Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 2/123-130

Fascicules du tome 2
pages 111 à 123

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 2, pages 123 à 130

pages 131 à 140


C.

C. Troisième lettre de l’Alphabet, se prononce ordinairement comme un k, devant les voyelles a & o, & devant les diphtongues au, & ou, comme cabinet, copie, cause, couleur. Devant la voyelle u, & devant les diphtongues & les triphtongues qui commencent par un u, le son du c n’est pas si dur que devant l’a & l’o, il est un peu adouci, comme cueillir, cuirasse, curieux. Mais quand le c se trouve devant les voyelles a, o & u, & qu’il a une petite virgule dessous, que les Espagnols appellent Cedille, & les Imprimeurs ç à queue, on le prononce comme une s ; & devant les voyelles i & e, toujours comme une s, c’est-à-dire, qu’il a un son sifflant qui se forme en avançant la langue vers les dents, entre celles d’enhaut & celles d’enbas. Le c suivi d’une h, a un son sifflant, mais grossier, & bien différent du son de l’s ; celui du ch de la langue Françoise est un son qu’on peut appeler palatal, ou son du palais ; il se forme en approchant la langue du palais, & ressemble au son des lettres sh dans les mots Anglois, ou c devant e & i dans les mots Italiens, excepté qu’en Italien, le c prend quelque chose du son du t, ce qui n’arrive pas en François quand on prononce les lettres ch.

Le c se prononce fortement à la fin de presque tous les monosyllabes, comme en bec, choc, croc, froc, hoc, pic, roc, sec, soc Il y aussi quelques mots de plusieurs syllabes, à la fin desquels le c se prononce aussi fortement : comme en bissac, Enoc, Lamec. Il en faut excepter almanac. Dans respect & suspct, le c se prononce sans le t, suspec, respec. P. Buffier. On peut, malgré cette rêgle, prononcer le t en suspect. Dans pact, exact, correct, direct, le c & le t se prononcent. Dans almanac, arsenac, arsenic, cotignac, clerc, marc, porc, épic, & dans les mots où le c est précédé d’une voyelle nazale, comme banc, donc, jonc, le c final ne se prononce point, si ce n’est devant une voyelle en récitant des vers. P. Buff., & dans une prononciation soutenue & énergique. Quand porc-épic sont joints ensemble, il faut prononcer le c de porc. Dans estomac, tabac, broc, il ne se prononce point. Id.

Tous les Grammairiens ont remarqué que les anciens Romains prononçoient le q comme le c, & qu’ils prononçoient le c comme nous prononçons le k. Ménage. La P. Mabillon a observé que Charles-Magne a toujours écrit son nom avec la lettre c, au-lieu que les autres Rois de la seconde race qui portent le nom de Charles, l’écrivent avec un k. On remarque la même différence sur les monnoies.

Scaliger prétend que cette lettre s’est formée du K des grecs, & qu’en retranchant la colonne ou la ligne droite, ç’en est l’autre moitié. D’autres veulent que ce soit le כ Caph des Hébreux. Le Caph, en effet, a toute la même figure, à cela près, que les Hébreux lisant de la droite à la gauche, il est tourné en ce sens, au-lieu que les Latins l’ont tourné de gauche à droite, parce qu’ils lisoient ainsi, aussi-bien que nous. Cependant le c n’étant point la même lettre que le caph quand au son, & les Romains n’ayant point reçu leurs lettres immédiatement des Hébreux ni des autres Orientaux, mais des Grecs, il paroît plus probable que cette lettre a été prise d’après le Κ Grec. Le P. Montfauco, dans sa Palœographie, a marqué des formes de Κ Grec qui approchent de celle-ci Suidas appelle le C le Kappa Romain.

C chez les Romains, étoit une lettre numérale qui signifioit cent, suivant ce vers :

Non plus quàm centum C littera sertur habere.

Quelques-uns tiennent que si on mettoit un titre ou une barre au-dessus du C, elle signifioit cent mille : on auroit de la peine à en trouver des exemples chez les Anciens. Il signifie Caïus dans les noms d’homme, comme C. Sempronius, C. César, c’est-à-dire, Caïus Sempronius, Caïus Cesar. Les Romains en usoient ainsi, & nous les imitons. ☞ Le C renversé, ou écrit de droite à gauche, signifie Caïa, nom de femme. Cette même lettre mise toute seule marque chez les Jurisconsultes, Coduce, ou Consule ; & quand elle est double, Consulibus. C’étoit aussi une lettre funeste : elle signifioit Condemno, je condamne. ☞ De même que la lettre A étoit une lettre salutaire, parce que les Juges jetoient dans l’urne une tablette, sur laquelle étoit écrite la lettre A ou la lettre C, suivant qu’ils vouloient absoudre ou condamner un accusé.

Cette lettre est le caractère distinctif d’une des monnoies de France, qui étoit à S. Lo, & qui est présentement à Caën ; lorsque le C est double, c’est la marque de la monnoie de Besançon.

Le C dans l’Alphabet chimique signifie le salpêtre. Dict. de James.

Parmi les marchands, cette lettre signifie compte. C. O. compte ouvert. C. C. compte courant.

☞ Dans la musique, c’est le signe de la mesure à quatre temps, & si le C est barré, c’est le signe de la mesure à quatre temps vites, ou à deux temps posés, conservant pourtant toujours le caractère de la mesure à quatre temps, qui est l’égalité des croches. Rous.

Dans la musique le C majuscule marque le dessus chantant dans les basses continues.

ÇA.

☞ CA. Première partie d’un Tchag, ou Cycle de dix années, que les Cataïens faisoient rouler avec un autre cycle de douze, pour composer une période de soixante ans, qui sert à marquer les caractères de leurs années & de leurs époques. D’Herb. Bibliot. Orient.

ÇA, adv. tantôt de mouvement, & tantôt de repos ; il signifie ici ; mais avec cette différence, que ça, quand il est seul, ne se joint qu’avec le verbe venir, & dans ces phrases, vien-ça, venez-là ; & qu’ici, qui est de même adverbe de repos & de mouvement tout ensemble, se joint avec toutes sortes d’autres verbes. Acad. Fr. Venez ça, c’est-à-dire, venez ici. Ehodum, adesdum, huc concede.

Ça, joint avec là ne se met qu’avec les verbes de mouvement, & signifie de côté & d’autre. Ils erroient çà & là, hic, illùc. Il s’arrête çà & là.

En ça. adv. de temps. On dit en style de palais, depuis deux mois, deux ans en ça. Duobus abhinc annis.

Depuis cinq ou six ans, en ça,
Au travers de mon pré, certain ânon passa. Rac.

☞ Qui çà, qui , pour dire les uns d’un côté, les autres de l’autre. Ils vont qui çà, qui là. Alii aliò abeunt. Expression du style très-familier.

Deçà, de-là, par-deçà, par-de-là, en deçà, en de-là. Voyez ces mots.

Ça, est quelquefois une interjection dont on se sert pour encourager, exciter, commander. Ça, commençons. Ça, dites-moi. Ça, qu’on mette la main à l’œuvre. Age, agesis. Ça la main droite, la gauche. Cedo dextram, sinistram. Ça, ça, qu’on monte à cheval.

Ça, se dit encore tout seul, en répondant à quelque question, ou pour exprimer le consentement qu’on donne, comme si quelqu’un demandoit des étoffes à un Marchand, il répondroit, ça, pour dire qu’il va les montrer. Acad. Fr.

☞ Or ça, se dit encore pour encourager, mais en commençant seulement, & sans prononcer l’r. Or, ça, mes enfans, travaillons.

CAA.

CAA-APIA. Voyez ci-après Caapia.

