Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 1/291-300

Fascicules du tome 1
pages 281 à 290

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 1, pages 291 à 300

pages 301 à 310


que je recouvrerai la santé de mon ame. Mad. de la Vall.

Vous sembloit-il croyable,
Qu’un cœur toujours nourri d’amertume & de pleurs,
Dût connoître l’amour, & ses folles douceurs ?

Racine
.

Amertume, se prend quelquefois dans une signification synonyme avec aigreur, dureté. On dit des reproches amers, une réprimande amere, & mettre de l’amertume dans une réprimande, dans une remontrance. Ce mariage lui a inspiré toute l’amertume d’une marâtre. Patr.

☞ AMESSEMENT. s. m. Vieux mot dont on se servoit pour signifier l’action d’entendre la Messe. On auroit dû le conserver ou lui en substituer un autre. Nous ne saurions assez répéter que nous devons craindre d’appauvrir la langue.

AMESUREMENT. s. m. Terme de Coutume. Estimation faite par la Justice, ou par le Juge. Il signifioit aussi mesure, modération.

AMESURER. v. a. Terme de Coutume. Estimer, réduire à mesure légitime, proportionner. En si poi de temps bien devroit estre li outrage amesuré par le Souverain. Beaumanoir. Voyez cet Auteur & Pierre des Fontaines. On dit aussi, amesurer son sujet ; pour dire, exiger de son sujet l’estimation & le dédommagement du meffet par lui commis, avec l’amende encourue. Voyez Beaumanoir.

AMET. Voyez Amé.

AMÉTÉ, ÉE. adj. & participe du verbe améter, abonner. Terme de Coutume. Il veut dire abonné. Un fief amété. Ce mot vient de meta, mot latin, qui signifie borne. On a dit d’abord aborné, d’où s’est fait abonné, qui dans son origine signifie une chose à quoi l’on a mis ou donné des bornes, & de même amété.

AMÉTHYSTE. s. f. Quelques-uns disent amathyste ; mais améthyste est beaucoup plus usité ; Ménage n’en convient pas. Pierre précieuse qui est la plus belle après l’émeraude. Amethistus. Quand elle est taillée en cadran à huit pans, elle a la couleur satinée. Quand sa table est ronde, & en cabochon, elle est veloutée. Il y en a de trois sortes. Les Orientales, qui sont les plus dures, les plus rares & les plus estimées, sont de couleur colombine ; celles de Carthagène, de couleur de pensée ; celles d’Allemagne, violettes ; & on les nomme quelquefois Rubis violets, quand leur table est en cabochon. Il y en a aussi d’Orientales qui ont la couleur de pourpre ; d’autres blanches, & semblables au diamant. Les Indiens les mélent ensemble dans leurs ouvrages. Elles ont une grande vivacité & une grande dureté, & reçoivent un poli admirable. On trouve de belles améthystes dans les Pyrénées du côté de la plaine de Vic, & dans les montagnes d’Auvergne. Plutarque dit que son nom vient de ce que sa couleur ressemble au vin trempé d’eau, & non pas à cause qu’elle empêche de s’enivrer, comme plusieurs ont crû fort légérement, qui en pendoient pour cela au cou des buveurs. Ceux qui croient que cette pierre précieuse empêche de s’enivrer, font venir ce mot de l’α privatif, & de μεθύσκω, inebrio.

AMEUBLEMENT. s. m. Quelques-uns disent mal emmeublement. Assortiment de meubles dont on garnit une chambre. Supellex. On le dit particulièrement d’un lit & des siéges, & même de la simple étoffe dont on les garnit. Il a acheté un bel ameublement.

AMEUBLER. v. a. Mettre dans une chambre tous les meubles qu’il faut pour la parer. Supellectile domum instruere. Ce mot n’est plus usité ; on dit en sa place meubler.

AMEUBLÉ, ÉE. part.

AMEUBLIR. v. a. Terme de Palais. Convertir en nature de bien meuble. Rendre meuble ce qui est proprement un immeuble. In supellectilem convertere, supellectili addicere. On stipule dans les contrats de mariage, que de la dot qu’apporte une fille, soit en argent ou en héritages, il en sera ameubli une certaine somme pour entrer dans la communauté, & que le reste demeurera propre à elle, & aux siens. Il a vendu tous ses héritages pour les ameublir, & en disposer plus facilement.

Ameublir, en termes d’Agriculture, donner à une terre de fréquens labours, au point qu’elle devienne comme de la poudre. Terram vertere, invertere. Par ce moyen les arbres profitent de tous les arrosemens du Ciel, qui dissolvent les sels de la terre, en provoquant la fermentation, & font pousser aux végétaux de beaux jets & de longues racines. Il se dit aussi de la terre qui est dans les caisses d’orangers, ou dans des pots de fleurs, lorsqu’elle est endurcie vers la superficie, & qu’on y fait de petits labours pour l’amollir, & pour donner entrée à l’eau qu’on y verse, afin qu’elle pénétre jusqu’aux racines.

Ce verbe en ce sens vient de mobilis, mobile, qui se remue aisément, ou comme on disoit autrefois meuble ; & signifie, rendre mobile. Les Jardiniers disent encore une terre meuble, une terre douce & meuble, pour mobile.

AMEUBLI, IE. part.

AMEUBLISSEMENT. s. m. Qui signifie l’action d’ameublir, & ce qui a été converti en meuble. Quod in ratione supellectilis computatur. Supellecticaria, orum. ☞ C’est une fiction de droit par laquelle une portion de la dot d’une femme, qui est immeuble de sa nature, & réputée meuble ou effet mobilier, en vertu d’une stipulation expresse faite au contrat de mariage, à l’effet de le faire entrer en communauté. C’est ordinairement le tiers de la dot qui est ameubli. Si l’épouse est majeure, elle peut ameublir tous ses biens. L’ameublissement ne se peut faire que par contrat de mariage. Quand une mineure se marie, il est nécessaire que son tuteur & ses parens consentent à l’ameublissement, si on en fait par le contrat de mariage, & que leur avis soit homologué en Justice. Voyez Bacquet, des Droits de Justice, & Brodeau sur Louet. Si la femme renonce à la communauté, elle reprend ses ameublissemens : autrement ils demeurent confondus dans la communauté.

AMEUTEMENT. s. m. Action d’ameuter. Assemblage de chiens dans une meute. Pomey. Canum caterva.

AMEUTER. v. a. Assembler les chiens courans pour courir la bête. Canes aggregare. On ameute les jeunes chiens avec les vieux, qui sont déjà exercés, pour dresser.

Ameuter, se dit figurément des personnes qu’on assemble pour faire du bruit ou du mal à quelqu’un. Excitare, stimulare, incendere aliquem in alium. Il a été rechercher tous les ennemis, tous les créanciers de cet homme, & il les a tous ameutés contre lui, il les a excités à le poursuivre. Il y a dans les séditions des boutefeux, des gens qui ameutent le peuple, qui l’excitent à faire du bruit.

Ameuter. Mettre l’union & la concorde dans un corps. Conciliare, consociare. S’attacher à bien ameuter son régiment, à y établir l’union, & à détruire les cabales. Bombelles. Le premier soin des Lieutenans-Colonels doit être de bien ameuter leurs régimens. Id. C’est-à dire, les réunir, y mettre l’union & la concorde. On s’explique de sa peine avec des amis, on en fait part à des parens, on ameute toute une famille. Bourdal. Exh. II. p. 339.

Ameuter, dans sa propre signification, veut dire, attrouper & animer plusieurs personnes pour les faire agir de concert, & se prend en bonne ou mauvaise part, suivant les circonstances.

Ameuter. M. de Bombelles, dans ses Mém. sur le service de l’Infanterie, se sert souvent de ce verbe pour signifier, mettre des soldats dans une même chambrée, afin qu’il se forme entre eux l’union & l’amitié si désirables dans les troupes.

Ameuter, est aussi récip. Il signifie, s’assembler. Convenire. Ils se sont ameutés ensemble.

AMEUTÉ, ÉE. part. Des chiens qui ne sont pas encore bien ameutés. Des gens ameutés.

AMEXICORE. s. m. & f. Peuple de l’Amérique méridionale. Amexicorus, a. Les Amexicores sont vers le gouvernement de Rio Janéiro, au Brésil.
AMF.

AMFIAM. s. m. Plante des Indes, Voyez Banque. C’est la même chose.

☞ AMFIGOURI. s. m. Phrase, discours, ou poëme burlesque, dont les mots ne présentent que des idées sans ordre, & n’ont aucun sens déterminé. Acad. Fr. Il est du discours familier.

☞ AMHAR ou AMHARA. Royaume d’Afrique, dans l’Abissinie, sous l’obédiance du grand Negus, étendu du levant au couchant dans le milieu de cet empire.

AMFORA. Ruisseau du Frioul, dans l’Etat de Venise. Amfora. Il se jette dans le golfe de Venise, près d’Aquilée.

AMI.

AMI, IE. adj. subst. Celui ou celle avec qui on est lié d’une amitié réciproque. Amicus, familiaris ; Amica. On dispute encore si être ami de quelqu’un c’est l’aimer, ou en être aimé, ou l’un & l’autre tout ensemble. La pluralité des suffrages va pourtant à soutenir, qu’il est nécessaire que l’amitié soit réciproque, pour prendre, ou pour donner la qualité d’ami. Il n’y a point de plus douce consolation dans les adversités, que de les épancher dans le sein d’un ami fidèle. S. Evr. Ces faux & lâches amis, dont la politique donne à des ennemis qu’ils craignent, des égards qu’ils dérobent à leurs amis, ne méritent pas d’en porter le nom. Cet homme a trop d’amis pour en avoir. S. Evr. L’ami du genre humain n’est point du tout mon fait. Mol. A peine pourroit-on imaginer une véritable amitié entre Alexandre & César : ils seroient rivaux plutôt qu’amis. Il est plus honteux de se défier de ses amis, que d’en être trompés. Rochef. Je veux un ami qui sache me corriger avec prudence, & qui n’ait pas une molle complaisance pour mes défauts. S. Evr. Il n’y a rien de plus rare que les véritables amis. Socrate s’étant bâti une maison fort petite : comment vous faites-vous une maison si étroite, lui dit quelqu’un ? Plût aux Dieux, répondit-il, que je pusse la remplir de vrais amis. Jamais la fortune n’a élevé un homme si haut, qu’il n’eût besoin d’un ami. Seneq. de Benef. Liv. VI. ch. 29. De Roch. Voilà un coup d’ami, un tour d’ami. Traiter en ami ; c’est traiter sans cérémonie, vivre familièrement ensemble. Montagne parle d’un Juge qui rencontrant des questions douteuses & problématiques, mettoit à la marge de son livre, question pour l’ami ; parce qu’alors on peut faire grâce à son ami, sans blesser la Justice. Dans l’égalité des raisons l’amitié détermine l’esprit.


