Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 1/131-140

Fascicules du tome 1
pages 121 à 130

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 1, pages 131 à 140

pages 141 à 150


reste, quoique tous les Æons fussent différens de Dieu en grandeur, ils étoient de la même nature, & de la substance même de Dieu. Simon le magicien est le premier inventeur des Æons ; Valentin les perfectionna, & en reconnut jusqu’à 30. S. Irénée, L. I. des Hérés. & L. II. C. 4. Tertullien, dans son Traité contre les Valentiniens, & S. Epiphane, dans l’Hérésie 31, sont parmi les Anciens, ceux qui ont le plus expliqué la doctrine des Æons. Théodoret & Philastrius en ont aussi parlé. Et parmi les Modernes, Baronius à l’an de Jesus-Christ 145 & 175. le P. Alexandre, M. de Tillemont & M. Fleury, Hist. Eccl. & M. Du Pin, Biblioth. des Auteurs Eccl. II. Part. Des 3. premiers siècles. Les Centuriateurs en ont aussi dit quelque chose. Cent. II. C. 5.

Æon. C’est la première femme du monde, dans le système des Phéniciens. Elle apprit à ses enfans à faire usage du fruit des arbres pour leur nourriture, dit Sanchoniathon. Voyez Éon.

ÆQ.

ÆQUATEUR. Voyez Équateur.

ÆQUIPOLLENCE, ÆQUIPOLLANT, ÆQUIPOLLER. Voyez Équipollence, &c.

ÆQUIVOQUE. Voyez Équivoque.

AER.

AËRER. v. a. Donner de l’air, chasser le mauvais air. ἀερείν, purgare. Il signifie aussi mettre un bâtiment, une maison en bel air. Aperto, Liberiori cœlo exponere, supponere. Aërer la chambre d’un malade. Il a fait percer sa galerie des deux côtés pour l’aërer davantage. Dans la troisième acception il est de peu d’usage, & en sa place, on dit, mettre en bel air. Ce mot vient d’aër.

AËRÉ, ÉE. adj. Qui est bien exposé à l’air dans une plaine, ou sur une élévation. Liberiori cœlo expositus, suppositus. Une maison bien aérée est fort saine. Le Château neuf de S. Germain est bien aëré. Il ne se dit qu’en parlant de la situation d’une maison.

AËRIE. Nom de l’île de Crète. Voyez Créte.

AËRIEN, ENNE. adj. Qui est fait d’air, ou qui se résout en air. Aërius, Aëreus. Dans la dissolution des corps, les parties aëriennes s’élevent en l’air. Les atômes aëriens montent les premiers dans un alembic. On dit que les bons ou mauvais Anges qui paroissent, prennent des corps aëriens. Les Esséniens, la secte la plus parfaite des Juifs, pensoient que les ames étoient d’une matière aërienne. Arn. Porphyre & Jamblique ont admis des démons, des esprits aëriens, auxquels ils ont donné divers noms. Les Peintres appellent une perspective aërienne, celle qui fait paroître les corps diminués à proportion de leur éloignement, ou distance de la terre, ou du plan géométral qui représente la terre.

AËRIENS. Nom de Sectaires, qui tirent leur origine d’un certain Aërius, lequel vivoit encore au temps de S. Epiphane, & qui avoit sur le mystère de la Trinité les mêmes sentimens que les Ariens. Il avoit outre cela plusieurs opinions particulières qui sont rapportées fort au long par ce S. Evêque, hœrs. 75. & entr’autres celle-ci : qu’il n’y avoit aucune différence entre les Evêques & les Prêtres ; que la prêtrise & l’épiscopat étoient absolument le même Ordre & la même dignité. L’Evêque, disoit-il, impose les mains, le Prêtre les impose aussi : l’Evêque est assis dans le trône, le Prêtre y est aussi assis : S. Epiphane se déclare en ce lieu-là fortement pour la supériorité des Evêques, & il répond en particulier à toutes les raisons d’Aërius, qui s’appuyoit principalement sur quelques passages de S. Paul, & entr’autres sur celui de l’Ep. I à Tim. C. 4. v. 14. où ce S. Apôtre lui recommande de ne point négliger le don qu’il a reçu, lorsque l’assemblée des Prêtres lui a imposé les mains. Il n’est parlé en cet endroit, disoit Aërius, que des Prêtres seulement, & nullement des Evêques. Mais il est aisé de voir que le mot de Prêtres dans S. Paul, signifie également les Evêques ; ensorte que Presbyterium, qui est dans le grec & dans le latin de la vulgate, se prend pour le sénat ou l’assemblée de ceux qui présidoient aux églises. S. Paul avoit ordonné Thimothée, étant accompagné des Prêtres ou Evêques, qui se trouvoient présens à l’ordination. Voy. le mot Anciens. Il faut prononcer dans le mot Aëriens le premier ë séparé de l’a, Aëriens en quatre syllabes, & non pas Æriens, ainsi qu’écrivent quelques auteurs, comme si ce n’étoient que trois syllabes. La raison qu’Aërius eut de se séparer de l’Eglise, fut le chagrin qu’il eut de ce qu’en 349 ou 355, selon un autre sentiment, Eustathe lui fut préféré pour l’Évêché de Sébaste en Arménie. Voyez S. Epiph. her. 75. S. Aug. hér. 53. Onuphrius Chron. A.C. 349. Sander. hér. 69. Tillemont, Histoire Ecclésiastique, T. IX.

AËRIENNES. s. f. & adj. pl. Sorte de guêpes. Les guêpes aëriennes sont la plus petite espèce de toutes celles qui vivent en société. Elles attachent communément leurs nids soit à une branche d’arbre, soit à une paille de chaume qui est encore debout sur terre, soit à une plante ; quelquefois leurs nids sont attachés contre des murs & dans des buissons. La pâture qu’elles apportent à leurs petits, paroît à la vue & au goût, être des entrailles d’insectes.

AËRIER, ou AIRIER. v. a. C’est purifier l’air de quelque lieu, en y brûlant des senteurs pour en rendre l’air plus pur. Infectam auram purgare. Aërier une maison. Ce mot ne se dit que très-rarement, & en sa place, on se sert d’un tour qui signifie la même chose.

AËROGRAPHIE. s. f. Description de l’air, traité de l’étendue de l’air. Aërographia. Il y a dans Caramuel une Aërographie.

Ce mot vient d’ἀὴρ, air, & de γραφω, j’écris, je décris.

☞ AËROLOGIE. s. f Traité sur l’air, ses propriétés, ses bonnes ou ses mauvaises qualités. Aërologia.

AËROMANCIE. s. f. Ce mot vient du Grec ἀὴρ, air, & μαντεία, divination. C’est l’art de deviner par le moyen de l’air. Il y a plusieurs sortes d’aëromancies, dont Bodin ne traite point dans le livre des Sorciers. L’aëromancie est une science vaine. Les Païens s’attachoient à l’aëromancie ; mais les Chrétiens la rejettent comme fausse & superstitieuse. C’étoit une des sept espèces de divination en usage chez les Perses.

☞ AËROMÈTRE. s. m. Aerometrum. C’est ainsi qu’on appelle un instrument dont on se sert pour connoître la condensation, ou la raréfaction de l’air. Du grec ἀὴρ air, & μέτρον, mesure.

AËROMÉTRIE. s. f. Aerometria. C’est l’art de mesurer l’air, ses forces, ses propriétés. Chrétien Wolfius, professeur de Mathématiques en l’Université de Hall de Magdebourg, a donné un Traité d’Aërometrie, intitulé, Aerometria Elementa, à Leipzic, 1709.

ÆROPE. s. f. Femme d’Atrée. Voyez Érope.

AËROPHOBE. s. m. & f. Qui craint l’air. De ἀὴρ, air, & de φόβος, crainte. Cœlius Aurelianus dit qu’il y a des phrénétiques que le grand jour effraie, & d’autres qui craignent l’obscurité.

☞ AÉROPHOBIE. s. f. Nom de la maladie phrénétique de ceux qui craignent l’air.

ÆRRA, ou ÉRACCA. Ville de l’Estramadure Portugaise. Ærraca, Eracca. Elle est sur la rivière de Zaras, entre Montargil & Coruche.

ÆRUGINEUX, EUSE. adj. Qui tient de la rouille, qui ressemble à la rouille de l’airain, Æruginosus. Il y a une bile verte qu’on peut appeler ærugineuse & porracée. Mém. de Tr. Ce mot vient du Latin æruginosus, qui vient de ærugo, rouille.

☞ On nous dit dans le grand Vocabulaire que c’est un vieux mot qui signifioit autrefois rouillé. Ne croiroit-on pas d’après cela, que ce mot est suranné. Il est vrai qu’il est vieux, & qu’il signifioit autrefois (ce qu’il signifie encore aujourd’hui), ce qui tient de la nature de la rouille, ce qui lui ressemble ; mais malgré sa vieillesse il est toujours usité. On écrit seulement érugineux. Une bile érugineuse.

ÆS.

ÆSCHÉCHER. Ville d’Anatolie. Lemopolis, Aclara, Aspropolis. Elle est sur le golfe de Saint Pierre, ou San Petro, dans la Contrée d’Audinelli, qui étoit autrefois la Carie.

ÆSCHIÉ. Vieux part. pass. Enveloppé. Poësies du Roi de Navarre.

ÆSCULAN. s. m. Æsculanus. C’étoit un Dieu qui, chez les Romains, présidoit à la monnoie avec le Dieu Argentin. Voyez S. Aug. de la Cité de Dieu, L.IV. C. 21, & Budée, de Ass. L.V. & ARGENTIN. On disoit que le Dieu Æsculan étoit pere du Dieu Argentin. C’est que la monnoie de cuivre est plus ancienne que celle d’argent. Ces Dieux avoient la puissance d’enrichir les hommes. On honoroit à Rome la monnoie sous le nom d’Æsculan.

ÆSIER. v. a. Vieux mot. Réjouir. Il vient d’aise, & aise vient d’agio. Italien, qui a été formé d’otium. Otio, atio, agio.

AESMER. v. n. Ce mot autrefois vouloit dire, trouver, juger, estimer, conjecturer. Et aesmerent qu’il y avoit 400 cavaliers. Villehard.

Aesmer, signifoit aussi quelquefois, comparer.

Ains le pooit-on aesmer
A chant de serene de mer.

