Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 1/801-810

Fascicules du tome 1
pages 791 à 800

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 1, pages 801 à 810

pages 811 à 820



sur la langue, sur-tout aux enfans. βάτραχος. P. Éginéte, L. III. C. 26. Le Batrachus, dit Aétius, Tetrap. II. Serm. 4. c. 23, est une tumeur qui vient aux parties situées sous la langue, mais principalement aux veines.

☞ BATRAZAN. (le pays de) On appelle ainsi celui qui est entre Chossir, sur la rive occidentale de la mer rouge, & l’île de Suakem.

☞ BATTA. (le Duché de) Province de la basse Guinée ou de Congo, ayant au nord le Duché de Sundi & le Marquisat de Pango ; à l’orient les terres du Dembo Amulaça ; au midi les montagnes du Salpètre ; au sud-ouest le Marquisat de Pemba.

BATTAGE. s. m. Terme d’Agriculture, l’action ou le travail de battre le blé. Tritura, trituratio. Les Laboureurs disent, le bon battage des blés est lorsqu’ils ont sué dans le tas. Liger. Le battage des blés se fait en deux manières, ou plutôt il y a deux manières de les tirer de leurs épics. L’une est de frapper dessus à grands coups de fléau ; c’est la proprement ce que nous nommons battage. Quelques-uns ne veulent point qu’on appelle cela en latin tritura, ou trituratio, mais flagellatio, de flagellum un fléau ; mais tritura peut aussi convenir à cette manière. L’autre est, comme on fait en bien des pays, de faire courir dessus en tournant des mulets ou des chevaux accoutumés à cette sorte de manœuvre. C’est ce que les Anciens appeloient tritura, & trituratio. Ils se servoient aussi de bœufs, comme les Hébreux, qui en accouploient quelquefois quatre ensemble, ou bien ils les attachoient à un pieu posé dans la grange, & les faisoient trépigner le blé. Ils avoient encore un assemblage de planches qu’ils chargeoient de pierre, ou de fer, & qu’un homme monté dessus faisoit tramer sur le blé par des chevaux. Cet instrument s’appeloit traba, ou tribulus.

Battage, terme de Salpétrier. Battage se dit du temps qu’on emploie à battre la poudre dans les moulins pour faire la bonne poudre, il faut un battage de vingt-quatre heures, à 3500 coups de pilon par heure, si le mortier contient seize livres de composition. Le battage est moins rude l’été que l’hiver, à cause que l’eau est moins forte.

Battage, se dit aussi en Draperie de la préparation qu’on donne aux lames, après le triage, en les battant sur une claie de corde, pour les séparer par les coups de baguette, & en faire sortir la poussière.

BATTAISON. s. f. Ce mot n’est pas en usage aujourd’hui. M. de Cambray s’en est servi dans son parallèle de l’Architecture ancienne avec la moderne, pour exprimer l’action d’être incliné en devant.

BATTANT. s. m. L’un des côtés d’une porte qui s’ouvre en deux. Valva. Il faut ouvrir les deux battans de la porte cochère. Dans l’Eglise de Tyr, que Paulin Evêque de cette ville fit rebâtir lorsque Constantin eut donné la paix à l’Eglise, les battans étoient de cuivre, avec des liaisons de fer, ornées de sculptures agréables. Fleury. On le dit aussi des volets des fenêtres, des armoires, &c.

BATTANT, est aussi le volet d’un comptoir de Marchand, ou de Banquier, qui se leve & se baisse. Foricula. Corneille a dit dans la galerie du Palais, en faisant parler une Marchande, aussi votre tapis est tout sur mon battant.

Battant, en termes d’Histoire naturelle, se dit des deux parties d’une coquille bivalve, qui se joignent l’une contre l’autre pour enfermer l’animal. Valva. Il faut que la matière de ces corps (purifiés) ait coulé comme dans un moule, par l’ouverture que laissoient les deux battans de la coquille. Tournefort. Acad. 1700. Mém. p. 32.

Battans, en Botanique. On appelle quelquefois ainsi les deux valves ou panneaux qui forment les siliques. Voyez Panneaux.

Battant, en termes d’Anatomie, se dit des deux parties d’une valvule qui ferment & ouvrent le passage d’un canal dans le corps animal. Valvæ fores. Les battans de la valvule du colon. Quand cette partie est desséchée, les deux battans de la valvule étant plus écartés, laissent un passage plus libre à la liqueur. Journ. des Sc. pag. 613.

Battant. Terme de Rubannerie. C’est le châssis qui porte le rô pour frapper la trame. Dans ce métier ce n’est point l’ouvrier qui frappe. Il ne fait que repousser de sa main le battant, qui tenant à un ressort, est ramené de lui même, ce qui soulage le Rubannier.

Battant. C’est aussi ce qu’on appelle autrement la chasse dans les métiers d’ouvriers en soie, en laine & en fil. Les Gaziers, ou faiseurs de gaze ne se servent que du terme de battant.

Battant-l’œil. s. m. Espece de coiffure de femme dont les côtés avancent beaucoup sur le visage, principalement la portion qui est vis-à-vis des tempes & des yeux, qui est taillée exprès en cintre, vis-à-vis de ces parties ; en sorte que cette partie de la coiffe étant fort avancée, & n’étant soutenue de rien, vient frapper contre la joue & l’œil de la personne, lorsqu’elle est agitée par l’air, ce qui lui a fait donner le nom de battant-l’œil. On dit, une coiffure en battant l’œil. J’étois coiffée en battant l’œil.

Battant du pavillon. Terme de Marine. C’est la longueur qui voltige en l’air. Le pavillon a toujours un quart de battant plus que de guindant. La hauteur qui regne le long du bâton s’appelle le guindant.

Battant, en termes de Menuiserie, se dit des pièces de bois de sciage qui servent à faire des portes, & qui sont les principales pièces en hauteur, où s’assemblent les traverses Postis. Elles se débitent ordinairement de quatre pouces sur huit d’épaisseur, ou de cinq pouces sur douze. On appelle aussi battans les ventaux des portes.

Battant, se dit aussi du fer d’un loquet qui se leve, & qui s’abaisse pour fermer une porte. Pessulus.

Battant, est aussi une pièce de fer qui est suspendue au milieu d’une cloche, qui sert à la battre & à la faire sonner. Clava, tudicula, tintinnabulum. Le battant de la grosse cloche de Paris pese 1300 livres. Quelques-uns disent batail. Battant est plus usité.

Battant, gérondif du verbe battre. Plagosus.

Je ne suis point battant de peur d’être battu.
Et l’humeur débonnaire est ma grande vertu. Mol.

Battant, s’emploie encore adjectivement dans ces phrases. Métier battant, qui est actuellement employé. Porte battante, qui se referme d’elle-même.

Le mot de battant se dit aussi adverbialement dans ces phrases proverbiales, faire une chose tambour battant ; c’est-à dire, de hauteur, au vû & sû de tout le monde, sans craindre que personne l’empêche. On dit aussi des gens qu’on a mis en fuite, qu’on les a menés battant, soit à l’armée, soit dans les combats particuliers ; & figurément de ceux sur qui on a eu de continuels avantages, dans une dispute, dans un procès, ou au jeu. On dit aussi d’un habit, d’un meuble, qu’il est tout battant neuf ; pour dire, qu’il a tout son éclat, qu’il n’a point du tout servi. Je crois que cette expression vient de ce que d’abord l’on a dit bastant neuf, c’est-à-dire, valant un neuf, équivalant à un neuf, ce qui d’abord se disoit non pas des choses toutes neuves, mais si bonnes encore, & si peu usées, qu’elles valoient autant que si elles avoient été neuves ; ensuite on a prononcé battant, en ôtant l’s, & ce mot ainsi changé ne présentant plus la première idée de bastant, valant, & ne signifiant plus rien, on l’a attribué aux choses toutes neuves.

BATTE. s. m. Terme d’Artisans, qui se dit des gros maillets plats & ferrés, qui servent à battre & à aplanir des granges, à battre du ciment du plâtre, des gravois, &c. Malleus biceps. Les Jardiniers s’en servent aussi pour battre les allées des jardins. Il est impossible d’aplanir ces allées sans employer la batte. Lig.

On le dit aussi des outils des Tapissiers pour battre la bourre & la laine ; des Vaniers pour battre leurs ouvrages d’osier, &c. d’un bâton gros & court avec lequel les Bouchers battent les bœufs & les veaux quand ils sont tués, pour les attendrir.

Batte, terme de Manége. Les battes sont des parties élevées d’une selle à piquer. Elles sont élevées sur les arçons, tant par devant que par derrière, pour tenir les cuisses du cavalier, & le rendre plus ferme, & afin que les secousses du cheval ne l’ébranlent point.

Batte, terme de jeu de paume, est la partie du battoir qui frappe & qui reçoit la balle.

Batte à beurre. C’est un bâton rond d’environ deux pieds & demi de long, enchâssé par le bout à une espèce de tranchior, avec quoi on bat la crême, jusqu’à ce qu’elle se forme en beurre. Butyraria pavicula.

☞ La Batte des Carreleurs, est une règle avec laquelle ils battent & mettent de niveau les carreaux.

☞ La Batte des Blanchisseuses, est une espèce de petite pelle de bois, à manche court, avec laquelle elles battent le linge en le lavant.

☞ La Batte des Facteurs d’orgue, est une règle de bois qui sert à redresser les tables sur l’établi, & à les plier sur les mandrins.

☞ La Batte d’Arlequin est un sabre de bois dont Arlequin se sert.

Batte à Tapissier. Ce que les Tapissiers appellent battes, & dont ils se servent pour battre & écharpir la bourre & la laine, ne sont que deux cordes médiocrement grosses, attachées à quelque distance l’une de l’autre, avec lesquelles ils battent fortement sur la laine ou sur la bourre.

Batte, à la Monnoie. Ce sont des espèces de sabres de bois carrés par le bout, avec un manche arrondi, servant à fouler & à presser les sables dont on fait les moules, & leur faire prendre la forme à force de presser le sable.

Batte & queue. Il faut écrire bat. Voyez ce mot.

BATTÉE. s. f. Terme de Relieur & de Marchand Papetier. C’est ce qu’on bat à la fois de papier, ou d’un livre en blanc sur la pierre à battre.

C’est aussi une portion de laine battue sur la claie.

BATTELEMENT. s. m. Terme de Maçonnerie. C’est l’extrémité d’une couverture, dernier rang des tuiles doubles par où l’eau tombe dans les gouttières. Stillicidium.

