Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 1/361-370

Fascicules du tome 1
pages 351 à 360

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 1, pages 361 à 370

pages 371 à 380



de l’aneral des Celtes, qui vient de ane ou ene, qui, dans cette langue signifie Ame.

Animal, en termes de Blason, reçoit plusieurs épithètes différentes. Quand les animaux sont représentés en leur assiette naturelle, on les appelle passans, animal gradiens. On appelle la brebis, paissante, pascens ; & le lion, rampant, erectus. Quand ils sont en une autre assiette, il la faut exprimer, comme debout, stans ; couché, stratus ; courant, currens ; en pied, erectus in pedes, le cheval se cabrant est appelé poulain gai, arrectus ; ou effrayé, forcené, efferatus ; le loup, ravissant, rapiens ; le taureau, furieux, furens ; la licorne, saillante, saltens ; le chat, effarouché, ou hérissonné, pilis horrentibus ; le bélier & le bouc, sautans, exiliens. Quand l’Ecu en contient au-delà de seize, on dit, qu’ils sont semés, ou sans nombre.

Animal, ale. adj. Qui appartient à l’animal. Animalis. Les Philosophes admettent des esprits naturels, vitaux & animaux, pour faire toutes les fonctions animales. Duncan, Médecin de Montpellier, a expliqué toutes les fonctions animales par une voie nouvelle & mécanique, après Willis Anglois. Les esprits animaux ne sont autre chose que les parties les plus subtiles, & les plus agitées du sang. Si le sang est subtil, il y aura beaucoup d’esprits animaux ; & s’il est grossier, il y en aura peu. Malb. Le vin est si spiritueux, que les esprits du vin sont des esprits animaux tout formés. Id. En Morale on oppose la partie animale, qui est la partie sensuelle & charnelle, à la partie raisonnable, qui est l’intelligence. Leurs connoissances ne changent point cette manière animale de ne concevoir les choses que par les sens. Nicol. Ce sont les défiances & l’incrédulité naturelle de l’homme animal, qui vous séparent de nous. Peliss. L’homme animal ; c’est-à-dire, sensuel, charnel, ne comprend pas ce qui est de Dieu. Acad. Franç.

☞ En termes d’histoire, on appelle règne animal la classe des animaux. Règne animal, règne végétal, règne minéral. Les animaux, les végétaux & les minéraux.

☞ En Chimie, huiles animales, celles qui ont été tirées des animaux.

ANIMALCULE. s. m. Petit animal, ou animal en petit. Les petits vers qu’on apperçoit dans le sperme par le moyen du microscope, sont appelés par les Philosophes Animalcules. On a commencé à douter si les animalcules du sperme & la poudre des étamines des fleurs contiennent l’organisation infiniment petite des animaux & des plantes. On ne nie pas l’existence de ces animalcules, mais on considére que leur quantité est prodigieuse, comparée au petit nombre de fœtus ; qu’il est inconcevable qu’un seul de ces vers s’introduise dans l’œuf, à l’exclusion de tous ses semblables ; que les vers spermatiques ne sont que de petits animaux qui vivent dans le sperme, de même que les vers ronds, plats, ascarides, & autres vivent dans le corps humain, qui est le monde où ils naissent, croissent & meurent. Bourguet, Lettr. philosophiques.

Toute la terre est remplie d’une quantité inépuisable de petits animaux, qui flottent dans l’air que nous respirons, qui se jouent dans l’eau que nous buvons, ou qui sont attachés aux différens objets que nous voyons & que nous touchons.

☞ ANIMALISTES. s. m. pl. Physiciens qui enseignent que les Embryons sont non-seulement tout formés, mais déjà vivans dans la semence du pere qui les lance à millions dans la matrice, & que la mere ne fait que donner le logement & la nourriture à celui qui est destiné à être vivifié. Voyez Animalcule.

ANIMATION. s. f. qui se dit en Médecine du temps, où l’ame est unie au corps de l’homme ; union de l’ame. Animatio. L’animation du fœtus n’arrive qu’après les 40 jours. Il y a un Traité latin du P. Jérôme Florentinius, Homo dubius, sive de Baptismo abortivorum, dans lequel il prétend que cette opinion-là est très-douteuse ; d’où il conclut qu’il faut baptiser les avortons en quelque terme qu’ils viennent.

ANIMÉ, ou GOMME ANIMÉ. Terme de Pharmacie. C’est une résine qu’on distingue en occidentale & en orientale. La première se tire par l’incision d’un arbre de la nouvelle Espagne. Elle est transparente, & d’une couleur qui approche de celle de l’encens. On l’apporte en grains, comme l’encens, mais qui sont plus gros. Ces grains étant rompus, paroissent d’un jaune clair, de même que la résine. Son odeur est très-douce & très-agréable. Si on la jette dans le feu, elle se consume facilement.

La gomme animé orientale est de trois sortes. Il y en a, 1.o Une blanche, 2.o Une noirâtre, qui ressemble en quelque manière à la mirrhe, 3.o Une pâle, résineuse & sèche. Toutes ces espèces d’animé servent pour les parfums, à cause de leur odeur agréable. On l’emploie aussi extérieurement dans les affections froides de la tête & des nerfs, dans les paralysies, & dans les catarres.

Animé. Espèce d’armure ancienne. Lorica textilibus laminis conserta. Voyez Corneille.

ANIMER. v. act. Mettre l’ame, le principe de la vie, dans un corps organisé. Animare. Dieu anima l’homme d’un souffle de vie. Arn. On dit que le fœtus n’est pas animé dès le temps de sa formation. Voyez au mot Animation.

En parlant des Saints, on dit que Dieu les anime de son esprit ; pour dire, que c’est lui qui les éclaire, qui les fortifie, qui les fait agir.

On dit dans le même sens que le zèle de Dieu anime un Saint homme, qu’un homme est animé d’un Saint zèle.

Animer, synonyme d’encourager, exciter. Concitare, incendere.

Animer les soldats au combat. Le Général animoit le soldat par son exemple.

Animer, synonyme d’irriter, exciter à la colère. Irritare, ad iracundiam concitare. On a pris plaisir à les animer les uns contre les autres. On a animé le pere contre le fils.

Animer, donner de l’action, rendre plus vif, plus agissant. Il y a des gens que rien ne peut animer. Il est difficile d’animer le nonchalant. Il va lentement & mollement dans tout ce qu’il fait. Stimulare, stimulos admovere.

☞ Il y a des gens dont l’esprit ne se montre qu’à mesure qu’on les anime.

Animer, dans un sens figuré, toucher, rendre sensible, donner du mouvement. Movere. La Fable dit qu’Orphée animoit les rochers & les arbres.

Je pourrois de ma plainte animer une souche. Gomb.

Animer, en parlant des ouvrages d’esprit, c’est donner de la force au discours, soit par des traits vifs & brillans, soit par la manière vive dont on le prononce. Vim addere.

☞ Pour entrer dans cette déclamation animée, il faut que les Orateurs entrent en enthousiasme en prononçant leurs discours, comme ils y sont entrés en les composant. Si l’ame qui a inspiré les pensées, en dicte pareillement la prononciation, le discours sera animé, les tons vrais & variés à l’infini.

☞ On dit à peu près dans le même sens, animer la conversation, la rendre plus vive.

Animer, en parlant des Peintres & des Sculpteurs, c’est donner de la force & un air de vie à une figure. Rebus mutis sensuque carentibus animam addere. On dit d’un bon Peintre qu’il sait animer ses tableaux, que ses tableaux sont animés ; & d’un Sculpteur, qu’il sait animer le marbre, que ses figures sont toutes animées.

Animer. Donner un nouvel éclat. La présence d’un homme aimé anime le teint d’une jeune fille.

☞ On le dit généralement de tout ce qui fait le mouvement, l’action, la beauté, le plaisir, de quelque chose que ce soit, qui y répand de l’agrément.

Commencez aujourd’hui le cours
D’une longue suite d’années :
Esperez en croissant, d’heureuses destinées,
Et qu’une belle humeur anime vos beaux jours.

Pavil


☞ La Quintinie a dit animer la terre, pour dire, l’échauffer, la fertiliser.

Animer un cheval. Terme de Manége. C’est le réveiller quand il ralentit ses mouvemens, par le moyen du fixement, du bruit de la langue, ou de la gaule. Excitare, concitare, admonere.

Animer, se dit de l’action d’un joueur d’instrument à vent, pour y inspirer l’air : souffler dans l’instrument. Inspirare, animare. Les Anciens se servoient d’un moyen assez plaisamment imaginé pour éviter les grimaces en jouant de la musette. On en attribue l’invention à Marsyas. Ils attachoient autour de leur tête une espèce de lien de cuir, qui repassant sur leur bouche, en pressoit si fort les lèvres, que quelque effort que fît le joueur en soufflant, il ne pouvoit donner à son chalumeau que le vent qui lui étoit nécessaire pour l’animer. Anonyme. Traité de la Musette, p. 1. c. i. L’anche qui donne la vie au chalumeau, & celles qui animent le bourdon, sont faites de cannes. Id. C. 12.

Animer, se dit aussi parmi les Maîtres à danser, en parlant du pas, & signifie, prendre un air plus vif, en s’élevant sur la pointe du pied. Allons, animez votre pas.

Animer, s’emploie aussi avec le pronom personnel. On dit que le teint d’une jeune fille s’anime quand elle voit la personne qu’elle aime.

☞ Un cheval s’anime. La conversation s’anime.

ANIMÉ, ÉE. part. & adj. Il a les significations du verbe. Animatus, incitatus, concitatus, inflammatus. Les services des vrais amis ont quelque chose d’animé qui prévient jusqu’à nos désirs. S. Evr. Une charité ardente & animée. Ab. de l. tr. Un Chrétien dont la foi est animée, Id.


A quoi bon, d’une muse au carnage animée,
Echauffer ta valeur déjà trop allumée : Boil.

Animé d’un regard je puis tout entreprendre.

Racin.


On dit d’une personne morne, pesante & languissante, qu’elle n’est point animée. Minimè vividus. Il manque à cette beauté d’être un peu animée. ☞ Figure animée. Voyez Animer. Terme de Peinture & de Sculpture.

Les Alchimistes se servent de ce terme dans la transmutation des métaux, lorsque la terre blanche foliée fermente avec l’eau philosophique ou céleste de soufre. On dit que le mercure est animé, lorsqu’en le mêlant avec un métal parfait, on le réduit à une espèce certaine. Dict. de James.

Animé, en termes de Blason, se dit d’un cheval qui est en action, & qui montre un désir de combattre. On le dit même de sa tête seule, & c’est lorsque l’œil est de différent émail. Il porte d’or au cheval de sable, animé de gueules. Oculatus murice, minio.

ANIMMEY, ou ANIME. Petite ville d’Afrique, dans la Province de Maroc propre, sur la pente d’une montagne du grand Atlas, qu’on nomme aussi Animmey, à treize lieues de Maroc, vers le levant.

