Dictionnaire apologétique de la foi catholique/Templier

Dictionnaire apologétique de la foi catholique
Texte établi par Adhémar d’AlèsG. Beauchesne (Tome 4 – de « Persécutions » à « Zoroastre »p. 798-808).

TEMPLIERS. — La publication de nombreux et d’importants documents inédits faite depuis quelque trente ans et les rétentes découvertes de H. Pinkeont singulièrement grossi le dossier de l’affaire des Templiers. La question de leur innocence ou de leur culpabilité a donc dû être examinée à nouveau. Nous l’étudierons sous ses divers aspects dans l’ordre suivant : I. Origine des Templiers. — II. Leur transformation. — III. Leur mauvais renom. — IV. L’arrestation du 13 octobre 1307. — V. Protestation de Clément V. — VI. Les aveux des Templiers. — VII. Leurs rétractations. — VIII. Agissements de Philippe le Bel. — IX. Mesures pontificales. — X. Double enquête ordonnée par le Saint-Siège. — XI. Ses résultats. — XII. I.a suppression des Templiers. — XIII. Le supplice des dignitaires. — XIV. La liquidation des biens de l’ordre. — XV. La question de la culpabilité. — XVI. Absence de preuves matérielles. — XVII. Valeur des témoignages oraux. — XVIII. Attitude du grand maître Jacques de Molai. — XIX. Présomptions en faveur de l’innocence des Templiers. — XX. La responsabilité de Philippe te fiel et de Clément V. — XXI. bibliogra..’. le.

I. Origine des Templiers. — Quelques chevaliers champenois et bourguignons vinrent eu Palestine sous la conduite d’Hugues de Payens, au début du xne siècle. Ils se fixèrent, vers iiiq, sur l’emplacement du temple de Salomon, à Jérusalem. On les désigna dans la suite, pour cette raison, sous le nom de chevaliers de l’ordre du Temple ou sous celui plus court de Templiers. De même, les filiales qui se créèrent en Europe s’appelèrent Temples.

Les compagnons d’Hugues de Payens constituèrent une société à la fois militaire et religieuse pour la défense des Lieux Saints. Aux trois vœux habituels de religion ils en joignirent un quatrième : celui de protéger les pèlerins et de surveiller les routes de la Palestine.

Le nouvel ordre eut des débuts difficiles. Le concile de Troyes (janvier 1128) sanctionna pourtant son existence, lui donna un costume particulier caractérisé par un manteau blanc pour les chevaliers, noir ou roussàtre pour les sergents et les écuyers (sur lequel Eugène III fera coudre une croix rouge) et pria saint Bernard de rédiger une règle à son usage.

Les prescriptions imposées à l’ordre étaient en général dures. Destinées à des soldats, elles recommandaient l’esprit de discipline et excluaient le luxe dans l’équipement. Point de jeûnes débilitants : des guerriers avaient besoin d’une nourriture copieuse et substantielle, de viande.de vin. Une vie mystique plutôt rudimentaire s’imposait (H. de Curzon, La règle du Temple, Paris, 1886, et G. Scunùiier, Die urspriingliche Templerregel, Fiibourg-en-Brisgau, igo3).

Mener la guerre contre les Infidèles nécessitait des ressources abondantes. Pauvre à l’origine, l’ordre du Temple reçut l’autorisation de posséder des terres ; il en eut non seulement en Syrie, mais dans l’Europe entière. Il s’entendit à merveille à cultiver celles qu’il obtint par donations ou par acquèls. Sa gestion financière ne fut pas moins remarquable.

IL La transformation des Templiers. — Les Templiers s’illustrèrent par de vraies prouesses militaires. Ils citaient avec fierté la défense deGaza (1171), la bataille de Tibériade (1187), la conquête de Damielte (1219), l’expédition d’Egypte (ia50). Mais leurs exploits ne réussirent pas à empêcher la décadence du petit royaume de Jérusalem et le retour offensif des Sarrasins. En 1291, la prise de Saint Jean-d’Acre par les Infidèles consomma la perte de la Terre sainte (L. Bhéhibr, l’Eglise et l’Orient au Moyen-Age. Les croisades, 4" éd., Paris, 1921, p. I14-i"5, 222-229, 2^5-a’|6). Dès lors, les chevaliers, n’ayant pu se fixer dans l’île de Chypre, refluèrent sur l’Europe où il possédaient d’importants domaines et des places fortes.