BATTEMENT. s. m. ☞ Ce mot ne se dit guerre que dans les phrases particulières que nous allons expliquer. Battement des mains, des pieds, en signe d’applaudissement ; applaudissement en frappant des mains. Plausus. Le battement des mains, des pieds se fait en signe de joie. On dit de même, le battement des ailes ; pour dire, le mouvement des ailes des oiseaux.

☞ En Médecine on dit le battement du cœur, des artères, du pouls ; pour dire, palpitation du cœur, mouvement du cœur, des artères & du pouls. Palpitatio, palpitatus cordis, pulsus arteriarum, venarum. Il y a des Médecins qui distinguent jusqu’à 81 sortes de battemens de pouls simples, & 15 de composés. On compte environ 60 battemens de pouls à un homme tempéré dans une minute, ce qui fait 3600 battemens dans une heure. Il y a des personnes à qui on en compte 4000 & 4500. On ne sauroit entendre parler de ce qu’on aime, sans quelque battement de cœur. Quand on s’est long-temps appliqué à écouter la voix de la nature qui s’explique par les battemens du pouls, on sent parfaitement les différences des maladies. P. le Comte. M. Amontons a trouvé que pour avoir les battemens du pouls plus fréquens, on n’en a pas le sang plus chaud. Acad. des Sç. 1703. Hist. p. 10. Le battement des artères suit à-peu-près les contractions du cœur, selon les portions du sang qui en sont poussées alternativement & par secousses dans les artères. Homberg, Acad. 1704. Mém. p. 159.

Battement, en terme de Menuiserie, est une tringle de bois, ou une barre de fer plat, qui cache l’endroit où les ventaux d’une porte se joignent.

Battement, en Horlogerie, se dit du coup que donne à la coulisse l’étochio qui est à la circonférence du balancier lorsqu’il décrit de grands arcs. Encyc.

Battement, est aussi synonyme à vibration, mais il ne se dit que de celles du balancier des montres. Dans les pendules on se sert toujours du mot de vibration.

Battement, en Musique, est ce que l’on appelle tour de gosier, ou double cadence. C’est un des agrémens du chant, qui procède de plusieurs battemens du gosier, qui se font dans le passage d’une note à la note qui est immédiatement au-dessus.

Le battement se dit aussi de la réunion de deux vibrations, qui, après avoir été séparées, se joignent & frappent en même temps l’oreille, commençant ensemble & finissant de même. Consonantia, concordia. L’oreille s’apperçoit plus aisément des battemens qui sont plus rares, & distingués par de plus grands intervalles. Acad. des Sç. 1700. Hist. p. 135. Si l’on prenoit deux tuyaux tels que les intervalles de leurs battemens fussent assez grands pour être mesurés par les vibrations d’un pendule, on sauroit exactement, par la longueur de ce pendule, quelle seroit la durée de chacune des vibrations qu’il feroit, & par conséquent celle des deux battemens des tuyaux. Ib. Les battemens ne plaisent pas à l’oreille, à cause de l’inégalité du son ; & l’on peut croire, avec beaucoup d’apparence, que ce qui rend les octaves si agréables, c’est qu’on n’y entend jamais de battemens.

Battement. Terme de danse. Les battemens sont des mouvemens en l’air que l’on fait d’une jambe, pendant que le corps est posé sur l’autre, & qui rendent la danse très brillante, sur-tout lorsqu’ils sont faits avec liberté & avec grâce. C’est la hanche & le genou qui forment & disposent ce mouvement. Je suppose que vous soyez sur le pied gauche, la jambe droite en l’air & bien étendue, il faut la croiser devant la gauche, en approchant la cuisse & pliant le genou, & l’étendre en l’ouvrant à côté ; du même temps son genou se plie, en la croisant derrière, puis l’étendre à côté & continuer d’en faire plusieurs de suite, tant d’une jambe que de l’autre. On les prend quelquefois en sautant. Rameau.

A la guerre on fait plusieurs battemens de tambour. Pulsus tympani. Le battement du bâton rond se fait lorsque les deux bâtons frappent l’un après l’autre : celui du bâton rompu, lorsque chaque main frappe des coups de suite ; & celui du bâton mêlé, lorsque chaque main bat tantôt une fois, & tantôt deux. A la retraite les deux bâtons battent ensemble. On ne dit guère battement de tambour.

En termes d’Escrime, on appelle le battement de l’épée, un simple attouchement du foible de l’épée d’un assaillant au foible de l’épée de l’ennemi, pour l’obliger à quitter la ligne, lequel se doit exécuter hors la mesure ; & c’est une espèce de feinte ou d’appel ; mais le battement qui se fait en poussant de pied ferme, en passant, ou en quartant, se doit commencer du demi-fort au foible. Conflictus. ☞

BATTEQUEUE. s. f. Petit oiseau. Voyez Bergeronnette.

☞ BATTERGOA. Petit Royaume d’Asie, dans l’île des Celebes, sur la côte de Macassar.

BATTERIE. s. f. Querelle où il y a des coups de donnés. Rixa, pugna. Il se dit seulement de ceux qui se battent à coups de poing, de bâton, ou tumultuairement, & non point des combats réglés. Il y a une batterie dans cette rue, dans cette maison. La batterie a duré long-temps

Batterie, en termes de guerre, est le lieu où l’on place les canons pour tirer. Majorum tormentorum sedes, suggestus. On les met sur une plate-forme de planches ou madriers appelés tablouins, pour empêcher que la pesanteur des canons ne laisse entrer les roues dans la terre ; ces planches sont élevées par derrière, pour diminuer ou empêcher le recul : elles sont couvertes par un parapet, où sont les embrasures, qui sont défendues par un fossé & deux redoutes.

Batterie, se prend aussi pour les canons-mêmes mis en batterie. Tormenta bellica in suggestu disposita, collocata. Et c’est en ce sens qu’on dit, la batterie a été bien servie ; la batterie a fait beaucoup d’effet.

Il y a trois sortes de batterie, d’élevées, à niveau & d’enterrées. Les batteries élevées servent à découvrir & foudroyer dans les travaux. Les batteries qui se font sur le niveau de la campagne, facilitent les tranchées. Les batteries enterrées ruinent les édifices & défenses des places. De la Fontaine.

☞ On les appelle enterrées, parce que comme elles sont au dessous du niveau de la campagne, on pratique des ouvertures dans la terre pour servir d’embrasures. On les appelle aussi batteries ruinantes.

Batterie croisée, est celle qui se fait en deux batteries assez éloignées l’une de l’autre, & qui tirent en un même endroit, en sorte que les coups se rencontrent à angles droits, & le coup de la seconde acheve d’abattre ce que le coup de la première a ébranlé. Tormenta eumdem in locum trasversè concurrentia.

Batterie en écharpe, est celle qui bat par bricolle & de côté, ou par un coup oblique. Tormenta obliquè explosa.

Batterie d’enfilade, est celle qui tire en ligne droite, & qui enfile une ligne, une rue, &c. Tormenta rectè explosa.

Batterie en rouage, est celle dont on se sert pour démonter les pièces de l’ennemi. Tormenta dissolvendis hostilibus tormentis explosa.

Batterie de revers, ou meurtrière, est celle qui bat à dos, & qui voit dans la place ce qui arrive quand la batterie est sur une éminence plus haute que la place. Tormenta ab editiore loco & aversis ictibus emissa.

Batterie par camarade, sont celles dont les pièces tirent toutes ensemble sur une même ligne, & au même endroit. Tormenta simultaneis & directis ictibus eumdem in locum vibrata.

Il y a encore des batterie à ricochet. Tormenta subsultim cadentia & ferientia. C’est lorsqu’ayant fait des batteries à la droite & à la gauche des attaques, qui enfilent & battent de revers les chemins couverts & autres ouvrages, l’on charge les pièces d’une petite quantité de poudre, suffisante néanmoins pour porter leurs boulets à toute volée dans les ouvrages qu’elles enfilent, & dans lesquels ils font plusieurs bonds & ricochets après leur chute, qui incommodent de manière ceux qui les défendent, qu’ils sont forcés de les abandonner pendant le jour. Surirey. Les étrangers nomment l’effet de ces boulets, des boulets sourds, à cause qu’ils sont chassés avec si peu de bruit, qu’il est presque impossible de s’en garantir. Id.

On dit, ruiner une batterie, lorsqu’on démonte le canon de l’ennemi, ou qu’on en abat les défenses. Demoliri, dissolvere.

☞ On appelle batterie de mortier, le lieu où sont placés les mortiers pour tirer sur l’ennemi.

Batterie. Terme d’Arquebusier. C’est la pièce ou le morceau de fer qui couvre le bassinet, & contre lequel bat la pierre qui est au chien de l’arme à feu. Lamina ferrea cui allisus catapultæ canis igem excitat.

Batterie, en termes de marine se dit des canons qui sont rangés sur les ponts du vaisseau, & qui tirent par les sabords. La première batterie est celle qui est au premier pont, & le plus près de l’eau, la seconde est au second, & la troisième au troisième ; c’est-à-dire au pont le plus élevé. La première, c’est-à dire la plus basse, porte les canons du plus gros calibre : la seconde les canons d’un moindre calibre ; & la troisième qui est la plus élevée, porte les moindres canons. Mettre la batterie dedans, c’est mettre le canon dans le vaisseau en fermant les sabords. Mettre la batterie dehors, c’est mettre le canon aux sabords.

Batterie, se dit aussi de la manière de battre le tambour suivant les occasions, ou pour la marche, ou pour l’assemblée, ou pour la charge, &c. Voyez Tambour.

Batterie, se dit encore du jeu de plusieurs instrumens, comme de la guittare, où l’on bat des doigts de la main droite plusieurs cordes ensemble en les raclant, plutôt qu’en les pinçant. Pulsus.

Batterie. C’est le nom de la seconde cuve inférieure, où l’on fait passer l’eau chargée de toute la fécule colorante de l’anil. Cette cuve est ainsi appelée, parce qu’on bat l’eau avec un moulin à palettes, pour condenser ou rapprocher les parties de cette fécule trop raréfiée, & la faire précipiter au fond, &c.

On donne dans les Îles le nom de batterie à une des chaudières qui servent à préparer le roucou & l’indigo. C’est celle où on met les écumes pour les faire cuire. On les appelle batteries, parce que l’on bat & remue extrêmement ces drogues pendant qu’elles sont dans ces chaudières, jusqu’à ce qu’elles aient pris une certaine consistance, & qu’elles soient en état de recevoir une autre préparation dans d’autres chaudières. Le P. Labat dit qu’il faut de temps en temps bien éclaircir les chaudières avec de la pierre de ponce, surtout la batterie.

