Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BASILIC

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 781-782).
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BASILIC. s. m. Animal fabuleux que les anciens mettoient au rang des serpens dont il étoit le roi. Basiliscus. Galien dit que le basilic est un serpent jaunâtre, ayant la tête munie de trois petites éminences, marquetées de taches blanchâtres en forme de couronne ; ce qui l’a fait nommer Roi des serpens. Sa morsure, son sifflement & son toucher, font mourir tous les autres animaux. Aucune bête n’ose manger de sa charogne quand il est mort. On meurt subitement pour en avoir mangé, ou même pour avoir mangé des bêtes mortes par sa morsure. Elien dit qu’il n’a pas plus d’une palme, & que son venin est si pénétrant, qu’il fait mourir les plus grands serpens par sa seule vapeur, & qu’il tue soudain ceux qui l’ont touché de loin avec une perche, ou autre arme d’hast ; qu’il fait mourir toutes les plantes par où il passe ; qu’il brûle les herbes, & rompt les pierres, tant sa vapeur est venimeuse. Pline dit que dans la région Cyrénaïque en Ethiopie, autour de la fontaine Nigris, qu’il croit être la source du Nil, il y a un serpent qu’il nomme Catoblepas, qui est petit, & incommodé de ses membres, qui a la tête si pesante, qu’il ne la peut soutenir, c’est pourquoi il la porte toujours inclinée vers la terre ; qui est si venimeux, qu’il tue tous ceux qui l’ont seulement regardé ; (il entend parler du basilic) que la belette est son ennemie ; & que si on en fait jeter une dans sa tanière, elle tue & étouffe le basilic par son haleine & son odeur. Et Solin dit que ceux de Pergame achetèrent chèrement un corps mort de basilic, pour empêcher les araignées de faire leurs toiles dans le Temple d’Apollon.

Le P. Roger Récolet, dans sa Terre Sainte, Liv. I, ch. 12, dit qu’il en a vu un mort, & le décrit ainsi : c’est une espèce de lézard d’environ un pied & demi de long, de couleur grise, tirant sur le roux, la peau rude, la tête assez longue, sur laquelle il y avoit six petites marques blanches un peu élevées, qui présentoient la forme d’une couronne ; son regard est audacieux comme celui d’un coq. Il ajoute qu’un Marchand Lyonnois, nommé Mertier, en avoit eu un petit vif, qu’il envoya mort au Cardinal de Richelieu ; qu’il faut être à une certaine distance ; qu’il tue de son regard ; car, dit-il, s’il voit un homme ou un animal par les pieds, ou par le côté, ou par le dos, ou bien que l’on ne s’arrête pas un peu à lui regarder les yeux, il ne pourra pas lancer son venin, encore moins par les mains, ni par la face, ni par aucune autre partie que par les yeux ; que Dieu a donné à cet animal un instinct, qui fait que toutes les fois qu’il sort de sa caverne, il crie deux ou trois fois d’une voix lamentable, qui donne l’effroi, & qui avertit les autres animaux de se retirer ; que sous Léon IV on trouva à Rome un basilic, lequel de son regard fit mourir plusieurs personnes.

☞ On ajoute qui si le basilic regarde quelqu’un le premier, il le tue ; mais que le contraire arrive, & qu’il meurt lui-même, s’il est regardé le premier : enfin que la salive d’un homme à jeun, ou qui a communié, le fait mourir. Le basilic, selon l’opinion commune, naît de l’œuf d’un vieux coq. Toutes ces particularités dont on n’a jamais pu s’assurer, à moins qu’on n’en ait nourri & élevé quelqu’un, & tous les contes qu’on a débités à ce sujet, absurdes ou peu vraisemblables, font regarder le basilic comme un animal fabuleux, qui n’a jamais existé que dans l’imagination de quelques hommes prévenus ou entraînés par l’amour du merveilleux.

☞ Ce mot vient du grec βάσιλευς, Roi.

Un basilic, avec ce mot, aut perit, aut perimit, peut faire une devise assez juste pour bien des choses. Un Italien a remarqué par-là qu’il faut étouffer une passion naissante, ou qu’elle donnera la mort.

Basilic, en termes de Philosophie hermétique, c’est la pierre au blanc ou au rouge parfait, qui tue le mercure ; c’est-à-dire, qui le fixe, comme le basilic tue de sa vue, & rend immobiles ceux qu’il regarde.

Basilic, en termes d’Artillerie, est le plus gros des canons, qui porte jusqu’à 160 livres de balle mais il n’est plus de service. De la Font. Hanzelet l’appelle double coulevrine, & lui donne 26 calibres de long, & 28 livres de balle.