CAA-ATAIA. s. m. Plante du Brésil, qui ressemble par ses feuilles opposées, dentelées, ses fleurs en casque, & sa semence renfermé dans une gousse, à l’Eufraise, au genre de laquelle on pourroit la rapporter. Broyée & bouillie dans l’eau, sa décoction prise en boisson, purge fortement par haut & par bas. Dict. de James.

☞ CAABAH, ou CAABEH. Nom arabe, étoit celui qu’on donnoit au temple de la Mecque, & proprement à la tour carrée, que l’on nommoit autrement le kyblah. D’Herb. Bibliot. Orient.

CAABLES. s. m. Je voudrois bien savoir pourquoi les vocabulistes en font un adj. synonyme avec chablis. Terme de Jurisprudence. Ce mot, dans les Ordonnances des forêts veut dire, bois versés & abattus par les vents. Voyez Chablis.

CAACHIRA ou COACHIRA. C’est la plante de l’Indigo, autrement Anil. Voyez ces mots.

☞ CAACICA. s. m. Plante umbellifere, qui croît au Brésil, dont la racine est petite, filamenteuse, les tiges nombreuses, genouillées, d’un vert rougeâtre, les feuilles un peu velues, sont vertes d’un côté, blanchâtres de l’autre, & ressemblant assez à celles de la Véronique-mâle. Toute la plante est remplie d’un suc laiteux. Broyée & appliquée, c’est un remède excellent contre la morsure des serpens. On s’en sert aussi dans les autres blessures.

☞ CAA-ETIMAY. Plante du Brésil, dont la tige verte, remplie d’une substance médullaire, s’éleve à la hauteur de trois pieds. Ses feuilles ressemblent à celles de l’hysope, & ses fleurs à celles du seneçon. Les feuilles de cette plante sont chaudes & acrimonieuses au goût. Bouillies, broyées, elles guérissent la gratelle en quelque endroit du corps que ce soit, en en frotant la partie affectée.

CAAGHIYNYO. s. m. Petit arbrisseau du Brésil, de la grosseur du framboisier. Voyez-en la description dans le Dict. de James. Ses feuilles pulvérisées sont un excellent remède pour les ulcères qui proviennent d’un principe chaud.

CAAGUACUBA. s. m. Petit arbre du Brésil. Voyez-en la description dans le Dict. de James.

☞ CAAIGUE. s. m. & f. Nom d’un peuple sauvage de l’Amérique méridionale. Ils habitent séparément dans les forêts entre le Parana & l’Urraic. C’est de-là que leur vient le nom de Caaigue, Caaigua, qui si l’on en croit quelques voyageurs, signifie dans la langue de ce peuple nomme des bois, forestier. Voyez Hist. Parag. L. IX, C. 24

☞ CAAIO. s. m. Plante du Brésil, dont Ray distingue deux espèces. Il les appelle sensitives, & n’en dit rien de plus.

☞ CAANA. Ville d’Egypte, sur le Nil, au-dessous des cataractes. Paul Lucas dit que les anciens monumens qu’on y trouve, font croire qu’elle étoit autrefois considérable.

CAAOBETINGA. s. m. Petite herbe qui se trouve au Brésil. Il sort des feuilles de sa racine même qui sont blanchâtres par-dessous, & vertes par-dessus. Sa racine & ses feuilles pilées ensemble sont bonnes à consolider les plaies.

CAAPEBA. s. m. Plante du Brésil qui a beaucoup de rapport avec la Clématite. Elle pousse, comme elle & comme la vigne, de longs sarmens qui rampent sur terre, lorsqu’ils ne trouvent pas à s’accrocher à quelques arbres ou arbrisseaux voisins. ☞ Ses feuilles sont très déliées, les unes rondes, les autres en forme de cœur, toutes d’un beau vert en-dessus. Ses fleurs sont d’un jaune pâle en-dessus, & il leur succède un grain de figure ovale, gros comme un poids, vert en-dedans, & rouge à l’extérieur. Sa racine, qui la rend recommandable, n’est d’abord que de la grosseur du doigt, & de couleur grise ; mais elle devient noire en vieillissant, & de la grosseur du bras ; ce qui a fait croire qu’il y en avoit de deux espèces. Cette racine est tortueuse, compacte, & d’un gout tirant sur l’amer. On la croit bonne pour atténuer la pierre tant des reins que de la vessie, pour résister au venin & à la morsure des serpens. On la coupe par tranches, & on la fait infuser quelques jours dans de l’eau ou autre liqueur appropriée à la maladie, & le malade en fait sa boisson ordinaire. On tire aussi le suc de la feuille & de la racine pilées ensemble, & on les mêle avec le vin dont on fait sa boisson, Voyez Lémery qui en parle d’après Guillaume Pison.

CAAPIA ou CAA-APIA, Tm. Nom d’une plante du Brésil. Caapia, Caa-apia Pisonis. Le Caapia de Pisonn est une petite plante basse, dont la racine est longue d’un ou de deux travers de doigt, de la grosseur d’une plume de cigne, & quelquefois du petit doigt, noueuse, garnie à ses côtés & à son extrémité de filamens longs de trois ou quatre travers de doigt, d’un gris noirâtre au dehors, blanche au dedans, presqu’insipide dans les premiers momens qu’on la tient dans la bouche, d’un gout par la suite un peu acre & piquant.

De cette racine s’elevent trois ou quatre tiges ou pédicules, ronds, de la longueur de trois ou quatre travers de doigt, portant chacun une feuille large d’un travers de doigt, & longue de trois ou quatre ; d’un vert luisant par-dessus, un peu blanchâtre par-dessous, chargée d’une nervure dans toute sa longueur, & traversée de quelques veines relevées au-dessus.

La fleur a son pédicule particulier ; elle est ronde, radiée, approchant de la fleur du Bellis, composée de plusieurs étamines, portant des semences rondes, plus petites que la graine de moutarde.

Cette racine a presque les mêmes qualités que l’ipecacuanha, ce qui lui a fait donner par quelques-uns le nom d’Ipecacuanha, mais mal-à-propos, comme l’a remarqué Pison lui-même. Elle arrête le flux de ventre, & fait vomir, aussi bien que l’Ipecacuanha, mais non pas si fortement, ce qui fait qu’on en peut donner une dose plus forte. La dose est depuis une demi drachme jusqu’à une drachme en poudre dans du vin, du bouillon, ou autre liqueur convenable. Les Brasiliens pilent toute la plante ; en expriment le suc & l’avalent. Ils se fervent aussi avec succès de ce suc pour guérir les plaies de fléches empoisonnées & les morsures des serpents, en le versant dans les plaies.

Pison ajoute qu’on trouve encore une autre espèce de Caa-apia toute semblable à celle que nous venons de décrire, à la réserve que ses feuilles sont un peu dentelées à leur bords, & velues, aussi bien que les tiges.

CAAPONGA. s. f. Nom que les habitans du Brésil donnent à une espèce de crête marine ☞ & de pourpier. Ils font bouillir & confire les feuilles & les jeunes tiges dans le vinaigre, & s’en fervent, comme nous des capres & des cornichons, pour exciter l’appétit.

CAAROBA. s. m. Arbre très-commun au Brésil. Voyez-en la description dans le Dict. de James. Ses feuilles sont amères au gout, elles passent pour un ingrédient excellent dans les fomentations, & les bains, lorsqu’elles sont séchées & broyées. ☞ Prises intérieurement, elles passent pour détersives, dessicatives, & bonnes contre les maladies chroniques. La conserve préparée avec ses fleurs, a les mêmes propriétés.

CAB.

