Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/COLONNE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 695-697).
COLOPHANE  ►

COLONNE. s. f. Pilier rond ou espèce de cylindre, fait pour soûtenir ou pour orner un bâtiment, un buffet, un tabernacle, une table, &c. Columna. ☞ La Colonne diffère du pilier, en ce qu’elle diminue à son extrémité supérieure, au lieu que le pilier est élevé parallelement. La colonne est composée d’une base, d’un fût, & d’un chapiteau qui sert à porter l’entablement. Basis, scapus, capitellum. On fait des colonnes de bois, de pierre, de marbre, de bronze, de jaspe, de lapis, &c. Il y a des colonnes torses, cannelées, embâtonnées, isolées, pour les faire paroître plus grosses, ou plus agréables, & détachées. C’est la diversité des colonnes qui donne le nom aux cinq Ordres d’Architecture, la Toscane, la Dorique, l’Ionique, la Corinthienne, & la Composite. Toscana, Dorica, Ionica, Corinthia, Composita. La colonne Toscane est la plus simple & la plus courte ; elle n’a que sept diamètres de hauteur. La colonne Dorique a 8 diamètres. Son chapiteau & sa base sont un peu plus riches de moulure que la Toscane. La colonne Ionique a 9 diamètres. Son chapiteau a des volutes, & sa base lui est particulière. La colonne Corinthienne a 10 diamètres. Son chapiteau est orné de deux rangs de feuilles avec des caulicoles, d’où sortent de petites volutes. La colonne Composite a aussi 10 diamètres. Son chapiteau a deux rangs de feuilles, avec les volutes angulaires de l’Ionique. On appelle colonne Gothique, un pilier tout rond dans un bâtiment Gothique, qui est trop menu pour sa hauteur, fait sans règles, & sans les proportions nécessaires. Philibert de Lorme en a voulu inventer une Françoise, dont il en reste encore quelques-unes au gros pavillon du Louvre vers les Tuilleries ; mais il n’a pas été suivi. Les grandeurs & les proportions des colonnes se tirent de leurs modules, ou diamètres. Blondel enseigne plusieurs manières de décrire géométriquement, & tout d’un trait, le contour de l’enflure, ou diminution des colonnes. On donne aux colonnes des noms différens selon leurs matières, ou selon leur figure. Ainsi on appelle colonne métallique, toute colonne frappée, ou fondue, de fer, ou de bronze. Ferrea arca. Colonne de rocaille, celle dont le noyau de tuf, de pierre, ou de moilon, est revêtu de pétrifications, & coquillages par compartimens. Stela. Colonne d’eau celle dont le fut est formé par un gros jet d’eau, qui sortant de la base avec impétuosité, va frapper dans le tambour du chapiteau qui est creux, & en retombant fait l’effet d’une colonne de cristal liquide. Aquea. Colonne en balustre, une espèce de pilier rond, tourné en balustre, ralongé à deux poires, avec base & chapiteau, qui fait l’office de colonne, d’une manière Gothique, & peu solide. Columella. Colonne cannelée, ou striée, celle qui a son fût orné de cannelures en toute sa hauteur. Striata. Colonne coloritique, celle qui est ornée de feuillages, ou de fleurs tournées en ligne spirale à l’entour de son fût, ou par couronnes, ou par festons. Foliata.

Colonnes travaillées en statues d’hommes. C’est à Lacédémone qu’elles furent inventées. On y voit encore les restes du Portique des Persans, que le Vulgaire appelle aujourd’hui Palais du Roi Ménélas. Ce fut là que les anciens Architectes employèrent, pour la première fois, ces colonnes travaillées en statues d’hommes pour soûtenir des voûtes & des ornemens d’Architecture, & faire l’effet des statutes de femmes qu’on appelle Caryatides. Voyez ce mot. Vitruve dit que cela se fit à l’occasion de la bataille que les Lacédémoniens gagnèrent contre les Perses sous la conduite de Pausanias, fils de Cléombrote ; & il ajoute que depuis, à l’imitation des Lacédémoniens, plusieurs Architectes firent soûtenir les architraves & les autres ornemens sur des statues Persiques, & ainsi enrichirent leurs ouvrages de pareilles inventions.

Colonne bandée, c’est une colonne qui, d’espace en espace, a des bandes placées horisontalement, & qui excédent le nû de son fût.

☞ On se sert de ce terme pour décrire certains fruits qui ont la figure de cette colonne. Dict. de James.