☞ ANIMOSITÉ. s. f. Mouvement de haine qui a sa source dans le ressentiment d’une injure réelle ou prétendue telle, par lequel on est porté à nuire à quelqu’un. Animus infensus, infestus. Avoir de l’animosité contre quelqu’un, agir par ou avec animosité. Ces parties plaident avec beaucoup d’animosité. Les Soldats s’acharnèrent avec tant d’animosité, que la nuit seule les sépara.

Animosité, dans les disputes, ne paroît désigner qu’une certaine chaleur, un feu mêlé de colère. Animositas. Disputer avec animosité.

☞ ANIMOVISTES. s. m. pl. Branche des Ovistes. Animalistes réformés, qui, forcés de reconnoître des œufs, regardent les ovaires comme des hôtelleries, dont chaque œuf est un appartement où vient en passant du néant à l’être, loger un animal spermatique sans aucune fuite, s’il est fémelle, mais traînant après lui de pere en fils, s’il est mâle, toute sa postérité. Lewenhoek est l’auteur de cette réforme. Encyc.

ANINCAT. s. m. Nom d’homme. Animchadus. Le B. Anincat étoit des Îles Britanniques, d’où il amena plusieurs Moines en France, & en Allemagne. Florent de Vorcestre, mort en 1119, l’appelle Animchadus, en citant Marianus Scotus, dans l’imprimé duquel on a mal mis Annuchadus. Chast. 30 Janvier.

ANINGA. s. m. Terme de Botanique. Pison, dans son Livre IV des propriétés des simples, C. 70, donne deux plantes sous le nom d’Aninga. L’une qu’on nomme Aninga-iba, laquelle, comme je crois, est l’Arum, arbre à feuilles de sagittaire, quoiqu’elle ait les feuilles arrondies, & semblables à celles de la Nymphæa ; car ces feuilles sont tantôt plus, tantôt moins pointues, ce qui ne peut causer une différence essentielle. L’autre Aninga est l’Arum à tige & à feuilles de la canne d’Inde. L’Aninga-iba, selon Pison, a une grosse racine bulbeuse, qu’on doit préférer aux feuilles & au fruit dans l’usage de la médecine, puisqu’outre les premières qualités froides qu’elle a, elle est encore composée de parties tenues, propres à emporter les obstructions, & est employée à divers usages par les Portugais, & par les Sauvages. On en fait des fomentations contre l’inflammation & les obstructions des reins & des hypocondres. Enfin, l’huile qu’on tire de l’aninga est très-souveraine contre les mêmes maux, & peut suppléer à l’huile de capres. Si on fait des bains de ces racines, cuite dans l’urine humaine, & & qu’on les réitère quelquefois, ils soulagent les douleurs & les maladies articulaires. Plumier.

ANJOU, s. m. Andes, ium, Andegavia, Andegavensis Provincia ou Ducatus. Province de France, qui a au nord le Maine, au couchant la Bretagne, au midi le Poitou, au levant la Touraine. La Loire la divise en deux parties, dont l’une s’appelle l’Anjou inférieur, au midi de la Loire ; & l’autre, l’Anjou supérieur, au nord de la même rivière. Ce nom vient du nom du peuple Gaulois nommé Andes, Andegavi, ou Andecavi, qui habitoit autrefois ce pays. Quelques-uns ont cru que ce nom venoit d’aiguade, c’est-à-dire, lieu plein d’eau ; parce que l’Anjou est arrosé d’un grand nombre de rivières, la Loire, la Sarte, le Loir, la Mayenne, la Vienne, la Dire, le Tonay, le Larion, l’Eure, la Guinate, & plusieurs autres ; & d’un grand nombre de lacs, d’étangs, de ruisseaux & de fontaines. Le Comté d’Anjou fut érigé en Duché par le Roi Jean. Henri III avant que de parvenir à la Couronne de Pologne, Philippe de France, frere unique de Louis XIV, & Philippe V, Roi d’Espagne, son petit-fils, ont porté le nom de Duc d’Anjou.

☞ ANJOUAN. Île, la même qu’Amivam. Voyez Amivam.

☞ ANIRAN. s. m. Nom d’un Ange ou Génie, qui préside aux noces, & à tout ce qui arrive le troisième jour de chaque mois solaire de l’ancien calendrier Persien, selon l’observation superstitieuse des Mages. Ce troisième jour de chaque mois porte aussi le nom d’Aniran, & est consacré à ce Génie, dont on célébroit la fête avec pompe. La religion Mahométane a supprimé cette cérémonie, que les seuls adorateurs du feu, qu’on appelle aujourd’hui Parsis, gardent encore secrétement en quelques endroits. D’Herb. Bibl. Orient.

ANIS. s. m. Anisium, anicetum. C’est une plante qui a une tige ronde, haute d’une coudée, & fort branchue. Elle porte un bouquet blanc, ayant une odeur de miel, d’où sort une graine semblable à l’ache, qui est longuette, & d’un goût entremêlé de doux, de piquant & d’amer. Cette semence est chaude, & sert à chasser les vents. On en met dans les médecines, & c’est un des correctifs du séné.

Anis, est aussi une dragée dans laquelle on enferme un grain d’anis. Anisum saccaro conditum. L’anis de Verdun est le plus estimé.

Anis de la Chine ou de Sibérie. s. m. C’est une semence qui a la figure & la grosseur de celle de la coloquinte, la couleur tannée & luisante, l’odeur & le goût semblable à celui de l’anis, mais plus fort. Elle naît dans une capsule épaisse & dure, qui a la forme d’une étoile à sept rayons, chacun desquels contient une semence. On appelle cette capsule, Fructus stellatus. Elle est attachée à un arbre qui croît à la Chine : on en apporte quelquefois en France, mais elle y est rare. Les Orientaux & les Hollandois en mêlent dans leur sorbet & dans leur thé, pour les rendre plus agréables. On apporte aussi de son bois en Europe, en grosses buches grisâtres, ayant l’odeur de l’anis, pour quoi on l’appelle bois d’anis. Ses propriétés approchent de celles de la semence, mais il n’est employé que par les Ebénistes & les Tabletiers. Lémeri.

Anis aigre. s. m. C’est une sorte de graine que l’on appelle aussi Cumin.

Anis. Montagne du Vélay, dans les Cévennes. Anicius. Dans l’usage on ne dit point ce nom seul, on dit, le Mont Anis, comme le Mont Cénis, le Mont d’Or, &c. Le Puy est sur le Mont Anis, comme autrefois l’ancien Ruissium.

Pomme d’Anis. Espèce de poirier, & de pomme, dite autrement, le Fenouillet. Voyez Fenouillet.

☞ ANISER. v. a. Mettre de l’anis, une couche d’anis sur quelque chose. Gâteau anisé. Acad. Fr.

☞ ANISÉ, ÉE. part. Eau anisée. C’est-à-dire, eau dans laquelle il entre de l’anis.

☞ ANISETTE. s. f. Terme vulgaire, qui signifie de l’eau, dans la composition de laquelle il entre de l’anis. C’est la même chose qu’eau d’anis.

ANK.

ANKER. s. m. Mesure des liquides, dont on se sert à Amsterdam. L’anker est la quatrième partie de l’aëm, & contient deux stekans. Chaque stekan fait seize mingles ou mingelles ; chaque mingle est de deux pintes de Paris : ensorte que l’anker contient soixante-quatre pintes de cette dernière mesure.

☞ ANKING. Ville de la Chine, dans la province de Nankin. On la nomme aussi Chichen, & Anhing. Elle n’est éloignée de Tonglou que de six lieues.

ANKYLOGLOSSE. (L’Académie écrit Ankiloglosse). s. m. Ankyloglossum. Vice du filet ou ligament de la langue, qui est trop court de naissance, ou endurci par quelque cicatrice : il cause une grande difficulté de parler. Ce mot est composé du grec, ἀγϰύλος, resserré, contracté, & de γλῶσσα, langue. P. Eginéte appelle aussi ce mal Ancylion, ἀγϰύλιον.

ANKYLOSE. s. f. ☞ L’Académie écrit Ankilose. Privation de mouvement dans les articulations. Ankylosis. L’ankylose est lorsque la liqueur glaireuse, qui sert à faciliter les mouvemens de la jointure, venant à s’épaissir par son abondance, colle les têtes des os avec leurs cavités, & cette union s’appelle Ankylose, qui est une maladie des os très-difficile à guérir dans les anciennes luxations. Dionis. Ce mot est grec, ἀγϰύλωσις, qui vient d’ἀγϰύλη, qui signifie une dureté, ou calus dans la jointure. Au reste, c’est mal écrire, que d’écrire anchylose, avec M. Dionis, comme si l’on disoit en grec ἀγχύλωσις, & non pas ἀγϰύλωσις. Dans ces occasions il faut se servir du K.

ANN.

ANNA. s. f. Anna. Terme de Mythologie. Déesse qui présidoit aux années, & qui avoit pris de-là son nom. Quelques-uns prétendent que c’est la sœur de Didon, dont il est parlé dans le IVe Liv. de l’Enéide. On dit qu’après la mort de sa sœur, Hiarbas, Roi des Gétules, s’étant rendu maître de Carthage, elle quitta l’Afrique, & se retira chez Battus, qui regnoit dans l’île de Malte ; que Pygmalion étant survenu quelque temps après avec une flotte, Battus la pria de se retirer ; qu’elle passa en Italie, où Énée la reçut très-bien, mais que la jalousie de Lavinia, femme d’Énée, l’obligea de s’échapper, & de se jeter dans le fleuve Numicius, aujourd’hui Nemi, & que dans la suite on la déifia. Voyez Ovide. Fast. Liv. III, v. 653 & suiv. D’autres disent que la Déesse Anne est la lune, parce qu’elle fait l’année par ses révolutions. D’autres, que c’est Thémis, d’autres Io, d’autres celle des Atlantides, qui avoit alaité Jupiter. Voyez Ovide, à l’endroit cité.

Anna. Ville située sur l’Euphrate, aux confins de l’Arabie heureuse & de l’Arabie déserte ; de-là vient que quelques-uns la placent dans celle-ci, & d’autres dans celle-là. Elle est partie du côté de la Mésopotamie, & partie du côté de l’Arabie.

Anna. s. m. Petite bête du Pérou, dont il sort une odeur qui infecte les lieux où elle passe les nuits.

ANNA PERENNA. s. f. Terme de Mythologie. Déesse des Romains. Anna Perenna. C’étoit une bonne vieille qui demeuroit sur le mont Aventin, & qui dans la retraite que fit le peuple Romain sur cette montagne, lui fournit des vivres. En reconnoissance de ce service, elle fut divinisée.

ANNABASSES. s. f. pl. Espèce de couvertures, ou de pagnes qui se font à Rouen, & en Hollande.