Eloignés de leur terrain d’action, ils se trouvèrent désormais dans la situation d’une armée permanente recevant la notification de la paix universelle. Ils n’avaient plus de raisons d’être, sinon en s’en créant de nouvelles par un emploi différent, mais utile à la chrétienté, de leurs ressources. A moins de se réformer, l’ordre n’avait plus qu’à se dissoudre.

Pour justifier leur survivance au commencement du xive siècle, les Templiers n’avaient guère à invoquer que les services géuéiaux qu’ils rendaient par leur habileté de financiers. C’étaient des manieurs d’argent incomparables, des administrateurs judicieux, positifs et pratiques. Ils eurent « agné très vite la confiance universelle. Leur crédit, comme banquiers, surpassa celui des Juifs et des Lombards, qui se montraient usuriers plutôt que financiers Leurs maisons, forteresses imprenables en mên a 1585

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temps qu’édifices religieux inviolables, passaient pour les plus sûres banques de dépôt. Loin d’immobiliser les capitaux qu’on leur confiait, les Templiers surent les employer avec intelligence : ils ouvrirent des comptes courants aux gens solvables, s’improvisèrent courtiers, effectuèrent des paiements sur toutes les places, soit en transportant sous bonne escorte des sommes d’argent cons dérablesd’un pays à l’autre, soit par des virements de fonds et des jeux d’écriture. Leur comptabilité eut si bon renom que le Pape, les rois, les princes les chargèrent de leurs opérations de trésorerie. Le Temple encaissera le produit îles taillfs, acquittera les rentes ou remboursera les empunts de la royauté française. Depuis Philippe Auguste jusqu’à Philippe le Bel, le t » csor royal et le trésor du Temple auront une commune histoire (L. Dblislk, Mémoire sur les opérations financières îles Templier*, dans Mémoires Je l’Acadi lie des Inscriptions et Belles Lettres, t. XX XIII. 2e partie, Paris, 1889). En 1293, il est vrai, la gérance des fonds d’Etat fut retirée aux chevaliers. Ce n’était point l’effet d’une disgrâce, mais un essai d’administration royale directe. Apparemment, l’essaine futpas heureux ; vers le printemps de 1303, le frère trésorier reprit ses foaclions sous le contrôle des fonctionnuiresroyaux (Borrblu de Sbrrbs, Recherches sur divers services publics du XIII 9 au XVII’sirclr, t. III, Paris, 1909, p. i-.’|5, et Ch.-V. Langlois dans Journal des Savants, 1910, p. 489-498).

III. Mauvais renom des Templiers, — Un ordre religieux ne se transforme pas en puissance financière, en créancière des rois et des pape ; , sans éveiller bien des jalousies. La prospérité temporelle engendre presque fatalement le relâchement de la discipline, provoque l’orgueil, favorise l’affaiblissement des mœurs. A la lin du XIH 8 siècle, l’opinion publique était devenue malveillante aux Templiers. Oo les disait peu aumôniers. On leur reprochait d’avoir abandonné la cause de la Croisade. Tout bas, ou les accusait d’avoir pactisé avec l’Infidèle. Le clergé séculier récriminait vivement contre leurs immunités et leurs privilèges d’exemption. Les ordre » mendiants se lamentaient à cause de la concurrence des quêteurs laïc » employés par le Temple. Parmi le vulgaire, circulaient de vagues rumeurs. On parlait de la convoitise et de l’absence de scrupules des chevaliers, de leur passion de s’agrandir et de leur rapacité. Leur morgue insolente était proverbiale. On leur attribuait des habitudes d’ivrognerie ; on employait déjà le dicton « boire comme un templier ». Le vieux mot allemand Tempelhaus désignait une maison mal famée. On répétait enfin des propos de corps de garde, comme celui de ce chevalier qui, par vantardise, s écriait : » Gela ne tire pas à conséquence de renier Jésus ; on le renie cent fois pour une puce dans mon pays. » De là toute sorte de soupçons contre l’orthodoxie de l’ordre.

