Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 1/281-290

Fascicules du tome 1
pages 271 à 280

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 1, pages 281 à 290

pages 291 à 300


Saint Ambroise est encore une petite ville du Marquisat de Saluces.

Ambroise. s. f. La Fontaine a employé ce mot pour signifier ambrosie, ou quelque chose de délicieux, d’exquis.

Jeanne, dit le premier,
A le corps net comme un petit denier,
Ma foi c’est bâme. Et Tiennette est ambroise,
Dit son époux…

Mais ce sont des paysans qui parlent, & qui estropient les mots, bâme pour baume, ambroise pour ambrosie.

AMBRONS. s. m. pl. Peuple de la Gaule Narbonnoise, vivant de brigandage. L’an de Rome 697, ces peuples joints aux Cimbres, aux Teutons & aux Tigurins, remporterent la victoire la plus complète sur deux armées romaines, commandées par le Consul Mallius & le Proconsul Cépion. La bataille se donna près d’Orange, & les Historiens rapportent que les Romains y perdirent 80000 hommes & 40000 valets ou autres gens suivant l’armée, & qu’il ne se sauva pas dix soldats. Plutarque en attribue le principal honneur aux Ambrons, dont il parle comme du corps le plus terrible de toute l’armée. Voyez Eutrope, Orose, Plutarque, & sur le reste le Dict. de Moréri, article Ambrons.

AMBROSIE. s. f. Viande exquise, dont les Anciens feignoient que leurs Dieux le nourrissoient. Ambrosia. Il mange l’Ambrosie ; c’est à-dire, il a été admis dans le ciel à la table des Dieux.

Saoule-toi de Nectar, crève-toi d’Ambrosie,
Nous n’avons pour ces mets aucune jalousie.

Il vient de α & Βροτός, qui signifie immortel, parce qu’on devenoit immortel en mangeant cette viande délicieuse, ou parce que c’étoit la nourriture des immortels.

Figurément on appelle Ambrosie, quelque manger ou boisson excellente. C’est du Nectar, c’est de l’ambrosie.

☞ Je ne sais pourquoi le Dict. de l’Acad. Fr. Dit Ambroisie. Les nouveaux Vocabulistes disent aussi Ambroisie.

Ambrosie. Ambrosia. Plante que l’antiquité a cru être recherchée par les Dieux à cause de son odeur. Ambrosia, quasi cibus Deorum. Sa racine est ligneuse, chevelue, & donne à son collet une ou plusieurs tiges, branchues, cannelées, blanchâtres, quelquefois rougeâtres, velues, & garnies de feuilles assez semblables à celles de l’absinthe ordinaire, pareillement découpées, un peu velues & blanchâtres, ou cendrées, d’une odeur douce, aromatique, & d’une amertume qui n’est pas désagréable. Ses fleurs sont à fleurons jaunâtres, renfermés dans de petites têtes rondes, & naissent sur des épis à l’extrémité de ses branches, comme l’absinthe, mais elles sont stériles. Ses fruits se trouvent au-dessous des fleurs dans des endroits séparés : ce sont autant de petites masses à plusieurs faces ; ils renferment une semence noire semblable au pepin du raisin. Cette plante croît sur le bord de la mer en Toscane.

Ambrosie, ou Thé du Mexique. Chenopodium, Ambrosioides Mexicanum. Plante étrangère qui se cultive dans les jardins. Elle a passé pour le vrai Thé.

Ambrosie, est aussi une préparation de médicamens qui sont agréables à prendre, & dont l’opération ne cause point d’incommodité. Ils sont composés en faveur des Seigneurs & des Dames, pour les purger selon Hippocrate, citò, tutò, & jucundè. Il y en a en forme de sirops, d’électuaires, &c. Il y en a aussi de laxatifs, d’apéritifs, de confortatifs, &c. Voyez en plusieurs préparations chez la Framboisière.

Ambrosie. s. f. Fille d’Atlas, fut une des Hyades.

AMBROSIEN. Terme Ecclésiastique. Ambrosianus. Rit ambrosien. Ambrosianus, ou Mediolanensis Ecclesiæ ritus. Office ambrosien, Messe ambrosienne. On parle de la sorte quand on fait mention de l’Office Ecclésiastique, qui est en usage dans l’Eglise de Milan, qui s’appelle aussi l’Eglise Ambrosienne. Voyez la vie de S. Pierre d’Amiens, N. 32. Le chant ambrosien étoit différent du romain. Le chant ambrosien étoit fort & haut, fortis & solemnis, dit Radulphe, Doyen de Tongre ; & le Romain étoit plus doux & plus réglé, magis dulcoratus & ordinatus.

Ce nom vient de S. Ambroise, qui en a été Evêque. Walafride Strabo a prétendu que S. Ambroise a été véritablement l’auteur de l’Office qu’on nomme encore aujourd’hui Ambrosien, & qu’il le disposa d’une manière particulière, tant pour son Eglise de Milan, que pour toutes les autres Eglises de son diocèse. Mais il y a de l’apparence qu’avant même S. Ambroise, l’Eglise de Milan avoit un office particulier & différent de celui de Rome, aussi-bien que les autres Eglises d’Italie. Quand les Papes firent prendre aux Eglises d’Occident l’Office Romain ; celle de Milan se mit à couvert sous le nom de S. Ambroise ; & depuis ce temps-là on nomma son Office, l’Office selon le rit ambrosien, pour le distinguer de celui des autres Eglises qui suivent le rit Romain. Avant Charlemagne chaque Eglise avoit son rit particulier. Dans Rome même il y a eu une grande diversité d’Offices. Pierre Abelard a remarqué, que dans Rome il n’y avoit que la seule Eglise de Latran qui confervât en son entier l’ancien Office de Rome.

On appelle aussi la Bibliothèque de Milan, la Bibliothèque Ambrosienne.

AMBROSIEN, ENNE. s. m. & f. Ambrosianus. Nom d’une Secte d’Anabaptistes, d’un Fanatique nommé Ambroise, qui se vantoit d’avoir des révélations. On les nomme aussi Pneumatiques. Ils s’éleverent au XVe siècle.

AMBROSIEN. s. m. Religieux de l’Ordre de S. Ambroise. Ambrosianus. Quelques Auteurs ont cru que Saint Ambroise étoit le fondateur de cet Ordre, parce que Grégoire XI, en le confirmant, permit à ces Religieux de réciter l’Office ambrosien. Mauvaise raison : ce Pape ne leur permit le rit ambrosien, que parce qu’ils étoient alors soumis aux Archevêques de Milan, comme ils l’ont été jusqu’à Eugène IV, qui leur laissa le rit ambrosien, en les exemptant de la juridiction des Ordinaires. On les appeloit, l’Ordre de S. Ambroise ad nemus. On ne sait rien de certain de l’origine de cet Ordre ; il y a de l’apparence qu’il ne commença que sous Grégoire XI, qui par une bulle de 1375, leur ordonna de suivre la règle de S. Augustin, & leur permit de porter le nom de S. Ambroise ad nemus, de réciter l’Office ambrosien, &c. En 1580 Sixte V leur unit les Apostolins ou Barnabites, qui ne firent qu’un même Ordre avec eux, & qui prirent le nom d’Ambrosiens. Cette union fut confirmée l’an 1606, par Paul V.

Ambrosienne. s. f. Religieuse de l’Ordre de S. Ambroise. Monialis Ambrosiana. Les Ambrosiennes, ou Religieuses de S. Ambroise ad nemus. Elles ont été instituées par Catherine Morigia, qui en 1451 se retira sur le mont Varaise. Une autre sainte fille, nommée Julienne, se joignit à elle en 1454, & quelques années après Françoise Bivia & Paule de Armastis. Elles demanderent à Sixte IV, la permission de faire des vœux solennels sous la règle de S. Augustin, & de porter l’habit de l’Ordre de S. Ambroise ad nemus : ce qu’il leur accorda par un bref du 10 Novembre 1474, & l’année suivante, par un autre bref, il leur permit de porter le voile noir. Ces brefs ne furent exécutés qu’en 1476.

Il y a aussi en Lombardie des Ambrosiennes, dites autrement Annonciades, qui furent fondées vers le milieu du XVe siècle par sept demoiselles de l’Etat de Venise, à la tête desquelles étoit Dorothée de Morosini. La mere Jeanne de Parme, Converse du monastère de S. Augustin, étant entrée en cette association en 1470, elle fonda plusieurs monastères qui formerent une Congrégation sous le titre de S. Ambroise & de sainte Marcelline, ou de l’Annonciade de Lombardie, gouvernée par une Prieure générale, dont l’office étoit triennal, & qui faisoit ordinairement sa résidence dans le monastère de Pavie, qui doit être regardé comme le Chef-d’ordre. Elle tenoit des Chapitres généraux, & envoyoit dans les provinces trois Visitatrices. Cette forme de gouvernement fut approuvée par Nicolas V. Depuis, Pie V ayant voulu la changer, & les changemens n’ayant point été introduits, elles se sont soumises aux Ordinaires. Elles sont habillées de couleur tannée, & suivent la règle de S. Augustin. P. Hélyot. T. IV.C.X.

AMBROSIES. s. m. plu. Ambrosia. Nom d’une fête que les Ioniens célébroient à l’honneur de Bacchus, & qu’ils appeloient encore Lenæa, ou Choa. Voyez Rhodigin. Antiq. Lect. Liv. XXVII, chap. 24, & Liv. XXVIII, ch. 15, & Rosinus Antiq. Rom. Liv. IV, ch. 25. Elle se célébroit au mois appelé Lenæon. Elle avoit été mise en ce mois, apparemment parce qu’il étoit aussi consacré à ce Dieu, & qu’il portoit un de ses noms.

AMBRUN. Ebredunum Caturigum, Eberodunum, Epredunum. Quelques-uns écrivent Embrun, qui n’est pas moins en usage que l’autre, & qui a plus d’analogie au latin, dont il est formé. Ville archiépiscopale de Dauphiné, sur la Durance. Ambrun est une très-ancienne ville, & je crois que son nom est celtigue composé de עבר, eber, passage, & dun, qui signifioit montagne, hauteur ; desorte que Ebredunum est la même chose que la montagne du passage. En effet Ambrun est sur un rocher haut & inaccessible du côté de la Durance, qui avoit apparemment là un passage. Ambrun étoit la capitale des Caturiges. Chorier.

AMBRUNOIS. s. m. Ebrodunensis ager. Bailliage d’Ambrun, partie du Dauphiné qui dépend du Bailli d’Ambrun. L’Ambrunois est tout entier dans les Alpes. Le comté d’Ambrunois fut d’une telle considération, qu’il fut dans la maison des Dauphins, le titre d’honneur de leurs aînés, héritiers présomptifs de leur principauté. Chorier.

