Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 1/791-800

Fascicules du tome 1
pages 781 à 790

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 1, pages 791 à 800

pages 801 à 810


Bastion irrégulier, ou difforme, comme parle M. Harris, est celui qui n’a point une de ses demi-gorges, parce qu’un de ses flancs est trop court.

Bastion régulier, est celui dont les faces, les flancs & les gorges, ont la proportion requise.

Bastion à orillon. C’est une espèce de bastion dont les flancs font un centre, la concavité en dedans. Orillon est un diminutif d’oreille, & ce bastion est appelé bastion à orillon ; parce que de la façon dont les flancs s’unissent à la courtine, cela représente à-peu-près la figure d’une oreille.

Bastion plat, est un bastion posé au milieu d’une courtine, quand elle est trop longue pour être défendue par les bastions qui sont à son extrémité ; au lieu qu’on les met ordinairement sur les angles de la place, quand elle est régulière. M. Harris le définit un bastion construit sur une ligne droite.

Demi-Bastion, est une pièce de fortification qui n’a qu’une face & un flanc. Pour fortifier un angle trop aigu d’une place, on en coupe la pointe, & on y met deux demi-bastions qui font une tenaille, ou un angle rentrant. Leur plus grand usage, c’est d’être à la tête des ouvrages à corne ou à couronne.

☞ En termes de Médecine, le mot de bastion s’applique par analogie, à une partie du corps qui sert comme de rempart, de défense à une autre. Tel est le thorax par rapport au cœur & aux poumons.

On appelle le bastion de France, une petite place qui est sur la côte de Barbarie entre Tunis & Alger, quoique ce ne soit qu’une tour & un donjon où les marchands entretiennent une garnison de 50 hommes pour favoriser la pêche du corail, qu’ils font à huit milles de-là. On donne des noms aux bastions pour la commodité du service. Bastion du Roi, bastion de la Reine, &c.

BASTIONNÉ, ÉE. adj. Tout bastionnée : c’est une sorte de fortification qui tient de la tour & du bastion, inventée & mise en usage par M. de Vauban. On dit que la tour bastionnée vaut mieux que le bastion ordinaire.

BASTIR. Voyez Bâtir.

BASTISSE. Voyez Bâtisse.

BASTISSEUR. Voyez Bâtisseur.

☞ BASTOGNE. Petite ville des Pays-Bas, au Comté de Chiny, à huit lieues de Luxembourg.

☞ BASTON. Ville d’Angleterre. Voyez Boston.

BASTON. Voyez Bâton.

BASTONNABLE. adj. Mot burlesque, pour dire, qui mérite des coups de bâton. Dignus fustibus. Le Héros de son Roman est très-bastonnable. Scar.

BASTONNADE. s. f. Action par laquelle on donne des coups de bâton. Fustis ictus, fustuarium. Les satyriques médisans sont sujets aux bastonnades.

BASTONNÉE. s. f. Voyez Bâtonnée.

BASTONNER. Voyez Bâtonner.

BASTONNET. Voyez Bâtonnet.

BASTONNIER. Voyez Bâtonnier.

BASTUDE. s. f. Terme de Marine. Le s se prononce. C’est une espèce de filet, duquel on se sert pour pêcher dans les étangs salés, dont il est fait mention dans l’Ordonnance.

☞ BAS-VENTRE. Terme d’Anatomie. Voyez Abdomen, terme synonyme.

☞ BASVILLE. Bassivilla. Ville de l’Amérique, dans l’Île de la Martinique, proche du Fort Royal, bâtie pendant que M. le Bas étoit Gouverneur de l’île.

BAT.

☞ BAT, ou BATH. Espèce d’interjection dont nous nous servons dans la conversation pour faire connoître que ce qu’on nous dit, est une sottise, n’est point de notre goût. Bat.... c’est-à-dire, vous vous trompez, vous ne savez ce que vous dites.

BAT. s. m. Queue du poisson. Vieux mot qui n’est plus en l’usage qu’en la cuisine du Roi, en cette phrase : on mesure les poissons selon la quantité des pouces qu’ils ont entre œil & bat ; c’est-à-dire, l’œil & la queue. Cauda.

Bat. Petite monnoie d’argent qui a cours dans plusieurs villes d’Allemagne, particulièrement à Nuremberg. Le bat vaut quatre crutzers, à raison de quatre deniers, ou huit fenins le crutzer. Il y a aussi des bats en Suisse, qui sont des monnoies de billon, c’est-à-dire, d’argent & de cuivre.

Bat. Voyez Bath.

BÂT, en prononçant l’a long & ouvert, s. m. Selle grossière qu’on met sur le dos des bêtes de somme. Clitellæ. C’est une manière de harnois qui est composé d’un bois, qu’on appelle fût, d’un panneau & de deux crochets. Le bât d’un âne ; un cheval de bât. Jumentum clitellarium. ☞ Si vous voulez une définition recherchée, voici celle des Vocabulistes. Selle grossière qui sert aux ânes, aux mulets, & autres bêtes de somme.

Ce mot vient du latin bastum, signifiant la même chose, qui est dérivé du grec βάκτρον, signifiant un bâton avec lequel on porte des fardeaux. Mén. & Du Cange, que le Port-Royal a copié dans ses Racines grecques. Nicot le dérive du grec βασάζω, c’est-à-dire, bajulo, je porte. D’autres le dérivent par méathatèse de l’hébreu צב, qui signifie, tumidum, cameratum. Etienne Guichard du même mot hébreu צב, tsab, dans le sens de couverture d’un char, ou d’une litière, d’où il prétend que se fait bât, parce que c’est la couverture d’une bête de somme, stramentum, stratorium. Mais il y a plus d’apparence qu’il vient du vieux mot celtique bass, qu’on dit encore en basse-Bretagne dans la même signification. Dans les lois Palatines de Jacques I Roi de Majorque, au titre De faliis, on trouve le mot bât. Cum animalis sive de fellâ, sive de bast fuerit. Sur quoi le P. Papebrock, Acta SS. Jun. T. III, p. LXXXII, dit que ce mot bât, vient de l’Allemand bast, qui signifie une corde, parce que le bât s’attache avec des cordes, & non pas avec des courroies, comme la selle. Dans les Acta Sanct. Bened. sæc. III. P. I, p. 581, on trouve bastæ, qui se dit du harnois d’un âne, & que le P. Mabillon prend pour les paniers ou mannequins qui se mettent sur le bast, & qui s’appellent, dit-il, dans ce pays-là, c’est-à-dire, proche de Sarlat, bastes. On paroit en effet distinguer cela du bât ; car il y a Stravit Asinum, &, ut rusticè loquar, super imposuit bastas, in quarum una, &c. Ce nom vient de ce qu’ils s’attachoient au bât.

On dit proverbialement d’un homme qui est trop vêtu, qu’il est rembourré comme le bât d’un mulet. On dit de celui qui a quelque affaire domestique fâcheuse, & qu’il cache, qu’on ne sait pas où le bât le blesse. On dit aussi d’un homme fort stupide, que c’est un cheval de bât. On dit encore d’une chose qui peut servir à plusieurs usages & à plusieurs personnes, que c’est un bât à tous ânes. On dit qu’il n’importe de quoi le bât soit rembourré, pourvu qu’il ne blesse point la bête ; pour dire, qu’il n’importe ce que l’on mange, pourvu qu’on n’en soit point incommodé.

☞ BATA. Province d’Afrique, au royaume de Congo, dans la basse Ethiopie. La ville principale a aussi le nom de Bata.

BATADOUR. s. m. Terme du jeu de revertier, qui se dit des ☞ dames qui font surcase, sur la même flèche où il y en a déjà d’accouplées. On les appelle ainsi, parce qu’avec elles on bat les dames découvertes, sans se découvrir soi-même.

BÂTAGE. s. m. Droit que lèvent quelques Seigneurs sur les chevaux de bât. Vectigal jumentorum clitellariorum. Ce droit se prend pour tous les chevaux bâtés, chargés, ou non chargés, pour raison du bât, outre le péage, pour raison de la marchandise. M. De Lauriere, sur Ragueau.

BATAIL. s. m. Espèce de marteau fait en forme de massue, ou morceau de fer long & rond, & beaucoup plus gros par le bout d’en-bas, que par le bout d’en-haut, qui pend au milieu de la cloche étant attaché à la belière, & qui frappant à droite & à gauche sur les bords la fait sonner. Il est vieux. Clava tudicula. Le poids du batail doit être proportionné au poids de la cloche. L’art de le fondre & de le proportionner est écrit au sixième Livre de la Pyrotéchnie de Biringuccio. On dit plus souvent battant. Voyez ce mot.

Du Gange dérive ce mot de batallum qu’on a dit dans la basse latinité pour signifier un batail, ou battant de cloche Voyez Battant.

BATAILLÉ, ÉE. adj. Il se dit dans le Blâson, en parlant d’une cloche dont le batail est d’un autre métal que la cloche n’est. Clavatus, tudiculâ instructus. D’azur à une cloche d’argent bataillée de sable. De Bellegarde porte d’azur à une cloche bataillée de sable. On dit quelque fois batelée.

☞ BATAILLE. s. f. Action générale, ordinairement précédée de quelque préparation, entre deux armées. Prælium. Ranger, mettre en bataille. In aciem producere, educere ; aciem instruere. Donner, livrer bataille. Prælium committere, conserere, dare, miscere.

☞ Les Vocabulistes, d’après l’Académie, disent que la bataille est un combat général de deux armées ennemies. Ce dernier mot est inutile ; le reste n’est pas exact. Combat n’est pas un terme générique. Le mot d’action est le genre dont bataille & combat sont les espèces. Celui de bataille, comme nous l’avons dit avec M. l’Abbé Girard, est une action plus générale, & ordinairement précédée de quelque préparation : celui de combat exprime une action plus particulière, & souvent imprévue. Ainsi les actions qui se sont passées à Cannes entre les Carthaginois & les Romains, à Pharsale entre César & Pompée, sont des batailles. Mais l’action où les Horaces & les Curiaces décidèrent du sort de Rome & d’Albe, celle du passage du Rhin, la défaite d’un convoi ou d’un parti, sont des combats.

☞ On remarquera encore que le mot de bataille a rapport aux dispositions, & celui de combat à l’action même de se battre. Ainsi l’on dit l’ordre de bataille, & chaleur du combat. Enfin le mot de bataille a des grâces particulières, lorsqu’il n’est question que de dénommer l’action. C’est pourquoi l’on ne parleroit pas mal en disant qu’à la bataille de Fleurus le combat fut fort chaud.

☞ Une autre différence entre bataille & combat, c’est que ce dernier se prend souvent dans un sens figuré ; bataille & action jamais.