ÆS USTUM. s. m. Terme de Chimie. Cuivre brûlé. C’est une drogue qu’on appelle autrement Crocus Veneris, ou safran de Vénus, qu’on a fait tremper dans une dissolution de sel, dans de fort vinaigre, & qu’on stratifie ensuite avec du soufre dans un fourneau. On le remet dans du vinaigre où il y a du sel ammoniac fondu, ce qu’on réitère jusqu’à ce que les lames soient toutes consumées. On en ôte le vinaigre par la distillation, & il reste une matière qu’on appelle Æs ustum, qui sert à divers usages en Médecine.

ÆT.

ÆTALIDÈS. s. m. Fils de Mercure, & par sa mere du sang des Æolides. On dit qu’il avoit obtenu de son pere deux grâces, l’une que vif ou mort, il seroit toujours informé de ce qui se faisoit dans le monde ; l’autre qu’il seroit la moitié du temps parmi les vivans, & l’autre moitié parmi les morts.

ÆTÈS. s. m. Roi de la Colchide, dont la fille nommée Calciope, fut mariée à Phryæus.

ÆTHER s. m. Matière liquide & très-subtile, qui occupe l’espace immense qui est au-dessus de l’air jusqu’aux astres les plus élevés, ou jusqu’aux extrémités du monde. Æther. On écrit ordinairement Ether ; & quoique nous ayons conservé le mot latin dans notre langue, cette ortographe paroît la plus suivie. On ne peut pas supposer, comme quelques Astronomes ont fait pour expliquer les réfractions, que l’atmosphère dans laquelle les rayons lumineux se détournent en venant de l’Æther, étoit d’une nature homogène, & que la réfraction ne se faisoit seulement que dans le passage de ces deux milieux. De la Hire. Acad. des Sciences 1702, Mem. p. 183. Les Grecs entendoient par ce mot les Cieux distingués des corps lumineux. Hésiode dit que l’Æther naquit avec le jour du mélange de l’Erébe & de la Nuit, enfans du Cahos, c’est-à-dire, que la nuit & le cahos ont précédé la création des cieux & de la lumière.

Ce mot est originairement grec αἰθήρ, & vient de αἴθω, je brûle, j’enflamme, je brille, j’éclaire. L’Æther est la matière de la lumière. Voyez Ether.

ÆTHÉRÉE. Voyez Éthérée.

ÆTHIOPIS. Voyez Éthiopienne. Plante.

ÆTHIOPS MINÉRAL. Terme de Chimie. C’est un mélange de quatre parties de vif-argent, avec trois de soufre broyées dans un mortier de verre, jusqu’à ce que tous les globules du mercure disparoissent, & que la masse soit réduite en une poudre brune très-subtile, qui noircit par succession de temps.

ÆTHNA, ou ÆTNA. s. m. Æthna, ou Ætna. Montagne de Sicile, la plus haute qui soit dans ce royaume. On l’appelle aujourd’hui dans le pays Monte Gibello, & en François le Mont Gibel. Son premier nom, si l’on en croit Volatéran, est Hiesius. L’Ætna est fameux par les feux, les cendres, & les cailloux calcinés qu’il vomit de temps en temps. Les Poëtes disent que c’est sous cette montagne, que Jupiter précipita les Géans vaincus. Justin explique plus physiquement la cause de cet incendie, L. IV. C. 1. Il dit que la Sicile est toute creuse, & par conséquent pleine d’air & de vents souterrains ; que le choc de ces vents produit du feu ; que ces cavernes sont pleines de soufre & de bitume, auxquels le feu s’attache, & que c’est la cause de ces feux que l’Ætna jette de temps en temps.

Ce mot Ætna, selon Bochart dans son Chanaan, C. 28, vient du mot hébreux אתונא, Attuna, qui signifie, fournaise, ou Æthuna, obscurité. Ceux qui ont le mieux décrit le mont Ætna, ou qui en ont le mieux parlé, sont Virgile, Enéide, L. III. v. 571. Lucrèce, L. VI. v. 680. Ovid. Met. L. XV. v. 340. Silius Italicus, L. XIV. v. 67. Claudien, L. I. de Rap. Pros. Justin à l’endroit que j’ai cité, Leandro Albetti dans sa Sicile, Cluvier, Bembo dans un Dialogue exprès, Natalis Comes, L. XVII & XXX. Ant. Philotheus de homodeis, Ætna. Topographia. Pour jeter des feux & des flammes, & quelquefois des fleuves de feu, le mont Ætna n’en est pas moins fertile. Il est couvert de bois & de vignes, & quelquefois de neiges & de glaces, ainsi que disent Silius Italicus & Claudien, Pindare Pyth. I.

On écrit communément Etna, comme on le voit par ces exemples. Une belle Ode à M. Fagon sur le Quinquina, dit, en parlant de la fièvre.

Dis-nous quel est ce monstre armé de feux cruels,
Caché dans notre sein, à nos yeux invisible ?
Quel Etna ! quel gouffre d’horreur !
Dis-nous où s’alluma sa torche meurtrière ?
A ce traître ennemi quels chemins sont ouverts ?
Descend-il du Ciel en colère,
Ou sort-il du fond des enfers ?

ÆTHON. s. m. C’est le nom d’un des quatre chevaux du soleil qui précipitèrent Phaéton, selon Ovide. Son nom signifie l’Ardent, de αἴθω, ardeo, je brûle. Claudien donne le même nom à un des chevaux du char de Pluton, sans doute qu’il donne à ce nom une autre origine : d’αἰθός, noir.

AËTIEN, ENNE. s. m. & f. Aëtianu. Les Aëtiens étoient une Secte d’Ariens disciples d’Aëtius d’Antioche, surnommé l’Impie, qui fut d’abord Forgeron, ou, comme dit Philastrius, Orfévre, puis Sophiste, & ensuite Médecin, ou plutôt Charlatan. Les Aëtiens eurent ensuite divers noms ; on les appela, Purs Ariens, Eunoméens, Anoméens, Etérousiens, Troglodytes, ou Troglittes, Exomontiens, & Exaconites. Nous expliquerons ces mots en leur place.

ÆTIOLOGIE. s. f. Terme dont se servent principalement les Médecins. Discours sur les causes, explication des causes d’une maladie, d’un effet physique, d’un phénomène. Ætiologia. Les loix de l’économie naturelle démentent-elles cette étiologie ? Traité de la Peste.

On voit que le Médecin de qui nous avons tiré cet exemple, écrit étiologie. Ce mot vient du Grec αἰτία, cause, & λόγος, discours. Ainsi l’étimologie demande qu’on écrive ætiologie, & l’on ne voit pas pourquoi ce Médecin qui écrit œconomie & non pas économie, n’écrit pas aussi ætiologie, & cela dans la même phrase : car tout est égal de part & d’autre.

AËTITES, autrement Pierre d’aigle. Voyez Aigle. Aëtites. Taurentius Bauschius a fait un Traité exprès de la pierre Aëtites, ou il assure qu’on ne la trouve point dans les nids d’aigles ; mais qu’on en rencontre sur des rivages, dans les champs, & sur des montagnes. Ce mot vient du grec ἄετος, qui signifie aigle. On ne sauroit creuser quelques pieds en terre à Trévoux, sans trouver des lits considérables de pierres d’aigle, dont les unes n’ont qu’un noyau, d’autres en contiennent jusqu’à trois ; il y en a de différente grosseur & de différente figure, & presque toutes sont composées de deux ou trois couches de terre semblable à de la terre cuite : la dernière sur-tout, c’est-à-dire, celle qui est la plus intérieure. Ces pierres sont dans leur origine molles, de la consistance & de la couleur de l’ocre jaune, & presque toujours à plusieurs couches.

AEU.

AEURER. Vieux mot, qui veut dire, Prier : il vient d’orare.

AEX.

AEX. s. f. C’est le nom d’une des nourrices de Jupiter, qui fut placée parmi les astres.

AFE.

AFEULER. v. a. Vieux mot. D’autres disent affuler. Se mettre sur la tête quelque espèce de coiffure.

Il prend son chapeau, & l’afeule.

Il vient du latin infula, sorte de coiffure. Infulare.

AFF.

AFFABILITÉ, s. f. Honnêteté avec laquelle un supérieur reçoit son inférieur, & se communique à lui. Abord doux & facile à l’égard de nos inférieurs qui ont à nous parler. Affabilitas. Ce mot vient du latin. Il se dit rarement d’égal à égal, & jamais d’inférieur à supérieur. L’affabilité des grands n’est qu’une vertu artificieuse, elle sert à leurs desseins & à leurs projets d’ambition. M. Esp. Jamais homme avec tant de grandeur, n’a allié tant d’affabilité à tant de douceur. Bourd. L’affabilité des personnes de qualité sans mérite, est une bassesse d’ame, & une incapacité de tenir leur rang. M. Esp. Heureux celui qui dans son affabilité naturelle trouve des dispositions favorables à la bénignité chrétienne. Le P. Gail. Patru avoit beaucoup d’antipathie pour affabilité : il est françois, disoit-il, mais laissons le dire aux autres.

AFFABLE. adj. m. & f. Affabilis. Ce mot vient du latin, & signifie, celui qui parle à ses inférieurs d’une manière douce, honnête, engageante, & qui les écoute de même, sans avoir rien dans ses regards, ni dans ses gestes, de rude ni de rebutant pour eux.

Il est civil, accostable,
Doux, bénin, courtois, affable. Ménag.

Lui, parmi ses transports, affable
& sans orgueil. Racin.

Quoique ce mot fut usité du temps de M. Patru, il avoit de la peine à le souffrir.

☞ M. l’Abbé Girard fixe la vraie signification des mots honnête, Civil, poli, gracieux, affable. Nous sommes honnêtes, dit-il, par l’observation des bienséances & des usages de la société. Nous sommes civils, par les honneurs que nous rendons à ceux qui se trouvent à notre rencontre. Nous sommes polis par les façons flatteuses que nous avons dans la conversation & dans la conduite pour les personnes avec qui nous vivons. Nous sommes gracieux par des airs prévenans pour ceux qui s’adressent à nous. Nous sommes affables par un abord doux & facile à nos inférieurs qui ont à nous parler.

☞ Il faut être honnête sans cérémonie ; civil sans importunité ; poli sans fadeur ; gracieux sans minauderie, & affable sans familiarité.

☞ L’affabilité est opposée à la rudesse.

AFFABLEMENT. adv. D’une manière affable. Affabiliter, Humaniter. Il faut recevoir affablement les moindres personnes. Ce mot n’est presque plus en usage. On dit avec affabilité, ou d’une manière affable.

AFFADIR. v. a. Rendre fade & insipide, ôter toute sorte de saveur. Saporem detrahere. On a affadi cette viande en la faisant trop bouillir. affadir un ragoût, une sauce, en y mêlant quelque chose de doux.

