Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/AME

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 283-285).
AMÉ  ►

☞ AME. s. f. Anima. C’est ainsi qu’on appelle le principe de la vie dans les êtres vivans.

☞ On appelle ame végétative, l’ame qui fait croître les plantes. Ame sensitive, celle qui fait croître, mouvoir & sentir les animaux. Et ame raisonnable, celle qui est le principe de la vie, de la pensée, & des mouvemens volontaires dans l’homme.

☞ Les anciens Philosophes ont admis une ame qui anime le monde, un esprit universel répandu dans toutes les parties de l’univers, qui est le principe de tous les mouvemens qui s’y exécutent. Diffusa per artus mens agitat molem, & magno se corpore miscet. Platon traite fort au long dans son Timée de l’ame du monde. D’autres ont donné des ames à tous les globes célestes & à la terre pour en régler les mouvemens.

L’ame végétative est le principe de la nutrition, de l’accroissement, & de toutes les productions des végétaux. L’ame végétative n’est point distinguée de la matière. C’est, si l’on veut, la sève préparée dans la terre, par le soleil & par les organes des végétaux où elle se filtre, se travaille, & se rend propre à produire tout ce que nous voyons dans les plantes. C’est, selon d’autres, la disposition des parties de la plante. Voyez Plante, Accroissement, Végétation, Suc.

L’ame sensitive est le principe de la vie, & de toutes les actions, & des mouvemens qui se font dans les bêtes. Les Péripatéticiens enseignent que ce principe ou cette ame est matérielle, mais non pas matière ; qu’elle n’est point créée, mais tirée de la matière, educitur ex materia ; qu’elle est capable de connoissance & de sentiment, & qu’elle finit avec la vie de l’animal. Les Epicuriens, les Gassendistes & les Cartésiens soutiennent qu’elle n’est point distinguée de la matière. Les premiers prétendent néanmoins qu’elle a du sentiment. Pour les Cartésiens, ils prétendent que les bêtes sont de pures automates, ou des machines, que les objets & les corpuscules qui en sortent, déterminent par pure mécanique aux mouvemens que nous leur voyons faire ; qu’elles n’ont par conséquent nulle connoissance, nul sentiment de douleur & de joie ; & que leur ame, de même que celle des plantes, ne consiste que dans un arrangement de parties, qui les rendent les unes & les autres propres à faire leurs fonctions.

Le premier sentiment ne paroît pas soutenable. Peut-on se persuader qu’un être tel que la matière, dans lequel il est impossible de concevoir autre chose que des parties & de l’étendue, soit capable de connoissance & de sentiment ?

L’opinion des Cartésiens n’est pas mieux fondée. Il ne se passe rien en nous qui puisse nous convaincre, & même nous faire penser, que les mouvemens des bêtes qui répondent à nos mouvemens volontaires, se fassent par la seule disposition de la machine. Bien plus, nous avons en nous de quoi nous persuader positivement, que les mouvemens dont il s’agit, ne se font point dans les bêtes par la seule disposition de la machine. Ce qui se passe dans l’extérieur des bêtes, doit nous faire penser tout le contraire de ce qu’enseignent les nouveaux Philosophes. Enfin les Cartésiens ne parlent & ne raisonnent point du tout conséquemment en cette matière. Ce sont quatre propositions que le P. Daniel a développées très-nettement dans ses Nouvelles Difficultés. Voyez aussi son Voyage de Descartes.

