvais raisonnemens. ☞ Malgré cela on persista en France à rejeter les décrets qu’on n’entendoit pas ; & cette opposition ne cessa que quand on eut démêlé la véritable pensée des Grecs, & réduit à leur juste sens des expressions qui avoient paru outrées. Les Livres Carolins ont été imprimes premièrement par M. du Tillet, Evêque de Meaux, sous le nom d’Eriphile en 1549 avec un Concile de Paris, sur un ancien manuscrit. Hincmar les cite.

La Bulle d’or s’appelle aussi la Bulle Caroline, parce qu’elle fut faite par l’Empereur Charles V en 1656. Georges Bejer a imprimé la Constitution Caroline avec des scholies, & un abrégé du droit criminel selon la Constitution Caroline. Jour. des Sav. C’est une Ordonnance qui renouvelle les anciennes loix pour l’instruction & la décision des matières criminelles, & qui est suivie dans tous les Tribunaux de l’Empire. Elle a été imprimée à Paris en 1734. On dit substantivement la Caroline.

CAROLIN. Voyez Carlin.

Carolin. s. m. Monnoie de Suède. Carolinus. Les Sénateurs ont tenu une assemblée dans laqu’elle on proposa la diminution des espèces de cuivre & des Carolins. Gaz. 1722. p. 63.

CAROLINE. Plante. Voyez Carline.

Caroline. Contrée de l’Amérique Septentrionale. Carolina. C’est une partie de la Floride, qui se trouve le long de la mer du Nord entre la Virginie & la presqu’Ile de Tegasta. Elle est comprise entre le 29e & le 36e degré de latitude. Les François s’y établirent en 1562, & y bâtirent le fort de la Caroline. C’est pour cela qu’on l’appelle aussi Floride françoise. Les Anglois en sont les maîtres depuis 1660.

Caroline. s. f. Monnoie d’argent de Suède, qui vaut 7 marcs & demi, chaque marc valant huit roustiques ou six doubles au soleil, ce qui fait vingt sols de Suède, & revient environ à 19 de France, ou à 15 d’Hollande.

CAROLUS. s. m. Monnoie hors d’usage qui valoit il y a quelques temps dix deniers. Coroleus. Elle étoit marquée d’un K, parce qu’elle fut fabriquée du temps de Charles VIII Roi de France, & que le K étoit la première lettre de son nom. Cette monnoie ne passa pas le règne de Charles VIII. Louis XII la décria. Cependant elle se convertit, pour ainsi dire, en monnoie de compte ; car quoique nous n’ayons point d’espèce qui vaille 10 deniers, on se sert encore parmi le peuple du terme de Karolus, pour marquer cette somme. Le Blanc. Henri III refusa de donner bataille à Charles Duc de Maïenne pendant la Ligue, parce qu’il ne falloit pas hasarder un double Henri contre un Carolus ; car il avoit alors avec lui le Roi de Navarre qui depuis a été le Roi Henri IV. Il y a eu aussi des pièces d’or d’Angleterre valant 13 livres 15 sols, qu’on appeloit Carolus.

On dit proverbialement, quand on veut bien mépriser une chose, qu’elle ne vaut pas un carolus. On dit d’un homme riche, qu’il a bien des carolus.

CARON. s. m. Terme de Charcutier. Lardi segmens. Bande de lard d’où le maigre est ôté.

CARONCULE. s. f. Terme d’Anatomie, qui proprement signifie petite portion de chair. Caruncula, diminutif de caro. Il est fait du latin, qui est un diminutif de caro, chair. On donne ce nom à différentes parties du corps humain. La caroncule du coin de l’œil est une petite éminence qui est au grand coin de l’œil. Bartholin & quelques Anatomistes la prennent pour une glande lacrymale, & disent qu’elle est placée sur le point lacrymal pour empêcher que nous ne pleurions continuellement. Dionis prétend qu’ils se trompent ; que ce n’est point une glande lacrymale, mais seulement la réunion de la membrane intérieure des paupières. ☞ C’est une petite masse rougeâtre, grenue & oblongue, située entre sangle interne des paupières & le globe de l’œil.

Les caroncules mammillaires ou papillaires, carunculæ papillares ou mammillares, sont de petits corps ou parties des reins, ainsi appelées parce qu’elles ressemblent au mammelon. Rondelet prétend les avoir trouvées le premier ; mais c’est Carpi. Elles ont la forme des glandes & sont plus dures, & moins rouges que la chair. Elles ont la grosseur d’un pois, mais elles sont un peu plus larges par enhaut, & plus étroites par enbas, avançant un peu en pointe à l’endroit où elles sont percées, pour laisser tomber l’urine dans le bassinet.

Quelques-uns appellent caroncules cuticulaires, carunculæ cuticulaires, ce qu’on appelle communément nymphe. Voyez ce mot.