Il se dit figurément en parlant des ouvrages d’esprit. Affadir un discours par des pensées & par des expressions affectées & doucereuses.

Affadir, se dit encore dans le sens propre, pour causer une sensation désagréable au palais ou à l’estomac, par quelque chose de doux. Le sucre, le miel affadissent le cœur.

☞ Au figuré, on dit que des louanges outrées affadissent le cœur. Voyez Fade.

AFFADI, IE. part. Fatuus.

☞ AFFADISSEMENT. s. m. Effet que produit la fadeur. Affadissement de cœur.

AFFAICTEMENT. Vieux s. m. Ce mot est figuré. Il est pris de l’art de dresser des oiseaux de proie. Il signifie, enseignement, la manière de former quelqu’un, de lui donner des façons. Il ne se dit plus.

AFFAICTEUR. s. m. Terme de Fauconnerie. C’est le nom de celui qui a le soin de dresser un oiseau de proie. Qui condocefacit. Quelque habile que soit un Affaicteur, il ne sauroit affairer ou affaiter le corbeau, ni le milan.

AFFAICTIER. v. a. Dresser un oiseau de proie. Affaictier un fulcon. Poës. de Gaston de Foix.

AFFAIRE. s. f. Ce terme désigne en général tout ce qui occupe, tout ce qui est le sujet de quelque occupation. Negotium, Res. Il y a des gens toujours aussi occupés que s’ils avoient mille affaires, quoiqu’ils n’en aient point d’autre que de savoir celles d’autrui. M. Scud. Pour faire l’homme occupé, & paroître accablé d’affaires, il faut froncer le sourcil, & rêver très-profondément. La Br. Plus le poids des affaires est grand, plus elles demandent de relâche. Le Gend. Notre grande affaire est celle de notre salut. Ne vous mettez pas en peine de cela, j’en fais mon affaire. Chacun se doit mêler de ses affaires. On dit aussi d’une chose que l’on regarde comme pénible, ou difficile à exécuter, que c’est une affaire : & au contraire, on dit d’une chose dont on croit venir facilement à bout, que ce n’est pas une affaire. Virgile a trouvé tant de rapports entre Didon & Enée, qu’il a cru que les trois cens ans qui les séparoient, n’étoient pas une affaire. Cela ne fait rien à l’affaire ; pour dire, c’est un discours inutile. Du Cange dérive ce mot de Affarium, ou Affare, qui signifioit autrefois une métairie; & il dit qu’en Languedoc & en Provence il signifioit toutes sortes de biens. On a dit aussi Afferi & Affri pour signifier des chevaux de labour : ce qui a été étendu à toutes sortes de possessions, & ensuite au négoce & aux affaires qu’on est obligé d’avoir pour les acquérir ou pour les défendre. Au reste, ce mot Affaire étoit autrefois masculin, c’est pourquoi l’on met encore sur les paquets du Roi, pour les Exprès Affaires de Sa Majesté. On en a conservé le style & le genre ancien par dignité. Vaug.

Affaire, se dit aussi d’une chose de quelque manière qu’elle soit. Je vous fais le maître de cette affaire pour la terminer à votre volonté. C’est une affaire faite, pour dire, c’est une chose finie. C’est une affaire qui ne souffre point de remise. C’est une étrange affaire qu’une demoiselle. Mol. Le mariage est une affaire trop sérieuse pour lui. Vous avez pris l’affaire du biais qu’il la falloit prendre. Mol. Je viens d’apprendre de belles, d’étranges affaires. Il a poussé l’affaire d’une manière assez vigoureuse. Mol. Entreprendre vertement une affaire. Commencer courageusement une affaire. Terminer une affaire avec esprit & avec cœur.

Affaire, se dit des ordres, des soins, des négociations qui regardent l’Etat. Les grandes affaires demandent en ceux qui en ont le maniement, un jugement prompt & décisif, de peur qu’elles ne se ruinent par la lenteur. S. Evr. Un honnête homme sait mêler les plaisirs aux affaires. S. Evr. La multitude, ni l’embarras des affaires, ne mirent jamais sur son front ces nuages de chagrins qui écartent les gens. P. Gail. Depuis qu’un tel ministre a pris le timon des affaires, toutes choses vont bien. C’est un homme qui est entré dans les affaires, dans les négociations étrangères. Les affaires de Rome sont brouillées. C’est une affaire d’Etat, de Religion. On dit en ce sens, les affaires du temps ; pour dire, les nouvelles de l’état des choses du monde. Il est toujours fort dangereux d’écrire des affaires de son temps, quand on affecte trop d’en dire la vérité.

Affaire, se dit aussi quelquefois de la fortune, de l’état des biens d’une personne. Maintenant que les affaires du genre humain sont déplorées, & sans ressource, mettons Caton en sûreté. Bouh. La plupart des gens ne se mêlent des affaires d’autrui, que pour mieux faire leurs propres affaires. S. Evr. Grâces à Dieu, les affaires vont bien. Ce bourgeois est fort bien dans ses affaires ; c’est-à-dire, qu’il a du bien, qu’il n’a point d’affaires mauvaises, ni embrouillées, que les affaires sont en bon état.

Affaire, se dit encore du talent particulier qu’on a pour certaines choses. C’étoit l’affaire de Molière de jouer les Bigots, & les Médecins. C’étoit l’affaire de M. de la Bruyère de nous caractériser les mœurs de ce siècle. C’étoit l’affaire de Lucien de se moquer des Dieux. C’étoit l’affaire de la Fontaine de tourner un conte en vers.

On dit, avoir affaire à quelqu’un ; pour dire, avoir à lui parler, avoir quelque chose à traiter avec lui. J’ai affaire à lui. Nous n’avons point d’affaire ensemble. Un marchand a affaire à tout le monde.

On dit aussi, avoir affaire à quelqu’un ; pour dire, avoir quelque contestation, quelque démêlé avec quelqu’un. Il a affaire à un terrible homme. Il faut prendre garde à qui on a affaire. Si vous l’attaquez, vous aurez affaire à moi. Je n’avois point affaire à de la cavalerie. Bussi. Dans ce sens on se sert plutôt du verbe Faire, & l’on écrit, vous aurez à faire à moi.

Affaire, signifie aussi, devoir. Partes, munus, officium. Ce n’est point mon affaire ; pour dire, cela n’est point de mon devoir, cela ne me regarde pas. Qu’avoit il affaire d’aller porter cette nouvelle ? pour dire, cela étoit-il de son devoir ?

Affaire, signifie encore, besoin. Opus, avec le verbe sum, ou habeo. Je n’ai point affaire de vos conseils. Qu’ai-je affaire de toutes ces querelles ? Acad. Fr. Qu’ai-je affaire de me fatiguer des pensées de la mort pour la recevoir constamment ? Je mourrai peut-être sans y penser. Nic. En ce sens on dit par ironie, j’ai bien affaire de cet homme-là ; pour dire, je ne me soucie guère de lui, je n’ai pas besoin de son service.

Affaire, signifie encore, maladie dangereuse. Morbus gravis, periculosus. Tirer un malade d’affaire ; pour dire, le guérir. Je me suis tiré d’affaire en faisant diète. J’ai vu notre malade, les affaires sont faites ; pour dire, il n’en peut revenir, il faut qu’il meure.

Affaire, se dit aussi de ce qui donne beaucoup d’embarras, de peine, d’inquiétude. Cura, sollicitudo. La mort de son patron lui donnera beaucoup d’affaires, le fera bien courir. Un homme sage ne se veut point faire d’affaires. Il y a des gens qui se font des affaires de gaieté de cœur. Je lui ai fait une fâcheuse affaire, sans y penser. Cet homme vous donnera bien des affaires. On dit dans le style familier, avoir des affaires par-dessus la tête ; pour dire, avoir beaucoup d’affaires, beaucoup d’embarras.

Affaire, se dit aussi d’un grand dessein, d’une entreprise. Consilium. D’un grand coup, d’un accident particulier. Casus, eventus. L’entreprise du canal de Languedoc a été une grande affaire. La mort du Général ennemi est une grande affaire, un coup fort avantageux, très important.

Affaire, se dit particulièrement des procès, & de tout ce qui se traite en quelque Juridiction que ce soit, tant en matière civile, qu’en matière criminelle. Lis, causa, controversia. Il y a une grande affaire au Conseil, au Parlement. C’est une affaire de grande & de longue discussion. Celui qui n’entend point les affaires, ne doit point se mêler de plaider. Ce Procureur, cet Avocat, ce Juge, ont beaucoup d’affaires ; pour dire, ont beaucoup de procès à instruire, de causes à plaider, d’instances à juger. Les affaires ne finissent point maintenant. On ne sauroit sortir d’affaires, vider l’affaire, terminer une affaire avec ce chicaneur. Mon affaire va bien. Il s’est bien démêle de cette affaire. Voilà le nœud de l’affaire, la difficulté du procès. On le dit aussi en d’autres matières. Cette affaire est bien embrouillée, bien compliquée. En ce sens on appelle un homme d’affaires, celui qui fait les affaires d’une maison : un solliciteur à gages, celui qui a soin des affaires domestiques d’un Seigneur. Le droit civil accorde une action à celui qui a manié les affaires d’autrui, même sans commission, du moins pour ce qu’il a fait utilement.

On appelle Gens d’affaires, intéressés dans les affaires, les Financiers, les Traitans & Partisans qui prennent les Fermes du Roi, ou le soin du recouvrement des impositions qu’il fait sur les peuples. Publicani, vectigalium redemptores. La Chambre de Justice est établie pour la recherche des malversations des gens d’affaires. Toutes leurs contraintes portent cette clause, comme pour les propres deniers & affaires de Sa Majesté.

☞ Ce terme s’applique encore à tout ce qu’on a à discuter, à démêler avec quelqu’un. Affaire d’honneur. Affaire d’intérêt. Se tirer d’affaire avec honneur. Ou lui a fait une mauvaise affaire dont il s’est tiré fort adroitement.

Affaire, se dit aussi des querelles, des combats, des différens, des brouilleries. Rixa, jurgium, contentio. Ne vous faites point d’affaires avec cet homme-là, il a la mine de vous mal mener. Scar. L’inquiétude des esprits vifs suscite partout des affaires. P. Gail. Cette plaisanterie lui a fait une affaire avec un de ses bons amis.

Affaire, se dit aussi des divertissemens. Oblectamenta voluptatis. Cet homme a tous les jours quelque affaire de plaisir ; pour dire, quelque partie pour se divertir.

Affaire, signifie quelquefois la même chose qu’intrigue amoureuse.