AMBRUNOIS, OISE. adj. Qui est d’Ambrun, ou de l’Ambrunois. Les Ambrunois seuls avoient forcé les Romains dans leur camp, & leur avoient tué 80000 soldats & 4000 valets. Chorier. Il y a eu la Bourgogne Viennoise, la Bourgogne Ambrunoise. Id.

AMBUBAIE. Ambubaia. AMBUBAIES, plur. Ambubaiæ. Ce mot, que quelques-uns de nos Dictionnaires ont fait françois, est pris d’Horace, Liv. I. Sat. 2, & de Suétone dans Néron. Un Commentateur d’Horace a cru que les Ambubaies étoient des femmes & des coureuses, que l’on avoit ainsi appelées à cause des sottises qu’elles disoient en bégayant dans l’ivresse. Torrentius sur Suétone, Turnébe, Liv. XI, ch. 23, & Pulmannus dans ses notes sur Suétone, ont pensé que ce mot venoit de ambu, ou am, vieille préposition latine, qui signifioit circùm, autour, & de Baiæ, Baies, lieu délicieux proche de Naples ; & que c’étoient des femmes débauchées qui se trouvoient aux environs de Baies ; que ambu a été dit pour am, de même que indu a été dit pour in ; que c’est de-là qu’on a dit ambalvare, & ambedo, & de même ambubaia. Cruquius, dans son Commentaire sur Horace, croit qu’ambubaia s’est dit pour ambubeja, & qu’il signifie proprement un vendeur d’ambubeja, herbe dont Dioscoride, Celse, Panthin, Matthiole & d’autres ont parlé, & qui dans Pline s’appelle Ambugia, par la faute des copistes, qui ont substitué ce mot à ambubeja, parce que ces vendeurs d’ambubeja étoient des Charlatans ; qu’ensuite on a transporté ce mot à toutes sortes de charlatans, & que c’est là ce qu’il signifie. Mais toutes ces étymologies ne paroissent pas vraies ; la dernière sur-tout n’a pas d’apparence. Il faut dire avec Acron, ancien commentateur d’Horace, avec Mercérius cité par Lambin, avec Scaliger, Casaubon, Beroald, Sabellicus, Caninius sur Suétone, & Lambin, dans ses notes sur Horace, Buxtorf, Schindler, Bechart, & tous ceux qui savent les langues, que ce nom est syriac. En effet, de אביב, abib, qui signifie une tige de blé, on a fait אבוב, abbub, qui revient au calamus des Latins & signifie originairement un petit instrument de musique fait avec un chaume, une tige de blé, en un mot un chalumeau ; & parce que les flûtes ont commencé par-là, quoiqu’elles se soient perfectionnées dans la suite, & qu’elles n’aient point été de simples chalumeaux ; ou parce qu’elles leur ressembloient, on les a toujours appelées אבוב, abbub, avec la terminaison syriaque, אבובא, abbuba, ou אבוביא, abbubaia ; & comme le syriac met un נ nun, au lieu de Dagesch, aussi bien que l’arabe, pour אבוביא, abbubaja, on dit אנבוביא, anbubaia, une flûte, dont les Romains ont fait ambubaia, en changeant seulement l’n en m, sans changer rien dans le son, ni la prononciation ; & ils ont donné le nom de l’instrument à celui qui en jouoit, appelant Ambubaia, joueur ou joueuse de flûte, comme nous appelons flûte, haut-bois, violon, trompette, non-seulement ces instrumens, mais encore ceux qui en jouent. J’ai dit joueur ou joueuse de flûte, parce que Lambin croit que c’étoient des hommes ; mais la plus ancienne & la plus commune opinion, est que c’étoient des femmes syriennes ; & dans Suétone, il paroît que ce sont des femmes. Nous dirions en françois des Joueuses d’instrumens, des Chanteuses, des Comédiennes.

AMBUILA, AMBOILA. Contrée du Congo en Afrique. Ambuila. Elle est entre le lac d’Aquilunda, & la ville de San Salvador.

AMBULANCE. s. f. Terme usité dans les Aides, dans les Domaines, &c. C’est l’emploi d’un Commis ambulant. On dit, une Ambulance dans les Aides, dans les Domaines.

AMBULANT, ANTE. adj. Souvent employé substantivement du verbe inusité ambuler, ou du latin ambulare ; aller, se promener. Erro, erroneus, errabundus. Il se dit particulièrement d’un Commis des Fermiers, qui va visiter les bureaux des contrôles établis dans chaque province, pour voir si les Contrôleurs font leur devoir, si leurs rôles ou sommiers sont en état, & pour recueillir l’argent du contrôle. Ambulator. On le dit aussi des Comédiens errans, qui vont de ville en ville jouer la Comédie. On l’applique aussi à un homme qui est toujours par voie & parchemin. C’est un homme fort ambulant, qui mene une vie ambulante. Ambulator.

Ambulant, se dit aussi à Amsterdam, des courtiers ou agens de change, qui n’ont pas fait serment par-devant les Magistrats de la ville. Ils travaillent comme les autres, mais ils ne sont point crus en Justice.

Ambulant, en Manége, se dit d’un cheval qui va l’amble. Ambulator equus.

AMBULATOIRE. adj. m. & f. Qui se dit des Juridictions qui ne sont point fixes en certain lieu, mais qui se tiennent tantôt dans un lieu, tantôt dans un autre. Fixam & certam sedem non habens. Le Grand-Conseil est ambulatoire. Les Parlemens ont été rendus sédentaires ; ils n’étoient auparavant qu’ambulatoires. Larrey a dit des Parlemens courans, ou ambulatoires. Il falloit ôter courant, qui n’est point en usage ; on ne dit que Parlement ambulatoire.

On dit aussi proverbialement, que la volonté des hommes est ambulatoire ; pour dire, inconstante, sujète à changer.

Mais comme son humeur est fort ambulatoire,
Ne perdez point de temps, si vous me voulez croire.

Rousseau.

☞ AMBULON. s. m. Arbre qui croît dans l’île Aruchit, & porte un fruit semblable à celui de la canne à sucre, & de la grosseur de la graine de Coriandre.

AMPURBAL, ou plutôt AMBURBIAL, IALE. adj. m. & f. Qui appartient aux Amburbies, ce qui en fait partie. Le sacrifice amburbial, Amburbiale sacrum. Les victimes amburbiales, Amburbiales victimæ, sont celles que l’on conduisoit dans cette cérémonie autour des murs de la ville, & que l’on immoloit ensuite. Lucain l’a décrit, Liv. I.

AMBURBIES. f. pl. Amburbia, Amburbialia. Cérémonie, ou fête des anciens Romains, qu’ils célébroient en faisant des processions, & en promenant la victime autour de la ville, avant que de faire le sacrifice. Ce mot vient de ambio, je tourne autour, ou bien de amb, ou ambu, ancienne préposition, qui signifie autour ; & urbs : ville. Scaliger, dans ses notes sur Festus, prétend que les Amburbies & les Ambarvales, sont la même cérémonie.

AMC.

AMCOPELTZ HOKELL. Montagne d’Irlande. Amcopetum. Elle est extrêmement haute. On la met à neuf ou dix lieues de la ville de Stolhelt.

AME.

☞ AME. s. f. Anima. C’est ainsi qu’on appelle le principe de la vie dans les êtres vivans.

☞ On appelle ame végétative, l’ame qui fait croître les plantes. Ame sensitive, celle qui fait croître, mouvoir & sentir les animaux. Et ame raisonnable, celle qui est le principe de la vie, de la pensée, & des mouvemens volontaires dans l’homme.

☞ Les anciens Philosophes ont admis une ame qui anime le monde, un esprit universel répandu dans toutes les parties de l’univers, qui est le principe de tous les mouvemens qui s’y exécutent. Diffusa per artus mens agitat molem, & magno se corpore miscet. Platon traite fort au long dans son Timée de l’ame du monde. D’autres ont donné des ames à tous les globes célestes & à la terre pour en régler les mouvemens.

L’ame végétative est le principe de la nutrition, de l’accroissement, & de toutes les productions des végétaux. L’ame végétative n’est point distinguée de la matière. C’est, si l’on veut, la sève préparée dans la terre, par le soleil & par les organes des végétaux où elle se filtre, se travaille, & se rend propre à produire tout ce que nous voyons dans les plantes. C’est, selon d’autres, la disposition des parties de la plante. Voyez Plante, Accroissement, Végétation, Suc.

L’ame sensitive est le principe de la vie, & de toutes les actions, & des mouvemens qui se font dans les bêtes. Les Péripatéticiens enseignent que ce principe ou cette ame est matérielle, mais non pas matière ; qu’elle n’est point créée, mais tirée de la matière, educitur ex materia ; qu’elle est capable de connoissance & de sentiment, & qu’elle finit avec la vie de l’animal. Les Epicuriens, les Gassendistes & les Cartésiens soutiennent qu’elle n’est point distinguée de la matière. Les premiers prétendent néanmoins qu’elle a du sentiment. Pour les Cartésiens, ils prétendent que les bêtes sont de pures automates, ou des machines, que les objets & les corpuscules qui en sortent, déterminent par pure mécanique aux mouvemens que nous leur voyons faire ; qu’elles n’ont par conséquent nulle connoissance, nul sentiment de douleur & de joie ; & que leur ame, de même que celle des plantes, ne consiste que dans un arrangement de parties, qui les rendent les unes & les autres propres à faire leurs fonctions.

Le premier sentiment ne paroît pas soutenable. Peut-on se persuader qu’un être tel que la matière, dans lequel il est impossible de concevoir autre chose que des parties & de l’étendue, soit capable de connoissance & de sentiment ?

L’opinion des Cartésiens n’est pas mieux fondée. Il ne se passe rien en nous qui puisse nous convaincre, & même nous faire penser, que les mouvemens des bêtes qui répondent à nos mouvemens volontaires, se fassent par la seule disposition de la machine. Bien plus, nous avons en nous de quoi nous persuader positivement, que les mouvemens dont il s’agit, ne se font point dans les bêtes par la seule disposition de la machine. Ce qui se passe dans l’extérieur des bêtes, doit nous faire penser tout le contraire de ce qu’enseignent les nouveaux Philosophes. Enfin les Cartésiens ne parlent & ne raisonnent point du tout conséquemment en cette matière. Ce sont quatre propositions que le P. Daniel a développées très-nettement dans ses Nouvelles Difficultés. Voyez aussi son Voyage de Descartes.