CAB ou CABE. s. m. Nom d’une mesure de blé, selon Pollux & Hésychius. Cabus. Tirin, dans son Traité des mesures & des vases, dit que le Cabe étoit la même chose que le Chenix des Grecs ; que c’étoit la mesure de ce qu’un manœuvre mange par jour, telle que Caton la marque aux paysans dans son 56e chapitre, De Re Rustica ; qu’on l’appeloit autrement Parme cubique : que c’étoit la sixième partie du Satum, ou du boisseau ; qu’il contenoit quatre loges ou setiers hébreux, & qu’il revenoit à peu près à ce que les Italiens appellent boccale, & les Espagnols açumbre. R. Alphes, cité par Buxtorf, dit que le Cabe, contenoit autant que 24 œufs. Un Auteur Anglois, qui a écrit sur ces matières, lui donne un peu plus de 90 pouces cubiques de capacité. Tout cela revient à peu près au même, & il s’enfuit que le Cab étoit la 10e partie de l’éphi, & le tiers du hin ; que le quart du Cabe étoit un setier hébreu, qui étoit égal au setier attique, & qu’ainsi dans la faim de Samarie dont il est parlé, 2e Livre des Roix VI, 25, un quart de Cabe, ou un setier de fumier de pigeon, valoit cinq piéces d’argent, c’est-à-dire cinq sicles, qui font de notre monnoie sept livres quelques sous.

CABACET. Voyez CABASSET.

☞ CABACK. C’est ainsi qu’on appelle en Russie les Cabarets & les maisons où l’on boit du vin & des liqueurs fortes. Tous ces Cabacks appartiennent au Souverain. Il est le seul cabaretier de son Empire. Il afferme en argent ces sortes de maisons. Moyen très-sur d’augmenter ses revenus, dans des Etats d’une aussi grande étendue où les Peuples aiment à boire & à s’enivrer, principalement d’eau-de-vie.

CABAIE. s. f. Habillement des Gardes du Roi & des Mandarins de Loy. Ils ont, au lieu de robe, une Cabaie blanche avec le turban. Les Officiers la portent un peu plus longue que les Soldats. Routier des côtes des Indes Orientales.

☞ CABAIGNAC. Petit lieu du haut Languedoc, entre Toulouse & Carcassonne, vers la source du Girou.

CABAL, & CABAU. s. m. Terme de Coutumes. Le Ferron l’explique par peculium. On appelle cabal les marchandises qu’on prend de quelqu’un à moitié, au tiers, au quart de profit. Cabal, en langage Toulousain, veut dire, le fonds d’un Marchand.

CABAL. s. m. Livre Historique, mêlé de plusieurs narrations fabuleuses touchant le Musulmanisme. On trouve dans ce Livre, dont l’Auteur est inconnu, plusieurs traditions anciennes du Christianisme, & entr’autres, celle des’Anges Gardiens. D’H’erb.

CABALE. s. f. Quelques-uns écrivent KABALE. Ce nom a plusieurs significations, qu’il faut distinguer plus exactement qu’on ne fait dans tous nos Dictionnaires. Cabale est un mot Hébreu, קבלה Kabbalach, qui signifie proprement & précisément Tradition, & קבל, Kibbel, qui signifie, recevoir par tradition, recevoir de pere en fils, d’âge en âge surtout en Chaldéen & hébreu Rabbinique ; mais non pas comme on le dit mal-à-propos dans le Moréri, Tradidit, il a enseigné. De-là il se dit premièrement d’un sentiment, d’une opinion, d’une explication de l’Ecriture, d’une coutume ou pratique qui s’est transmise de pere en fils. Les Juifs, comme on le peut voir dans la préface de Maïemon sur la Mischna, croient que Dieu donna à Moïse non-seulement la Loi, mais encore [’explication de la Loi sur la montagne de Sinaï. Quand il étoit descendu, & qu’il s’étoit retiré dans sa tente, Aaron l’alloit trouver, & Moïse lui apprenoit les Loix qu’il avoit reçues de Dieu, & lui en donnoit l’explication, que lui-même avoit aussi apprise de Dieu. Quand il avoit fini, Aaron se mettoit à la droite de Moïse, Eléazar & Irhamar fils d’Aaron entroient, & Moise leur disoit ce qu’il avoit déjà dit à Aaron. Après quoi s’étant placés l’un à sa droite, & l’autre à sa gauche, venoient les 70 vieillards qui composoient le Sanhédrin, & Moïse leur répétoit encore tout ce qu’il avoit dit a Aaron & à ses enfans. Enfin, on faisoit entrer tous ceux du peuple qui vouloient, & Moïse les instruisoit encore comme il avoit fait les autres. De forte qu’Aaron entendoit quatre fois ce que Moïse avoit appris de Dieu sur la montagne ; Eléazar & Ithamar l’entendoient trois fois ; les 70 vieillards, deux ; & le peuple une fois. Or des deux choses que leur apprenoit Moïse, les Loix que Dieu imposoit, & l’explication de ces Loix, on n’en écrivoit que la première, c’est-à-dire, les Lois, & c’est là ce que nous avons dans l’Exode, le Lévitique & les Nombres. Pour Ce qui regarde l’intelligence & l’explication de ces Lois, on se contentoit de se l’imprimer bien dans la mémoire, & ensuite les Peres l’apprirent à leurs enfans, & ceux-ci aux leurs, & ainsi de siècle en siècle jusqu’aux derniers âges. C’est pour cela que la première partie de ce que Dieu avoit donné à Moïse s’appela simplement Loi, ou Loi écrite ; & la seconde Loi orale, ou Cabale ; car voilà originairement ce que c’est que Cabale & le sens propre & primitif de ce nom. Quelques Rabbins prétendent que leurs Peres l’avoient reçue des Prophètes, qui l’avoient reçue des Anges. Rabbi-Abraham-Ben Dior, dit dans la Préface de son Livre de la création (Jetsira) que l’Ange Raziel fut le maître d’Adam, & qu’il lui apprit la Cabale ; que Japhiel fut le maître de Sem, que Tsédéckiel le fut d’Abraham, Raphaël d’Isaac, Péliel de Jacob, Gabriel de Joseph, Métatron de Moïse, & Malathiel d’Elie. Les Rabbins apporterent de Chaldée les rêveries de la Cabale, & y ajouterent une infinité de fables.

Parmi ces explications de la Loi, qui ne sont la plupart autre chose que des interprétations de différens Rabbins sur les Loix de Dieu, & leurs décisions sur les obligations qu’elles imposent, & sur la manière de les pratiquer, il y en a qui sont mystérieuses & cachées, qui consistent dans des significations abstruses & singulières que l’on donne ou à un mot, ou même à chacune des lettres qui le composent ; d’où par différentes combinaisons, l’on tire de l’écriture des explications fort différentes de ce qu’elles semblent naturellement signifier. L’art d’interpréter ainsi l’Ecriture s’appelle plus particulièrement Cabale, & c’est le sens le plus ordinaire de ce mot dans notre langue. Cette Cabale, que l’on nomme Cabale artificielle, pour la distinguer de la première dont nous avons parlé, & qui n’est qu’une simple tradition, cette Cabale, dis-je, se divise en trois espèces. La première s’appelle Gématrie : elle consiste à prendre les lettres pour des chiffres ou nombres arithmétiques, & à expliquer chaque mot par la valeur arithmétique des lettres dont il est composé ; ce qui se fait en plusieurs manières, comme nous le dirons au mot Gématrie.

La seconde espèce s’appelle Notaricon, & consiste, ou bien à prendre chaque lettre d’un mot pour une diction entière ; par exemple, בראשית, premier mot de la Genèse, pour ברא רקיע אדץ שמים יסת הומות ; ou bien à faire des premières lettres de plusieurs mots une seule diction, comme de ceux-ci, גכורל עולם אדני אפת Vous être fort dans l’éternité, Seigneur, en ne prenant que les premières lettres, on forme ce nom Cabalistique de Dieu אגלא, Agla, dont parle Galatin, Liv. II, ch. 15.