Mais sachez d’un ami discerner le flatteur. Boil.


Un sage ami toujours rigoureux, inflexible,
Sur vos fautes jamais ne vous laisse paisible. Id.


☞ Point d’homme sur la terre qui n’ait des défauts ; la quantité ou la qualité en font la différence. Prenons les yeux d’Argus pour connoître les défauts de l’ami que nous voulons faire, afin de juger plus sainement si nous aurons la force d’y résister ; mais la liaison étant contractée, devenons aveugles. Rendons de bons offices à notre ami avec assez de délicatesse pour ne pas blesser en lui l’amour propre qui règne toujours chez les plus délicats.

Socrate étoit sans doute digne d’avoir des amis, & il en avoit ; cependant aucun d’eux ne s’apperçut qu’il étoit sans manteau pendant l’hiver, & aucun ne fit réflexion qu’il n’étoit pas riche. Ce sage Philosophe ne s’en plaignoit point, & la tendresse leur épargna jusqu’au chagrin d’entendre qu’on leur demandât ce qu’ils avoient négligé de lui donner : il se contenta seulement de leur dire, j’aurois acheté un manteau, si j’avois eu de l’argent. De Sacy.

Ami, se dit encore de ceux qui ont les mêmes intérêts, ou qui ont contracté des alliances qui les unissent. Peuples amis, maisons amies.

On dit, ami de table, ami de bouteille, ami de débauche ; pour dire, un ami avec qui on n’a d’autre liaison que celle qui est fondée sur le plaisir de la table, de la débauche. Et on appelle, ami de Cour, un homme qui n’a que de faux-semblans d’amitié, dont l’amitié n’a rien de solide. Ami de la faveur, ami de la fortune, un homme qui ne rend des soins, qui ne s’attache qu’à ceux qui sont en faveur, en fortune. Ami jusqu’aux autels, disposé à tout faire, excepté ce que la religion défend.

C’est quelquefois un terme de familiarité ou de hauteur. Un Supérieur dit, mon ami, allez faire cela.

On le dit encore des animaux, pour marquer leur affection pour l’homme, & des choses inanimées pour marquer la sympathie. Le chien est ami de l’homme. Le fer est ami de l’aimant ; la vigne de l’ormeau. Le vin est ami du cœur.

On dit proverbialement, les bons comptes font les bons amis. Entre amis tous biens sont communs. Amicorum omnia communia. Quitte à quitte & bons amis. Ami au prêter, ennemi au rendre. On connoît les amis au besoin. On dit aussi dans l’école, ami de Socrate, ami de Platon ; mais encore plus ami de la vérité.

On dit proverbialement, il n’y a de si bons amis qui ne se quittent. Pour un ami endormi, l’autre veille ; que les amis doivent se rendre service.

Ami, est quelquefois un terme de galanterie. Amator, Amasius. C’est son ami ; pour dire, son amant.

Ami, Amitié, se dit des couleurs qui sympathisent entre elles, & dont les tons ou les nuances produisent un bel effet. Cette union, cette sympathie s’appelle amitié. Le blanc & l’incarnat sont des couleurs amies. Dict. de Peint. & d’Arch. On entend encore par couleurs amies, celles qui étant mêlées ne se détruisent point.

Amie. s. f. S’est dit autrefois pour signifier une maitresse, une personne avec qui on est en commerce de galanterie. On dit proverbialement, jamais honteux n’eut belle amie ; pour dire, qu’en amour il faut être entreprenant.

☞ AMIA. s. m. Nom d’un poisson dont Pline & Aëtius font mention, & dont ils ne nous apprennent rien de particulier, sinon que la chair est indigeste, & qu’il croit très-promptement.

AMIABLE. adj. de tout genre. Doux, gracieux. Humanus, benignus. C’est un homme fort amiable, des paroles amiables. On appelle un amiable compositeur, celui qui accommode un procès en ami, & qui ne juge pas avec la rigueur d’un arbitre, en retranchant un peu du droit de chacune des parties, ce que ne peut pas faire l’arbitre qui remplit la fonction de Juge.

☞ On appelle nombres amiables, deux nombres, dont l’un est égal à la somme des parties aliquotes de l’autre, & réciproquement, comme 284 & 220. Acad. Franç.

A l’amiable. adv. Par douceur, sans procès. Amicè, placidè. Cette vente, ce décret, ont été faits à l’amiable pour éviter les frais.

Amiable. s. m. Terme de Fleuriste, tulipe qui a du blanc de lait, du rouge, du brun velouté.

AMIABLEMENT. adv. C’est la même chose qu’à l’amiable. D’une manière honnête, douce, par voie de conciliation. Le meilleur est de terminer ce procès à l’amiable, ou amiablement.

AMIANTE. s. m. ou f. autrement Asbeste. Amiantus lapis. Pierre qui se sépare presque toute en des filamens assez fins, cassans, néanmoins un peu souples, soyeux & d’une couleur gris argenté, à peu-près comme le talc de Venise ; elle est presque insipide au goût, & ne se dissout point dans l’eau ; exposée au feu elle ne s’y consume, ni ne s’y calcine point, si ce n’est au miroir ardent, où elle se réduit en petites boulettes de verre, à mesure que ses filamens se séparent ; mais le feu ordinaire ne fait que la blanchir. Ces filamens sont de différentes longueurs ; les plus longs n’ont guère plus de huit à dix pouces, & quelquefois ils sont si courts qu’ils se réduisent en bourre. Cette sorte de pierre se trouve renfermée en d’autres pierres très-brunes, tantôt brunes ou noirâtres, & semblables à la craie noire de Briançon, tantôt blanchâtres & cristalines. On en tire des îles de l’Archipel, de plusieurs endroits des Pyrénées : on en trouve auprès de Montauban, &c. Plusieurs personnes se sont vantées d’avoir la manière de filer l’amiante. Porta assure que de son temps on en filoit à Venise, & qu’il n’y avoit personne dans cette ville-là qui en ignorât la manière ; cependant il ne paroît pas possible de pouvoir en venir à bout sans le mélange de quelques laines souples, ou du chanvre de lin bien battu ; car les filamens de l’amiante sont trop cassans pour pouvoir en faire des ouvrages fins, & ce que nous en voyons aujourd’hui est très grossier. On faisoit autrefois tant de cas des ouvrages faits d’amiante, qu’on les estimoit presque autant que l’or ; & il n’y avoit que quelques Empereurs, ou des Rois, qui en eussent des serviettes. Cette grande rareté n’a pas empêché plusieurs Antiquaires de croire, après Pline, que l’amiante servoit à faire des chemises & des draps, dans lesquels on brûloit les corps des Rois & des Empereurs pour conserver leurs cendres, & empêcher qu’elles ne le mêlassent avec celles des bois & autres matières combustibles, dont on formoit leurs buchers. Mais les Historiens des Empereurs n’ont jamais fait mention de ces toiles, quoiqu’ils décrivent exactement la cérémonie qu’on observoit en brûlant ces corps, & les moyens qu’on avoit de ramasser les cendres des morts, ensorte qu’il est inutile d’avoir recours aux toiles d’amiante : d’ailleurs on trouve dans plusieurs urnes sépulcrales, des charbons mêlés parmi les cendres, ce qui fait assez voir que les Anciens n’étoient pas toujours si soigneux à ne ramasser que les seules cendres du mort. De cette erreur on est tombé dans une autre, en s’imaginant qu’on employoit l’amiante à faire des mèches perpétuelles aux lampes sépulcrales. Personne cependant n’y en a jamais observé. Il est vrai qu’on se sert à présent de mèches d’asbeste pour des lampes, auxquelles on ne veut guère toucher ; car l’amiante ne se consumant pas, on n’est pas obligé de tirer la mèche qui en est faite. On dit qu’autrefois on a vendu des morceaux d’amiante, pour du bois de la vraie Croix de Notre Seigneur ; & le public s’y laissoit aisément tromper, parce qu’on assuroit que la meilleure preuve pour reconnoitre ce bois précieux étoit de le mettre au feu, d’où il devoit sortir entier.

Il y a dans le Racolta d’opuse. T. IX, p. 381, une Dissertation sur l’amiante, par M. le Marquis Ubertin Landi de Plaisance, Capitaine des Gardes de la Duchesse douairière de Parme. Les Latins appellent l’amiante Amiantus, ex eo quòd incontaminatus è flammis exeat, parce qu’il sort du feu sans en être endommagé. Les Grecs le nomment ἄσβεστης, c’est-à-dire, inextinguible, parce qu’il se conserve dans le feu sans s’y consumer. Pline l’appelle, Lin vif, Linum vivum, Cœlius Rhodiginus, Lin de Carpasia, Linum Carpasium, de Carpasie, ville de Chypre, au septentrion de l’île. Solin le nomme Carbasum. Pausanias Caristia, parce qu’il s’en tiroit dans le voisinage de Caristo, château sur la mer Euboïque. Zoroastres lui donna le nom de Bostrichites, comme ressemblant aux frisures des cheveux des femmes. Albert le Grand le désigne par les mots Iscustus lapis, à cause de sa viscosité desséchée, ou plutôt Iscustus, Ixutus lapis, En grec ἰξός, viscum. Paul Vénitien, dans son voyage, lui donne le nom de Salamandra ; Langius dans ses Epitres, pluma Salamandra, plume de Salamandre. D’autres Auteurs, en grand nombre, l’appellent Lin des Indes, Linum Indum, parce qu’on l’apportoit des Indes.

L’amiante a deux propriétés merveilleuses, l’une est qu’il résiste au feu, & l’autre qu’on le peut filer & en faire de la toile. M. Landi prouve la première de ces propriétés par un grand nombre de passages d’Auteurs ecclésiastiques & profanes, anciens & modernes. Quelques-uns prétendent que le lumignon des lampes sépulcrales étoit d’amiante, & Damase rapporte dans la vie de S. Silvestre Pape, que l’Empereur Constantin avoit résolu de faire faire des lumignons d’amiante aux lampes de son baptistère à Rome, afin qu’elles ne s’éteignissent jamais ; bien entendu que l’on y fournissoit de l’huile quand il en étoit besoin. Louis Vivès assure dans ses Scholies sur S. Augustin, que lui & Pierre Garcias son compagnon d’études, ont vu à Paris plusieurs lampes, donc les lumignons ne se consumoient jamais ; & Aldrovandus prétend que si on réduisoit la pierre d’amiante en huile, qu’on la dépurât bien de toute humidité étrangère, & que par le moyen de la distillation on l’épaissît, il prétend, dis-je, qu’on en feroit une huile qui brûleroit toujours sans défaillir.