Les Epicuriens ont crû, que l’ame n’étoit autre chose qu’un air subtil composé d’atômes ; & les Stoïciens, que c’étoit une flamme subtile, ou une portion de la lumière céleste. Les Platoniciens enseignoient l’immortalité de l’ame. Parmi les Juifs la secte des Sadducéens croyoit que les ames sont mortelles, & corruptibles ; & qu’elles ne sont ni punies ni récompensées après la mort. Jésus-Christ les confondit par les termes mêmes de la loi, comme il est rapporté dans S. Matthieu, ch. XXII. v. 29 & suiv. en leur montrant que Dieu s’appeloit le Dieu d’Abraham, d’Isaac, & de Jacob, en parlant aux descendans de ces Patriarches, & long-temps après leur mort ; qu’ainsi il falloit bien que leurs ames fussent encore vivantes ; car Dieu n’est point le Dieu des morts, & des gens qui ne feroient plus rien ; mais il est le Dieu des vivans. La secte des Pharisiens croyoit l’ame immortelle ; que celles des justes passent en d’autres corps, & que celles des méchans souffrent des tourmens qui durent toujours. La secte des Esséniens prétendoient que les ames sont immortelles & incorruptibles ; qu’elles sont d’une substance aérienne très-subtile ; que les ames des bons s’envolent dans une région tempérée, & qu’un doux zéphir rend toujours agréable ; & qu’au contraire celles des méchans n’ont pour demeure que des lieux glacés, où elles gémissent éternellement dans des peines infinies. Tous les livres Indiens que j’ai vus supposent l’immortalité de l’ame. Lettr. ed. La passion que les Anciens avoient de laisser des monumens de leur gloire, étoit une marque de la croyance qu’ils avoient de l’immortalité de l’ame. Il ne faut qu’une réflexion sur nous-mêmes, pour reconnoître qu’il y a en nous une substance qui pense. Le doute même que nous formerions sur cette matière, est une preuve de son existence. Cette substance qui pense, & qui agit d’une manière dont la matière est incapable, est ce qu’on appelle Esprit. On donne le nom d’ame à ceux de ces esprits qui ont été créés pour être unis à des corps.

Les Cartésiens définissent l’ame, une substance qui pense ; & ils prétendent que cet attribut qui lui est spécial, en prouve la spiritualité & l’immortalité. La pensée est aussi essentielle à l’ame, que l’étendue à la matière. Or on ne sauroit concevoir que la matière disposée & arrangée d’une certaine manière, puisse produire une pensée. Il y a trop de différence entre les propriétés de la matière, & les opérations de l’ame, lorsqu’elle juge, ou qu’elle raisonne. D’où il s’ensuit qu’elle est spirituelle. Il en résulte en même temps que l’ame étant incorporelle, & immatérielle, elle ne peut-être dissoute, ni détruite par l’atteinte des agens extérieurs ; & qu’étant simple & sans parties, elle ne peut être séparée ni divisée. Par conséquent elle est immortelle. Pour que ces raisonnemens soient vrais, il n’est pas nécessaire de recourir au principe faux des Cartésiens, & de définir l’ame, une substance qui pense. Il suffit que l’ame soit capable de penser, & qu’elle produise en effet des pensées, sans qu’il soit besoin que la pensée soit son essence. Il n’est pas plus essentiel à l’ame de penser, que de vouloir ; & ni l’un ni l’autre n’est l’essence de l’ame ; car une chose sans laquelle je puis concevoir l’ame, & sans laquelle elle peut être, n’est pas son essence. La comparaison de l’étendue, que les Cartésiens prétendent être l’essence du corps, ne prouve rien ; ou si elle prouve quelque chose, c’est contre eux-mêmes ; puisque l’Eucharistie montre que leur sentiment n’est pas trop sûr. D’ailleurs si la pensée est l’essence de l’ame, comme une chose ne se produit point soi-même, qu’on ne produit point son être, ni son essence, l’ame ne produira point ses pensées ; elle ne produira pas plus ses volontés que ses pensées. Ainsi la voilà réduite à la condition des bêtes, ou même des corps inanimés, sans action, sans liberté. Si les Cartésiens entendent seulement parler de la faculté de penser, ils ont encore tort de dire que c’est l’essence de l’ame ; elle n’est pas plus son essence que la faculté de vouloir, puisque l’on conçoit quelque chose dans l’ame avant ces deux facultés. Au reste, les Cartésiens prouvent très-bien la spiritualité & l’immortalité de l’ame, parce qu’elle pense : mais il ne faut pas leur faire honneur de cette preuve, comme d’une invention qui leur soit propre : tous les bons Philosophes l’ont dit avant eux, & le disent encore. La véritable définition de l’ame est celle-ci. L’ame est une substance spirituelle, capable d’informer, & d’animer un corps humain, & de faire avec ce corps un animal raisonnable, ou un homme. Il s’ensuit de-là qu’elle est immortelle, qu’elle est essentielle à l’homme & sa plus noble partie, qu’elle est de sa nature la forme du corps, & par conséquent incomplète, comme le Concile de Vienne l’a défini.

