Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CORPS

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 927-931).
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☞ CORPS. s. m. substance étendue, purement passive d’elle-même, capable de toute sorte de mouvement, de forme & de figure. Elle est composée, suivant les Péripatéticiens, de matière, de forme & de privation : suivant les Epicuriens & autres Corpusculaires, d’atomes entrelacés, accrochés les uns aux autres : suivant les Cartésiens, d’une certaine portion d’étendue. Corpus. Voyez Élément, Principe, Étendue.

Ce qui constitue le corps physique, ce sont les trois dimensions, longueur, largeur & profondeur. M. de Ville imprima en 1680 à Paris un Traité sur le sentiment de Descartes, touchant l’essence & les propriétés du corps, où il montre qu’il est opposé à la doctrine de l’Eglise ; que ce sont les mêmes principes que ceux de Calvin & des Calvinistes ; que ces hérétiques en concluent qu’il est impossible que le Corps de J. C. soit dans l’Eucharistie de la manière que l’enseigne l’Eglise Romaine ; & que la conclusion de Calvin seroit bonne, si le principe de Descartes étoit vrai. La pénétration des corps est absurde dans l’opinion des Cartésiens. C’est à eux à accorder cette doctrine avec ce que la Foi nous oblige de croire du mystère de l’Eucharistie. Il est aujourd’hui des Philosophes qui se persuadent & qui tâchent de persuader aux autres qu’aucun de nous n’est sûr métaphysiquement qu’il y ait des corps hors de nous, parce que, disent-ils, il se peut faire absolument & au moins par miracle, que les sensations que nous en avons soient dans nous, sans qu’aucun corps les produise, & par l’opération de Dieu, qui excite en nous ces perceptions. Il est clair que ces prétendus Philosophes ne devroient pas s’en tenir aux corps, & que s’ils pensent conséquemment, ils doivent y ajouter les âmes, & généralement tout ce qui existe hors de nous, & notre propre corps ; & toutes les âmes que nous imaginons exister dans ces hommes que nous croyons voir & entendre. Car je ne juge que cet animal que je m’imagine voir & entendre, est un animal raisonnable ou un homme, que par les raisonnemens & les opérations spirituelles, que je m’imagine lui entendre faire ; or Dieu peut aussi bien mettre en moi cette sensation ou cette perception, qu’il y peut mettre celle du corps dans lequel je suppose qu’est cette ame. Ainsi ces savans Philosophes prétendent que je ne suis sûr métaphysiquement que de l’existence de mon ame, & qu’à l’égard de tout le reste, tout ce que je crois être dans l’Univers corps & ames, n’existe & n’existera peut-être jamais, & que ce n’est qu’une illusion. En convenant avec eux que dans le cas particulier où je puis ne pas être sûr métaphysiquement qu’un autre être existe hors de moi, on ne peut s’empêcher de leur montrer, que s’ils reconnoissent un Dieu, leur proposition générale, comme ils l’avancent, est fausse, absurde, téméraire, & qu’elle détruit ce Dieu qu’ils prétendent reconnoitre. Car s’ils avouent qu’il y ait un Dieu, ils reconnoissent un être infiniment parfait, infiniment bon, infiniment vrai, qui n’est point un fourbe, & qui, comme il ne peut se tromper lui-même, ne peut aussi tromper personne. Cependant si de tout ce que je crois voir au monde, entendre, sentir, il n’en est tien, si rien de tout cela n’existe, si depuis 20, 50, 40, 50, 60, 80 ans, & plus que je crois voir ces choses, les sentir, les entendre, je ne les vois, ne les entens, ne les sens point, celui qui me les fait voir, sentir, entendre, qui excite en moi ces perceptions, qui à chaque moment de ma vie m’abusent, me trompent, me font illusion, n’est point un Dieu, & il faut ou renoncer à Dieu, ou renoncer à la proposition générale.

