Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/DÉFENSEUR

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(3p. 166-167).
◄  DÉFENSE

DÉFENSEUR. s. m. Celui qui défend. Voyez Défendre. Defensor, propugnator. Charlemagne, Saint Louis, ont été les défenseurs & les protecteurs de l’Eglise. Heureux celui qui a le Dieu de Jacob pour son défenseur. Port. R. L’Eglise n’a jamais manqué & ne manquera jamais de défenseurs.

Défenseur, terme d’Histoire Ecclésiastique. C’étoit anciennement une dignité dans l’Etat & dans l’Eglise. Les Défenseurs avoient soin de conserver le bien public, & de protéger les misérables. Chaque Eglise Patriarchale avoit son Défenseur, & cet usage commença vers l’an 423. Il s’est conservé sous d’autres noms. C’est la même chose que les Avocats, ou Avoués qui défendoient autrefois les intérêts des Eglises. Voyez le mot Avoué. L’Empereur se qualifie encore Avocat de l’Eglise. Les Rois d’Angleterre ont conservé le titre de Défenseur de la Foi, qui fut accordé à Henri VIII. par Léon X. & qui lui fut confirmé par Clément VII. Le Concile de Chalcédoine, Can. 2. appelle le Défenseur d’une Eglise Ἔκδικος. Le Pape Urbain, Cap. Salvator, de Simonia, dit que ce Concile entend par-là des Avoués, des Châtelains, des Juges. Codin, de Officiis aulæ. Const. parle aussi de Défenseurs du Palais ; & Bollandus, Act. Sanct. Janu. T. I. p. 501. En 407. un Concile de Carthage, c. 97. demande à l’Empereur des Défenseurs du nombre des Scholastiques, c’est-à-dire, des Avocats qui étoient en exercice ; & qu’il leur fût permis d’entrer dans les cabinets des Juges toutes les fois qu’il seroit nécessaire pour les affaires de l’Eglise. Ces Défenseurs sont à peu près ce que furent dans la suite les Avoués, & c’est là une espèce de commencement de l’Avouerie. Dans l’Ordo Romanus, quand le Pape va à l’Eglise de la Station dire la Messe, il est à cheval avec ses principaux Officiers, & les Acolytes avec les Défenseurs l’accompagnent à pied. Les Ecclésiastiques obtinrent des Empereurs d’avoir leurs Défenseurs, qui étoient des laïques chargés de maintenir les intérêts de l’Eglise dans les Tribunaux des Magistrats. Dès l’an 368. Valentinien parle d’un Défenseur de l’Eglise Romaine. Tillem. Il n’est donc pas vrai que le Concile d’Afrique tenu en 423. soit le premier qui parle des Défenseurs dans son Canon 42. Il y avoit des Défenseurs de l’Eglise, des Défenseurs du patrimoine de Saint Pierre, qui alloient dans les Provinces pour avoir soin des biens de l’Eglise Romaine, & qu’on appelle encore dans l’Ordre Romain Défenseurs Régionaires, Defensores Regionarii. Il y avoit aussi des Défenseurs des Monastères, des Défenseurs des Eglises Paroissiales. S. Grégoire parle souvent de ces Officiers ; & c’est dans ses Lettres & dans celles du Pape Pelage qu’il tant chercher tous les devoirs des Défenseurs.

Les Défenseurs des Eglises, ou Avoués, étoient de deux sortes. Les uns étoient Défenseurs des causes, ou des procès de l’Eglise ; & les autres, Défenseurs de ses terres. Le Prince donnoit les premiers ; les seconds étoient héréditaires, & c’étoient les fondateurs ou patrons des Eglises. Les premiers furent appelés dans la suite Œconomes & Vidames ; & ils prirent soin non-seulement des procès, mais encore de tout ce qui regardoit les provisions & le revenu des Eglises. Le premier ou le Chef des Défenseurs de l’Eglise, s’appeloit Primus Defensor, ou Primicerius Defensor ; en Grec Πρωτέκδικος. Gretser, Meursius, & le P. Goar, ont parlé fort au long de cet Office. Voy. aussi Macri, Du Cange, Spelman & Hofman, dans leurs Dictionnaires ; & ci-dessus au mot Avoué.