On dit, qu’un homme a affaire à une femme, ou une femme à un homme ; pour dire, qu’ils ont commerce ensemble, de même qu’en latin Res. Rem habere cum muliere.

Affaire, est quelquefois synonyme de duel. Ce jeune homme a eu affaire avec un de ses camarades, & l’a tué.

☞ On le dit aussi des actions de guerre, des siéges, des batailles, des combats. On dit qu’un homme s’est bien montré dans une affaire, qu’il a vu bien des affaires ; que l’affaire a été longtemps disputée, qu’elle a été décisive.

On dit ironiquement à un homme, que ses affaires sont faites ; pour dire, qu’il ne doit plus rien espérer, qu’il n’a plus rien à prétendre. Acad. Fr.

Affaires, signifie quelquefois, dettes, embarras. Debitum, æs alienum. C’est un homme qui a beaucoup d’affaires, de dettes. Ce marchand met ordre à ses affaires, a payé ses dettes.

Affaire, se dit aussi des choses qui nous conviennent. Il cherche un bon cheval, j’ai son affaire. Conveniens. Ce valet est son affaire. Ce mot est du style familier en ce sens.

Si feu mon pauvre père
Etoit encor vivant, c’était bien votre affaire.
Racine.

Affaire, signifie aussi, marché, traité, convention. Pactum, Conventio. J’ai fait affaire avec un tel, au sujet de la maison, par rapport à sa charge. Je vous donne ma parole, c’est une affaire faite.

En termes de Fauconnerie, on dit qu’un oiseau est de bonne affaire, qu’on l’a rendu de bonne affaire, quand on l’a bien affaité, bien dressé à la volerie.

☞ On dit familièrement aller à ses affaires, faire ses affaires ; pour dire aller à la garde-robe, satisfaire aux besoins de la nature. Latrinam petere. Exonerare ventrem.

☞ Chez le Roi, chaise d’affaires, la chaise percée, & brevet d’affaires, un brevet qui donne permission d’entrer dans l’endroit où est le Roi sur sa chaise d’affaires.

Affaire, se dit proverbialement en ces phrases : Chacun fait ses affaires, ou du moins doit les savoir ; & absolument, qu’un homme fait ses affaires, quand il conduit ses affaires avec prudence. On dit d’un homme, que ses affaires sont faites ; pour dire, qu’il est perdu, qu’il est ruiné, ou qu’il ne doit plus prétendre à quelque chose. On dit, que les affaires font les hommes ; pour dire, que le travail donne des connoissances & rend habile. On dit, qu’il n’est point de petite affaire ; pour dire, que le moindre ennemi peut donner beaucoup de peine. On dit, Dieu nous garde d’un homme qui n’a qu’une affaire ; parce qu’un homme qui n’a qu’une seule chose à faire, en est ordinairement si occupé, qu’il en fatigue tout le monde. On dit, avoir affaire à la veuve & aux héritiers ; pour dire, qu’on a beaucoup d’affaires. On dit aussi, avoir affaire à forte partie ; pour dire qu’on n’a rien à négliger, & que l’on sera bien heureux si l’on se tire d’embarras. On dit, que ceux qui n’ont point d’affaires s’en font ; pour dire, que les hommes sont inquiets, & se lassent d’être oisifs & sans agir. On dit, à demain les affaires ; pour dire qu’il ne faut plus penser qu’à se divertir. On dit ironiquement, qu’un homme a fait une belle affaire ; pour dire, qu’il s’est trompé, qu’elle est ruineuse. C’est une autre affaire, c’est une affaire à part ; pour dire, qu’il ne faut pas confondre les choses. Les poëtes ont feint que les Fées avoient cent yeux hors de leur maison, & que dedans, elles étoient aveugles. Nous ne voyons rien dans nos affaires, & cependant nous voulons voir clair dans celles des autres. De Roch.

☞ AFFAIRÉ, ÉE. adj. Ce terme qui n’est que du style familier, se dit d’un homme qui a beaucoup d’affaires, qui est chargé d’affaires. Negotiosus. Il y a des gens si affairés, qu’ils n’ont pas le temps de respirer. Il fait l’affairé.

Et sans aucune affaire est toujours affairé

AFFAISSEMENT. s. m. C’est l’abaissement de quelque chose, causé par son propre poids, par sa propre pesanteur, ou par quelque force extérieure. Depressio, Sedimentum. L’affaissement de la terre en cet endroit est fort considérable.

Affaissement, en jardinage, se dit du fumier qu’on empile, & qui s’affaisse après avoir été dressé, si on n’a pas soin de le fouler. On le dit de même des terres nouvellement rapportées, qui s’abaissent quelque temps après, soit par leur propre poids, soit par les pluies qui les pénétrent.

Affaissement, se dit en Médecine pour désigner l’état des vaisseaux, qui perdent leur ressort, & diminuent de diamètre. Les Vocabulistes appellent cela l’inanition & la distention des vaisseaux qui perdent leurs cavités, cela n’est ni clair, ni vrai, ni bien dit.

AFFAISSER. v. a. C’est faire que des choses que l’on met les unes sur les autres, s’abaissent, se foulent, & tiennent moins d’espace en hauteur. Deprimere, stipare. Les pluies affaissent les terres.

☞ On le dit encore pour faire ployer, faire courber sous le faix. Une trop grande charge a affaissé ce plancher.

Affaisser, se dit aussi avec le pronom personnel, & signifie, s’abaisser par son propre poids, ou par quelque force ou impression extérieure. Perdre son niveau. Sidere. Les fortifications de terre s’affaissent sensiblement. Ce mur commence à s’affaisser. Il n’y a guère de planchers qui conservent toujours le niveau, & qui ne s’affaissent avec le temps. Les montagnes s’affaissent quelquefois. Un bâtiment s’affaisse lorsque étant fondé sur un terrain de mauvaise consistance, son poids le fait baisser, ou lorsqu’étant vieux, il menace ruine. En termes de Jardinage, on dit, cette terre, ou cette couche s’est affaissée. La terre s’est affaissée en quelques endroits, & a bouché les entrées d’une partie de ces caves qui se sont rendu célébres sous le nom de catacombes. Misson, let. 28.

On dit figurément d’un vieillard qui se courbe, qu’il s’affaisse, qu’il commence à s’affaisser sous le poids des ans.

AFFAISSÉ, ÉE. part. Qui s’est abaissé, qui occupe moins d’espace en hauteur. Depressus.

AFFAITAGE. s. m. Terme de Fauconnerie. Soin qu’on prend pour affaiter, ou pour bien dresser un oiseau de proie. Cura cicurandi accipitris. Il faut bien du soin & de l’industrie pour réussir à l’affaitage d’un oiseau. Les effets de l’affaitage sont tout-à-fait merveilleux, puisqu’il fait que l’oiseau naturellement farouche, fier, fantasque & passionné pour sa liberté, la quitte néanmoins au premier rappel du Fauconnier, & abandonne l’air où il vole, pour se rendre volontairement esclave.

AFFAITEMENT. s. m. Voyez Enfaîtement.

AFFAÎTER. v. a. Raccommoder le faîte d’une couverture, y mettre des faîtières. Tecti fastigium reficere. Voyez aussi Enfaîter. Affaîter se dit peu.

AFFAITER. v. a. Terme de Fauconnerie, qui se dit en parlant des oiseaux sauvages qu’on apprivoise, qu’on rend familiers & doux, qu’on assure pour revenir sur le poing, ou au leurre. Cicurare, mansuefacere, erudire. C’est aussi l’introduire au vol, le curer, le traiter, r’habiller ses pennes, le tenir en santé, & le rendre de bonne affaire. Curare. On affaite l’oiseau en le portant d’ordinaire sur le poing ; en le découvrant souvent pour lui faire voir toutes sortes d’objets ; en se faisant connoître à la voix, au visage ; en le caressant de toutes les manières, & en se rendant fort doux à son égard, & patient à souffrir toutes les mauvaises humeurs.

Affaiter des peaux. Terme de Tanneur. C’est les façonner à la tannerie. Coria, pelles effingere, perficere.

AFFAITÉ, ÉE. part.

AFFAITIER, & AFAITIER. v. a. qui vouloit dire autrefois, instruire, rendre habile en quelque science.

Car de plusieurs langages s’estoit fait affaitier.

Rom. de la Rose.

Affaitier, signifioit aussi, raccommoder. Et lui demandez de ce cuir qu’il emporte, & vous dira qu’il en veut ses soliers affaitier, quand ils seroient dépéciés. Merl.

AFFAITIÉ. part. & adj. Appris, instruit. Jean li Nivelois fut moult bien affaitié.

AFFALE. Terme de Marine, c’est le commandement aux gens de mer pour faire baisser quelque manœuvre. Deprime.

☞ On l’emploie aussi pour faire agir les Matelots, pour toucher les garants d’une Caliorne ou gros Palan, dans lesquels le frottement est si considérable, qu’ils ne sont pas assez courans d’eux-mêmes. On l’emploie encore pour abaisser les itagues, les cargues des basses voiles, afin que la toile tombe plus facilement.

AFFALÉ, adj. & part. Terme de Marine qui se dit d’un vaisseau qui est arrêté sur la côte, qui ne peut s’élever, ni courir au large par trop, ou trop peu de vent : ou que le vent ou les courans forcent à se tenir près de terre. Navis coacta littus radere.

AFFALER. terme de marine, v. a. Se dit en général, pour dire, abaisser. Deprimere. Il faut affaler cette manœuvre, cette poulie, c’est-à-dire, il faut abaisser.

AFFAMER. v. a. Faire souffrir la faim, causer la faim en retranchant ou en coupant les vivres. Famem inferre.

☞ AFFAMER une ville, une place, une province. On affame une ville assiégée, en lui coupant les vivres par un blocus. On affame souvent les provinces par un transport mal entendu des blés. On affame quelqu’un en lui donnant trop peu à manger.

☞ On dit figurément d’un grand mangeur, qu’il affame tous les convives, qu’il affame toute une table ; pour faire entendre qu’il mange tout, qu’il ne laisse rien aux autres.

Affamer, se dit aussi figurément dans ces phrases.

Affamer son écriture, la rendre trop déliée, trop maigre.

Affamer un habit, un ameublement, y épargner trop l’étoffe. Acad. Fr. Dans ce sens il se dit plus ordinairement au participe, que je crois même peu usité. Écriture affamée, habit affamé, me paroît une expression tirée par les cheveux.

AFFAMÉ, ÉE. part. Famelicus, fame pressus. Il est cruel comme un loup affamé, pressé de la faim.