Les caroncules myrtiformes, carunculæ myrtiformes, sont quatre petites éminences charnues, qui sont dans la fosse naviculaire, situées de manière que chacune occupe un angle, & qu’elles forment toutes ensembles un carré. On les appelle myrtiformes, parce qu’elles ressemblent à des baies de myrte. Carunculæ myrteæ ou myrtiformes. Elles sont situées dans les parties naturelles des femmes, assez près de l’entrée ; elles sont rougeâtres, fermes & relevées dans les vierges, & elles sont jointes l’une à l’autre par leurs parties latérales, par le moyen de quelques petites membranes. Dans les femmes & sur-tout dans celles qui ont eu des enfans, elles sont séparées les unes des autres. Ces caroncules ne sont que des rides & des inégalités du vagin ; ce qui en rend l’entrée plus étroite.

☞ Quelques-uns prétendent avec plus de vraisemblance que c’est le coït qui leur donne naissance, & qu’elles ne sont autre chose que des portions de la membrane même de l’hymen déchirée, qui se sont retirées. Ces caroncules seroient donc une preuve de la défloration. Mais l’existence de l’hymen est-elle bien constatée ? Voyez Hymen.

CAROPHYLOIDE. s. f. Pierre figurée qui représente le clou de giroffle. Elle est de la nature du Talc & a la forme d’une cloche ; on y voit au-dessus une étoile à plusieurs rayons.

CAROS. Voyez Carus.

CAROSSIER. s. m. Arbre qui croît en Afrique, en Guinée, au royaume d’Issiny. C’est une espèce de Palmier. Il porte un fruit qu’on nomme carosse, qui est gros comme une prune, & qui n’est presque qu’une peau collée sur un noyau. Ces peuples le concassent, le brassent, & en font leur toro. Voyez Toro.

CAROTER. Voyez Carotter.

CAROTIDAL, ALE. adj. Terme d’Anatomie. Qui a rapport aux carotides. Carotidalis, e. Le conduit carotidal. Winslow. Le canal carotidal de l’os pierreux. Idem.

CAROTIDE. s. f. Terme d’Anatomie. C’est le nom qu’on donne à deux artères du cou, qui portent le sang au cerveau, & qui montent le long des côtés de la trachée artère, avec la veine jugulaire interne. Il y en a une de chaque côté. Carotides venæ : La droite vient du rameau droit souclavier ; & la gauche de l’artère aorte immédiatement. Les Anciens mettoient le siége de l’assoupilssement dans ces artères, d’où vient qu’ils leur ont donne ce nom ; καρο, étant un mot grec qui signifie assoupissement. Par la même raison on les a appelées léthargiques & apoplectiques.

☞ CAROTIQUE. s. m. Terme d’Anatomie. Trou de l’os temporal qui donne passage à l’artère carotide. Acad. Fr.

Carotique. s. & adj. Caroticus, caro affectus. Terme de Chirurgie. Dégori s’est servi de ce mot pour signifier ceux qui ont le carus, quand il dit, on a beau piquer les carotiques, ils ne s’éveillent point, & ils ne répondent point. De la manière que ce mot est formé, il paraît qu’on pouroit le dire de tout ce qui a rapport au carus ; par exemple, affection carotique, symptôme carotique, &c. Mais ce mot n’est point usité.

CAROTTE. s. f. Daucus sativus. Pastinaca sativa, tenui folio. Carota. Plante ombellifère, dont la racine est un pivot long d’un pied, rarement branchu, qui donne peu de fibres ; cassant, charnu, succulent, doux & aromatique au goût ; tantôt rouge, tantôt d’une couleur de pourpre foncé, tantôt jaune, & tantôt blanc ; épais à son collet d’environ un pouce & demi, d’où sortent plusieurs feuilles disposées en rond, longues de huit à neuf pouces, découpées en plusieurs segmens qui sont encore subdivisés en une infinité d’autres étroits & longs. Elles sont vertes, velues, & d’une odeur aromatique. La tige, qui s’élève du milieu de ses feuilles, est haute de quatre à cinq pieds, branchue, & garnie de feuilles alternes, pareilles à celles du bas, mais plus petites. Elle est creuse, cannelée, velue, & terminée, aussi-bien que ses branches, par des ombelles, garnies à leurs naissances de plusieurs brins de feuilles découpées en lanières longues & étroites. Ces ombelles sont composées de fleurs à cinq pétales, blanches, inégales, échancrées, & disposées en fleur-de-lis de France, Le calice qui soutient la fleur, devient un fruit gros comme le grain d’anis, fermé par deux semences aplaties par l’endroit qu’elles se touchent, presque ovales, arrondies sur leurs dos, cannelées, & garnies de poils courts & blanchâtres, rangés en manière de fils. On mange les racines de carotte. On les fait cuire dans l’eau, & ensuite on les apprête avec le beurre, le poivre, le sel & un peu de vinaigre. On les met aussi dans la soupe. Ses semences sont diurétiques. On appelle dans quelques provinces du Royaume carotte la betérave ; & pour la carotte on la nomme Pastenade.

Carotte se prend souvent pour la racine de la plante de carotte.

☞ On seme les graines de carottes au mois d’Avril ou de Mai sur planches. On les éclaircit s’il est nécessaire. Pour les avancer, on coupe les montans à la mi-aout, à un demi-pied de terre.

On dit proverbialement de ceux qui font mauvaise chère, qu’ils ne mangent que des carottes.