Bataille navale. C’est le choc de deux flottes, de deux armées de mer rangées en diverses escadres. Navale prælium. Voyez Combat naval.

☞ Corps de bataille, qu’on appeloit autrefois simple la bataille, est cette partie de l’armée qui est entre les deux ailes. Acies.

Bataille, se dit aussi d’une armée prête à combattre, de troupes rangées en état de combat, & toutes disposées à donner & à recevoir le choc. Acies ad pugnam instructa, comparata. La bataille étant trop étendue, ils ne pouvoient donner ordre à tout, ni voir ce qui manquoit en chaque lieu. Il marchoit en bataille avec le bagage au milieu. Ablanc. Il marchoit en bataille sur quatre fronts. Id. Il donna beaucoup de hauteur à sa bataille. Id.

Le Champ de bataille, est le terrain où l’on combat ; & l’on dit que le champ de bataille est demeuré à un parti, quand il a obligé l’ennemi à s’en retirer. Locus prælii, pugnæ. On le dit aussi figurément dans une dispute, quand on a eu avantage sur son adversaire, & qu’on l’a réduit à céder, ou à acquiescer.

Maréchal de Bataille, étoit autrefois un grand Officier qui avoit soin de ranger l’armée en bataille ; mais dont la charge est maintenant exercée par les Maréchaux de camp. Castrorum præfectus.

Marcher en bataille, c’est marcher en bataillons & escadrons, dans le même ordre que si on avoit à donner bataille, quand le terrain le permet : ce qu’on fait toujours quand on est près des ennemis. Procedere in acie.

Cheval de bataille, est un cheval fort & adroit, que les Officiers réservent pour les occasions où il faut combattre. Equus bellator, ou bellicus.

On dit figurément de celui qui a une bonne raison, un argument bien pressant en quelque dispute, que c’est son cheval de bataille. Qu’il faut qu’une personne livre des batailles, quand elle rencontre des difficultés pour obtenir d’un supérieur ce qu’elle lui demande. Ainsi le mot de bataille au figuré, se prend pour toutes sortes de combats & d’assauts, ou d’entreprises en général : & en particulier pour les combats & les assauts que la beauté des femmes livre au cœur des hommes. Ses charmes ont livré à mon cœur une horrible bataille. Desmarais.

☞ Malgré l’autorité de l’Auteur qu’on vient de citer, on peut éviter, même dans le comique, d’employer le mot de bataille au figuré dans ses sortes d’occasions. Les batailles se donnent seulement entre des armées d’hommes. Les combats se donnent entre les hommes, & se font entre toutes les autres choses qui cherchent à se détruire ou à se surmonter.

On dit proverbialement, voilà ce que j’ai sauvé de la bataille ; pour dire, ce qui m’est resté de mes pertes, de mes procès, des contestations que j’ai essuyées. On le dit aussi de ceux qui peuvent retirer & arracher quelque chose des mains des personnes qui se battent.

Ce mot vient de battualia, qui signifie proprement le lieu où deux hommes s’exerçoient au combat ; ou de batalia, qui signifie l’exercice ou l’apprentissage des gens de guerre ; de-là on a aussi dérivé le mot de battere, dont on a fait battre. Mena. On trouve aussi batallum dans la basse latinité, pour duellum. Mabillon, Annal. Bened. L. XLV, p. 478.

Bataille (en Jurisprudence) s’est dit dans le même sens que combat, lorsque les duels étoient autorisés en justice. Voyez Combat & Duel.

Bataille, se dit encore d’une espèce de jeu de cartes. Les enfans jouent à la bataille.

☞ On se sert de ce mot au figuré, pour signifier les représentations des batailles en Peinture. Les batailles d’Alexandre par le Brun sont mises au nombre des morceaux de peinture les plus achevés qui soient en deçà des Alpes. On appelle Peintre de batailles, celui qui s’adonne particulièrement à ces sortes de sujets.

Batailles, s. f. pl. C’est le nom qu’on donne dans les forges à la galerie qui règne autour de la charge & du haut de la cheminée.

☞ BATAILLER. Vieux v. n. qui dans le sens propre signifioit autrefois donner bataille. Aujourd’hui on le prend dans un sens figuré, en style de conversation, pour dire, contester beaucoup, se donner beaucoup de mouvement. Certare, contendere. Il m’a bien fallu batailler pour obtenir ce que je demandois.

Autrefois on l’employoit activement. Un vieux Historien a dit que les Flamands avoient bataillé une Eglise ; pour dire, qu’ils l’avoient attaquée. On a dit dans la basse latinité batalare, pour dire, manier les armes : & batalia, pour dire, un combat.

BATAILLEUR. s. m. Vieux mot. Qui aime les batailles. Pugnator. Alphonse I, Roi d’Arragon, mérita par ses victoires le surnom de Batailleur, ou de Guerrier. P. Hélyot, T. VIII, p. 273, c. 36.

BATAILLIER. adj. Vieux mot. Vaillant, bon soldat. On a dit aussi Bataillereux & batailleureusement, pour dire, vaillamment.

Bataillier. Rivière de France. Elle arrose la Provence : elle a sa source dans le bois de Laverne, & se décharge dans la mer à la côte Negre.

BATAILLIÈRE. s. f. On nomme Bataillière, une petite corde qui fait jouer le traquet d’un moulin.

BATAILLON, s. m. Petit corps d’Infanterie rangé en bataille ; certain nombre de fantassins, ou de gens de pied, rangés en ordre & prêts à combattre. Agmen. Cette armée est composée de tant de bataillons & d’escadrons. Un bataillon est composé de 600, 700, ou 800 hommes. Chaque bataillon a cinq ou six hommes de hauteur. Bataillon carré. Agmen quadratum. Bataillon dressé en triangle, ou en pointe, ou en forme de coin. Cuncus. Bataillon épais. Bataillon serré. Phalanx. Former un bataillon. Serrer un bataillon. Étendre un bataillon. Enfoncer, ouvrir, percer, rompre, renverser un bataillon.

Rompre un bataillon ; c’est aussi, en termes d’Evolution, remettre un bataillon par Compagnies, pour le faire défiler.

Bataillon carré, est celui dont les soldats sont arrangés de manière que les rangs sont égaux aux files, en sorte que les quatre côtés qui le terminent, continuent le même nombre d’hommes. Encyc.

☞ Il est à centre plein, lorsque les hommes sont placés tout de suite, ne laissant que l’intervalle ordinaire des rangs & des files ; & à centre vide, lorsqu’il y a dans son centre un espace vide de soldats.

☞ Le bataillon rond, ce que les Romains appeloient in orbem, est celui dont les soldats sont rangés circulairement, en formant plusieurs circonférences concentriques.

☞ Le bataillon triangulaire, est celui dont les rangs augmentant également forment une progression arithmétique.

☞ BATALE. Nom d’un joueur de flûte, qui se servit le premier d’une chaussure de femme sur le théâtre. Il exerçoit son art d’une manière propre à inspirer la mollesse & la dissolution. De-là vient que les anciens appeloient Batales les hommes mous & efféminés. Les ennemis de Démosthène lui donnèrent ce nom. Voyez Libanius & Hesichius.

☞ BATAN. Ville ou bourgade d’Asie, dans la Mésopotamie. Elle est des dépendances de celle d’Arran, qui est l’ancienne Carrac, d’où le patriarche Abraham sortit pour venir dans la Palestine.

BATANÉE. s. f. Batanæa. Petite région située vers les sources du Jourdain dans la Palestine. Elle étoit voisine de la Trachonitide. Elle avoit à l’occident la Gamalitide, la Gaulanitide au midi, la Trachonitide au nord. Elle avoit titre de Toparchie. Elle fit partie du Royaume d’Hérode I, à qui elle fut donnée 20 ans avant la naissance de J. C. Après la mort d’Hérode, & dans le partage de ses Etats, Auguste la donna à Philippe le Tétrarque, l’an Ier de J. C. Elle passa ensuite à Agrippa II, & fut une province de son Royaume. Voyez Josephe, Antiq. Jud. L. XVII, C. 2, de bello Jud. L. I, C. 20. L. II, C. 12. L. III, C. 3, 7, 8, 9.

BATANOMES. s. f. pl. Toiles qui se vendent au Caire.

BÂTARD, ARDE, adj. m. & f. Dans le genre, c’est un enfant qui n’est pas provenu d’un légitime mariage : dans l’espèce, en ce qu’il differe de l’adultérin & de l’incestueux, c’est celui qui est né de la conjonction illicite de deux personnes libres. Nothus filius.

☞ Les bâtards adultérins sont ceux dont le pere & la mere, ou tous les deux ensemble étoient engagés dans le mariage, ainsi que les enfans des prêtres & des religieuses.

☞ Les Bâtards incestueux sont ceux dont le pere & la mere étoient parens à un degré auquel le mariage est prohibé par les Canons. Les bâtards des Rois lorsqu’ils sont reconnus, sont Princes ; ceux des Princes & des Grands Seigneurs sont Gentilshommes : & ceux des simples Gentilshommes ne sont que roturiers, & payent la taille. Les bâtards sont quelquefois légitimés.

Les Bâtards non légitimés ne succèdent point, & on ne leur succède point, excepté leurs propres enfans sortis d’un mariage légitime. Autrement leur succession appartient au Roi. Par la Coutume d’Auvergne & de S. Omer, les bâtards succèdent. Par le Droit Romain, la mere succédoit à son fils bâtard, & le fils bâtard à sa mere. Cependant il y avoit une grande différence entre les enfans naturels & les bâtards, qu’on appeloit spurios. La Loi ne reconnoissoit point les derniers, & leur refusoit même les alimens, comme étant sortis d’une prostitution vague & incertaine : Is non habet patrem, cui pater est populus. Pour les autres qui étoient nés d’une concubine, & d’un commerce qui imitoit le mariage, ils succedoient à leur mere, & avoient droit de demander les alimens à leur pere naturel. On les regardoit comme des créanciers domestiques, qu’il faut traiter d’autant plus favorablement, qu’ils sont les fruits innocens du crime de leur pere ; & que c’est assez qu’ils portent sur le front les marques du vice, dont ils sont la production, sans qu’on leur refuse encore les secours de l’humanité.

