Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CORNEILLE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 920-921).
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CORNEILLE. s. m. nom propre d’homme. Cornelius. Ce mot est latin, & s’est formé de Cornelius. On le dit du Centenier, dont le baptême est rapporté aux Actes des Apôtres C. X. Corneille Centenier, homme juste & craignant Dieu, selon le témoignage que lui rend toute la nation juive, &c. Port-R. On le dit aussi des SS. du Nouveau Testament qui ont porté ce nom, comme Corneille, Patriarche d’Antioche au IIe siècle. S. Corneille Pape, qui succéda à Saint Fabien l’an 251. Mais quand on parle des anciens romains : il faut dire Cornelius, & non pas Corneille. Cornelius Fuscus, homme de grande naissance, & dans la vigueur de son âge, fut l’un des principaux flambeaux de cette guerre. D’Ablanc. Cornelius Laco, Chef des Cohortes Prétoriennes, & l’un des Ministres de Galba. Il ne faut donc pas dire Corneille Asina. Il faut cependant excepter Corneille Tacite, qu’on appelle toujours ainsi, & jamais Cornelius. La famille des Cornelius, Gens Cornelia. Voyez Cornelia.

CORNEILLE. s. f. oiseau de la couleur d’un corbeau, mais de moindre grosseur. Cornicula, cornix, du grec κορώνη. Il y a aussi une corneille picotée de blanc, qui est fort goulue, & qui vit de grain, qui dérobe la monnoie : ce qui la fait appeler par les latins monedula. Ceux qui croient que la corneille est la femelle du corbeau se trompent : ce sont des oiseaux d’espèce différente. Ménage. M. Ménage, dans ses Juris Civilis amœnitates, prétend que 'Gracculus' ne signifie point un geai, mais une corneille. Il n’y a point de pays au monde où il y ait tant de corneilles qu’en Angleterre. L’humidité de son terroir engendre quantité de vers, dont ces oiseaux se nourrissent. Rochef. Ce que l’on dit après Hésiode de la longue vie du corbeau & de la corneille, est une fable ; On dit cependant qu’elles vivent jusqu’à cent ans. Voyez Voss. de Idolol. L. III, c. 79, 86, & 96 où il parle des corneilles. Virgile dit que la corneille présage, ou annonce la pluie avec une voix enrouée. Elle est chez les anciens le symbole de la concorde ; les nouveaux mariés avoient coutume de l’invoquer ; selon les uns elle étoit de bon augure, & de mauvais selon les autres. La corneille avertit des malheurs à venir. La Font. Il y a en Angleterre beaucoup de corneilles toutes blanches. Morton, Hist. nat. de Northampton.

Corneille emmentelée, est celle qui est en partie noire, en partie grise, qui a la couleur depuis le cou, jusqu’à la moitié du corps, différente du reste. Cornix partim atri, partim cinerei coloris.

Il y a plusieurs autres espèces de corneilles, La corneille de bois, appelée Freux, Graie, ou Grosse. Cornix frugilega. La corneille bleue, cornix cærulea, qui se voit en Misnie, ou en Allemagne. C’est un oiseau vorace qui n’est recommandable que par la beauté de ses couleurs. Son bec est noir, les cuisses brunes & courtes. Il a du bleu à plusieurs endroits de son pennage ; savoir à la queue, aux ailes, à la tête, autour du croupion, à la partie de dessus. Par endroits il est couvert, en d’autres il est mêlé d’une couleur verte. Le dos, le cou & le devant sont bruns, les grandes pennes des aîles sont noires. Corneille de mer. Voyez Corbeau de bois.

Il y a dans la Fauconnerie du Roi, des oiseaux & des Officiers pour le vol de la corneille.

On dit figurément d’un Auteur qui a fait quelque Ouvrage en ramassant ou en dérobant les pensées des autres, que c’est la corneille d’Esope, ou la corneille d’Horace, par allusion à la sable qu’ils rapportent de la corneille, qui se trouva sans plumes, quand les autres oiseaux eurent repris celles qu’elle leur avoit dérobées pour se parer. La Fontaine dit dans ses fables que ce fut au geai que cette avanture arriva.

La corneille est le symbole d’Apollon, le Dieu des Devins. Politien, dans ses Miscellan. c. 67. Quand elle est perchée, elle marque la foi conjugale. P. Jobert.

Corneille, terme de Botanique. s. f. Lysimachia. Plante qu’on appelle encore Lysimachie. On en connoît plusieurs espèces ; la plus ordinaire est celle qu’on nomme Lysimachia lutea major, forte Dioscoridis. C. B. & qu’on trouve au bord des ruisseaux & dans les endroits humides. Sa racine trace considérablement, & donne plusieurs tiges qui sont d’abord rougeâtres, & qui s’élèvent à la hauteur de trois à quatre piés, un peu velues, cannelées & noueuses par intervalle, de ces nœuds naissent trois, quatre, rarement cinq feuilles, qui environnent la tige ; elles sont plus ou moins larges, suivant la bonté du terroir ; pareilles en quelque manière par leur figure à celles du saule ordinaire, un peu plus larges, d’un vert-blanchâtre. L’extrémité des tiges est branchue, & est garnie de bouquets de fleurs jaunes, d’une seule pièce, découpées assez profondément en cinq parties, à peu-près de même grandeur que celles du millepertuis, & soûtenues par un calice verdâtre à cinq pointes, du milieu duquel s’élève un pistil qui enfile la fleur, & qui devient un fruit sphérique de la grosseur & figure d’un grain de coriandre. Ce fruit s’ouvre à sa pointe en plusieurs parties, & il contient plusieurs semences dans sa cavité. Cette plante porte le nom de Lysimachus, qu’on prétend avoir été son premier inventeur. La corneille est astringente. On assure sur plusieurs expériences, que l’on prétend certaines, que le jus de la corneille versé sur les plaies les plus dangereuses, les guérit en très-peu de temps.