Les Epicuriens ont crû, que l’ame n’étoit autre chose qu’un air subtil composé d’atômes ; & les Stoïciens, que c’étoit une flamme subtile, ou une portion de la lumière céleste. Les Platoniciens enseignoient l’immortalité de l’ame. Parmi les Juifs la secte des Sadducéens croyoit que les ames sont mortelles, & corruptibles ; & qu’elles ne sont ni punies ni récompensées après la mort. Jésus-Christ les confondit par les termes mêmes de la loi, comme il est rapporté dans S. Matthieu, ch. XXII. v. 29 & suiv. en leur montrant que Dieu s’appeloit le Dieu d’Abraham, d’Isaac, & de Jacob, en parlant aux descendans de ces Patriarches, & long-temps après leur mort ; qu’ainsi il falloit bien que leurs ames fussent encore vivantes ; car Dieu n’est point le Dieu des morts, & des gens qui ne feroient plus rien ; mais il est le Dieu des vivans. La secte des Pharisiens croyoit l’ame immortelle ; que celles des justes passent en d’autres corps, & que celles des méchans souffrent des tourmens qui durent toujours. La secte des Esséniens prétendoient que les ames sont immortelles & incorruptibles ; qu’elles sont d’une substance aérienne très-subtile ; que les ames des bons s’envolent dans une région tempérée, & qu’un doux zéphir rend toujours agréable ; & qu’au contraire celles des méchans n’ont pour demeure que des lieux glacés, où elles gémissent éternellement dans des peines infinies. Tous les livres Indiens que j’ai vus supposent l’immortalité de l’ame. Lettr. ed. La passion que les Anciens avoient de laisser des monumens de leur gloire, étoit une marque de la croyance qu’ils avoient de l’immortalité de l’ame. Il ne faut qu’une réflexion sur nous-mêmes, pour reconnoître qu’il y a en nous une substance qui pense. Le doute même que nous formerions sur cette matière, est une preuve de son existence. Cette substance qui pense, & qui agit d’une manière dont la matière est incapable, est ce qu’on appelle Esprit. On donne le nom d’ame à ceux de ces esprits qui ont été créés pour être unis à des corps.

Les Cartésiens définissent l’ame, une substance qui pense ; & ils prétendent que cet attribut qui lui est spécial, en prouve la spiritualité & l’immortalité. La pensée est aussi essentielle à l’ame, que l’étendue à la matière. Or on ne sauroit concevoir que la matière disposée & arrangée d’une certaine manière, puisse produire une pensée. Il y a trop de différence entre les propriétés de la matière, & les opérations de l’ame, lorsqu’elle juge, ou qu’elle raisonne. D’où il s’ensuit qu’elle est spirituelle. Il en résulte en même temps que l’ame étant incorporelle, & immatérielle, elle ne peut-être dissoute, ni détruite par l’atteinte des agens extérieurs ; & qu’étant simple & sans parties, elle ne peut être séparée ni divisée. Par conséquent elle est immortelle. Pour que ces raisonnemens soient vrais, il n’est pas nécessaire de recourir au principe faux des Cartésiens, & de définir l’ame, une substance qui pense. Il suffit que l’ame soit capable de penser, & qu’elle produise en effet des pensées, sans qu’il soit besoin que la pensée soit son essence. Il n’est pas plus essentiel à l’ame de penser, que de vouloir ; & ni l’un ni l’autre n’est l’essence de l’ame ; car une chose sans laquelle je puis concevoir l’ame, & sans laquelle elle peut être, n’est pas son essence. La comparaison de l’étendue, que les Cartésiens prétendent être l’essence du corps, ne prouve rien ; ou si elle prouve quelque chose, c’est contre eux-mêmes ; puisque l’Eucharistie montre que leur sentiment n’est pas trop sûr. D’ailleurs si la pensée est l’essence de l’ame, comme une chose ne se produit point soi-même, qu’on ne produit point son être, ni son essence, l’ame ne produira point ses pensées ; elle ne produira pas plus ses volontés que ses pensées. Ainsi la voilà réduite à la condition des bêtes, ou même des corps inanimés, sans action, sans liberté. Si les Cartésiens entendent seulement parler de la faculté de penser, ils ont encore tort de dire que c’est l’essence de l’ame ; elle n’est pas plus son essence que la faculté de vouloir, puisque l’on conçoit quelque chose dans l’ame avant ces deux facultés. Au reste, les Cartésiens prouvent très-bien la spiritualité & l’immortalité de l’ame, parce qu’elle pense : mais il ne faut pas leur faire honneur de cette preuve, comme d’une invention qui leur soit propre : tous les bons Philosophes l’ont dit avant eux, & le disent encore. La véritable définition de l’ame est celle-ci. L’ame est une substance spirituelle, capable d’informer, & d’animer un corps humain, & de faire avec ce corps un animal raisonnable, ou un homme. Il s’ensuit de-là qu’elle est immortelle, qu’elle est essentielle à l’homme & sa plus noble partie, qu’elle est de sa nature la forme du corps, & par conséquent incomplète, comme le Concile de Vienne l’a défini.

☞ L’ame est un agent dont l’activité se développe par une suite continuelle d’opérations différentes ; & comme on a désigné ces opérations par des noms qui les distinguent, on les a aussi attribués à différentes facultés, comme à leurs principes. Les principales de ces facultés sont, l’entendement, la volonté & la liberté.Voy. ces mots & les articles relatifs. L’ame à la vérité est un être simple, mais rien n’empêche qu’en faisant attention à ses différentes manières d’opérer, on ne la considère comme un sujet en qui résident différens pouvoirs d’agir, ou différentes puissances. Et pourvû que l’on prenne la chose de cette manière, cette méthode ne peut que donner plus de précision & de netteté à nos idées. Ainsi les facultés de l’ame ne sont autre chose que les pouvoirs d’agir, ou les différentes puissances qui sont en elle, & au moyen desquelles elle fait toutes ses opérations.

Les Philosophes ne sont pas d’accord sur la manière dont l’ame réside dans le corps. Les uns disent qu’elle est également répandue dans toutes les parties du corps. Les autres prétendent qu’elle a son influence dans tout le corps qu’elle régit & qu’elle gouverne ; & que cependant elle fait la résidence principale dans la glande pinéale du cerveau, où aboutissent tous les fibres, de tous les organes, qui l’avertissent de tout ce qui se passe au-dehors. L’ame est là comme sur son trône, d’où elle commande à tous les membres. Borry, Médecin du Nord, prétend dans une lettre à Bartholin, qu’il se fait dans le cerveau une certaine liqueur très-subtile, & d’une odeur agréable, qui est le siége où l’ame raisonnable réside ; & que la subtilité de l’esprit dépend du tempérament de cette liqueur, plutôt que de la conformation du cerveau, à laquelle on a coutume de l’attribuer. La diversité des connoissances ne vient que de la différente disposition du cerveau qui se trouve dans diverses personnes, ou dans la même dans divers temps ; & la diversité des sentimens n’est causée que par le différent usage qu’elles font de leur liberté. De Rassiels. On distingue sept principales propriétés dans l’ame, qui en sont les différentes modifications ; l’entendement, la volonté, le sentiment, la liberté, la mémoire, l’imagination, & les habitudes diverses qu’elle contracte.

Les Mystiques distinguent deux parties dans l’ame : la partie supérieure, c’est l’entendement, & la volonté ; la partie inférieure, c’est l’imagination, & les sens. Jesus-Christ étoit heureux sur la croix par la partie supérieure de son ame, & souffroit par l’inférieure. La partie inférieure ne communiquoit à la supérieure ni son trouble involontaire, ni ses défaillances. La supérieure ne communiquoit à l’inférieure ni sa paix, ni sa béatitude. Fenel. Les Quiétistes, qui abusent de cette distinction, disent que dans les épreuves tout ce qui se passe contre les bonnes mœurs dans la partie inférieure de l’ame, n’est point contraire à la pureté de la partie supérieure, parce que la volonté n’y a point de part.

En termes de Chimie, on dit l’ame des métaux, des minéraux, des végétaux ; pour dire, ce qu’il y a en eux de plus essentiel, leurs esprits, & leurs sels, &c.

Ame, se prend souvent pour la vie. Rendre l’ame à Dieu, c’est mourir. Animam agere. Cette nouvelle me rend l’ame ; pour dire, me redonne la vie. Il a l’ame sur le bord des lèvres ; pour dire, il est prêt à expirer. Malherbe a dit agréablement :

Et son ame étendant ses ailes,
Fut toute prête à s’envoler.

On dit aussi, il a l’ame sur les levres ; pour dire, qu’il parle comme il pense. En ce sens on dit bien mieux, avoir le cœur sur les levres.

Ame, se dit aussi de la partie spirituelle de l’homme, quand elle est séparée de son corps. Prier Dieu pour les ames des défunts, pour le repos de leurs ames. Dans le discours familier on dit, en parlant d’une personne morte, Dieu veuille avoir son ame. Les ames du purgatoire. Les ames damnées. Les ames bienheureuses. Malherbe a dit des Rois, en vers pleins d’énergie & de vérité :

Et dans ces grands tombeaux où leurs ames hautaines
Font encore les vaines,
Ils sont mangés des vers.

☞ Chez les Payens les ames des morts s’appeloient manes. Voyez ce mot.

En parlant de l’ame par rapport à la Religion, on dit ; Ame régénérée par le baptême ; ame rachetée par le sang de Jesus-Christ ; ame sanctifiée, illuminée par la grâce ; une sainte ame, une bonne ame, les ames dévotes, les ames chrétiennes ; nous avons une ame à sauver ; vous perdez votre ame. Acad. Fr.

☞ L’ame considérée par rapport à ses bonnes ou mauvaises qualités, animus, est belle, noble, grande, héroïque, &c. foible, basse, lâche, &c. Ame de boue, vénale, mercénaire. Voyez toutes ces épithètes. Un cœur noble a de la peine à se laisser entraîner à toutes les bassesses & à toutes les importunités des ames intéressées. P. Gail. Frédégonde n’étoit point de ces ames foibles, qui donnent par timidité dans la superstition. Le Gend. Loin d’ici ces ames foibles, qui ne savent que craindre & désespérer. Tourn. Le souverain bien d’une ame grande & généreuse, c’est de ne rien craindre. S. Evr.

Sous les titres pompeux d’une illustre fortune,
Souvent les plus grands Rois n’ont qu’une ame commune.

Ame, se prend quelquefois pour conscience. On dit qu’un scélérat a l’ame bourrelée. Remordet conscius animus. Il sait bien en son ame que cela n’est pas vrai. Dire qu’un homme n’a point d’ame, c’est dire qu’il n’a ni cœur ni sentiment. Le peuple n’a point d’esprit, & les grands n’ont point d’ame.