ANNABERG. Bourg de la haute Saxe. Annaberga. Il est dans la Misnie, près de la rivière de Schop, aux confins de la Bohème, assez près de Mariemberg, & au midi de la ville de Meisson, sur la montagne de Schéneberg. Des mines qui sont dans son voisinage, & celles de Mariemberg, rendent Annaberg considérable.

ANNACIOUS. (les) s. m. & f. Peuple de l’Amérique méridionale. Annaciugus, a. Les Annacious habitent près du gouvernement de Porto Séguro, dans le Brésil.

ANNAL, ALE. adj. Qui ne dure qu’un an, qui n’est valable que pendant un an. Annuus, annalis. C’est une commission annale. On le dit aussi de tout ce qui revient tous les ans. Une fête annale. Les Lettres de Chancellerie sont annales, ne valent rien après un an, comme Committimus, relief d’appel, & autres : il faut obtenir des lettres de surannation après l’an. Les arrêts pour les tailles sont la plûpart réputés annaux

Loi Annale. Lex annalis. Les Romains donnoient ce nom à la loi qui marquoit l’âge qu’il falloit avoir pour entrer en Magistrature. Il falloit 18 ans pour être Chevalier Romain, & 25 pour obtenir le Consulat.

ANNALES. s. f. pl. Histoire qui décrit les événemens année par année. Annales. Les annales ecclésiastiques de Baronius. Les annales de France. Les annales de Corneille Tacite.

On rapporte plusieurs différences entre les annales & l’histoire. Aulugelle, Liv. V, ch. 18, dit, que quelques-uns prétendent que l’histoire est proprement le récit des choses auxquelles l’écrivain a assisté, qu’il a vues. Il ajoute, que Verrius Flaccus doutoit que cette opinion fût vraie, quoiqu’il avouât qu’elle étoit fondée sur l’étymologie & l’origine du nom histoire. Car, disoit-il, histoire en grec signifie la connoissance des choses présentes ; & en effet, ἱστορεῖν, en grec signifie, voir. Servius, sur le v. 377 du premier Liv. de l’Enéide, rapporte cette différence, & appuie sur cette étymologie. Au contraire les annales, dit-il, sont ce que l’on n’a point vû de nos temps : ainsi, poursuit-il, l’ouvrage de Tite-Live est partie histoire, partie annales. Il semble que Tacite ait aussi été de ce sentiment ; car il intitule la première partie de son ouvrage annales. C’est qu’il y parle des temps qui l’avoient précédé. Et la seconde partie, où il décrit les affaires de son siècle, il l’appelle Histoire. Aulugelle est d’un autre sentiment. Il prétend que histoire & annales, ne différent que comme le genre & l’espèce. L’histoire est le genre, & c’est la narration, ou l’exposition des choses passées. Annales est l’espèce, & c’est la même chose, mais rédigée par ordre des années, de même que Journal, est la même chose digérée selon l’ordre des jours. Le même Auteur rapporte une autre différence que Sempronius Aselio mettoit entre l’histoire & les annales. Celles-ci, selon cet Ecrivain, sont une simple narration de ce qui s’est fait chaque année. L’histoire est un récit, non-seulement des faits, mais encore des causes, des motifs, des raisons, & de tous les ressorts qui ont fait agir. L’Annaliste ne fait que déduire ces faits, l’Historien raisonne sur ces faits. Cicéron semble être de même avis au Liv. II, de Orat. n. 12, ou du moins ce qu’il dit revient à peu près à cela. La différence qu’il y a, selon lui, entre les annales & l’histoire, c’est que les annales ne font simplement que raconter les faits de chaque année, sans aucun autre ornement que la brièveté, au lieu que l’histoire demande des ornemens. Unam dicendi laudem jutant esse brevitatem… Non exornatores rerum, sed tantùm narratores. La différence que donne Servius n’est pas d’usage aujourd’hui. Celle que met Aulugelle entre histoire & annales ne suffit pas, il faut joindre celle de Cicéron, & d’Asellio. Cependant on appelera fort bien annales toute histoire distinguée par années, souvent même annales se prend pour toutes sortes d’histoires, ou pour histoire en général, tant en latin qu’en françois. C’est ainsi que l’a pris Florus, Liv. I, ch. 10. Virgile, Enéide I, v. 377 & Cicéron en plusieurs endroits.

Cicéron, à l’endroit que j’ai cité, rapporte l’origine des annales à peu près en ces termes : « L’histoire n’étoit d’abord que la composition des annales. Pour en conserver la mémoire, le Grand-Pontife écrivoit ce qui se passoit chaque année, & l’exposoit chez lui sur une tablette, afin que le peuple pût l’aller lire. C’est ce qu’on appeloit les grandes annales. Cette coutume subsista jusqu’au pontificat de Publius Mucius Scævola. Il étoit Consul l’an 620, ou 621 de Rome, c’est-à-dire, 134, ou 133 ans avant Jésus-Christ. Plusieurs Ecrivains imiterent cette manière d’écrire l’histoire, sans ornemens, & simplement en racontant les faits. Tels furent Caton, Pictor, & Pison. Antipater fut le premier qui releva un peu plus son style, & qui donna des ornemens à l’histoire. Ce Cœlius Antipater étoit ami de Crassus, & vivoit par conséquent vers l’an de Rome 630, environ 120 ans avant Jesus-Christ.

☞ Dans le style soutenu, annales & histoire sont synonymes. On dit : nous lisons dans nos annales. Dans la rigueur, on ne doit pas confondre ces mots, & il semble que par annales, on doive entendre une simple exposition ou narration d’anciens évenemens rédigés année par année.

ANNALISTE. s. m. Historien qui écrit des annales, Annalium scriptor. Les principaux Annalistes parmi les Grecs sont, au rapport de Cicéron, Liv. II. De Orat, n. 53. Phérécides, Hellanicus, Anesilas. Il marque qu’il y en avoit encore un grand nombre d’autres. Parmi les Romains, d’abord les Souverains Pontifes, & ensuite Caton, Pictor, & Pison, comme nous l’avons marqué.

ANNAM, ou ANNAN, Voyez Tonkin.

ANNAN. Rivière d’Ecosse. Annandus. Elle a sa source dans la province de Tuwédale, traverse une partie de celle d’Eskédale, & toute celle d’Annandale, baigne la ville d’Annan, & environ une lieue au-dessous, elle se jette dans le golfe de Solway.

Annan. Ville capitale de la province d’Annandale, en Ecosse. Annandum. Voyez l’article précédent.

ANNANDALE. Province d’Ecosse. Annandia, ou Annandi vallis. Elle a l’Eskélade au levant, la Cluydeldale au nord, la Nithetdale au couchant, & au midi le golfe de Solway, qui la sépare du Cumberland, province d’Angleterre. Elle s’étend le long des deux bords de la rivière d’Annan, qui lui a donné son nom. Sa capitale est la ville d’Annan.

ANNATE. s. f. Droit que l’on paye au Pape sur tous les bénéfices consistoriaux, lorsqu’il donne les bulles, ou d’une abbaye, ou d’un évêché. C’est le revenu d’une année, qui a été taxé selon l’évaluation du revenu du bénéfice, faite au temps du Concordat. Annuum vectigal vacantis beneficii ecclesiastici. On l’appelle communément Annata. Ce droit est appelé Annuale dans une charte de Robert, Abbé de S. Victor de Paris, & Annualia au pluriel dans le Nécrologe de la même abbaye.

Ce fut Jean XXII, qui introduisit les annates en France. Il prétendoit que le revenu de la première année de chaque bénéfice vacant lui appartenoit ; de-là ce droit fut appelé Annate. Bonitace IX les confirma à toute sa postérité par une sentence décrétale. Clément VII ordonna que de tous les bénéfices de France il prendroit la moitié du revenu pour lui & pour l’entretien des Cardinaux. Les Papes ont pris aussi quelque temps tous les fruits des abbayes pendant la vacance, & généralement l’annate de tous les bénéfices vacans en quelque sorte que ce fût, même en régale & en patronage lai, jusqu’à ce qu’il y ait eu une Ordonnance de Charles VI de l’an 1385, qui abrogea cette coutume. Les Rois & les Parlemens se sont toujours opposés aux annates, comme à un tribut qui leur paroissoit odieux. Le Concile de Bâle même, dans sa Session XII & XXI, en 1431, abolit les annates, & ce décret fut inséré dans la Pragmatique Sanction, dressée à Bourges en présence de Charles VII. Cependant par le Concordat entre Léon X & François I en 1516, on ne parla point des annates, & la Pragmatique Sanction fut supprimée. Au reste, Polydore Virgile, de Invent. Rer. Livre VIII, ch. 2, & plusieurs autres, croient les annates plus anciennes qu’on n’a dit ci-dessus. Il est certain que dès le XIIe siècle il y eut des Evêques & des Abbés qui par une coutume, ou par un privilége particulier recevoient les annates des bénéfices dépendans de leur diocèse, ou de leur abbaye. Voyez la Lettre d’Etienne Abbé de Sainte Geneviève, à l’Archevêque de Reims. Il y en a encore des exemples à Beauvais, à Paris, à Amiens, dans le même siècle. Matthieu Paris, dans son Histoire d’Angleterre à l’année 746, rapporte, qu’autrefois l’Archevêque de Cantorbery, par une concession du Pape, jouissoit des annates de tous les bénéfices qui vaquoient en Angleterre. Clément V, prédécesseur de Jean XXII, se fit payer les annates des bénéfices vacans en Angleterre pendant deux ans, selon Matthieu de Westminster, & pendant trois ans, selon Thomas Walsingham ; & le premier assure que ce fut de tous les bénéfices, cures, & même vicariats, & jusqu’aux plus minces bénéfices : ce qui montre que Polydore Virgile se trompe, quand il dit que les Anglois n’ont point payé les annates des petits bénéfices. Il paroît encore par le même Matthieu de Westminster, qu’avant ce temps-là le Pape accordoit aux Evêques d’Angleterre, les annates des bénéfices de leur diocèse. Car Clément V, dit-il, ne les prit que parce qu’il crut qu’un supérieur pouvoit s’approprier ce qu’il donnoit aux autres. Outre les Auteurs dont j’ai parlé, on peut voir Budé, Liv. V, de Asse, Card. Gusanus, de Concord. Cathol. Liv. II, ch. 40. Nic. de Clemengis, de annat. non solv. Duaren, Liv. I, de Sacr. Eccles. min. ch. 6. Par le droit commun, les bénéfices qui ne sont pas consistoriaux, ne laissent pas d’être sujets à l’annate ; mais en France on s’en dispense, en exposant dans la supplique que le bénéfice dont on demande les bulles, n’excède pas la valeur de vingt-quatre ducats, bien qu’il soit de plus grand revenu ; & en France la règle de la Chancellerie, De vero valore exprimendo, n’a pas lieu, comme dans les pays d’obédience. Il y a des Chapitres qui jouissent du droit d’annates des chanoinies vacantes : ces revenus sont destinés pour la fabrique & les ornemens de l’Eglise.