Et en effet, quoique dans un cas particulier il puisse se faire que l’être que je crois exister hors de moi, n’existe point ; il ne peut se faire néanmoins que l’état dans lequel le Créateur m’a mis, soit un état perpétuel d’illusion, & que généralement ou presque généralement ce que je crois voir, entendre, sentir hors de moi, n’existe nullement, que dans tous les momens depuis le commencement de ma vie jusqu’à la fin, ou du moins presque toujours, & pour ainsi dire habituellement & par état, toutes ou même presque toutes mes perceptions ne soient que des illusions, des tromperies. Cela, dis-je, ne peut se faire, & j’en fuis aussi sûr que je suis sûr que Dieu est infiniment bon, vrai, sage, qu’il n’est point un fourbe ni un trompeur ; j’en suis donc métaphysiquement sûr. Et à quelle fin raisonnable & sage Dieu pourroit-il en user ainsi ? Et si cette doctrine perverse alloit s’introduire, où en seroit la religion, & que deviendroient ses preuves ?

☞ Le corps naturel & sensible, c’est-à-dire, en tant qu’il est formé par les causes naturelles, & revêtu des qualités sensibles, est l’objet de la Physique. Le corps considéré par rapport aux trois dimensions est l’objet de la Géométrie.

Les corps naturels sont animés ou inanimés. Voyez Ame.

Corps, à l’égard des animaux, se dit de ce qui est opposé au principe de la pensée, à l’ame. C’est cette partie de l’homme & des bêtes qui est composée de chair, d’os, de nerfs, &c. qui est matérielle. On ne peut assez admirer la Providence dans l’arrangement des corps, & dans les différens organes qui composent la machine des animaux. Que d’ordre, que de ressorts, que de liaisons ! Maleb. L’ame n’est point la forme du corps humain ; bien loin que la vie animale soit dépendante de l’ame, parce qu’elle cesse dès que l’ame en est séparée, il arrive au contraire que la demeure de l’ame dans le corps est dépendante de la disposition du corps, & qu’elle ne s’en sépare qu’après que l’ordre du corps est interrompu. Roh. L’ame & le corps sont trop disproportionnés, pour que les pensées de l’ame causent des mouvemens dans le corps : ainsi ces mouvemens réciproques ne pouvant être la cause directe l’un de l’autre, ils en sont l’occasion, ou la cause occasionnelle. Dieu, à l’occasion d’un mouvement du corps, imprime une pensée à l’ame ; & de même à l’occasion d’une pensée de l’ame, il imprime un mouvement au corps. Par conséquent Dieu est comme le médiateur de tout le commerce entre l’ame & le corps. C’est toujours Descartes qui parle selon ses principes, & dont les conséquences sont terribles. L’union entre l’ame & le corps est si étroite, qu’il ne se passe rien dans le corps dont l’ame ne soit aussi-tôt avertie. Val. Les Stoïciens entreprirent de persuader que les intérêts de leur propre corps leur étoient indifférens, & ils se retranchoient dans la partie spirituelle d’eux-mêmes. Son esprit, malgré le poids des années & des affaires, a conservé sa force & sa vigueur dans les ruines mêmes de son corps. Fléch. Dans la machine du corps de l’animal les Auteurs de la trituration comparent le cerveau à l’arbre du pressoir, le cœur au piston, les poumons aux soufflets, la bouche à la meule & aux pilons, l’estomac au pressoir, les boyaux au réservoir, ou à la meule. Nigrisoli, dans ses considerations sur la generation des corps vivans, traite au long des causes de la formation de nos corps, & de leur organisation.

☞ Le mot de corps, dans cette acception, peut être considéré sous différens points de vue, & devient susceptible de différentes épithètes.

☞ L’homme est composé de corps & d’ame, du corps & de l’ame. Constat ex mente & corpore simul unitis. Quand l’ame est séparée du corps, le corps s’appelle cadavre.

☞ Le corps considéré par rapport à la taille, à la conformation ou à la figure, est d’une taille petite, moyenne ou grande, d’une conformation bonne ou mauvaise, d’une figure gracieuse ou désagréable.