Batterie, chez les Chapeliers : c’est le lieu où l’on foule les chapeaux, & où sont établis le fourneau, la chaudière & les fouloirs.

Batterie de cuisine. Vasa coquinaria. Terme collectif, qui se dit de tous les ustensiles servant à la cuisine, qui sont de cuivre, ou de fer, comme les marmites, chaudrons, tourtières, &c. Quelques cruches & quelques pots de terre étoient toute leur batterie de cuisine. Huet.

Batterie, dans les âteliers, se dit aussi des hies, ou sonnettes qui servent à enfoncer des pieux. Fistula. Il a dans cet âtelier tant de batterie ; pour dire, tant de ces machines.

Batterie, dans les manufactures à papier, poudre, & autres, se dit de la chute des pilons dans les mortiers. Arrêter la batterie, c’est empêcher les pilons de tomber dans les mortiers.

Batterie, se dit dans le sens figuré des brigues, sollicitations, des manœuvres qu’on emploie pour venir à bout de quelque chose. Dresser de bonnes batteries. Changer de batterie. Un tel a trois Juges pour lui dans cette Chambre ; il a une forte batterie. Il avoit employé plusieurs amis pour obtenir cette charge, qu’il n’a pu avoir ; mais il a encore une autre batterie à faire jouer. Le mot de batterie en ce sens est du style familier & comique, & se prend en général pour toutes sortes de moyens & d’inventions que l’en emploie pour réussir dans ses entreprises. Nous avons préparé une bonne batterie pour renverser ce dessein ridicule. Mol. Je vais dresser une autre batterie. Id.

On dit aussi, redoubler la batterie, lorsqu’on fait de nouvelles sollicitations, de nouvelles brigues.

On dit proverbialement & figurément, qu’il faut changer de batterie, lorsqu’on se sert de nouveaux moyens, qu’on prend de nouvelles voies pour faire réussir une affaire, les premières n’ayant pas réussi.

BATTEUR. s. m. Ce mot signifie celui qui bat, ou plutôt qui aime à battre. Et dans ce sens on ne le dit jamais seul. Percussor. Les batteurs de gens trouvent souvent de plus méchans qu’eux, qui les battent. Il est du style familier.

Batteurs, se dit aussi de ceux qui battent du blé en grange. Tritor frumentarius. Un vieux Poëte, nommé Pelletier, dans une description de l’hiver, représente quatre batteurs en grange, qui

Conséquemment vont le blé battre
Avecque mesure & compas ;
Coup après coup, & quatre à quatre,
Sans se devancer d’un seul pas.

Batteurs, se dit tout de même de ceux qui battent l’or. Malleator. Les batteurs d’or sont de deux sortes. Il y en a qui ne font autre chose que faire passer le trait d’or ou d’argent sur le moulin pour le rendre plat. Mais il en a d’autres qui à force de battre l’or à coups de marteau, le font devenir en feuilles, & le distribuent aux peintres & aux diverses sortes de doreurs. Il y a aussi des batteurs d’étain qui chez les miroitiers étendent sur un marbre l’étain qui doit être appliqué en feuilles très-minces derrière les glaces.

Batteurs, se dit aussi de ceux qui battent & pilent la soute dans un gros & grand mortier de métal. Ces sortes d’ouvriers travaillent dans les boutiques des épiciers de Paris. Il faut avoir de bons bras pour être batteurs de soute. Il y a de même des batteurs de plâtre.

On appelle à la guerre, des batteurs d’estrade, des gens détachés de l’armée, qui vont reconnoître l’ennemi, ou découvrir le terrain, pour en donner avis aux Officiers Généraux. Concursator, excursor.

Batteur de pavé. Ce mot signifie souvent plus que simple fainéant, & dénote quelquefois un malfaiteur &c. perturbateur du repos public. Iners, ignavus, scelestus. Dans le Président Faucher, au L. 3. ch. 19 de ses antiquités Gauloises, les batteurs de pavé sont confondus avec les voleurs de grands chemins.

On appelle proverbialement des filous & des fainéans, batteurs de chemin, batteurs de pavé. Otiosus ambulator, qui surandi animo, ou causa, vicos obambulat.

BATTITURE. Voyez Batiture d’airain.

BATTOIR. s. m. Espèce de palette ; instrument fait de bois, plat & large, qui a un manche, qui sert à battre. Palmula. Il y a des battoirs pour battre la lessive. Il y en a d’autres propres pour jouer à la longue paume, dont le manche est fort long ; d’autres pour la courte paume, dont le manche est plus court.

BATTOLOGIE. s. f. Terme de Grammaire, multiplicité de paroles, affluence d’expressions superflues ou vides de sens, vice du discours, qui arrive lorsqu’on répète plusieurs fois la même chose, ou qu’on dit plusieurs choses vaines, frivoles & inutiles au sujet. Battologia, inanis repetitio. Ce mot vient de Battus, mauvais Poëte, qui par ses longueurs & ses répétitions éternelles ennuyoit tout le monde. Ovide raconte que Mercure ayant volé les bœufs du Roi Admete, gardés par Apollon, donna à Battus une vache pour l’engager dans le secret. Mercure se déguisa pour l’éprouver, & lui promit une double récompense ; aussitôt le babillard Battus lui révéla tout, & répéta même deux fois le lieu où Mercure avoit caché son vol. De-là est venu le mot de battologie.

Au ch. 6. de S. Matth. v. 7, où nous lisons dans notre Vulgate, Orantes nolite multùm loqui, il y a dans le grec un mot qui signifie, ne tombez point dans la battologie. MM. de Port-Royal ont traduit : Ne soyez pas grands parleurs dans vos prières. Les Jésuites de Paris ont mis dans leur version : En priant ne faites pas de longs discours. Le P. Amelote a traduit plus à la lettre par rapport à l’original, n’usez pas dans vos prières de grandes répétitions de paroles. En effet la battologie des Païens dans leurs prières ne consistoit pas tant en de longs discours, que dans une longue répétition des mêmes mots.

☞ BATTRE. v. a. Cædere, verberare, percutere. Je bats, tu bas, il bat : nous battons, vous battez, ils battent. J’ai battu. Je battis. Je batterai. Bats. Que je batisse. Battant. Donner des coups à quelqu’un, redoubler les coups.

☞ Il semble que pour battre, il faille redoubler les coups, & que pour frapper il suffise d’en donner un. On n’est jamais battu qu’on ne soit frappé. Mais on peut être frappé sans être battu. Le plus fort bat le foible. Le plus violent frappe le premier. l’Abbé Girard. Syn.

Battre, suppose toujours de l’intention : on peut frapper sans le vouloir, Voyez Frapper.

Frapper est toujours un verbe actif. Battre reçoit un sens neutre dans se battre. Voyez plus bas Se Battre.

Ce mot vient du latin batuo, batuis, selon Nicot, Ménage & Du Cange, qui proprement signifioit l’exercice des Gladiateurs, qui se faisoit avec un bâton ou épée de bois, ou un fleuret de fer. De-là vient aussi bataille. Ferrarius, de Gladiatoribus, On a dit battidere pour batuere ; il se trouve dans les Lois Saliques, Tit. 36, & battere. Le premier, dit Chifflet, étoit un terme militaire, & l’autre romain, ou venu du romain, Romanicum. C’est de ces mots que s’est formé battre. Mais, selon Guichard, battuo & battre vienent de l’hébreu הבט qui signifie excutere fructus ex arbore, vel frumenta aut legumina ex foliculis, c’est-à-dire, battre un arbre pour en faire tomber les fruits, ou le blé, ou des légumes, pour faire tomber les grains de leurs gousses. ☞ On bat les noyers avec la gaule pour en recueillir les noix.

Battre, signifie aussi, défaire des troupes assemblées en un corps. Fundere, cædere, profligare. Les petites armées battent bien souvent les grandes. Samson battit les Philistins avec une mâchoire d’âne.

Battre, signifie encore en termes de guerre, attaquer avec de l’artillerie. Quatere, verberare. Une armée que le canon bat en flanc est bientôt défaite. On a battu Rhodes avec cent pièces de canon.

Battre en brêche, c’est ruiner à coups de canon le revêtement ou le rempart de quelqu’ouvrage, pour y faire une ouverture par laquelle on puisse y entrer.

Battre en ruine une ville, c’est en détruire les édifices avec le canon & les bombes. En ce sens on le dit figurément des personnes qu’on poursuit jusqu’à l’extrémité, & des disputes où l’on apporte de si bonnes raisons qu’elles détruisent absolument le parti contraire.

Battre par camarade, quand plusieurs pièces de canon tirent tout à la fois sur le même ouvrage, soit qu’elles soient de diverses batteries, soit qu’elles soient de la même.

Battre en salve, c’est tirer toutes à la fois les différentes pièces d’une batterie avec lesquelles on bat un ouvrage en brèche. Voyez au mot Batterie.

Battre, se dit aussi en parlant du tambour. Battre la caisse, Tympanum tundere, c’est assembler les soldats, ou les enrôler.

Battre aux champs, quand l’armée est en marche. On bat aussi aux champs, pour faire honneur aux généraux.

Battre l’assemblée, ou la générale ; la diane, ou le veil, la marche, pour donner le signal de tous les mouvemens militaires. Battre la chamade, lorsque dans une ville assiégée, on bat le tambour pour marquer qu’on veut capituler.

Battre l’estrade, envoyer des cavaliers dans la campagne, pour aller aux avis & découvrir l’ennemi. Excurrere, concursare. Battre la campagne, faire des courses sur les terres des ennemis & les ravager. On dit figurément d’un Orateur, d’un Ecrivain, qu’il bat la campagne, qu’il bat bien du pays, pour dire, qu’il s’égare, qu’il s’éloigne de son sujet. Vagari, deflectere à proposito. On le dit aussi d’un Orateur à qui la Mémoire manque, & qui s’accroche où il peut.

Battre, signifie aussi, tourmenter, agiter, secouer. Agitare, pulsare, concutere, jactare. Ce navire a été battu de la tempête. Ces fruits ont été battus du mauvais vent. Toute cette côte a été battue de l’orage.

On le dit à-peu-près en ce sens, en termes d’Agriculture & de Jardinage même, des pluies, des grands agastes d’eau, & des arrosemens abondans, qui foulent les terres & les rendent plus dures. Voilà des terres qui ont été bien battues de pluies. Les grandes eaux ont battu ces terres, de manière qu’on diroit que le dessus n’est qu’une croûte. Liger.