La troisiéme espèce s’appelle תמורה, Thémura, qui signifie changement, & consiste à changer un mot, & les lettres dont il est composé, ce qui se fait en plusieurs manières ; car 1°, On les sépare, & de בראשית, breschit, par exemple, qui veut dire, In principio, on fait בראשית, posuit fundamentum. C’est ainsi que dans certains jeux de mots, on a quelquefois séparé des mots Latins. Sum-mus, Ter-minus, Sus-tinea-mus. 2°. On transpose les lettres d’un mot, on les place, on les arrange différemment ; par exemple, du même mot בראשית on fait א בתשר, ce qui signifie 1° in Thisri ; & parce que cela se tire du premier mot de l’histoire de la création du monde, on en conclut que le monde a été créé le premier jour du mois Thisri. 3°. On prend une lettre pour une autre, à cause des différens rapports qu’on leur donne en prenant l’alphabet en différens sens. Ainsi en partageant l’alphabet hébreu de 22 lettres, en deux parties, la première de chacune de ces parties se prend pour la première de l’autre : la seconde pour la seconde : la troisième pour la troisième, & ainsi des onze lettres, dont chacune de ces parties est composée, qui se prennent mutuellement pour celle qui leur répond dans l’autre partie, c’est-à-dire, א pour ל, ou ל pour א ; ב pour מ, ou מ pour ב ; ג pour נ, ou נ pour ג, &c. Par-là de טבאל, Tabéel nom inconnu, qui se trouve en Isaïe VII. 6, on en fait רמלא, Remla, nom d’un Roi d’Israël. Une autre façon de changer les lettres est de prendre l’alphabet en deux manières : premièrement à l’ordinaire, puis à rebours, en commençant par la dernière lettre, & de changer encore les deux premières lettres, l’une & l’autre mutuellement, & de même les deux secondes, les deux troisièmes &c. c’est-à-dire, א en ת, ou ת en א ; ב en ש, ou ש en ב ; ג en ר, ou ר en ג, &c. Par-là de גמי, לב. Le cœur de ceux qui s’élevent contre moi, dans Jérem. Liv. I. 1, on fait בשתים, les Chaldéens, & l’on conclut que ceux dont Dieu parle sont les Chaldéens. Ces deux dernières espèces de Themure s’appellent plus particulièrement encore צירוף, c’est-à-dire, association, combinaison. Voyez Reuchlin, Pic de la Mirandole, le P. Kirker dans son Oedip. Ægypt. Sérarius & Bonfrerius dans leurs Prolégomènes. La Cabale dont nous venons de parler, peut s’appeler la Cabale spéculative. Il y en a une autre qu’on peut nommer la Cabale pratique ; c’est celle dont nous allons parler.

Cabale se prend encore pour les usages, ou plutôt les abus que font les Magiciens des passages de l’Ecriture, ainsi qu’on le peut voir dans un petit ouvrage de cette sorte, intitulé ההוליס שמוש L’usage des Pseaumes, & imprimé à Sabionette en 1588, à la fin d’une édition des Pseaumes in-24. & dans plusieurs autres livres de même sorte. Tous les noms, toutes les figures magiques, tous les nombres, les lettres, &c. dont on se sert pour cela, & encore la science hermétique, ou la recherche de la Pierre Philosophale, tout cela est compris dans cette espèce de Cabale. Mais il n’y a que les Chrétiens qui l’appellent ainsi, & ce mot a ce sens, sur-tout en notre langue, à cause de la ressemblance que cet art a avec les explications de la Cabale dont nous avons parlé ; car les Juifs ne donnent point à cet art, ou diabolique, ou vain & ridicule, le nom de Cabale, qui est toujours un nom saint & respectable parmi eux. Au reste, ce n’est point la magie seule des Juifs que nous nommons Cabale ; nous avons transporté ce nom à toute sorte de magie, & c’est dans ce sens que l’Abbé de Villars l’a pris dans son Livre intitulé Le Comte de Gabalis ; où il a exposé les ridicules secrets de la Cabale, que les Cabalistes appellent la sacrée Cabale. Cabalæ, cabalistica doctrina, occulta, arcana Hebræorum disciplina, sapientia. Ils supposent qu’il y a des peuples élémentaires, sous les noms de Sylphes, de Gnomes de Salamandres, &c. & que cette science introduit les hommes dans le sanctuaire de la nature. Ils prétendent que les Hébreux connoissoient ces substances aëriennes, qu’ils avoient puisé ces connoissances cabalistiques chez les Egyptiens ; & qu’ils n’avoient pas ignoré l’art particulier d’entretenir ces nations élémentaires, & de converser avec ces habitans de l’air. On leur fait dire qu’ils ont déféré à Paracelse le sceptre de la Monarchie Cabalistique. Voyez Le Comte de Gabalis. La Cabale est une science sérieuse, & il n’y a que les mélancoliques qui s’y adonnent. Abb. de Villars. La Cabale est une de ces chimères qu’on autorise quand on les combat gravement, & qu’on ne doit entreprendre de détruire qu’en se jouant. Id. Robert Flud Anglois en a fait d’amples Traités & Apologies dans ses neuf grands Volumes.

Cabale, se dit aussi de la Secte des Juifs, qui suivent & pratiquent la cabale, qui interprètent l’Ecriture selon l’art de la cabale, prise au second sens que nous avons expliqué ; car les Juifs sont divisés en deux sectes générales, les Karaïtes, qui ne veulent point recevoir les Traditions, ni le Thalmud, mais le seul texte de l’Ecriture ; & les Rabbanistes, ou Thalmudistes, qui outre cela reçoivent encore les Traditions & suivent le Thalmud. Ceux-ci sont encore divisés en deux : en Rabbanistes simples, qui expliquent l’Ecriture selon le sens naturel par la Grammaire, l’Histoire, ou la Tradition ; & en Cabalistes, qui pour y découvrir les sens caches & mystérieux que Dieu y a mis, se fervent de la cabale & des manières mystérieuses que nous avons expliquées. Si l’on en croit les Juifs, la cabale, comme la Loi, vient de Dieu & du mont Sinaï, & y fut donnée à Moïse, & par lui à tout le peuple de la manière que nous le disons ci-dessus, C’est une fable ; mais plusieurs Savans croient qu’elle étoit déjà trouvée du temps de J. C. & il s’est trouvé des visionnaires parmi les Juifs, qui ont dit que ce n’étoit que par les mystères de la cabale que J. C. avoir opéré ses miracles. Quelques Savans ont cru que Pythagore & Platon avoient appris des Juifs en Egypte l’art cabalistique, & ils ont cru en trouver des vestiges bien marqués dans leur philosophie. D’autres croient au contraire, que c’est la philosophie de Pythagore, & de Platon, qui a produit la cabale. Quoi qu’il en soit, il est certain que dans les premiers siècles de l’Eglise la plupart des hérétiques donnerent dans les vaines idées de la cabale. Les Gnostiques, les Valentiniens, les Basilidiens, y furent sur-tout plus attachés, comme on le peut voir dans S. Epiphane, est ce qui produisit l’ΑΒΡΑΞΑΣ, & tant de Talismans, dont il nous reste encore une grande quantité dans les cabinets des Antiquaires. On donne aussi le nom de cabale non-seulement à l’art, mais encore à chaque opération de cet art ; c’est-à-dire, à chaque interprétation particulière, faite selon les regles de cet art. C’est-là une cabale, ce n’est point une interprétation naturelle & littérale. R. Jacob-Ben Ascher, surnommé Baal Haaturim, est un compilateur de presque toutes les cabales inventées avant lui sur les cinq libres de Moïse.