Affamé, se dit figurément en choses morales & spirituelles, & signifie, une personne qui désire ardemment quelque chose, qui a une passion extrême d’en jouir. Cupidus, incensus, inflammatus fludio alicujus rei. Ce Prince est affamé de gloire. Cet homme est affamé de nouvelles. Il est affamé d’argent. Pensez-vous que ce soit un homme affamé de femmes ? Mol. Ce qui rend la solitude insupportable à la plûpart des gens, c’est que leur cœur demeure vide & affamé de louange, & qu’étant privé de cette nourriture ordinaire, il ne trouve pas dans soi-même de quoi se remplir. Port-R.

Affamé, se dit dans le commerce, d’un homme qui a toujours besoin d’argent, qui a trop souvent recours au crédit, ou à la bourse de ses amis.

Affamé, se dit aussi dans le style familier des choses qui sont faites avec avarice, ou épargne, ou qui n’ont pas la grandeur ou la grosseur requise. Constrictus, Arctatus. Ainsi on dit qu’un habit est trop affamé, ou trop étroit ; un caractère, une lettre affamée, qui n’est pas bien nourrie, ou assez chargée d’encre. Macer, tenuis, tenuior, exilis, exilior, gracilis. Voyez Affamer.

On dit en proverbe, ventre affamé n’a point d’oreilles ; pour dire qu’un homme qui a faim n’écoute guère ce qu’on lui dit. Jejunus venter non audit verba libenter. On appelle un poux affamé, un gueux à qui on a donné un emploi lucratif, dans lequel il veut s’enrichir en peu de temps. Il est affamé comme un jeune levron. Affamé comme un rat d’église. Mascur.

AFFAN. Ce mot vouloit dire autrefois, entente, intelligence. Peyre Guillen tout son affan mist Dieu in ley far per mon dam. C’est-à-dire, Dieu mit toute son entente à la faire pour mon dommage.

AFFANEURES, ou AFFANURES. s. f. pl. Terme dont on se sert en quelques provinces, pour signifier le blé que les batteurs & les moissonneurs gagnent, au lieu de l’argent qu’on leur donne ailleurs.

AFFARE. s. m. Est un terme usité en Dauphiné, pour signifier toutes les dépendances d’un fief.

☞ AFFÉAGEMENT. Terme de Coutume. Action d’afféager. Voyez ce mot.

AFFÉAGER. v. a. Donner à féage. C’est lorsque le Seigneur aliéne une portion de terres nobles de son fief, pour être tenue en roture ou en fief à la charge d’une certaine redevance, par celui qui en devient acquéreur. Voyez l’art. 358 de la Coutume de Bretagne.

☞ AFFÉAGÉ, ÉE. part. Donné à féage : ce qui se dit d’une terre noble démembrée d’un fief & aliénée pour être tenue en roture ou en fief par celui qui en devient acquéreur, à la charge d’une certaine somme ou redevance.

AFFEBLOYER. v. a. Qui vouloit dire autrefois affaiblir. Debilitare.

AFFECTANT, ANTE. adj. Qui témoigne vouloir quelque chose, ou l’aimer. Affectator, Consectator, Consectatrix. Les Républiques bannissent les citoyens affectans la tyrannie. Le style d’un Orateur affectant certaines figures ou expressions, est vicieux. Ces façons de parler ne sont pas bonnes : il faut dire, qui affecte, & non pas affectant.

☞ AFFECTATION. s.f. Affectatio, confectatio. C’est en général un attachement vicieux, & toujours ridicule, à dire ou faire certaines choses d’une manière singulière, en s’éloignant du naturel. Affectation dans le geste, dans les manières, dans le langage, dans les pensées, dans les procédés, &c. L’affectation est une envie démesurée de plaire, mais mal entendue. Boil. C’est un mensonge qui déguise le naturel, pour chercher dans un air emprunté de quoi se rendre ridicule. L’affectation dans le langage, est le vice de ceux qui, au lieu de se servir de termes propres & naturels, disent en termes recherchés les choses même les plus communes : ils courent après l’esprit. Le P. Bouhours reproche au Tasse de donner quelquefois dans l’affectation. En cherchant trop le plaisant & l’agréable, on tombe d’ordinaire dans une sotte affectation. Boil. En voulant s’élever, on tombe souvent dans une affectation basse, puérile, fade, impertinente.

Affectation, se dit encore d’un désir trop marqué de faire montre des avantages & des qualités qu’on n’a pas. Elle tient de l’ostentation. Une affectation trop étudiée de paroître prude, est suspecte. Les uns méprisent la mort par brutalité, & les autres par l’affectation d’un courage magnanime.

Affectation & Afféterie, synonymes. Par l’une & par l’autre on s’éloigne également du naturel ; mais la première, dit M. Diderot, a pour objet les pensées, les sentimens, le goût dont on fait parade : au lieu que l’afféterie ne regarde que les petites manières par lesquelles on croit plaire.

l’Affectation d’un Auteur qui court après l’esprit ; l’afféterie d’une coquette, d’un petit maître, qui court après les grâces.

Affectation, signifie aussi, en termes de pratique, l’imposition d’une charge ou hypothèque sur un fonds qu’on assigne pour sûreté d’une dette, d’un legs, d’une fondation, ou toute autre obligation. Hypotheca. Il m’a constitué une rente avec une affectation spéciale sur cette terre. Ce revenu a une affectation particulière, il doit être employé à telles & telles aumônes par sa fondation & sa destination.

Affectation, en termes de droit Canonique, action d’affecter, d’attribuer une chose à une autre. Attribution d’une place, d’un bénéfice, d’une prébende à certains sujets, sans que d’autres que les désignés en puissent jouir. Attributio, Destinatio. Le serment particulier que font les Chantres ou Vicaires-Choristes, l’obéissance qu’ils jurent au Chantre en ce qui concerne l’office divin, l’affectation de leur bénéfice au chœur, la résidence continuelle qu’ils doivent pour y desservir, & les autres engagemens, qui caractérisent ces sortes de bénéfices, ne permettent pas de les confondre avec les bénéfices qu’on nomme libres. Que le sieur B. ne sorte donc point de sa sphère par l’affectation au chœur.

On dit aussi en Jurisprudence canonique, affectation d’un bénéfice, en parlant de sa réservation au Pape, aux Gradués, &c. Jus, attributio. Voyez Réservation.

Affectation, en termes de Médecine, se dit de la disposition d’un membre à l’égard des maladies, ou des blessures qui l’incommodent. Affectio. Quand on ordonne un remède, il faut avoir égard à l’affectation des parties.

☞ AFFECTER. v. a. Affectare, consectari. Marquer beaucoup d’empressement, un attachement presque toujours vicieux pour certaines choses. Affecter certains mots, certains gestes, certaines façons de parler. On voit rarement un homme sensé affecter le langage des petits maîtres. Vous affectez des manières d’agir & de parler qui sont singulières. Alors il a une signification relative à l’usage qu’on fait d’une chose.

☞ On le dit dans le même sens pour marquer l’empressement avec lequel on se porte vers un objet. Affecter un logement, une place, un rapporteur. Alors il marque de la prédilection. Vous affectez cette maison, parce qu’elle est commode, & dans une situation agreable. Vous affectez tel rapporteur, parce que vous croyez qu’il vous sera plus favorable qu’un autre. Quelquefois aussi il est relatif au soin que l’on prend, aux moyens que l’on emploie pour arriver à son but. J’espère que les rieurs dont il affecte les suffrages, ne seront pas de son côté. Ménage.

Affecter, dans le sens d’aspirer à quelque chose, rechercher une chose avec ambition, s’y porter avec ardeur. Affecter la tyrannie, une place honorable, le premier rang. L’Acad. Observe qu’on ne le dit guère qu’en parlant des grandes dignités. Jésus-Christ blâmoit les Pharisiens d’affecter les premières places dans les assemblées. César affectoit la première place & ne vouloir point d’égal. On déteste par-tout ceux qui affectent la tyrannie.

Affecter, dans un sens relatif à ostentation, étaler ses bonnes qualités, en faire parade. Affecter une grande humilité, une grande modestie. Il affecte de paroître savant. On n’est jamais si ridicule par les qualités que l’on a, que par celles que l’on affecte d’avoir. Rochef.

Affecter, signifie encore plus spécialement, faire les choses avec dessein, & avec artifice, prendre quelque chose à tâche. Dans toutes les professions chacun affecte une mine extérieure, pour paroître ce qu’il veut qu’on le croie. Nicol. C’est à la Cour que l’amitié affecte de s’étaler, & de jouer ses rôles les plus artificieux. M. Esp. Il affecte de dire en secret des choses de rien.

Affecter, signifie encore, feindre, contrefaire. Fingere, simulare. Il y a un certain âge où il faut affecter d’être sage, de peur de passer pour ridicule. Flech. J’affectois à tes yeux une fausse fierté. Racin. Bien loin de soulager les personnes affligées, vous affectez de les ignorer Flech. Sous l’humble dehors d’un respect affecté, vous cachez une noire malignité. Boil.

Affecter, dans le sens figuré, signifie, toucher, émouvoir, intéresser. Molière connoissoit le point de vue du théâtre, qui demande de grands traits pour affecter le public. Vie de Mol. ☞ Il y a des pièces très-régulières qui n’affectent point les spectateurs. Je n’ai pas de peine à deviner comment vous aurez été affecté de l’Iliade de M. de la Motte, & de sa Dissertation critique. L’Abbé de Pons. Bien loin de juger d’une pièce que nous entendons pour la première fois, nous nous défions de ses beautés tant qu’elle n’est que dans la bouche des Acteurs : quelque bien affectés que nous en soyons, nous suspendons notre jugement jusqu’à ce que nous l’ayons lue, & véritablement elle ne nous fait pas toujours sur le papier le même plaisir qu’elle nous a fait sur la scène. Le Sage. Il est aussi réciproque. C’est un homme qui s’affecte aisément, qui s’affecte à propos de rien.

Affecter. En termes de Physique c’est, dit M. Perrault, revêtir, couvrir un corps de quelque qualité ou affection ; c’est donner à un corps quelque qualité, quelque propriété. Les différentes couleurs affectent différemment un corps. Le froid & le chaud affectent différemment les corps. Des graines de même espèce semées dans la même terre produisent des herbes & des plantes toutes semblables, parce que la même terre & les sels qu’elle contient, les affectent de la même manière ; au contraire elles dégénèrent, ou ont plus de force dans un autre climat, parce que les sels de la terre & les affections de l’air étant différens, ils affectent différemment ces graines & ces plantes. Les qualités qui surviennent à un corps, & dont il est affecté. Perrault.