☞ L’ame est un agent dont l’activité se développe par une suite continuelle d’opérations différentes ; & comme on a désigné ces opérations par des noms qui les distinguent, on les a aussi attribués à différentes facultés, comme à leurs principes. Les principales de ces facultés sont, l’entendement, la volonté & la liberté.Voy. ces mots & les articles relatifs. L’ame à la vérité est un être simple, mais rien n’empêche qu’en faisant attention à ses différentes manières d’opérer, on ne la considère comme un sujet en qui résident différens pouvoirs d’agir, ou différentes puissances. Et pourvû que l’on prenne la chose de cette manière, cette méthode ne peut que donner plus de précision & de netteté à nos idées. Ainsi les facultés de l’ame ne sont autre chose que les pouvoirs d’agir, ou les différentes puissances qui sont en elle, & au moyen desquelles elle fait toutes ses opérations.

Les Philosophes ne sont pas d’accord sur la manière dont l’ame réside dans le corps. Les uns disent qu’elle est également répandue dans toutes les parties du corps. Les autres prétendent qu’elle a son influence dans tout le corps qu’elle régit & qu’elle gouverne ; & que cependant elle fait la résidence principale dans la glande pinéale du cerveau, où aboutissent tous les fibres, de tous les organes, qui l’avertissent de tout ce qui se passe au-dehors. L’ame est là comme sur son trône, d’où elle commande à tous les membres. Borry, Médecin du Nord, prétend dans une lettre à Bartholin, qu’il se fait dans le cerveau une certaine liqueur très-subtile, & d’une odeur agréable, qui est le siége où l’ame raisonnable réside ; & que la subtilité de l’esprit dépend du tempérament de cette liqueur, plutôt que de la conformation du cerveau, à laquelle on a coutume de l’attribuer. La diversité des connoissances ne vient que de la différente disposition du cerveau qui se trouve dans diverses personnes, ou dans la même dans divers temps ; & la diversité des sentimens n’est causée que par le différent usage qu’elles font de leur liberté. De Rassiels. On distingue sept principales propriétés dans l’ame, qui en sont les différentes modifications ; l’entendement, la volonté, le sentiment, la liberté, la mémoire, l’imagination, & les habitudes diverses qu’elle contracte.

Les Mystiques distinguent deux parties dans l’ame : la partie supérieure, c’est l’entendement, & la volonté ; la partie inférieure, c’est l’imagination, & les sens. Jesus-Christ étoit heureux sur la croix par la partie supérieure de son ame, & souffroit par l’inférieure. La partie inférieure ne communiquoit à la supérieure ni son trouble involontaire, ni ses défaillances. La supérieure ne communiquoit à l’inférieure ni sa paix, ni sa béatitude. Fenel. Les Quiétistes, qui abusent de cette distinction, disent que dans les épreuves tout ce qui se passe contre les bonnes mœurs dans la partie inférieure de l’ame, n’est point contraire à la pureté de la partie supérieure, parce que la volonté n’y a point de part.

En termes de Chimie, on dit l’ame des métaux, des minéraux, des végétaux ; pour dire, ce qu’il y a en eux de plus essentiel, leurs esprits, & leurs sels, &c.

Ame, se prend souvent pour la vie. Rendre l’ame à Dieu, c’est mourir. Animam agere. Cette nouvelle me rend l’ame ; pour dire, me redonne la vie. Il a l’ame sur le bord des lèvres ; pour dire, il est prêt à expirer. Malherbe a dit agréablement :

Et son ame étendant ses ailes,
Fut toute prête à s’envoler.

On dit aussi, il a l’ame sur les levres ; pour dire, qu’il parle comme il pense. En ce sens on dit bien mieux, avoir le cœur sur les levres.

Ame, se dit aussi de la partie spirituelle de l’homme, quand elle est séparée de son corps. Prier Dieu pour les ames des défunts, pour le repos de leurs ames. Dans le discours familier on dit, en parlant d’une personne morte, Dieu veuille avoir son ame. Les ames du purgatoire. Les ames damnées. Les ames bienheureuses. Malherbe a dit des Rois, en vers pleins d’énergie & de vérité :

Et dans ces grands tombeaux où leurs ames hautaines
Font encore les vaines,
Ils sont mangés des vers.

☞ Chez les Payens les ames des morts s’appeloient manes. Voyez ce mot.

En parlant de l’ame par rapport à la Religion, on dit ; Ame régénérée par le baptême ; ame rachetée par le sang de Jesus-Christ ; ame sanctifiée, illuminée par la grâce ; une sainte ame, une bonne ame, les ames dévotes, les ames chrétiennes ; nous avons une ame à sauver ; vous perdez votre ame. Acad. Fr.