Cabale, signifie aussi dans quelques Auteurs la connoissance des choses qui sont au-dessus de la lune, des corps célestes, de leurs influences. La cabale, en ce sens, est la même chose que l’Astrologie judiciaire, ou elle en fait partie.

Cabale, signifie figurément une société de personnes qui sont dans la même confidence, & dans les mêmes intérêts : mais il se prend ordinairement en mauvaise part. Coitio, fattio. Tous ces gens-là sont d’une même cabale. On le dit aussi des complots & des entreprises secrettes, des desseins qui se forment dans cette société de l’Etat, ou contre les particuliers. Clandestina coitio, conjuratio. On a fait une cabale pour décrier cette Tragédie, Former des cabales contre quelqu’un. Bouhours. Comme il étoit habile & homme de cabale, il ne manqua pas d’artifice pour le justifier. Bouch. A Rome, comme aujourd’hui, la cabale l’emportoit sur le mérite, & décidoit du sort des Ouvrages. Dac. Elle formoit incessamment des cabales qui divisoient toute la Cour. Mlle l’Héritier.

Cabale. Il veut dire encore, la troupe même de ceux qui sont de la cabale ; comme, c’est sa cabale. On a exilé toute la cabale. Acad. Fr.

Cabale, se dit aussi de quelques sociétés d’amis qui ont entr’eux une liaison plus étroite qu’avec d’autres sans avoir aucun mauvais dessein ; comme pour se divertir, pour étudier. Societas. Je crois qu’il vaudroit mieux donner un autre nom à une pareille société. Il me semble que le mot cabale se prend nécessairement en mauvaise part.

CABALER, v. n. Faire une cabale. Clandestinam societatem coire, facere, conjurare. Cette ville est remplie de gens qui cabalent contre l’Etat. Il se prend toujours en mauvaise part.

CABALEUR. s. m. Celui qui cabale, qui est du nombre de ceux qui cabalent, ou le promoteur de la cabale. Factiosus. Franc cabaleur, adroit, rusé, ardent, dangereux.

CABALEZET ou KABALEZET. s. m. est le nom d’une étoile fixe qui s’appelle autrement cœur du lion, Basilic, & Regulus. Voyez ces mots.

☞ CABALIG. Ville d’Asie, dans le Turquestan. long. 103, lat. 44.

CABALISTE. s. m. Celui qui fait la science de là Cabale. Savant dans la cabale des Juifs Occultæ Hebræorum disciplinæ peritus. Artis cabalisticæ studiosus, peritus, Cabalista, Cabalisticus. Les Rabbins sont grands Cabalistes. Vouloir guérir les Cabalistes par raison, c’est entreprendre l’impossible. Ce sont des visionnaires sérieux qu’on ne ramène guère. Savant, habile, docte, profond Cabaliste.

☞ On ne dit point cabaliste, mais cabaleur, en parlant de ceux qui font des cabales.

Cabaliste. Terme de commerce, qui est en usage à Toulouse, & dans toute la Province de Languedoc. C’est un marchand qui ne fait pas le commerce sous son nom, mais qui est intéressé dans le négoce d’un marchand en chef.

CABALISTIQUE. adj. Qui appartient à la cabale. Cabalisticus : l’art cabalistique : une interprétation cabalistique : les subtilités cabalistiques sont de pures visions & superstitions. Tâchez de vous rendre digne de recevoir les lumières cabalistiques. Abb. de Villars. Les puérilités de l’art cabalistique. P. Souc.

CABALLIN, INE. adj. Qui appartient à la fontaine des Muses ; sur le mont Helicon, dans la Béotie ; appelée en latin fons caballinus, du mot latin caballus. On sait que le cheval Pégase d’un coup de pied fit paroître cette fontaine : c’est pourquoi les Grecs la nommoient hipocrène, fons equi, la fontaine du cheval.

CABAN. s. m. Vieux mot. Manteau pour se garantir de la pluie, avec des manches, qu’on porte à cheval. Penula. Ménage le fait venir de cappa, cappe, C’est aussi parmi les Matelots de Provence un habillement en temps de pluie avec des manches, & un capuchon. Il a la même signification que Capot. Cucullus nauticus. Caban est fait de Cappanum ; formé de cappa. Les Espagnols & les Italiens chez qui le gaban, ou gabbano, est encore en usage, entendent par ces mots, une sorte de casaque fort longue qu’ils portent buvette. Remarques sur la Satyre Ménippée.

CABANE. s. f. Maisonette, bâtie ordinairement de bauge & couverte de chaume. Casula. Les Solitaires méprisoient le séjour des villes, pour aller dans les déserts habiter des cabanes. Du Pin. Malherbe a dit en parlant de la mort :

Le pauvre en sa cabane où le chaume le couvre,
Et sujet à ses loix ;
Et la garde qui veille aux barrières du Louvre,
N’en défend pas nos Rois.

On appelle cabane de Berger, une manière de petite chambre faite de planches, que l’on fait aller d’un lieu à l’autre, par le moyen de quatre roulettes qui la soutiennent.

Cabane. Terme d’Oiselier. Espèce de petite loge où l’on ne voit le jour que par un endroit, & où l’on fait nicher des oiseaux. Il y en a aussi de très-éclairées, où l’on fait couver des oiseaux.

Ce mot vient de l’Italien capanna, qui signifie petite maison de chaume, qui a été fait du grec καπανα, signifiant crèche. Ménage. Isidore dit que le mot de capanna vient ex eo quod unum tantùm hominem capiat. Les Espagnols disent aussi cabana.

Cabanes, en termes de Marine, sont de petits logemens de planches pour coucher les Pilotes, & autres Officiers de Marine, qui sont fort étroits & en forme d’armoires, pratiqués en divers endroits du château de poupe, ou le long des côtés du vaisseau.

Les Bateliers appellent aussi cabane, un bateau couvert d’une toile que l’on nomme banne, soutenue sur des cerceaux pliés en forme d’arc, pour garantir les passagers du soleil ou de la pluie.

Cabane, est aussi un bateau à fond plat, & couvert de planches dont on se sert sur la rivière de Loire. Cymba.

CABANER. v. n. Ce mot est particulièrement en usage parmi les gens qui voyagent aux Indes Occidentales. Il signifie, être, se mettre sous des cabanes. Cajas construere, ædificare. Quand le mauvais temps vient, on est contraint de cabaner. Les Sauvages cabannent autour de leur Capitaine. Denys, p. 1, c. 7. Il signifie aussi être en cabane, en parlant des oiseaux. Faire cabaner des serins.

CABANUARIA. s. f. C’est une ferme ou métairie, comme dit Salvin en son Traité des droits des fiefs, chap. 97.

☞ CABARER. v. n. Terme de brasserie, qui signifie jeter les métiers, ou l’eau d’un vaisseau dans un autre, soit avec le jet, ou le chapelet. Encyc.

CABARET. s. m. Lieu où l’on vend du vin en détail. Caupona, popina, taberna. On confond aujourd’hui ce mot avec celui de taverne. ☞ Autrefois dans les tavernes on ne vendoit que du vin, sans y donner à manger ; au lieu qu’on donnoit à manger dans les cabarets. De-là les mots tabernæ & popinæ chez les Romains. Maintenant les professions d’Hôtelliers, de Cabaretiers & de Taverniers sont confondues.

☞ Il semble que dans l’usage ordinaire, le mot de taverne dise quelque chose de plus odieux que celui de cabaret.

Ménage croit que ce mot vient de capretum, qui a été fait du grec κάπη, qui signifie lieu où l’on mange. Adrien Scriek dérive ce mot de cabaret de l’hébreu cabar, חבר, assembler, réunir, parce qu’on s’assemble dans les cabarets, sur-tout lorsqu’on est en voyage.