☞ Le corps considéré par rapport aux exercices dont il est capable, a plus ou moins de facilité à s’acquitter de certaines fonctions ; facilité qui dépend de la disposition des parties organiques, & résulte de la concurrence accidentelle des causes physiques. Le corps est souple, dénoué, agile, &c. ou il a les qualités contraires.

☞ Considéré par rapport à la santé, il est bien ou mal constitué, fort, robuste, rigoureux, foible, fluet, délicat. Corps exténué, cacochime, d’une mauvaise pâte.

☞ Dans la lutte, dans les combats, on se prend, on se saisit corps à corps, on se bat, on lutte corps à corps.

☞ On dit encore gagner quelque chose à la sueur de son corps, c’est-à-dire, en travaillant beaucoup. Traiter durement, délicatement son corps. Faire des folies de son corps, en parlant des personnes du sexe, la même chose que s’abandonner ; style familier. A corps perdu, façon de parler adverbiale, qui signifie sans crainte du danger. Il se jeta à corps perdu dans la mêlée ; à son corps défendant, mieux qu’en son corps défendant. Faire une chose à son corps défendant, contre son gré, pour éviter un plus grand mal.

Mais l’âge dans son ame a mis ce zèle ardent,
Et l’on sait qu’elle est sage à son corps défendant. Mol.

Corps se prend aussi par opposition à l’esprit. On dit, en ce sens, les plaisirs du corps ; pour dire, les plaisirs qui n’affectent que le sens. Si l’homme n’avoit point péché, l’ame & les corps ne seroient point importunés par des désirs déraisonnables. Port-R. Il est beau qu’il se trouve dans le Christianisme des âmes si détachées de la terre & d’elles-mêmes, qu’elles semblent indépendantes du corps auquel elles sont attachées, & qu’elles traitent comme leur esclave. Abad. Le corps tyrannise l’ame. Maleb. La rébellion du corps dont nous sommes les esclaves, vient du péché.

Quoi ! vous ne goûtez pas
Cette union des cœurs où le corps n’entre pas ? Mol.

Ce n’est qu’à l’esprit seul que vont tous les transports ;
Et l’on ne s’apperçoit jamais qu’on ait un corps. Id.

Corps, en termes d’Anatomie, se dit de plusieurs parties du corps de l’animal, que l’on désigne alors par des épithètes particulières. C’est ainsi qu’on dit, le corps calleux, les corps cannelés du cerveau, les corps caverneux de la verge, le corps glanduleux du foie, les corps mamillaires des reins, les corps papillaires de la langue, & ; pour dire, une matière, une substance calleuse, les substances cannelées du cerveau, &c.

Corps se dit aussi de la partie du corps humain qui est entre le cou & les hanches. On dit, en ce sens, un corps bien fait. Avoir le corps de travers. Il a le corps bien fait, mais les jambes trop courtes.

☞ On le dit plus particulièrement du tronc, de la capacité du corps. Pectus, stomachus, thorax, venter. Il a eu le corps percé de trois balles. Cet homme est fort gai quand il a une bouteille de vin dans le corps. Il fut tué d’un coup d’épée au travers du corps : il fut ouvert, on lui trouva un abcès dans le corps. Les Médecins divisent le corps en trois ventres, ou capacités, qui sont la tête, le thorax, & le bas-ventre. Ils appellent le reste les membres, ou les extrémités. Les Maîtres en fait d’Armes divisent le corps en trois parties, la haute comprend la tête, la gorge & les épaules ; la moyenne, la poitrine, l’estomac & le ventre supérieur ; & la basse est le ventre inférieur, & au dessous jusques vers les cuisses.

On dit figurément en ce sens, il faut voir ce que cet homme a dans le corps ; pour dire, tâcher à découvrir ses sentimens, ses opinions, ou lui tâter le pouls sur sa bravoure. Affectus animi, penitiores animi recessus.