Le secret, dont la règle de l’ordre entourait les assemblées capitulaires, accréditait les bruits fâcheux. Les réceptions des novices avaient lieu la nuit. Des sentinelles gardaient la porte close des salles de réunions. Seuls, quelques dignitaires connaissaient la règle. Les simples frères la pratiquaient sans l’avoir consultée, ni possédée. Que devait penser le vulgaire, lorsqu’il entendait un templier dire : « Nous avons des articles que Dieu, le diable et nous antres frères de l’ordre nous sommes seuls à connaître » ? N’était-il pas amené à conclure que la rèj ; le renfermait de bien terribles secrets, si même elle ne prescrivait pas des abominations ? De tout temps, les mouila sécréta ont été l’épouvantait dont s’est effrayé l’esprit des simples.

(Ch. V. Lvnglois, f.e proers des Templiers dans Revu ? des Deux-Mondes, t. CIII (1891), p. 389-390.)

Il ne faut pas se méprendre sur la valeur des accusations répandues par la malignité publique contre les Templiers. Les Hospitaliers et les autres ordres n’étaient pas moins décriés qu’eux. La littérature du moyen âge, à tort ou à raison, censure crûment et sans distinction les mœurs monastiques. La fortune immobilière du Temple était bien inférieure à celle de l’Hôpital ; elle équivalait à la moitié ou aux deux tiers des biens des Cisterciens. (H. Finkb, Papsttum, X. I, p. 70 et 85, et Ch.-V. Langlois dans Journal des Savants, 1908, p. flao et s 1-) Un f a’1 surtout mérite l’attention et montre combien l’opinion s’égarait : dans le célèbre mémoire De recuperatione Terræ Sanctæ (1305-1307), où il préconise la suppression de l’ordre, Pierre Dubois ne formule aucun grief contre l’orthodoxie ou la moralité de ses membres ; il conteste uniquement l’utilité de l’institution (éd. Ch.-V. Langlois, Paris, 1891, p. 13-15). Il acceptait en somme l’avis des papes et des conciles, qui avaient déjà songé à fusionner les Hospitaliers et les Templiers.

IV. L’arrestation du 13 octobre 1307. — Le vendredi 13 octobre 1307, écrit le chroniqueur contemporain Jban db Saint- Victor, « survint un événement extraordinaire, inouï… tous les Templiers du royaume de France furent arrêtés à l’improviste le même jour et incarcérés dans diverses geôles » ; Baluzk-Mollat, Vitæ paparum Avenionensïain, Paris, ig14, t- L P- 8.

Le 1 4 et le 15, Guillaume de Nogaret se chargea de légitimer la conduite du roi (E. Boutakic, Clément V, Philippe le Bel cl les Templier.- ; , dans Revue des Questions historiques, t. X (1871), p. 32}329). Par des proclamations et des harangues tapageuses il montra au clergé et au peuple de Paris que le prince avait agi à la requête de l’inquisiteur général de France, frère Guillaume Iinbert, après consultation du pape (ce qui était faux) et sur l’avis des barons. Il énuméra les crimes infâmes dont les Templiers se rendaient coupables : le jour de leur réception les chevaliers reniaient par trois fois le Christ et crachaient, également par trois fois, sur le crucifix ; la sodomie leur était recommandée ; ils adoraient une idole ; à la messe, les prêtres desservant l’ordre omettaient les paroles de la consécration.

Au début de l’année 130â, il s’était en effet produit d. ; s dénonciations contre l’ordre du Temple. Un certain Esquiu de Floyran, originaire de Béziers, était venu à Lérida confier à Jayme II roi d’Aragon les révélations qu’il avait recueillies, en prison, delà bouche d’un templier, détenu en même temps que lui. N’ayant pas réussi à persuader son royal interlocuteur, il trouva accès près de Philippe le Bel, qui se laissa convaincre sans peine (II. Fi.xkE, Papsttum und Untergang des Templerordens, t. II, p. 83-85). Aux accusations d’Esquiu se joignirent, vers la même époque, celles d’un clerc languedocien, Bernard Pelet, et d’un templier gascon, Géraud Lavernha(i. MiCHBLBT, Proc es des Templiers, t. I, p. 3 ; et FinRe, op. cit., t. II, p. 319). Les révélations des trois personnages étaient-elles sincères ? On ne sait. Il n’est point invraisemblable de supposer avec Ch. V. Langlois (Journal des Savants, 1908, p. 42Ô) que lous trois servirent d’espions à Guillaume de Nogaret, ou du moins d’instruments. Ce qui pousse à le croire, c’est que Rsquiu ds Floyran toucha pour ainsi dire le prix de son espionnage sous forme de dépouilles du Temple de Montriooux (Tarn-et-Garonne) ; Mémoires de la 1587