On appelle cabaret borgne, un méchant cabaret qui n’est fréquenté que par de pauvres gens, qui est obscur, mal propre, & mal servi.

On dit proverbialement & populairement qu’il y a du vin au cabaret à tout prix ; pour dire, qu’il faut faire la différence entre les choses, & qu’il y en a de diverse valeur. On dit aussi qu’un homme fait de sa maison un cabaret ; pour dire que tout le monde est bien venu à boire & à manger chez lui.

Cabaret. Espèce de petite table, ou plutôt plateau, dont les bords sont relevés, ordinairement couvert de vernis, sur lequel on met des tasses & des soucoupes, pour prendre du thé, du café, &c. Un cabaret de la Chine, du Japon.

Cabaret. Terme de Botanique. Asarum. s. n. Plante dont les racine est menue, traçante & fibreuse. Son odeur est très-forte, aromatique, tenant de le grande Valeriane & du Nard Indien ; c’est ce qui empêche de la joindre aux fleurs dont on forme des bouquets ; & c’est par cette raison qu’on la nomme Asarum, de l’a privatif, & de σαίρω, orno, ἄσαρος, non ornatus. Ses feuilles naissent des nœuds de la racine ; leur contour est pareil à celui de l’oreille extérieure, d’où vient le nom d’oreille d’homme, que quelques Botanistes ont donné à l’Asarum. Elles sont d’un vert foncé en dessus, plus pales en dessous, & sont portées par des queues qui ont deux à trois pouces de longueur. Ses fleurs naissent du même endroit que les feuilles, mais leur pédicule n’a guère qu’un pouce de longueur. Ces fleurs sont d’une seule pièce à six pans, d’un vert brun, tirant sur le rouge, longues de six lignes environ jusque vers son évasement, où elle se décharge en trois quartiers pointus, longs de quatre lignes ; teintes en dedans d’un rouge brun foncé. Cette fleur renferme plusieurs étamines, & un pistil qui devient, conjointement avec la fleur qui s’y colle, un fruit contenant six ordres de semences, semblables en quelque façon à des pépins de raisins.

Les racines de Cabaret entrent dans la Thériaque : données en substance, ou infusées dans du vin, elle sont vomir ; au lieu qu’étant mises en décoction dans de l’eau, elle deviennent diurétiques. Ses feuilles purgent encore plus violemment que ses racines.

Il y a une espèce de Cabaret qui croît en Canada, & qui n’est guère différent de celui d’Europe que par ses feuilles, qui quoiqu’arrondies se terminent en pointe. Ses racines ne sont pas vomitives, & son odeur n’est pas si désagréable. Le cabaret croît en plusieurs endroits du Royaume.

CABARETIER, IÈRE. s. m. & f. Qui tient un cabaret. Caupo, Tabernarius. Le Maître, la Maîtresse d’un cabaret. Les Cabaretiers n’ont point d’action pour le vin vendu chez eux en détail & par assiette, suivant l’article 128 de la coutume de Paris, & le 535e de la coutume de Normandie. Plutarque témoigne que les Lydiens furent les premiers cabaretiers. Horace les appelle perfides & trompeurs, à cause du mêlange de leurs vins. Perfidus hic caupo. On ne prononce point l’r finale dans le Cabaretier. On dit mal Cabartier & Cabartière.

CABARETIQUE. adj. de cabaret. L’hôtesse dit cela d’un ton si gravement cabarétique, que la rancune jugea qu’elle avoit raison. Rom. Com. Je ne sais s’il y en a des exemples ailleurs.

CABARNE. s. m. Cabarnus. Prêtre de Cérès dans l’Île de Paros. Le Géographe Etienne au mot Πάρος, dit que cette Île fut aussi nommée Κάϐαρνις, Cabarnis, & que ces noms venoient de Κάϐαινος, qui fut celui qui apprit à Cérès l’enlévement de sa fille Proserpine ; mais d’autres traitent cette étymologie de fable, & disent que Cabarne est un mot phénicient, que קרב Kareb, s’est dit dans cette langue aussi bien qu’en hébreu, pou, offrir en sacrifice, & קרבן, Korban, pour, oblation ; que de-là par la transposition du resch, r, & du beth, b, s’est fait קברנן, Kabarnin, pour, Karabnin, qui signifie, ceux qui offrent, qui font des oblations, des Prêtres ; & que c’est de-là que les Cabarnes ont pris leur nom.

☞ CABARRE. s. m. On donne ce nom à toutes sortes de petits bâtimens à fonds plats qui servent à secourir & alléger les gros vaisseaux en mer. Les Suédois & les Danois les appellent Clincar. Encyc.

CABAS. s. m. Panier de jonc où l’on met des figues. Fiscina. Il signifie aussi les figues qui y sont contenues. Ficorum fiscina. Ce Marchand a fait venir deux cens cabas de figues.

Leur Avocat disoit qu’il falloit bel & bien
Recourir aux arrêts : en vain ils les chercherent.
Car en certain cabas, où leurs gens les cacheret,
Les Souris enfin les mangerent. La Font.

Ménage dérive ce mot de l’italien cabaco, qu’il dit avoir été fait de cobacus latin. D’autres disent que c’est un mot hébreu retourné, sabac, qui signifie implexum esse. Il peut venir aussi de cabasset, parce qu’il a la même figure, & ressemble à une coiffe. Ces deux mots viennent de caput.

☞ CABAS, se dit aussi d’un grand coche de messagerie, dont le corps est d’osier clissé.

CABASSER. v. n. Vieux mot. Machiner quelque tromperie. Machinari.

Journellement chacun son cas pourchasse :
Noises y sont : on y trompe & cabasse.

CABASSET. s. m. Vieux mot qui signifioit autrefois une arme défensive qui couvroit la tête, une armure de tête. Cassis, galea.

Ce mot, selon Nicot, vient de l’hébreu coba, qui signifie un casque ou heaume, ou de l’espagnol cabeça, tête. L’Espagnol dit aussi bassinet, parce qu’il approchoit de la figure d’un bassin.

On dit proverbialement qu’un homme a bien du bon sens, ou de la malice, sous son cabasset ; pour dire, dans sa tête.

CABASSON. s. m. Poisson, le même que Lavaret. Lavaronus. Voyez ce mot.

CABAT. s. m. Vieux mot, qui veut dire une certaine mesure de blé. Il vient du grec κάϐας, qui veut dire la même chose ; & qu’Hesychius explique aussi pour une mesure de vin.

☞ CABAY. s. m. Nom que les Indiens & les habitans de l’Île de Ceylan & d’Arracan donnent à des habits faits de soie ou de coton, ornés d’or, que les principaux du pays ont coutume de porter. Encyc.

CABEÇA ou CABESSE. s. f. Les Portugais qui font le commerce des soies dans les Indes Orientales, ses distinguent par les mots de Cabeça, & de Bavillo, c’est-à-dire, tête & ventre. Les soies Cabeça sont les plus fines.

CABEER. f ; m. Monnoie de compte dont on se sert à Mocha.

☞ CABELA. Nom d’un fruit des Indes Occidentales, ressemblant beaucoup à nos prunes.

CABELIAU. s. m. Voyez Cabillaud.

CABESAS. s. m. Espèce de laines qui viennent d’Estramadure.