Quant à l’autre propriété, Pline dit qu’il a vu dans des salles à manger, des nappes d’amiante, que l’on nettoyoit de leurs taches, quand elles étoient sales, en les jetant au feu, d’où elles sortoient incomparablement plus propres & plus blanches, que si on les avoit lavées. Il dit encore que l’on mettoit les corps des Rois que l’on brûloit après leur mort dans des tuniques d’amiante, pour séparer leurs cendres de celles du bûcher. Hiéroclès dit le même des Brachmanes, & Pausanias des Athéniens. M. Landi prétend que l’art de travailler l’amiante, & d’en ourdir de la toile, étoit connu du temps d’Homère, & que les grands métiers que l’on voyoit, selon Madame Dacier, taillés dans la pierre, sur lesquels les Nymphes travailloient à des étoffes de pourpre qui étoient la merveille des yeux ; que ces métiers, dis-je, étoient de longues trames de pierre ; c’est-à-dire, d’amiante, dont les Nayades faisoient des étoffes de pourpre d’une beauté merveilleuse ; & il est certain que le mot ἱστός, dont se sert Homère, signifie également & la toile, & le métier sur lequel on travaille, & par conséquent ἱστὸι λίθεοι, peut aussi-bien désigner des toiles de pierre, que des métiers de pierre. Homère & Hésiode prennent ἱστός pour la toile, & peut-être paroîtra-t-il difficile à quelques gens, de concevoir un métier de tisserand qui soit de pierre, ou taillé dans la pierre, comme traduit Madame Dacier. Quoiqu’il en soit, M. le Marquis Landi prend ces mots pour des trames d’amiante, ce qui n’est pas difficile à concevoir, vû la propriété de l’amiante dont nous parlons. De plus, Homère ajoute Θαῦμα ἴδεσθαι. Si ces étoffes que fabriquoient ces Nymphes, eussent été des étoffes ordinaires, y auroit-il eu lieu de s’écrier ainsi ; au lieu que si c’étoient de longues pièces de toile de pierre, il y avoit assurément plus sujet de dire, chose admirable à voir. Le Salvini qui a traduit Homère en vers italiens, a entendu & tourné cet endroit dans le même sens que M. Landi. Enfin un monument antique, trouvé en 1702 près de la grande porte de Rome, appelée autrefois Porta Nævia, ne laisse aucun lieu de douter que l’on ne fit autrefois de la toile d’amiante. C’est une urne funèbre ornée en dehors de bas reliefs très-élégans, dans laquelle il y avoit des cendres avec un crâne & des os brûlés, enveloppés dans un linge d’amiante, d’une grandeur étonnante. Il a neuf palmes romains de long, sur sept de large ; ce qui, selon ce que nous avons dit au mot Palme, revient à cinq pieds sept pouces, dix lignes & demie pour la longueur, & à quatre pieds, onze pouces, neuf lignes & demie, c’est-à-dire, à deux lignes & demie près, cinq pieds pour la largeur. Ce monument précieux se conserve dans la Bibliothèque du Vatican, où Clément XI le fit mettre. Enfin Majelli, dans ses Notes sur la Metallotheca de Mercati, prétend qu’en macérant l’amiante dans l’eau, & le broyant ensuite, on en peut faire du papier à écrire.

M. Landi recherche ensuite ce que c’est que l’amiante. Le plus grand nombre des Auteurs le prennent pour une pierre. M. Landi croit qu’il est du règne des végétaux. C’est une petite plante qui végete, qui croît, qui pousse des branches, & qui est composée de petits filamens, droits, blancs, brillans, cristalins, qui se séparent aisément, qui poussent & germent d’une petite racine de la figure d’une noix. Elle se trouve dans les mines d’alun, & elle est couverte d’exhalaisons bitumineuses ; son tronc, ses branches, & ses feuilles sont comme piquetées, ou tachetées de petites lames d’argent. C’est de-là qu’est venue l’erreur de ceux qui ont pris l’amiante pour de la plume d’alun, pour de l’alun scissile, & pour une pierre incrustée d’une matière pierreuse, brillante. M. Landi trouve des partisans de son opinion. Pline, dit-il, a peut-être voulu marquer que l’amiante étoit un arbuste, quand il l’a nommé un Lin vivant, Linum vivum. C’est peut-être l’herbe de Pomet, qui se trouve dans les Pyrénées, qui se divise en plusieurs petits poils semblables au lin, & qui ne brûle point au feu.

Mais si l’amiante est d’une substance ligneuse, comment résiste-t-il au feu ? On répond à cette objection 1o. par l’exemple de la Salamandre. Laissant cet exemple douteux ou fabuleux, on dit que l’amiante est une substance ligneuse, mais dépouillée de nitre, de bitume, de soufre, de toute sorte de matière combustible, & dont les pores sont impénétrables aux corpuscules ignés, parce qu’ils sont d’une configuration différente de celle de ces corpuscules. On ajoute l’exemple de l’herbe de Pomet, & de bois trouvés en terre, tels que M. Valisnieri en a dans son cabinet, lesquels ne souffrent aucune altération du feu. Enfin, comme il y a des inflammables à différens degrés, quelques-uns qui prennent feu très vîte, d’autres qui le prennent plus lententement, & d’autres enfin qui ne le prennent qu’avec beaucoup de peine, & qui brûlent très-difficilement, la nature a pu pousser cette disposition ou cette qualité, jusqu’à en former qui ne prissent point du tout feu, & qui fussent incombustibles. Telles sont les recherches de cet illustre Auteur. L’amiante se trouvoit au promontoire Cænée. Du Loir. Voyez Cænée

Amiante & Asbeste, signifient un corps incombustible. Ce qu’on nomme Lin incombustible, n’est autre chose que l’amiante, quoique Pline les ait distingués, & qu’il traite de tous les deux séparément. L’amiante excite la démangeaison : il étoit cependant recommandé anciennement pour les maladies de la peau, & sur-tout pour la galle : peut-être étoit-ce l’alun de plume ; car on a confondu à présent ces deux matières, qui sont néanmoins bien différentes. Ce mot Amiante est grec, & vient d’ἀμίαντος, composé de l’α privatif, & de μιαίνω, polluo, & signifie, qui ne se gâte, ne se corrompt point.

AMICAL. adj. Qui a de l’amitié ou qui en fait paroître. Ce mot est nouveau & n’a rien qui le puisse faire rejeter. Cette demoiselle se tournoit souvent de mon côté d’un air amical & familier. Mariveaux.

AMICALEMENT. adv. En ami, avec amitié, avec ouverture de cœur. Cet adverbe est plus usité que son adjectif amical. On dit, vivre amicalement, causer amicalement, &c.

Cette bonne veuve nous fit asseoir amicalement, se mit devant nous, & là nous accabla, si cela se peut dire, d’un déluge de confiance & de récits. Mariveaux.

En l’état où je suis d’hermite à Salonique,
Mon plus flatteur délassement
Est de moraliser, mais avec enjoument,
Sans suivre à pas comptés un ordre didactique ;
Et d’écrire amicalement.
D’un ton badin & véridique,
A qui m’aime sincèrement. Des Roches.

AMICT, Quelques-uns écrivent, & tous prononcent AMIT. s. m. Linge béni, de figure carrée, que les ecclésiastiques mettent sur la tête, quand ils se doivent revêtir d’une aube. Amiculum sacrum. Amictus. Il se porte par les Prêtres, Diacres, Sous-diacres & Acolytes, quand ils servent à l’autel. C’est le premier des six ornemens qui sont communs à l’Evêque & au Prêtre. Il désigne la chasteté, parce qu’il couvre le cœur, & il serre le cou, afin que le mensonge ne vienne point à la bouche, comme prétend Bruno, qui a écrit des ornemens épiscopaux. L’Amict se mettoit autrefois sur la tête, comme nous avons dit. C’est pourquoi Clopinel en décrivant les exorcismes, tels qu’on les pratiquoit de son temps, dit :

Où sont-ils qui saints Apostoles
D’aubes vêtus, d’amicts coëffés,
Qui ne sont ceints fors que d’estoles,
Et par le cou prent li malfaits ?

On le met encore quelquefois sur la tête, mais communément on le rabat sur le cou.

Ce mot vient de Amictus, qui, chez les Romains, se disoit d’un vêtement qu’on mettoit sur la tête, & qui couvroit tout le corps, d’où est venu aussi le mot d’aumusse. On l’a aussi appelé en latin superhumerale.

☞ AMID. Amisus. Ville de Turquie, dans la Natolie, & dans la province de Bolli, par les 54 d. 20’ de long. & par les 40 d. 30’ de lat. à 14 lieues de Tocat, & à 16 d’Amasie.

☞ AMIDA. Voyez Amed.

Amida. s. m. Amida, æ. Dieu du Japon. Les Japonois croient qu’en prononçant seulement son nom, ils seront heureux. Ils le peignent dans un lieu délicieux, planté de rosiers, & lui couronnent la tête de rayons ; ils lui donnent aussi une espèce de chapelet à la main. Il y a une figure de ce Dieu dans le cabinet du Collége Romain des Jésuites. Le P. Kirker l’a fait graver dans son Musæum collegii Rom. & dans sa China illustrata, p. 138, mais différente de ce que nous venons de dire, car il est accroupi ; il a un bonnet à la chinoise sur la tête, un collet sur les épaules, & un plastron pardevant qui lui pend au cou, tous deux écaillés : de chaque côté de la tête, il lui pend une chaînette à quatre anneaux : il tient un chapelet à la main. Ce lieu de délices où ils placent Amida, est apparemment le paradis qu’ils attendent après leur mort, & qu’ils appellent Gocurac. La mythologie Japonoise met le paradis d’Amida à l’orient, & les Bonzes se tournent de ce côté là quand ils prient. Ils disent souvent, Nanut Amida, but, c’est-à-dire, heureux Amida, sauvez-nous. Ils ont aussi des espèces de chapelets sur lesquels ils disent cette prière, ou quelques autres, & portent de petites figures d’Amida pendues au cou. On l’appelle Omyto, & plus communément Amida.

AMIDON. s. m. C’est une pâte qui se fait avec des recoupes de froment, ou pour le mieux avec le plus beau grain, qu’on mouille & remouille cinq fois par jour, & autant la nuit, pour le laisser bien fermenter ; puis on le brasse dans beaucoup d’eau, comme on fait l’orge quand on fait la bière. Amylum. On ôte le son qui nage sur l’eau avec un crible, ou un écumoir. La farine mêlée avec l’eau tombe au fond comme du caillé ; on verse l’eau par inclinaison, & ce qui reste au fond est l’amidon, qu’on met sur des tables sécher au soleil. L’empois se fait avec de l’amidon. Pline dit que ce sont les habitans de l’île de Chio qui ont inventé l’amidon, & que le meilleur vient de-là. Dioscoride dérive ce mot du grec ἄμυλον, comme qui diroit farine faite sans meule, Voyez le Diction. Œcon.