Battre, est neutre quelquefois, comme dans ces exemples. Ce malade est bien bas, son pouls ne bat plus. Arteria non micat. Quelquefois l’artère ne battra pas de coup, mais s’enflera peu à peu. P. Le Comte. Le cœur bat étant hors du corps de l’animal. Conpalpitat. On dit même dans un sens figuré, que le cœur bat pour dire, qu’on tremble de peur.

Monseigneur, en ce triste état,
Confessez que le cœur vous bat. Voit.

On dit aussi qu’un cheval bat du flanc, quand il est poussif. Ducere, trahere ilia ; & que le fer d’un chevalbat, pour dire, qu’il loche. Acad. Fr. Qu’une montre bat encore, lorsque la fusée n’est pas encore au bout.

Battre, se dit aussi neutralement en termes de Musique, lorsque deux tons, après avoir été différens & dissonans, viennent à s’accorder. Consonare, concordare. Le son des tuyaux d’orgues ensemble doit avoir plus de force, quand leurs vibrations, après avoir été quelque temps séparées, viennent à se réunir, & s’accordent à frapper l’oreille d’un même coup. Il semble que l’expression commune des Musiciens, qui disent que les tuyaux battent, quand leur son se redouble ainsi, ait son origine dans cette idée. Acad. des Sç. 1700. Hist. pag. 134. Quand les tuyaux approchent de l’unisson, il y a sur un plus grand nombre de vibrations séparées, moins de vibrations qui se rencontrent & qui battent.

Battre, se dit encore pour donner sur quelque chose. Imminere. Le soleil bat à-plomb dans la zone torride. Le soleil battoit à-plomb sur la terre. Ablanc.

Battre, se dit en parlant de diverses choses sur lesquelles on touche fortement avec différens instrumens. Tundere. Battre une tapisserie pour la nettoyer. Batre des siéges. Battre du fer à la forge. Battre à chaud. Battre à froid. Battre du papier.

Battre des livres, c’est-à-dire, donner des coups de marteau sur les feuilles d’un livre pour les presser, afin que le papier en soit plus uni & le volume plus menu. On bat aussi le papier, le carton.

Battre de la poudre à carton, du poivre, du ciment, du plâtre. Pinsere.

☞ On dit aussi battre les métaux. Battre de l’or ou de l’argent c’est l’étendre en feuille. In laminas ducere. On bat ces métaux sur une pierre de marbre noir, d’un pied en carré, élevée de trois pieds de terre. On se sert de trois marteaux en manière de maillets de fer, dont l’un est de 3 à 4 livres pour chasser ; l’autre de 11 à 12 livres pour fermer, & le 3e de 14 à 15 livres pour étendre & achever. On se sert aussi de quatre moules de différentes grandeurs, dont nous parlerons au mot Moule. Battre, ou frapper carreaux, est la seconde des huit façons qu’on donne aux carreaux des monnoies, ce qui se fait par un habile ouvrier sur une clume oblongue, qui est sur son banc dans sa fournaise.

Battre la chaude, c’est étendre sur l’enclume les lames d’or & d’argent après qu’on les a fait recuire. Boizard.

Battre Monnoie, c’est faire & marquer de la monnoie. Cudere. Ce qui se dit non-seulement des ouvriers qui la battent, mais aussi de ceux qui ont droit de la foire battre. Battuere. Le Prince de Monaco bat monnoie.

Battre le fer, en termes d’Escrime, signifie s’exercer à tirer des armes chez les maîtres d’Escrime. Exercere se. En ce sens on dit figurément qu’un homme a long-temps battu le fer, quand il s’est long-temps exercé en quelque art ou profession que ce soit.

Battre, en termes de maître à danser, c’est faire un mouvement figuré avec le pied.

Battre le blé, battreen grange, &c. C’est faire sortir le grain des épis de blé en les frappant avec un fléau. Terere. Au reste battre en grange signifie quelque chose de plus que battre le blé simplement ; car on le bat en plusieurs endroits dans un aire, & alors c’est battre le blé, & non point battre en grange, qui ne se dit que lorsqu’on le bat dans une grange. Voyez les différentes manières de battre le blé au mot Battage.

Battre le fusil, c’est en tirer du feu en le frappant avec une pierre. Ex pyrite ignem excutere. Battre des pieux, c’est enfoncer des pieux avec un mouton. Defigere, deprimere, adigere. Battre la terre, battre une allée de jardin ; c’est la rendre ferme & plus unie, avec des maillets. Tundere malleis, ac complanare. Il est nécessaire de battre les allées de ce jardin, si on veut les rendre unies. Battez bien cette allée. Liger.

Battre, signifie quelquefois, mêler, brouiller. Miscere, subigere. Battre des œufs pour faire une omelette. Battre les cartes dont on joue pour les biens mêler. Battre le beurre, c’est agiter & brouiller tellement les parties de la crême, qu’elles s’épaississent en beurre. Agitare.

Battre, signifie aussi, fouler en marchant. Terere. Ainsi on dit, battre la semelle, battre la calabre ; pour dire, voyager à pied. Voyez au mot Calabre. Battre le pavé, marcher sans cesse dans une ville où l’on est sans occupation. Concursare.

Battre, signifie aussi, approcher de près, toucher légérement. Perstringere, alluere. Cette rivière bat au pied de la montagne, bat les murs de cette ville, pour dire, qu’elle en est proche.

Battre des mains, applaudir : ce qui se dit non-seulement du battement effectif des mains, qui est un témoignage de joie, ou d’approbation publique que donne le peuple, mais encore de tous les applaudissemens que les honnêtes gens donnent à quelque action, ou à quelque ouvrage public. Plaudere.

Battre les oreilles à quelqu’un de quelque chose ; c’est la lui répéter souvent, l’en importuner à force de la redire inutilement. Verberare, obtundere.

☞ On dit en termes de chasse, battre le bois, battre la plaine, c’est-à-dire les parcourir en chassant ; battre les buissons, c’est chercher le gibier qui s’y est retiré. On dit proverbialement, il a battu les buissons, & un autre a pris les oiseaux ; c’est-à-dire, il a eu beaucoup de peine & un autre en a profité.

Battre le ruisseau, terme de pêche. C’est frapper l’eau à grands coups de perche pour épouventer le poisson, & le faire donner dans les filets.

On dit aussi, qu’un oiseau bat de l’aile, lorsqu’il agite fortement ses ailes pour se soutenir en l’air en se battant. Agitare. Et en ce sens on dit figurément & dans le style familier, qu’un homme ne bat plus que d’une aile, lorsque sa fortune ou sa santé, ont beaucoup diminué, & qu’il a peine à subsister.

Battre, joint au pronom réciproque cesse d’être verbe actif, & reçoit un sens neutre ; c’est-à-dire que ce pronom ne sert pas alors à marquer un objet où l’action se termine, mais que son service se borne uniquement à former conjointement avec le verbe la simple description de l’action, sans rapport à aucun objet distingué d’elle-même. Se battre ne signifie ni donner des coups à un autre, ni s’en donner à soi-même, il signifie simplement l’action personnelle dans le combat, ainsi que le mot s’enfuir. La Loi du Prince défend de se battre dans bien des occasions où celle de l’honneur l’ordonne, quel embarras pour ceux qui se trouvent malheureusement dans ce cas ! Le Docteur Boileau a écrit contre la pratique monacale de se frapper à coups de fouet, M. l’Abbé Girard. On voit par ce dernier exemple, que le verbe frapper joint au pronom réciproque, conserve toujours sa signification active, & qu’ainsi au lieu de dire, se battre dans le sens de se donner des coups à soi-même, on doit se frapper. On dit se battre en duel. Se battre à l’épée, au poignard, à coups de pistolet ; se battre en brave ; se battre pour avoir quelque chose. On se bat pour avoir du pain. Il y a une si grande foule d’acheteurs à cette vente, qu’on s’y bat.

Se Battre en retraite. Voyez Retraite.

☞ Ce mot se dit aussi de la guerre que se font les animaux & les élémens, par leurs qualités contraires. Pugnare, adversari. Les vents contraires se battent sur la mer. Les taureaux sont furieux quand ils se battent.

Se faire Battre, se faire donner des coups mal-à-propos, sans nécessité & lorsqu’il auroit été facile de les éviter. Ictus, plagas accercere. Ainsi on dit d’un général, qu’il se fit battre ; pour dire, qu’il s’engagea imprudemment dans un combat inégal, de quelque côté que l’inégalité vînt.

Se faire Battre, se dit aussi en termes de chasse, parlant des bêtes qui se font chasser long-temps dans un certain canton de pays. Salnove. Venatores longiùs morari.

Une heure là-dedans notre cerf se fait battre
J’appuie alors mes chiens & fais le diable à quatre. Mol.

En termes de Manége, on dit qu’un cheval bat la main, ou égaye ; quand un cheval n’a pas la tête ferme, leve le nez, branle & secoue la tête à tout moment en secouant sa bride. Agitare, movere, succutere. Les chevaux turcs & cravates sont sujets à battre la main, & il faut leur mettre une martingale.

On dit aussi qu’un cheval bat la poudre en poussière, lorsqu’il trépigne, qu’il fait un pas trop court, & qu’il avance peu. Terram quatere, tundere. On dit aussi, qu’un cheval bat du flanc, quand il commence à être poussif. Ilia ducere.

En termes de Musique, on appelle battre la mesure, donner un signal aux Musiciens en haussant & baissant la main, du temps qu’ils doivent employer à chaque cadence pour chanter & jouer tous ensemble. Musicum concentum moderari certâ quâdam manus agitatione.

Battre. Terme de jeu de Trictrac. Battre une dame, c’est partant de son jeu, tomber par le nombre du dé que l’on a amené, sur une dame découverte dans le jeu de celui contre qui l’on joue, c’est-à-dire, sur une dame qui est seule. On bat passage ouvert, ou par passage fermé. Battre par passage ouvert, c’est lorsque par le nombre de l’un de vos dés au moins, vous tombez sur une lame, sur laquelle il n’y a point de dames, ou sur laquelle il n’y en a qu’une. Battre par passage fermé, c’est lorsque les cases sur lesquelles l’un & l’autre nombre de vos dés tombent sont faites, qu’il y a deux dames sur ces lames. On gagne des points au premier cas, & on en perd au second. Voyez le Traité du jeu de Trictrac.