Basilic, s. f. Terme d’Astronomie. Voyez Basilique.

Basilic. Terme de Botanique, s. m. Ocimum basilacum. Plante annuelle qu’on seme dans les jardins, & qu’on a nommée ainsi, ou parce que son odeur la rendoit digne d’être présentée aux Rois, ou parce qu’on prétendoit qu’elle engendroit les basilics, les scorpions & autres insectes venimeux. On a cru qu’ocimum venoit du mot grec ὠκὺς, celer, velox ; c’est-à-dire, vite, prompt, à cause que sa semence ne demeure pas long-temps en terre, & qu’elle leve assez vite. Il y a plusieurs espèces de basilic. On les distingue ordinairement en grands, ocimum majus ; en moyens, ocimum medium ; en petits, ocimum minus ; & en très-petits, ocimum minimum. Le grand basilic s’éleve environ à la hauteur d’un demi-pied, & est branchu garni de grandes feuilles, & pareilles à-peu près à celles du citronier, ocimum majus citrii folio : elles sont quelquefois bosselées & godronnées, ocimum majus bullatum ; d’autrefois dentelées profondément, & on le nomme pour lors basilic à feuilles de chêne. Ces grandes espèces sont vertes le plus souvent, teinte quelquefois d’un pourpre noirâtre, ou d’un violet. Leurs épis sont longs dans certaines espèces, courts & ramassés dans d’autres. Leur odeur varie, les uns sentent très fort le clou de girofle, les autres ont quelque chose d’approchant du storax liquide, & quelques-uns une odeur mêlée & désagréable.

Le moyen basilic est plus petit dans toutes ses parties que le précédent : ses feuilles sont beaucoup moins grandes : elles sont arrondies, velues ou glabres, vertes, ou entièrement teintes de pourpre, ou mêlées de pourpre, de jaune & de vert, ce qui forme le basilic tricolor.

Le petit basilic approche du moyen ; il en diffère néanmoins par sa petitesse, & parce qu’il est plus branchu : ses feuilles ressemblent à celles de la marjolaine : c’est cette espèce qu’on met sur les fenêtres, & qui s’arrondit si bien. La plus petite espèce est plus basse & plus menue, & ses feuilles se peuvent comparer à celles du serpolet.

Toutes ces espèces ont leurs fleurs en gueule, blanches, ou purpurines, suivant que leurs tiges & leurs feuilles sont teintes. Chaque fleur est un tuyau découpé par le haut en deux lèvres, dont la supérieure est arrondie, relevée, crénelée, & plus grande que l’inférieure, qui est ordinairement frisée, ou légèrement crénelée. Son pistil est composé à la base de quatre embryons, qui deviennent ensuite autant de semences oblongues, menues & brunes, ou noirâtres, enfermées dans une capsule qui a servi de calice à la fleur. Cette capsule est découpée en deux lèvres, dont la supérieure est relevée & échancrée, l’inférieure est dentelée. Le basilic a une odeur aromatique, très-forte, & qui entête lorsqu’on le sent trop long-temps, ou de trop près, ou qu’il est vert. Le basilic aime l’humide, & une terre un peu légère, ce qui convient assez aux scorpions ; c’est pourquoi il n’est pas étonnant de voir sous des pots de basilic de ces insectes. Les histoires qu’on rapporte de quelques personnes qui avoient fait usage du basilic en poudre en guise de tabac, & dans le cerveau desquels on a trouvé des scorpions, doivent être regardées comme fausses, quoiqu’en disent ceux qui croient que les scorpions aiment l’odeur de cette plante, s’en approchent, & font leurs œufs sous ses feuilles, qui dans la suite viennent à éclorre dans les endroits où ils ont pu pénétrer. Le basilic sec sert aux Cuisiniers, qui le mêlent dans les sausses avec les autres aromates, pour donner bon goût aux viandes. La semence du basilic entre dans quelques compositions de Pharmacie. Le basilic est du nombre des plantes aromatiques.

Le basilic, tant celui de la grande espèce que celui de la petite, ne se multiplie que de graine, qui est d’un minime noirâtre, & fort menue, un peu ovale & lisse. La Quint. Part. VI, pag. 279. On n’en sème guère que sur des couches, & cela en plein champ, comme le pourpier & les laitues. On le sème dès le mois de Février, & l’on peut continuer toute l’année. On recueille sa graine dans le mois d’Août, & d’ordinaire pour le faire grainer, on en replante au mois de Mai, soit en pot, soit en planche. La Quint. pag. 373.