Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/DÉFENSE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(3p. 165-166).
DÉFENSEUR  ►

DÉFENSE. s. f. Action par laquelle on défend, & on résiste aux violences de ceux qui attaquent. Defensio. La défense de son corps & de ses biens est permise par les loix. Il n’a pas eu le loisir de se mettre en défense, de mettre l’épée à la main. Les Princes d’Allemagne se sont ligués pour la défense commune. La pudeur a été donnée aux femmes pour servir de garde & de défense à leur honneur. S. Evr.

Défense, signifie aussi protection, justification. Dieu prend en main la défense des innocens & des foibles, de la veuve & des orphelins. Cet Auteur a pris la défense de son confrère, il a fait son apologie. Cet Orateur a entrepris la défense de cette proposition, il la soutient hautement. Costar a fait la défense des Œuvres de Voiture, & Ogier celle des Œuvres de Balzac.

Défense, en termes de guerre, signifie en général la résistance que font les troupes aux attaques de l’ennemi.

☞ La défense d’une place c’est l’art de résister aux attaques de l’ennemi qui veut s’en emparer. Cette garnison a fait une belle, une longue défense ; pour dire a soutenu un long siége.

Défenses, en termes de fortification, c’est tout ce qui sert à couvrir les ouvrages & les soldats qui défendent la place. Les parapets, les flancs, les casemates, les ravelins, &c. sont défenses : & on dit d’une ville, que ses défenses sont ruinées, quand le canon a abattu ou détruit ces ouvrages, quand les soldats ne peuvent plus tirer à couvert. Propugnacula, munimenta. On avoit abattu avec des béliers les principales défenses. Vaug. Il fallut rétablir les défenses de la place. Ablanc.

On appelle aussi la ligne de défense, celle qui flanque un bastion, & qui est tirée du flanc qui lui est opposé. Linea defensionis. La ligne de défense ne doit être que 120. toises, c’est-à-dire, à la portée du mousquet. Il y a des lignes de défense rasantes & fichantes. Voy. Ligne. Etre en défense, ou mettre en défense, c’est-à-dire, être ou mettre en état de défense. Le logement n’est pas encore en défense. On a mis la redoute en défense.

On dit, en termes de Blason, qu’un hérisson est en défense, lorsqu’il est roulé en peloton, ainsi qu’il a coutume de se mettre pour éviter d’être pris.

Défense, en termes de Palais, se dit des premières écritures qu’on fournit dans un procès contre un demandeur. En général les défenses sont les moyens qu’on emploie contre une demande. Defensio. Les appointemens en droit se donnent sur des demandes & défenses. On donnoit ci-devant des jugemens par défaut, qu’on nommoit des deboutés de défenses.

Défenses, signifie aussi un jugement qu’on obtient pour empêcher l’exécution d’un autre jugement. On donne des arrêts de défenses particulières pour lier les mains à des Juges, ou à des Officiers, pour empêcher qu’ils ne continuent l’instruction d’un procès, l’exécution d’un jugement, & aux parties, pour empêcher qu’elles ne passent outre à un mariage, à la construction de quelque bâtiment, ou autre chose semblable. En matière criminelle, un accusé pour toutes écritures donne des défenses par atténuation. Ce sont des exceptions proposées par l’accusé, pour détruire les raisons, les moyens & les preuves dont se sert l’accusateur, pour prouver que l’accusé a commis le crime dont il s’agit.

☞ Ces sortes de défenses sont abrogées par l’Ordonnance criminelle ; mais on peut présenter requête pour servir de défenses, raisons, moyens contre les pièces justificatives de l’accusateur.

Défenses au contraire. Ce sont celles que le Juge permet de proposer pour contredire les moyens mis en avant pour la partie adverse.

Défense, se dit aussi des publications qui se font en Justice pour interdire l’usage de quelque chose, & pour empêcher qu’on ne la fasse. Défense en ce sens est la publication qui est faite d’une chose par un Edit, une Ordonnance, une Déclaration, un Arrêt, &c. Interdictum, interdictio. Il y a des défenses faites par les loix divines & humaines, de nuire à son prochain. On a publié la défense des dentelles d’or & d’argent. La Cour fait très-expresses inhibitions & défenses à toutes personnes de, &c. Les défenses ont été publiées à son de trompe.

☞ Nous avons déjà observé que le terme de défense est beaucoup plus étendu que celui de prohibition : que le premier s’applique également à quelque loi que ce soit, divine ou humaine qui défend de faire une chose, au lieu que le dernier ne se dit que d’une loi humaine qui défend de faire quelque chose.

Défenses générales, sont les Lettres ou les Arrêts que les débiteurs obtiennent contre tous leurs créanciers pendant un temps, pour faire homologuer un contrat, ou pour l’entérinement du répit qu’ils demandent.

Les Mâcons & les Couvreurs appellent aussi défense, le signe fait en forme de croix, qu’ils attachent au bout d’une corde, qu’ils laissent pendre de dessus le toit pour avertir les passans qu’ils travaillent sur la maison. Signum pensile. La défense n’est quelquefois qu’une latte attachée à une corde qui la tient suspendue. Mettre la défense, retirer la défense.

Défenses, en termes de Marine, sont de grosses pièces de bois longues de 15. à 20. pieds, qui sont amarrées à l’avant & à l’arrière du vaisseau pendant le combat, pour empêcher l’abordage des ennemis & des brûlots. Elles servent aussi dans un mouillage pour empêcher que les vaisseaux ne s’endommagent en se choquant les uns les autres. Ces pièces de bois s’appellent aussi des boute-hors.

On appelle aussi défenses, des bouts de mâts, des bouts de câble, ou de grosses cordes tressées qu’on laisse pendre le long des flancs du vaisseau, quand il est à l’ancre auprès de plusieurs bâtimens, pour rompre leur choc quand ils viennent à se heurter, & pour empêcher qu’ils ne s’endommagent. On se sert aussi pour la même précaution de fagots, ou autres choses semblables.

Défenses, se dit aussi de certaines pièces de bois endentées deux à deux, ou trois à trois, qui sont sur les préceintes du vaisseau, & servent à conserver les chaloupes contre les préceintes & les têtes des chevilles de fer, quand on les embarque, & quand il les faut remettre à la mer.

Défenses, en termes de Chasse, se dit de deux grandes dents d’en bas qui servent au sanglier pour se défendre. Apri dentes falcarii. Quelques-uns le disent aussi des dents de l’éléphant qui sont disposées de la même manière, & de celles du cheval marin. L’ivoire se fait des os & des défenses de l’éléphant. Ab. Les dents & les défenses du cheval marin sont fort grandes, & guérissent les hémorroïdes. Id.

En termes de Librairie ou de Relieurs, on appelle défenses, de petits feuillets qu’on met au commencement & à la fin des livres, & que l’on colle contre la couverture. Ordinairement ces feuillets ont toute la longueur du livre, mais ils n’ont que le tiers ou le quart de la largeur. On met quelquefois ces défenses de parchemin, & quelquefois on n’en met que vis-à-vis des nerfs. On les appelle défenses, parce qu’elles défendent le livre, & l’empêchent d’être endommagé par la carne du carton & par les nerfs, le repli de cuir de la couverture, & autres coutures. Les défenses sont encore recouvertes d’un feuillet entier du livre que l’on colle par-dessus contre la couverture.

Défenses, en termes de manège, se dit d’un cheval qui, en sautant ou en reculant, résiste à ce qu’on veut qu’il fasse.