Battre tout d’une, c’est par les deux points des deux dés mis ensemble. L. S. Battre des deux, c’est battre par chacun des deux points en particulier. On peut tout à la fois & d’un même coup battre des deux & battre tout d’une ; par exemple, battre par cinq, battre par quatre, & battre par cinq & quatre.

Battre à faux, ou Jan qui ne peut, se dit d’une dame qui en bat une autre tout d’une par un passage qui n’est pas libre. Je m’explique. Toutes les fois que vos deux points réunis ensemble portent sur une demi-case, & que pour y arriver, chacun de ces deux points porte sur une case complète de votre adversaire, vous battez à faux.

Battre le coin. Pour battre le coin de son adversaire, il faut 1.o Avoir le sien garni : 2.o Que celui de l’adversaire soit vide : 3.o Faire un coup de dés qui porte tout à la fois deux dames dans le coin vide de l’adversaire, sans dégarnir le vôtre. L. S. Le coin battu par simple vaut quatre points ; par doublet il en vaut six. Le même coin peut être battu plusieurs fois. Il n’est pas nécessaire, pour battre le coin, que les deux dames partent d’une même case. Elles peuvent partir de deux indifféremment ; mais quand c’est par doublet, elles partent toujours de la même case. L. S.

Battre, s’emploie aussi figurément en ces autres phrases ; battre froid à quelqu’un, c’est lui faire mauvais accueil, lui témoigner qu’on est mal satisfait de sa visite, de ses discours. Frigidè aliquem excipere. On dit aussi, il l’a battu de cette raison, de cet argument ; pour dire, il lui a fait une telle objection, il l’a convaincu par cette raison. Oppugnare. On dit aussi qu’un homme se bat en retraite ; pour dire, qu’il se retire des affaires, du commerce du monde. Cedere, recedere, valedicere.

Battre, s’emploie proverbialement en ces phrases : ils se battent comme chiens & chats. Cet homme a été battu comme un chien, a été battu comme plâtre, a été battu dos & ventre. On dit, qu’il fait bon battre l’orgueilleux, il ne s’en vante pas. On dit qu’il vaut autant battre sa tête contre un mur ; pour dire, que toute la peine qu’on prendroit à faire quelque chose seroit inutile. On dit aussi en même sens, que c’est battre l’eau, quand on s’amuse à quelque travail où il n’y a rien à profiter. On dit, qu’il faut battre le fer tandis qu’il est chaud ; pour dire, qu’il ne faut pas perdre l’occasion de faire réussir une affaire, quand on la trouve. On dit aussi, à battre faut l’amour ; pour dire, qu’on n’aime jamais les gens qui nous ont battus. On dit aussi, battre le chien devant le lion, ou devant le loup ; pour dire, corriger un Grand, en châtiant un petit devant lui. On dit aussi, c’est la coutume de Lorris, où le battu paye l’amende, quand un homme qui a reçu quelque injure ou dommage d’un autre, est encore réprimandé ou condamné par ses supérieurs. Voy. l’origine de ce proverbe à Coutume. On dit aussi ironiquement à ceux qui disent qu’ils n’ont rien à faire, qu’ils aillent battre le Prevôt, qu’ils gagneront double amende. On dit aussi qu’un homme est battu de l’oiseau ; pour dire, qu’il est rebuté des traverses, des persécutions qu’on lui a faites en une affaire. On dit aussi, se battre à la perche ; pour dire, qu’un homme se met fort en peine d’une chose dont il ne lui revient aucun profit. Je n’ai vu que dans le Dictionnaire comique le proverbe s’en battre les fesses, pour dire, se soucier peu d’une chose, s’en moquer, n’en faire aucun cas.

Mais à ces discours d’ivrognesses,
Le Roi dit : je m’en bats les fesses.

Scarron, Virgile travesti, Liv. 7, pag. 257.

On dit proverbialement encore : il ne fait pas bon battre un homme la veille de sa mort.

BATTU, UE. part. & adj. Il a presque toutes les significations de son verbe battre, en françois & en latin. Ainsi battu signifie ordinairement, frappé, maltraité, outragé, terrassé, défait, vaincu, mis en déroute ; quelquefois aussi frayé, foulé : un Chemin battu ; quelquefois baigné. Une ville battue des flots de la mer. Vaug. Quelquefois secoué, agité :

De cet arbre battu des vents & de l’orage,
Vois le sommet penchant d’un & d’autre côté.

L’Abbé Tétu.

Battu, terme de Marine, se dit d’un vaisseau désemparé & dégréé dans un combat, & qui n’est plus en état de se défendre, quoiqu’il ne soit pas encore rendu.

Battu. Argent battu, ou simplement du battu : c’est en termes de Tireur d’or, ce qu’on appelle autrement des lames, c’est-à-dire, du fil d’argent écrasé & aplati entre deux roues d’acier.

Mais outre tout cela, on dit encore, qu’une personne a les yeux battus, quand ils n’ont plus ni éclat ni vivacité, à cause de quelque indisposition, maladie, manque de sommeil, &c. Liventes, lividi.

Vous me reprochez de tout temps
Que j’ai les yeux battus, & d’une étrange sorte.
Si j’ai les yeux battus, Phylis, que vous importe ?
Ah ! ce n’est pas à vos dépens.

Montreuil.

On dit encore qu’un homme a eu long-temps les oreilles battues d’un tel discours ; pour dire, qu’il a été souvent importuné du même récit.

Battu, en termes de Science hermétique, se dit des esprits, & signifie élevé, fortement poussé par le feu : en ce sens on dit que des esprits battus s’évanouissent facilement.

Battu, est aussi un terme de danse : pas battu dessus & dessous. Voyez Pas.

Battu, se dit aussi des draps, des tapisseries où il y a beaucoup d’or mêlé, & qui sont battues d’or & d’argent. Intextus auro.

On dit proverbialement, autant vaut bien battu que mal battu ; pour dire, que souvent on n’est pas plus puni en Justice, pour avoir donné plusieurs coups, que pour en avoir donné un seul.

☞ BATTUE. s. f. terme de chasse. Assemblée de gens qui battent les bois & les taillis avec grand bruit pour en faire sortir le gibier, les loups, les renards & autres bêtes. Magno strepitu prædam elicere, exigere. Faire une battue.

☞ Faire la Battue, dans les manufactures de soie, c’est fouetter avec un balai dans la bassine pleine d’eau chaude, les cocons afin d’en démêler les brins, & d’en faire le tirage.

BATTURE. s. f. L’action de battre le blé dans l’aire. Tritura. M. Bossuet Evêque de Meaux, dans son Livre de la Politique tirée de l’Ecriture, dit, en parlant de Joachaz : Dieu l’abandonna. Or le Roi de Syrie fit de lui & de son peuple, comme on fait de la poudre que l’on secoue dans la batture. Ce mot n’est pas en usage dans ce sens.

Batture. s. f. Ictus. Coup. Ayant soutenu leurs feux, leurs battures. Montagne. Edit. de Rouen 1742, p. 693. Ce mot n’est plus d’usage en ce sens.

Batture. Terme de Doreur en détrempe. C’est une espèce de dorure qui se fait avec du miel détrempé dans de l’eau de colle & du vinaigre. On ne s’en sert guère que pour faire des réchaux, aux tableaux, & autres ouvrages en détrempe & à fresque, où elle tient lieu de ce qu’on appelle or-couleur dans les peintures à l’huile. On l’appelle autrement dorure à miel, & quelquefois colle à miel.

BATTURES. s. f. pl. Terme de Marine. Ce sont les plages de la mer où il n’y a pas assez d’eau pour mettre les vaisseaux à flot. On les appelle autrement basses, ou brisans. Ces deux rivières ne sont séparées l’une de l’autre, que par une langue de terre fort basse, qui produit dans l’une & dans l’autre de très-grandes battures. Lettr. éd. Au Cable de sable en Acadie, il y a des battures & des rochers au large. Denys.

BATTUS. s. m. On appelle ainsi certains Pénitens qu’on voit en Italie, en Avignon, & même en Provence, qui ont la dévotion de se donner rudement la discipline, tant en public qu’en particulier.

Battus, sorti de l’île de Théra, avoit emmené une Colonie dans cette partie de l’Afrique, appelée Cyrénaïque, & y avoit fondé le Royaume de Cyrène. Les peuples de la Cyrénaïque, après sa mort, lui rendirent les honneurs divins, & lui élevèrent des temples.

Battus, Berger de Nelée, témoin du vol que Mercure fit à Apollon, l’ayant révélé, (Voyez Battologie) fut changé en pierre de touche.

☞ BATUECAS. Peuple d’Espagne, au Royaume de Léon, au diocèse de Coria, dans une vallée que l’on appelle le Val de Batuecas. Ils ont été ignorés jusqu’au XVIe siècle, que le Duc d’Albe les découvrit par un pur hasard. On croit que ce sont des restes des anciens Goths, qui étoient demeurés cachés dans cette vallée, entre des montagnes, de crainte des Maures.

☞ BATUSABER. Ville d’Asie, au royaume de Johor, dont elle est la capitale, dans l’extrémité de la presqu’ile de Malaca.

BATZ, ou BATS, s. m. Petite monnoie qui a cours dans quelques villes d’Allemagne.

BAU.

BAU. s. m. Terme de Marine. Voyez Baux, Baro.

BAU. Terme de la Mythologie Phénicienne, pris, selon plusieurs Savans, du 2e verset du ch. I de la Genèse, où il est dit que dans le commencement la terre étoit nue, vide & sans forme ; en hébreu תהו ובהו, Tohu, Vabohu, les Phéniciens ont pris Thot & Bau.

BAVARD, ARDE. adj. Souvent employé substantivement. Qui parle trop, qui parle sans discrétion & sans mesure. Loquax ineptè, insulsè. Blatero. C’est un bavard, un franc bavard. Il n’est que du style familier.

Ce mot est dérivé par Nicot du grec βάϐαξ, qui signifie, censeur.

BAVARDER. v. n. Parler excessivement de choses frivoles ou qu’on devroit tenir secrètes. Ineptè, insulsè loqui, garrire. Ce mot est du style familier ainsi que bavard & bavarderie.

BAVARDERIE. s. f. Terme familier, qui signifie indiscrétion, impertinence dans les discours. Caractère du bavard. Stulta loquacitas, insulsa garrulitas. Ils déguisoient toutes ces bavarderies. On trouve bavardise dans Pomey. Ce dernier est moins usité.

BAVARDIN. Aller en bavardin. Façon de parler entre quelques Dames de la Cour pour dire, aller quêter des nouvelles, & causer par la ville. Mad. de Sevigné. Ce mot n’a pas fait fortune.