Affecter, se dit aussi figurément, pour exprimer la disposition qu’ont certaines substances à prendre certaines figures. Le sel marin affecte dans la cristallisation la figure cubique. Acad. Fr.

Affecter. Terme de Médecine, faire une impression fâcheuse. Il est à craindre que le trop grand usage d’un remède si chaud n’affecte la poitrine avec le temps. La goutte affecte les articulations.

Affecter, signifie aussi, attacher, joindre. Adnectere, adjungere, attribuere On a affecté ce droit à la charge.

Affecter, en Jurisprudence, signifie obliger, hypothéquer au payement de quelque rente, ou de quelques charges ou devoirs. Oppignerare fundum. Tous ses biens sont affectés & hypothéqués à ses créanciers. Les revenus de ce bénéfice sont affectés avant toutes choses au payement des pensions. Les revenus de cet Hôpital sont affectés à la nourriture des orphelins.

AFFECTÉ, ÉE. part. Qui a de l’affectation, qui paroît recherché & étudié avec trop de soin, & trop d’art. Affectatus, exquisitior. Il a un air affecté qui le rend ridicule. Cléante ne rend pas justice au P. Bouhours, quand il dit que le Livre de ce Pere est d’un style affecté, flatté, peint, de nul usage, un pur artifice. L’air affecté & précieux empoisonne les meilleures choses. M. Scud. Ce qui est faux & affecté, est toujours fade & ennuyeux. Id. La simplicité affectée est une imposture délicate. Rochef. Je ne saurois souffrir vos rigueurs affectées. Gomb. L’ignorance vaut mieux qu’un savoir affecté. Boil.

On appelle en termes de Jurisprudence canonique, un bénéfice affecté, quand il est chargé de quelque mandat, indult, nomination ou réservation du Pape, en telle sorte que le collateur n’y peut pourvoir à la première vacance qui arrive : ce qui n’a point lieu en France. Attributus, addictus. On dit aussi, qu’il y a des noms affectés à certaines familles ; pour dire, qui leur sont attachés. Addictus, destinatus, proprius. Le nom de Taxile étoit affecté à ceux qui succédoient au Royaume. Vaug. Il y a des droits & des priviléges affectés à certaines charges ; pour dire, qui leur sont attribués.

En termes de Médecine on dit, qu’une partie du corps est affectée de quelque maladie, quand elle a contracté une mauvaise qualité ou disposition par quelques humeurs malignes, ou par quelque autre cause. Malè affectus. Ce Prédicateur a la poitrine affectée ; il ne soutiendra pas long-temps ce ton-là.

AFFECTIF, IVE. adj. Qui affecte, qui touche, qui excite, qui remue les passions. Affectuum movendorum potens, peritus. On le dit particulièrement en matière de pieté & de dévotion. Il a un naturel tendre & affectif. Son discours est affectif & touchant. Ses manières de prononcer sont affectives. On dit en termes de Théologie, amour affectif, qui est accompagné d’affection, de tendresse sensible. Il est opposé à l’amour effectif, qui est celui qui indépendamment de l’affection et de la tendresse, & même sans cette affection sensible, agit, travaille pour la gloire de Dieu, obéir à ses commandemens, évite de l’offenser & de lui déplaire. Dévotion affective, ou dévotion sensible : c’est un goût, une tendresse sensible de dévotion. Oraison affective, est celle qui produit les actes de la volonté. En effet, en termes de spiritualité affectif étant opposé à effectif, signifie ce qui consiste en sentimens intérieurs, en affections du cœur. L’oraison affective est plus parfaite que l’oraison discursive. Il y a, disent les Théologiens, deux sortes de vertus : les unes, selon le langage de l’école, vertus affectives, & les autres, vertus effectives. C’est à-dire, qu’il y a des vertus qui sont toutes renfermées dans le Cœur, & qui ne consistent qu’en de simples complaisances, dans le désir, l’affection, le sentiment, & qu’il y a des vertus qui se produisent au-dehors par des effets, & dont le mérite est d’exécuter, d’accomplir, de pratiquer. Bourdal. Exh. I. 404.

AFFECTION. s. f. Ce mot vient du latin affectio, & a des significations différentes dans la morale & dans la Physique. On s’en sert dans la morale pour exprimer l’inclination & le désir. En Physique, il signifie les différentes qualités qui surviennent à un corps, & dont il est affecté, c’est-à-dire, revêtu, couvert.

Affection. Mouvement, sentiment de l’ame qui nous fait vouloir du bien à quelqu’un, & qui se dit de l’amour, de la tendresse, de l’amitié. Amor, studium, benevolentia. L’affection des hommes a coutume de changer avec la fortune. Ce pere a une ardente affection pour ses enfans. Affection paternelle. Affection maternelle, avoir de l’affection pour quelqu’un. Il faut pourtant remarquer sur ce mot, pris dans le sens de bienveillance & d’amitié, qu’il n’y a que les Grands qui s’en puissent servir à l’égard de leurs inférieurs. Ce Prince témoigne une affection toute singulière aux personnes qui s’attachent à lui, & qui le servent fidèlement. Alexandre prenoit le mérite en affection. Ablanc. Il y a des Auteurs qui prétendent qu’on s’en peut servir d’égal à égal ; mais il faut que ce soit avec ménagement, & lorsque l’on est dans une grande familiarité.

Affection, signifie aussi une inclination qui nous porte à une chose plutôt qu’à une autre. Propensio, proclivitas. Cet homme a mis toute son affection à l’étude. Loin d’ici cette dévotion vaine & frivole, qui laisse vivre au-dedans les désirs, & les affections du siècle. Flech.

Affection, signifie encore l’ardeur, le zèle que l’on sent pour le service de quelqu’un. Studium. Et alors les inférieurs s’en peuvent fort bien servir à l’égard des supérieurs. Vous direz aux belles Princesses, auprès de qui vous êtes, que j’ai une affection sans pareille pour leur service. Voit. On se fait honneur de faire comprendre à des personnes supérieures l’extrême affection qui nous attache à elles. Il est d’un honnête homme de se porter avec affection à tout ce qui regarde son devoir. Ch. de Mer.

Affection. s. f. Terme de Théologie mystique. L’oraison consiste plus dans les affections, que dans la connoissance, c’est-à-dire, dans les actes de la volonté, que dans ceux de l’entendement. On l’oppose quelquefois à méditation, parce que celle-ci consiste dans les actes de l’esprit, & dans la considération de l’objet que l’on médite, & les affections regardent la volonté, & les élancemens de l’ame vers Dieu. En ce sens ce mot se dit le plus souvent au pluriel.

Affection, se dit aussi chez les Philosophes, des qualités des choses, & des divers changemens qui leur arrivent. Affectio. On a trouvé l’art d’observer, par le Thermomètre, toutes les différentes affections de l’air. Roh.

☞ On distingue les affections en affections du corps & en affections de l’ame. Les affections du corps sont certaines modifications qui sont occasionnées par le mouvement, en vertu duquel un corps est disposé de telle ou telle manière.

☞ Les affections de l’ame, sont ce qu’on appelle plus ordinairement passion.

Affection, se peut prendre en général pour l’impression que les êtres qui sont ou au-dedans de nous, ou hors de nous, exercent sur notre ame. Mais ce mot se prend plus communément pour le sentiment agréable ou désagréable que les objets occasionnent en nous.

Affection, se disoit autrefois en Géométrie, dans le même sens que propriété. Cette courbe a telle affection, c’est-à-dire, telle propriété.

Affection, en termes de Médecine, signifie une impression fâcheuse dans toute l’habitude du corps, ou dans quelqu’une de ses parties. Affection mélancolique. Affection hystérique. Acad. Fr.

Affection hypocondriaque. Maladie des Hypocondres, qui cause divers accidens fâcheux. Voyez Hypocondriaque.

AFFECTIONNÉMENT. adv. Avec affection. Studiosè, propenso animo. Ce mot ne se dit plus, & l’usage y a substitué, affectueusement.

AFFECTIONNER. v. a. Avoir de l’affection pour quelque chose, ou pour quelque personne. Amare. Le mot d’affectionner ne se doit jamais dire en ce sens de l’inférieur au supérieur, & rarement d’égal à égal. Le Sur-Intendant Bullion ne parle pas juste, en répondant aux Cordeliers qui lui demandoient à quel Saint il vouloit dédier une Chapelle : Hélas ! ils me sont tous indifférens, je n’en affectionne aucun. Bouh.

Affectionner, signifie aussi, s’intéresser pour quelque chose. Studere alicui rei, propendere in aliquid, vel in aliquem. C’est une affaire que j’affectionne, à laquelle je m’intéresse avec chaleur.

Affectionner, signifie encore, attacher les personnes à quelque sujet, les y intéresser par quelque chose qui touche, qui émeut, qui entraîne, & donne du plaisir. Afficere. Cela se dit particulièrement des auteurs de pièces dramatiques & de nouvelles historiques, qui doivent faire tous leurs efforts pour affectionner les spectateurs, & les lecteurs, à leurs principaux personnages. Je n’ai jamais vû une histoire plus languissante ; en la lisant on ne prend parti pour personne, & l’Auteur n’affectionne à rien. M. Scud.

s’Affectionner à quelque chose, c’est s’y attacher fortement, s’y appliquer avec ardeur & avec affection. Il faut s’affectionner à son métier pour y réussir. Il y a des Ecrivains qui s’attachent plus qu’il ne faut à finir certains endroits de leurs discours, auxquels ils s’affectionnent. Bouh. Il s’affectionna tellement à la solitude, qu’il cherchoit le silence des forêts. Id.

AFFECTIONNÉ, ÉE. part. Qui a de l’affection, de l’amour, de la bonne volonté pour quelqu’un. Benevolus, studiosus. ☞ Quoique ce nom ait une terminaison passive, il signifie pourtant une action. Ce qui n’est pas extraordinaire dans notre langue. On finit les lettres par cette formule : Votre très-humble & très-affectionné serviteur. On a usé de cette formule différemment selon les temps & les personnes. On s’en est servi long-temps en écrivant aux personnes de la première qualité : & même M. d’Urfé en a usé dans la souscription de l’Epître dédicatoire de son Astrée au Roi en l’année 1620. Il y en a grand nombre d’exemples. Mais depuis on s’est rendu plus délicat, & on a mis au lieu d’affectionné, le mot d’obéissant, à ceux qui avoient la moindre élévation, ou à qui on vouloit faire civilité : ensorte que le terme de très-affectionné, ne s’écrit que de supérieur à inférieur ; & il faut être fort au-dessus de celui à qui on écrit, ou être incivil ou mal-instruit de l’usage, pour lui donner du très-affectionné. On a retranché le superlatif en écrivant aux inférieurs ; & toujours en diminuant, on a dit votre affectionné à vous servir, en écrivant à quelque paysan ou artisan ; & enfin, votre affectionné à vous rendre service, quand un grand Seigneur écrivoit à un domestique, ou à quelqu’un de sa dépendance.