Corps glorieux se dit de l’état d’un corps qui est dans la gloire céleste. Le corps glorieux est impassible.

On dit abusivement & familièrement en parlant d’une personne qui est long-temps sans éprouver les besoins corporels, que c’est un corps glorieux.

Corps se dit pour homme, personne, comme en latin caput ; mais il ne se dit que dans le style ou populaire ou familier, voilà un plaisant corps. O le plaisant corps ! Lepidum caput ! Il ne se dit guère qu’avec plaisant, & le Traducteur François du Spectateur Anglois n’a pas bien sû l’usage, quand il a dit, qu’il avoit entendu qu’on disoit de lui, voilà un bizarre corps ; il falloit dire un bizarre personnage.

☞ On dit aussi d’un homme qui n’a ni esprit ni vigueur, que c’est un pauvre corps.

Corps se dit aussi des habits, des armes qui servent à couvrir cette partie du corps qui va du cou jus qu’à la ceinture. Il faut essayer ce corps de pourpoint, ce corps de jupe. Thorax, tunicæ thorax. On dit un corps de cuirasse, en parlant de la cuirasse même sans les armures des bras & des cuisses. Lorica.

On dit, en termes de Palais, qu’un homme s’est obligé corps & biens ; pour dire, qu’il s’est soumis à tenir prison faute de payement. L’Ordonnance de 1567, a abrogé les contraintes par corps après les quatre mois, pour les dettes civiles. On peut seulement contraindre par corps pour dépens civils, lorsqu’ils excèdent 200 livres. Une femme, bien qu’il semble qu’elle ne puisse engager sa personne qu’à son mari, est prenable par corps, lorsqu’elle fait un commerce distinct & séparé de celui de son mari. On a jugé la contrainte par corps pour intérêts résultans d’un procès criminel contre une femme. C. B.

Un décret de prise de corps est une Ordonnance d’un Juge pour prendre prisonnier un criminel. Decreta rei comprehensio. On dit aussi une confiscation de corps & de biens : c’est une suite d’une peine capitale. Une séparation de corps & de biens, c’est la séparation d’habitation qu’on accorde à une femme contre son mari à cause de ses sevices. Un Geôlier répond d’un prisonnier qui est à sa garde corps pour corps.

Corps signifie quelquefois corps privé de la vie, cadavre. Ouvrir, embaumer, enterrer un corps, jetter de l’eau bénite sur un corps. Disséquer un corps, faire l’anatomie d’un corps.

On dit dans la même signification corps mort. Cadaver. Les Juges font des procès-verbaux de l’état des corps morts qu’ils enlèvent. Tertullien a écrit un beau Traité de la resurection des corps. Quand les corps ne pourissent point, on tient en Occident cela pour marque que ce sont des corps glorieux ; en Orient pour une marque qu’ils sont réprouvés, comme il paroît dans le Rituel des Arméniens.

Que de corps entassés ! que de membres épars,
Privés de sépulture !
Grand Dieu ! tes Saints sont la pâture
Des tigres & des léopards. Racine.

Corps se dit aussi des choses qui ont plus de force, de consistance, de solidité que d’autres. Les étoffes qui ont bien du corps durent plus que les autres. Pannus crassior. Un papier qui n’a guère de corps est sujet à boire. Papyrus tenuis. Les vins qui ont bien du corps se gardent plus long-temps.

Corps se dit aussi, dans un sens figuré, de ce qu’il y a de principal dans les ouvrages de l’art, de ce qui est comme la base, le fondement ; la principale partie sur laquelle posent les autres, & qui sont à son égard ce que les membres sont à l’égard du corps. Le corps d’un navire est le bâtiment considéré sans les ponts, les mâts, les voiles, les cordages, les agrès. Un corps de carrosse est la partie qui est suspendue. Un corps de luth, est la partie creuse, considérée sans manche. Le corps d’un édifice est la grosse maçonnerie prise sans la charpenterie, la menuiserie.