BAVAROIS, OISE. f. & adj. Qui est de Bavière, ou qui appartient à la Bavière. Boius, Bavarus. Quelques uns veulent que les Bavarois soient originairement des Avares, lesquels étoient des Huns, qui chassés du Norique s’arrêtèrent dans le pays des Boïens & s’y établirent, & que de leur nom Avarus s’est formé celui de Bavarois, en ajoutant un B au commencement. D’autres tirent ce nom de Bavaric Roi de Toscane. Les Bavarois portèrent autrefois leurs armes dans l’Italie, dans la Grèce, & jusqu’au de-là de l’Hellespont. Les Bavarois sont les premiers des Germains qui aient arboré leurs étendards sur les bords du Tibre & du Thermodoon.

BAVAROISE, s. f. Une infusion de thé où l’on met du sirop de Capillaire ou du sucre. Quand on y mêle du lait, on l’appelle bavaroise.

☞ BAVAY. Autrefois ville considérable, aujourd’hui petit village des Pays-bas, dans le Hainault, à quatre lieues de Mons. C’est l’ancienne Bagacum ou Baganum.

BAUBE. adj. Vieux mot. Bègue. On trouve dans les vieilles Chroniques, Louis le Baube, pour Louis le Bègue.

On dit aussi bauboyer pour bégayer.

BAUBI. s. m. Terme de Vénerie. Espèce de chien anglois, qui sert à courir les lièvres, les renards & sangliers. Voyez Chien.

BAUCAL. s. m. Vase qui a le goulot long & étroit. Baucalis. Il vient de βαύζω, aboyer, parce que l’eau y tombant fait un bruit sourd. Port-R. D’autres le dérivent de l’arabe baucal, & d’autres de bauca, qui a été dit pour bucca, bouche, parce que ce vase a le goulot long & étroit. Id. On doit écrire & prononcer bocal.

BAUCENT. s. m. Vieux mot. Espèce de cheval. Le cheval sus quoi il seoit, étoit un baucent de Quastèle, pour dire, un cheval de Castille.

BAUCHE. Voyez Bauge.

BAUCIS. s. f. Femme de Philémon, qui fut changée en tilleul.

BAUC. s. m. Terme de Chasse. Espèce de chien courant, qui vient de Barbarie, d’une chienne nommée Baude. Secutor canis. Ces chiens sont blancs la plupart, & tout d’une espèce, c’est-à-dire, tout d’une couleur. Ils sont aussi appelés chiens-cerfs, parce qu’ils courent particulièrement le cerf. On les appelle aussi chiens muets, parce que le cerf venant au change, ils ne disent mot jusqu’à ce qu’il en soit hors. Ils sont bons chasseurs, forcenans, requerans, & de haut nez, & de meilleur créance que les autres. On les surnomme aussi Greffiers.

BAUDE. adj. f. Joyeuse. Le masculin étoit Bault, Bals & Baux. On dit aussi Bauderie, pour joie.

BAUDELS. s. m. Nom d’homme, qui se dit en quelques lieux pour Baudille. Baudelius. Voyez Baudille.

BAUDEMENT. Vieux adv. De cœur joyeux, gayement. Poës. du Roi de Nav.

BAUDEQUIN. s. m. Petite monnoie qui avoit cours en France au commencement du XIVe siècle. Un baudequin valoit six deniers. Les Monétaires demandèrent le décri des baudequins en 1308, comme il paroît par un vieux titre de la Chambre des Comptes Item, que l’on fasse faire la défense des baudequins, qui courent communément pour six deniers.

Quelques-uns conjecturent que ce mot étant le même que baldaquin, cette monnoie fut peut-être ainsi appelée, parce que le Roi y étoit représenté sous un dais, ou baldaquin.

BAUDET. s. m. Vieux mot, mais encore en usage, qui signifie un âne. Asinus. On le dit aussi figurément & par injure d’un homme fort ignorant, ou fort bête.

Borel après Vigenère, dérive ce mot de l’hébreu badel, qui signifie stupide.

Le baudet tout surpris de ses rares merveilles,
En demeura tout stupéfait :
Sans y penser il lève les oreilles.

Charger le baudet, en termes de jeu de trictrac, c’est mettre des dames l’une sur l’autre, sans pouvoir caser. Traité du trictrac. C’est accumuler dame sur dame à la même lame, y en mettre plus de deux.

Baudet, se dit aussi des tréteaux sur lesquels les scieurs de long posent leur bois pour le scier. Tigna.

BAUDILLE. s. m. Nom d’homme. Baudelius. Saint Baudille souffrit le martyre à Nîmes au IIIe siècle sous Maximien, ou au IVe sous Julien l’Apostat. Son nom est encore fort célèbre dans plusieurs Eglises de France, & dans quelques-unes d’Espagne. Mais il y est défiguré en bien des manières, selon les inflexions différentes du langage vulgaire des peuples, qui ont dressé leurs Temples à Dieu en son honneur. Car, selon la remarque de M. l’Abbé Chastelain, c’est le même que l’on appelle S. Bauzille en Languedoc, S. Boile, ou S. Boy en Catalogne, S. Baudille en Lyonnois, S. Bauzire en Auvergne, S. Bausely en Rouergue, S. Baudt en Flandre. On dit aussi S. Baudels en quelques Paroisses du Diocèse de Paris, quoique dans les autres l’on dise S. Baudille, comme dans presque tout le reste du Royaume. Bail. Il faut encore ajouter Baudelle, qui est de la façon de M. Baillet, mais qu’on ne dit nulle part, & que par conséquent il ne faut pas dire.

BAUDIR. Vieux verbe qui signifioit autrefois, se réjouir, qui n’est en usage que dans son composé ébaudir. Gaudere, lætari. Il signifoit encore garantir. Je baudis, à dire d’Experts, mon noel aussi délicat que l’autre. Il vient du bas latin, ou de l’italien bandire dans la signification de publier, proclamer, notifier, en changeant l’n en u, comme de montone, mouton ; de Conventus, Couvent ; de Constantia, Coutance, ville épiscopale de Basse-Normandie. Gloss. Bourg.

Baudir, en termes de Chasse, se dit lorsqu’on parle aux chiens, ou qu’on les excite du cor & de la voix à la course. Excitare, stimulare, incendere. Il faut qu’un chasseur sache baudir & rebaudir les chiens à propos. On le dit aussi des oiseaux. Baudir un faucon après un héron ; pour dire, l’exciter & l’encourager au combat.

BAUDOSE. s. f. C’est une espèce d’instrument de musique à plusieurs cordes, dont Aimeri de Peytaro, Abbé de Moirac, fait mention dans la vie manuscrite de Charlemagne. Voyez le grand Dictionnaire historique.

BAUDOUIN. s. m. Nom d’homme. Balduinus. Il s’est formé du latin. On a dit Baldewinus, puis Baldwinus, & enfin Balduinus.

BAUDOUINAGE. s. m. Accouplement des baudets. Quel baudouinage me dis-tu, baudet, demandoit le cheval à un âne. Rabel.

BAUDOUINER. Vieux verbe. Qui se dit des baudets qui travaillent à la conservation de l’espèce. Asinum gignere, edere. Rabelais fait dire à un baudet, quand nous sommes en foire, nous baudouinons à gogo.

BAUDOUR. s. f. Nom de femme. Bathildis, Baldechildis. Sainte Bathilde, ou Baldechilde, que les peuples ont appelée par corruption sainte Bauteur; & sainte Baudour, étoit issue de l’ancienne Maison de Saxe en Allemagne, d’où les premiers Rois de France avoient tiré leur origine. Baillet. Sainte Baudour fut Reine de France, femme de Clovis II, Régente du Royaume, puis Religieuse à Chelles, où elle mourut. Voyez Baillet 30 Janv. Jumieges, jadis Monastère de S. Pierre, fondé par sainte Baudour, femme de Clovis II. G. Du Moulin, Hist. de Norm. p. 7. Paradin n’est pas le seul qui ait mis des impostures sur la bonne Reine sainte Baudour. De Rubis. Du Tillet, Rec. des Rois de France, p. 28, dit qu’elle est vulgairement appelée sainte Bautour, l’écrivant par un t, qui dans la suite s’est changé en d.

BAUDOUR. s. m. Vieux mot. Réjouissance, gayeté.

BAUDRIER. s. m. Echarpe de cuir ou d’étoffe qu’on porte sur l’épaule droite, & qui descend sur le côté gauche, servant à tenir l’épée. Balteus, balteum. Un baudrier à frange. Il reprit les ornemens impériaux, le baudrier militaire, & l’épée, marques de noblesse & de commandement, dont il avoit été dégradé. Mézer.

Baudrier, est aussi une valise faite de drap, pour porter ce que l’on veut en campagne. Hippopera, pannea.

On se sert aussi de ce mot dans les termes d’Astronomie : une des plus belles étoilles est celle qui est au milieu du baudrier d’Orion.

Ce mot vient de Baudroyeur, qui est un homme qui endurcit le cuir en le maniant : d’où vient que les Corroyeurs prennent encore dans leurs Lettres le titre de Baudroyeurs, quoiqu’ils ne fassent plus de baudriers. Du Cange le dérive de baldrellus, mot de la basse latinité, signifiant la même chose, & M. Huet de baltenrius.

☞ BAUDROYE. s. f. Rana piscatrix. Poisson de mer ainsi nommé, parce que sa bouche est si grande, qu’on l’a comparé à un baudrier. On lui a donné le nom de rana, parce qu’il ressemble au têtard, & on a ajouté celui de piscatrix, parce qu’il est bon pêcheur. Sa chair est de mauvais goût.

BAUDROYER. v. a. Vieux mot qui signifie corroyer, préparer les cuirs tannés à recevoir la couleur. Coria persicere, concinnare.

BAUDROYEUR. s. m. C’est une qualité que prennent les Corroyeurs qui préparent le cuir, & qui faisoient autrefois des baudriers. Coriarius, alutarius.

BAUDRUCHE. s. m. Certain boyau de bœufs, bien dégraissé & préparé, dont les Batteurs d’or se servent pour faire leurs deux plus grands moules. Boiz. Voyez Moule.

BAUDT. s. m. Voyez Baudille.

BAUDUFLE. s. f. Toupie. Turbo. Ce mot n’est en usage qu’en Provence & en Languedoc.

BAVE. s. f. ☞ Salive qui découle de la bouche. Saliva ex ore fluens, salivæ profluvium ; ou écume que jettent certains animaux. La bave d’un enfant, d’un vieilard. La bave d’un chien enragé.