Le Grand-Maître de Malte retire une annate de toutes les Commanderies de grâce. Vertot.

ANNE. s. m. Nom d’homme. L’un des Grands Prêtres des Juifs, dont il est parlé en S. Luc II, 2 en S. Jean XVIII, 13, 24, & aux Actes des Apôtres IV, 6. Josephe l’appelle Ananus ; & quelques-uns de nos Dictionnaires lui donnent le même nom, ou celui d’Anna ; c’est une faute, l’usage est de dire Anne. Sous le pontificat d’Anne & de Caïphe, la parole du Seigneur se fit entendre à Jean, fils de Zacharie, au desert. Bouh. Ils l’amenerent d’abord chez Anne, parce qu’il étoit beau-pere de Caïphe, qui étoit Grand-Prêtre cette année-là. Port-R. Anne l’interrogea touchant ses disciples & sa doctrine. Royaumont. Les Magistrats, les Anciens, & les Scribes s’assemblerent le lendemain dans Jérulalem avec Anne, le Grand-Prêtre, &c. Simon.

Josephe parle encore de deux autres Ananus, ou Grands-Prêtres nommés Anne, dont le premier fut fils & successeur de celui-ci, de la secte des Saducéens. C’est lui qui fit mourir S. Jaques le Majeur. Le second chassa les Zélateurs du temple ; mais étant redevenus les plus forts, par les secours qu’ils reçurent des Iduméens, ils massacrerent Anne, l’an 67 de Jésus-Christ. Il y a encore un Ananus, ou Anne, Evêque d’Alexandrie après S. Marc. Tous ceux-ci peuvent être appelés Ananus ; car, comme on en parle peu, l’usage ne leur a point donné une forme françoise. Pour le premier, il faut toujours l’appeler Anne. C’est ainsi qu’en ont usé Messieurs, Godeau dans son Histoire de l’Eglise, & Arnaud d’Andilly, dans sa traduction de Josephe.

Anne. s. f. Nom de femme. Anna. Anne mere de Samuel. Elcana avoit deux femmes, dont l’une s’appeloit Anne, & l’autre Phenenna. Saci. Sainte Anne, mere de la Sainte Vierge. Anne la Prophétesse. En ce temps-là vivoit Anne, qui avoit le don de prophétie, & qui étoit fille de Phanuël de la Tribu d’Aser. Bouh. Anne Comnène, fille de l’Empereur Alexis Comnène, a écrit l’Histoire de son pere en quinze livres, depuis l’an 1064 jusqu’à l’an 1118. Anne de Bretagne, fille & héritière du Duc François, & de Marguerite de Foix, femme de Charles VIII & de Louis XII, apporta la Bretagne à la France, & fut la première qui éleva à la Cour des filles de qualité, qu’on nomma filles de la Reine. Anne d’Autriche, fille aînée de Philippe III, Roi d’Espagne, femme de Louis XIII, mère de Louis le Grand.


Anne, dont la vertu nous assiste au besoin,
Va ramener le calme après tant de tempêtes ;
Et ces princes divins, dont elle a tant de soin,
De l’aurore au couchant borneront leurs conquêtes.


Ce sont les vers que Mezerai a mis sous le portrait de cette Princesse au commencent de son Histoire. Nous avons encore une Reine de France nommée Anne. C’est la femme de Henri I, fille de Jaroslas, Roi de Russie. On trouve dans le VIII siècle proche du Proconèse une Eglise dédiée à Sainte Anne.

Anne, quoique nom d’une Sainte, s’est aussi donné quelquefois à des hommes. Anne, Roi d’Estangle, ou des Anglois orientaux, regnoit au commencement du IX siècle. Il n’est pas sûr néanmoins que ce fût un Chrétien ; mais il y a deux Annes de Bourbon Malause, & Anne de Montmorenci, Duc, Pair, & Connétable de France, sous cinq Rois, Louis XII, François I, Henri II, François II & Charles IX. Il fut tué à l’âge de 80 ans à la bataille de Saint Denis. Anne, Duc de Joyeuse, sous Henri III, tué à la bataille de Courtrai. Pour les hommes, quoique ce nom soit celui de Sainte Anne qu’on leur donne au baptême, & non pas celui du Pontife Anna, on dit en latin Annas, & non pas Anna.

Ce nom, Anne, soit masculin, soit féminin, est hébreu, & vient du verbe חנן, hhanan, qui signifie gratifier, faire grâce, donner des grâces, faire miséricorde, être gracieux, être miséricordieux. De-là vient חן, hhan, grâce, miséricorde, d’où se forme חנה, hhannas, qui signifie la même chose, & gracieux, miséricordieux ; gracieuse, miséricordieuse ; & de-là le nom Anne, qui devroit par conséquent s’écrire avec une aspiration forte ; mais l’usage l’a ôtée, aussi bien qu’en beaucoup d’autres, quoique dans son origine, c’est-à dire en hébreu, sans aspiration, il dût avoir des significations très-différentes.

SAINTE ANNE. Nom d’un lieu situé sur la côte de l’Acadie, dans l’Amérique septentrionale, & où il y a un havre. Portus, Statio Sanctæ Annæ.

Havre de Sainte Anne, sur la côte orientale de l’île du Cap-Breton. Voyez cette île. Ce havre est beau & sûr.

ANNEAU. s. m. Bague, corps circulaire qu’on met au doigt. Annulus. Ménage dérive ce mot de anellus, qui se trouve dans Cicéron pour petit anneau. L’anneau est composé de trois parties, du jonc, ou anneau proprement dit, du chatton, & de la pierre, Voyez M. le Vayer sur la manière de diverses nations de porter des anneaux, sur-tout des Indiens. Sénèque a déclamé contre la vanité des femmes, qui portoient un ou deux patrimoines à chaque doigt.

L’anneau d’un Evêque fait partie des ornemens pontificaux. Les Rois de France, & les Empereurs investissoient anciennement les Evêques & les Archevêques, en leur donnant la crosse & l’anneau. L’anneau est un gage du mariage spirituel de l’Evêque avec son Eglise. L’usage de l’anneau pour les Evêques est très-ancien. Le IV Concile de Tolède tenu en 653, en parle au chap. 28, où il ordonne qu’un Evêque déposé, s’il est trouvé innocent dans un second Concile, ne pourra être rétabli, qu’en recevant des mains d’un Evêque devant l’autel, l’étole appelée Orarium, l’anneau, & le bâton, ou la crosse. Un sermon sur S. Valentin, Evêque de Gènes, au commencement du IV siècle, fait mention de l’anneau des Evêques en ce siècle ; mais ce sermon n’est que du XIII siècle. Cet usage de l’anneau pour les Evêques a passé aux Cardinaux, qui doivent même donner je ne sais quelle somme pour cela, pro jure annuli Cardinalatitii.

Les Brefs Apostoliques sont scellés de l’anneau du pêcheur. Ce sceau s’appelle l’Anneau du pêcheur, parce qu’on suppose que S. Pierre, qui étoit pêcheur, en a usé le premier ; & les Papes s’en servent après lui. Il n’y a cependant qu’environ 400 ans que ce terme est en usage. Ce sceau s’appelle ainsi, parce qu’il a l’image de S. Pierre, Voyez le Hiérolexicon des Macri. Grégorius Tholosanus. Syntagm. Juris univers. L. XV. c. 3. v. 24. & seqq. & Gérard Von Mastrict, Histor. Jur. Eccles. §. 402.

Pline, Liv. XXXIII. ch. 1. dit, qu’on ignore celui qui a le premier fait un anneau ; que ce que l’on dit de Prométhée est une fable, aussi-bien que l’anneau de Midas. Les premiers chez qui nous trouvons l’usage de l’anneau sont les Hébreux, Genèse XXXVIII. 10, où Juda fils de Jacob, donne son anneau à Thamar, pour gage de sa parole. Les Egyptiens, dans le même temps, en usoient aussi, Genèse XLI. Pharaon tire son anneau de son doigt, & le met entre les mains de Joseph, pour marque de la puissance qu’il lui donne. Au troisième Liv. des Rois, ch. XXI. 8. Jézabel cachette de l’anneau du Roi, l’ordre qu’elle envoie de faire mourir Naboth. Les Chaldéens & les Babyloniens s’en servoient de même. Voyez Daniel VI. 17. XIV. 10. Les Perses s’en servoient aussi, comme il paroît par le livre d’Esther, ch. VIII. v. 10, & par Q. Curce, Liv. VI. c. 6. où il dit, qu’Alexandre cachetoit de son ancien anneau les lettres qu’il écrivoit en Europe, & celles qu’il envoyoit en Asie de l’anneau de Darius. Les Perses disent que Guiamschid, quatrième Roi de la première race, introduisit l’usage de porter des anneaux au doigt, pour cacheter les lettres & les autres actes nécessaires dans le commerce de la vie. Les Brachmanes se parent d’anneaux dans Philostrate, Liv. III. c. 4. Pour les Grecs, Pline croit, Liv. XXXIII. ch. 1. qu’au temps de la guerre de Troie, ils n’avoient point encore l’usage de l’anneau. Sa raison est qu’Homère n’en parle point, & que quand il s’agit d’envoyer des lettres, ou de renfermer des habits précieux, & des vases d’or & d’argent dans des cassettes, on les lie, on noue les liens dans Homère, mais jamais on n’imprime la marque de l’anneau. Voyez le VI Livre de l’Iliade, & le VIII de l’Odyssée. Les Sabins avoient des anneaux dès le temps de Romulus, au rapport de Denys d’Halicarnasse, Liv. II. Les Etruriens en avoient aussi du temps des Rois de Rome, témoin les anneaux que le vieux Tarquin prit aux Magistrats d’Etrurie après les avoir vaincus. Ibid. Liv. I, ch. 5. Pline croit que cet usage avoit passé de Grèce à ces habitans d’Italie ; & c’est de l’un ou de l’autre de ces peuples qu’il se transmit aux Romains. Il ne s’y introduisit pas cependant d’abord. Pline ne sait lequel des Romains a commencé d’en porter ; il assure que la statue de Romulus, qui étoit dans le Capitole, n’en avoit point, ni même aucune autre que celle de Numa, & de Servius Tullius. Celle de Brutus même n’en portoit pas, ni les Tarquins, quoique originaires de Grèce, d’où Pline croit que cet usage avoit passé en Italie. Les anciens Gaulois & les Bretons, peuple originaire des Gaules, portoient des anneaux ; mais les paroles de Pline, qui le rapporte au même chapitre, ne nous donnent point à entendre si l’anneau avoit chez ces peuples d’autre usage que l’ornement. Les François en portoient aussi, & l’on a trouvé dans le tombeau de Childeric son anneau d’or, qui se garde à la Bibliothèque du Roi, & sur lequel sont ces mots, CHILDIRICI REGIS. Celui de Louis le Débonnaire, rapporté par Chifflet, avoit pour inscription, XPE PROTEGE HELDDOVICUM IMPERATOREM.