AFFECTUEUSEMENT. adv. D’une manière affectueuse. Amanter, benevolè, studiosè.

AFFECTUEUX, EUSE. adj. Qui marque, qui témoigne beaucoup d’affection. Amoris & benevolentiæ plenus. Un compliment affectueux, des prières très-affectueuses. Affectueux, se dit encore des pièces d’éloquence, qui excitent & qui remuent les passions. Affectuum movendorum potens. Un Orateur doit remplir les peroraisons de mouvemens affectueux. On dit de même, Orateur pathétique & affectueux. Ces mots viennent d’Afficio, afficior, affectus.

AFFÉRENTE. adj. f. Terme de Palais, qui se dit en cette phrase : il faut partager cette succession en trois lots, afin que chacun en ait sa part afférente ; pour dire, qui lui doit échoir ou appartenir.

AFFÉRIR. v. n. Vieux mot. Appartenir. On a dit, ce qui lui affiert ; pour dire, ce qui lui convient.

AFFERMER. v. a. Donner, ou prendre à ferme quelque terre, quelques droits pour un certain temps, & moyennant certain prix. Locare, vel conducere, redimere. Il a affermé sa seigneurie pour neuf ans. Ce Traitant a affermé les Gabelles, le Fermier qui a affermé cette métairie n’y peut pas vivre. Les Greffes s’afferment, parce qu’ils sont domaniaux. Quand on afferme quelque terre au-delà de neuf ans, c’est une espèce d’aliénation. Remarquez que ce nom se dit aussi-bien de celui qui donne, que de celui qui prend à ferme.

AFFERMÉ, ÉE. part. Locatus, conductus.

AFFERMIR. v. a. Rendre ferme & stable. Solidare, firmare. Il faut affermir une voûte par de bons arcs-boutans. Affermir un plancher. Voyez Ferme.

Affermir, signifie aussi, rendre ferme & consistant ce qui étoit mou. Le vin affermit le poisson. La gelée affermit les chemins. Dans ce sens on dit mieux raffermir. Acad. Fr.

Affermir, signifie encore, dans un sens figuré, rendre plus stable, plus assuré, plus inébranlable. Stabilire, confirmare, asserere. Cela n’a servi qu’à affermir notre amitié. Ablanc. Brutus affermit la liberté des citoyens. Cela vous doit affermir davantage dans votre opinion. La Philosophie affermit le courage. La victoire affermit un Prince sur son trône. La grâce affermit les fidèles dans la foi. On tire de l’Ecriture Sainte une consolation qui affermit l’espérance des biens avenir. Port R. L’approbation affermit, & fortifie les hommes dans l’idée qu’ils ont de leur propre excellence. Nicol.

Affermir, se dit aussi en ce sens avec le pronom personnel, & signifie, se rendre plus ferme, plus assuré, plus inébranlable ; & il se dit dans le propre & dans le figuré. Firmari, solidescere, roborari, stabilire se. ☞ Au propre. Les terres s’affermissent par la gelée. Le poisson s’affermit en cuisant. Au figuré, &c. Aimer à s’affermir dans l’attente des biens éternels. Port-R. Le courage des fidèles s’affermit à la vûe des périls. S’affermir dans ses connoissances. Ablanc. Il s’affermit dans la mauvaise voie. Port-R.

Affermir, la bouche d’un cheval, l’affermir dans la main & sur les hanches. Termes de Manège. C’est continuer les leçons qu’on lui a données, pour qu’il s’accoutume à l’effet de la bride, & à avoir les hanches basses. Voyez Assurer. Encyc.

AFFERMI, IE. part. Stabilitus, solidatus, firmatus, roboratus, assertus, &c. Au figuré : L’ame demeure bien affermie sans être sujète à ces incertitudes qui rendent sa foi chancelante. Bourdal. Exh. t. I p. 128.

AFFERMISSEMENT. s. m. Action qui affermit quelque chose. État d’une chose affermie. Stabilimentum, firmamentum, confirmatio, stabilimen. L’entrait ou le tirant, sert à l’affermisement d’une ferme de charpente. Il n’est guère d’usage au propre. On dit au figuré, l’affermissement d’un Etat. L’amour des peuples envers le Prince, est l’affermissement de son empire. Mon Dieu, vous êtes le seul soutien & le seul affermissement des ames. Arn. La grâce est admirable d’avoir fait de la crainte, dont le propre est d’ébranler, l’affermissement de toutes les vertus. Bourdal. Exh. t. I. p. 446. Dans ce sens il désigne la confirmation dans un bon état.

AFFÉTÉ, ÉE. adj. Qui affecte trop de plaire par des manières de parler ou d’agir, qui ont un air de coquetterie. Affectator, Confectatrix. Fille affétée. C’est une petite affétée : elle ne seroit point désagréable, si elle n’étoit point affétée. Acad. Fr. Ce mot se dit aussi des choses qui sont faites avec affectation, & qui ne sont pas naturelles. Affectatus. Cet homme est ridicule. Avec son langage affété, sa mine affétée.

Je laisse aux doucereux ce langage affété,
Où s’endort un esprit de mollesse hébété. Boil.

AFFÉTERIE. s. f. Les paroles & les actions d’une personne affétée ; certaines manières étudiées & pleines d’affectation qui marquent un désir de plaire. Affectatio, consectatio nimiæ concinnitatis. Afféterie pure, ridicule, dégoûtante, ennuyeuse. Poppée, la plus spirituelle & la plus belle dame de son temps, prit d’abord Néron par ses afféteries & par ses caresses. Ablanc. Elle le voulut porter par ses afféteries & par ses caresses à des choses honteuses. Id. Il n’y a rien de plus insupportable que les afféteries d’une coquette ou d’une précieuse. Voy. Affectation.

AFFETTUOSO. Terme de Musique, emprunté de l’Italien, qui marque qu’un morceau doit être joué ou chanté affectueusement, lentement, tendrement.

AFFEURER, ou AFFORER. v. a. Terme de coutume. C’est mettre le prix ou le taux aux denrées. Annonæ pretium dicere, rei venali pretium slatuere. C’est à la Police qu’il appartient d’affeurer les denrées.

AFFEURAGE. s. m. Prix que l’on met aux denrées. Droit d’affeurage. Æstimatio venalium. Voyez aussi Afforage.

AFFICHE. s. f. Placard attaché en lieu public, pour rendre une chose connue à tout le monde. Libellus publicè affixus. Affiche de Comédie.

Au Palais, on nomme affiches, les proclamations que l’on attache aux places publiques, pour procéder à un bail judiciaire. Tabula publicè proposita. De même on appelle l’affiche de quarantaine, de quinzaine, celles qui se font avant l’interposition du décret ; & tout cela pour avertir les créanciers de faire trouver des enchérisseurs. La première affiche doit contenir une enchère. Ces deux affiches doivent être publiées au Prône, & apposées aux portes des Eglises, & autres lieux publics. En matière criminelle, on donne assignation à l’accusé par affiche à la porte de l’Auditoire.

Affiche, en termes de Collège, est une solennité que font les Ecoliers, où ils exposent leurs compositions au jugement les uns des autres. Solemnes litterariarum lucubrationum proscriptiones. Elles sont écrites dans des images, ou cartouches, qui ont divers ornemens. On propose des énigmes & des prix à ceux qui les expliqueront pendant les affiches. Ce mot en ce sens ne se dit jamais qu’au pluriel. Les affiches sont d’une grande utilité pour donner de l’émulation aux Ecoliers. Il se dit au singulier, quand il se prend en particulier pour une de ces images ou cartouches dans lesquels chacun écrit sa composition. Mon affiche de prose n’a point été piquée. J’ai repris ou piqué un solécisme dans ton affiche de vers. L’affiche grecque d’un tel a été déchirée. Les Ecoliers le disent aussi de l’ouvrage qu’ils écrivent dans le cartouche : J’ai fait mon affiche de vers, elle est sans faute ; mais je n’ai pas encore achevé l’affiche du Grec. Il n’y avoit que les Jésuites qui fissent de ces sortes d’affiches.

Affiche. Terme de Finance & appliqué aux Fermes. C’est une feuille écrite ou imprimée, qu’on met dans les carrefours ou autres lieux, pour avertir le public du jour qu’on doit faire les publications, les enchères & les adjudications des fermes.

Les affiches sont aussi anciennes, & l’on peut certainement ajouter autant & plus nécessaires, que les publications, pour instruire le public des loix qu’il doit observer. Tous les peuples qui ont acquis le plus de réputation par la sagesse de leur gouvernement, ont suivi cette méthode des affiches, pour rendre leurs loix publiques. Les Grecs les écrivoient sur des rouleaux de bois plus longs que larges, & les exposoient dans les places publiques. Ils nommoient ces rouleaux, selon Aristote, Cyrbes. D’autres disent que ce nom n’étoit donné qu’aux tables qui contenoient les loix des Sacrifices, & qu’ils nommoient Axones les autres tables. Les Romains affichoient leurs loix gravées sur des tables d’airain. Cet usage passa dans les Gaules avec la domination des Romains. Il fut conservé par nos Rois après leurs conquêtes. François I. le confirma par son édit du mois de Novembre 1539. De la Marre.

Affiche. Terme de maîtres Pêcheurs. C’est un des engins dont ils se servent, lorsqu’ils veulent aller tendre leur verveux. L’affiche est une sorte pointe de fer d’environ deux pieds de longueur, emmanchée d’une perche de dix ou douze pieds. On s’en sert pour arrêter le bateau, en la fichant & enfonçant profondément dans le sable ou la vase de la rivière. Elle est différente du croc.

Affiche de Paris. On appelle ainsi une feuille qui paroît toutes les semaines, dans laquelle on annonce les biens à vendre ou à louer, les nouvelles découvertes, les spectacles, le cours & le change des effets commerçables, &c.