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Société archéologique du Midi de la France, t. Y, i q3 et Mémoires de l’Académie de Toulouse, t. Il <1864), p. 122.

Les dépositions reçues par les agents du pouvoir royal tarent communiquées à Clément V, avant et pendant les fête8 de son couronnement, c’est-à dire en novembre 1305, et aussi lors de l’entrevue de Poitiers qui eut lieu en avril et en mai 1807. Le pape n accorda à ces démarches aucune importance (MlCBBLBT, Procès des Templiers, t. I, p. 207). Ce que voyant, Philippe le Bel travailla, dans le plus strict secret, à grouper des témoignages contre l’ordre. D’anciens frères, qui en avaient été chassés pour mauvaise vie, se chargèrent de le renseigner (Micdbli-t, op. cit., t. I, p. 168). D’autres, feignant la conversion, au nombre de douze, se faufilèrent dans les rangs des Templiers atin d’épier leurs prétendus forfaits. Enûn, d’après le chroniqueur Jean dk Saint- Victor (Baluzb-Mollat, Vitae paparum Avenionensium, t. I, p. 8), Guillaume de Nogaret lit arrêter des transfuges du Temple dispersés dans le royaume, obtint d’eux des témoignages et « les tint longtemps et très secrètement enfermés dans les prisons de Corbeil », du consentement de frère Imbert, jacobin, confesseur du roi et inquisiteur de l’hérésie. Ces individus s’offrirent

« courageusement et audacieusement à prouver que

des crimes se perpétraient chez les Templiers, même à l’occasion des professions ordinaires ».

Quand des charges suffisantes eurent été réunies contre l’ordre du Temple, le roi de France s’essaya à convaincre Clément V, qui refusait de s’engager à quoi que ce fût. Il échangea avec lui une correspondance assidue, lui expédia à maintes reprises des ambassadeurs qui le pressaient d’agir. Bref, poussé à bout, le pape se décida à ouvrir une enquête. Le ait août 130^, il communiqua à Philippe le Bel sa décision (Baluzb-Mollat. Vitae, t. III, p. 60). Après avoir pris conseil des cardinaux et à la requête du grand maître Jacques de Molai, qui jugeait son ordre injustement accusé, une information judiciaire serait instruite suivant les règles du droit. Les dignitaires des Templiers réclamaient une sentence d’absolution, si les juges délégués par le Saint-Siège reconnaissaient leur innocence, et se soumettaient à l’avance aux condamnations qu’on prononcerait contre eux, au cas où leur culpabilité serait avérée, ce qu’ils tenaient pour impossible (Quod nullatenus credebant).

Philippe le Bel connaissait les longueurs de la procédure canonique ; il ne voulut point s’y exposer. Peut-être doulait-il de la valeur des témoignages recueillis par Guillaume de Nogaret, de la bouche de gens peu recommandables et pour le moins fort suspects. Après avoir longuement délibéré avec son conseil, le roi frappa un coup de maître, strictement légal, puisque frère Imbert l’avait requis d’agir. Telle fut l’occasion de l’arrestation des Templiers, opérée le 13 octobre 1807.