Solon vouloit que les pères fussent privés de l’autorité paternelle sur les bâtards parce que n’étant devenus pères que par volupté, le plaisir devoit être leur unique récompense. Aristophane fait mention de cette Loi de Solon dans la Comédie intitulée des oiseaux. Démosthène en parle aussi dans son Oraison pour Macartatus, & après lui Harpocration & Pollux : Suidas ajoute que le pere ne pouvoit laisser à son bâtard plus de cinq mines, qui, selon la supputation de Budée, font cinquante écus. Anciennement à Rome les enfans naturels étoient entièrement exclus de la succession de leur pere ab intestat. Mais ils pouvoient être institués héritiers universels. Les Empereurs Arcadius & Honorius y apportèrent cette restriction : c’est que s’il y avoit des enfans légitimes, les bâtards ne pouvoient être institués que pour un douzième, qu’ils partageoient avec leur mere. Justinien ordonna depuis qu’ils pourroient être institués pour la moitié, & succéder ab intestat pour un sixième, quand il y avoit des enfans légitimes, Novelle quatre-vingt. Les batards peuvent être légitimés par le mariage subséquent, ou par les lettres du Prince. C’est le Roi seul en France qui peut leur donner le droit de légitimation, & les rendre capables de succéder. L’Empereur Anastase avoit permis aux pères de légitimer leurs bâtards par la seule adoption. Justin & Justinien, Novelle 74, abolirent cette légitimation, pour ne pas autoriser le concubinage par cette indulgence & cette facilité. Le Pape a quelquefois légitimé des bâtards. Philippe Auguste, craignant que l’état des deux enfans qu’il avoit eus d’Agnese Méranie, ne fût contesté, s’adressa à Innocent III, pour les faire légitimer, ce que le Pape lui accorda par une Bulle du deuxième Novembre 1201.

Les Bâtards non légitimés, peuvent disposer de leurs biens par donation entre vifs, ou par testament. Mais leurs parens ne leur succèdent point, & ils ne succèdent point à leurs parens ab intestat. Les bâtards légitimes par mariage subséquent, sont de même condition, & entrent dans les mêmes droits que ceux qui sont nés pendant le mariage. Mais pour ceux qui sont légitimés par lettres du Roi, ils ne sont réputés légitimes, & habiles à succéder, qu’à l’égard de ceux de leurs parens qui ont consenti à leur légitimation. Le Pape Clément VII, par sa Bulle de l’an 1535, défend qu’un Prêtre puisse résigner son Bénéfice à son bâtard.

On ne connoissoit point de bâtards en Egypte ; & les enfans qu’un homme avoit d’un esclave, étoient réputés légitimes, de même que ceux qui étoient nés de quelqu’une de ses femmes. Diodore de Sicile, Lib. I.

Les armes des bâtards doivent être traversées d’une barre, filet ou traverse de la gauche à la droite. Du Tillet en ses Mémoires, p. 322, dit que les bâtards ne portoient point autrefois les armes de celui qui étoit crû leur pere ; ils s’en forgeoient à leur mode, & cela s’observoit même parmi les bâtards des Rois. Rochef. Je ne trouve point cela dans les Mémoires de du Tillet. L’édition que j’ai de Rouen 1578, n’a pas même 300 pages. A la page 184 il dit, la Maison de France rejetant les bâtards, ne leur endure son armoirie tant fut-elle barée. Cependant à la page 165, il dit que Charles VII permit à Mademoiselle de Valois sa fille naturelle & à ses successeurs, de porter les armes de France, à la différence de la bande que les enfans naturels ont accoutumé de porter.

Les bâtards ne peuvent être admis aux Bénéfices simples, & aux moindres Ordres, sans dispense de l’Evêque ; ou du Pape, pour les Ordres sacrés & pour les bénéfices qui ne font pas simples ; ni aux charges sans lettres du Prince. Ils prennent des Lettres de légitimation quoad honores.

Ménage & de Hauteserre, de Ducib. & Comit. Prov. C. 9. dérive ce mot de l’allemand bastard, qui signifie la même chose, qui est composé de boes & de hard, qui signifient, mauvaise naissance. Mais il est certain que c’est un vieux mot celtique, qu’on dit encore en basse-Bretagne sans aucune altération. Le P. Pezron croit que c’est un mot celtique Bas-tard, comme si l’on disoit d’une origine basse & méprisable. Du Cange, après Boxhornius, dit aussi que c’est un vieux mot françois & breton, & qu’on appeloit un fils illégitime, bâtard, du mot composé de bas & de tardol, qui signifioit germer & sortir : d’où vient que quelques Auteurs les ont appelés fils de bas, comme qui diroit, sortis de femmes publiques & de basse condition. Selon Port-Royal ce mot vient de βάμαρα, une prostituée, une perdue.

Le Cardinal Gabriel Poléota a fait un savant Livre touchant les bâtards, de liberis Spuriis ac Nothis, que Pontus Heuterus a compilé dans son traité sur le même sujet, intitulé, Tractatus de libera hominis nativitate, seu liberis naturalibus, dans lequel il a prétendu ramasser tout ce que les Jurisconsultes ont dit avant lui sur ce sujet, mais qu’il établit sur des principes bien mauvais & bien contraires à l’Evangile, à la raison, & au sentiment de tous les Docteurs.

Bâtard. Ce mot se dit d’une espèce de faction, ou de bande de brigands qui s’éleva en Guyenne vers le commencement du XIV siècle sous Charles le Bel. Certaines troupes de Gascons, que nos Annales nomment Bâtards, je ne sais pourquoi, se mirent à courir cette Province, & mêlant avec eux des compagnies angloises, allèrent brûler la ville de Saintes. Mezer. Ces Bâtards à mon avis, devoient être ceux des Seigneurs de Guyenne ; car j’ai remarqué que les Bâtards depuis qu’on les eut exclus de la succession de leurs pères, afin de maintenir l’état de leur naissance, aussi bien que les légitimes, se faisoient chefs de routiers, brigands, & troupes de pillards, & s’entretenoient de vols & de ravages. Id.

Bâtard, se dit en termes de Médecine, pour signifier qui n’est pas vrai. C’est une pleurésie bâtarde, c’est-à-dire, fausse pleurésie.

Bâtard, se dit encore en termes de Jardinier, pour signifier sauvage, qui n’est pas franc, qui n’est pas cultivé. Adulterinus. Arbres bâtards. Plantes bâtardes. Silvestris planta.

☞ On appelle encore bâtard tout ce qui n’est pas parfait dans son espèce, comme quand on dit de la reinette bâtarde ; pour dire, que c’est une mauvaise espèce.

Bâtard, en termes de Fauconnerie, se dit de l’oiseau qui tient de deux espèces, comme de sacre & de lanier.

Bâtard, se dit aussi de ce qui n’a point de nom certain, qui participe de deux natures différentes. Bâtard de dogue, chien né d’un dogue d’Angleterre, & d’une chienne d’un autre pays. Lévrier bâtard, chien né d’un lévrier & d’une chienne d’une autre espèce. Une pièce de canon bâtarde, de moyenne grandeur. Une porte bâtarde, est une moyenne porte entre la porte cochère & la bourgeoise. Une écriture bâtarde est celle qui est moyenne entre la françoise & l’italienne.

Bâtard, en termes de Marine, est le nom d’une corde qui assemble les racages, & qui les amarre sur le mât proche la vergue.

Il y a aussi une espèce de Galère qu’on appelle Galère bâtarde.

Bâtarde, est la plus grande des voiles d’une Galère, qui se porte quand il y a peu de vent. Area.

Bâtard, en Musique, se dit de deux modes de la Musique : l’une est l’Hyper-Eolien ; il a sa finale en B, fa si, & conséquemment la 5e au dessus fausse, ou diminuée diatoniquement ; & par cette raison rejeté du nombre des modes authentiques. L’autre est l’Hyper-Phrygien ; il a sa finale en F ut fa, & la 4e au-dessus superflue, & pour cela rejeté du nombre des modes plagaux. Brossart.

On appelle dans le métier de Boulanger, particulièrement parmi les Boulangers qui font le biscuit de mer, de la pâte bâtarde, celle qui n’est ni trop molle ni trop forte.

Il y a une laine bâtarde de vigogne, qu’on appelle encore laine Carmeline. C’est la seconde espèce de laine, de celles qui se coupent de dessus la peau du vigogne. Il se dit aussi des laines communes du Levant.

Chez les Manufacturiers de draperies, on se sert de l’adjectif féminin bâtarde, pour signifier une fausse largeur d’étoffe, une largeur extraordinaire, qui n’a nulle conformité aux Règlemens.

Bâtards, en Raffinerie de sucre, sont les sucres produits des sirops qui sont émanés des matières fines. Encyc.

☞ On nomme aussi bâtarde, une grosse forme qu’on emplit de sirops recuits qui produisent le sucre que l’on appelle bâtard.

En termes d’Horloger, bâtarde se dit d’une lime dont la taille n’est ni douce, ni rude. Demi-bâtarde, celle qui tient le milieu entre la bâtarde & la douce.

On dit proverbialement que l’hiver n’est pas bâtard, & qu’il vient tôt ou tard.

On dit aussi en quelques endroits de Normandie, bâtard de Caux ; pour dire, un pauvre cadet qui n’a point de bien. Avant que la Coutume de Normandie fût réformée, les cadets du pays de Caux n’entroient point en partage avec leurs aînés : on leur donnoit seulement quelque chose en argent, comme on fait encore présentement en Angleterre. Aujourd’hui même les cadets de Caux parmi les roturiers n’ont tous ensemble que le tiers du bien ; l’ainé a les deux tiers avec le préciput dans les biens situés à la campagne, & c’est ce qui fait qu’on nomme les cadets de ce pays-là bâtards de Caux.

BÂTARDEAU. s. m. Construction, espèce de digue qu’on fait dans des eaux ou des rivières pour détourner le cours de l’eau, ou y fonder quelques bâtimens. Pulvinus. On le fait avec deux rangs de pieux qui soutiennent deux cloisons de planches, entre lesquelles il y a un massif de terre glaise bien pétrie. On fait des bâtardeaux pour fonder les piles d’un pont, les quais, les écluses, &c.

☞ On appelle encore bâtardeau une espèce d’échafaud fait de quelques planches qu’on éleve sur le bord d’un vaisseau, pour empêcher l’eau d’entrer sur le pont, lorsqu’on couche le vaisseau sur le côté pour le radouber. Encyc.

Le P. Thomassin dérive le nom de bâtardeau de batar, mot hébreu, qui veut dire disséquer, couper, séparer, parce qu’un bâtardeau fait une séparation dans l’eau.

BÂTARDIÉRE. s. f. Terme de jardinage. Terrain où l’on plante les arbres plus éloignés les uns des autres que dans la pépinière pour leur faire prendre avec la serpette, le croissant, ou le ciseau, la forme qu’ils doivent avoir dans les vergers, les boulingrins ou les bosquets.

☞ Ce mot se dit non seulement du lieu où l’on plante des arbres au sortir de la pépinière, comme on vient de le dire, mais du plant même. Nous remarquerons en passant, qu’il faut écrire plant, & non pas plan avec les vocabulistes, qui copient jusqu’aux fautes d’impression du Dict. de l’Acad.