On dit colonne diaphane, fusible, hydraulique, métallique, moulée, précieuse, de rocaille, de treillage, incrustée, jumelée, par tambours, par tronçon, variée, bandée, canelée, cylindrique, colossale, composée, diminuée, feinte, feuillue, fuselée, gothique, grêle, hermétique, irrégulière, lisse, marine, massive-ovale, pastorale, renflée, rudentée, rustique, serpentine, torse, solaire, isolée, adossée, nichée, angulaire, attique, flanquée, doublée, liée, accouplée, groupée, bellique, chronologique, crucifère, creuse, funéraire, généalogique, gnomique, hébraïque, héraldique, historique, honorable, indicative, instructive, itinéraire, lactaire, légale, limitrophe, lumineuse, manubiaire, mémoriale, méniane, militaire, milliaire, phosphorique, rostrale, sépulchrale, statuaire, symbolique, triomphale, zophorique, &c. Voyez l’explication de chaque mot dans son ordre. Dans le Temple de la Diane d’Ephse il y a avoit 127 colonnes, toutes d’une pièce de 60 piés de hauteur. Elles furent toutes dressées aux dépens des Rois.

Ce mot vient de columen, qui signifie une pièce de bois posée à plomb ; qui soûtient le faîte d’un bâtiment.

On appelle un ordre, un rang de colonnes, quand il y en a plusieurs de suite dans un bâtiment.

On appelle aussi colonnes, les piliers ou les quenouilles d’un lit qui en soûtiennent le ciel. On appelle colonne de table une pièce de bois tournée qui porte le dessus d’une table.

Colonne se dit aussi d’une construction séparée d’un bâtiment, faite en forme ronde, soit d’une ou de plusieurs pierres, pour servir de quelque monument à la postérité ou à quelqu’autre usage. La colonne de Pompée, près d’Alexandrie, est d’une grosseur admirable. La colonne de Trajan est le plus bel ouvrage de sculpture qui reste de l’Antiquité. La colonne d’Antonin trouvée depuis quelques années à Rome. La colonne de S. Siméon Stylite, où ce Saint demeura quarante ans debout. La colonne de l’Hôtel de Soissons a été faite pour observer les astres : on appelle aussi ces sortes de colonnes, qui d’ordinaire sont d’une hauteur extraordinaire, des colonnes colossales : elles ne peuvent entrer dans aucune ordonnance d’Architecture.

Sur les médailles la colonne marque quelquefois l’assûrance, quelquefois la fermeté d’esprit. P. Jobert.

On appelle colonnes d’Hercule, les montagnes de Calpé & d’Abila, au détroit de Gibraltar, où l’Océan entre dans la Méditerranée, & où Hercule borna ses voyages. Columnæ Herculeæ.

Colonne Militaire. Colonne de pierre, ronde & un peu haute que les Romains érigeoient d’espace en espace sur les grands chemins, & sur laquelle ils gravoient la distance qu’il y avoit de-là aux grandes villes voisines où la route conduisoit. On l’appelle aussi Pierre milliaire. Columna milliaris, Lapis milliaris. On gravoit aussi sur ces colonnes milliaires le nom des Princes à qui les villes ou la Province étoient redevables de quelque soin & de quelque réparation. C. Gracchus fut l’Auteur d’une invention si utile au public, & si agréable aux particuliers. De-là le nom des pierres est celui des milliaires dans la façon de parler des auteurs latins. Nous en avons de fréquens exemples dans l’Itinéraire & dans la Carte de Peutinger, où nous voyons plusieurs lieux qui ne sont désignés que par le nombre des milliaires, ad vigesimum, ad septimum, ad octavum ; & de-là sont venus plusieurs noms de lieux françois. Par exemple, d’Octavus, s’est fait le nom d’Otyers, de Septimus, Septesme, de Decimus, Diesme, parce qu’en ces lieux étoit la huitième, la septième, la dixième pierre ou colonne milliaire. Chorier, Hist. de Daup. L. IV, p. 232.

Colonne, en terme d’Anatomie, est cette partie qui avance au milieu du nez, & qui sépare les deux narines.

Colonne, en termes d’Imprimerie, est la division des lignes d’une page, ☞ lorsque les lignes ne sont pas de toute la largeur de la page, & que la page est divisée de haut en bas, en deux ou plusieurs parties. Les livres qu’on traduit en d’autres langues, qu’on met à côté pour les comparer ensemble, sont imprimés par colonnes. Il y a plusieurs colonnes dans la Concordance de la Bible.

Colonne de nue, en Physique, est une quantité d’air mêlé de vapeurs & d’exhalaisons, qui sortent avec impétuosité de deux nues, dont l’une est tombée sur l’autre, & qui en sortent par la nue inférieure, parce qu’elle est moins condensée, ou moins resserrée que la nue supérieure. Une colonne d’air, est une portion d’air, d’une certaine hauteur, & de la grosseur d’un tuyau. Columna aeria. Par les diverses expériences qui ont été faites, l’on a trouvé qu’une colonne d’air de cinq cens toises de hauteur, de pareille grosseur que le tuyau où étoit le vif argent pesoit trois pouces une ligne & demie de vif argent. Ainsi une colonne de toute la hauteur de l’air, pese vingt-sept à vingt-huit pouces de vif argent, & trente-deux ou trente-trois piés d’eau, en supposant le tuyau où est l’eau, ou le vif argent, de même diamètre que la colonne d’air.