Amidon de racine. Outre l’amidon qui se fait avec les recoupes du froment, l’on a découvert dans le commencement du XVIIIe siècle, la racine d’une plante dont on en peut faire de très-bon, & qui est propre aux mêmes usages que l’ancien amidon. La plante a presque autant de noms qu’il y a de différens endroits en France où elle se trouve. Les plus communs sont, l’Arum, l’Epilette, le Cheux à la serpente, l’herbe à Prêtre, le Pied de Veau, le Tarus, le Sara, l’Aron, Barba-Aron, &c. Les lieux où elle abonde le plus, sont les bois, les haies, les lieux marécageux & sombres, & presque toutes les terres incultes.

Amidon, dans l’exemple suivant, étant joint avec Parfumeurs de Cour, est employé métaphoriquement pour louange fausse, vain compliment. Laudatio futilis.

Joüet oisif de son talent futile,
N’en attendez rien de bon & d’utile ;
Séduit sur-tout & gâté chaque jour
Par l’amidon des Parfumeurs de Cour.

Rousseau, Ep. VII.

AMIDONNER, v. a. Mettre de l’amidon, de la poudre. S’amidonner, se poudrer.

Qu’à s’ajuster du haut jusques en bas,
Iris pour paroître jolie
Passe les trois quarts de sa vie,
Cela ne me surprend pas.

Mais qu’un abbé tous les jours s’amidonne
Et qu’à pas comptés ce poupin,
Sur la pointe de l’escarpin,
Marche toujours droit comme un pin,
C’est là ce qui m’étonne.

AMIDONNIER. s. m. Ouvrier qui fait ou qui vend l’amidon. Amyli artifex.

L’AMIE, ou AGATHE PERRUCHOT. Tulipe qui est gris de lin & blanc par mêmes panaches. Morin.

AMIÉNOIS, OISE. adj. & f. Ambianus. Pline joint les Amiénois aux Bellovaques. César, Liv. II, ch. 4, compte les Amiénois parmi les Belges, & les place entre les Cambréliens, ou Nerviens, & les Bellovaques. Pline dit au Liv. V, ch. 32, que les Amiénois étoient de ceux qui conquirent la Galatie en Asie. Solin le dit aussi ch. 43. Il y a dans le Code Théodosien, Liv. VIII, des rescripts de Valentinien, de Valens & de Gratien, aux Amiénois. Les Amiénois sont les habitans d’Amiens.

AMIÉNOIS. s. m. Ambianensis ager, ou pagus. Contrée de France, partie de la Picardie, entre la Normandie, l’île de France, le Santerre, l’Artois, le Ponthieu & le Vimeu. Il tire son nom d’Amiens sa capitale. De la Morlière, dans ses Antiquités d’Amiens, p. 16, prétend que l’Amiénois comprenoit autrefois tout ce qui est entre la Somme & l’Escaut. Le même Auteur dit communément Ambianois, quelquefois Amianois, ou Ambianien. Il faut toujours dire Amiénois.

AMIENS. s. m. Ambianum. Samarobriva Ambianorum, Samarobriva, Sommonobria. Ville ancienne de France, capitale de Picardie, sur la Somme. Elle a été nommée Ambianum, ab ambiantibus aquis, à cause des eaux qui l’environnent. Antonin Pie, & M. Auréle rétablirent Amiens. Il y a une médaille de Magnence que l’on croit être d’Amiens, parce qu’au revers on y voit le monograme de Jésus-Christ avec ces mots : Salus d. d. nn. aug. et cae. Et dans l’exergue, Amb. c’est-à-dire, Ambianum.

Les Espagnols prirent Amiens par stratagème en 1597. Henri IV la reprit par force peu de temps après, & y fit bâtir une citadelle. Amiens a un Evêque suffragant de Reims. Sa longitude est 23°, 20’, & sa latitude 49° 50’, La Morliére a écrit les Antiquités d’Amiens. Cette ville, selon M. Cassini, est à 19° , 49′ , 35″, de longitude, & 49° , 55′ , 46″ de latitude.

AMIERTES. s. f. pl. Toiles de coton qui viennent des Indes.

AMIEUX. Nom d’un lieu de la paroisse de Chambre au diocèse de Lyon. C’est à Amieux que fut bâtie vers l’an 1633 la première Camaldule qu’il y ait eu en France. Voyez le P. Héliot, T. V. p. 276.

AMIGDALE. Voyez AMYGDALE.

AMIGNARDER. v. a. Caresser avec tendresse une personne qu’on aime. Blandiri, blanditiis permulcere, delinire. C’est la même chose qu’amignoter. Il est dangereux de trop amignarder les enfans. Ce mot ne se dit que parmi le petit peuple.

AMIGNARDÉ, ÉE. part.

AMIGNOTER. v. a. Flatter, caresser quelqu’un, & particulièrement un enfant. On amignote les enfans en leur donnant des confitures. On gâte les enfans à force de les amignoter. Ce mot n’est pas plus en usage que le précédent.

AMIGNOTÉ, ÉE. part.

☞ A-MI-LA. Terme de Musique, par lequel on désigne la note la. Cet air est en a-mi-la. Prendre l’a-mi-la de l’Opéra, d’un concert, &c.

☞ AMIMÉTOBIE. s. f. Nom que Marc-Antoine & Cléopatre donnerent à la société des plaisirs qu’ils lierent ensemble à Alexandrie. Ce mot est composé du grec ἀμιμυτος, inimitable, & de βίος, vie. En effet la vie que menoient Antoine & Cléopatre, étoit telle, qu’il étoit impossible de l’imiter, à cause des dépenses effroyables qu’elle entraînoit. C’étoit un assemblage de tout ce qu’on peut imaginer de luxe, une suite continuelle de jeux, de fêtes & de délices où ils employoient des trésors immenses. Mor. qui cite Plutar. in Anton.

☞ AMINA. Nom de ville. Vincent le Blanc nomme ainsi une ville d’Afrique en Ethiopie, à neuf milles d’Albiar.

AMINCIR. v. a. Rendre mince. Minuere, Gracilem facere. Amincir une pièce de bois. A quoi sert donc d’amincir si extraordinairement l’entredeux des fenêtres ? Le Blanc.

AMINCI, IE. part.

AMINÉE. Vin d’Aminée. Vinum Aminæum. Ce vin, selon Pline, mérite la préférence sur tous les autres, par la force de ses esprits, & la vigueur qu’il acquiert en vieillissant. Nat. Hist. Liv. XIV. c. 2. Columelle prétend que les vins aminéens sont les plus anciens que l’on connoisse… Suivant Macrobe, le vin de Falerne étoit autrefois appelé Vin Aminéen ; il sembleroit cependant que le vin de Falerne devroit être du cru d’un canton particulier, & celui d’Aminée le produit du raisin qu’on avoit transplanté en Italie. Ce qui prouve que le vin aminéen n’étoit point du cru d’un canton particulier, mais le produit d’une espèce particulière de raisin, c’est que Galien fait mention du vin d’Aminée qui croissoit dans le royaume de Naples, dans la Sicile, & dans la Toscane. Virgile distingue le vin d’Aminée de celui de Falerne, dans le second livre des Géorgiques, où il dit, Ammineæ vites, & non pas, Amineæ vites.

AMINEL. s. m. Petite rivière du royaume de Tunis, en Afrique. Aminelia. Elle est dans la partie orientale de ce royaume.

AMINEUR. s. m. Mensor. Terme de Gabelles. Nom qu’on donne dans les Greniers à sel à de certaines gens qui sont préposées pour mesurer le sel dont on fait la distribution au peuple. Par l’article 17 de la déclaration du Roi du 19 Mai 1711, il est porté : « Voulons que les Amineurs de chaque Grenier soient nommés pour la visite & confrontation des échantillons de faux sel trouvé chez les particuliers, sans que lesdits Amineur puissent être reprochés par les parties ». Par Arrêt du Conseil du 3 Décembre 1712, il est dit que lorsqu’il y aura contestation sur la qualité des sels de capture, les Officiers seront tenus de nommer pour tiers experts un Mesureur ou Amineur du Grenier, & leur fait défenses d’en nommer d’autres.

AMINTAS. s. m. On nomme Fossé d’Amintas un bandage qu’on fait pour le nez. Galien l’appelle ainsi du nom de son Auteur. Il est semblable à celui qu’on nomme Œil double, excepté qu’il ne couvre pas les yeux ; mais il ne convient point à la fracture du nez pour laquelle il a été inventé ; il enfonceroit plutôt les os rompus, que de les maintenir dans leur place. Col. de Villars.

AMINTE. s. f. Nom de femme chez les Poëtes. En termes de Fleuriste, la belle Aminte est un œillet piqueté de menthe, & de la même grosseur & largeur que l’Amarillis, dont il ne differe que par sa couleur & sa feuille.