V. Protestation de Clément V. — Quoi que prétendissent les gens du roi et quoi qu’aient cru les contemporains — curia romana hoc <> dinunte, écrit Jean dk Saint-Victor (dans Baluzb-Mollat, Vilac paparum Avenionensium, t. I, p. 8), — l’arrestation s’était faite à I’insu du pape et contrairement à ses vues. Clément V protesta hautement. Le 27 octobre, il écrivait en ces termes à Philippe le Bel : « Très cher (ils, ce que nous disons avec douleur, nu mépris de loute règle, pendant que nous étions loin de vous, vous avez étendu la main sur les personnes et les biens des Templiers ; vous avez été jusqu’à les mettre en prison, et ce qui est le comble de la dou leur, vous ne les avez pas relâchés ; même, à ce qu’on dit, allant plus loin, vous avez ajouté à l’aflliction de la captivité une autre affliction que, par pudeur pour l’Eglise et pour nous, nous croyons à propos de passer actuellement sous silence… Nous avions signilié à votre Sérénité par nos lettres, que nous avions pris en main cette affaire et que nous voulions rechercher diligemment la vérité. Dans la même lettre, nous vous priions d’avoir soin de nous communiquer ce que vous aviez découvert à ce sujet, vous promettant de vous transmettre de ce que nous découvririons nous-même. Malgré cela, vous avez commis ces attentats sur la personne et les biens de gens qui sont soumis immédiatement à nous et à l’Eglise romaine. Dans ce procédé précipité, tous remarquent, et non sans cause raisonnable, un outrageant mépris de nous et de l’Eglise romaine. 1 Le pape terminait sa lettre de protestalion en priant Philippe de remettre la personne et les biens des Templiers aux mains des cardinaux Bérenger Frédol et Etienne de Suisy. Toutefois — la chose a son importance — il restait muet sur l’innocence des chevaliers et ne blâmait que le manque d’égards dont on avait usé envers lui (E. Bbnan, Etudes sur la politique religieuse de Philippe le liel, Paris, 1899, p. ^17-419).

VI. Aveux des Templiers. — Le courroux de Clément V s’apaisa bientôt. Après le coup de théâtre du 13 octobre 1307, les officiers royaux, prévenant presque<|)artout l’action de l’Inquisition, avaient obtenu des aveux écrasants, en appliquant tous les moyens d’intimidation possibles. La torture la pins cruelle avait triomphé des résistances. Les prisonniers n’avaient d’autre choix que de confesser les crimes qu’on leur imputait ou de se vouer à une mort certaine. Les ordres du roi étaient formels et explicites : « On leur dh-a comment le pape et le roi sont informés par plusieurs témoins bien dignes de foi, membres de l’ordre [ces deux affirmations étaient mensongères], de l’erreur et de la bougrerie [mœurs contre nature] dont ils se rendent spécialement coupables au moment de leur entrée et de leur profession, et ils leur promettront le pardon s’ils confessent le vérité, e ?i revenant à la foi de sainte Eglise, ou qu’autrement ils seront condamnés à mort » ; G. Lizerand, Le dossier de l’affaire des Templiers, Paris, 1923, p. 27. t

Les Templiers qui avaient avoué n’eurent pas plus tard la ressource de la rétractation, quand ils furent traduits devant les tribunaux de l’Inquisition. Les i. ; ens du roi. par un abus criant, assistaient à leur interrogatoire et s’assuraient qu’ils persévéraient dans leurs premières déclarations.

Des iltO accusés produits devant l’inquisiteur général Guillaume Imbert, quatre seulement proclamèrent leur innocence. Tous les autres, y compris les hauts dignitaires de l’ordre, avouèrent les blasphèmes ; environ les trois quarts d’entre eux confessèrent les gestes impudiques au moment de l’initiation et un quart à peu près l’incitation à la sodomie. Presque tous se défendirent avec horreur d’avoir jamais pratiqué ce vice dégradant (Michklrt, Procès des Templiers, t. II, p. 277-420). Le grand maître reconnut sa propre honte et celle de ses inférieurs, à deux reprises différentes, le 24 et le : >.5 octobre (G. Lizkrand, Le dossier de l’affaire des Templiers, p. 33 et Dbniflb et Châtelain, Chartularium unir versitatit Parisiensis, Paris, 1891, t. II, p. 12g-130). Il implora humblement le pardon du roi et l’absolution du pape et se déclara prêt à accepter la pénitence qui lui serait imposé*. Bien plus, une cédule, scellée de son sceau, enjoignit aux Templiers, en 1389

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vertu delà sainte obéissance, de confesser les crimes ; mis à leur charge devant 1 Inquisition on l’autorité épiscopale (Denifik bt Châtelain, Chai tulai ium universitatis Parisiensis, Paris, 1891, t. II, p. 129, n.S6C>).