☞ Nous remarquerons encore qu’ils nous donnent une notion absolument la fausse de la Bâtardière, en disant que c’est un plant d’arbres greffés qu’on éleve dans les pépinières, & qu’on transplante dans des jardins & dans des vergers.

☞ On greffe les arbres dans la pépinière ; on les transplante ensuite dans la bâtardière, en observant de les mettre au moins à quatre pieds de distance les uns des autres, & l’on commence à leur donner la forme qu’ils doivent avoir dans les endroits où ils doivent être placés. La bâtardière est donc une espèce de magasin où l’on met les arbres au sortir de la pépinière pour s’en servir au besoin.

La bâtardière est nécessaire, 1.o Pour avoir des arbres de provision, propres à remettre à la place de ceux qui meurent, ou ne profitent pas. 1.o Pour dégager la pépinière de la trop grande quantité d’arbres. 3.o Pour en avoir à vendre, pour vous dédommager de la première dépense que vous aurez faite à planter votre jardin. Ils pourront aussi vous rapporter en ce lieu là. Outre cela un arbre replanté plusieurs fois est beaucoup plus franc que si directement tiré de la pépinière il étoit placé en lieu à demeure. Il est aussi nécessaire d’avoir une bâtardière pour les arbres greffés sur franc que l’on veut faire monter en grands arbres de six pieds de tige. Id.

BÂTARDISE. s. f. État ou qualité de bâtard. Nothorum genus. La bâtardise exclut de toute succession en France. Bacquet a fait un beau traité de la bâtardise. On appelle droit de bâtardise un droit en vertu duquel les biens délaissés par les bâtards intestats appartiennent au Roi, ou aux Seigneurs hauts-justiciers, & en quelques lieux aux Seigneurs bas-justiciers, & même aux féodaux, lorsque les biens délaissés sont situés dans leurs justices & sur leurs terres, & que les bâtards y sont nés & décédés ; ce qui a été dans son principe une usurpation de l’autorité souveraine. Voyez les Coutumes d’Anjou, Maine & Normandie.

BATATAFE. s. f. Rapa Africana, Rapum Æthiopicum. Les Batatafes sont des racines qui croissent sous terre dans les pays des Nègres : elles ont à peu près le même goût que nos raves, & sont sèches & douces au goût. Dapper.

BATATE, ou BATATÉ. s. f. Racine qui est fort commune aux Îles Antiles. Voyez Patate. Il y en a dans l’île de S. Thomé ; les habitans les nomment Ignames ; ils en font leur nourriture ordinaire, & en mangent au lieu de pain. Il y en a de quatre sortes. La première s’appelle Bénin ; la seconde Achorère ; la troisième Maniconge ; & la quatrième Saffranée qui prennent toutes leurs noms des lieux d’où on les apporte à cette Île. Les deux premières sont les meilleures, l’une à cause de sa douceur, & l’autre parce qu’elle se peut garder long-temps. Dapp. C’est ce que nous appellons Topinanbours, ou pommes de terre.

BATAVE. s. m. & f. Peuple ancien de la Germanie inférieure, que nous appelons aujourd’hui les Pays-bas. Les anciens Bataves occupoient l’île que font le Vahal & le Rhin, ainsi qu’il paroît par César, Liv. IV. ch. 10 & par Pline, Liv. IV. ch. 15. Ils ne l’occupoient pas même seuls ; car Pline & Tacite, Liv IV. Hist. ch. 15, y placent encore les Canénésates, ou Capunésates. Quelques-uns prétendent qu’ils s’étendent au delà du Vahal jusqu’à la Meuse, dans le pays qu’on nomme aujourd’hui Riik-Nimmeguen, c’est-à-dire, Royaume de Nimègue, & dans celui qu’on nomme Maes Wael. Leur raison est qu’on voit dans ce pays des restes du nom des anciens Bataves, dans la ville appelée Batembourg, qui est un abrégé de Batavembourg, & qui signifie le bourg des Bataves. Mais tous les Anciens renferment les Bataves, comme je l’ai dit, entre le Vahal & le Rhin. Un seul Bourg ne prouve pas qu’ils se soient étendus au delà. Il n’est pas clair que le nom de Batembourg soit le même que Batavembourg. Quoi qu’il en soit, si les Bataves ont occupé ce terrain, ce n’est que dans la suite des temps. Voyez sur les anciens Bataves, Cluvier. German. Antiq L. I. p. 165. 317. L. II. 139. & suiv.

Aujourd’hui on appelle Bataves, ou les Provinces-unies des Pays-Bas en général, ou en particulier, les Hollandois ; mais ce n’est qu’en vers qu’on emploie ce mot dans ces deux sens.

Le Batave, & l’Anglois frémissent,
Sous les coups de Louis ils tombent, ils périssent,
Ces fiers tyrans des mers.

☞ BATAVIA. Batavia. Ville des Indes orientales, située sur la côte septentrionale de l’Île de Java dans le Royaume de Bantan, à 118°, 15′, 15″ de longitude, & 6°, 15′, 0″ de latitude méridionale. ☞ Mission. Jes. 123°, 51′, 33″ de longitude, de la Bire Tabl. Astron. Elle fut bâtie par les Hollandois l’an 1619 sur les ruines de Jacatta. Ils lui donnèrent le nom de Batavia, du nom de leur pays qu’on appelle aujourd’hui Batavia en latin. Ils ont encore donné le même nom à une rivière qu’ils ont découverte dans le pays de Carpentaria, dans les terres Australes. Voyez Maty. Larrey & l’Ambassade de Holl. au Japon. I. p. 25.

Batavia, en jardinage, espèce de laitue qu’on cultive dans nos jardins. Elle est allez connue.

BATAVIE. s. f. Terme de fleuriste. Œillet rouge fort clair, qui prend un peu de couleur de rose. Il est fort large sur un blanc qui n’est point fin. Il casse facilement, si on ne lui laisse au moins six boutons. La beauté de la fleur consiste dans sa grosseur. Il a porté 14 pouces de tour. Sa plante est néanmoins faible, & sujette au blanc, ne portant facilement ni marcotes, ni graine. Il vient de Noyon. Cult. des Fl.

BATAYOLES. s. f. pl. Terme de Marine. Pièce de bois carrées, hautes de trois pieds, que l’on attache à-plomb en dedans aux bacalas que l’on cloue sur la couverture de la poupe du vaisseau.

☞ On appelle batayolettes, des pièces de bois posées sur les extrémités des batayoles, qui servent sur les galères à faire loge, & à élever la tente.

BÂTE. s. f. Terme d’Horlogerie. La bâte d’une boîte de montre, est ce grand cercle qu’on voit aussitôt qu’on a ouvert la lunette : c’est celui qui portant sur le plus grand cercle de la boîte, monte en biseau ou en forme de dôme jusqu’au cadran, où il reçoit & porte le mouvement de la montre. Le Roy.

☞ BÂTE, Tenue de Fourbisseur. C’est la partie polie & luisante d’un corps d’épée, sur laquelle on monte la moulure. Encyc.

☞ BÂTE, Terme de Metteur-en-œuvre. C’est la partie élevée sur le fond de la tabatière qui en fait les côtés & le contour, & qui forme la cuvette.

☞ Chez les potiers d’étain, ce sont des plaques destinées à faire des pièces de rapport.

☞ BATEAU. s. m. On entend ordinairement par ce mot, une espèce de barque dont on se sert sur les rivières. Navicula. Mais on donne encore ce nom aux petits bâtimens de mer, Navigium parvum, navigiolum, dont quelques-uns ne vont qu’à voiles, d’autres sont à voiles & à rames. Ainsi Denys, dans sa description de l’Amérique septentrionale, p. 1. C. 9. appelle bateaux normands, les petits vaisseaux de Normandie qui vont à la pêche de la morue. Les bateaux normands du banc aux orphelins se retirent dans ces rivières pendant que leurs navires vont a l’Île Percée. Bateaux de Marne, sont des bateaux de voiture petits & plats, qu’on nomme Marnois. Bateaux de Seine, sont de grands bateaux forts & longs qui viennent de Rouen, & de la rivière d’Oise, qu’on appelle autrement Foncets. Les bateaux qui viennent de la Loire s’appellent Chalands. Bateaux de voiture, qu’on appelle autrement Coches d’eau, sont des bateaux qui portent des gens, & des marchandises. Navicula oneraria. Un bateau couvert.

Le P. de Challes dans son Traité de la Navigation, propose un problème de la construction d’un bateau, qui quelque chargé qu’il soit, non-seulement monte sans voiles & sans rames contre le courant d’une rivière, mais qui monte d’autant plus vite, que la rapidité de l’eau est plus grande. Ce bateau n’est pas différent des autres ; il y a seulement aux deux côtés deux roues qui produisent cet effet, avec une corde qui s’entortille à une espèce de treuil à mesure que les roues tournent.

Ce mot, selon Cambden, vient de l’anglois ; & selon Spelman, de bat, mot saxon, ou anglois, qui signifie une barque. Icquez le dérive du même mot bat, qui dans la langue des Francs signifie bateau ; selon Ménage, de bastum, à cause qu’il est fait de plusieurs pièces de bois ; & selon Nicot, à batuendâ aquâ ; selon d’autres, de l’hébreu budal, qui signifie separavit, parce que le bateau sépare les eaux, comme le soc de la charrue sépare la terre. Du Cange le dérive de batalaria, mot de la basse latinité, qui a signifié un vaisseau qui bat l’eau avec ses rames & avirons, ou de batu, battus, batellus, & batella. Il peut encore venir de vas ; & est dit bateau, comme vaseau, petit vaisseau. Selon le P. Papebrock, Act. SS. Juin. Tom. II, p. 145, bateau vient de batellus, diminutif de baius ; les Anglois disent boat, les Flamands boat ; & T. IV, p. 838. E. Il interprète batus, cymba, scapha ; & batellus, cymbula, scaphula.

On appelle bateau de bois, bateau de charbon, bateau de fagots, bateau de blé, &c. les bateaux qui sont chargés de ces marchandises. On appelle bateau des selles, un bateau où il y a plusieurs rangs de planches où on lave la lescive.

Bateau de poste. Ce sont des bateaux établis sur la rivière de Loire pour la commodité du public. Il y en aussi sur le Rhône. Ce sont des bateaux qui sont longs & étroits : ils font grande diligence, & vont de Lyon à Avignon en vingt-quatre heures.

Bateau-maire, est le principal bateau d’une conduite de sel. Navicula primaria. L’Ordonnance des Gabelles veut que le péage du sel soit levé sur le bateau-maire seulement, & non sur les alléges, tirots, & soutirots.