AMIRAL. s. m. Grand Officier de la Couronne qui commande en chef les Armées navales d’un Etat. Maris Præfectus. Thalassiarcus, ou Architalassius. Rei maritimæ, ou classiaræ magister, Regiæ classis Prætor, Imperator : quelques-uns ont dit Neptunus Galliarum, & Duumvir classiarius. Ce dernier ne se peut dire du Grand-Amiral qui est seul, mais seulement quand il y a un Amiral du Ponant, & un du Levant ; de même qu’à Rome, des Duumvirs de la Flotte, l’un commandoit dans la mer de Toscane, Duumvir maris inferi, & l’autre dans la mer Adriatique, & étoit Duumir maris superi. Il y a eu autrefois un Amiral du Ponant, & un Amiral du Levant. L’Amiral d’Arragon, d’Angleterre, l’Amiral de Hollande, l’Amiral de Zélande, ne sont que des commissions. En Espagne on dit l’Amirante ; mais l’Amiral n’est là que le second Officier, qui a un Général d’Armée au-dessus de lui. L’Amiral en France porte pour marque extérieure de sa dignité, deux ancres d’or passées en sautoir derrière son écu. Il a droit de donner les congés tant en guerre qu’en marchandise. Il a le dixième des prises faites en mer & sur les grèves, & celui des rançons & des représailles, le tiers de ce qu’on tire de la mer, ou qu’elle rejette, le droit d’ancrage, tonnes & balises. L’Amiral n’a point de séance au Parlement, suivant l’Arrêt rendu à la réception de l’Amiral de Châtillon en 1551. Après qu’il eut prêté le serment ordinaire, le Premier-Président Gilles le Maistre lui dit, que comme Amiral il n’avoit point de séance au Parlement, mais que comme Gouverneur de l’Île de France il l’avoit, & que comme tel il pourroit prendre place. Les anciens Amiraux n’avoient point de Juridiction contentieuse : elle appartenoit à leurs Lieutenans ou Officiers de robe longue. Mais en l’an 1626, le Cardinal de Richelieu, en se faisant donner le titre de Grand-Maître & de Surintendant du commerce & de la navigation, au lieu de la charge d’Amiral qui fut alors supprimée, se fit attribuer l’autorité de décider & de juger souverainement de toutes les questions de la Marine, même des prises & du bris des vaisseaux ; desorte que les Juges de l’Amirauté n’ont plus en cette matière que la simple instruction. Le jugement s’en fait aujourd’hui au Conseil de la Marine, composé de Conseillers d’Etat. Quand l’Armée est licenciée, le vaisseau où aura été la personne du Roi, avec toutes ses armes & munitions, appartiennent à l’Amiral. Le premier Amiral en France fut Enguerrand de Coussy en 1284, selon Jean le Ferron, en son Traité des Amiraux. Il en compte 33 jusqu’à l’Amiral de Châtillon ; mais Du Tillet dit que le premier fut Amaury, Vicomte de Narbonne. La Popeliniere a aussi fait un Livre intitulé l’Amiral. C’est le Duc de Penthièvre qui est aujourd’hui (mil sept cent soixante-neuf) Amiral de France. Il fut pourvû de cette charge en 1734. Il y a eu quelquefois en France autant d’Amiraux que de régions maritimes. On fait mention surtout de trois, l’Amiral d’Aquitaine, l’Amiral de Bretagne, & l’Amiral de Normandie, qui fut depuis appelé Amiral de France : cette distinction est venue de ce que ces provinces étoient possédées par différens Souverains. La charge d’Amiral a été rétablie par le Roi en 1669, avec le titre de grand Officier de la Couronne. Le Roi alors se réserva le choix & la provision de tous les Officiers de guerre & de finance de la Marine, & accorda à M. l’Amiral que toute la justice de l’Amirauté se rendroit en son nom ; qu’il pourvoiroit de plein droit aux offices des Siéges des Amirautés ; qu’il jouiroit des droits des amendes, confiscations, du droit du dixième sur toutes les prises, du droit d’ancrage comme les Amiraux en ont joui, du droit de congé sur tous les vaisseaux qui partent des ports du royaume. Voyez sur la charge d’Amiral, ses droits, ses fonctions, &c. l’Ordonnance de François I de 1543, celles de Louis XIV, du premier Février 1650, du mois de Novembre 1669, du mois d’Août 1681, & c’est à cette dernière qu’il s’en faut tenir dans les choses en quoi elle est différente des autres.

Ce mot vient du grec ἁλμυρὸς, qui signifie salure ou saline, comme qui diroit, Maître des salines, ou de la mer, qu’on appelle en latin salum. Nicod. Les Grecs nommoient les Capitaines de mer Almiraux. Covarruvias dit que selon Léon d’Afrique ce mot est Arabe, & qu’il signifie Capitaine général de l’Armée. D’autres disent que ce mot vient de l’Africain Amiras qui signifie Prince. Nébrissensis dit qu’en arabe ce mot signifie Roi. D’autres Auteurs tiennent que ce mot vient du grec ἅλμη, qui signifie eau salée, & de ἀρχὸς, Princeps. D’autres disent que ce mot vient du grec μυρίαρχος, qui signifie, celui qui commande sur dix mille hommes. D’autres le dérivent de Emir, ou Amir, qui signifie Seigneur en arabe, & de ἄλιος, qui signifie Marinus. On trouve souvent Emir dans Zonaras, Cedrenus, Nicétas, & les autres Grecs du même siècle, pour signifier un Chef qui commande aux autres. C’est pourquoi quelques-uns prétendent que la dignité, aussi-bien que le nom, est venue d’Orient. En effet on ne trouve l’établissement de la charge d’Amiral, que sous le règne de Philippe en 1284, lequel avoit suivi le Roi S. Louis en Afrique, & dans la guerre contre les Sarrasins. Pasq. Néanmoins dans l’Empire de Constantinople, l’Amiral n’étoit pas le premier Officier sur mer. C’étoit le Dux magnus, Grand Duc, ou Grand Chef, Grand Général, qui avoit sous lui l’Amiral, Amiralius le premier Comte, Protocomes, &c. C’est mal-à-propos que quelques-uns l’écrivent avec un d. Il ne faut pas non plus l’écrire avec un l, comme fait Rochefort Almiral. Quand même il viendroit de l’arabe, & que al seroit l’article, ou quand il viendroit du grec ἀλς, il ne faudroit point y mettre de l ; l’usage ne le veut point. Du Cange dit que chez les Sarrasins le nom de Amir a été donné à des Juges, Prévôts, Consuls, Capitaines, Vicerois & Gouverneurs de provinces, aussi-bien qu’aux Généraux de leurs Flotes ; & que les Siciliens ont été les premiers, ensuite les Génois, qui ont appelé Amiraux les Généraux de leurs Armées navales. Je trouve en effet dans la vie de S. Pierre Thomasius, Admiratus Jerusalem, pour le Gouverneur de Jerusalem pour le Soudan d’Egypte : sur quoi Bollandus remarque, T. II. p. 1002. qu’on a appelé Amiræus, Emir, le Chef du Conseil, ou, comme il parle, du Sénat des Sarrasins.

Amiral, se dit aussi du principal vaisseau, que monte l’Amiral. Navis prætoria. Il porte le pavillon carré au grand mât, & quatre fanaux en poupe. On appelle aussi Amiral, le principal vaisseau d’une Flote, quelque petite qu’elle soit. Quand deux navires de guerre de semblable bannière se rencontrent dans un même port, le premier arrivé a les prérogatives & la qualité d’Amiral : celui qui arrive après, quoique plus grand & plus fort, ne sera que Vice-Amiral. Il en est de même des Terreneuviers, dont le premier arrivé prend la qualité d’Amiral, & la retient pendant tout le temps de la pêche. Il porte le pavillon au grand mât, donne les ordres, & assigne les places pour pêcher à ceux qui sont arrivés après lui, & règle leurs contestations.

Le mot d’Amiral se disoit autrefois de ceux qui commandoient dans les provinces, aussi bien que sur la mer. On dit aussi des Amiraux de Galères. Monstrelet fait mention d’un Amiral des Arbalêtriers.

Amiral, ou Grand Amiral. s. m. C’est la quatrième dignité de l’Ordre de Malte, après le Grand-Maître. Il est le chef & le pilier de la langue d’Italie dont il est toujours tiré. En l’absence du Maréchal il commande sur mer aux soldats & matelots. Il nomme le prud’homme & l’écrivain de l’Arsenal ; & lorsqu’il demande le Généralat des galères, le Grand-Maître est obligé de le proposer au Conseil, qui l’admet ou le refuse, selon qu’il le juge à propos. L’Abbé de Vertot.

Les Îles de l’Amiral, Insulæ Talassiarchicæ, sont des îles de la mer de Zanguebar, au septentrion de celle de Madagascar, & au levant du royaume de Mélinde. Il y a encore près de la nouvelle Zemble une île de l’Amiral.

AMIRAL, ALE. adj. Qui appartient à l’Amiral. Vaisseau amiral. Pavillon amiral. Galère amirale. Prætorius.

Amiral-tromp. s. m. Terme de Fleuriste. Ce nom, qui est celui d’un Amiral d’Angleterre, fameux dans le XVIIe siècle, a été donné à une espèce d’œillet. C’est un violet sur un fond blanc, qui vient de Lille : sa fleur est large.

Amiral de frise. s. m. Terme de Fleuriste, espèce d’œillet piqueté.

Ce nom Amiral, en termes de Fleuristes, entre encore dans les noms de plusieurs tulipes que voici. Amiral d’Angleterre, a rouge brun, colombin vif & blanc. Amiral castellin est colombin, rouge pâle & blanc. Amiral chrétien, colombin pâle, mêlé d’un colombin obscur & blanc d’entrée : elle est printanière. Amiral de Brissiére, rouge brun, colombin, & blanc d’entrée. Amiral de Delf, rose rouge & blanc. Amiral fray, gris lavandé, minime brûlé & blanc. Amiral de France, pourpre obscur, colombin clair & blanc non d’entrée. Amiral fournier, tristamen rouge & jaune blanchissant. Amiral d’heverte, pourpre obscur, violet clair & blanc d’entrée, printanière. Amiral d’Hollande, rouge & blanc. Amiral de Mars, rouge de sang & blanc. Amiral Poncet, fleur de lin, colombin & blanc d’entrée. Amiral Trivermon, couleur de rose, colombin & blanc non d’entrée. Amiral Vallier, orange, couleur de rose, citron & blanc sale. Amiral Villiers, pourpre, colombin, & blanc d’entrée. Amiral de Vesnes, rouge triste, rose & chamois blanchissant.

☞ AMIRAL & VICE-AMIRAL. Terme de Conchyliologie. M. D’Argenville donne ce nom à deux coquillages de la classe des univalves.

AMIRALE. s. f. Galère que monte l’Amiral des Galères. Triremis prætoria. Ils lui firent présent de l’Amirale qu’ils avoient remontée par la rivière. Ablanc.

AMIRALE. s. f. L’épouse de l’Amiral. Madame l’Amirale.

AMIRANTE. s. m. C’est le nom d’un grand Officier en Espagne. L’Amirante est en Espagne ce que l’Amiral est en France. On peut apprendre ce que c’est que l’Amirante en Espagne, par ces paroles d’Alfonse IX, Roi de Castille. Almirante es dicho, el que es cabdillo de todos los que van en los navios para fazer guerra sobre mar.

AMIRAUTÉ. s. f. Charge d’Amiral. Maris præfectura. L’Amirauté a été possédée par MM. de Châtillon, de Montmorenci, & de Brezé, &c.

Amirauté, est aussi une justice qui s’exerce à la Table de Marbre sous le nom & l’autorité de l’Amiral, & qui connoît des différens qui arrivent sur les mers qui touchent le pays, les terres & les seigneuries de la couronne de France ; en un mot, qui juge en première instance de tout ce qui regarde les marchandises, la pêche, & les divers ports du royaume. Rei maritimæ tribunal. Voyez la-dessus les ordonnances & les mémoires de Pierre Miraumont. Il y en a une à Paris, & en la plûpart des grands ports de mer du royaume. Les Officiers de L’Amirauté ont des provisions du Roi. Mais ils sont à la nomination de l’Amiral. Le premier livre de la nouvelle Ordonnance de la Marine régle les droits de l’Amiral, & ceux des Officiers de l’Amirauté.

Il y a régulièrement trois degrés de juridiction dans l’Amirauté : d’abord on procede pardevant les Lieutenans particuliers ; ensuite par appel aux Lieutenans généraux, & enfin des Lieutenans généraux aux Parlemens. Il y a des Siéges particuliers dans tous les ports & havres du royaume ; & il y a trois Siéges généraux, savoir, un à la Table de Marbre du Palais à Paris, pour le ressort du Parlement de Paris ; un à Rouen pour le ressort du Parlement de Normandie, & un en Bretagne.