☞ L’ame considérée par rapport à ses bonnes ou mauvaises qualités, animus, est belle, noble, grande, héroïque, &c. foible, basse, lâche, &c. Ame de boue, vénale, mercénaire. Voyez toutes ces épithètes. Un cœur noble a de la peine à se laisser entraîner à toutes les bassesses & à toutes les importunités des ames intéressées. P. Gail. Frédégonde n’étoit point de ces ames foibles, qui donnent par timidité dans la superstition. Le Gend. Loin d’ici ces ames foibles, qui ne savent que craindre & désespérer. Tourn. Le souverain bien d’une ame grande & généreuse, c’est de ne rien craindre. S. Evr.

Sous les titres pompeux d’une illustre fortune,
Souvent les plus grands Rois n’ont qu’une ame commune.

Ame, se prend quelquefois pour conscience. On dit qu’un scélérat a l’ame bourrelée. Remordet conscius animus. Il sait bien en son ame que cela n’est pas vrai. Dire qu’un homme n’a point d’ame, c’est dire qu’il n’a ni cœur ni sentiment. Le peuple n’a point d’esprit, & les grands n’ont point d’ame.

☞ On appelle bénéfice ayant charge d’ames, ou avec charge d’ames, celui dont le titulaire est obligé à résidence, chargé d’instruire, d’administrer les Sacremens, de corriger, de veiller sur la conduite des personnes qui lui sont confiées, & de travailler au salut de leurs ames. Tels sont les Evêchés, les Cures. On le dit par opposition à bénéfice simple. Voyez Bénéfice.

☞ Le mot d’ame est souvent employé au figuré, pour marquer qu’une chose est le principe, la cause qui fait mouvoir, qui fait agir quelque chose, qui en est la partie ou la qualité principale. Vis, principium, virtus, causa. La raison est ame de la loi ; pour dire, que c’est elle qui la maintient, que c’est sur elle qu’elle est principalement fondée. Cet homme est l’ame de cette affaire, de cette entreprise : c’est-à-dire, c’est lui qui la conduit, & qui fait aller tous les ressorts pour la faire réussir. Motor, auctor. La charité est l’ame des vertus chrétiennes. La joie est l’ame d’un festin. L’action est l’ame du discours. C’est l’esprit, le salut, l’ame de son empire.

☞ Dans les arts libéraux, l’art oratoire, la poësie, la peinture, la sculpture, la musique, donner de l’ame à quelque chose, c’est exprimer vivement ce qu’on représente, y mettre du feu & de l’énergie. Les Sculpteurs donnent de l’ame au marbre, l’animent, ensorte qu’il paroît prendre vie sous leur ciseau. Virgile a dit, æra spirantia, des figures de bronze qui semblent respirer, auxquelles il ne manque que la parole. On dit de même, qu’il n’y a point d’ame dans le chant, dans la déclamation de quelqu’un ; pour dire, qu’il chante, qu’il déclame d’une manière froide & languissante, qu’il ne fait point sentir ce qu’il dit. La briéveté peut s’appeller l’ame d’un conte, puisque sans elle il faut qu’il languisse. La Font.

Ame, signifie encore une personne particulière. Homo. Il y a cent mille ames dans cette ville ; pour dire, il y a cent mille habitans de tous âges & de tout sexe. Il ne voit ame vivante, ou ame qui vive ; pour dire, il ne voit personne. Il n’y avoit pas une ame au logis.

Ame, signifie aussi, la personne qu’on affectionne extrêmement. Ma chère ame, mon ame, & se dit particulièrement des maîtresses. Anima, animula, corculum. Si quelque amant veut vous payer en vous nommant son ame, vous n’entendez pas des termes si courtois. Voit.

l’Ame d’une devise, est le mot qui accompagne la figure qu’on appelle le corps de la devise. Lemma. Une bonne devise doit être composée d’un corps & d’une ame ; c’est-à-dire, d’une figure, & de certaines paroles. On a donné à la figure le nom de corps, & aux paroles celui d’ame, parce que comme le corps & l’ame joints ensemble font un composé naturel, certaines figures, & certaines paroles étant unies, font une devise. Bouh. Le mot de la devise doit être proportionné à la figure ; car l’un & l’autre devant faire un composé semblable en quelque façon à celui que la matière & la forme font ensemble, il est nécessaire qu’il y ait de la proportion entre l’un & l’autre, à peu-près comme il y en a entre la matière & la forme. Cette proportion demande que le mot convienne au corps dont il est l’ame, & qu’il lui convienne desorte qu’il ne puisse convenir à une autre figure, non plus qu’à l’ame de l’homme ne peut convenir le corps du lion. Par exemple, une mer sous une lune, ut variat moveor. Une barre de fer sur l’enclume : Se non arde, non si piega. Ces ames sont proportionnées à leurs corps, & ne peuvent s’appliquer à d’autres pour faire le sens qu’elles font. Bouhours.