☞ On appelle ais, planches de bateau, celles qui proviennent des bateaux qu’on déchire, c’est-à-dire, qu’on dépece, qu’on desassemble. Les Vocabulistes disent, les ais qui proviennent du déchirement des vieux bateaux. Mais outre que le mot de déchivrement ne se dit guère au propre, en termes de rivière, on dit déchirage, & non pas déchirement. Bois de déchirage. Déchirage d’un bateau.

Bateau de cuivre, ou Ponton, est une nouvelle invention de bateaux faits de lames d’airain avec une bordure de bois. Ponto. Ils sont de grand usage à l’armée pour faire des ponts de bateaux, c’est-à-dire, faits avec des bateaux attachés l’un à l’autre.

Bateau, est aussi le bois de menuiserie assemblé pour faire le corps d’un carrosse, sur lequel on met les garnitures de cuir & d’étoffe par dehors & par dedans. On dit proverbialement, qu’un homme est étourdi du bateau ; pour dire qu’il n’est pas encore remis des fatigues d’un long voyage, ou du trouble que lui a causé quelque accident fâcheux. On dit ironiquement à ceux qui vantent trop quelque personne, il n’en vient que deux en trois bateaux.

Un bateau, avec ce mot, Quò me cumque trahes, ou trahet, ou trahent, est une devise naturelle de la dépendance dans laquelle on veut être de quelqu’un, de l’obéissance qu’on lui voue, &c.

☞ BATECALO. Ville de l’Île de Ceylan, au Royaume dont elle est capitale, sur la rivière de Paligam. On la nomme aussi Matecalo. Le royaume est sur la côte orientale de l’Île, à l’occident du royaume de Candi.

☞ Il y a aussi une rivière de même nom.

BÂTELAGE. s. m. Droit qu’on paye au Batelier, pour être voituré dans son bateau. Naulus. Payer son batelage. Avez-vous payé votre batelage ?

BÂTELAGE. s. f. Métier, ou tour de Bâteleur & de Charlatan. Ludus mimicus, ludionum præstigiæ. Ils amasserent beaucoup d’argent par ce bâtelage.

BÂTELÉ, ÉE. adj. Terme de Blâson, qui se dit d’un timbre ou d’une cloche garnis de leur batail, Clavatus. On dit mieux bataillé.

BÂTELÉE. s. f. Charge d’un bateau, qui se dit plus particulièrement des personnes, que des marchandises. Navigli vectura.

On dit proverbialement & figurément, une batelée de gens ; pour dire, une quantité de gens ramassés.

BÂTELÉE. Terme d’ancienne Poësie françoise. Nos vieux Poëtes François affectoient de faire rimer le milieu du vers, ou le premier hémistiche, avec la fin du vers précédent, & c’est de ces sortes de rimes qu’ils faisoient leurs bâtelées ; mais il y a long-temps que la mode des bâtelées est passée. M. Morgues. Jean Moline est l’inventeur de ces sortes de vers.

BATELER. v. a. Terme de pêche. On dit bateler du maquereau, bateler du hareng ; c’est aller prendre avec des chaloupes le hareng & le maquereau des autres bateaux qui l’ont pêché.

Bateler. v. n. Vieux. Faire le bâteleur. Il se trouve dans Montagne.

BATELET. s. m. Diminutif de bateau, petit bateau. Cymba. Ce mot est d’usage sur la Seine, sur-tout du côté de Poissi.

BÂTELEUR, EUSE. s. m. & f. Charlatan, danseur de corde, bouffon. Histrio, minus, ludio, ludius. Il se dit de toute autre sorte de gens qui amassent le peuple pour le divertir, en faisant des sauts, des danses & des tours de passe-passe. Les Bâteleurs & Comédiens ne pouvoient être enrôlés dans les armées romaines. Vigen.

On te siffle par-tout, on connoît tes finesses ;
On se moque de tes souplesses ;
On rit de ton style trompeur,
Et de ton air de Bâteleur.

☞ On dit d’un homme qui s’amuse à faire de petits tours de souplesse, qu’il fait le Bâteleur.

Un de nos Ecrivains a appelé les Romans, des Bâteleurs en papier. Outre que ces sortes de pensées sont basses, & un peu burlesques, elles tiennent fort de l’énigme. Bouh.

Ce mot, selon Saumaise, vient de balator, qui signifie, celui qui en public fait plusieurs tours surprenans avec les armes. Guyet le dérive de bastel, qui a été dit de bastum, pour un échafaud de bois ; comme qui diroit, qui monte sur le théâtre. D’autres le dérivent de baste, vieux mot gaulois, fignifiant tromperie. Nicot le dérive du grec βαλλόλογος, qui signifie hableur, qui dit des choses vaines & frivoles. On le peut faire venir de balatro.

BATELIER, IÈRE. s. m. & f. Celui qui conduit un bateau sur les rivières. Navicularius, naviculator, nauta. Il se dit plus particulièrement de ceux qui mènent les bateaux pour passer les rivières : les autres s’appelent Mariniers. A Lyon ce sont des femmes qui sont batelières. Comme il y avoit un corps de Pilotes pour la mer, il y avoit aussi à Rome une Communauté de bateliers pour la navigation du Tibre. L’on appeloit ceux-là naucleri, du grec ναοκλήροι, & plus communément navicularii, de navis, navire ou vaisseau de mer ; & l’on nommoit ceux-ci caudicarii, conducteurs de bateaux ou nacelles ; ces petits vaisseaux des rivières ayant été ainsi nommés de caudices, assemblages de plusieurs planches de bois. Voyez Varron dans Nonnius au mot Caudicarii. On les nomma aussi Nautæ Tiberis. De la Mare. Il y en avoit aussi à Paris sur la Seine ; & sur un des monumens trouvés en creusant les fondemens de l’Autel magnifique que le Roi a érigé dans N. Dame de Paris, les Bateliers de la Seine sont appelés Nautæ Parisiaci. Ce monument est du temps de l’Empereur Tibère.

BÂTER. v. a. Mettre un bât sur une bête de somme. Clitellas imponere. Bâter un cheval, un mulet.

BÂTÉ, ÉE. part. Clitellatus. ☞ On dit figurément & proverbialement d’un lourdaut, que c’est un âne bâté.

A le voir on l’eût pris pour un homme parfait,
Tout âne bâté qu’il étoit.

On dit proverbialement, que l’âne du commun est toujours le plus mal bâté ; pour dire, qu’une affaire est toujours mal conduite, quand plusieurs personnes s’en mêlent, parce que chacun rejette ce soin sur un autre.

BATEUIL. s. m. Partie du harnois des ânes & des mulets, ou autres bêtes de somme, qui leur bat sur la crouppe.

BATH. s. m. Nom de mesure des choses liquides chez les Hébreux ; c’étoit la dixième partie du chomer. Le bath étoit pour les liquides une mesure égale à l’épha pour les choses arides. R. David. Menochius dit que le bath étoit égal à la métrète, & à l’amphore romaine. Leusden croit qu’il y avoit deux baths, l’un plus grand d’un tiers que l’autre ; que le plus grand étoit à l’usage des Prêtres & pour le temple, & le plus petit à l’usage commun de tout le monde. M. de Chambetland a prouvé que le cub du Derac, ou coudée du Caire, contenoit précisément six baths. Pelet. Vign. Mar.

Le Bath, étoit aussi une mesure d’Egypte, que les Auteurs Cophtes appellent pibatos. Les Arabes disent qu’elle contenoit 60 koft, & que ce que le koft étoit, c’est-à-dire, contenoit, pesoit une livre romaine plus les deux tiers, c’est à-dire, 20 onces romaines. Kirker. Œdip. Æg. T. II, p. 286.

Bath. Quelques-uns écrivent bathe. Ville d’Angleterre, en Sommersetshire, sur l’Avon, à dix milles de Bristol, & à 94 de Londres. On croit que ce nom lui a été donné à cause de ses bains, de l’ancien bade qui signifie un bain ; d’où l’on a fait Buthonia ou Bathonia. On la nomme aussi Aquæ folis.

Les eaux de Bath, Bathonenses thermæ, dans la province de Sommerset en Angleterre, sont les eaux minérales les plus estimées de ce Royaume. Elles sont chaudes & sulfureuses, ☞ salutaires dans les paralysies, rhumatismes, foiblesses de nerfs & autres maladies. Voyez Quincy, Pharmacop. officin. & extemporan. p. 257, & Lexicon Physico-Medicum. Johnson, Tractatus de Thermis Bathonensibus.

BATHILDE. s. f. Nom de femme. Bathildis, ou Baldechildis. Sainte Bathilde, ou Baldechilde, Reine de France, eut trois fils de Clovis II qui régnèrent tous trois successivement : elle acheva le monastère de Chelles commencé par sainte Clotilde, & s’y retira. Voyez Baillet, 30 Février. Les anciens Historiens François la nomment sainte Baudour ; & le peuple de Chelles sainte Bateur. Chast.

☞ BATH-KOL, c’est-à-dire, fille de la voix. C’est ainsi que les Juifs appellent un de leurs Oracles, dont il est souvent fait mention dans leurs livres, & principalement dans le Talmud. L’Auteur du supplément aux cérémonies des Juifs a remarqué qu’ils admettent différentes sortes d’inspirations, & qu’ils croient communément que la prophétie ou inspiration Divine a duré chez eux jusque vers la quarantième année du second temple, à laquelle succéda une autre sorte d’inspiration, qu’ils nomment Bath-kol. Les Rabbins, comme Buxtorf l’a observé dans son grand Dictionnaire, disent qu’après la mort d’Aggée, de Zacharie & de Malachie, le S. Esprit se retira d’Israël, mais que cependant ils eurent l’usage de la Fille de la voix ; & ils ne manquent point d’histoires pour appuyer ces rêveries. Buxtorf sur le mot Bath-kol cité par Mor.

☞ BATHMONSTER. Bathiense monasterium. Ville de Hongrie, dans le Comté de Bath, aux confins du Comté de Bodrog, sur le Danube.

BATHRON. s. m. C’est le synonyme de scamnum Hippocratis. Instrument inventé par Hippocrate pour l’extension des membres dans les luxations ou fractures, βάθρον. Les Chirurgiens d’aujourd’hui ne font aucune usage de cette machine : ils lui en ont substitué une plus commode.

BÂTI. s. m. Terme de Tailleur. On appelle le bâti d’un habit, d’une robe de chambre, d’un meuble, le gros fil qui a servi à les bâtir, & joindre ensemble, particulièrement s’il s’agit de l’étoffe de dessus,& de la doublure. Ainsi on dit, ôtez le bâti de ce juste-au-corps, de cette jupe ; pour dire, ôtez le fil avec lequel ils ont été assemblés.