Lorsque Clément V eut été pleinement informé des événements, lorsqu’il eut constaté 1 accumulation des aveux, il sollicita les princes chrétiens de se saisir des Templiers et de mettre le séquestre sur leurs biens en son nom (a a novembre 130-) ; Duruv, Histoire de la condamnation des Templiers, Taris, 16541 7. Il espérait, par ce moyen, empêcher les autres souverains d’Europe d’imiter les procédés violents de Philippe le bel.

Content d’une mesure qui le justiûuit en quelque sorte, le roi de France lit des concessions importan- j tes, du moins par écrit, le i ! décembre 1307 (Baluze-Moi. lat, Vitæ paparum Aenionensium, t. III, p. 92-94) : il remit les personnes des Templiers entre les mains des légats pontificaux, en l’espèce les cardinaux Bérenger Frédol et Etienne de Suisy ; quant à leurs biens meubles et immeubles, il avoua les avoir séquestrés au profit de la Terre sainte ; des receveurs et des gardiens autres que ceux des deniers royaux les géreraient désormais et rendraient compte de leur administration,

La remisi des Templiers aux juges d’Eglise n’avait point été effectuée, quoi que prétendît le roi : personas Templariorum ipsorum posuimusvestro et Ecclesie nomine in manibus cardinalium ëéîumdem (Baluze-Moli. at, op. cit., t. III, p. y3). Elle n’était que fictive : les prisonniers demeurèrent dans les mêmes geôles qu’auparavant. Le seul changement qui intervint consista en ce qu’ils furent tenus à la disposition des cardinaux-légats. L’expédient, si peu important qu’il parût, eut des conséquences autrement graves.

VIL Rétractations des Templiers. — Dès que Jacques de Molai eut appris que les juges d’Eglise entendraient ses frères, il se ressaisit. Il invita ses subordonnés à rétracter leurs aveux. Une tablette de cire passa de cellule en cellule. On y lisait : « Sachez que le roi et les cardinaux viendront demain. D’autres frères rétracteront leurs aveux, rétractez vousmême et rendez cette note au porteur » ; (P.Viollet, dans Histoire littéraire de la France, t. XXXIV (1914), p. n5etK. Sohottmuxlbh, Ler Untergang des Templerordens, Berlin, 1887. t. II, p. 3^). Si Molai renseignait mal les prisonniers au sujet de la venue éventuelle de Philippe le Bel, il leur donnait un ordre précis. Soixante environ lui obéirent (Fi.nkb, Papstlam und Untergang des Templerordens, t. II, p. 338). De Molai donna, d’ailleurs, lui-même l’exemple (Op. cit., t. II, p. 116). Les cardinaux Bérenger Frédol et Etienne de Suisy, tout dévoués au roi de France, se trouvèrent dans un cruel embarras. Au risque de déplaire à leur souverain, ils consultèrent Clament V. Les nouvelles qui parvinrent de France émurent vivement le pape. En février 1308, des ordres précis furent expédiés aux inquisiteurs et aux évoques. Leur action judiciaire se trouvait suspendue et le Saint Siège se réservait la poursuite exclusive de l’affaire des Templiers.

VIII. Agissements de Philippe le Bel. — Le changement d’attitude de Clément V contrecarrait les plans de Philippe le Bel. Inquiet de la tournure que pouvaient prendre les événements, le roi garda et les biens et la personne des Templiers ; puis il erilama une furibonde campagne de chantage contré ceux qu’il voulait perdre et contre Clément V. De* pamphlets odieux, sortis de la plume savante et en fiellée de Guillaume de Nogaret cl de Pierre Dubois, désignent le pape à l’animadversion publique. Tout ce qui, jadis, avait été dit de Boniface V11I, est répété sur le compte du nouveau pontife. Tout devient matière à critique : le népotisme de Clément, ses exactions contre le clergé. Puisque le pape omet les devoirs de sa charge pastorale, c’est au roi, zélateur de la loi divine, à agir d’urgence (Boutakic, Notices et extraits de documents inédits relatifs à l’histoire de France sous Philippe le liel, dans Xotices et extraits des manuscrits, t. XX, 2e partie (1862), p. j 66186). Bientôt une assemblée de notables, tenue à Tours du 5 au 15 mai 1308, approuve la conduite de Philippe et déclare les Templiers dignes de mort à cause de leurs forfaits (G. Picot, Documents relatifs aux Etats généraux et assemblées réunies sous Philippe le liel, Paris, 1901, p. LVII, 487-720).