Ce mot vient de l’Italien bava.

On appelle bave d’un limaçon, cette humeur visqueuse & gluante qu’il jette, avec laquelle il s’attache aux arbres, aux parois. Spumidus humor, lentor.

On appelle aussi bave, le venin que jette la salamandre.

Bave. Vieux mot. Parole inutile ou hors de propos, d’où nous avons fait bavarderie & bavard. Gerræ, nugæ. Ce mot se trouve dans Marot.

Bave a signifié aussi moquerie.

Qui savez si bien les manières,
En disant mainte bonne bave.

On a dit aussi bavernes ; & baver a été dit, pour, se moquer, tenir des discours de raillerie.

Bave, (la) Rivière de France qui a sa source dans le Querci, élection de Figeat, reçoit plusieurs ruisseaux, arrose S. Seré, & se jette dans la Dordogne un peu au-dessous de l’embouchure de la Serre dans cette rivière.

BAVER. v. n. Jeter de la bave ou de la salive, soit naturellement, comme font les enfans, soit par l’action & la violence des remèdes. Salivam ex ore emittere,

Baver, se dit en termes de Plombier, des tuyaux qui ne jettent pas l’eau droit ; & il signifie, ne pas couler droit. Diffluere. Ce tuyau bave, il faut le rajuster.

BAVESTIER, IÈRE s. m. & f. Ce terme est injurieux, & n’est en usage que dans la province du Maine, où ceux du haut Maine appellent par mépris bavestiers ceux qui sont du bas Maine. Cenomanesis inferior.

BAVETTE. s. f. Linge qu’on met aux petits enfans au devant de l’estomac, de peur qu’ils ne salissent leurs robes. Linteum pectorale. Cette fille est jeune, il n’y a pas long-temps qu’elle étoit encore à la bavette.

Le bon Roi Priam en mangeant,
Avoit attaché en bavette
Dessous le menton sa serviette. Scar.

On dit dans le style populaire, bas & familier, à la bavette ; pour dire, dans l’enfance, dès la bavette, pour dès l’enfance. Pour le Cardinal j’ai lu d’un homme de Chambre, qui en pouvoit parler assurément, puisqu’il l’avoit connu dès la bavette, qu’il étoit né à Rome. Mascur.

Bavette, se dit aussi d’une espèce de plastron composé de vieux chiffons, que les Boyaudiers mettent devant eux pour garantir leur poitrine, & empêcher que leurs habits ne soient gâtés.

Bavette, en Architecture, se dit d’une baude de plomb blanchi qui couvre les bois, & le devant des chénaux sur les maisons couvertes d’ardoises.

On dit proverbialement & populairement, que des femmes vont tailler des bavettes, quand elles s’assemblent pour caqueter.

BAVEUSE. s. f. Poisson de mer, brun sur le dos & moucheté. Salivaria. Il est appelé baveuse, parce qu’il est toujours couvert d’une bave gluante. Sa chair est molle & de mauvais goût.

BAVEUR. s. m. Vieux mot. Grand parleur, grand diseur de riens. Loquax, nugator. Marot se sert de ce mot.

BAVEUX, EUSE. adj. Qui jette de la bave. Saliva fluens. On le dit d’un enfant, d’un limaçon. On appelle une omelette baveuse, celle qui n’est pas tout-à-fait cuite, qui est molette. L’omelette baveuse est plus délicate.

BAUFRER. v. n. Manger avidement. Helluari. Ce mot est bas. Il vient à bis faucibus, comme qui diroit, avoir deux bouches. D’autres le dérivent de vorare, ou valivorare. Baffrer est plus usité dans le style populaire.

BAUFREUR. s. m. Grand mangeur. Helluo. Baffreur est plus en usage.

BAUGE. s. f. Terme de Chasse, lieu où reposent les sangliers, ou autres bêtes noires. C’est ordinairement un endroit sale & bourbeux. Apri volutabrum. Le sanglier fait sa bauge dans des lieux fourrés & des épiniers.

Bauge, se dit aussi des murs qui ne sont bâtis que de cailloux, dont la liaison est faite de terre grasse humectée, & mélée avec de la paille & du foin. Presque toutes les cabanes des paysans n’ont que des murs de bauge. On dit quelquefois bauche. Lutamentum, lutum palearum.

Bauge, est aussi l’enduit qu’on met sur les murs de terre pour les conserver : cet enduit est de terre & de paille. Incrustamentum ex sectis paleis & dilutâ terrâ.

Bauge. Droguet qui se fabrique en Bourgogne, avec du fil filé bien gros, & de la laine grossière.

Bauge, se dit proverbialement & populairement en cette phrase. Avoir tout à bauge, pour signifier, avoir en abondance ; & se dit particulièrement des valets à la discrétion desquels on a abandonné les provisions d’une maison.

☞ BAUGÉ. Balgiacum, Baugeium, baugium & balgium. Petite ville de France, en Anjou, sur la rivière de Coesnon, à quatre lieues de la Flèche.

Baugé le vieux. Bourg de France dans l’Anjou, à un quart de lieue de Baugé, aussi sur le Coesnon, fameux par la défaite du Duc de Clarence, frère du Roi d’Angleterre.

☞ BAUGENCI. Balgeniacum. Ville de France, dans l’Orléannois proprement dit, sur un côteau, au bas duquel coule la Loire, sous un pont de vingt-deux arches.

☞ BAUGUE. s. f. Voyez Bauque.

BAVIÈRE. Pays d’Allemagne. Boïaria, Bavaria. La Bavière a été anciennement appelée Norique. Noricum. Des Boïens, peuple de la Gaule, qui habitoient ce que nous appelons aujourd’hui le Bourbonnois, s’y établirent ainsi que dit César, L. I, de la guerre des Gaules, C. 5, & on appela ce pays qu’ils occupèrent le pays des Boïens ; & parce que dans la suite ils furent appelés Bojarii, on forma de-là le nom Bajoria, qui fut donné à ce pays, & d’où s’est formé Beyeru, qui est son nom allemand, & peut-être le mot latin Bavaria d’où nous avons fait Bavière. Voyez d’autres étymologies au nom Bavarois. La Bavière a eu titre de Royaume ; & quelques-uns prétendent qu’elle a eu ses Rois particuliers jusqu’au temps de l’Empereur Arnulphe. C’est pour cela que Louis le Débonnaire déclara son fils Louis, Roi de Bavière. Dans la suite la Bavière n’a eu que le droit de Duché, qu’elle conserve encore. Le premier Duc de Bavière est Arnulphe, qui fut tué par les Normands en 891. Ce nom Bavière se donne aujourd’hui à un des cercles de l’Empire, à un Duché qui est aussi Electorat, & à un Palatinat.

Le Cercle de Bavière est une des neuf grandes Provinces qui composent l’Empire d’Allemagne, sous le nom de Cercles, & tient le second rang parmi les Cercles. Il a au Couchant les Cercles de Suabe & de Franconie ; au Midi le Tirol, & la Carinthie ; au Levant une petite partie de la Stirie avec l’archiduché d’Autriche ; & au Nord le Royaume de Bohème. Les Directeurs du Cercle de Bavière sont l’Electeur de Bavière, & l’Archevêque de Saltzbourg.

Le Duché de Bavière, ou l’Electorat de Bavière, est la plus grande & la plus considérable partie du Cercle de Bavière. Il est borné au Nord par le Palatinat de Bavière, la Bohème & le Duché de Neubourg ; au Couchant par le même Duché & la Suabe ; au Midi par le Tirol, avec l’Archevêché de Saltzbourg ; & par l’Autriche & l’Evêché de Passau au Levant. Ce Duché n’a la dignité Electorale que depuis le 5 Mars 1623, que Ferdinand II en dépouilla Frédéric V Electeur Palatin, élû Roi de Bohème, pour en revêtir Maximilien I Duc de Bavière, ce qui fut conformé par la paix de Westphalie. On divise le Duché de Bavière en haute & basse Bavière. La haute Bavière est la partie Occidentale de ce Duché, la basse Bavière en est la partie Orientale. Consultez Imhoff, Not. Imp. Proc. L. II. C. 6.

On a sur l’Histoire de Bavière, Joannes Aventins, Annales Boïorum, L. VII. Imprimé à Ingolstad en 1554. in-fol. & à Leipsic en 1710. Marc. Velserus, De Rebus Boïcis in-4o. à Ausbourg en 1602. Joannes Aldzreiter, Annales Boïæ Gentiis, & Annales Boïci, du P. And. Bruner Jéf. Joachin Meïer De Boïorum Migrationibus, in-4°. à Gotinga en 1702.

☞ BAULT, BAUDE. Vieux mots. Joyeux, joyeuse.

BAUME. s. m. Plante médicinale étrangère. Cette plante se nomme en latin balsamum ; son bois, xylobalsamum ; sa liqueur opobalsamum ; son fruit carpobalsamum. Le baume est un arbrisseau qui croît en Arabie, & qui ne s’élève guère plus haut que nos grenadiers : quelques-uns lui donnent la hauteur du violier blanc. Daper dit qu’il est de la forme de l’agnus castus, & de la hauteur du troëne ; qu’il a peu de feuilles. Il jette beaucoup de branches garnies de petites feuilles arrondies, que Prosper Alpin compare à celle de rue ; mais elles ne sont pas si blanches, & elles sont toujours vertes. Son bois est gommeux, & de couleur rougeâtre. Ses branches sont de la même couleur, longues, minces, & garnies de peu de feuilles. Ses fleurs sont petites, blanches & fort odoriférantes. Son fruit est un noyau couvert d’une peau séche & brune ; il renferme quelquefois une petite amande ; quelquefois, la semence étant avortée, la cavité de ce fruit est remplie d’une liqueur jaune, semblable à du miel, d’un goût amer, & qui pique la langue. Marmol, qui le décrit dans son XIe Livre Chap. 12, dit que c’est un arbrisseau de trois pieds de haut, dont les branches sont comme le sarment de la vigne, & de même couleur ; & que la graine en est rouge.