☞ On appelle bénéfice ayant charge d’ames, ou avec charge d’ames, celui dont le titulaire est obligé à résidence, chargé d’instruire, d’administrer les Sacremens, de corriger, de veiller sur la conduite des personnes qui lui sont confiées, & de travailler au salut de leurs ames. Tels sont les Evêchés, les Cures. On le dit par opposition à bénéfice simple. Voyez Bénéfice.

☞ Le mot d’ame est souvent employé au figuré, pour marquer qu’une chose est le principe, la cause qui fait mouvoir, qui fait agir quelque chose, qui en est la partie ou la qualité principale. Vis, principium, virtus, causa. La raison est ame de la loi ; pour dire, que c’est elle qui la maintient, que c’est sur elle qu’elle est principalement fondée. Cet homme est l’ame de cette affaire, de cette entreprise : c’est-à-dire, c’est lui qui la conduit, & qui fait aller tous les ressorts pour la faire réussir. Motor, auctor. La charité est l’ame des vertus chrétiennes. La joie est l’ame d’un festin. L’action est l’ame du discours. C’est l’esprit, le salut, l’ame de son empire.

☞ Dans les arts libéraux, l’art oratoire, la poësie, la peinture, la sculpture, la musique, donner de l’ame à quelque chose, c’est exprimer vivement ce qu’on représente, y mettre du feu & de l’énergie. Les Sculpteurs donnent de l’ame au marbre, l’animent, ensorte qu’il paroît prendre vie sous leur ciseau. Virgile a dit, æra spirantia, des figures de bronze qui semblent respirer, auxquelles il ne manque que la parole. On dit de même, qu’il n’y a point d’ame dans le chant, dans la déclamation de quelqu’un ; pour dire, qu’il chante, qu’il déclame d’une manière froide & languissante, qu’il ne fait point sentir ce qu’il dit. La briéveté peut s’appeller l’ame d’un conte, puisque sans elle il faut qu’il languisse. La Font.

Ame, signifie encore une personne particulière. Homo. Il y a cent mille ames dans cette ville ; pour dire, il y a cent mille habitans de tous âges & de tout sexe. Il ne voit ame vivante, ou ame qui vive ; pour dire, il ne voit personne. Il n’y avoit pas une ame au logis.

Ame, signifie aussi, la personne qu’on affectionne extrêmement. Ma chère ame, mon ame, & se dit particulièrement des maîtresses. Anima, animula, corculum. Si quelque amant veut vous payer en vous nommant son ame, vous n’entendez pas des termes si courtois. Voit.

l’Ame d’une devise, est le mot qui accompagne la figure qu’on appelle le corps de la devise. Lemma. Une bonne devise doit être composée d’un corps & d’une ame ; c’est-à-dire, d’une figure, & de certaines paroles. On a donné à la figure le nom de corps, & aux paroles celui d’ame, parce que comme le corps & l’ame joints ensemble font un composé naturel, certaines figures, & certaines paroles étant unies, font une devise. Bouh. Le mot de la devise doit être proportionné à la figure ; car l’un & l’autre devant faire un composé semblable en quelque façon à celui que la matière & la forme font ensemble, il est nécessaire qu’il y ait de la proportion entre l’un & l’autre, à peu-près comme il y en a entre la matière & la forme. Cette proportion demande que le mot convienne au corps dont il est l’ame, & qu’il lui convienne desorte qu’il ne puisse convenir à une autre figure, non plus qu’à l’ame de l’homme ne peut convenir le corps du lion. Par exemple, une mer sous une lune, ut variat moveor. Une barre de fer sur l’enclume : Se non arde, non si piega. Ces ames sont proportionnées à leurs corps, & ne peuvent s’appliquer à d’autres pour faire le sens qu’elles font. Bouhours.

Ame. Terme de Lutier, & de Musique. C’est un petit morceau de bois droit, qu’on met dans le corps de l’instrument de musique directement sous le chevalet, pour soutenir la table. Ame de viole. Ame de violon.

Ame. Terme d’Ecrivain. On appelle ame, ce qui est enfermé dans le creux d’un tuyau de plume. Quand on tranche une plume pour écrire, il en faut arracher l’ame, autrement elle s’imbibe d’encre & fait pocher.

Ame. Terme d’Artificier. On appelle ainsi le trou conique qu’on pratique dans le corps d’une fusée volante le long de son axe, afin que la flamme s’y introduise promptement & assez avant pour la soutenir.

Ame, se dit aussi des petites feuilles de tabac, dont on remplit le dedans de ce qu’on nomme aux îles, Andouilles de tabac.

On appelle l’ame d’un rôle de tabac, le bâton autour duquel le tabac cordé est monté. Quelques-uns disent l’aissieu.

Ame, chez les Boisseliers. C’est un morceau du cuir qui forme dans le soufflet une espèce de soupape, qui y laisse entrer le vent lorsqu’on écarte les deux palettes du soufflet, & l’y retient lorsqu’on les comprime l’une contre l’autre ; ce qui oblige l’air contenu dans la capacité de passer par le tuyau appelé porte-vent, qui le porte au lieu où on le destine.

Ame, chez les Sculpteurs & Fondeurs, se dit du noyau, ou des figures de terre, ou de plâtre, qui servent à former celles qu’en jette en bronze. Typus, forma. On le dit aussi de l’ébauche des figures de stuc, qu’on forme grossièrement de plâtre, ou d’autre matière, avant qu’on les finisse, en les couvrant de stuc. On se sert quelquefois de ces mots pour exprimer le soutien de certains fruits. Dict. de James.

Ame, se dit aussi du creux & de l’ouverture du canon, du lieu où on met la poudre, & le boulet. Tormenti alvus.

☞ On appelle populairement l’ame d’un fagot, les menues branches qui sont au milieu du fagot, au milieu des paremens.

On appelle proverbialement, un corps sans ame, un corps qui est sans chef, ou qui n’a pas les choses nécessaires pour le faire subsister. On appelle aussi, ame damnée de quelqu’un, celui qui lui est entièrement dévoué, & disposé à tout entreprendre pour lui, même les choses les plus injustes. C’est son ame damnée. La bonne ame ! dit-on ironiquement. En rebus on met la lettre M pour signifier ame, parce qu’autrefois cette lettre se prononçoit am, & non pas em, comme on fait maintenant. Ainsi on trouve dans quelques épitaphes, priez pour son M, c’est-à-dire, pour son ame. J’ai vu dans de vieilles Heures imprimées en 1496 à Paris par Antoine Chappiel un rebus manuscrit, contenant l’épitaphe d’Anne de Bretagne en quatre vers François. Pour le premier vers il y avoit une aile d’oiseau, la syllabe est, deux flèches, ou traits, deux pas, la syllabe sée ; pour le second, la note de musique la, la syllabe no, une table, une dame à jouer ; pour le troisième, deux fouets, entre les syllabes fran & ce, une couronne sur la syllabe ce, & pour le quatrième, prions ihs. qu’il ait son M. Cela signifie,

Elle est trépassée,
La notable Dame,
Deux fois en France couronnée.
Prions Jesus qu’il ait son ame.

☞ De telles productions étoient pour ce temps-là des chef d’œuvres de l’art.

Ces Heures, avec un très-grand nombre d’autres, étoient dans la belle & curieuse Bibliothèque de M. Foucault, Conseiller d’Etat.

Le mot ame s’est formé du latin anima, en prenant une terminaison Françoise, & changeant l’i en e muet, anem, ou anme, puis au lieu de prononcer l’n, on a fait l’a long âme. Le P. Pezron dit que anima, ame, a été pris du Celte Ane, ou Eve, qui est la même chose.

AMÉ, ÉE. adj. Terme de Lettres de Chancellerie, qui marque l’affection du Roi envers son sujet. Amatus, a. A nos amés & féaux Conseillers. Notre amé & féal un tel nous a exposé. C’est aussi une formule pour intituler les lettres que le Roi écrit à ses sujets, quand ils ne sont pas de la première qualité. A notre amé & féal un tel, Conseiller en notre Parlement. On disoit autrefois amer, pour aimer ; de-là amé nous est demeuré. Nos Rois avoient coutume de distinguer dans leurs Lettres-patentes les Magistrats & les Officiers qui avoient dignité, d’avec les autres, par ces titres, Dilecti & fideles nostri, que l’on a traduits en François par nos amés & féaux, & ce titre, selon la remarque de Loiseau, dans son Traité des Ordres & Dignités, ne se donnoit ordinairement qu’à ceux qui avoient celui de Conseillers du Prince. De la Mar.

AMÉ, ou AMET, est aussi un nom d’homme. Amatus. S. Amet, que d’autres écrivent S. Amé, & d’autres S. Aimé, étoit né dans le territoire de Grenoble, de parens fort qualifiés, qui étoient Romains d’origine ; c’est-à-dire, Gaulois naturels du pays, & non de la race Bourguignone, ou Françoise. Baillet.

Amé. Nom d’homme. S. Amé, qu’on nomme aussi Amable, Evêque d’Oléron, & puis Archevêque de Bourdeaux dans le XIe siècle.

Amé, est encore un abrégé d’Amédée. Amedeus.

AMÉBÉE. adj. m. On appelle un poëme amébée, des vers amébées, lorsqu’il s’y fait une espèce de dispute, une espèce de combat entre deux Interlocuteurs, de manière que celui qui parle le dernier enchérisse toujours sur l’autre, & s’oppose à son sentiment. La troisième Eclogue de Virgile, est ce que les Poëtes appelent, un combat amébée. De Crouzas. La dispute entre Thyrsis & Corydon sur la préférence de leurs chansons dans la septième Eclogue de Virgile est en vers amébées. Id. Il y a un joli combat amébée dans les poësies de la Viscléde. D’ἀμείϐω, muto, vices reddo.

☞ AMECHER. v. a. Qui s’est dit autrefois, pour dire, garnir d’une mèche.

☞ AMED, ou AMIDA. Ville d’Asie, dans la Mésopotamie, dans le quatrième climat, suivant les Géographes Arabes. Il y a un Beglierbegh ou Gouverneur de Province, qui a sous lui douze Sangiaks.

AMÉDÉE. s. m. Amedeus. Nom d’homme formé du latin Amans Deum, qui aime Dieu ; ou plutôt Amatus Deo, aimé de Dieu. Il y a IX Amédées Comtes, ou Ducs de Savoie. S. Amé, Archevêque de Bourdeaux, est appelé Amé, Amable, Amatus, ou Amédée, comme si tous ces noms étoient la même chose. C’est une erreur. Son nom étoit Amé. Quelques-uns l’ont pris pour le nom François qui répond à Amatus, & d’autres l’ont pris pour une abréviation d’Amédée, & l’ont appelé tout au long Amédée.