☞ On dit le corps du soleil, d’une planète, &c ; pour dire, son globe ou son disque. On a découvert des taches dans le corps du soleil. On voit des éminences & des creux dans le corps de la lune.

Corps se dit aussi d’un bâtiment de fond en comble, soit qu’il soit séparé ou joint avec un autre. Ædium regio, membrum. Il y a deux corps de logis dans cette maison qui sont joints par une galerie. Il a loué un corps d’Hôtel séparé. En Italie on fait les corps de logis doublés, à cause de la chaleur ; & en France, à cause de la commodité. Il a fait bâtir un avant-corps en sa maison, qui en fait un grand ornement.

En Architecture, corps, signifie encore toute partie qui avance, & qui excède le nud du mur, & qui sert de champ & de fond à une décoration. On appelle corps de fonds celui qui porte dès le bas d’un bâtiment avec empatemens & retraite.

Corps se dit aussi figurément de plusieurs choses ramassés ensemble : premièrement de ce qui est enfermé en quelque enceinte. Le corps d’une ville, d’une forteresse, c’est-à-dire, la place elle-même considérée sans les dehors, sans les ouvrages qui l’accompagnent. Pars urbis, arcis intima, urbs ipsa. On n’avoit attaqué jusqu’ici que les dehors, maintenant on est attaché au corps de la place. Arx ipsa. Ce petit fort est hors de l’enceinte des murs, & détaché du corps de la place.

Corps se dit aussi de plusieurs Ouvrages de même nature, qui ont été recueillis, joints & reliés ensemble. Corpus. Gratien a recueilli les Canons de l’Eglise, & en a fait un corps, qu’on appelle le Corps Canonique. Le Corps du Digeste, du Code, & des Institutes. On a fait un corps des Poëtes Grecs, un de quelques Historiens Romains. Du Chêne a recueilli en un corps quantité de vieux Historiens François.

Corps de Doctrine, est la même chose que Systême. C’est un amas de principes & de conclusions qui renferme ce qui se peut dire, & ce qu’on doit savoir sur un sujet, sur une question.

On appelle le corps du livre, ce qui est en effet le principal & la substance du livre, à la distinction des Préfaces, Exordes, Epilogues, Gloses, Commentaires & Annotations qu’on y insère, & qu’on y mêle quelquefois. On dit aussi d’une pièce de théâtre que le corps en est fait, quand on en a fait le dessein, la distribution, & qu’il n’y a plus que les vers à faire.

En matière de devises, on appelle le corps, les figures qui en font le sujet : ce qu’on a peint pour marquer la pensée ; & l’ame est le mot qui donne l’explication.

Corps de délit, est l’existence d’un délit qui se manifeste évidemment, de manière qu’on ne peut douter qu’il n’ait été commis.

Il faut qu’il y ait un corps de délit qui soit constaté, avant qu’on puisse condamner un homme, qui sur de simples présomptions, quoique très-fortes, seroit accusé d’avoir commis un crime.

En termes de Chirurgie, on appelle corps étranger ou corps étrange tout ce qui survient au corps de l’animal contre sa nature, soit qu’il vienne de dehors, comme le plomb, la bourre, une écharde, &c. Les corps étranges empêchent la consolidation des plaies.

En termes de Manège, on dit qu’un cheval a du corps, quand il a beaucoup de boyau, beaucoup de flanc, quand il a les côtes amples & longues : & on dit qu’une telle nourriture fait bon corps ; pour dire, le rend sain & vigoureux ; qu’il a fait corps neuf, lorsqu’il a été bien purgé, qu’on l’a mis à l’herbe. Cette dernière expression se dit aussi d’un homme qui a eu une maladie qui a consumé toutes ses mauvaises humeurs, ou qui a été bien purgé.

Corps de Pompe, terme de Méchanique. C’est la partie la plus grosse du tuyau de la pompe, où le piston agit.