Bâti. Terme d’Horlogerie. On appelle bâti, le châssis d’une machine à fendre les roues.

Bâti, se dit aussi en Menuiserie de l’assemblage des montans & traversans qui renferment un ou plusieurs panneaux. Compages, coagmentum.

☞ BATICALA. Petit royaume des Indes, sur la côte de Malabar, entre le royaume de Canara & celui d’Onor.

BÂTIER. s. m. Ouvrier qui fait & qui vend des bâts de mulets, & d’autres bêtes de somme. Clitellarum opifex.

Bâtier, est aussi une épithète qu’on donne à celui qu’on veut taxer de bétise. Stolidus, plumbeus. Cet homme est un sot bâtier, un grand bâtier. Expression populaire.

BATIFOLER. v. n. Terme populaire, qui se dit de ceux qui s’amusent à se jouer, & à badiner les uns avec les autres comme des enfans. Nugari, ludere, jocari. Cela vient des Italiens, qui ont appelé batifolle certaines tours de bois qui sont sur les remparts & les beffrois, où les jeunes gens alloient jouer & badiner.

Quant à Monsieur Rhinocerot,
Dont la muse agréable & folle,
Par fois plaisante & batifole,
Et quand il lui plaît nous console
De la mort de Clément Marot. L’Ab. Genest.

BATILLÉ. Terme de blâson. Voyez Bastillé.

☞ BATIMENA. Royaume de la côte de Malabar. On y observe une coutume abominable qui n’est peut-être usitée en aucun autre lieu du monde. Il n’y a point de femme de quelque rang & de quelque qualité qu’elle soit, qui ne soit obligée, sous peine de la vie, de se soumettre à la brutalité de quiconque ose lui faire des propositions deshonnêtes. Si elle les refuse, l’homme est en droit de la tuer sur le champ ; & ce crime autorisé par la loi, n’est sujet à aucune punition.

BÂTIMENT. s. m. Ouvrage fait par des Architectes & des Maçons. Ædificium. Il se dit non-seulement des maisons & palais, mais aussi des Eglises, des ponts, aqueducs, & autres édifices publics, ou particuliers ; en un mot, de tout ce qui sert ou à la Religion, ou à la sureté, ou à l’utilité, ou à la magnificence. Un bâtiment régulier est celui dont le plan est d’équerre, qui a ses côtés opposés & égaux, & dont les parties sont disposées avec symétrie. Un bâtiment isolé est celui qui n’est lié, ni attaché à aucun autre. On appelle bâtiment enterré, un bâtiment dont l’aire est au-dessous du rez-de-chaussée ; bâtiment déchiré, une maison ouverte, & dont on rebâtit les murs. Il y a en France des Intendans, des Contrôleurs, & des Trésoriers des bâtimens du Roi. Les bâtimens modernes sont plus beaux & plus commodes que les anciens. La 90e épître de Sénèque contient une ingénieuse invective contre la magnificence des bâtimens.

Tantôt je chanterai tes pompeux bâtimens,
Du loisir d’un Héros nobles amusemens. Boil.

Bâtiment, se dit aussi en fait de Charpenterie, de ce qui regarde en général les vaisseaux, tant de mer que des rivières. Navis, navigium. L’armée du Roi est composée de tant de grands bâtimens, & de tant de petits. On le dit plus ordinairement des vaisseaux marchands. Un bâtiment ras est un vaisseau qui n’est pas ponté. Un bâtiment délicat est un navire foible de bois.

BÂTIR. v. a. Construire, faire quelque édifice. Il se dit tant de celui qui fait la dépense d’un bâtiment, que du Maçon qui l’élève, & de l’Architecte qui en a donné & conduit le dessein. Ædificare. Le Bramante a bâti S. Pierre de Rome. Salomon de Brosses a bâti le Palais appelé Luxembourg. Noé bâtit son Arche par l’ordre de Dieu. Ce Prince bâtit beaucoup, fait grande dépense en bâtimens. On dit qu’un entrepreneur bâtit bien, quand ses bâtimens sont bien construits, avec choix de bons matériaux, & avec le soin & la propreté que l’art demande. Pour bien bâtir, il faut bâtir solidement, agréablement & commodément. Abr. de Vitr.

Quelques-uns dérivent ce mot de l’hébreu bitfer, qui signifie extruxit. Du Cange le dérive de bastire, mot de la basse latinité, qu’il dit signifier proprement bastias, aut bastitas extruere. De baston peut venir bastion & bâtir, parce que les anciens bâtimens n’étoient faits que de perches & de longs bâtons. Port-R.

Bâtir, se dit aussi en parlant de l’ordonnance d’un bâtiment. Bâtir à la grecque, à la romaine, à la gothique, à la moderne. Græco, romano, gothico, recenti more ædificare. Bâtir avec symétrie.

Bâtir, se dit aussi de petites constructions, & passagères. Extruere, erigere. Abraham bâtit un autel à Dieu : & figurément on dit, bâtir des autels en son cœur ; pour dire, adorer secrettement quelque Divinité.

Bâtir, signifie quelquefois, fonder, établir. Fundere, condere. C’est Romulus qui a bâti Rome. Didon a bâti Carthage. S. Louis a bâti beaucoup de Monastères. S. Bernard a bâti Clervaux. Le Cardinal de Richelieu a bâti la Sorbonne. Dans ce cas, il vaut mieux se servir du mot propre.

Bâtir, se dit figurément pour établir. Construere, extruere. Celui qui ne fait point son salut, bâtit sur l’arène, dit Jésus-Christ en S. Mathieu. Cet homme se flatte de belles espérances, mais il bâtit en l’air. On dit en ce sens, vous bâtissez sur un faux principe, sur un mauvais fondement. Toute la religion des Païens étoit bâtie sur des fables. J. C. dira S. Pierre, que ce seroit sur lui qu’il bâtiroit son Eglise. Si le bien que l’on fait n’est appuyé sur une humilité véritable & sincère, On bâtit sur le sable. Abb. d. L. Tr.

Le bien de la fortune est un bien périssable,
Quand on bâtit sur elle, on bâtit sur le sable. Rac.

On dit qu’un homme est tout mal bâti, quand il est laid, mal fait ou mal vêtu. Malè affectus. Et qu’il est ainsi bâti ; pour dire, qu’il est fait ainsi, & que telle est son humeur, Mais tout cela n’est bon que dans le style familier & burlesque.

On dit aussi qu’un homme s’est bâti une petite fortune, une petite retraite, un asile, lorsqu’il s’est assuré quelque revenu, qu’il a acquis une maison pour se retirer. Colletet a dit agréablement,

Viens me voir en mon fauxbourg,
Où vrai Patriarche,
Contre les flots de la Cour,
J’ai bâti mon arche.

Bâtir, se dit aussi chez les Tailleurs ☞ & les Couturières, pour assembler les différentes pièces d’un habit qu’ils ont taillé, en les faufillant à grands points d’aiguille pour dresser l’ouvrage. Componere, conjungere. Cet habit n’est pas encore cousu, il n’est que bâti.

☞ En termes de Chapelier bâtir signifie, façonner le feutre sur le bassin pour en former les capades.

On dit proverbialement qu’un homme bâtit des châteaux en Espagne ; pour dire, qu’il emplit son esprit de chimères, de choses qui ne sont point effectives. On dit que les Communautés commencent par bâtir la cuisine pour dire, qu’elles se font du revenu pour subsister, avant que de bâtir leur Eglise. On dit, bâtir de boue & de crachat, quand on ne bâtit pas solidement & avec de bons matériaux. On dit d’un homme qui devient gras extraordinairement, & qui a un gros ventre, qu’il bâtit sur le devant. On dit aussi, qui bâtit, ment, par une méchante allusion ; pour dire, qu’un homme qui bâtit fait toujours plus de dépense qu’il ne s’étoit proposé de faire. On dit aussi, qu’une affaire, qu’un traité, est bâti à chaux & à ciment ; pour dire, qu’il est bien fait, qu’il doit durer, qu’il sera inébranlable.

BÂTI, IE. part. Il a toutes les significations de son verbe.

BÂTISSE. s. f. L’action de bâtir, ou l’entreprise d’un bâtiment, ☞ quant à la Maçonnerie seulement. Il lui en a coûté tant pour la bâtisse. Voyez Maçonnerie.

BÂTISSEUR. s. m. Celui qui se plaît à faire faire des bâtimens. Ædificator. Ce mot est dans le Dict. de Ch. Est. Le Roi François I étoit un grand Bâtisseur, il a fait bâtir S. Germain, Chambor, &c. Le mot de Bâtisseur ne se dit ni du Maçon, ni de l’Architecte. M. Godeau l’a pourtant employé en ce sens ; mais on ne croit pas qu’il le faille imiter ; & même Bâtisseur ne se dit guère qu’en riant, pour marquer un homme qui ne fait que bâtir.

☞ BÂTISSOIR. s. m. Instrument de tonnelier. C’est un cercle de fer, plus ou moins grand, selon les ouvrages dont le tonnelier se sert pour assembler les douves d’une futaille qu’il veut construire. Encyc.

BATISTE. s. f. Toile de lin très-fine, & très-blanche, dont on fait les rabats, des manchettes, & des surplis. Il y en a de trois sortes ; les unes claires, les autres moins claires, & d’autres beaucoup plus fortes, qu’on appelle batistes hollandées, parce qu’elle approchent de la qualité des toiles de Hollande, étant comme elles très-serrées & très-unies.

BATITURE D’AIRAIN. s. f. C’est l’écaille qui se sépare de l’airain, après qu’il a été au feu, en frappant dessus avec le marteau. Æris putamina.

BATMAN, ou BATTEMANT. s. m. Poids de Turquie. C’est aussi un poids de Perse. Ils n’ont de commun que le nom.

☞ BATMAN. Ville d’Asie dans le Curdistan sur la rivière dont elle porte le nom.

☞ BATOCKS ou BATOGGI. s. m. pl. sont deux bâtons minces dont on se sert à Moscow pour battre les criminels jusqu’à la mort. Lorsque quelqu’un est condamné à ce supplice, un des exécuteurs s’assied sur sa tête, un autre sur les jambes, tandis qu’un troisième donne sur le patient qui n’a que sa chemise, le nombre de coups prescrit par le Magistrat.