AMEDIEN, ENNE. s. m. & f. Nom de peuple. Voyez Turcoman.

AMEL. Royaume de la Nigritie en Afrique. Amelium regnum. Il est sur la côte de l’Océan atlantique, entre les embouchures du Niger.

AMÉLANCHE. s. f. Se prend en Provence pour le fruit de l’Amélanchier.

AMÉLANCHIER. s. m. Mespilus folio rotundiori, fructu nigro subdulci. Inst. R. Herb. Tournef. Arbrisseau très-commun en Provence, & aux pieds des montagnes de Savoie & de Genève : il s’en trouve aussi dans les rochers de la forêt de Fontainebleau. Il part de la racine de cet arbrisseau plusieurs jets branchus, menus ordinairement comme le petit doigt, couverts d’une écorce brune & lisse. Ses feuilles sont alternes, sèches, arrondies, d’un pouce environ de diamètre, crénelées sur leurs bords, d’un vert blanchâtre par-dessus, plus blanchâtre par-dessous, & soutenues par des queues minces, purpurines, ou brunes, longues d’un pouce environ. Ses fleurs naissent des œilletons des branches, & par bouquets composés de huit ou dix pédicules, qui soutiennent chacun une fleur blanche à cinq pétales assez grands. Le calice qui soutient la fleur, est découpé sur les bords en cinq quartiers ; il devient un fruit rond, gros comme un pois, & est couronné par les découpures du calice. Il est d’abord violet, & ensuite noir ; pour lors il est doux & agréable. Ses semences ressemblent assez, par leur couleur & leur figure, aux pepins des pommes.

AMELAND. Île des Provinces Unies. Amelandia. Elle est sur les côtes de Frise, au nord de Leuwarde.

AMÉLÉON. s. m. Espèce de cidre excellent du Bessin en basse-Normandie. Le cidre y est excellent (dans le Bessin) principalement le doux auvesque, & l’améléon, que les plus délicats préfèrent à beaucoup de vins. G. Du Moulin. Dict. de la Norm. p. 5.

AMELETTE. Voyez Omelette

AMELIA. Ville épiscopale d’Italie. Amelia, Elle est dans le duché de Spolete, au nord de la ville de ce nom.

AMELIN. s. m. AMELINE. s. f. Noms propres, l’un d’homme, & l’autre de femme. Amelinus, Amelina. Pierre Amelin, Archevêque de Narbone, soumit beaucoup de places au Roi Louis VIII, après le siège d’Avignon. Ameline, Abesse de Chelles, femme fière, hardie, entêtée de ce qu’elle appeloit les priviléges de son Abbaye, se soumit enfin en 1208, à Eudes de Sully, Evêque de Paris.

AMÉLIORATION. s. f. ☞ Augmentation de la valeur & du prix d’une chose ; ce qu’on fait pour mettre un fonds de terre, une maison en meilleur état, & en augmenter le revenu. On le dit aussi des amandemens qu’on donne aux terres. Refectio, Instauratio, Reparatio. Cette terre a grand besoin d’amélioration. Les améliorations qu’on a faites à cette terre & au château, montent à des sommes considérables. Les amendemens ne sont autres choses qu’une amélioration de terre. Cette amélioration se peut faire avec toutes sortes de fumiers. La Quint.

Il y a trois sortes d’améliorations d’héritages, celles qui sont nécessaires, & sans lesquelles le bien dépériroit ; celles qui sont utiles, qui servent à augmenter la chose, & sans lesquelles elle ne laisseroit pas de subsister, celles qui ne sont que voluptueuses, & qui ne servent point à l’augmentation du revenu. On est obligé de payer les améliorations à un acheteur de bonne foi que l’on dépossède. On n’est pas obligé de tenir compte des améliorations voluptueuses, qui n’ajoutent que des agrémens extérieurs à la chose, sans en augmenter le prix, à celui qui les a faites sans pouvoir.

AMÉLIORER. v. a. Rendre une chose meilleure. Melius reddere, reficere, instaurare, reparare. Il se dit sur-tout en termes d’Agriculture, & d’Architecture, lorsqu’il s’agit d’un champ, ou d’une terre épuisés de sels pour avoir porté trop souvent, ou d’un bâtiment qui a besoin de réparations. On a amélioré tous les bâtimens de cette ferme. Les Abbés commendataires dégradent souvent les terres ; au lieu que les communautés les améliorent. Les cendres seroient d’un grand secours pour améliorer les terres, si on en avoit beaucoup. La Quint.

AMÉLIORÉ, ÉE. part. Refectus, reparatus, restauratus.

AMÉLIORISSEMENT. s. m. Reparatio, refectio, instauratio. Ce terme est affecté à l’ordre de Malte. Ailleurs on dit, Amélioration. Les Chevaliers sont obligés de faire des améliorissemens dans leurs commanderies, & de les justifier avant qu’ils puissent en opter une meilleure qui se présente.

AMELLUS. s. m. Plante que l’on trouve en abondance le long de la rivière de Mella, qui lui a donné son nom. Virgile la met au nombre des plantes agréables aux abeilles. Georg. 4.

AMELPODI. s. m. Nom de quatre différens arbres qui croissent dans les Indes. Voyez le Dict. de James.

AMELSFELD. Contrée, qui est dans la partie orientale de la Bosnie. Merulæ campus. Amel en Allemand, signifie Merle, & Feld veut dire champ ; ainsi Amelsfeld est la même chose que le Champ du Merle, Campo Merlino. On l’appelle aussi, Cassoropolye, & Cassoro, Campus Cassobus, ou Cassovius. Il est aux confins de la Servie, autour de la rivière de Sitniza.

AMEN. s. m. Terme d’Eglise, & indéclinable, qui sert de conclusion à toutes les prières qu’on y fait, & qui signifie, Ainsi soit-il, ou fiat. Il signifie aussi, Vraiment, ou fidèlement. Parmi les Juifs le peuple répondoit amen à la fin de chaque prière. Ils distinguoient quatre sortes d’amen. Celui qu’ils appeloient l’amen juste, devoit être accompagné d’attention, & de dévotion. Cette pieuse coutume a passé dans l’Eglise chrétienne. Il n’est pas vrai que le mot amen n’est qu’un composé des lettres initiales de ces paroles, Adonaï Melech Neemam, ou Dominus Rex fidelis, qui étoit une formule usitée en Judée, pour donner du poids, & faire ajouter foi aux promesses de Dieu. Il est vrai seulement, que pour exprimer par abréviation אדוני מלך נאמן, Adonaï Melech Neemam, les Rabbins ne prennent à leur ordinaire que la première lettre de chacun de ces trois mots, & que ces trois lettres jointes ensemble, sont les lettres du mot, אמן, amen. Il est vrai que les Auteurs cabalistes, par une de leurs manières de trouver les sens cachés, & qu’ils appellent Notaricon, laquelle consiste à prendre une lettre pour un mot entier, font de אמן, amen, אדוני מלך נאמן ; & qu’un de leurs Rabbins nommé Chanina, donne cette explication dans la Gemare, ou Glose du Traité Sanédrin ; mais il n’est pas vrai que ce soit là l’étymologie du mot amen, אמן, comme quelqu’un l’a prétendu. Ce mot étoit dans la langue hébraïque, & en usage avant que la cabale fût inventée, & qu’il y eût des cabalistes au monde, comme il paroît évidemment par le Deutéronome, Chap. XXVII, v. 15 & suivans. Sa véritable origine est le verbe אמן, aman, qui au passif נאמן, signifie, être vrai, fidèle, ferme, constant. De-là le nom אמן, qui signifie proprement vérité ; ensuite on en a fait une espèce d’adverbe affirmatif, qui quand il est mis après quelque chose, à la fin d’une phrase, ou proposition, signifie, Que cela soit ainsi ; que ce soit là la vérité : je le veux, je le souhaite, j’y consens. C’est ainsi qu’à l’endroit du Deutéronome que j’ai cité, Moyse ordonne que les Lévites disent à tout le peuple, Maudit soit l’homme qui fera une idole, ce qui est une chose abominable au Seigneur, un ouvrage de la main de l’homme ; & que tout le monde réponde amen ; c’est-à-dire, oui, qu’il soit maudit, nous le voulons, nous y consentons, ainsi soit-il. Mais quand il est au commencement d’une phrase, comme en plusieurs endroits du nouveau Testament, il signifie véritablement, certainement. Matth. V, 18, 26, &c. Amen dico vobis, c’est-à-dire, en vérité, certainement, je vous dis, ou comme traduit assez bien M. Simon, je vous assure. Quand il se double, ou qu’on le repète, qu’on le dit deux fois de fuite, comme a toujours fait S. Jean, il a la force de superlatif, selon le génie de la langue hébraïque & de ses filles, la syriaque, & la chaldaïque ; desorte que amen amen dico vobis, signifie très-certainement, je vous dis. Les Evangélistes ont conservé dans le grec le mot hébreu ἀμὴν, amen. S. Luc l’exprime néanmoins quelquefois par ἀληθῶς, véritablement, ou ναὶ, certainement ; comme on le peut voir en comparant Matth. XVI, 28 avec Luc. IX, 27. Matth. XXIV, 47 avec Luc XII, 44. Marc XII, 43 avec Luc XXI, 3. Matt. XXIII, 36 avec Luc XI, 51. Ce qui prouve l’explication que nous venons d’en donner. Il paroît encore par ce que nous venons de dire, que Rochefort se trompe, quand il dit qu’amen est un terme arabe, qui signifie, la fin de quelque chose ; & que c’est ce que les Latins ont exprimé par ces mots, Explicit, finis.

On voit les différentes significations du mot amen dans ces vers, rapportés par M. Du Cange.

Verum, verè, fiat, amen tria denotat ista,
Si verum nomen, adverbium sit tibi verè.
Amen, amen, verè duo sunt adverbia verè.
Amen pro, fiat, tibi verbum deficiens est.

Ce mot Amen a passé dans presque toutes les langues sans aucun changement, quand il veut dire, Ainsi soit-il. On le trouve dans les Liturgies, les versions de la Bible, & les prières de toutes les nations. Il n’en est pas de même quand il veut dire Certainement, en vérité. Les Abissins appellent Amen, le Sacrement de l’Eucharistie ; apparemment parce que, selon un ancien usage, dont nous trouvons des vestiges dans les Peres, lorsqu’on leur donne l’Eucharistie, ils répondent amen. En cette occasion, amen est employé pour affirmer que l’on croit qu’une chose est ainsi. Il est dit dans le Missel de Paris, que le communiant, après avoir entendu ces mots, Corpus Domini, doit répondre amen, pour marquer un acte de foi : & en ce sens, il signifie, cela est vrai, je crois que cela est ainsi. S. Ambroise l’a entendu dans ce sens. Les Mahométans disent aussi, amin, à la fin de leurs prières, de même qu’en témoignant le désir de voir arriver ce qu’ils souhaitent.

