Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/AFFECTATION

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 136).
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☞ AFFECTATION. s.f. Affectatio, confectatio. C’est en général un attachement vicieux, & toujours ridicule, à dire ou faire certaines choses d’une manière singulière, en s’éloignant du naturel. Affectation dans le geste, dans les manières, dans le langage, dans les pensées, dans les procédés, &c. L’affectation est une envie démesurée de plaire, mais mal entendue. Boil. C’est un mensonge qui déguise le naturel, pour chercher dans un air emprunté de quoi se rendre ridicule. L’affectation dans le langage, est le vice de ceux qui, au lieu de se servir de termes propres & naturels, disent en termes recherchés les choses même les plus communes : ils courent après l’esprit. Le P. Bouhours reproche au Tasse de donner quelquefois dans l’affectation. En cherchant trop le plaisant & l’agréable, on tombe d’ordinaire dans une sotte affectation. Boil. En voulant s’élever, on tombe souvent dans une affectation basse, puérile, fade, impertinente.

Affectation, se dit encore d’un désir trop marqué de faire montre des avantages & des qualités qu’on n’a pas. Elle tient de l’ostentation. Une affectation trop étudiée de paroître prude, est suspecte. Les uns méprisent la mort par brutalité, & les autres par l’affectation d’un courage magnanime.

Affectation & Afféterie, synonymes. Par l’une & par l’autre on s’éloigne également du naturel ; mais la première, dit M. Diderot, a pour objet les pensées, les sentimens, le goût dont on fait parade : au lieu que l’afféterie ne regarde que les petites manières par lesquelles on croit plaire.

l’Affectation d’un Auteur qui court après l’esprit ; l’afféterie d’une coquette, d’un petit maître, qui court après les grâces.

Affectation, signifie aussi, en termes de pratique, l’imposition d’une charge ou hypothèque sur un fonds qu’on assigne pour sûreté d’une dette, d’un legs, d’une fondation, ou toute autre obligation. Hypotheca. Il m’a constitué une rente avec une affectation spéciale sur cette terre. Ce revenu a une affectation particulière, il doit être employé à telles & telles aumônes par sa fondation & sa destination.

Affectation, en termes de droit Canonique, action d’affecter, d’attribuer une chose à une autre. Attribution d’une place, d’un bénéfice, d’une prébende à certains sujets, sans que d’autres que les désignés en puissent jouir. Attributio, Destinatio. Le serment particulier que font les Chantres ou Vicaires-Choristes, l’obéissance qu’ils jurent au Chantre en ce qui concerne l’office divin, l’affectation de leur bénéfice au chœur, la résidence continuelle qu’ils doivent pour y desservir, & les autres engagemens, qui caractérisent ces sortes de bénéfices, ne permettent pas de les confondre avec les bénéfices qu’on nomme libres. Que le sieur B. ne sorte donc point de sa sphère par l’affectation au chœur.

On dit aussi en Jurisprudence canonique, affectation d’un bénéfice, en parlant de sa réservation au Pape, aux Gradués, &c. Jus, attributio. Voyez Réservation.

Affectation, en termes de Médecine, se dit de la disposition d’un membre à l’égard des maladies, ou des blessures qui l’incommodent. Affectio. Quand on ordonne un remède, il faut avoir égard à l’affectation des parties.