Nous n’avons point de charge qui réponde à celles des Défenseurs : on peut cependant, soit pour la nature & la qualité de leurs charges, soit pour la manière dont ils faisoient les affaires, soit pour leurs fonctions, les comparer aux Procureurs Généraux & à leurs Substituts, ou aux Lieutenans Généraux de Police & aux Commissaires. Il y avoit un Défenseur de l’Empire, ou du Royaume, Defensor Regni. Il étoit chargé de soutenir les droits de l’Empire, l’autorité du Prince, la rigueur des loix. Le Défenseur de la ville, Defensor civitatis, Defensor plebis, maintenoit les droits, les usages, les coutumes de chaque ville : on pourroit peut-être le comparer au Conseiller-Pensionnaire de chaque ville de Hollande. Cet Officier connoissoit toutes les causes pécuniaires au-dessous de 500 pistoles, & des crimes légers. Ont faisoit par-devant lui les insinuations des testamens & des donations, & les dépositions de témoins. C’est pour cela qu’il avoit son Archive ou son greffe. Voyez la Novelle 15. & Senator Cassiod. L. VII. Epist. 11. Ces Défenseurs des Villes, ou Cités, qui étoient chargés des premiers soins de la Police dans les principales villes chez les Romains, ne pouvoient sortir de ces villes, non plus que les Présidens des Provinces, de la Province qui leur étoit confiée, si ce n’étoit pour accomplir un vœu, & à condition d’y revenir coucher le même jour. De la Mare, Tr. de la Pol. Tom. 1. p. 206. Il y avoit aussi dans les Gaules des Défenseurs des villes. L’élection de ces Magistrats dépendoit du Président de la Province. La loi portoit qu’il les choisiroit entre les plus nobles, les plus riches & les plus estimés des citoyens. Les Magistrats Romains, jaloux de l’autorité de ces Officiers, firent tout leur possible pour les détruire ; de sorte que l’on ne prit plus pour ces places importantes que des gens inconnus, sans nom, sans réputation, obscurs, comme porte la Novelle 15. de Justinien. De Defens. Civit. Cela parut d’une trop dangereuse conséquence au service du Prince & au bien public. On les rétablit. Voyez la Novelle citée, Godefroy sur cette Novelle & de la Mare, Tr. de la Pol. T. I. p. 25. Le Défenseur des pauvres, des pupilles & des veuves, prenoit soin des affaires de ces sortes de personnes, qui seroient souvent indéfendues, si personne n’étoit chargé de leurs affaires. Les Diacres au commencement de l’Eglise étoient les Défenseurs des pauvres, des pupilles & des veuves ; mais dans la suite cet emploi devint une charge, qui fut exercée par des laïques. Justinien en parle dans sa 15e. Novelle. Les Défenseurs de l’Eglise étoient comme les Commissaires & les Subdélégués du Patriarche. Le premier, ou le Chef de ces Défenseurs, jugeoit avec d’autres Défenseurs, qui étoient les assesseurs, les affaires de moindre conséquence qui étoient du ressort du Patriarchat, & il en rendoit compte ensuite au Patriarche.

Il est parlé dans le Droit Romain des Défenseurs : c’étoit dans les villes qui n’étoient ni libres, ni privilégiées des Officiers préposés pour la répartition des impôts, ou tributs : ils régloient ce que chacun des habitans devoit payer. La fonction des Défenseurs étoit semblable à celle des Censeurs de Rome & à celle de nos Elus : on ajouta dans la suite à leur pouvoir celui de juger les causes sommaires. Voy. la 15e. Novelle de l’Empereur Justinien, & liv. 4. de Defens. Civit.

Défenseur en Mythologie. Surnom d’Hercule, qui avoit à Rome un Temple sous ce titre. Defensor. C’étoit-là où les Soldats & les Gladiateurs, à qui son donnoit un congé honorable, venoient suspendre leurs armes.