On en tire une liqueur pendant les mois de Juin, de Juillet & d’Août par le moyen des incisions qu’on fait à l’écorce ; il en sort aussi naturellement. Théophraste veut que ces incisions se fassent avec des griffes de fer, & Pline avec du verre, ou de la pierre ; parce que le fer, dit-il, le feroit mourir, ce qu’on ne remarque pourtant pas. Tacite dit, Hist. L. V. C. 6. que quand la séve fait enfler les branches du baume, il semble que ses veines appréhendent le fer, & s’arrêtent quand on y fait incision avec ce métal ; mais qu’on les ouvre avec quelque morceau de pierre, ou de pot cassé. Marmol dit qu’on le fait avec un couteau d’ivoire, ou de verre, parce que le fer feroit sécher les branches. Ce suc est blanc au commencement ; peu après il devient vert, ensuite de couleur d’or ; & enfin quand il vieillit, il est de couleur de miel : il est trouble d’abord, après il s’éclaircit, & a la consistance de la térébenthine. Son odeur est agréable, & fort pénétrante, son goût amer, âcre & astringent. Il est fort léger quand il est nouveau ; si on en verse dans l’eau, il ne va pas fort avant mais s’élevant tout-aussitôt, il se répand sur toute la surface de l’eau, se mêle avec elle, & s’y dissout promptement ; mais peu après il se coagule, & devint blanc comme du lait ; & c’est alors qu’on le tire de l’eau.

On a crû que le Baume croissoit en Egypte & en Judée ; cependant Dapper dans sa Descript. d’Egypte, pag. 62, dit que le baume n’est point originaire d’Egypte ou de Syrie, comme l’ont crû Théophraste, Dioscoride, Pline, Justin, Strabon, & plusieurs autres Anciens ; que bien loin qu’il croisse de lui-même en Egypte, on n’en trouve que dans le seul jardin d’Elmatharea, d’où les Pèlerins de la Mecque l’apportent ; que tous les Pèlerins conviennent unanimement qu’auprès de la Mecque & de Médine, sur la montagne & dans la plaine, dans les terres cultivées & les incultes, & même sur les sablons, il y croît une infinité d’arbres de baume ; mais ceux qui croissent dans ces lieux stériles, ne rendent que fort peu de gomme ; ils portent beaucoup de graine, qu’on envoie vendre en Europe. Les habitans pour tirer plus de profit de ces arbres, les transplantent de ces lieux arides dans des terres grasses. De plus tous les anciens Arabes témoignent, selon le récit des mêmes pèlerins, que de tous temps il a crû en plusieurs endroits de l’Arabie heureuse une infinité d’arbres de baume, & que ces quartiers n’en ont jamais été dénués. Josephe est du même sentiment, Antiq. Jud. L. VIII. Dapper. M. d’Herbelot assure qu’il n’en croît plus maintenant qu’en Arabie. Pline dit que de son temps ce n’étoit qu’en deux jardins appartenant au Prince, qui contenoient environ vingt journaux. Mais les Romains le firent multiplier en la vallée de Jéricho, comme témoigne Justin. La Reine de Saba en apporta une plante à Salomon ; & Josephe dit qu’on lui a l’obligation de ce que la Judée a été depuis fertile en baume. On élève présentement en Arabie une infinité de ces arbres, dont les Arabes tirent beaucoup de profit. Il n’y a pas long-temps qu’on s’est apperçu du gain qu’il y avoit à faire. Mais depuis qu’on y a pris garde, il y en a des vergers tout pleins. Cependant on a fait une loi qui défend de semer ou de planter cet arbre sans la permission du Souverain. Dapper. Voyez cet Auteur, p. 62, 63. Il y a plusieurs choses curieuses touchant ce baume. Tandis que le baume découle des arbres qui sont dans le jardin du Grand-Seigneur au Grand Caire, il y a des Janissaires qui gardent ce baume.

Le baume qu’on apporte d’Arabie au Caire, encore qu’il soit de bonne odeur, n’est pas tout véritable gomme, ni des larmes de l’écorce, car il en tombe fort peu : la plupart du baume est fait du bois & des branches vertes de l’arbre distillés au feu ; encore n’est-il pas tout pur ; on le falsifie en y mêlant de la térébinthe de Cypre. De plus on extrait de la graine une liqueur qu’on fait passer pour du véritable baume, quoiqu’il n’ait pas l’odeur si forte, & qu’il soit plus amer au goût. Dapper. Le Moine qui a composé dans l’onzième siècle la vie de S. Bononius, parle d’un jardin qu’avoit le Roi de Babylone en Egypte, tout planté d’arbres de baume. Marmol écrit aussi, L. XI, que l’on dit qu’il ne croît que dans un jardin du Grand-Seigneur proche du Caire.

Outre ce baume d’Orient, il nous en vient de plusieurs sortes de l’Amérique. Les plus considérables sont ceux du Pérou, de Tolu & de Capaïba. Le baume du Pérou est un suc tiré d’un arbre qui est de la grandeur du grenadier, ayant les feuilles semblables à l’ortie. Quand on fait une incision à son écorce, il en fort une liqueur blanchâtre & gluante qu’on appelle baume, parce qu’on y a remarqué les vertus de l’ancien baume de Judée : mais les Indiens gardent le naturel pour eux, & nous envoient de l’artificiel, qu’ils font en faisant bouillir le tronc & les branches hachées de cet arbre, & en amassant avec une coquille l’huile qui nage au-dessus de cette décoction, & qui est de couleur noire, rougeâtre & fort odoriférante ; & c’est ce qu’on appelle baume noir, ou baume de lotion. On appelle encore baume noir le labdanum.

Le baume de Tolu est tiré par l’incision de l’écorce d’un arbre qui ressemble à un petit pin. Il est rouge tirant sur le doré, de consistance moyenne, fort gluant & adhérent, de saveur douce & agréable, d’une odeur excellente, qui approche de celle du limon. Il a les mêmes qualités que celui du Pérou. On l’apporte d’une province de l’Amérique, que les Indiens appellent Tolu, située entre les villes de Carthagène, & de Nombre de Dios.

Le Baume de Copaïba, que nous nommons baume de Capau, & quelquefois baume de Copahu, est tiré de même par l’incision d’un arbre qui croît en abondance dans l’île de Matanhou. Cet arbre est assez grand, son bois fort rouge & dur, dont on fait des planches larges pour divers usages. Ses feuilles sont ovales, longues de quatre ou cinq doigts, & larges de deux, ou de deux & demi. Ce baume est fort clair, de la consistance & de l’odeur de l’huile de térébenthine distillée ; on en tire quelquefois jusqu’à douze livres dans l’espace de trois heures. Il est admirable pour les plaies, comme les autres baumes. Les Juifs s’en servent après la circoncision, pour arrêter le sang qui coule de la plaie.

Le Baume de la Mecque a pris son nom du lieu d’où il vient, comme les autres baumes dont on vient de parler ; il est sec & blanc, semblable en figure à la couperose blanche calcinée, sur-tout quand il est Vieux. Pomey. Il y a aussi un baume de vanille dont nous n’avons guère connoissance ; on le fait, ou on le tire au Mexique ; mais les Espagnols le gardent pour eux, & ils n’en font point commerce.

Baume de liquid-ambar, est une huile qui a la consistance de la térébenthine, & qui ressemble à une raisine claire & rougeâtre : elle découle du tronc de certains arbres fort gros & fort grands, dont les feuilles sont semblables à celles de lierre : ces arbres croissent en quantité dans la nouvelle Espagne.

Il y a encore un baume qu’on appelle nouveau, qui vient de l’Île Espagnole. L’arbre qui le produit est de la hauteur de deux hommes : on en prend les sommités, & les fruits qui ressemblent à des raisins ; on en tire le suc, & on le fait cuire jusqu’à ce qu’il ait acquis la consistance du miel. Prosper Alpin, Marc-Grave, Tesmandés, Jean de Laët, ont parlé de ces différens baumes.

Le Baume a servi de corps à d’assez belles devises, avec ces ames : Vulnere sano, ou Vulnus opem, ou In pretio lacrimæ ; on l’a appliqué à des personnes pénitentes, avec ce mot : Sponte fluunt melius, il marque très bien que les bienfaits doivent n’être point forcés.

☞ On appelle aussi baumes certaines compositions faites par les Apothicaires & : les Chimistes, principalement lorsqu’il y entre des ingrédiens balsamiques.

Le Baume artificiel est un remède qu’on emploie le plus souvent à l’extérieur. On le fait d’une consistance un peu plus solide que celle de l’onguent ordinaire. Il est préparé pour récréer & fortifier les parties nobles par sa bonne odeur. Il s’en fait aussi d’une consistance fluide entre celle des huiles & des linimens, dont le principal usage est pour les plaies. Il s’en fait de plusieurs façons, de divers aromates & huiles distillées. L’huile de noix muscade est la bâse ordinaire des baumes, ou la cire blanche. On y mêle la graisse d’agneau, la moele de cerf & de veau, ou la manne en larmes, &c. On lui donne les noms d’apoplectique, stomachique, bésoardique, hystérique, vulnéraire, &c.

Le baume apoplectique réjouit le cœur, réveille les esprits suffoqués dans l’apoplexie, & donne le temps de préparer d’autres remèdes plus efficaces. Alors il en faut frotter les tempes, les sutures, & la fontenelle, & en faire avaler quelques grains dissous dans de l’eau de la Reine d’Hongrie, ou dans de l’eau de cannelle.

On appelle aussi le baume du Samaritain, de l’huile commune mélée, & cuite avec du vin, parce qu’on croit que le charitable Samaritain de l’Evangile se servit de ce remède.

Baume, ou Huile de poix, est une huile rougeâtre qu’on tire de la poix par le moyen d’une cornue : on lui a donné le nom de baume, à cause de ses grandes propriétés. Le baume de poix est un très-bon baume, & l’on prétend que ses qualités approchent de celles du baume naturel.

Baume ardent. C’est une composition qui est un remède pour les plaies, les meurtrissures, & les humeurs froides. Ce remède se fait d’une teinture jaune de Karabé broyé qu’on tire par le moyen de l’esprit de vin, dans laquelle on fait dissoudre du camphre rafiné.

Baume de Saturne. C’est un sel de Saturne, dissous dans l’huile ou l’esprit de térébenthine, & digéré, dit M. Harris, jusqu’à ce que la matière ait pris une teinture rouge. Ce baume résiste à la putréfaction des humeurs, & est fort propre à nettoyer & cicatriser les ulcères.

Baume de soufre. Il y en a de deux sortes. Le baume de soufre commun, & le baume de soufre anisé. Le baume de soufre commun est un baume tiré par le moyen du feu d’une composition faite d’huile de noix tirée sans feu, de fleur de soufre, de sel de tartre, & de vin blanc mêlés ensemble. Le baume de soufre commun est bon pour digérer, pour résoudre les matières crues, découlées & amassées en quelque partie du corps : on l’emploie en onction extérieure : il sert de bâse à l’emplâtre de souffre. Le baume de soufre anisé est tiré de