Quant à la matière des anneaux, il y en avoit d’un métal simple & d’autres d’un métal mixte, ou d’un double métal. Car quelquefois on doroit le fer & l’argent, ou bien on enfermoit l’or dans le fer ; comme il paroît par Artémidore, Liv. II ch. 5. Les Romains se servirent très-long-temps d’anneaux de fer, & Pline assure à l’endroit que j’ai cité, que Marius n’en porta un d’or qu’à son troisième Consulat, l’an de Rome 650. Il en est cependant parlé dans Tite-Live à l’année 432 de Rome, à l’occasion du deuil que causa à Rome le traité honteux de Claudium. C’est la première fois qu’on l’a trouvé dans l’Histoire Romaine, Tite-Live, Liv. IX, ch. 7. Il y en avoit dont l’anneau étoit de fer, & le cachet d’or. Quelques-uns étoient solides, & d’autres étoient creux, comme le rapporte Artémidore, Liv. II, ch. 2. Festus au mot Edera, & Aulugelle, Liv. X, ch. 15. Quelques-uns avoient une pierre précieuse pour cachet, & d’autres n’en avoient point. Aristot. Physic. Livr. III, ch. 9. Jul. Pollux, Liv. VI, ch. 33. v. 7. Artémid. Liv. II, ch. 5. En quelques-uns la pierre étoit gravée, en d’autres elle ne l’étoit point, Pline, Livre XXXIII, ch. 1. Il y en a eu qui avoient deux pierres, ou même davantage : une lettre de l’Empereur Valérien en fait foi, aussi-bien que Trebellius Pollion, dans la vie de Claude le Gothique, ch. 14. Au lieu de pierre précieuse le peuple mettoit du verre. Plin. Liv. XXXV, ch. 6. Celles qui étoient gravées en creux s’appeloient Gemmæ ectipiæ, & en relief ; Gemmæ sculpturâ prominente. Il y avoit des anneaux qui étoient tout d’une pierre précieuse, mais sur-tout plusieurs d’ambre, comme on le peut voir dans Artémidore, Livre II, chapitre cinq, dans Pline, Liv. XXXVII ; & dans le Dactyliotheca de Gorlæus, n. 101.

Il y a eu plusieurs manières différentes de porter les anneaux. Il paroît par Jérémie XXII, 24, que chez les Hébreux on les portoit à la main droite. Chez les Romains avant qu’on les ornât de pierres précieuses, lorsque la figure se gravoit encore sur la matière même de l’anneau, chacun les portoit à sa fantaisie, à quelle main, & à quel doigt il lui plaisoit, Macrob. Liv. VII, ch. 13. Quand on y eut ajouté les pierres, on les porta sur-tout à la main gauche, & ce fut une délicatesse excessive d’en porter à la droite. Lucien Navig. Tertul. de l’habit des femm. ch. dern. Pline, Liv. XXXIII. 1. Silius Ital. Liv. XI. Horat. Liv. II. Sat. VII. v. 8. Jul. Capitol. in Maxim. ch. 6. Il semble par les derniers mots du I. Liv. de Tertul. de cultu fem. que du temps de ce Pere on n’en portoit encore qu’à la main gauche. Sinistra per singulos digitos de saccis singulis ludit. Il n’eût pas oublié la main droite dans un endroit où il ne cherche qu’à exagérer ces superfluités, si on y avoit porté des anneaux. Pline dit qu’on les porta d’abord au quatrième doigt, que les statues de Numa & de Servius Tullius en étoient des preuves ; qu’ensuite on en mit au second doigt, c’est-a-dire, à l’index, puis au petit doigt, & enfin à tous les autres, excepté celui du milieu. Les Grecs le portoient aussi au quatrième doigt de la main gauche, Aulugelle Liv. X, ch. 10. La raison qu’il en rapporte, est qu’ayant trouvé par l’anatomie, que ce doigt avoit un petit nerf qui alloit droit au cœur, ils crurent qu’à cause de la communication qu’il avoit seul avec la plus noble partie de l’homme, il étoit plus honorable. Les Gaulois & les anciens Bretons les portoient au doigt du milieu, comme Pline le rapporte, à l’endroit que j’ai cité. D’abord on ne porta qu’un seul anneau, ensuite on en porta à tous les doigts, Mart. Liv. V. Epigr. 63. Tertull. de cultu fem. Liv. I & plusieurs même à chaque doigt. Martial, Liv. XI, Ep. 60. Enfin on en porta un, & quelquefois plusieurs à chaque jointure de doigt, Aristoph. in nubib. Martial. Liv. V. Epigr. II. Senec. nat. quæst. Liv. VII. ch. 31. Quintil. Instit. Liv. XI. Clément Alex. Pædag. Liv. III. ch. 11. La délicatesse & le luxe allèrent si loin en ce genre, qu’on eut des anneaux qui servoient par semestre, pour me servir du terme de Juvénal, sat. VII. v. 89. Aurum semestre, semestres annuli, les uns pour l’été, & les autres pour l’hiver. Ventilat æstivum digitis sudantibus aurum. Il paroît par les derniers mots du premier Livre de Tertullien, de l’ornement des femmes, qu’on faisoit des dépenses excessives en ce genre ; mais si l’on en croit Lampridius, chap. 32, personne ne poussa les choses à un excès si grand qu’Elagabale, qui ne porta jamais deux fois, ni le même anneau, ni la même chaussure. Aujourd’hui on n’en porte qu’au quatrième & au cinquième doigt, mais plus ordinairement au quatrième, qui s’appelle le doigt Porte-anneau, & en latin, annularis. Quelques tableaux de 100 & 200 ans en mettent aussi à l’index, c’est-à-dire, au second doigt.

On a aussi porté des anneaux aux narines, de la même manière que des pendans d’oreille aux oreilles. Voyez S. Jérôme sur le chap. XVI d’Ezéchiel. S. Augustin l’assure des Maures, & Bartolin a fait un Livre de Annulis narium, des anneaux des narines. Pietro de Valle & Licet en parlent aussi, & le premier assure que les Orientaux ont cette mode. Enfin, il n’y a guère de parties du corps humain où la galanterie n’en ait fait mettre, aussi-bien qu’aux doigts de l’une & de l’autre main. Les Relations de l’Inde Orientale assurent que les habitans les portoient ordinairement au nez, aux lèvres, aux joues, & au menton. André Corsal en dit autant de toutes les femmes Arabes du port de Calayates. Nous lisons à peu près la même chose dans Ramusio, des Dames de Narsingue vers le levant ; & Diodore témoigne au IIIe Liv. de sa Bibliothèque, que celles d’Ethiopie avaient accoutumé de se parer les lèvres d’un anneau d’airain. Pour les oreilles, par tout le monde on s’est plû, hommes & femmes, à y pendre des bagues de prix. Le Vayer. Les Indiens & les Indiennes, & entre autres les Guzzerates, ont porté des anneaux aux doigts des pieds. Quant Pierre Alvarès reçut sa première audience du Roi de Calicut, il le vit tout couvert de pierreries enchâssées dans des pendans d’oreilles, des bracelets & des anneaux, tant aux doigts des mains que des pieds ; faisant voir sur l’un de ses orteils un rubis, & une escarboucle de très-grand prix. Louis Bartome représente un Roi de Pégu, qui étoit encore plus excessif en cela, n’ayant aucun des doigts de les pieds qui ne fût chargé d’anneaux garnis de pierreries. Idem.

Par rapport à l’usage, il y avoit trois différentes sortes d’anneaux chez les Anciens. Il y avoit des anneaux qui servoient à distinguer les conditions. Pline assure à l’endroit que j’ai déja cité souvent, que dans les commencemens les Sénateurs même n’avoient point permission de porter d’anneau d’or, à moins qu’ils n’eussent été Ambassadeurs chez quelque peuple étranger : encore ne leur étoit-il permis alors de se servir de l’anneau d’or, qu’on leur donnoit, que dans les actions publiques ; dans leur particulier ils en portoient un de fer. Ceux qui avoient mérité le triomphe observoient la même chose. Il fut ensuite permis aux Sénateurs & aux Chevaliers, de porter l’anneau d’or ; mais si l’on en croit Acron sur Horace, L. II. sat. VII, v. 53, ils ne le pouvoient faire que le Préteur ne le leur eût donné. Après cela ce fut sa distinction des Chevaliers Romains. Pline XXX. 8. Diodore, Liv. XLVIII. Le peuple portoit l’anneau d’argent, & les esclaves le portoient de fer. On accordoit cependant l’anneau d’or à des gens du peuple. Voyez Cicéron dans son troisième discours contre Verrès, & Liv. X. Ep. 31. Macrobe Saturn. Liv. II, chap. 10. Sevère le permit même à tous les simples soldats. Avant Auguste on ne l’accorda jamais qu’à des gens libres : ce Prince fut le premier qui donna l’anneau d’or à des affranchis, Dion, Liv. 48 & 53. Cet abus alla si loin, que Tibère fut obligé, au rapport de Pline, Liv. XXXIII. chap. 2 de le corriger par une Loi qu’il fit l’an de Rome 765, la neuvième année de son gouvernement. On passa bien-tôt après par-dessus ce règlement, & le Sénat accorda l’usage de l’anneau d’or à des affranchis de Claude, de Galba, de Vitellius, de Domitien, & même de particuliers, Pline, Liv. VIII. Ep. 6. Tacite, Hist. Liv. I. chapitre 13. Suet. dans Galba, chapitre 14. Enfin, la Novelle 68 de Justinien le permet à tous les affranchis.

Une autre sorte d’anneaux sont les anneaux des épousailles, Annuli sponsalitii, ou les anneaux de noces, ou de mariage, annuli geniales, annuli pronubi, annuli nuptiales. Quelques-uns font remonter l’origine de cet usage jusqu’aux Hébreux ; parce que, Exod. XXXV, 22, il est dit que les hommes & les femmes donnerent leurs colliers, leurs pendans d’oreille, leurs anneaux, leurs bracelets, pour faire les vases du sanctuaire. D’autres soutiennent que ces anneaux n’étoient que pour l’ornement. La vérité est, que ni l’un ni l’autre n’est expliqué ; & qu’on ne peut conclure de cet endroit si ces anneaux avoient été donnés à la cérémonie du mariage ou non, & s’ils avoient d’autres usages que celui de servir à l’ornement. Il faut dire le même à plus forte raison du verset 21, du ch. III d’Isaïe, où le Prophète ne parle que d’ornemens. Léon de Modène, P. IV, chap. 3, dit que les premiers Hébreux ne donnoient point d’anneau nuptial ; que dans la suite cet usage s’introduisit ; mais qu’il fut rare. Selden, dans son traité de la femme Hébraïque, Liv. II, ch. 24, dit, qu’ils en donnoient un dans les épousailles, mais qu’il tient lieu d’une pièce de monnoie que l’on donnoit auparavant, & qu’il doit être du même poids. Les Grecs & les Romains ont pratiqué la même chose. Les Chrétiens la pratiquent aussi ; & cet usage est très-ancien, comme il paroît par Tertullien, dans son Traité de l’habillement des femmes ; par Grégoire de Tours, dans les vies des Peres ; par Isidore, De Officiis, Liv. II, ch. 19 ; & comme Laurentius Pignorius le prouve dans sa première & dix-neuvième lettre ; par les anciennes Liturgies, dans lesquelles on trouve la bénédiction de l’anneau nuptial ; aussi-bien que dans l’Ordre Romain, & dans les plus anciens Rituels. En Moscovie ce n’est point aux épousailles, c’est à la cérémonie des noces qu’il se donne. Chez les Grecs le Prêtre bénit deux anneaux ; l’un d’or qu’il donne au mari, & l’autre d’argent, qu’il donne à la femme. Voyez l’Eucologe, Allatius, le P. Massene.