BÂTON. s. m. Morceau de bois rond, long & menu, qui sert ordinairement pour s’appuyer en marchant. Baculum, bacillum, baculus, scipio. Les vieilles gens, les estropiés, se soutiennent sur un bâton, marchent avec un bâton, sont réduits au bâton. Le Cardinal Bona remarque, dans son Traité des Liturgies, qu’autrefois ceux qui avoient un bâton dans l’Eglise pour se soutenir, étoient obligés de le quitter, & de se tenir debout, droits & fermes, lorsqu’on lisoit l’Evangile, pour montrer le respect par leur posture, & faire connoître qu’ils étaient prêts à obéir à J. C. à aller où il leur commanderoit. Les Philosophes autrefois avaient un bâton & une besace, ce qui leur fit donner le nom de Bactoperates. Voyez ce mot.

Ménage dérive ce mot de bastone, qui a été fait de bastum, qui s’est pris pour un bâton, avec lequel on porte des fardeaux. C’est de-là qu’il fait aussi venir nastion & bastille ; bast & bastir. Nicot le dérive du grec βάκτρον, ou du latin batuo, batuis, qui signifie battre. Le P. Pezron, qui tire tout du celtique, le dérive de bach, ou bagl, mot celtique qui a la même signification.

Bâton est une arme naturelle, offensive & défensive, quand on se bat à coups de main. Fustis. Ces paysans se sont battus à coups de bâton. Ils étaient armés de piques & de bâtons durcis au feu. Vaug. Les Lacédémoniens ne portoient point d’épée pendant la paix, & se contentoient d’un gros bâton courbé, qui leur étoit particulier. La correction par les coups de bâton étoit la moins sévère que les Romains exerçassent sur leurs esclaves ; parce qu’ils les recevoient sur les habits. S. Evr. C’est un plus grand affront d’être battu à coups de bâton qu’à coups d’épée : l’épée est l’instrument de la guerre, & par conséquent il est honnête : le bâton est l’instrument des outrages, & par conséquent il est infâme. Le Mait.

Par le dixième article du Règlement de Messieurs les Maréchaux de France, sur diverses satisfactions & réparations d’honneur, du 22 Août 1656, il est dit : pour les coups de bâton, ou autres pareils outrages, l’offensant tiendra prison un an entier, & ce temps ne pourra être modéré, sinon de six mois, en payant trois mille livres, applicables à l’Hôpital le plus proche du lieu de la demeure de l’offensé ; outre cela l’offenseur est obligé de demander pardon à genoux à l’offensé, & à être prêt à recevoir pareils coups de bâton qu’on pourra en certaines occasions obliger l’offensé de lui donner, quand il auroit la générosité de ne pas faire. Par règlement des Maréchaux de France du 22 Juin 1679, celui qui donne des coups de bâton après avoir reçu un soufflet, ou des coups de main dans la chaleur d’un démêlé, est condamné à deux ans de prison & à quatre, s’il n’a point été frappé le premier de la main. Par un édit du Roi de 1666, les épées en bâtons à ferremens sont défendues. Le Duc Louis d’Orléans, ennemi du Duc Jean de Bourgogne, portoit pour devise dans ses banderolles un bâton épineux & noueux, avec ce mot : Je l’envie ; par lequel il vouloit dire que où il frapperoit, la bugne y leveroit. Le Duc de Bourgogne, pour y répondre, faisoit peindre un rabot dans ses bannières, voulant dire qu’il raboteroit & applaniroit le bâton noueux du Duc d’Orléans. Parad.

Parbleu je le ferois mourir sous le bâton,
S’il m’avoit soutenu des faussetés pareilles. Mol.

Bâton, est quelquefois une marque de commandement. Le bâton de Maréchal de France, est un bâton fleurdelisé, que le Roi envoie à celui qu’il fait Maréchal : & on dit absolument, il aspire au bâton, il a eu le bâton ; pour dire, qu’un homme aspire à cette dignité, ou que le Roi l’a fait Maréchal de France. Bacillum Marescalli.

Il y a aussi des bâtons de Maître d’Hôtel, de Capitaine des Gardes, d’Exempts, qui sont faits diversement, & qu’un homme met en sautoir sous l’écu de ses armes, pour marque qu’il est revêtu de ses charges. Bacillus, radius.

Autrefois ceux qui enseignoient Homère, & qu’on nommoit Ῥαψῳδοί, avoient un bâton rouge, quand ils expliquoient l’Iliade ; & un bâton jaune, quand c’étoit l’Odyssée.

Bâton, se dit des choses qui ressemblent au bâton, quoiqu’en très-petit volume. Un bâton de casse, un bâton de cire d’Espagne. Le petit bâton d’un Charlatan.

Bâton, se dit aussi des véritables armes montées sur un fût ou hampe. Hastile ferreâ cuspide utrinque præfixum. C’est une bonne arme qu’un bâton à deux bouts. Les mousquet, les fusils, les arquebuses, sont appelés des bâtons à feu.

Bâton, se dit aussi de toute sorte de bois menu qui sert à brûler. Ligna virgulta. Un bâton de fagot, de cotret. Un bâton de gros bois : c’est autrement un rondin ; car quand le bois est fendu par quartier, on l’appelle bûche.

Bâton augural. C’étoit un bâton tourné par le haut en forme de crosse, que portoient les Augures. Lituus auguralis. Ils s’en servoient pour partager le Ciel, afin de faire leurs observations. On en voit sur des médailles.

Bâton à deux bouts. C’est un fût ou hampe de bois, ferré par les deux bouts, en pointe ; à quelques-uns même, le fer rentre dans la hampe par le moyen d’un ressort, & en sort, lorsqu’on secoue le bâton un peu ferme. Le fût ou hampe est d’un brin de bois bien droit & bien uni, un peu plus pesant & plus grand que celui d’une pique. Sa longueur est de six pieds & demi, entre les viroles qui accollent les deux pointes taillantes hors du bâton, de quatre pouces & demi. Les gardes des forêts & des parcs s’en servent comme d’une arme.

Bâton de cage. C’est un petit morceau de bois que l’on passe de travers dans la cage, pour que l’oiseau puisse s’y percher. Il est d’une grande importance que les bâtons de la cabane (des serins) soient bien stables, afin qu’ils ne puissent tomber, sur-tout lorsque le mâle va après sa femelle ; ce qui feroit faire une quantité d’œufs clairs à la femelle. Hervieux.

Bâton de chaise. Morceau de bois épais de deux ou trois pouces, & long de six ou sept pieds, qu’on met dans les portans de la chaise, pour la soulever & la porter par la ville, Vectis,

Bâton de chasse. Il se dit de ceux que l’on porte quand on va courre. Salnove.

Bâton de Confrérie. C’est un bâton qui sert à porter aux Processions l’image de quelque Saint, ou la représentation de quelque Mystère, pour le faire voir au peuple : & l’on appelle une fête à bâtons, celle on célèbre la fête du Saint qui est au bout de ces bâtons.

Bâton de croisure. C’est un bâton rond ordinairement, de bois de saule. On en fait de diverses longueurs, mais tous d’un pouce de diamètre Les Hautelissiers s’en servent pour croiser les fils de leurs chaînes.

Bâton de la Croix, est un bâton qui sert à porter la Croix dans les processions. Baculus.

Bâton à gants. Manière de grand fuseau, dont le Gantier se sert pour donner plus de forme aux gants, quand ils sont faits. Bacillum.

En termes de Géométrie, on appelle Baton de Jacob, un instrument qui sert à prendre les hauteurs, ou les distances, par les angles. Badius astronomicus. Il est composé de deux règles divisées en plusieurs parts égales, qui se coupent à angles droits, qui sont mobiles dans une boîte ou charnière qui les tient fermes. Aux extrémités il y a des pennules pour faire des observations justes. C’est la même chose que l’arbalête dont on se sert sur la mer. Il est apparemment ainsi appelé, parce que les divisions du monde ne ressemblent pas mal aux degrés d’une échelle pareille à celle que Jacob eut en vision, qui alloit jusqu’au Ciel. On le nomme aussi sur la mer Verge d’or, Radiomètre, & Rayon astronomique. Son traversier s’appelle marteau. On peint les anciens Astronomes avec un bâton de Jacob à la main.

En termes de joueurs de Marionnettes & de Gobelets, on appelle aussi bâton de Jacob, le petit bâton dont ces sortes de gens se servent pour faire leurs tours de passe passe.

Bâton de Jauge. Voyez Jauge.

Bâton à mèche. On nomme ainsi, en termes de Marine, une mèche que l’on entretient toujours allumée sur le château d’avant d’un navire.

Bâton de la mort. Le peuple appelle ainsi le cierge bénit qu’on met à la main des mourans.

Bâton Pastoral, est la crosse d’un Evêque qu’il porte à la main dans les jours de cérémonie. Pedum pastorale. Les Auteurs de la vie de saint Césaire disent qu’il avoit un Clerc chargé de porter le bâton pastoral de l’Evêque, & que cette fonction appartenoit aux Notaires. Un Evêque après avoir rappelé les brebis égarées avec la voix du Pasteur, les peut frapper du bâton pastoral, quand elles ne veulent pas se rendre à cette voix. P. Gail. Les Chantres ont aussi des bâtons de cérémonie, qu’ils portent en officiant. Les bâtons de Chantres sont la représentation des bâtons que portoient autrefois les Hébreux quand ils mangeoient l’Agneau Palchal ; sur quoi Honoré d’Autun remarque que les Chantres qui tenoient leur bâton de la main pendant la Messe, le quittoient lorsqu’on lisoit l’Evangile, parce que la publication de l’Evangile a fait cesser les cérémonies des Juifs. Les cresses & bâtons d’argent doivent être contremarqués aux vases, fonds de lanterne, dômes, douilles & croisillons.

Bâton rompu, est une manière de tapisserie, qui représente plusieurs bâtons qui sont rompus & entremêlés l’un dans l’autre. On en fait aussi des ornemens d’architecture & de menuiserie, des dispositions de panneaux de vitres en façon de bâtons rompus.

Bâton rond. C’est ainsi que les ouvriers en gaze appellent un gros bâton qui est au bas de leur métier, & qui le traverse dans sa largeur. Il sert à foncer, ou faire baisser la soie.

Bâton à sasser, signifie, en termes de Boulanger & de Pâtissier, un bâton que l’on met sur une huche ou pétrin, le long duquel on conduit le tas, lorsqu’on veut tirer la farine au fin.

Bâton, en termes d’Architecture, se dit d’un gros anneau ou moulure en saillie, qui est un ornement de la bâse des colonnes, qu’on appelle autrement tore, ou bosel. Torus.

Bâton, ou rouleau. Instrument dont on se sert chez les Fondeurs en sable & en terre, pour corroyer ces deux matières, dans lesquelles ils ont coutume de faire leurs moules. Ce bâton est en forme de cylindre, long de deux pieds & de deux pouces de diamètre.