Colonne d’eau, c’est une grande quantité d’eau élevée par les ouragans qui sortent des terres, lesquelles sont dessous la mer. Les Mariniers les craignent beaucoup, & ce n’est pas sans sujet, puisqu’un navire, qui se rencontre en ces endroits, ne peut manquer de périr.

Colonne de Feu & de nuée. C’étoit un feu qui conduisoit les Israélites dans le désert pendant la nuit, & une nuée qui les conduisoit pendant le jour. Columna ignea. O Eternel ! Tu cheminois devant eux la nuit en colonne de feu, & de jour en colonne de nuée. Nombr. ch. 14, v. 14.

Colonne, en termes de l’art militaire, se dit de la division d’une armée qu’on fait marcher en même temps, sur une ou plusieurs lignes, qui ont peu de front & beaucoup de hauteur ; d’un même mouvement, vers un même endroit, en laissant assez d’intervalle entre les rangs & les files, pour éviter la confusion. Ainsi, on dit qu’une armée marche sur une ou sur plusieurs colonnes ; pour dire, qu’elle marche sur une ou sur plusieurs lignes, qui ont peu de front & beaucoup de hauteur.

☞ On le dit aussi sur Mer, en parlant des Vaisseaux qui se suivent sur une même ligne. Il est difficile d’aller par colonnes, de former des colonnes sur Mer, à moins qu’on ait le vent en poupe, en largue.

Colonne renversée. Camper en colonne renversée, c’est-à-dire que le chef de brigade fermera la gauche, & ensuite les bataillons les plus anciens de cette brigade ; mais les compagnies des bataillons ne doivent point se renverser, ni changer leur ordre naturel. Bombelles. Les lignes qui campent en colonnes renversées doivent avoir leur drapeau colonel sur la gauche. Id.

Colonnes de Seth. Josephe (Antiq. Judaïc, c. 2) dit qu’elles étoient dans la terre de Sériad. N’auroit-il pas suivi une tradition que l’on retrouve encore chez les Arabes ? Les Anciens Grecs, dit Abulpharage, croient qu’Enoch, appelé Edris par les Arabes, est le même qu’Hermès surnommé Trismégiste : car l’on suppose qu’il y a eu trois Hermès. Le plus ancien habitoit le Saïd (ou le Terrain élevé) de la haute Egypte. Il a trouvé le premier des substances supérieures, & a prédit le déluge. Dans la crainte que les Sciences ne vinssent à périr, & les Arts à s’oublier, il fit construire les pyramides, graver dessus toutes sortes d’arts & d’instrumens, & représenter les différentes classes de science : son intention étant d’en conserver la connoissance à la postérité. L’idée qu’Enoch a bâti les pyramides, est adoptée par les Sabiens qui vivent aujourd’hui en Egypte. Ils ne s’imaginent pas seulement que ces monumens sont les tombeaux de Seth & de ses deux enfans, Enoch & Sabi, qu’ils regardent comme les premiers Auteurs de leur religion, ils offrent encore de l’encens à ces mêmes monumens, & leur sacrifient un coq & un veau noir. M. d’Herbelot parle du grand respect qu’ils ont pour les pyramides d’Egypte, à cause qu’ils croient que Sabi, fils d’Edris ou d’Enoch, est enterré dans la troisième. Les Sabiens, ajoute-t-il, prétendent tenir leur Religion de Seth & d’Enoch, dont ils se persuadent d’avoir aujourd’hui les livres. Essais sur les Hiérogliph. p. 180.

Colonnes du châtelet, sont des divisions des Conseillers au Châtelet en plusieurs services différens, que chaque division ou colonne remplit alternativement & successivement de trois en trois mois. Ces autre colonnes ou services se réunissent, quand les cas le requièrent ; & alors l’assemblée se tient dans la chambre du Conseil.

Colonne se dit figurément de ce qui soûtient, qui appuie, qui affermit quelque chose. Columen, fulcrum, præsidium. La justice, la paix, la Religion, sont les colonnes de l’Etat. Les Saints Peres, les Martyrs, sont les colonnes de l’Eglise. L’Ecriture dit que la terre est fondée sur de fortes colonnes, & qu’elles ne seront point ébranlées. S. Paul dit, dans son Epître aux Galates, que Jacques, Pierre & Jean, sont regardés comme des colonnes entre les Apôtres. Les grandes colonnes de l’hérésie étoient encore trop fermes. Le P. d’Orl. Possidonius, que Cicéron appelle le plus Grand des Stoïciens, souffrit aussi impatiemment qu’un homme du Vulgaire, & cette colonne du portique fut ébranlée par une maladie. S. Evr.