Chez les Hollandois les cinq Amirautés sont composées des Députés de la Noblesse, des provinces & des villes. Elles ont soin de faire les équipages de mer, & de fournir ce qui est nécessaire à leur entretien.

AMIRE-ROUX. s. m. Autrement Gros-Oignonet, & Roi d’été. Voyez Oignonet.

AMISSIBILITÉ. s. f. Qualité de ce qui est amissible, c’est-à-dire, de ce qui peut être perdu. Amissibilitas. Ce terme se dit en Théologie de l’amissibilité de la grâce & de la justice. L’amissibllité de la justice reçue dans la Confession d’Ausbourg. Bossuet. Les Calvinistes se sont éloignés des véritables idées de la justification, en disant que la justice une fois reçue ne se perd pas ; mais comme les Luthériens virent commencer ces erreurs, ils les proscrivirent par les articles de la Confession d’Ausbourg. Id. Voyez l’art. 6 & l’art. 11. Les Calvinistes de France, même ceux qu’on détenoit en prison pour leur religion, professoient contre leur croyance la nécessité du baptême, l’amissibilité de la justice, l’incertitude de la prédestination… Et voilà de quelle manière les Martyrs de la nouvelle Réforme détruisoient par leurs équivoques, ou par un exprès desaveu, la foi pour laquelle ils mouroient. Bossuet.

AMISSIBLE. adj. Qui se peut perdre. Quod amitti potest. Il n’est en usage que parmi les Théologiens, qui soutiennent contre les Calvinistes que la grâce est amissible, amissibilis, & non inamissible, comme Calvin l’a enseigné ; c’est-à-dire, qu’on peut perdre la grâce après l’avoir reçue, & qu’effectivement on la perd souvent ; qu’il y a bien des damnés, qui après avoir été véritablement justifiés, ont perdu la grâce, & sont morts dans la haine de Dieu.

☞ AMISTIÉ. Vieux mot. Voyez Amitié.

AMITERNO. Ancienne ville d’Italie. Amiternum. Il n’en reste que les ruines, parmi lesquelles sont un temple, un théâtre & une tour : elles sont sur le penchant d’une montagne près d’Aquila, dans l’Abruzze ultérieure.

☞ AMITIÉ. s. f. Affection qu’une personne a pour une autre. Affection qui naît de notre propre choix, qui ne prend point sa source dans les attraits d’un sexe ou d’un autre, & qui n’est point dépendante des liens du sang. Un commerce où le cœur s’intéresse par l’agrément qu’il en tire, est amitié. Amicitia, necessitudo, familia ritas, benevolentia. L’amitié est une convention tacite de s’aimer & de s’estimer mutuellement. S. Evr. C’est l’amitié qui adoucit toutes les douleurs, qui redouble tous les plaisirs, & qui fait que dans les plus grandes infortunes on trouve de la consolation. M. Scud. Ce que les hommes ont nommé amitié, n’est qu’un commerce d’intérêt, où l’amour propre se propose toujours quelque chose à gagner. Rochef. Rien n’est si beau que ce qu’on dit de l’amitié ; il seroit seulement à souhaiter que cela fût véritable. M. Esp. Les passions violentes des jeunes gens rompent toutes les mesures de l’amitié. S. Evr. Cette communication & cet échange si libre & si sincère de sentimens qui se fait dans l’amitié, est le plus doux plaisir de l’esprit. M. Esp. Ces violentes amitiés d’Oreste & de Pylade sont un peu chimériques, & la belle union de ces héros de l’amitié passeroit aujourd’hui pour un attachement outré, qui n’est bon qu’à faire le sujet d’une tragédie. S. Evr. L’amitié consiste dans cette conformité universelle de sentimens qui fait aimer & haïr les mêmes choses. M. de Bussi Rabutin emploie ce mot amitié, en parlant de lui-même a l’égard du Roi. L’amitié que j’avois pour le Roi.

L’innocente Amitié de la terre exilée,
Retourna dans le Ciel, où Dieu l’a rappelée :
Son nom seul est resté : l’espoir, l’ambition,
Le plaisir, l’intérêt emprunterent son nom.

☞ C’est l’insuffisance de notre être qui fait naître l’amitié.

☞ L’intérêt peut tout sur les ames. On se cherche dans l’objet de tous ses attachemens : & comme il y a diverses sortes d’intérêts, on peut distinguer aussi diverses sortes d’affections que l’intérêt fait naître entre les hommes. Un intérêt de volupté fait naître les amitiés galantes. Un intérêt d’ambition fait naître les amitiés politiques. Un intérêt d’orgueil fait naître les amitiés illustres. Un intérêt d’avarice fait naître les amitiés utiles. Généralement parlant, nous n’aimons les gens qu’autant qu’ils nous sont agréables ou utiles. S’il arrive que tous ces intérêts s’unissent pour former les sentimens que nous avons pour une personne, rien n’est comparable à l’attachement que nous avons pour elle. Abad.

☞ Le vulgaire qui déclame ordinairement contre l’amitié intéressée, ne sait ce qu’il dit. Il se trompe en ce qu’il ne connoît qu’une sorte d’amitié intéressée, qui est celle de l’avarice, au lieu qu’il y a autant de sortes d’amitiés intéressées, qu’il y a d’objets de cupidité.

☞ D’ailleurs, il trouve à redire qu’on aime les hommes par intérêt, & qu’on les aime plus fortement par ce principe, que par tout autre ; ne comprenant pas qu’aimer par intérêt, c’est s’aimer directement soi-même, au lieu que les aimer par d’autres principes, c’est s’aimer par détour & par réflexion. Il ne s’apperçoit pas que nous condamnons l’amitié intéressée, quand elle est dans le cœur des autres, mais non pas quand elle est dans notre cœur. Enfin il s’imagine que c’est être criminel que d’être intéressé ; ne considérant pas que c’est le désintéressement & non pas l’intérêt qui nous perd. Si les hommes nous offroient d’assez grands biens pour satisfaire notre ame, nous ferions bien de les aimer d’un amour d’intérêt, & personne ne devroit trouver mauvais que nous préférassions les motifs de cet intérêt à ceux de la proximité & de toute autre chose.

☞ Devoirs de l’amitié, plaisirs de l’amitié, termes synonymes pour les bons cœurs. Le devoir assujettit ; le plaisir flatte ; & nous sommes moins assujettis que flattés, quand nous servons nos amis.

☞ Pour les connoisseurs & les délicats, l’amitié est tellement supérieure à l’amour, que la maîtresse la plus aimable n’a tout au plus dans un cœur que les restes de l’ami : on se prête à l’amour, mais on se livre à l’amitié.

☞ Mon Dieu ! que les hommes perdent à ne se point aimer ! je crois qu’ils ne négligent les ressources de la pure amitié, que parce qu’elle approche trop de la vertu.

☞ La véritable, la solide, la particulière amitié est une espèce de mariage, dont le contrat ne peut subister qu’entre de très-honnêtes gens. L’estime en règle les conventions, & la mort seule peut le résoudre.

☞ Demander, souhaiter l’amitié. Amicitiam appetere. Gagner l’amitié. Amicitiam consequi, sibi comparare, conciliare. Rompre l’amitié, renoncer à l’amitié. Amicitiam disrumpere, divellere, dissociare, dissuere, dissolvere. Avoir de l’amitié par intérêt, autant qu’on y trouve son compte. Amicitiam ad calculos vocare. Cette expression de Cicéron paroît aussi signifier, compter jusqu’au moindre service qu’on rend à son ami.

On dépeint l’amitié comme une fille vêtue d’un habit blanc, qui marque sa sincérité & sa candeur, & on lui donne cette devise, Longè & propè. De Roch. La couronne de fleurs de Grenade étoit chez les Anciens la figure & le symbole d’une amitié parfaite. Sa couleur qui ne change jamais, exprime l’ardeur & la confiance d’une amitié. Le fruit de cet arbre a été pris aussi pour le véritable hiéroglyphe d’une tendresse légitime. Il a le cœur ouvert sous la pourpre & le diadème, & ses graines sont autant de marques d’une véritable union.

Amitié, se dit aussi pour marquer l’affection des animaux pour les hommes. Ce chien a beaucoup d’amitié pour son maître.

Amitié, se dit figurément des choses qui sympathisent. Necessitudo. Il y a de l’amitié entre la vigne & l’ormeau, entre le fer & l’aimant.

Amitié, signifie encore, plaisir, bon office. Opera. Faites-moi cette amitié, ou faites-moi l’amitié de recommander mon affaire.

Au pluriel, Amitiés signifie, complimens, caresses, paroles qui témoignent de l’amitié. Planditiæ, Officiosa verba. Quand je lui ai porté cette nouvelle, il m’a fait cent amitiés. Faites, je vous prie, mes amitiés à un tel.

Amitié, en termes de Peinture, se dit pour exprimer la convenance & le rapport que les couleurs ont les unes avec les autres, & le bel effet qu’elles font à la vue, lorsqu’elles s’accordent bien ensemble. Convenientia.

On dit quelquefois, qu’un drap, qu’une étoffe de laine n’ont point d’amitié ; pour dire, qu’ils sont durs & peu maniables.

Amitié, en termes de certains Jardiniers précieux, se dit du fumier & de tout ce qui sert à améliorer la terre. On ne sauroit donner trop d’amitié aux arbres.

Amitié, en termes de Blatiers & de Marchands de blé, signifie la fraîcheur nécessaire au blé pour être de bonne qualité. Frumenti bona dos & conditio. Le blé, pour être bon, doit être sec, & non pas aride ; mais conservant une espèce de fraîcheur que les Marchands appellent avoir de l’amitié ou de la main. De La Mare.

On dit proverbialement, que l’amitié passe le gant, quand quelqu’un touche en la main d’un autre sans le déganter. Il est de bonne amitié, il a le visage long. Les Marchands disent à ceux qui leur offrent trop peu, Vous l’auriez aussi-tôt pour votre amitié. L’amitié se paye par l’amitié, c’est-à dire, qu’elle doit être réciproque. On dit aussi populairement, qu’une viande n’a point d’amitié ; pour dire, qu’elle est dure, insipide ou dégoûtante.

Autrefois on disoit amistié pour amitié.

AMITITAN, AMUTAN, ATITLAN. Lac de l’Amérique septentrionale. Amititanus, Amutanus, Atitlanus lacus. Il est à quelques lieues au nord de la ville de S. Iago.

AMIUAM. Île de l’Océan éthiopien. Amiuamia. Elle est sur les côtes du Zanguebar & de l’île de Madagascar.

☞ AMIXOCORES. (les) peuples de l’Amérique méridionale, dans le Brésil, fort avant dans les terres vers la capitainerie de Rio Janeïro.

AMM.

AMMA. Ville de la tribu d’Aser, dans la Terre-Sainte. Amma. S. Jérôme l’appelle Amna. Dans le texte hébreu c’est Amma.