Corps se dit encore, en un sens figuré, de l’union de plusieurs personnes qui vivent sous le même gouvernement & suivent les mêmes loix, les mêmes coutumes. Un Royaume, un État est un corps politique. L’Eglise est un corps dont Jesus-Christ est le Chef invisible, & dont nous sommes les membres.

☞ Dans cette acception, le mot de corps se dit plus particulièrement de certaines compagnies qui existent dans l’État sous l’autorité publique. Ordo, corpus, cœtus. Cette sage compagnie ne crut pas qu’il fût de la dignité de son corps de se laisser émouvoir par les railleries. S. Evr. Dieu a établi un corps visible, qu’il anime de son esprit, & dans lequel il conservera toujours la vérité. Port-R. Les États sont composés du corps du Clergé, du corps de la Noblesse, du corps du Tiers-Etat. Le Parlement, les Cours Souveraines marchent en corps de Cour. On dit généralement des compagnies assemblées, que ce sont des corps politiques.

On dit aussi le corps de ville ; pour dire, les Officiers de la ville, qui sont le Prévôt des Marchands, les Echevins & les Conseillers de ville, & le Procureur du Roi. Civilis Magistratus.

Les six corps des Marchands à Paris, ce sont les Merciers, les Foureurs, les Epiciers, les Drapiers, les Bonnetiers & les Orfèvres. Les Marchands de vin prétendoient faire le septième corps.

Corps se dit aussi de toutes les autres Communautés. Le corps de l’Université. Academia universa. Le corps de Sorbonne, du Chapitre de Paris. Ils sont assemblés en corps de Chapitre. Ce Docteur est un des premiers hommes de son corps. Les Curés de Paris ne font point corps. Societas, corpus.

En termes de Géométrie, on appelle les corps réguliers, ceux dont toutes les faces & les angles sont égaux. Ils ne sont qu’au nombre de cinq : le Tétraëdre composé de 4 triangles, l’Octaëdre de 8, l’Isocaëdre de 10 triangles, le Dodécaèdre de 12 pentagones, & le cube de 6 quarrés.

Corps de Christ, nom d’un Ordre ou Congrégation Religieuse, Voyez Christ. Grégoire XIII, sur les instances qui lui furent faites par D. Jean Baptiste Vallati de Foligni, pour lors Général, réunit cet Ordre à celui du Mont Olivet. P. Hélyot, T. VI, C. 25

Corps, en termes de Guerre, signifie un certain nombre de Soldats, tant de pié que de cheval, unis & marchans ensemble sous un Chef ; on a fait sortir les garnisons pour en faire un corps d’armée. Exercitus, agmen. Des troupes rangées en bataille sont divisées en trois corps. Tripartitio. L’avant-garde, l’arrière-garde, & le corps de bataille. Prima acies, postrema, novissima acies, media acies. Le corps de bataille, tant sur mer que sur terre, est d’ordinaire la division du Commandant, laquelle fait le milieu de la ligne. Il y a aussi le corps de réserve, & des corps détachés. Subsidium, subsidiariæ cohortes, subsidiarii.

Corps se dit aussi des Régimens. Toute la Cavalerie se divise en Compagnies franches, & en corps de Régimens, qui sont plusieurs Compagnies, sous un même Chef. Equitatus. Les premiers corps d’Infanterie sont les Régimens des Gardes-Françoises & Suisses. Après marchent les six vieux corps, qui sont les Régimens de la plus ancienne création ; savoir, Picardie, Piedmont, Champagne, Navarre, Normandie & la Marine. Ensuite tout les six petits vieux corps, qui ont été établis peu de temps après. Pedestris exercitus, acies, peditatus.

