Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CHARME

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 464-465).
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☞ CHARME. s. m. Cantio, carmen, incantamentum. C’est ce qu’on suppose superstitieusement fait par art magique, pour arrêter les effets ordinaires & naturels des causes. Les vieux contes disent qu’il y a un charme pour empêcher l’effet des armes, & rendre invulnérable. Faire un charme, des charmes. Porter un charme sur soi. Rompre, ôter, lever un charme. Les Poëtes, tant anciens que modernes, ont fondé la plûpart de leurs fictions sur les charmes & les enchantemens. Arioste, Amadis, nos Contes des Fées, sont pleins de charmes.

Charme se dit des choses insensibles ; enchantement des êtres intelligens. Des armes sont charmées. Une personne est enchantée. Voyez Enchantement, Enchanté. Voyez aussi Sort.

Ce mot vient de Carmina. Ménage, Voyez Enchantement, Sort.

Charmes. s. m. pl. Ce mot, dans le sens figuré, signifie un je ne sais quoi, qui, dans une femme ou dans un autre objet, nous plaît, & fait impression sur notre cœur. Les charmes & les attraits ont quelque chose de plus naturel que les appas. Il y a quelque chose de plus fort & de plus extraordinaire dans les charmes que dans les attraits & les appas. Il est presqu’impossible de résister aux charmes d’une beauté. Les charmes viennent de ces grâces singulières que la nature donne comme un présent rare & précieux, & qui sont des biens particuliers & personnels. Les charmes n’ont plus d’effet, lorsque le temps & l’habitude les ont rendus trop familiers, ou en ont usé le goût.

☞ C’est ordinairement par les brillans attraits de la beauté que le cœur se laisse attaquer ; ensuite les appas étalés à propos, achèvent de le soumettre à l’empire de l’amour ; mais s’il ne trouve des charmes secrets, la chaîne n’est pas de longue durée. Voyez Attraits & Appas.

☞ Le mot de charmes est non-seulement employé pour marquer le pouvoir de la beauté & des agrémens du sexe ; mais il l’est encore à l’égard de tout ce qui plaît. La Musique & la Poësie ont des charmes pour certaines personnes. Les charmes du plaisir ; mais il faut remarquer que dans ce cas le mot de charmes ne s’applique qu’aux choses qui sont, ou qu’on suppose être aimables en elles-mêmes, & par leur mérite. Il n’en est pas ainsi du mot appas. Le plaisir a des charmes qui le font rechercher par-tout, dans la vie retirée, comme dans le grand monde, dans l’école même de la mortification.

☞ On dit d’invincibles charmes. La gloire a des charmes invincibles pour les cœurs ambitieux. Les charmes ne deviennent véritablement invincibles, que par la solidité du mérite & la force du goût.

☞ Ce mot s’emploie aussi au singulier dans cette dernière signification, quoiqu’assez rarement. La nouveauté a un charme dont on se défend malaisement. S. Évr.

☞ CHARME. s. m. Carpinus. Arbre de haute tige, qui pousse des branches dès la racine & qui sert ordinairement à faire des palissades. Son tronc est médiocrement gros. Son écorce est bise, son bois dur, compacte & blanchâtre. Ses feuilles sont assez semblables à celles de l’orme ordinaire : mais elles sont un peu plus étroites, lisses des deux côtés, de couleur vert-gai en dessus, dentelées sur les bords, & comme épineuses. Au Printemps les branches sont chargées de chatons, longs de deux pouces environ, composées de plusieurs écorces couvertes en dessous d’étamines jaunes. Ses fleurs sont stériles : les fruits viennent dans des épis séparés, qui naissent cependant sur la même branche. Ces épis sont des festons longs comme le doigt, formés de feuilles roussâtres, entre lesquelles sont contenues des fruits pyramidaux, de quatre à cinq lignes de largeur à leur base, cannelés dans leur longueur, aplatis, ligneux, garnis d’une petite couronne. Ils renferment chacun une graine oblongue. Le charme sert à faire des aissieux & des formes. Le charme qu’on met en palissade s’appelle charmille.