AMMAN. s. m. C’est ainsi que dans les quatre Cantons Catholiques des Suisses, celui de Lucerne, celui d’Ury, celui d’Underwald, & celui de Zoug, on appelle le Chef de chaque canton, Dux, Consul, Prætor. On se sert même de ce mot dans toute l’Allemagne. Il répond à notre mot françois, Bailli, & s’écrit en allemand, Amtman. L’Amman est ordinairement en place deux ans : à cet Amman on joint une régence pour les affaires communes. Dans les affaires importantes qui pressent, on tient des assemblées extraordinaires. Voyez Les Délices de la Suisse.

AMMAUM. C’est la même chose qu’Emmaüs.

AMMÉISTRE. s. m. Nom qu’on donne aux Echevins de Strasbourg. Ils s’appellent Amméistres dans cette ville, comme ils s’appellent Capitouls à Toulouse, Jurats à Bordeaux, Majeurs à Abbeville, & Consuls en Languedoc, Provence & Dauphiné.

AMMÉREN. Village du duché de Juliers, en Allemagne. Ammerenum. Il est sur la rivière de Swalm, à une lieue de Ruremonde. Amméren est l’ancien Mederiacum des Ubiens.

☞ AMMERGAW, ou AMMERLAND, selon Baudrand. Petit pays d’Allemagne, dans la Westphalie, au comté d’Oldembourg. Ce canton, qui n’a que des villages, appartient au Roi de Danemarck.

AMMI. s. m. Ammi. Plante ombrellifere, annuelle. Ses feuilles sont vertes, découpées en lanières, oblongues, étroites, dentelées sur leurs bords, comme rangées par paires, & terminées par une seule lanière. Ses tiges sont hautes de deux à trois pieds, creuses, cannelées, branchues, & garnies de feuilles découpées en moins de segmens que les inférieures. Ses fleurs naissent en ombelle à l’extrémité des tiges & des branches ; elles sont blanches & fleurdelisées. Ses semences sont menues, arrondies, cannelées sur le dos, & aplaties par l’endroit qu’elles se joignent : elles sont âcres & piquantes au goût. On appelle cette plante ammi majus grand ammi, ou ammi commun, ammi commune, pour la distinguer de quelques autres espèces plus petites, & dont les semences ont une odeur aromatique.

Ammi, se prend aussi quelquefois pour la semence de la plante appelée ammi. Elle entre dans la Thériaque, & on la met dans le nombre des quatre petites semences diurétiques chaudes. L’ammi qui nous vient du Levant, ou d’Alexandrie, est le plus estimé, & doit avoir une odeur aromatique qui approche de celle de l’Origan. On la nomme ammi Creticum, ammi du Levant, ou d’Alexandrie.

AMMITES, ou AMMENITES. s. f. Est une pierre sablonneuse : il y en a de plusieurs sortes, les unes sont grosses comme des noix, d’autres comme des orobes, & semences de pavot : elles ressemblent à des œufs de poisson. Celles qui sont grosses comme des pois, sont appelées par quelques Auteurs Bésoard minéral. Elles se trouvent proche de Berne en Suisse ; l’étymologie est ἄμμος. sable, par ce qu’elles se réduisent facilement en sable.

AMMOCHOSIE. s. f. Espèce de remède propre à dessécher le corps, qui consiste à l’enterrer dans du sable de mer extrêmement chaud. Celui de rivière vaut moins que le premier, parce qu’il est trop humide. Mais le sel est beaucoup plus efficace que le sable. Ce remède produit les mêmes effets que l’insolation, dont on peut voir l’article A’μμοζωσια.

AMMOCHRYSE. s. f. Ammochrysus. C’est une pierre qu’on trouve en Bohème & en quelques autres lieux. On en trouve qui est assez dure ; mais communément elle est friable, & se pulvérise entre les doigts. Sa couleur est quelquefois rouge & quelquefois jaune. On se sert de cette pierre pulvérisée pour mettre sur l’écriture, parce qu’elle est mêlée de quantité de paillettes d’or ; ce qui fait qu’on lui donne communément le nom de poudre d’or, ou poudre dorée.

AMMODYTE. s. m. Serpent de couleur de sable, & tout couvert de taches noires. Ammodytes. Il ressemble à la vipère. Son venin est fort subtil, & sur-tout celui de la femelle. D’ἄμμος, sable, & δῦμι, j’entre. Ce serpent est aussi appelé Céraste.

AMMON. Ammon. Epithète ou surnom qu’on donnoit à Jupiter en Lybie, où étoit le temple célèbre de Jupiter Ammon. Quelques-uns écrivent Hammon, & l’on a eu différens sentimens sur l’origine de ce nom. Quelques Auteurs ont cru qu’il venoit du grec ἄμμος, qui signifie sable, & qu’il vouloit dire un lieu sablonneux, parce que le lieu où il étoit adoré, étoit au milieu des sables brûlans de la Lybie. Mais Plutarque, dans son Livre d’Isis & d’Osiris, nous assure que ce nom est égyptien, & non point grec, étant beaucoup plus ancien que la langue grecque en Afrique. Hérodote & Hésichius nous témoignant qu’Ammon est Jupiter, il n’y a pas d’apparence que ce soit là la véritable étymologie. Bochart, dans son Phaleg. Liv. II, ch. 4, dit que les Egyptiens ont appelé une brebis עמן, aman, comme les Arabes le font encore ; que de-là est venu le nom d’Ammon, parce que ce fut un bélier qui l’indiqua, ou le fit connoître, ainsi que le rapportent Hyginus d’après Hermippus, Germanicus sur Aretus & Athenagoras dans son Ve Liv. des Amours. Fuller, au Liv. II de ses Miscellanea, soutient que Jupiter Ammon étoit le soleil, que les Hébreux appellent חמה, hhama, de חמם, hhamam, être chaud, brûler ; que les cornes avec lesquelles on le représentoit, en sont une preuve, n’étant autre chose que les rayons du soleil, parce qu’en hébreu rayon s’appelle corne, & que le même mot קרן, Keren, signifie l’un & l’autre. On peut ajouter que Pline & Quinte-Curse mettent proche de l’oracle d’Apollon une fontaine fameuse, que l’un appelle, Fontaine du soleil ; & l’autre, Eau du soleil. Vossius veut que Jupiter Hammon soit Cham, ou Hham, חם, fils de Noé, dont la postérité peupla l’Afrique, & adora Hham sous le nom d’Ammon. En effet l’Egypte est appelée Terre de Cham dans l’Ecriture, Ps. CIV, 23 ; & Plutarque nous assure qu’on la nommoit Chemie ou Chamie. Cette dernière opinion n’est pas la moins vraisemblable. Quoiqu’il en soit, Jupiter Ammon étoit représenté sous la figure d’un bélier. Lucain le décrit au Liv. IX, v. 512. Stat corniger illuc Jupiter, &c. que Brebeuf a rendu ainsi.

Ils approchoient du lieu de ce temple sauvage,
Où Jupiter Ammon reçoit un plein hommage.
Il n’est pas en ces lieux la foudre dans la main,
Ni sous un air divin, ni sous un air humain :
Ce Dieu des autres Dieux & l’arbitre & le maître,
Y paroît sous un port indigne de son être.

Nous avons cependant des médailles où Jupiter Ammon est représenté en forme humaine, ayant seulement deux cornes de bélier, qui naissent au-dessus des oreilles, & se recourbent tout autour, comme on le peut voir sur une médaille frappée à Cassandrie pour Vespasien, & rapportée par M. Vaillant dans ses Colonies, T. I, p. 190. Alexandre fit un voyage au temple de Jupiter Ammon, dont on trouve une élégante description dans Quinte-Curce, Liv. IV, ch. 7. Il y a beaucoup de choses sur Ammon & sa figure, dans la première & la seconde Diss. de M. Vandale de Oraculis.

Ammon, lieu qu’on nomme aujourd’hui Canzaro di Mahoma. Ammon, Ammonis oraculum, Fons solis. Il est dans le désert de Barca, à cinquante lieues au midi du port d’Alberton. Il y avoit autrefois un temple de Jupiter, que l’on appeloit à cause de cela le temple de Jupiter Ammon. Jupiter Ammon étoit représenté avec des cornes de bélier, comme on le voit encore sur les médailles. On prétend que c’est de-là que venoit le sel ammoniac, & qu’il en avoit pris son nom. Voyez ce mot.

Ammon, est encore le nom propre d’un des fils de Loth, né de l’inceste de ce patriarche avec la plus jeune de ses deux filles, Gen. XIX, 28 ; mais il vient de עמון, & signifie mon peuple.

Ammon, se dit aussi en général du peuple composé des descendans d’Ammon, autrement les Ammonites.

Ammon. Corne d’Ammon. Voyez Corne.

Ammon. Nom d’homme. S. Ammon, solitaire, fondateur de l’hermitage de Nitrie en Egypte, dont le vrai nom étoit Amous, ou Amoun, naquit dans la basse Egypte vers les commencemens de l’empire de Dioclétien. Baill.

AMMONÉEN, ENNE. adj. m. & f. Lettres ammonéennes. Philon de Bibles, dans Eusèbe, nous dit, en parlant de l’histoire de Sanchoniathon, que l’Auteur l’avoit composée à l’aide de certains mémoires qu’il trouva dans les temples, & qui étoient écrits en lettres ammonéennes, non entendues du vulgaire. Ces lettres ammonéennes, suivant l’explication de Bochart, étoient celles dont les Prêtres se servoient dans les choses sacrées. Essai sur les Hyérogliph.

☞ AMMONIA. Terme de Mythologie. Surnom sur lequel les Eléens sacrifioient à Junon, par allusion à Jupiter-Ammon son époux, ou bien parce qu’elle avoit un autel dans le voisinage du temple de Jupiter-Ammon.

AMMONIAC. s. m. C’est le nom d’une gomme dont on se sert en Pharmacie. Gummi ammoniacum. On nous l’apporte des Indes Orientales, & on croit qu’elle découle d’une plante ombellifere. Elle doit être en larmes sèches, blanchâtres en dedans, un peu roussâtres en dehors, faciles à se fondre, gommeuses & résineuses, un peu amères, d’une odeur & d’un goût âcre, tenant de l’ail. On en apporte aussi en masses remplies de petites larmes bien nettes & bien blanches. Cette gomme roussit en vieillissant ; Dioscoride & Pline en font mention. Dioscoride dit que l’ammoniac est le jus d’une espèce de férule qui croît en Afrique, auprès de Cirène de Barbarie. La plante qui le porte, & sa racine, s’appellent Agasyilis. Le bon ammoniac est haut en couleur, & n’est brouillé ni de raclure de bois, ni de sable, ni de pierres. Il a des petits grains comme l’encens, tient de l’odeur du castoreum, & est amer au goût. On appelle le bon Ammoniac, θραὒσμα ; c’est-à-dire, émiettement & brisure ; & celui qui est plein de pierres & de sable φύραμα ; c’est-à-dire, mixtion. Pline appelle l’arbre d’où il découle Metopion, du grec μέτωπινο, & dit que son nom vient du temple, de Jupiter Ammon, auprès duquel croît cet arbre. L’ammoniac des Apothicaires est réduit en masse comme la poix résine, au lieu d’être fraisé & menu comme de l’encens. On prétend qu’il servoit d’encens aux Anciens dans leurs sacrifices. Cette gomme entre dans plusieurs compositions ; elle est purgative, fondante, & résolutive, étant appliquée extérieurement. Gaser en tire un esprit & une huile, qui ont, à ce qu’il dit, de grandes propriétés, lesquelles ne procèdent que du sel volatil qu’elle contient. Mais comme il est mêlé d’un acide qui empêche son activité, il donne le moyen de séparer ces deux esprits, lesquels sont capables, selon lui, de produire des effets tout différens. Voyez cet Auteur, Lémery, & les autres Chimistes modernes.