La troisième sorte d’anneaux sont ceux qui servoient à cacheter, Annuli signatorii, Annuli sigillaricii, Cirographi ou Cerographi ; car c’est ainsi qu’il faut lire dans Catulle, Epigram 25, & non pas Chirographosque Thynos : c’est à Saumaise qu’on doit cette correction. Catulle donne à ces anneaux l’épithète Thyni ; & des vers rapportés par Isidore, disent que la lime Thynienne les polissoit, parce que c’étoit sur-tout en Bithynie qu’on les faisoit, ou qu’on les travailloit le mieux. On prétend que ces anneaux, & l’usage de cacheter, est une invention des Lacédémoniens, qui non contens de fermer leurs coffres & leurs armoires avec des clefs, y ajouterent encore un cachet ; qu’à cet effet ils se servirent d’abord de bois rongé de vers : dont ils imprimoient les marques sur la cire, ou sur une terre molle ; qu’après cela ils trouverent l’art de graver sur les anneaux, des figures qui s’imprimassent de la même sorte. Il est cependant certain que dès le temps de Moyse on gravoit non-seulement sur l’or & sur les métaux, mais même sur les pierres précieuses. Voyez Gravure. Mais il ne paroît pas, comme je l’ai déjà remarqué, que l’anneau chez les premiers Hébreux, eût d’autre usage que les bracelets & les pendants d’oreilles ; c’est-à-dire, qu’il servît à autre chose qu’à orner. Dans la suite l’anneau servoit à cacheter, ou sceller tous les actes, les contrats, les diplômes, les lettres. On en voit des exemples dans l’Ecriture 3, Liv. des Rois XXI, 8. Esther VIII, 10 ; dans Xénophon Hellen, Liv. I ; dans Quinte-Curce, Liv. VI, chap. 6 ; dans Justin, Liv. XLIII, chap. 3, où l’on apprend encore que ce fut une charge auprès des Empereurs, que d’avoir la garde de l’anneau : le Référendaire faisoit autrefois la même fonction auprès de nos Rois, de même qu’aujourd’hui les Sceaux sont entre les mains du Chancelier, ou du Garde des Sceaux. Comme Pharaon avoit donné le sien à Joseph, ainsi Alexandre donna le sien en mourant à Perdiccas, pour le désigner son successeur, si nous en croyons Lucien dans ses Dialogues. On s’en servoit encore pour sceller l’entrée de tout ce que l’on vouloit tenir exactement fermé. Ainsi dans Daniel, Darius scelle de son anneau & de celui de ses Ministres, la fosse aux lions, chap. VI, 17, & le temple de Bel, chap. XIV, 10, 13. On scelloit de même l’entrée des maisons, Aristote, De miracul. aud. l’appartement des femmes, Aristophane dans la fête de Cerès ; la pierre du sépulchre, dans S. Matt. XXVII, 66, tous les meubles, les coffres & les cassettes, les bouteilles de vin, les bourses, comme on le voit dans Pline, Liv. XXXIII, ch. 1. Plaute Casin. ect. II, Sc. 2. Martial, Liv. XI, Epigr. 89. Tacit. Annal. Liv. II, ch. 2, &c. Voyez Janus Rutgersius Var. Lect. Liv. V, ch. 5. Solon fit une loi, par laquelle, pour la sûreté publique, il défendit à tous faiseurs ou marchands d’anneaux, de garder un modèle d’un anneau qu’ils auroient vendu.

Aujourd’hui on grave sur son cachet les armes de sa maison. Chez les Anciens les figures des anneaux n’étoient point héréditaires, & chacun prenoit celle qu’il lui plaisoit. Numa, avoit défendu par une loi, que l’on y gravât les figures des Dieux. Pythagore défendoit la même chose à ses disciples, Clem. Alex. Strom. Liv. V. L’usage abrogea la loi de Numa, & les Romains gravèrent sur leurs anneaux, non-seulement leurs Dieux, mais encore les Dieux étrangers, & sur-tout ceux des Egyptiens, ainsi que Pline le rapporte, Liv. II, ch. 7, Liv. XXXIII, ch. 3. Ils y graverent des hommes, des animaux, des choses inanimées, leurs ayeux, leurs fondateurs, leurs Capitaines, les Princes, & leurs favoris, &c. Les Antiquaires seront bien-aises de trouver ici les figures des anneaux, dont l’histoire nous a conservé la mémoire ; cela peut servir à connoître ceux que l’on voit dans les cabinets. Jules César avoit une Vénus sur son cachet, Dion, Liv. 43 ; le Philosophe Asclépiade une Uranie ; la famille des Macriens, un Alexandre. Ils y gravoient aussi leurs ancêtres, ou leurs amis. P. Lentulus Sura avoit son aïeul, Ciceron. Catilin. 3. Ovide, Trist. Liv. I, eleg. 6. Scipion le jeune, un Scipion l’Africain ; Scipion l’Africain, un Siphax ; Sylla, un Jugurtha ; les amis d’Epicure, la tête de ce Philosophe. Cic. de fin. Liv. V. L’Empereur Commode, une Amasone, représentant Martia, Jul. Capit. dans la vie d’Albin, c. 2. Aristomène, un Agathocle, Roi de Sicile, Polyb. Liv. XV. Callicrates, un Ulysse, Athen. Liv. VI ; Auguste, un Alexandre ; plusieurs des successeurs d’Auguste, un Auguste, Sueton. dans August. c. 50, Dion. Liv. 51 ; Narcisse, une Pallas ; plusieurs Romains, un Séjan ; les Grecs, un Hellen ; les Troyens, un Pergame ; ceux d’Héraclée, un Hercule ; ceux d’Athènes, un Solon ; ceux d’Alexandrie, un Alexandre ; ceux de Séleucie, un Séleucus ; ceux de Lacédémone, un Lycurgue ; les Chersonires, un Constantin ; les Antiochiens, un Melèce, leur Evêque, S. Chrysost. de laud. Melet. Quelques-uns se faisoient graver, eux-mêmes sur leur anneau, Plaut. Pseudol. Act. I, Scen. I. L’anneau d’or de Childeric, trouvé dans son tombeau, & qui se voit à la Bibliothèque du Roi, porte le portrait & le nom de ce Prince. Auguste avoit un Sphinx, Plin. Liv, XXXIII, 1 ; Mécène, une grenouille, Ib. Pompée,

        1. un chien sur la proue d’un navire ; les gens de guerre en Egypte, un escarbot, Plutarq. De Iside ; Aréus, Roi de Sparte, qui écrivit à Onias, un aigle tenant un serpent dans ses serres, Joseph. Lib. XII, c. 5 ; Darius, Roi de Perse, un cheval ; Sporus, l’enlèvement de Proserpine, Suet. in Nerone c. 46. Les Locriens occidentaux, l’étoile du soir, appelée Hesperus. Strabon, Liv. IV ; Pline le jeune, un char tiré par quatre chevaux ; Polycrate, une lyre ; Séleucus, une ancre, Clem. Alex. Pædag. Liv. III, plusieurs Chrétiens, le Monograme de Jésus-Christ, que l’on trouve aussi sur plusieurs médailles des Empereurs Chrétiens. Clément Alexandrin exhorte les Chrétiens à n’avoir sur leurs anneaux, qu’une colombe, un poisson, un navire, une lyre, une ancre, ou quelqu’autre figure capable de leur rappeler les mystères de leur religion. Il défend absolument les figures d’idoles, & les nudités ; il ne peut même souffrir que des gens qui ne doivent respirer que la paix, y fassent graver un arc, ou une épée ; ni que des gens à qui la tempérance & la sobriété doivent être chères, y portent des coupes & des vases à boire. Au reste, il ne permet point de porter d’anneau pour l’ornement, mais seulement pour sceller les choses qui en ont besoin ; & il semble, par ce qu’il dit en cet endroit, que c’étoit la femme, plutôt que le mari, qui avoit l’anneau dans les familles.

Anneau de jonc, ou de paille. Richard, Evêque de Salisbery, dans les Constitutions de l’an 1217, C. 55, défend de mettre dans les doigts des femmes des anneaux de jonc, ou de quelque matière que ce soit, précieuse, ou non, afin d’en abuser plus aisément ; & il insinue que la cause de sa défense est, qu’il y avoit des gens assez simples pour croire que ce qui se faisoit ainsi en badinant, étoit un vrai mariage. Du Breuil, dans ses Antiquités de Paris, Liv. I, dit, qu’on avoit coutume dans la cérémonie des noces, de donner un anneau de jonc, ou de paille, à ceux qui avoient eu un commerce défendu avant leur mariage.

Saint Louis prit pour devise au temps de son mariage, un anneau entrelassé d’une guirlande de lis & de marguerites, pour faire allusion à son nom & à celui de la Reine, son épouse ; & mettant sur le chaton de cet anneau l’image d’un Crucifix, gravée sur un saphir, il l’accompagna de ces mots : Dehors cet anel pourrions avoir amour ? Cette devise est sur l’agraphe du manteau qu’il portoit le jour de ses noces, & on voit cette agraphe au monastère royal de Poissy. Un homme d’esprit, dans le départ ou l’éloignement d’un ami, prit pour devise, un anneau sans diamant, avec ce mot espagnol, Falta lo mejor. Le meilleur manque.

Nous avons de Licet, un Traité De Annulis Veterum ; des anneaux des Anciens. Gorlæus a fait Dactyliotheca ; c’est un Recueil d’anneaux. Jean Kirchman, savant de Lubec, a donné un Traité De Annulis ; Thomas Bartholin, un Livre De Annulis narium. Voyez aussi les Macri & M. Du Fresne dans leurs Dictionnaires, & Meursius De luxu Romanorum, ch. 5. La Mothe le Vayer, T. II, épître 3 ; le P. Kirker, Œdip. Æg. Liv. XII, & Latium, p. 69 ; Beger. Thesaur. Brandeb. Tom. I, p. 150 & suiv. où il y a plusieurs figures d’anciens anneaux, & beaucoup de choses sur cela.