Quand on nous interrompt, quand on prévient ce que nous allions dire, ou qu’on nous fait une difficulté que nous allions prévenir, on dit, vous n’attendez pas jusqu’à amen ; ou bien, attendez jusqu’à amen, c’est à-dire, jusqu’à la fin, jusqu’au bout, & je vous satisferai, je dirai ce que vous demandez.

Amen, se dit pour une marque de consentement, d’acquiescement, d’approbation. M. de Turenne a bien envie de revenir, & de mettre l’armée dans les quartiers d’hiver ; tous les officiers disent amen. Mad. Sév.

On dit proverbialement, il dit amen à tout ; pour dire, il approuve tout. Tout cela n’est que du style familier.

AMENAGE. s. m. Terme populaire qui signifie tantôt l’action d’amener, & tantôt le salaire que l’on donne à celui qui a eu la peine d’amener. Advectio, Subvectio. L’amenage des marchandises ne se peut faire par charroi dans les pays de montagnes. J’ai tant payé pour l’amenage de chaque muid de vin par terre, & tant par bateau.

☞ AMENAGEMENT. s. m. Terme d’exploitation & de commerce de bois. C’est l’action de le débiter pour différens usages.

AMÉNAGER. v. a. Terme d’exploitation & de commerce de bois. Aménager un arbre, c’est le débiter soit en bois de charpente, soit en bois destinés à d’autres usages.

AMENCE. s. f. Vieux mot, qui veut dire, folie. Amentia. Il vient de ce mot latin.

AMENDABLE. adj. m. & f. Qui mérite d’être condamné à l’amende. Mulctandus. Cette Communauté est amendable. On dit aussi parmi les Artisans, qu’un ouvrage est amendable, quand on en peut corriger sa défectuosité. Il ne se fait point de confiscation des ouvrages amendables ; on ordonne seulement qu’ils seront amendés.

AMENDE. s. f. Peine pécuniaire imposée par les Juges, pour quelque crime, quelqu’infraction de la loi, ou mauvaise procédure. Mulcta. L’amende ordinaire du fol appel est de 12 livres : celle des appels comme d’abus & en plusieurs autres cas, est de 25 écus. Il faut consigner une amende de cent écus envers le Roi, & de 50 écus pour la partie, avant que d’obtenir une requête civile. Par l’ordonnance de 1667, une omission de compte par un comptable, emporte une amende ou peine du quadruple. Cela est défendu sous peine d’amende. L’amende du fol appel est l’amende à laquelle est condamné l’appelant, quand la sentence dont est appel est confirmée. Celui qui est simplement condamné à une amende pécuniaire, n’encourt point infamie. Les amendes imposées au criminel, pour tenir lieu de dédommagement à la partie civile, sont appelées des réparations civiles. Une amende pécuniaire est payable par corps. Entre les droits seigneuriaux il y a des cens emportant profit, saisines, & amendes. Il y a des receveurs des amendes. Ce mot vient du latin emendatio.

Dans tous les temps, & chez toutes les nations, l’amende a été une peine que l’on a mise en usage. Chez les Cyréniens, les Juges prononçoient des amendes, & déclaroient infâmes ceux qui y étoient condamnés. Les Grecs obligeoient les parties à déposer une somme dans le Prytanée, afin que celui qui seroit condamné, perdît la somme déposée. Les Romains observoient la même chose, & la consignation se faisoit entre les mains des Pontifes. Les Empereurs Gratien, Valentinien & Théodose, introduisirent les amendes contre les folles appellations. En France nos Rois ont fait publier dans tous les temps des ordonnances sur les amendes. L’amende pour récusations déclarées inadmissibles est de deux cens livres aux Cours supérieures : de cent livres aux Requêtes de l’Hôtel & du Palais ; de cinquante livres aux Présidiaux, Bailliages & Sénéchaussées, & de trente-cinq livres aux Châtellenies, Prévôtés, Vicomtés royales, Elections & Justices des seigneurs, tant duchés-pairies, qu’autres qui ressortissent nuement aux Cours supérieures. Dans les appellations comme d’abus, celui qui est condamné, paye une amende de soixante & quinze livres envers le Roi, & de la moitié envers la partie. Il n’y a que les magistrats qui puissent condamner à l’amende. Les Juges Ecclésiastiques ne peuvent condamner à l’amende, sans prononcer qu’elle sera employée à quelque œuvre pie. On ne remet point l’amende à cause de la pauvreté, mais on accorde une surséance.

On appelle Amende-honorable, une peine afflictive qui emporte note d’infamie, quand on est condamné d’aller nu en chemise, la torche au poing, & la corde au cou, devant une église, ou dans un auditoire, demander pardon à Dieu, au Roi & à Justice, de quelque méchante action. Mulcta honoraria. On dit au Palais, que cette amende est faite cum figuris. Les Romains ont compris quelquefois le bannissement sous le nom d’amende. Mais ils n’ont point connu ce genre de peine que nous appelons Amende-honorable.

☞ L’Amende-honorable, qu’on appelle Sèche, moindre que la précédente, n’en differe qu’en ce que le coupable est conduit par le Géolier, & qu’il n’a pas la corde au cou.

On appelle encore plus particulièrement, faire amende-honorable à quelqu’un, quand on est condamné à venir en Justice, ou en présence des personnes choisies par la personne offensée, désavouer les injures qu’on lui a dites, ou les mauvais traitemens qu’on lui a faits, lui en demander pardon, & lui en donner acte.

Amendes coutumières, sont celles qui sont taxées par la loi & par la coutume du pays. Elles sont différentes des amendes arbitraires, qui se taxent par le Juge. L’amende simple, ou de gage, est de sept sous six deniers dans les coutumes. La grosse amende est de 60 sous. L’amende de tôt entrée, est celle qui est dûe au seigneur, en quelques lieux, par celui qui s’est mis en possession d’un héritage, sans en être vêtu ou ensaisiné par le seigneur.

On dit proverbialement, c’est la coutume de Loris, où le battu paie l’amende, lorsqu’on blâme, ou que l’on condamne celui qui a raison. Voyez l’origine de ce proverbe à Coutume. On dit ironiquement à un homme qui ne sait que faire, va-t-en battre le prévôt tu gagneras double amende.

Ce mot, selon quelques-uns, vient d’emendare, parce que l’amende est une peine qui corrige le coupable : selon d’autres on a appelé l’amende de ce nom, parce que par elle le coupable expie & efface sa faute. Reus extra mendum, id est, extra culpam ponitur.

AMENDEMENT. s. m. Changement par lequel on devient meilleur, tant à l’égard de l’ame que du corps. Emendatio, Correctio. Dieu veut l’amendement du pécheur, & non pas sa perte. Ce malade est toujours de même, il n’y a point d’amendement.

Ce mot, dans l’article 184 de la coutume de Paris, signifie correction & réformation : ainsi, quand il est dit dans l’art. 184 de cette coutume, sans qu’on puisse demander l’amendement, il faut entendre que l’une des parties ne peut demander qu’il soit jugé autrement que sur le rapport, ou qu’il soit corrigé & réformé. Elle peut cependant demander qu’il soit procédé à un autre rapport, ce que les Juges accordent souvent ; mais en ce cas, Coquille, Quest. 300, tient qu’il doit être fait aux frais de la partie requérante, sauf à les répéter en définitif.

Amendement, signifie aussi, engrais, qu’on met sur des terres, comme marne, fumier, cendres, &c. Stercoratio. L’amendement est un secours qu’on donne aux terres usées, pour les obliger de produire quelque chose de plus beau en prenant une nouvelle substance, & de nouveaux sels ; & cet amendement est ce que nous appelons fumier, de quelque nature qu’il puisse être. Ces terres sont si maigres, qu’elles ont grand besoin d’amendement. Le seul bon endroit à mettre les amendemens est vers la superficie. Le fumier le plus mal placé pour les tranchées, est celui qui se met dans le fond. La Quint.

AMENDER. v. a. Terme de Palais. Condamner à l’amende. Mulctâ afficere. La Cour prononce souvent, débouté de son appel, & l’amendera, c’est-à-dire, il payera l’amende du fol appel, qui est de 75 livres.

Amender. Corriger, rendre meilleur. Emendare, Corrigere. Il n’y a que Dieu qui puisse nous amender. On dit aussi, amender une besogne ; pour dire, en corriger les défauts. On dit encore, il n’amendera pas son marché à plaider ; pour dire, qu’il ne le rendra pas meilleur par son opiniâtreté.

Amender, se dit particulièrement des terres, & signifie, les engraisser, les améliorer en y mettant du fumier, de la marne, & autres amendemens. Stercorare. Toutes sortes de fumiers pourris, de quelque animal que ce soit, sont bons pour amender les terres employées en plantes potagères. Celui du mouton a plus de sel que tous les autres, ainsi il n’en faut pas mettre en si grande quantité. Il en est à peu près de même de celui de poules & de pigeons ; mais je ne conseille guère d’en employer, à cause des pucerons dont ils sont toujours pleins. La Quint.

Ce mot vient du latin emendare. Nicod. La Quintinie & Liger écrivent amender & amendement par un a. C’est une faute ; il vient d’emendare.

Amender. v. n. Devenir en meilleur état, se mieux porter. Ce malade n’a point amendé malgré tous les remèdes. Convalescere, recreari ex morbo.

Amender, v. n. signifie aussi, diminuer de prix. Le blé amende quand l’argent n’est pas commun, toutes les marchandises amendent. En ce sens ramender est plus en usage.

Amender. Terme de Coutume, signifie aussi, profiter, tirer quelque avantage de quelque chose. Emolumentum consequi. Cet héritier n’a rien amendé de cette succession, il y avoit trop de dettes.

Amender, est aussi réciproque, & signifie, se corriger, se rendre meilleur. Corrigi, emendari. Les Juifs furent exhortés à s’amender pour se rendre dignes du royaume des cieux. Je ne sens qu’une très-foible résolution de m’amender. God.

On dit proverbialement, mal vit qui ne s’amende ; pour dire, que c’est faire un mauvais usage de la vie de ne se point corriger. Jamais cheval, ni mauvais homme, n’amenda pour aller à Rome ; ou bien, bon cheval & méchant homme, n’amende point pour aller à Rome.

AMENDÉ, ÉE. part.