CABESTAN. s. m. L’s se prononce. Quelques-uns écrivent Capestan. Terme de marine. C’est un cylindre, ou un essieu, posé perpendiculairement, lequel se tourne, par le moyen de quatre leviers, ou barres qui le traversent ; & par le moyen d’un cable, qui est tourné sur ce cylindre, il sert à enlever ou à tirer les plus gros fardeaux qui sont attachés au bout de ce cable. Ergata. C’est : en virant les cabestans qu’on remonte les bateaux, qu’on tire sur terre les vaisseaux pour les calfater, qu’on les décharge des plus grosses marchandises, qu’on leve les ancres & les voiles, &c. Il y a deux cabestans sur les vaisseaux. Le grand cabestan est posé sur le premier pont, & s’éleve jusqu’à quatre ou cinq pieds de hauteur au-dessus du deuxième. On le nomme cabestan double, à cause qu’il sert à deux étages pour lever les ancres, & qu’on peut en doubler les forces, en mettant du monde sur les deux ponts pour le virer, étant garni de barres & d’autres pièces, comme taquets, entremises & languettes, pour le tourner & arrêter.

Le petit cabestan, ou cabestan simple, est posé sur le second pont entre le grand mât & le mât de misaine. Il sert à faire isser les mâts de hune & les grandes voiles, où il faut moins de force que pour élever les ancres. On appelle cabestan à l’angloise, celui où l’on n’emploie que des demi-barres, & qui à cause de cela n’est percé qu’à moitié. Il est plus renflé que les cabestans ordinaires. Il y a aussi un cabestan volant. C’est celui qu’on peut transporter d’un lieu à un autre. On dit, virer le cabestan, pousser au cabestan ; pour dire, faire tourner le cabestan. On dit aussi, envoyer les Pages au cabestan ; pour dire, ordonner que les garçons du vaisseau, qui ont commis quelque faute, aillent au lieu où ils doivent être châtiés. Sur la mer du Levant on l’appelle girel.

CABESTERRE. s. f. Terme de relation. On appelle Cabesterre dans les Antilles, la partie de l’Île qui regarde le levant, & qui est toujours rafraichie par les vents alises. La cabesterre est opposée à la basse-terre. La mer de la cabesterre est bien plus rude que celle de la basse terre, & est ordinairement remplie de roches & de falaises. Le P. Labat. Peut-être qu’il faut prononcer Cap-est-terre ; mais l’usage est pour cabesterre, c’est toujours une corruption de Cap-est-terre, c’est-à-dire, terre qui forme un cap à l’Est.

☞ CABIGIAK & CAPIHAK. Tribu des Turcs orientaux, à laquelle Oghuz-Kan donna ce nom. Ce Prince qui faisoit la guerre à un Prince de la nation des Tartares, fut obligé de reculer. Une femme de son armée pressée d’accoucher se retira dans le creux d’un arbre où elle accoucha d’un fils. Oghuz prit soin de l’enfant, le fit élever comme son fils, & pour marquer la singularité de sa naissance , lui donna le nom de Cabigiak, qui signifie écorce de bois. Cabigiak eut une postérité fort nombreuse, qui se répandit jusqu’au bord de la mer Caspienne. Ces peuples sont encore aujourd’hui connus fous le nom de Deschtkitchatk. C’est d’eux que sortirent les armées qui ravagerent les états que les Mogols possédoient dans la Perse. Ce fut chez eux, que Bajavet, premier Sultan des Turcs, leva des troupes pour les opposer à Tamerlan. D’Herb. bibliot. Orient. cité par Mor.

☞ CABIDOS. Voyez Cavidos.

☞ CABILLAUD ou CABLIAU. Asellus. Grand poisson de mer ainsi nommé par les Hollandois. On le pêche dans tous les ports de mer où il se trouve en abondance. C’est une espèce de morue fraiche Voyez Morue.

CABILLAUX. s. m. pl. C’est le nom d’une faction qui s’éleva en Hollande en 1350, dont parle Jean de Leyden, L. 29, ch. 16. Cabelgenses. Cabeliau, ou Cabilliaux, signifie un poisson de mer, appelé en latin Asellus. Cette faction avoit pris ce nom pour faire entendre qu’elle terrasseroit ses ennemis, avec autant de facilité, que ce poisson dévore les autres poissons. Ceux de la faction opposée s’appeloient Hoekenses, d’un mot qui signifie hameçon, parce qu’ils espéroient surprendre leurs ennemis comme on attrape le poisson.

CABILLE ou CABILAH. s. f. Terme de relation.C’est chez les Arabes une Tribu qui vit sous un Chef qu’ils se choisissent. Ces Tribus Cabilles sont indépendantes, & ne reconnoissent aucun Souverain Ce sont des troupes de vagabonds qui marchent sous un chef qu’ils appellent Cacique. On compte quatre-vingt de ces Tribus parmi les Arabes. D’Herb. Ozanam.

CABILLOTS. s. m. pl. Terme de marine. Petits bouts de bois qu’on met au bout de plusieurs herses qui tiennent aux grands haubans. Leur usage est de tenir certaines poulies dit vaisseau ; On appelle aussi Cabillots, de petite chevilles de bois qui tiennent aux chouquets avec une ligne, & qui servent à tenir la balancine de vergue de hune, quand les perroquets sont serrés.

☞ CABIN. Petite rivière de France, en Gascogne, dans le Tursan.

CABINET. s. m. Le lieu le plus retiré dans le plus bel appartement des palais, des grandes maisons. Conclave, secretius cubiculum. Les Officiers du Cabinet du Roi. Le Secrétaire, l’Huissier du Cabinet. C’est un favori, il a entrée dans le Cabinet.

Ménage dérive ce mot de Cavinettum.

Cabinet, signifie aussi une pièce d’appartement & un lieu retiré dans les maisons ordinaires, où l’on étudie, où l’on se séquestre du reste du monde, & où l’on serre ce qu’on a de plus précieux. Musœum. La place qui contient une bibliothèque, s’appelle aussi un cabinet. Ce Savant est toujours enfermé dans son cabinet. Il y a des gens qui écrivent bien, & qui perlent mal ; la raison est qu’ils ont besoin de tout le calme du cabinet pour bien arranger leurs pensées. S. Evr. On ne perd qua dans le commerce du monde cette contenance embarrassée, & cet air sombre qu’on acquiert dans le cabinet & dans la solitude. Idem.

Cabinet de Glaces. Cabinet dont le principal ornement consiste en un lambris de revêtement fait de miroirs, pour donner plus d’apparence de grandeur au lieu, & pour réfléchir & multiplier les objets. Conclave laminis cristallinis laqueatum.

Cabinet de Tableaux, de Livres, &c. est un cabinet où l’on garde des tableaux, des livres, &c. On dit plus particulièrement cabinet de livres, quand on n’a qu’une petite quantité de livres, qui ne suffit pas pour une bibliothèque : je n’ai point de Bibliothèque, je n’ai qu’un cabinet de livres.

Cabinet de Toilette. Pièce om les Dames se retirent pour faire leur toilette. Voyez Toilette.

Cabinet d’aisance. Lieu où sont placées les commodités connues aujourd’hui sous le nom de lieux à soupape. Molière a dit dans le Misanthrope, en parlant d’un méchant sonnet :

Franchement il n’est bon qu’à mettre au cabinet.

Cabinet, se dit aussi de ce qui est contenu dans un cabinet, curiosités, pièces antiques, médailles, tableaux, ciquilles, & autres rareté de la nature & de l’art. Le Cabinet d’un tel curieux vaut cent mille francs.

On dit chez le Roi, & chez quelques Grands Seigneurs, le cabinet des livres, des armes, des médailles, pour signifier les lieux où ces choses sont rangées, & les choses mêmes qui y sont conservées. Armarium, cimelium. J’ai en main une médaille du cabinet du Roi, &c. P. Souc. On dit aussi des cabinets des Particuliers ; le cabinet de Sainte Géneviève, des Jésuites du Collège de Paris, de M. Foucault, de M, de Wilde, du Comte de Pembtoch, &c. Idem.