Fort de l’approbation des Etats, le roi se rend à Poitiers pour y avoir une entrevue avec le pape. Il se montre en grand apparat aux séances du consistoire, entouré des princes du sang, de barons, d’évêques, des procureurs des Etats de Tours, et livre à Clément V un assaut formidable. « Saint Père, Saint Père, dit Plaisians, faites vite. Autrement le roi ne pourrait s’empêcher, et, s’il le pouvait, ses barons ne pourraient pas s’empêcher, et si ses barons le pouvaient, les peuples de ce glorieux royaume ne poui raient pas s’empêcher de venger eux-mêmes i’injure du Christ… Agissez donc, agissez. Autrement, il nous faudrait vous parler un autre langage. » Gilles Aycelin insinue plus perfidement : « Le prélatqui néglige d’étoufîer l’erreur, c’est comme s’il s’en rendait coupable » ; Ch. V. Langlois, Journal des Savants. 1908, p. 429. D’ailleurs, lesméfaits desTempliers

« sont notoires, clairs, indubitables, plus

clairs que la lumière de midi… ; ils ne peuvent ni ne doivent être révoqués en doute par aucune personne qui soit vraiment catholique et qui veuille éviter le péril de favoriser l’hérésie » ; G. Lizerand, Le dossier de l’affaire des Templiers, p. 125.

La menace était claire. Si Clément V ne punissait pas les crimes avérés des Templiers, il favoriserait l’hérésie, délit prévu par la législation inquisitoriale ; par suite, il risquerait d’être déposé. Pourtant, ni les discours insolents de Guillaume de Plaisians, ni le ton agressif de Gilles Aycelin n’effrayèrent Clément qui, malgré tout, se refusa à croire à la culpabilité des Templiers et à prononcer leur condamnation.

« Nous disons quel’Eglisenous estsi chère que

nous sommes prêts pour la défense de la foi catholique à subir la mort et à souffrir le martyre » ; Finkk, op. cit., t. II, p. 150. Et finement le pape émit un doute sur la pureté des motifs qui inspiraient la conduite de Philippe le Bel. a Quant à nous, nous ne croyons pas, nous n’avons jamais cru que le roi de France ait été mû par quelque désir de cupidité. Nous tenons pour certain qu’il n’a agi que par zèle de la foi, cela ressort avec évidence de ses propositions, à savoir qu’il n’a pas l’intention de s’approprier les biens des Templiers, mais que sa volonté est de les mettre à la disposition de l’Eglise pour la croisade » ; Fi.nkb, op. cit., p. 150.

Le trait décoché à l’adresse du roi de France porta. Philippe le Bel comprit qu’il fallait changer de tactique. Le pape lui avait rappelé ses engagements. Le 27 juin 1308, la personne des Templiers fut remise, officiellement du moins, à l’Eglise ; mais, excipant des causes de maladie, le roi retint Molai dans les prisons de Chinon et ne se dessaisit d’aucun des grands dignitaires de l’ordre.

Au mois d’août 1308, les prisonniers comparurent devant trois cardinaux : Bérenger Frédol, Etienne de Suisy et Landolfo Brancacci ; tous, re1591

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venant sur leurs rétractations précédentes, se déclarèrent coupables. Jacques de Molai, en particulier, avoua avoir renié le Christ de bouche seulement, avoir craché non sur la croix, mais à côté. « De la sodomie, du culte idolâtrique d’une statue, des baisers impudiques, il dit ne rien savoir » ; Finkb, op. cit., t. II, p. 3a8.

Les inculpés affirmèrent n’avoir point répondu par l’effet de la torture et vouloir persévérer dans leurs dépositions.

