Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BANQUIER

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 744).
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BANQUIER. s. m. Négociant en argent, qui donne des lettres de change pour faire tenir de l’argent de place en place. Argentarius, Mensarius, Trapezira, Nummularius. Dans l’ancienne Rome il y avoit des banquiers, qui étoient des personnes publiques. C’étoit par leur ministère que se faisoient les dépôts, les changes, les ventes, les achats. Ils exerçoient la Charge de Notraire d’aujourd’hui. Comme l’usure étoit permise à Rome, ils faisoient profiter l’argent qu’on leur mettoit entre les mains, & en tiroient intérêt sans l’aliéner. Parmi nous la banque n’est permise que par nécessité, & pour faire tenir de l’argent d’un lieu à une autre, à cause des correspondances que les Banquiers ont dans les pays étrangers, ou dans les villes du Royaume. Cela se fait par le moyen des lettres de change qu’on tire de place en place, c’est-à-dire, d’une ville à l’autre. Les Banquiers, pour récompense de leurs soins, exigent une petite remise, qu’on appelle le change, qui est un quart, un tiers, ou un demi pour cent par mois, suivant le cours du change. Voyez les Ordonnances, & le Diction. de Droit.

Si l’on en croit de Rubis dans l’Hist. de Lyon, Liv. III, p. 289, des Guelphes & des Gibelins qui, au XIIIe siècle ne se croioient pas en sûreté, obtinrent, moyennant une grosse somme qu’ils payeroient au Roi, la permission de se retirer à Lyon, & par-tout ailleurs où bon leur sembleroit en France, & d’y lever train de banque ; & ce fut alors qu’il commença à y avoir des Banquiers à Lyon, qui y attirerent depuis le commerce des foirs. Le P. Menestrier, dans son Hist. Consul. de Lyon, semble en fixer l’époque plus haut ; car il montre, p. 92, que dès 1209, il y avoit de puissans Banquiers à Lyon & entr’autres Ponce de Chapponay.

Banquier expéditionnaire en Cour de Rome, est un Officier de nouvelle création, qui se charge de faire venir toutes les bulles, dispenses, & autres expéditions qui se font en Cour Romaine, & en la Légation d’Avignon, soit de la Chancellerie, soit de la Pénitencerie. Les Banquiers sont créés en titre d’Office formé & héréditaire, & dispersés dans toutes les villes où il y a Parlement, ou présidial. Edit du mois de Mars 1673. Ils ont pouvoir, à l’exclusion de tout autre, de solliciter & de faire venir des rescrits, signatures, &c. de la Cour de Rome ; & les Juges ne doivent point ajouter foi à ces expéditions, si elles ne sont vérifiées par les certificats des Banquiers. Voyez l’Ordonnance de 1667, le Diction. de Droit.

L’origine de ces Banquiers, comme celle des autres, vient de ce que les Guelphes du temps des guerres civiles d’Italie se réfugioient à Avignon, & dans le pays d’obédience ; & comme ils étoient favorisés des Papes, dont ils avoient soutenu le parti, ils se mêlerent de faire obtenir les grâces & les expéditions de la Cour de Rome, & s’appelerent Mercatores & Scanbiatores Domini Papæ, comme témoigne Matthieu Paris. On les appelle aujourd’hui institutores bullarum & negotiorum Imperii Romani. Bornier. Mais comme ils se rendirent odieux alors par de grosses usures, on les appela Carsius, ou Caorsius, du nom de Cahors ville de Querci, dont le Pape Jean XXII qui occupoit alors le S. Siége, étoit natif, à cause que de son temps ces usuriers étoient en leur plus haute élévation, comme tamoigne Adam Thevenau en ses Commentaires sur les Ordonnances, au titre des usures. Les Italiens en firent aussi pour eux le mot de scarci, qui signifie avare ; & ils eurent tant de haine pour cette ville, que le Poëte Dante dans son enfer, met au même rang Sodome & Cahors, & y place tous les scélérats & les usuriers. Les marques de cette haine pour cette ville, que le Poëte Dante dans son enfer, met au même rang Sodome & Cahors, & y place tous les scélérats & les usuriers. Les marques de cette haine ont duré long-temps en France ; & on a appelé en Chancellerie les Lettres Lombardes, les Lettres qui s’expédioient en faveur des Lombards & Italiens qui vouloient trafiquer, ou tenir banque en France, qui se taxoient au double des autres, en haine de ce qu’on appeloit alors tous Changeurs, Banquiers, Revendeurs & Usuriers, Lombards, de quelque nation qu’ils fussent ; & on les appelle encore ainsi en plusieurs lieux d’Allemagne & de Flandre même. La place du Change & la friperie d’Amsterdam s’appellent Places Lombardes. Ce nom de Caorsin a été aussi donné à tous les Banquiers & Usuriers, qu’on a appelés en plusieurs titres latins Caorcini, Caturcini, Coursici, Corsini. Voyez Caorsin.

Banquier, se dit aussi en de certains jeux, comme au Hocca, à la Bassette, de celui qui tient le jeu & l’argent, & qui a le fonds devant lui pour payer ceux qui gagnent. Tous les Pontes conspirent contre le Banquier.