Cabinet, est aussi un buffet où il y a plusieurs volets & tiroirs pour y enfermer les choses les plus précieuses, ou pour servir simplement d’ornement dans une chambre, dans une galerie. Un cabinet d’Allemagne, Armarium Germanicum ; d’ébène, ex ebeno. Il y a de magnifiques cabinets dans la Galerie du Roi. Cabinet de marqueterie, est un cabinet dont les ornemens sont de bois de diverses couleurs, ou de pièces de rapport.

Cabinet d’orgues, est une petite orgue portative, qui est une espèce de positif compose d’un plus grand ou d’un plus petit nombre de jeux, selon la volonté du maître. Organi musici Armarium. Dans des cabinets d’orgues on ajoute quelquefois un jeu d’épinette, où le même clavier fait parler en même tems les tuyaux & les cordes qui sont accordées à l’unisson, ou à l’octave.

Cabinet d’Histoire-Naturelle, appartement d’une ou de plusieurs pièces propres à contenir des collections en tout genre, des différentes productions de la nature dans le règne animal, végétal & minéral, rangées par ordre méthodique, & distribuées de la façon la plus convenable à l’étude de l’histoire-naturelle.

☞ Celui du jardin du Roi est un des plus riches de l’Europe.

Cabinets Secrets, en physique, sont des cabinets dont la construction est telle, que la voix de celui qui parle à un bout de la voute, est entendue à l’autre bout.

Cabinet, signifie figurément ce qui se passe, ce qui le dit dans un cabinet, soit à l’égard des Princes pour le Conseil qui s’y tient, soit pour l’étude qu’y font les Particuliers. Ainsi quand il s’agit de la Cour & du Roi, le mot de cabinet signifie le Conseil particulier du Roi, & les secrets les plus cachés. Secreta, arcana consilia. Régenter le Cabinet. La Rochef. Justinien fut un Empereur de cabinet, & propre seulement à faire la guerre de loin ; mais qui en récompense prétendoit exceller dans les combats de doctrine, & entendre mieux que personne les controverses de ce temps-là. P. Doucin. Charles V, Empereur n’étoit pas grand Capitaine, mais c’étoit un grand homme de cabinet. Ce courtisan sait tous les secrets du cabinet. Ce Jurisconsulte ne sait pas plaider ; mais il est très-habile dans le cabinet, c’est-à-dire, pour la consultation.

On dit aussi qu’un homme tient cabinet ; pour dire, qu’il reçoit chez lui les honnêtes gens qui s’y veulent assembler, pour faire une conversation savante & agréable. Meilleurs du Puy ont long-tems tenu cabinet dans la bibliothèque de M. de Thou. M. Ménage tenoit souvent cabinet chez lui.

Cabinet de Treillage, est un lieu couvert au bout des allées d’un jardin, où l’on se repose, composé seulement de verdure soutenue par des barreaux de fer ou des perches. Pergula, trichila. Un cabinet de chèvrefeuille, de filaria, &c. Cabinet de verdure, est aussi une espèce de berceau, fait par l’entrelacement de branches d’arbres.

Cabinet de Jardin, Petit bâtiment isolé en manière de pavillon, ouvert de tous côtés, qui sert de retraite contre les ardeurs du Soleil pour y prendre le frais. Umbraculum, curta pergula, trichila, nubilarium, suffugium imbris & solis.. Le nom de salons convient mieux à ces espèces de cabinets. Lorsqu’ils sont accompagnés de quelques autres pièces, on les nomme belvedères.

CABIRES. Terme de l’ancienne Théologie des Païens, qui signifie, selon son étymologie qui est Phénicienne, puissans Dieux. C’étoit le nom qu’on donnoit aux Dieux des Samothraciens. Ils étoient aussi adorés en quelques lieux de la Grèce, comme à Lemnos & à Thebes, où l’on célébroit les Cabiries en leur honneur. Sanchoniaton dit que les Phéniciens les honoroient aussi. Euseb. Præp. Lib. I. Diodore de Sicile dit, Liv. V, qu’ils passoient pour avoir trouvé l’usage du feu, & l’art de faire des ouvrages de fer. C’est pour cela que sur une médaille de Gordien III, & sur une de Furia Sabinia Tranquillina, toutes deux de la ville de Carrhes, où les Cabires étoient adorés, il y a un Cabire sur une colonne, tenant de la main droite un marteau. Vaillant, Num. Imper.p. 205 & 223,& Hérodote remarque dans son III Liv., que les Cabires étoient représentés semblables à Vulcain. Une inscription grecque qui est à Venise les appelle grands Dieux & Dioscoures, qui est un nom affecté à Castor & à Pollux, comme si ces Dieux avoient été du nombre des Cabires. Elle porte,

ΓΑΙΟΣ ΓΑΙΥ
ΑΧΑΡΝΕΥΣ ΙΕ
ΡΕΥΣ ΓΕΝΟΜΕ
ΝΟΣ ΘΕΟΝ ΜΕ
ΓΑΛΟΝ ΔΙΟΣ
ΚΟΡΩΝ ΚΑΒΕΙΡΩΝ

Vossius a parlé des Cabires dans son Liv. II des Idol, c. 31, p. 235, 236. C. 53, p. 302, & C. 57, p. 311.

De Méziriac, dans son Commentaire sur l’Epître de Didon à Enée, après avoir rapporté sur ce sujet un long passage de Varron, pris de Servius, ajoute ces paroles : on peut tirer de ce passage avec Scaliger, que ces Dieux Samothraciens, qui étoient nommés puissans, sont les mêmes qu’on appeloit Cabires, d’autant que Caber, en langue Phénicienne ou Syriaque, signifie puissant. Nonnus, Liv. XIV, des Dionysiaques, fait mention de deux Cabires. nommés Aleon & Eurymédon, & dit qu’ils étoient fils de Vulcain & d’une Nymphe Thracienne, appelée Cabire ou Cabre. Il fait néanmoins dans ses Livres XXVII, XXIX & XXX, cette Nymphe mere des Cabires.

De Méziriac rapporte encore au même endroit cette remarque du Scholiaste d’Apollonius, sur le premier livre des Argonautes, touchant les Cabires. En l’Île de Samothrace on s’initie aux Cabires, & Mnaseas rapporte même leurs noms. Ils sont au nombre de quatre, savoir, Axierus, Axiocersa, Aciocersus : Axierus, c’est Cérès ; Axiocersa, c’est Proserpine ; Axiocersus, c’est Pluton. La quatrième qu’on ajoute, nommé Casmilus, c’est Mercure, au rapport de Dionysodorus. Athenée dit que Jason & Dardanus furent engendrés de Jupiter & d’Electra, & qu’il lui semble qu’ils furent appelés Cabires, dont le plus ancien, c’est Jupiter, le plus jeune, c’est Bacchus. Voilà ce que le Scholiaste d’Apollonius a remarqué touchant les Cabires, dont il est aussi parlé dans Strabon. Hésychius dit que ces Cabires, qui sont fils de Vulcain, étoient fort honorés dans l’Île de Lemnos. Hérodote, Liv. III, les fait aussi fils de Vulcain. Voyez de Méziriac, qui s’étend fort au long sur les Cabires. Bochart en parle presque de la même manière dans la seconde partie de sa Géographie sacrée, Liv. I, ch. 12, & selon sa méthode ordinaire, il remonte jusqu’à la langue Phénicienne, d’où les Grecs ont formé les noms des Dieux Cabires, en les accommodant au génie de leur langue.

Le mot de Cabires a un autre sens dans Origène contre Celse, où il se prend pour les anciens Persans. M. Hyde, qui a donné depuis peu une histoire de la Religion des anciens Persans, tirée de leurs écrits en leur langue, a remarqué que le mot de