Ame. Terme de Lutier, & de Musique. C’est un petit morceau de bois droit, qu’on met dans le corps de l’instrument de musique directement sous le chevalet, pour soutenir la table. Ame de viole. Ame de violon.

Ame. Terme d’Ecrivain. On appelle ame, ce qui est enfermé dans le creux d’un tuyau de plume. Quand on tranche une plume pour écrire, il en faut arracher l’ame, autrement elle s’imbibe d’encre & fait pocher.

Ame. Terme d’Artificier. On appelle ainsi le trou conique qu’on pratique dans le corps d’une fusée volante le long de son axe, afin que la flamme s’y introduise promptement & assez avant pour la soutenir.

Ame, se dit aussi des petites feuilles de tabac, dont on remplit le dedans de ce qu’on nomme aux îles, Andouilles de tabac.

On appelle l’ame d’un rôle de tabac, le bâton autour duquel le tabac cordé est monté. Quelques-uns disent l’aissieu.

Ame, chez les Boisseliers. C’est un morceau du cuir qui forme dans le soufflet une espèce de soupape, qui y laisse entrer le vent lorsqu’on écarte les deux palettes du soufflet, & l’y retient lorsqu’on les comprime l’une contre l’autre ; ce qui oblige l’air contenu dans la capacité de passer par le tuyau appelé porte-vent, qui le porte au lieu où on le destine.

Ame, chez les Sculpteurs & Fondeurs, se dit du noyau, ou des figures de terre, ou de plâtre, qui servent à former celles qu’en jette en bronze. Typus, forma. On le dit aussi de l’ébauche des figures de stuc, qu’on forme grossièrement de plâtre, ou d’autre matière, avant qu’on les finisse, en les couvrant de stuc. On se sert quelquefois de ces mots pour exprimer le soutien de certains fruits. Dict. de James.

Ame, se dit aussi du creux & de l’ouverture du canon, du lieu où on met la poudre, & le boulet. Tormenti alvus.

☞ On appelle populairement l’ame d’un fagot, les menues branches qui sont au milieu du fagot, au milieu des paremens.

On appelle proverbialement, un corps sans ame, un corps qui est sans chef, ou qui n’a pas les choses nécessaires pour le faire subsister. On appelle aussi, ame damnée de quelqu’un, celui qui lui est entièrement dévoué, & disposé à tout entreprendre pour lui, même les choses les plus injustes. C’est son ame damnée. La bonne ame ! dit-on ironiquement. En rebus on met la lettre M pour signifier ame, parce qu’autrefois cette lettre se prononçoit am, & non pas em, comme on fait maintenant. Ainsi on trouve dans quelques épitaphes, priez pour son M, c’est-à-dire, pour son ame. J’ai vu dans de vieilles Heures imprimées en 1496 à Paris par Antoine Chappiel un rebus manuscrit, contenant l’épitaphe d’Anne de Bretagne en quatre vers François. Pour le premier vers il y avoit une aile d’oiseau, la syllabe est, deux flèches, ou traits, deux pas, la syllabe sée ; pour le second, la note de musique la, la syllabe no, une table, une dame à jouer ; pour le troisième, deux fouets, entre les syllabes fran & ce, une couronne sur la syllabe ce, & pour le quatrième, prions ihs. qu’il ait son M. Cela signifie,

Elle est trépassée,
La notable Dame,
Deux fois en France couronnée.
Prions Jesus qu’il ait son ame.

☞ De telles productions étoient pour ce temps-là des chef d’œuvres de l’art.

Ces Heures, avec un très-grand nombre d’autres, étoient dans la belle & curieuse Bibliothèque de M. Foucault, Conseiller d’Etat.

Le mot ame s’est formé du latin anima, en prenant une terminaison Françoise, & changeant l’i en e muet, anem, ou anme, puis au lieu de prononcer l’n, on a fait l’a long âme. Le P. Pezron dit que anima, ame, a été pris du Celte Ane, ou Eve, qui est la même chose.