Corps de garde, est un poste où on met des Soldats qui veillent à garder une porte, un passage, un travail, & à tenir en sûreté un quartier, un camp, une place, statio ; & on le dit tant des Soldats qui y sont postés, & qu’on relève de temps en temps, que du poste même, soit qu’il soit à l’air, soit qu’il soit à couvert. Excubiæ, excubitores. On avance un grand & petit corps de garde bien loin devant les lignes, afin d’être plutôt averti de l’approche des ennemis. Le corps de garde d’un vaisseau, est la partie qui se trouve sous le gaillart de l’arrière.

On appelle mots de corps de garde, railleries de corps de garde, plaisanteries de corps de garde ; des mots, des railleries, des plaisanteries grossières, basses, impudentes.

Corps de garde retranché, petit corps de garde retranché. C’est un réduit pratiqué dans la gorge d’un bastion, d’une demi-lune, d’un ravelin, &c. couvert d’un parapet, & environné d’un fossé, où les Soldats se retirent lorsqu’ils ne peuvent soûtenir l’assaut de la demi-lune. On pratique quelquefois de ces corps de garde dans le fossé. Alors on creuse en terre un espace à contenir un certain nombre de Soldats, qu’on relève d’un parapet où il y a de petits créneaux ou embrâsures pour tirer.

Corps. (Gardes du) sont les quatre Compagnies de Cavalerie qui servent à garder le Roi. Regis stipatores, corporis custodes. Et en général, Officiers du Corps, sont ceux qui servent auprès de sa personne sacrée. Le carrosse du Corps, le Cocher du Corps.

Corps, en termes de Fondeurs de caractère d’Imprimerie, se dit tantôt d’un corps entier de caractères, tantôt du corps d’une seule lettre.

Corps-mort, nom que les Matelots donnent à une pièce de bois mise de travers dans la terre, & où tient une chaîne pour amarrer les vaisseaux.

Corps se dit proverbialement en cette phrase, on l’a enlevé comme un corps saint. Voyez l’origine de ce proverbe aux mots Banquier, & Caorsin. Il y a plusieurs autres façons de parler où le mot de corps entre, tant au propre qu’au figuré, & qui sont en quelque sorte proverbiales. Par exemple, on dit d’un homme qui travaille beaucoup, mais dont le travail est ingrat, qu’il se tue le cœur & le corps. On dit qu’il fait litière de son corps ; pour dire, qu’il ne s’épargne point : & qu’il fait bon marché de son corps ; pour dire, qu’il s’expose facilement à toutes sortes de dangers. On dit qu’un homme a le diable au corps ; pour dire, qu’il est méchant & furieux. On le dit aussi pour signifier qu’il a beaucoup d’esprit & d’invention. Je ne sai où il prend tout ce qu’il dit & tout ce qu’il fait, je crois qu’il a le diable au corps. On dit d’un homme qui n’a ni esprit ni vigueur, que c’est un pauvre corps. Le pauvre corps ! On dit aussi d’un homme malicieux, que c’est un malin corps ; & d’un homme plaisant & facétieux, que c’est un drôle de corps. On dit, tant que l’ame me battra au corps ; pour dire, tant que je vivrai. On dit qu’un homme n’est pas traître à son corps ; pour dire, qu’il le traite bien, qu’il fait bonne chère ; & au contraire, qu’il est ennemi de son corps ; pour dire, qu’il se donne trop de peine, qu’il se refuse les choses nécessaires. On dit qu’un homme gagne son pain à la sueur de son corps ; c’est-à-dire, qu’il vit de son travail, ou de son industrie. On dit plus ordinairement, à la sueur de son front : phrase tirée de l’Ecriture, Gen. III, 19. In sudore vultus tui vesceris pane. On dit qu’un homme a fait corps neuf ; pour dire, que son corps s’est tout renouvellé par le rétablissement de sa santé, à cause des nouveaux alimens qu’il a pris. On dit aussi des chevaux qu’on a mis à l’herbe, qu’ils ont fait corps neuf.

☞ On dit encore proverbialement & figurément, prendre l’ombre pour le corps ; pour dire, l’apparence pour la réalité. On dit encore que l’envie suit la vertu, comme l’ombre suit le corps.