On appelle une carotte de tabac ou du tabac en carotte, celui qui est configuré comme la racine de la plante qui porte ce nom. Pour faire du tabac en carotte, on assemble 50, 60, 80, ou cent feuilles de tabac, selon que l’on veut les carottes grosses ou menues, dont on fait une botte que l’on presse avec une corde, depuis un bout jusqu’à l’autre, mais en commençant par le milieu. Comme les feuilles sont beaucoup plus larges par le milieu que par les deux bouts, le milieu de cette botte se tient toujours plus gros, & va toujours en diminuant du côté des bouts. Quand cela a séjourné quelque temps, on en ôte la corde, & l’on couvre cette figure de navette de papier ordinairement marbré, que l’on colle dessus, de peur que le tabac ne s’éfeuille à la poche ; & en coupant ce tabac par le milieu, chaque bout produit une carotte de tabac, parce qu’il est fait comme la racine de la carotte.

CAROTTER. v. n. Terme de jeu. Jouer mesquinement, ne hazarder que peu. C’est à-peu-près la même chose que Carabiner.

CAROTTIER, IERE. s. m. & f. C’est ainsi qu’on appelle au jeu un homme ou une femme qui joue timidement, & qui risque peu à la fois.

☞ CAROU. Province d’Afrique dans la Nigritie, au royaume de Folgia. Les Carous se sont ensuite emparés du royaume de Quoja.

☞ CAROUBE. s. m. Fruit du Caroubier. Voyez l’article suivant.

CAROUBIER. s. m. Siliqua, Ceratia, Ceratonia. Arbre d’une moyenne grandeur, branchu, & garni de feuilles arrondies, d’un pouce ou deux de diamètre, épaisses, fermes, lisses, glabres, d’un vert foncé en-dessus, plus pâle en-dessous ; portées sur des queues très-courtes, & rangées sur une côte. Ses fleurs font de petites grappes rouges, chargées d’étamines jaunâtres. Ses fruits sont des gousses plates, longues depuis demi-pied jusqu’à quatorze pouces sur un pouce & demi de largeur. Elles sont brunes en-dessous, courbées quelquefois, composées de deux cosses, qui sont séparées par des membranes en plusieurs loges, où sont contenues des semences plates, approchantes de celles de la casse. Ces cosses sont remplies dans leur substance d’un suc mielleux, douçâtre, qui ne s’éloigne pas beaucoup de celui de la moëlle de casse. Cette moëlle lâche le ventre de même que la casse. On les mange en Provence, où on les apporte des environs de Nice. Le Caroubier est commun en Italie, sur-tout près de Naples.

CAROUGE. s. m. Siliqua. Il se prend ordinairement pour le fruit du caroubier. On disoit autrefois carobe ; on dit encore caroube en Languedoc.

☞ CARPA. Ville de l’Inde de de-là le Gange, au royaume de Brama, sur la rivière de Pegu.

CARPÂSE. Le mont Carpâse. Montagne des Alpes, à quatre lieues environ de Suze. Carpasius mons. Il est voisin du mont Epicare.

CARPASUM. s. m. Plante dont le jus endort, & étouffe incontinent celui qui en boit. Carpasus. Les remèdes contre cette sorte de poison sont semblables à ceux dont on se sert contre la ciguë. Dioscoride n’en dit pas autre chose, de sorte qu’on ne sait aujourd’hui de qu’elle plante il a voulu parler.

CARPE. s. f. Poisson d’eau douce fort commun, qui a des écailles assez larges & jaunes, le ventre blanchâtre, & le dos brun ; qui vit d’herbe ou de limon. La carpe aime les eaux bourbeuses, & en trois ans devient grande d’un pied entre œil & fourche, ou entre œil & bat. Willougbi dans son Histoire des Poissons, fait mention d’une carpe qui a vécu cent ans. La carpe laitée est le male, & l’œuvée la femelle. ☞ Les œufs de carpe forment deux paquets, un de chaque côté de l’abdomen. Ils sont adhérens les uns aux autres, revêtus d’une membrane très-fine & transparente. M. Petit a trouvé qu’une carpe de 18 pouces de longueur, compris la tête & la queue, avoit 342144 œufs.

☞ La laite, qu’on nomme aussi laitance, est une partie, dans les carpes mâles, composée de deux corps blancs très-irréguliers. Ce sont les testicules dans lesquels se filtre la semence.

☞ M. Morand fit voir à l’académie des sciences en 1737 les parties intérieures d’une grosse carpe où l’on voyoit distinctement d’un côté les œufs, & de l’autre la laite. Elle étoit donc hermaphrodite. On observe quelquefois la même chose dans le brochet, & souvent dans le merlan.

☞ La vésicule que l’on trouve dans la carpe & dans la plupart des autres poissons, vesicula pneumatica ou utricalus natatorius, selon qu’elle est plus ou mois remplie d’air, rend le poisson plus ou moins pesant, & plus propre à s’élever plus ou moins facilement vers la superficie de l’eau, ou à s’enfoncer plus ou moins dans l’eau. La langue de carpe est la chair qui forme son palais, qu’on nomme