AFFICHER. v. a. Attacher un placard, un écrit dans quelque lieu, pour avertir le public de quelque chose. Libellum, Tabulam, proscribere, figere, affigere. Cet édit, ce règlement a été lû, publié & affiché en tous les lieux ordinaires, afin que personne n’en prétende cause d’ignorance. On affiche les Livres nouvellement imprimés pour les faire connoître. On dit encore en badinant, de quand on menace de rendre la chose publique, qu’on la fera afficher. Le droit de faire publier & de faire afficher, n’appartient en chaque ville, qu’au Juge qui a la juridiction ordinaire, & le territoire. Lors même que dans une ville il y a plusieurs Juges ordinaires, ce droit de faire publier & afficher, n’appartient qu’au premier & principal Magistrat de la ville, comme une suite & dépendance de la Police. Le Prévôt de Paris en est en possession de temps immémorial. De la Marre. Il rapporte les preuves de ce dernier article. Traité de la Police, L. I. Tit. xv. c. 2. On dit de même d’un Prédicateur qui annonce à la fin de ses sermons sur quoi il prêchera les jours suivans : il affiche ses sermons. Cette expression ne se dit que dans la conversation ; annoncer est mieux. Declarare, monere, præmonere.

On dit au fig. Afficher le bel esprit; pour dire, se donner pour bel esprit, vouloir passer pour bel esprit. Afficher sa honte, rendre publics des sentimens ou une action qui nous déshonorent.

☞ Il s’emploie aussi au réciproque, s’afficher pour bel esprit, pour impie. Dans ce sens il ne se prend guère qu’en mauvaise part. Un homme sensé ne s’affiche point.

Afficher. Terme de Cordonnier. C’est couper les extrémités du cuir, lorsqu’il est sur la forme. Afficher une paire de semelles. Afficher une paire d’empeignes.

AFFICHÉ, ÉE. part. Proscriptus.

AFFICHEUR. s. m. Celui qui affiche. Afficheur de Thèses, Afficheur de la Comédie.

AFFIDÉ, ÉE. adj. Celui en la foi, en la discrétion de qui on se confie. Celui ou celle à qui on donne sa confiance. Fidus, fidelis. Il faut toujours avoir un ami affidé qui soit sûr, à qui on puisse confier ses pensées. Il est aussi substantif. Il m’a fait dire par un de ses affidés, il n’est pas du style noble.

Affidés, ou Affidati. Les Affidés. C’est le nom des Académiciens de Pavie, dont la devise est un héron, avec l’étoile de Mercure, & pour âme ce mot latin, Utraque, felicitas, pour marquer, dit le P. Kirker, Œd. Egypt. T. I. p. 10, la félicité de l’action & de la contemplation, ou de la vie d’action & de la vie de contemplation ; c’est-à-dire, d’étude.

AFFIER, est un vieux mot qui s’emploie ordinairement avec le pronom personnel, & qui signifie, faire fonds sur la fidélité d’une personne, compter sur sa bonne foi, Confidere alicui. En la place on dit, se fier, se confier.

AFFIER, est aussi un verbe actif, qui signifie, assurer. Asseverare, asserere.

Vous reprendrez je l’affie
Sur la vie,
Le tainct que vous a ôté
La Déesse de beauté
Par envie. Marot.

C’est-à-dire, je l’assure. Cette manière de parler étoit alors en usage, & s’est même conservée dans quelques provinces. On la voit même avant Clément Marot, dans une pièce assez agréable, intitulée : le débat de l’eau & du vin.

Rends-toi & me crie merci :
Je te batterai tant (je l’affi) &c.

Affier signifie aussi confier. Credere, committere.

Si qu’un simple estafier
Ne lui voudrait une épingle affier. R.

Affier. Terme d’Agriculture. Planter, provigner des arbres en sions, ou boutures. Serere, propagare. Ce mot est vieux, on dit à présent, planter de bouture, & non plus affier. Liger.

AFFILER. v. a. Terme de Coutelier. Donner le fil à un couteau, à une épée, à une faux, à une coignée, & à tous autres instrumens tranchans, en les passant sur la meule ou sur le grais, ou avec la pierre à aiguiser. Affiler un rasoir. Acuere.

Affiler, est aussi un terme de Tireur d’or. Il signifie, mettre le lingot d’or ou d’argent dans la filière. Affiler un lingot d’or, affiler une verge d’or ou d’argent. Aurum vel argentum in fila ducere.

Affiler est encore un terme de Jardinier. Il signifie, planter à la ligne. Affiler des arbres. Arbores ad lineam exigere, mais aligner vaut mieux. Voyez Aligner.

Affiler. Terme d’agriculture. Les Laboureurs disent, nos blés sont tous affilés. Les gelées du mois de Mars ont affilé tous nos blés, c’est-à-dire, ont rendu les fanes du blé tellement petites & pointues, qu’il semble que ce ne soit que des filets. Cet accident, qui n’arrive aux blés que par des froidures qui surviennent au mois de Mars, n’est autre chose qu’une altération causée aux fibres de la fane encore tendre, qui perdant par-là les dispositions nécessaires pour recevoir le suc nourricier, s’affile au lieu de prendre toute l’extension en longueur & largeur qui lui convient pour être belle. Liger.

AFFILÉ, ÉE, part. On dit figurément, un bec affilé, d’une personne qui est grande parleuse, & le plus souvent médisante. Loquax, garrulus. Elle a la langue bien affilée, le caquet bien affilé. Il est familier.

AFFILIATION. s f. Adoption. Chez les anciens Gaulois cette espèce d’adoption se pratiquoit entre les Rois & les grands Seigneurs. Elle se faisoit avec des cérémonies militaires. Le pere présentoit une hache à celui qu’il adoptoit pour son fils ; & cela signifioit, qu’il vouloit qu’en succédant à ses biens, il les conservât par le glaive.

☞ On le dit en parlant d’une compagnie ou d’une communauté, qui en a affilié d’autres.

Affiliation, est aussi un terme de Religieux, qui signifie la communication qu’un Ordre Religieux fait à quelque maison particulière, de tout ce que l’Ordre a de plus saint & de plus précieux. Communicatio.

AFFILIER. v. a. Vieux mot, qui veut dire, adopter, prendre pour fils. Adfiliare, in filium adoptare. Honoré Bonnor en l’arbre des batailles, part. 4. c. 106. dit, je traite la question, savoir, si la Reine Jeanne de Naples, a pu affilier le Roi Louis, &c.

☞ Les Grands Vocabulistes trouvent mauvais qu’on qualifie ce mot de vieux. l’Acad. Fr. disent-ils, contredit le Dictionnaire de Trévoux dans ce cas-ci, comme dans le cas d’affiliation. Il ne manque à cela que la vérité. Le mot affilier, pris dans le sens qu’il a dans l’exemple que nous citons, pour adopter, reconnoître pour fils, est vieux, très-vieux, & inusité. l’Acad. Fr. ne nous contredit point en cela, puisque dans son Dictionnaire il n’est point question du mot affilier, pris dans cette acception. Il est vrai qu’elle parle des mots affiliation & affilier, comme de mots en usage dans une autre signification ; mais nous en faisons autant ; & il est évident que la qualification de vieux ne tombe que sur le mot employé dans le sens que lui donne Honoré Bonnor. Est-ce par humeur, ou par un simple défaut d’attention que ces Messieurs critiquent si mal & citent faux ?

Affilier, adopter, synonyme d’unir, agréger. l’Acad. Fr. s’est affilié quelques Académies de Province. On le dit de même des Communautés Religieuses.

☞ On dit aussi en parlant d’une Communauté Religieuse, affilier quelqu’un, lui donner des lettres d’affiliation, c’est le rendre participant de tout ce qu’il y a de plus saint dans un ordre, en sorte qu’il ait part aux prières, aux bonnes œuvres, &c. de l’ordre.

AFFINAGE. s m. Action par laquelle on épure, on dégage de ses parties hétérogènes une matière quelconque, solide sur-tout, pour la rendre plus propre aux usages qu’on s’en promet. Purgatio. Il y a beaucoup de déchet dans l’affinage du sucre pour le rendre blanc. L’affinage des métaux se fait par le feu, le mercure, le plomb, l’eau forte, &c. Il y a pour l’argent l’affinage au plomb ; c’est lorsqu’on l’affine dans une grande coupelle que l’on met dans un fourneau couvert d’un chapiteau de carreaux de briques, pour déterminer la flamme à reverbérer sur les matières, ce qu’on appelle feu de réverbère. On chauffe ce fourneau par un grand feu de bois, & on met du plomb dans la coupelle, à proportion de la quantité & de la qualité des matières à affiner. Quand le plomb a bouilli quelque temps, on jette les matières dans la coupelle, ce qu’on appelle charger la coupelle ; & quand elles ont bouilli, on se sert d’un gros soufflet pour souffler la surface des matières, afin de les faire tourner & circuler, & qu’en circulant elles chassent l’impureté des métaux, qui vient en écume aux bords de la coupelle. Cette écume coule par un conduit que l’on fait au bord de la coupelle, en l’échancrant en un endroit. On continue le vent du soufflet jusqu’à ce que l’argent ait paru de couleur d’opale, qui fait connoître que toute l’impureté a été chassée, & que l’argent est pur, c’est-à-dire, à 11 deniers 19 à 20 grains. Affinage au salpêtre, c’est quand on se sert d’un fourneau à vent ; on y met un creuset ; on le charge d’environ 40 marcs de matière d’argent, puis on le recouvre, & on charge le fourneau de charbon. Quand la matière est en bain, on jette deux ou trois onces de plomb dans le creuset ; on brasse bien la matière en bain ; puis on retire le creuset du feu ; on verse ensuite cette matière par inclination dans un bacquet plein d’eau commune, pour la réduire en petits grains, qu’on appelle Grenaille, &c. Après lui avoir donné trois feux, on laisse refroidir le creuset sans y toucher, on le retire, ensuite on le casse, & on y trouve un culot dont le fond est d’argent fin, & le dessus de crasses de salpêtre, avec l’alliage de l’argent, &c. Voyez le Traité des Monnoies de Boizard, C. 20.

Pain ou plaque d’affinage. C’est lorsque dans l’affinage au plomb on ne retire point avec la canne l’argent en coquillons ; mais qu’on le laisse se fixer dans la coupelle en forme de pain plat, qu’on appelle pain ou plaque d’affinage. Boizard. Les affinages de matières d’or se font avec l’antimoine, ou avec le sublimé, ou avec l’eau forte. Cette dernière manière d’affiner est appellée Départ d’or. Il y a encore en termes de Monnoie, l’affinage de casses ou de coupelles, & des glettes ou litharges, qu’on est obligé d’affiner ; parce qu’il reste toujours quelque partie d’argent dans les casses qui ont servi aux affinages, & qu’il en reste aussi parmi les glettes ou impuretés qui ont coulé des casses, & qu’on ne peut retirer ces