AMENDOLARA. Nom de lieu. Amygdalia. C’est le nom moderne d’une Ancienne ville de Calabre, nommée autrefois Peripolium. C’étoit une ville des Locres, appelés Epizéphyriens. Quelques-uns prétendent que ce fut la patrie de Praxitèle, fameux statuaire du temps de Pompée, & premier inventeur des miroirs d’argent, que d’autres prétendent avoir été de Péripolis, aujourd’hui Pagiapoli.

AMENE. adj. m. & f. Vieux mot. Agréable. Amœnus. Cl. Marot.

AMENER. v. a. Mener, faire venir à l’endroit où l’on est. Adducere, deducere. Les Ambassadeurs ont été amenés, & conduits à l’audience du Roi. Xerxès amena en Grèce un million d’hommes. On a amené du secours. Les marchands amenent du blé, des bestiaux aux marchés. Il a amené sa marchandise par terre, par bateau, par mulets, par charroi. Il faudra amener du canon pour se rendre maître de ce château. Advehere. Il a amené son Avocat à l’audience.

☞ On dit proverbialement, quel bon vent, quel sujet vous amene ; pour dire, vous fait venir ici ? Et on dit, par indignation, qui m’a amené cet étourdi, cet impertinent ?

Amener, signifie quelquefois simplement tirer à soi. Amener un bateau à bord, le faire venir. Les Forçats amenent les rames à eux.

☞ Quelquefois il signifie entraîner, mener par force. Trahere. Un sergent amene un prisonnier pieds & poings liés.

Voilà donc le triomphe où j’étois amenée,
Moi-même à votre char je me suis enchaînée.

Racine.

Amener, se dit dans un sens figuré, en parlant des inventions nouvelles, des modes, des usages, pour introduire, mettre en vogue. Ce sont les coquettes & les petits maîtres qui amenent les modes. Ce Médecin amena l’usage du quinquina. Les Italiens ont amené en France l’usure, la maltôte. Inducere, adducere.

Amener, se dit dans le même sens, pour porter, déterminer quelqu’un à faire, ou à croire quelque chose. Adducere aliquem ut agat, credat. Je l’ai amené où je voulois. Pour amener les autres à votre sentiment, il faut les ménager avec une souplesse étudiée, dont on ne sente point l’artifice. Bell.

☞ En matière de Littérature, principalement en parlant des pièces dramatiques, on dit qu’un épisode, qu’un incident est bien amené ; pour dire, qu’il est ménagé, préparé avec art, & placé à propos. Un épisode produit un agréable effet dans la Tragédie, quand il est bien amené, & qu’il y a quelque chose qui précede, & qui y prépare l’esprit. Cette reconnoissance est bien amenée.

☞ En matière de contestation, on dit qu’une preuve est amenée de loin ; pour dire, qu’elle n’est pas naturelle, qu’elle n’a pas de rapport, de liaison avec l’objet de la contestation. Alienus.

Amener, se dit aussi des choses qui se suivent les unes les autres ordinairement, ou même des causes naturelles. L’aurore amene le soleil. Ce vent nous amenera de la pluie, du beau temps, la peste. La prise de cette place nous amenera la paix. ☞ Un malheur en amene un autre.

Mais enfin, l’indigence amenant la bassesse,
Le Parnasse oublia sa première noblesse. Boil.

Amener, se dit aussi dans les jeux de hasard, des dés, ou des cartes. Ces dés sont pipés, ils amenent toujours gros jeu. Amener rafle, amener chance. Lorsqu’en jetant les dés, il vient gros jeu, rafle, chance. Je n’avois qu’un coup contre moi, je l’ai amené. Il a amené sa carte la première, il a fait un vilain coupe gorge.

Amener, en termes de Marine, signifie, abaisser les voiles & les pavillons : & en ce sens il vient d’amena, qui est un mot bas-breton, signifiant la même chose, & se dit quand le plus fort oblige le plus foible de venir à lui, d’approcher de son bord pour le reconnoître, le visiter, & même le prendre, le confisquer, s’il y a lieu. Accedere. On dit aussi, amener les voiles, ou mettre bas ; pour dire, les baisser : c’est un signe de soumission, ou qu’on se rend. Amener ses huniers ou ses perroquets, c’est abaisser ces sortes de voiles. Sur la Méditerranée on dit Mayner. On dit aussi, amener une terre, un vaisseau ; pour dire, s’en approcher, ou se trouver vis-à-vis. Accedere.

☞ AMENÉ, ÉE. part. Il a les significations de son verbe. En termes de Marine, lorsqu’un hunier n’est pas aussi hissé qu’il pourroit l’être, on dit qu’il est amené.

Amené, est aussi quelquefois substantif : & on dit en termes de Juridiction Ecclésiastique, un amené sans scandale ; pour dire, un ordre d’amener un homme devant le Juge, sans bruit, sans lui faire affront. On a défendu les amenés sans scandale.

☞ AMÉNITÉ. s. f. Agrément. Amœnitas. Il se dit particulièrement d’un lieu, d’une situation agréable, d’un air doux & tempéré. L’aménité d’un lieu. L’aménité de l’air. Acad. Fr. Il est aussi très-usité parlant du style. Hérodote, dont les écrits ont paru aux yeux des anciens si remplis d’élégance & d’aménités. M. Charpentier. On l’emploie aussi figurément. Il y a de l’aménité. Il n’a nulle aménité dans l’humeur. Acad. Fr. Il porta à la Cour toute l’aménité & délicatesse de son esprit. Huet, en parlant de M. Patrix. Ce mot se trouve dans Montaigne. Edit. de Rouen 1641, p. 788 ; & dans Ch. Est. Dict.

AMENRIR. v. a. Vieux terme de Coutume, qui veut dire, diminuer, estropier. On dit aujourd’hui amoindrir pour amenrir, qu’on disoit autrefois. Minuere, imminuere, truncare, decurtare. On disoit aussi amenrissement pour diminution.

AMENTHÈS. s. m. C’étoit chez les Egyptiens, la même chose qu’Adès chez les Grecs, c’est-à-dire, un lieu souterrain, ou dans le centre de la terre, où toutes les âmes se rendoient. Il signifie, celui qui reçoit & qui donne, parce qu’on supposoit que ce goufre qui recevoit les ames, les rendoit de même, & qu’au sortir de-là, elles alloient habiter de nouveaux corps.

AMENUISEMENT. s. m. Ce mot se trouve dans Pomey, & dans Pasquier, & signifie l’action d’amenuiser. Extenuatio. Il n’est pas fort en usage. Mais il est nécessaire & ne peut être remplacé.

AMENUISER. v. a. Rendre plus menu. Tenuare, extenuare, minuere. ☞ On le dit généralement de toutes les parties d’un corps qu’on diminue de volume. Amenuiser une planche, lui ôter son épaisseur. Allégir a une signification plus étendue. Il se dit des grosses pièces comme des petites : amenuiser ne se dit que de ces dernières. On n’amenuise pas un arbre, on l’allégit. On allégit un corps considérable, en le diminuant sur toutes les faces ; on l’amenuise en le diminuant davantage par une seule face.

AMENUISÉ, ÉE. part. Tenuatus, extenuatus.

AMER, ÈRE. adj. L’r se prononce. Qui a une saveur très-rude & désagréable à la langue, tel que le fiel des animaux, l’aloès, l’absinthe. Amarus, acerbus.

☞ C’est la seconde des sept faveurs primitives. Un corps amer est composé de molécules irrégulières, couvertes d’inégalités & mal cuites. On dit avoir la bouche amère ; pour dire, sentir un goût amer à la bouche. Le mot amer vient du latin amarus, qui est dérivé de l’hébreu מרר, marar, être amer, & מרה, mara, amer, amertume.

Amer, se dit figurément en Morale, pour marquer la qualité des choses, & désigne une impression vive, forte, désagréable. Une douleur amère, c’est-à-dire, vive & profonde. Des larmes amères, qu’une telle douleur fait couler. Plaintes amères, reproches amers, raillerie amère. Plaintes aigres, reproches durs, raillerie piquante.

☞ On le dit dans le même sens pour douloureux. Il est bien amer à un pere de voir ses enfans révoltés contre lui.

Amer. s. m. L’amer & le doux sont des qualités contraires.

On dit, prendre les amers ; pour dire, prendre des bouillons faits d’herbes amères. Acad. Fr. ☞ Les amers augmentent le ressort des fibres relâchées des organes de la digestion, corrigent le sang & les humeurs.

Amer, signifie aussi le fiel des animaux. Fel. L’amer de bœuf est propre à ôter les taches des habits. On ne sauroit manger de cette carpe, on en a crevé l’amer.

AMERADE. s. m. Ameras, adis. C’est un terme de dignité, & le nom d’un Officier chez les Sarrazins. Les Amerades étoient ce que sont en Europe les Gouverneurs de province. Ce mot est la même chose qu’Emir, & vient du même verbe אמר amar, dire, commander.

AMÈREMENT. adv. D’une manière amère, il ne se dit qu’au figuré pour douloureusement. Acerbè. Saint Pierre pleura amèrement sa faute. Alexandre voyant le corps de Darius, pleura amèrement. Vaug.

☞ AMERGO, ou MERCO. Ville d’Afrique, en Barbarie, au Royaume de Fez, dans la province de Habat, à trois lieues de Beni-Tudi. Elle étoit autrefois considérable. Ce n’est plus qu’une grande habitation, peuplée de Tisserans.