On dit proverbialement, qu’il ne faut point mettre en son doigt d’anneau trop étroit, Annulum digito vi ne inserito ; ☞ pour marquer qu’il ne faut s’embarrasser de rien qui puisse faire de la peine, & dont on ne puisse pas se défaire aisément.

Anneau, se dit aussi d’un cercle qui est fait d’une matière dure, & qui sert à attacher quelque chose. Les anneaux d’un rideau. L’anneau d’une ancre. On attache les bateaux à de gros anneaux de fer.

Anneau d’une clé. C’est la partie de la clé que l’on tient dans la main, & qui aide à la faire tourner commodément dans la serrure.

☞ Dans les arts & métiers on donne le même nom à plusieurs choses figurées, comme ce qui porte le nom d’anneau. Les anneaux d’une chaîne, &c.

En termes de Marine, les anneaux des vergues, sont des anneaux attachés de distance en distance aux deux grandes vergues. Anneaux de sabords, sont des boucles de fer d’une médiocre grosseur, qui servent à fermer, & à saisir les mantelets des sabords. L’anneau de l’ancre s’appelle aussi Arganeau.

En termes de Blason, l’anneau est un cercle, dont on meuble les écus. Il est tantôt uni, tantôt avec un chaton garni de pierres précieuses. L’anneau autrefois étoit le plus souvent gravé, & servoit pour signer : on l’appeloit Annulus signatorius, dont il est parlé au ff. de verb. sign. L’anneau est le symbole de la fidélité : ce qui est cause qu’on en donne dans les épousailles, & que les Prêtres en portent, pour montrer qu’ils sont époux de leur Eglise. C’étoit aussi le symbole de l’ingénuité chez les Romains, quand l’Empereur le donnoit à un Affranchi, comme il paroît dans le titre de jure aur. ann.

Anneau, se dit par extension, des boucles, qui se font par la frisure des cheveux. Cincinni. Les Anciens se servoient du même mot pour signifier la même chose. Martial, Liv. II, M p. 66.

Unus de toto peccaverat orbe comarum
Annulus, incertâ non bene fixus acu.

Saumaise sur Solin, p. 760, prétend néanmoins qu’il ne s’agit pas là, comme ailleurs, d’une simple boucle de cheveux : mais de tous les cheveux rassemblés ensemble tournés en ligne spirale, & attachés avec la même aiguille avec laquelle on les séparoit.

On dit en termes d’Astronomie, l’anneau de Saturne, en parlant de cette planète accompagnée de ses cinq satellites, & d’une lumière en forme d’anneau. On en attribue la découverte à M. Huyghens. Après avoir long-temps observé cette planète, il apperçut deux bras ou deux pointes qui sortoient du corps de la planète en droite ligne. Il reconnut ensuite que ces deux bras formoient une anse ; & parce qu’après de continuelles observations, il apperçut toujours la même figure, il en conclut que Saturne étoit environné d’un anneau solide & permanent. Il produisit son nouveau système de Saturne en 1659. Le plan de cet anneau n’est incliné au plan de l’écliptique que de 23 degrés 30 minutes, selon M. Huyghens. Il paroît quelquefois ovale, & son grand diamètre est double du petit, selon l’observation de Campani.

Anneau astronomique, Annulus astronomicus, est un petit anneau de métal divisé en degrés, que l’on tient suspendu par un anneau plus petit, pour prendre, à l’aide d’une alidade, la hauteur des astres, & mesurer les lignes accessibles & inaccessibles sur la terre. Les machines de l’Observatoire de Pékin nous parurent d’une forme approchante de nos anneaux astronomiques. P. Le Comte.

Anneau universel, est un cadran universel, composé de deux anneaux perpendiculaires entre eux, dont l’un représente l’équateur qui contient les heures astronomiques, & l’autre le méridien qui contient les degrés de latitude, avec un diamètre commun, qui représente l’axe du monde, & sur lequel sont marqués les signes du zodiaque, divisés de cinq en cinq, ou de dix en dix ; ou bien les mois de l’année, divisés aussi de cinq en cinq, ou de dix en dix. ☞ Cet anneau indique l’heure en quelque endroit de la terre que ce soit.

Anneau fibreux. Terme d’Anatomie. A l’endroit où le cou de la vésicule du fiel forme le conduit ou canal du fiel, il y a un anneau fibreux qui se dilate & se resserre comme un sphincter, pour lâcher & pour retenir sa bile dans la vésicule, & pour empêcher qu’elle ne remonte d’où elle vient. Cet anneau fait le même office que le pylore au ventricule. Dionis.

Anneau, que l’on nomme aussi Moule. C’est une sorte de grand cercle de fer, ayant deux pieds un pouce de diamètre, sur six pieds trois pouces de circonférence, qui sert aux Mouleurs de bois à mouler ; ou mesurer des bois de compte & d’andelle, en y faisant entrer autant de morceaux ou buches, qu’il en peut contenir.

ANNECI. Ville de Savoie. Annecium. Elle est entre Chambery & Genève, sur le bord du lac d’Anneci. L’Evêque & le Chapitre de Genève font leur résidence à Anneci. Le lac d’Anneci est à peu près au milieu du Genevois.

ANNÉDOTS. s. m. pl. Divinités des Chaldéens, imaginées sur l’idée des Anges bons & mauvais, dont il est parlé dans l’écriture.

ANNÉE. Voyez An.

Année. s. m. Annæus. Nom d’homme. C’est le nom des Sénèques qui étoient originairement de Cordoue, en Espagne, où les Carthaginois avoient long-temps dominé ; ainsi ce nom pourroit bien être punique, & le même que le nom hébreu Anne ; ou bien un langage des premiers habitans d’Espagne, qui viendroit du même nom hébreu.

ANNELER. v. a. Friser les cheveux par anneaux. Capillos crispare, in annulas inflectere, in cincinnos. On le dit aussi d’une cavale qu’on boucle.

ANNELÉ, ÉE. part. Il ne se dit que des cheveux annelés, ou frisés par boucles. Crispatus, cincinnatus. Mais il commence à vieillir. Elle avoit les cheveux annelés. B. Rab.

Beaux cheveux annelés, écueil de ma franchise.

ANNELET. s. m. Petit cercle rond pour attacher des choses légères. Annellus. ☞ Il n’est en usage que comme terme de Blason & d’Architecture. Les annelets en Blason, sont souvent des meubles, dont on charge les écus, parce que c’étoit autrefois une marque de noblesse, de grandeur & de juridiction : & c’est pour cela que les Prélats recevoient leur investiture per baculum & annulum.

Annelets, en termes d’Architecture, sont de petits membres carrés, que l’on met au chapiteau dorique, au dessous du quart de rond. Annelli. On les nomme aussi Filets, ou Listeaux. Annelets se prennent aussi quelquefois pour les baguettes, ou petites astragales.

ANNELURE. s. f. Frisure de cheveux par boucles, par anneaux. Cincinni. Il n’est pas fort usité.

ANNETTE. s. f. Nom de femme, & diminutif du nom Anne. Anna. On ne se sert de ce mot que dans les chansons de berger & de bergère, & dans des chansons. Dans l’usage ordinaire, le diminutif est Nannette.

ANNEXE. s. f. Ce qui est uni ou joint, & qui est dépendant, ou fait partie d’un autre. Appendix. ☞ Il se dit des terres & des domaines attachés à une Seigneurie dont ils n’étoient pas mouvans ou dépendans. C’est un terme de Droit. Les annexes d’une seigneurie. Les annexes qu’un testateur fait de son vivant à l’héritage qu’il a légué, sont comprises dans les legs. Patr. Cette terre est une annexe de son fief qu’il peut démembrer.

☞ On le dit aussi d’un bénéfice, en conséquence de l’union qui en a été faite. Saint Eloi est une annexe de l’Archevêché de Paris.

☞ On le dit de même d’une Eglise où l’on fait les fonctions paroissiales, qui relève d’une Cure, & que l’on appelle annexe, ou Succursale. L’Eglise de Sainte Marguerite étoit une annexe de Saint Paul.

Droit d’Annexe. Jus in tabulas publicas referendi. Le Parlement d’Aix est le seul en France qui jouisse du droit d’annexe, qui consiste dans l’enregistrement des brefs, bulles, dispenses, jubilés, indulgences, & autres semblables rescrits qui viennent de Rome ou de la Légation d’Avignon. C’est Louis de Fourbin, Doyen & Conseiller, Garde des Sceaux du Parlement, Ambassadeur pour les Rois Louis XII, & François I, au Concile de Latran, auquel présidoit Léon X, qui l’obtint en 1515, après avoir parlé devant ce Concile. Merc. Gal.

ANNEXER. v. a. Joindre, attacher quelque chose à une autre. Adjungere, annectere. ☞ Dans le droit, & même le langage ordinaire, on le dit d’une chose moins considérable, jointe & unie à une plus grande. Le Roi a annexé la charge de Président à celle de Lieutenant-Général. Il a annexé un tel droit à un tel office. Il a annexé cette terre à son domaine. On a annexé cette Cure à ce Prieuré. Le Roi Charles VIII en 1486, annexa la Provence à la Couronne.

Annexé, ée. part. pass. & adj. Annexus, adjunctus.

ANNIBAL. s. m. Annibal. Nom d’homme. Ce nom, qui a encore été en usage en Italie, est Carthaginois. Le plus célèbre de ceux qui ont porté ce nom est Annibal, Général des Carthaginois, qui, ayant pris, après la mort d’Asdrubal son beau-frere, le commandement des armées Carthaginoises, l’an 544 de Rome, 220 ans avant Jésus-Christ, âgé seulement de 26 ans, soumit l’Espagne, passa les Alpes, & remporta sur les Romains plusieurs avantages dont il ne sût pas profiter. Nous trouvons encore quatre ou cinq Carthaginois nommés Annibal. Ainsi on ne peut douter que ce ne soit un nom Punique. Cela supposé, il faut qu’il vienne du phénicien חנה, hhanna, qui signifie grâce, comme je l’ai dit au mot Anne, & de בעל, Baal, Seigneur, maître, possesseur, & il signifie Seigneur, ou maître de la grâce, c’est-à-dire, gracieux, plein de grâces. Ce qui confirme ceci, c’est que nous trouvons que des Hébreux ont aussi porté ce nom. Il est parlé dans Josephe, Liv. XIX. Antiq. ch. 7, d’un Juif nommé Annibal ; & de plus la médaille d’Annibalien, dont je parlerai tout à l’heure, écrit ce nom avec une aspiration. Les Grecs ont changé le l de ce nom en s, & disent Ἀννιϐας. Vossius s’est trompé quand il a dit que c’étoient les Latins qui avoient changé le s en l. C’est tout le contraire, & dans la langue originale il y a un Lamed, בעל Baal.