☞ Ce mot est plus souvent adjectif. Ammoniac, aque. Gomme ammoniaque, suc concret qui tient le milieu entre la gomme & la résine, dont on vient de parler.

Sel ammoniac, & non pas armoniac. Sel neutre formé par l’union du sel marin & de l’alcali, qu’on nomme volatil. Il y a le sel ammoniac naturel. & le sel ammoniac factice. Le factice se tire de l’urine & des excrémens des chameaux. Sal ammoniacus. Il est appelé par les Chimistes Aquila cœlestis. Celui de Venise & d’Amsterdam se fait d’une partie de suie de cheminée, de deux parties de sel marin, & de dix parties d’urine d’homme.

Il s’en trouve de naturel sur le chemin de Lahor à Thanasseri & à Tzéhint. C’est une espèce d’écume qui sort de la terre en des endroits où il y a de vieilles cavernes, ou creux de rochers. On le tire de-là, & on le cuit comme on fait le salpêtre. Rec. de Thevenot.

Les Anciens en avoient un autre naturel qui se trouvoit dans les sables de l’Arabie ou de la Lybie, qui n’étoit autre chose que le sel volatil de l’urine des chameaux qui alloient au temple de Jupiter Ammon. Ce sel étoit naturellement sublimé sur ces sables, par la chaleur du soleil qui est brûlante dans ce pays-là : d’où vient que plusieurs l’appellent ammoniac. Les autres disent qu’on l’appelle sel armoniac, au lieu de sel acrimonial, à cause de son acrimonie. Les fleurs de sel ammoniac ne sont autre chose que sa portion la plus subtile, élevée par le feu ; & son esprit volatil n’est autre chose que son sel volatil dissous dans quelque portion de son flegme.

AMMONIEN, ENNE. s. m. & f. adj. Nom du peuple qui habitoit la forêt de Jupiter Ammon. Ammonius. On les appelle aussi Ammonites. Junon Ammonienne, Juno Ammonia. Elle étoit adorée dans l’Elide. Quelques-uns prétendent que c’étoit la lune, comme Jupiter Ammon étoit le soleil.

AMMONITE. s. m. Ammonita, Ammonites. Peuple descendant d’Ammon, fils de Loth. Gen. XIX, 38. Les Ammonites habitoient à l’orient du Jourdain, entre les Moabites au midi, dont ils étoient séparés par le torrent de Jabboc, les Arabes au levant, la Cœlésyrie au nord, le Jourdain à l’occident. Leur capitale étoit Rabbath, qui fut depuis appelée Philadelphie. Le Seigneur a exterminé les Enacins, & il a fait que les Ammonites ont habité ce pays au lieu d’eux. Saci. Les Ammonites furent souvent vaincus par les Israëlites, 1.o par Jephté, Jug. XI, 19 ; par Saül, 1, Reg. XI, 1. Josephe, Ant. Jud. Liv. VI, c. 5 & 6 ; par David, 2. Reg. X, 1, 1. Paral. XIX, 1 ; par Judas Machabée, Josephe, De bello Jud. Liv. III, c. 2. Josephe les appelle Ammanites. L’Ecriture, par un hébraïsme ordinaire, les appelle souvent les enfans d’Ammon. Og Roi de Basan étoit demeuré seul de la race des Géans. On montre encore son lit de fer dans Rabbath, qui est une ville des Enfans d’Ammon. Ce lit a neuf coudées de long & quatre de large. Saci. Deut. III, II. Voyez aussi Ammoniens.

Ammonite. s. f. Ammonitis. Femme Ammonite. Aucun de nos Traducteurs, que je sache, n’a traduit Ammonitide. Salomon aima plusieurs femmes étrangères, outre la fille de Pharaon, à savoir des Moabites, des Ammonites, des Iduméennes, des Sidoniennes, & des Héthiennes. Desmar. 3, Reg. XI. 1, & de même tous les autres. Les Protestans & quelques Hébraïsans écrivent Hamonites. Cela est contre l’usage.

Ammonite, s. m. Terme d’Histoire naturelle. Pierre composée de plusieurs grains semblables à du sable. Ammonites. Ce mot vient d’άμμος, sable. Un Auteur Allemand, qui publia en 1721 une Dissertation latine sur cette pierre, l’appelle Oolcihe.

☞ AMMONITIDE. Ammonitis, ou Ammanitis. Contrée de l’Arabie-Pétrée, ainsi nommée de ses habitans les Ammonites. On n’est pas trop d’accord sur ses limites. On sait seulement qu’elle étoit au-delà du Jourdain, dans les montagnes de Galaad. Sa capitale étoit Rabba, ou Rabbath Ammon, nommée Philadelphie.

AMMONITION. Voyez Amonition.

AMN.

☞ AMNIOMANTIE. s. f. Espèce de divination. Présage heureux que les Anciens tiroient de la disposition de la membrane nommée Amnios (Voyez l’article suivant) quand elle enveloppoit la tête de l’enfant venant au monde. Le peuple regarde encore cette espèce de coiffe, comme un présage de bonheur ; & pour marquer qu’un homme est heureux, on dit proverbialement qu’il est né coiffé.

AMNIOS. s. m. Terme d’Anatomie, qui se dit d’une seconde membrane qui enveloppe immédiatement tout le fœtus, & qui est une substance plus déliée que le chorion. Amnium. Ce mot signifie agnelet, & on lui donne ce nom à cause de sa délicatesse. Entre l’amnios & le chorion, autre membrane qui enveloppe l’amnios par dehors, il y en a une troisième où s’amasse l’urine du fœtus, & qu’on appelle pour cette raison la membrane urinaire. La liqueur que contient l’amnios, donne beaucoup de marques d’être nourricière ; & ce qui en peut convaincre, c’est qu’elle est fort semblable à celle qui se trouve dans le ventricule du fœtus, où apparemment elle est entrée par la bouche. D’habiles Anatomistes ont fait de grands efforts pour imaginer des routes par lesquelles la liqueur de l’amnios venant du placenta, pût y entrer sans traverser la membrane urinaire, qu’elle ne doit point traverser, ce semble, parce qu’elle le corromproit en se mêlant avec l’urine, & perdroit la douceur nécessaire à des sucs nourriciers.

M. Tauvry a recours à un expédient nouveau. Il suppose que la cavité de l’amnios se remplit dans les premiers temps de la formation, lorsque le fœtus n’a point encore d’urine à envoyer dans la membrane urinaire. L’amnios rempli, & le fœtus devenu plus fort, la membrane urinaire commence à se remplir à son tour, & l’amnios ne tire plus rien de nouveau ; mais il tient en réserve & dépense peu-à-peu ce qui doit nourrir le fœtus jusqu’à sa naissance. Une observation qui confirme cette pensée, c’est qu’en effet l’amnios est d’autant moins plein, & la membrane urinaire l’est d’autant plus, que le fœtus est plus avancé. Acad. des Sc. 1699. Hist. p. 32, 33.

☞ AMNISIADES, ou AMNISIDES. s. f. Nymphes de la ville d’Amnisus, dans l’île de Crète.

AMNISTIE. s. f. Pardon général accordé à des sujets par un Traité ou par un Edit, quand le Prince déclare qu’il oublie ou qu’il abolit tout ce qui s’est passé, & promet qu’on n’en sera point recherché. Oblivio injuriarum, Abolitio. ☞ L’amnistie a lieu principalement pour crime de rébellion ou de désertion. On a donné trois mois à ces peuples pour accepter l’amnistie. Il y a une amnistie pour tout le parti. Rochef. L’amnistie générale accordée ne couvre point une injure commise de particulier à particulier, qui n’est point pour la querelle publique. Il se dit aussi du pardon que le Prince accorde aux soldats déserteurs.

Ce mot vient du grec άμνηστία formé de l’α privatif, & de μνημη, mémoire, souvenir. Après que les trente Tyrans eurent été chassés d’Athènes, les Athéniens firent une Loi, par laquelle il fut réglé qu’on oublieroit de part & d’autre tout ce qui s’étoit passé pendant la guerre ; & cette Loi, dont Thrasibule fut Auteur, se nomma άμνηστία, Amnistie. C’est là que ce nom a commencé à s’employer ; & c’est Cornélius Nepos, dans la vie de Thrasibule, c. 3, & Valère Maxime, Liv. IV, c. 1, qui nous l’apprennent. Andocides, Orateur Athénien, dont Plutarque a écrit la vie, & dont Henri Etienne donna une édition en 1575, nous a conservé dans son oraison sur les Mystères, une formule de l’amnistie & des sermens qu’on y faisoit.

Amnistie. Il y a en Languedoc, entre Nismes & Usez, un château qui s’appelle le Château d’Amnistie.

AMO.

AMOBILE. Voyez Amovible.

AMODÉRER. v. a. Vieux mot. Tempérer, modérer. Gloss. sur Marot.

AMODIATEUR. s. m. Fermier. Celui qui prend une terre à ferme. Conductor. Ce mot signifie aussi, celui qui donne une terre à ferme. Locator. ☞ Ce mot & les suivans ne sont d’usage que dans quelques provinces.

AMODIATION. s. f. Convention par laquelle on donne une terre à ferme. Locatio. Faire l’amodiation d’un bien. Ce mot signifie aussi la convention par laquelle on la reçoit. Conductio.

AMODIER. v. a. Terme de Coutume. Donner à ferme. Locare. Amodier une terre en grain ou en argent. Il signifie aussi, prendre à ferme. Conducere. ☞ Ces mots viennent de modius, parce que ces sortes de baux se font d’ordinaire moyennant une certaine quantité de muids de grain.

AMODIÉ, ÉE. part.

☞ AMOER. Voyez Amour. Rivière.

AMOGABARE. s. m. Espèce de Milice Espagnole. Amogabarus. Il n’y a plus d’Amogabares dans les troupes