AMÉRICAIN, AINE. adj. & s. Habitant de l’Amérique, qui est d’Amérique, qui appartient à l’Amérique. Grotius & Hornius ont fait des livres de l’origine des nations Américaines, dans lesquels ils montrent que les Américains sont des habitans de l’ancien monde, qui ont pénétré jusque-là, ou par mer, ou peut-être par terre. Grotius croit que les Américains du nord sont venus de Norwége par le Groënland ; que ceux du Jucatan sont des Ethiopiens ; que ceux du Pérou sont partis de l’Inde & de la Chine ; que ceux qui sont au midi jusqu’au détroit de Magellan, y sont passés de l’Orient par les terres Australes. Outre cela si de la Norwége on a pu passer dans le nord de l’Amérique on l’a pu aussi de la Tartarie ; & il y a d’autant plus d’apparence à cela, que l’on assure que la langue des Américains du nord a beaucoup de rapport à la langue tartare. Hornbeck, qui examine la même matière dans sa VIII & sa IX Dissertation de la conservation des Indiens & des Gentils, dit, que l’on trouve des preuves manifestes que les peuples du Mexique, du Pérou & du Brésil, sont originairement Scythes & Tartares. Pour les îles de l’Amérique, il ne doute point que la plûpart n’aient été peuplées par les Phéniciens & les Cartaginois. Il ne doute pas non plus, que dans le temps que les Saxons envahirent & ravagerent la grande Bretagne, & que les Sarrasins s’emparerent de l’Espagne, plusieurs Bretons & Espagnols fuyans les cruautés de leurs vainqueurs, ne se soient jetés chacun de leur côté dans l’Amérique. Enfin, il est très-croyable que l’aventure d’Alonso Sanchez est arrivée à plusieurs autres, & que bien des navires, ou Européens, ou Africains, ont été jetés par la tempête, ou emportés par les courans sur les côtes d’Amérique, & n’en sont pas revenus comme lui. Voy. le P. de Acosta, Jésuite, Liv. I de l’Histoire des Indes, chap. 16 & suiv. Il croit que les Américains sont venus là par terre. Voy. encore le P. Alfonse d’Ouaglie, Hist. du Chili, Liv. III, chap. i. Maffée, dans le II Livre de son Histoire des Indes, décrit assez au long l’Amérique. Il y a plusieurs histoires de l’Amérique, dont voici les principales. Antonio de Remosal, Hist. gener. de las Indias Occid. Juan de Torquemada, Monarch. Indiar. Herréra, Nov. Orb. sive Descr. Ind. Occid. & Histor. de las Indias Occidentales Décades IV. elle a été traduite par N. de la Coste, & imprimée à Paris en 1660. Bernard de Vergas, Descript. de las Indias. Cerolamo Benzoni, Hist. del mundo Nuovo. Jean de Léri, Hist. de l’Amérique. Joseth. Acosta, Hist. nat. 7, moral. de las Indias, & de natura novi orbis. Petr. Martyr. Anglerius, de Orbe Novo Decades VIII. Joan. de Laët, Novus orbis, seu descriptio Indiæ Occid. Liv. XVIII, qui ont été traduits en François, & imprimés à la Haie en 1633, fol. Cons. Ferd. de Oviédo, Histor. de las Indias. Corn. Witfliet, Descriptionis Ptolemaïcæ augmentum. Cadamastro, Les Navigations d’Améric Vespuce. Calvéton, Nova Novi orbis Histor. Gaspao Eus, Hist. Ind. Occid. Franc. Lopez, La Historia general. de las Indias, à Anvers 1554, & traduite en François par Martin Fumée, à Paris 1584, Guill. Copier, Hist. du Voyage des Ind. Occident. Joan. Bisselius, Argonauticorum, Liv. VIII, à Dantzic 1698. Il y a des remarques de Laët sur la Dissert. de Grotius, De Orig. Gent. American. & un Traité du Jurisconsulte Jean de Solorzano, De Indiarum Jure.

AMÉRIQUE. s. f. America. Nom de la quatrième partie du monde, découverte en 1492, par Christophe Colomb, Génois, & puis en 1497, par Améric Vespuce, de qui on lui a donné le nom d’Amérique. On l’appelle en général les Indes Occidentales. Indiæ Occidentales, par opposition aux vraies Indes, qui sont à l’orient de l’Europe. On l’appelle encore le Nouveau Monde, Novus orbis. Quelques Auteurs ôtent à Colomb, ou Colonne, la gloire de la première découverte du nouveau Monde. Ils disent qu’un pilote Espagnol, nommé Alfonse Sanchez de Huelva, ou Aldrete, ou Gracias Vega, en trafiquant sur les côtes d’Afrique, fut jeté par la tempête sur ces terres inconnues ; qu’ayant retrouvé sa route, il toucha à Madère, & logea chez Colomb qui y demeuroit ; qu’il lui raconta son aventure, & qu’étant mort quelque temps après, il lui laissa en mourant les mémoires qu’il avoit dressés sur cela, dont Colomb, habile d’ailleurs en Géographie & en Astronomie, profita, & sur lesquels il entreprit d’aller chercher ces terres jusqu’alors inconnues.

Jean III, Roi de Portugal, & Ferdinand le Catholique, eurent un grand différent sur la découverte de l’Amérique. Le Pape Alexandre VI le termina par une bulle que Bzovius rapporte dans ses Annales à l’an de Jésus-Christ 1493, par laquelle le Pape supposant une ligne tirée du septentrion au midi, qui partage le nouveau Monde en deux, il assigne la partie orientale à Jean, & la partie occidentale à Ferdinand.

L’Amérique consiste en deux grandes presqu’îles qui se joignent à Panama par une isthme, qui n’a que 17 lieues de large, & s’étendent du Cercle Arctique jusqu’au Cercle Antarctique. Il n’est pas sûr néanmoins que l’Amérique du côté du nord ne soit point jointe aux terres boréales ; on n’en a jamais fait le tour. Il n’est pas certain non plus, que l’Amérique n’ait point été connue des Anciens. Bien des gens prétendent que c’est l’Atlantique dont Platon parle dans son Timée. Crantor, premier interprète de Platon, Origène, Porphyre, Proclus, favorisent ce sentiment, & Marcile Ficin le soutient. On peut voir encore Diodore de Sicile, Liv. V. Pline, Liv. II, chap. 92. Arnob. Liv. I. Contr. Gent. Gorop. Bécan. Orig. Antuerp. Turneb. Adv. Liv. XX, ch. 11. Pamélius, sur les endroits de Tertullien que j’ai cités ; Vossius, de Scient. Mathem. ch. 42, la première des excercitations académiques de Wirsius, dans laquelle il entreprend de prouver, non-seulement que l’Amérique est l’Atlantique de Platon, & qu’elle a été très-connue des Grecs & des Romains ; mais même que quelqu’un, ou quelques-uns des Apôtres y ont prêché l’Evangile. Sa raison est, que non-seulement il étoit prédit que Jésus-Christ seroit annoncé à toutes les nations de la terre, mais que Jésus-Christ lui-même l’avoit ordonné à ses Apôtres ; qu’il étoit prédit de plus, que cela seroit accompli avant la destruction de Jérusalem ; que l’Amérique étoit dès-lors peuplée, & que les Américains n’étoient point exclus de la grâce du salut ; qu’ainsi cela a dû s’accomplir : qu’au reste les Apôtres ont pu passer en Amérique ; que les Grecs & les Romains y ont eu commerce ; que les Phéniciens ont eu l’usage de la boussole ; que quand ils ne l’auroient point eu, on a navigé sans cela ; que les Apôtres ont pu y passer par terre ; qu’enfin quoiqu’il en soit, s’ils n’ont pas trouvé de chemin, Dieu a bien su leur en faire ; & qu’au reste Hormius a remarqué que S. Thomas avoit prêché aux Brasiliens, ou du moins que ces peuples le connoissoient. Mais il est bon de remarquer que ce que Jésus-Christ dit à ses Apôtres, il le dit souvent dans leurs personnes à leurs successeurs. Ainsi tous les endroits où il leur ordonne d’aller prêcher l’Evangile à toutes les nations, à toute créature, jusqu’aux extrémités de la terre, &c. ne les regardent pas seuls, mais encore leurs successeurs. Et pour ce que dit Saint Marc, XIII, 10, qu’avant la destruction de Jérusalem l’Evangile doit être prêché à toutes les nations, c’est, ou du moins ce peut être une de ces expressions universelles de l’Ecriture, que les Interprètes conviennent qu’il ne faut pas prendre dans toute leur étendue. Quant à la remarque d’Hornius sur saint Thomas, voici le fait : Les Brasiliens disent qu’un saint homme est venu les enseigner, & ils l’appellent Meyr humane. Sur cela Hornius, dans son IIIe livre de l’origine des Américains, ch. 19, ne doute nullement que ce ne soit S. Thomas. Car en langue brasilienne Meyr signifie un Etranger, un homme venu d’ailleurs, & Human, dit-il, est manifestement le nom même de saint Thomas corrompu par ces Barbares, ou plutôt dont ils n’ont retranché que le T ; car pour la terminaison, chaque langue a la sienne : & comme les Grecs ont dit Ajas, les Latins Ajax, les Brasiliens ont pu dans leur langue changer la terminaison as du nom Thomas en ane. Mais quand cette conjecture seroit aussi évidente qu’elle est heureuse, les Brasiliens ont pu être des Indiens, ou, comme dit Hornius lui-même, des Tartares, qui sont venus habiter le Brésil, ou qui y ont été jetés, & y ont porté la connoissance de S. Thomas, qui avoit prêché chez eux, ou chez leurs peres. Ainsi le sentiment de Wirsius, qui a été aussi celui de Lirius & de Mœbius, dans son Traité De oraculorum origine, n’est pas si certain qu’il le prétend.

l’Amérique méridionale, America meridionalis, est celle des deux péninsules qui est au midi, & s’étend depuis Panama jusqu’au détroit de Magellan. L’autre qui est au nord, s’appelle l’Amérique septentrionale. America septentrionalis. On appelle aussi la première l’Amérique Péruviane, Peruana, du Pérou, qui en est une des plus considérables parties ; & la seconde est l’Amérique Mexicane, à cause du Méxique qu’elle renferme. America Mexicana.

AMERMÉ, ÉE. adj. Vieux mot, qui signifie empiré, diminué, amoindri. Voyez les Assises de Jérusalem. On disoit aussi amermer, diminuer.

AMERSFORD. Ville de la province d’Utrecht, l’une des Provinces-Unies. Amersfordia. Elle est sur la rivière d’Ems, peu loin du Zuyderzée. L’Amersforderberg, ou la montagne d’Amersford, sont des dunes ou un amas de sable, qui s’étend depuis Amersford jusqu’à une lieue d’Utrecht.

AMERSHAM. Bourg du comté de Buckingam, ou aux confins de celui de Hartford : Amershamum. On le nomme aussi Agmundesham, Agmundesanum.

AMERTUME. s. f. Espèce de saveur piquante & désagréable, comme celle du fiel & de l’absinthe. Amaritudo, Amarities, Amaror. On sucre la pilule, afin qu’on n’en sente point l’amertume. L’amertume est opposée à la douceur.

Amertume, se dit figurément en Morale, & signifie, douleur, déplaisir, chagrin. Animi dolor, acerbitas. Il y a toujours quelque amertume dans les plaisirs. Dans les fortunes les plus élevées, on trouve beaucoup d’amertume. Dieu la soutint également & dans les douceurs, & dans les amertumes de la vie. Flech. Dieu nous détache des trompeuses douceurs du monde, par les salutaires amertumes qu’il y mêle. Une Eglise autrefois si florissante, mais maintenant plongée dans l’amertume, & accablée sous l’oppression de ses ennemis. Bourdal. Exh. T. I. p. 191. Ce ne sera jamais qu’en buvant les salutaires amertumes dans le calice de votre passion,