ANNIBALIEN. s. m. Annibalianus, Hannibalianus. C’est le surnom d’un neveu de Constantin le Grand, fils d’un Delmatius, frere de pere du même Empereur. Il y a une médaille de ce jeune Prince dans M. Tristan, T. 3, p. 501, laquelle du côté de la tête a pour inscription, FL. CL. HANNIBALIANO REGI : & au revers, SECVRITAS PVBLICA, un fleuve avec son urne, qui a un roseau au côté gauche, & tient de la main droite, ou un roseau, comme prétend Mézabarba, ou plutôt, comme dit Tristan, un long sceptre, sur lequel il s’appuie ; & dans l’exergue, Conob. Constantin son oncle l’avoit fait Roi du Pont. Il y a encore d’autres Hannibaliens avant celui-ci. Voyez M. Tristan, Tom. III. p. 493. Plusieurs écrivent Hannibal & Hannibalien, & certainement c’est le même ; l’usage latin, qui paroît sur les médailles que j’ai rapportées, & l’étymologie de ces mots, que j’ai donnée au mot Annibal, demandent un H au commencement. Constantius Chlorus eut deux femmes, Hélène & Théodora. D’Hélène il eut Constantin, & de Théodora, Jules Constantius & Delmace, surnommé Hannibalien, que Constantin son frere fit couronner. Celui-ci laissa deux fils, Jules Delmace, & Claude Hannibalien. Constantin donna à Delmace le titre de César, avec la Thrace, la Macédoine & l’Achaïe ; à Hannibalien, le titre de Roi, avec la Cappadoce, le Pont & l’Arménie. Sa résidence étoit à Césarée de Cappadoce. Fleur.

ANNIBAULD. s. m. Annibaldus. Ce mot, que nous avons fait françois, & formé du latin Annibaldus, en changeant à l’ordinaire al en au, n’est autre chose que le nom d’Annibal, avec une terminaison latine. Je crois que d’abord on a dit Anniballus, doublant le l, comme dans Hanniballianus, dont je viens de parler ; puis changeant le l en d, Annibaldus, Annibaud.

ANNICHILER. v. a. Vieux mot, qui veut dire, anéantir. Borel. Annihilare, Exinanire, Funditùs tollere. Ce mot vient des mots nihil ou nihilum, qui se trouvent écrits dans les manuscrits, nichil & nichilum. Mais on peut croire qu’il tire son étymologie immédiate du verbe italien Annichilare, qui a la même signification. Voyez Annihiler.

Arrière donc, Royne Pentésilée,
Maintenant est ta gloire annichilée.

Marot.

ANNIHILATION. s. f. Réduction d’un corps à rien, son retour dans le néant. On se sert souvent de ce terme en Philosophie. La création est impossible aux seules forces naturelles ; c’est-à-dire, que la nature ne peut rien tirer du néant ; mais l’annihilation des corps qui sont créés, ne lui est pas moins impossible. L’annihilation d’une chose n’est qu’une cessation d’action de la part de Dieu pour la conserver. Du Hamel. Les Carthésiens prétendent que l’espace & le corps sont la même chose ; ce principe supposé, toutes les difficultés qu’on fait sur l’annihilation de l’air d’une chambre, s’évanouissent entièrement. Le Clerc.

ANNIHILER. v. a. Anéantir, détruire une chose comme si elle n’avoit jamais existé. Les Philosophes se servent de ce terme, principalement dans les questions du vide. L’espace & le corps étant la même chose, selon l’hypothèse des Carthésiens, on ne peut annihiler ces corps qui sont entre le ciel et la terre, sans annihiler l’espace : & cet espace ne peut être annihilé, sans que le ciel & la terre se touchent. Le Clerc. Voyez Anéantir qui est plus usité.

ANNILLE. s. f. Terme de Blason. ☞ Voyez Anille.

ANNION. Terme de Droit. On appelle Bénéfice d’Annion, un répit ou délai accordé pour un an, à un débiteur, pour la vente de ses meubles, dans le cas où il étoit à craindre qu’ils ne fussent vendus à vil prix. C’est un ancien terme de notre droit françois, qui a cessé d’être en usage. Voyez Ragueau, Pirrhus, Imbert, Cujas, &c.

ANNIVERSAIRE. adj. de t. g. ☞ Qui désigne ce qui se fait tous les ans, le même jour. Anniversarius. Cérémonie, procession anniversaire, La Dédicace d’une église est une fête anniversaire. Ce mot vient de annus, & de verto, ce qui se fait tous les ans, l’an révolu. Il est aussi subst. masc. & désigne alors un service que l’on fait chaque année à un mort à perpétuité. Anniversarium. On fait encore à Saint-Germain-des-Prés, l’anniversaire de Childebert. L’anniversaire & les prières que l’on fait pour une personne en odeur de sainteté, ne dérogent point au culte religieux que le peuple lui rend, confirmé par des miracles, & toléré par les supérieurs ecclésiastiques. Voyez sur cela Acta Sanctorum des Jésuites d’Anvers le 11 de Mai, sur saint Walbert, N. XI. & le 5 de Juin pag. 563, & pag. 810. N. IV. & les Acta Sanct. Bened. Sæc. III. Part. I. Præf. pag. LXXVIII. On fait tous les ans à Rome un anniversaire pour l’ame de Henri le Grand, dans l’église de saint Jean de Latran, où les Ambassadeurs de France & les Cardinaux de la faction ne manquent jamais d’assister. Cardinal de Retz.

Il paroît par Tertullien, dans son livre De corona Militis, & par Cassien, Coll. i, ch. 19, que dès les premiers siècles de l’Eglise on faisoit des prières anniversaires pour les morts.

ANNOBLIR, ANNOBLISSEMENT. Voyez Anoblir.

ANNOBON. Île de la mer de Guinée, en Afrique. Anoboni insula. Elle est au sud-ouest de l’île de Saint Thomas. ☞ Ce nom qui signifie bonne année, lui fut donné par les Portugais qui la découvrirent les premiers.

☞ ANNOISE. s. f. Plante que le peuple appelle Herbe de la S. Jean. Elle pousse plusieurs tiges hautes de quatre à cinq pieds, & garnies de feuilles qui approchent de celles de l’absynthe. On l’emploie dans les maladies hystériques. Acad. Fr.

☞ ANNOMINATION. s. f. Figure de Rhétorique. Allusion, jeu de mots qui roule sur les noms. Elle est presque toujours froide & puérile. Annominatio, lusus in verbis.

ANNON. Voyez Hannon.

ANNONA. s. m. Arbre de la nouvelle Espagne. Ses feuilles ressemblent à celles de l’oranger. Ses fleurs sont blanches & d’une odeur douce. Il porte un fruit de la grosseur d’une orange ordinaire.

ANNONAIRE. adj. f. C’est le nom qu’on donne à des provinces & à des villes d’Italie, qui étoient obligées de fournir une certaine quantité de vivres par an à la ville de Rome. Savoir quelles étoient ces villes & ces provinces, si elles dépendoient du Préfet de Rome, si elles étoient distinguées des suburbicaires, & à quelle distance elles étoient de la ville de Rome, c’est de quoi ne conviennent pas nos savans Critiques. On peut voir ce qu’en ont écrit Godefroy, Saumaise, & le P. Sirmond dans les contestations qu’ils ont eues au sujet des villes & provinces suburbicaires & annonaires. Urbes annonariæ.

ANNONAY. Ville du Vivarais, en France. Annonæum, Annoniatum. Elle est sur la rivière de Deume, au-dessus de son confluent avec le Rhône.

ANNONCE, s. f. se dit chez les Religionaires ou Protestans de ce que les Catholiques appellent ban de mariage, publication de mariage à faire. Proclamatio, publicatio, nuntiatio. Après les fiançailles, les futurs époux vont se présenter au Magistrat, ou à ceux qui sont établis pour examiner les mariages, par l’assemblée ecclésiastique : car il leur est libre de choisir entre ces deux Tribunaux. Quand on ne trouve rien qui puisse empêcher la célébration du mariage, on permet les annonces. C’est au temple quelles se font par trois Dimanches consécutifs, si l’ordre vient du ministre : ou par trois jours de marché en place publique, en vertu de l’ordre du Magistrat. C’est dans le lieu du domicile des parties, ou plutôt dans le lieu où elles ont demeuré pendant la dernière année, que se doivent faire les publications, où les mœurs, l’état, la condition des contractans peuvent être connus. Jour. des Sav.

Annonce, est aussi ce qui se dit d’un Saint au martyrologe la veille de sa fête, ou du jour de sa mort. Chast. Ce sont les paroles avec lesquelles on annonce que ce sera le lendemain sa fête. On le dit encore des autres choses qui se lisent ou s’annoncent dans le martyrologe : table des lettres du martyrologe pour l’annonce du jour de la lune. Chast. Annonce des mobiles, c’est-à-dire, des fêtes mobiles. Id.

Annonce se dit aussi du compliment que fait un des Comédiens pour avertir le public qu’un tel jour on jouera telle pièce. Declaratio, monitio. C’est un tel Comédien qui a fait l’annonce.

Annonce, dans la feuille périodique qui paroît sous le titre de Petites-Affiches, signifie la même chose qu’avis. Voyez Affiches de Paris.

☞ ANNONCER. v. a. Nunciare. Ce verbe signifie littéralement, faire savoir une nouvelle. On est venu lui annoncer la mort de son père. Il y a des gens qui se plaisent à annoncer des choses désagréables. Annoncer la paix, la guerre, le gain d’un procès.

☞ On le dit dans un sens à peu près le même, pour avertir d’une chose. On annonce au Prône les fêtes de la semaine, les jours de jeûne. Les Comédiens annoncent la pièce qui doit être donnée au premier spectacle. Indicere, indicare, designare.

☞ Quelquefois il est employé comme synonyme de publier, manifester. Prædicare. Seigneur, les cieux annonceront vos louanges. Port-R. Dans le style oratoire on peut bien dire, que le monde entier est un temple où la gloire de Dieu est annoncée sans cesse avec la plus grande magnificence. Cœli enarrant gloriam dei, & opera manuum ejus annunciat firmamentum.

☞ Dans un style moins relevé il est employé pour faire connoître par quelque marque extérieure. Une grande naissance, ou une grande fortune, annonce le mérite, & le fait plutôt remarquer. La Bruy.


En mille écrits fameux la sagesse tracée
Fut, à l’aide des vers, aux mortels annoncée.

Boil.

Un dévot orguilleux n’admet de sainteté,
Qu’en ceux dont les vertus avec art compassées,
Par la démarche & l’air sont d’abord annoncées.

Id.


Annoncer se dit aussi des prophéties & des révélations.

☞ Dans cette acception il est synonyme de prédire,