Bâton, en termes de Marine, s’applique à diverses choses. Bâton de pavillon, ou d’enseigne, est un petit mât qui sert à arborer le pavillon. On met aussi ces bâtons sur la poupe du vaisseau. Bâton de girouette, est un petit mât, où la verge de fer qui tient la girouette est plantée. Bâton de flamme, le bâton où la flamme est attachée au haut du mât.

Bâton, en termes de Blason, se dit d’une espèce de bande qui n’a que le tiers de sa largeur ordinaire, ou la moitié d’un cotice, qu’on appelle brochant sur le tout, quand il passe sur d’autres pièces, ou sur différentes partitions de l’Ecu. Scutarius radius longior ; quand il est raccourci & vraiment alaisé, on l’apelle péri en bande, ou absolument péri, & péri en barre. Le bâton péri en bande est de droite à gauche ; le bâton péri en barre est de gauche à droite : ce dernier est mis ordinairement pour les bâtards. Accisus.

Bâton en musique, est une barre épaisse qui traverse perpendiculairement une, ou plusieurs lignes de la portée, & qui, selon le plus ou le moins de ces lignes qu’elle embrasse, exprime un plus grand ou moindre nombre de mesures qu’on doit compter en silence.

☞ On appelle bâton de mesure, un bâton fort court, ou un simple rouleau de papier, dont le Maître de musique se sert pour battre la mesure.

Bâton, dans la Coutume de Troyes, se prend pour le berger qui garde un troupeau, ou pour la garde d’un troupeau ; de sorte qu’un troupeau est sous un seul bâton, quand il est conduit par un seul pasteur.

Bâton, se dit figurément en ces phrases : bâton de vieillesse, est le jeune parent, ou ami, dont le vieillard espere du secours & de l’assistance sur ses vieux jours. Præsidium columen. On dit aussi qu’un homme en mene un autre le bâton haut, le bâton à la main ; pour dire, qu’il lui commande avec autorité & vigueur, ou qu’il lui fait faire quelque chose par force.

Bâton, se dit proverbialement en ces phrases : il a été réduit au bâton blanc ; pour dire, il a été absolument ruiné, & contraint de sortir de sa maison avec un bâton à la main. On dit aussi, il crie comme un aveugle qui a perdu son bâton ; pour dire, qu’il crie comme s’il avoit perdu une chose dont il avoit grand besoin. On dit aussi de celui qui n’a pas les choses les plus nécessaire à sa profession, comme un Apothicaire sans sucre, que c’est un aveugle sans bâton.

On dit encore qu’un homme est bien assuré de son bâton, lorsqu’il a de bons garants de ce qu’il dit, ou de ce qu’il fait, & lorsqu’il est sur du succès de quelque entreprise. On dit aussi, tirer au bâton avec quelqu’un, pour dire, contester quelque chose avec lui, comme d’égal à égal. On dit aussi, faire une chose à bâtons rompus ; pour dire, après plusieurs reprises & interruptions, par une métaphore tirée des desseins semblables de tapisserie. On dit aussi d’un homme sans défense, qu’il n’a ni verge ni bâton. On appelle le tour du bâton, les profits illicites qu’on fait secrétement & avec adresse dans une charge, dans une commission, dans un maniment, par une métaphore apparemment tirée des Charlatans, qui font mille subtilités qu’ils attribuent à la vertu de leur petit bâton : mais Bélinghin estime que ce proverbe vient de ce qu’on parle à l’oreille & d’un bas ton, lorsqu’on fait des offres à quelque domestique pour le corrompre, & lui faire faire quelque chose qui nuise à son maître. D’autres disent qu’il vient des Maitres d’Hôtel, qui portent un bâton pour marque de leur charge, parce qu’ils sont sujets à serrer la mule. Voici une autre origine de ce proverbe. Dans les commencemens que les Bureaux où se lèvent les droits du Roi furent établis, les Commis étoient en usage, lorsqu’ils surprenoient quelqu’un qui fraudoit les droits du Roi, de faire sonner bien haut l’amende prescrite par les Ordonnances, & puis se radoucissant, ils disoient au coupable en baissant la voix : nous vous remettons la moitié de l’amende que vous devez, & nous nous contentons de convertir l’autre moitié à notre profit. Payez-là vite sans vous faire tirer l’oreille, & admirez notre bonté. On dit aussi, faire sauter le bâton à quelqu’un ; pour dire, l’obliger à faire quelque chose contre sa volonté, par une métaphore tirée aussi des Charlatans, qui font sauter un bâton à des singes & à des chiens qu’ils ont dressés à cela, en les menaçant du bâton. On dit aussi, Martin bâton, en parlant d’un bâton dont on frappe les ânes qu’on appelle Martin, comme si on disoit le bâton à Martin. Autrefois on disoit, bâton porte paix quant à soi.

Fert secum placitæ baculus pia fœdera pacis.


Pour marquer qu’on n’attaque point ceux qui sont en état de se défendre.

On dit proverbialement, bâton ferrat & non ferrat ; pour dire, toutes sortes d’armes. Les paysans de ce vilage sortirent sur une troupe de voleurs, avec bâton ferrat & non ferrat.

Bâton, dans la Nouvelle Angleterre, a 306°, 56′, 18″ de longitude, & 42°, 25′, 0″ de latitude nord. Harris. C’est la même chose que Bouton.

Bâton, s. m. Ecuyer d’Amphiaraüs qui fut englouti avec son maître. Il eut aussi une chapelle dans le temple de ce demi-Dieu.

BÂTONNÉ, ÉE. adj. On dit, une serviette bâtonnée : c’est une serviette proprement pliée, à gaudrons & à petits carreaux. Etat de France. Mantile in speciem operis vermiculati complicatum ; ou specimen operis vermiculati vario sinu referens.

BATONNÉE d’eau, terme de Marine, est la quantité d’eau que l’on puise à la pompe, chaque fois que la brimbale joue.

BÂTONNER. v. ad. Donner des coups de bâton à quelqu’un. Fustibus cædere.

Bâtonner, en termes de Palais, signifie tirer des raies entre des lignes d’un acte ou d’une pièce, pour avertir de lire cet endroit, qui contient quelque clause décisive, une date, ou quelque chose de remarquable & de nécessaire. Lineis distinguere. Un Juge saute par-dessus une clause essentielle, quand on n’a pas eu le soin de la bâtonner.

Bâtonner, terme de Chancellerie, qui veut dire, rayer, biffer. Le Juge ordonne que des écritures seront apportées au Greffe pour y être bâtonnées. Bâtonner un arrêt, le rayer, &c.

Bâtonner un gant. Terme de gantier. On dit aussi, réformer un gant. C’est après qu’il est achevé, l’élargir sur le réformoir avec des bâtons faits exprès, qu’on nomme bâtons à gants, afin de leur donner plus de forme.

☞ BATONNÉ, ÉE. part. pass. & adj. Il a les significations de son verbe.

BÂTONNET, s. m. Bacilli ludus. Jeu de petits enfans, qu’ils font avec un petit bâton. C’est aussi le nom de l’instrument avec lequel ils jouent. C’est un petit bâton long d’un demi pied ou environ, & gros comme le doigt, ou un peu plus. Il est aménuisé par les deux bouts. On frappe sur l’un des bouts pour le faire sauter en l’air & le chasser loin de soi, &c. C’est ce qui’appelle à Paris jouer du bâtonnet. En Berry on l’apelle Bicarelle, ou bigarelle ; en Touraine Pic ; à Blois Bistoquet, & Bale en Dauphiné.

BÂTONNIER, IERE. s. m. & f. Celui ou celle qui ont en garde pendant un temps le bâton d’une Confrérie, & qui le portent ou le suivent aux processions.

Bâtonnier, en termes de Palais, est un ancien Avocat qu’on choisit tous les ans selon l’ordre du tableau, pour être le Chef de la Communauté des Avocats & Procureurs, pour être maître de leur Chapelle & de leur Confrérie, & présider au siége qu’ils tiennent pour l’entretenement de la discipline du Palais & des règlemens. C’est à lui aussi qu’appartient la commission des charges des Juges intérieurs pendant leur interdiction. Il est chargé aussi de la confection du tableau. Quelques Auteurs ont donné le nom de Bastonerius à de simples sergens ou bedeaux & Appariteurs. Il se trouve dans ce sens dans la Charte de Pierre II Roi d’Arragon, pour la confirmation des libertés & Coutumes de la Catalogne. Voyez Ducange au mot Bastonerius.

Bâtonnier, est aussi le titre que les Chevaliers de l’Ordre de S. Georges, au comté de Bourgogne, donnoient à leur Chef. Ce titre fut changé depuis en celui de Gouverneur. P. Hélyot, T. VIII. C. 50.

BÂTRACHITE, BORA, RUBÉTITE, BUFFONITE. s. f. Pierre qu’on croit faussement sortir d’un crapaud, de couleur verte & creuse : elle représente un œil dans le milieu, ou un cercle blanc & noir. Batrachites. C’est une dent de poisson : on l’appelle Crapaudine. Ce mot vient du grec βάτραχος, rana, grenouille.

BÂTRACHOMYOMACHIE. s. f. Guerre des grenouiles & des rats. Batrachomyomachia, bellum ranarum cum muribus. C’est un Poëme burlesque d’Homère, ou du moins qui lui est attribué, & qui est fort agréable. Perrault a traduit la Batrachomyomachie d’Homère en vers François. M. Boivin le jeune en a aussi fait une traduction en vers François, sous le nom du Docteur Junius Biberius Mero, qui est une imitation latine de son nom. Le sujet de la guerre est la mort de Psycharpax, rat, fils de Toxartes, qui étant monté sur le dos de Physigrate grenouille, pour aller dans son palais, où elle l’invitoit, fut saisi d’une si grande peur, quand il se vit au milieu du marais, qu’il tomba dans l’eau & se noya. Physigrate fut soupçonné de l’avoir secoué par malice. Les rats déclarèrent la guerre aux grenouilles pour en tirer raison. Les grenouilles alloient être exterminées, lorsque Jupiter & les autres Dieux, en présence desquels se donnoit le combat, envoyèrent, au secours des grenouilles, des cancres, qui arrêtèrent la fureur des rats. Henri Etienne, Schediasmat. Lib. VI. cap 22. Pierre Nunnès, Comment. ad Phrynichi dictiones Attic. & d’autres, ont crû que ce Poëme n’étoit point d’Homère. Il y a cependant long-temps qu’on le lui attribue ; & Stace, qui vivoit & qui écrivoit sous Domitien semble, n’en pas douter. Il le donne au moins à un illustre Poëte qu’il égale à l’Auteur du Culex, c’est-à-dire, à Virgile.

BATRACHUS, s. m. Tumeur inflammatoire qui vient