D’autre part, Philippe le Bel achemina sur Poitiers, où résidait le pape, soixante-douze Templiers. Choi sis parmi des chefs de maison, des frères servants, des transfuges de l’ordre, des gens de peu, soigneusement triés et dûment stylés par les acolytes de Guillaume de Nogaret, tousavouèrenl que les crimes reprochés à l’ordre étaient réels. Leurs dépositions (Finkb, op. cit., t. II, p. 32Q-a41) concordantes impressionnèrent si vivement le pape que ses oppositions tombèrent une à une. On le vit adopter une série de mesures préconisées le 14 juin 1308 par Guillaume de Plaisians(G. Liziïhand, Le dossier de l’affaire des Templiers, p. ia5).

IX. Mesures pontificales. — Sans donner entière satisfaction à Philippe le Bel, Clément V lui lit desconcessionsgrosses deconséquencesquillet 1308). L’instruction du procès fut réorganisée sur des bases nouvelles. Deux enquêtes devaient se poursuivre à la fois : d’abord, dans les diocèses, une enquête contre la personne des Templiers conduite parles soins de l’ordinaire, assisté de deux délégués du chapitre cathédral, île deux frères prêcheurs et de deux franciscains : c’était l’enquête épiscopaîe ; puis, une enquête, dite pontificale, dirigée contre l’ordre même par des commissaires nommés par le pape. Les conciles provinciaux jugeraient les individus d’après le résultat des enquêtes diocésaines ; et un concile œcuménique dériderait du sort de l’ordre après l’enquête des commissaires ponliGcanx. L’ouverture du concile général aurait lieu à Vienne, en terre d Empire, le I er octobre 1310. Quant aux biens du Temple, la curatelle était théoriqusmeut confiée dans chaque diocèse à quatre personnes, dont deux désignées par les évêques et deux par le roi ; en fait, celui-ci les administra à son gré, puisqu’il eut l’habileté d’imposer aux évêques des gens à sa dévotion. Clément V commit une dernière faute — à vrai dire il lui eût été difficile d’agir autrement —, il remit à Philippe la garde des Templiers et ainsi lui fournit l’occasion de peser lourdement sur la marche ultérieure du procès. (Finke, op. cit., p. 15a et G. Liziïrxnd. Le dossier de l’a/faire des Templiers, p. no95) X. Double enquête ordonnée par le Saint-Siège. — Les tribunaux d’inquisition institués par Clément V ne se mirent pas vite à la besogne. La commission pontificale se réunit pour la première l’ois le 8 août 1300, et ne fonctionna réellement qu’au mois de novembre suivant, au monastère bénédictin de Sainte-Geneviève de Paris. Jouissait-elle d’une véritable indépendance vis-à-vis du roi de France ? Le pape avait eu la faiblesse de la composer de prélats dévoués aux intérêts de Philippe. Le président était cet archevêque de Xarbonne. Gilles Aycelin, qui avait prononcé à Poitiers en 1308 u.i réquisitoire véhément contre l’ordre et réclamé sa suppression. Les assesseurs étaient Guillaume Durant, évêque de Mende, GuillauTie Bonnet, évêque de Bayeux, Renaud de la Porte, évêque de Limoges, un notaire apostolique Mathieu de Xaples.Jean de Manloue, auditeur ducar Jinal Pierre Cdonna, Jean deMoullaur.

archidiacre de Maguelonne, Jean Agarvi, prévôt d’Aix en Provence. Tous ces gens d’Eglise trahirent leurs devoirs, au moins en ceci qu’ils permirent aux officiers royaux d’assister aux interrogtoires et ne respectèrent pas le secret des dépositions recueillies par eux.

Comme il était’arrivé déjà dans l’hiver de 13071 308, les Templiers, confiants en l’impartialité de la commission pontificale, se rétractèrent en grand nombre et excusèrent leurs aveux en alléguant la torture qu’ils avaient subie. Le frère Ponsard de Gisi décrivit les affreux supplices qu’il supporta. L’acte de sa déposition porte : « Interrogé sur le point de savoir s’il fut jamais misa la torture, il répondit que trois mois avant la confession qu’il lit devant le seigneur évêque de Paris il fut placé dans une fosse, les mains liées derrière le dos si fortement que le sang coula jusqu’à ses ongles, et qu’il y resta, n’ayantd’espace que la longueur d’une longe, protestant et disant que, s’il était mis encore à la torture, il renierait tout ce qu’il disait et qu’il dirait tout ce qu’on voudrait. Autant il était prêt à souffrir, pourvu que le supplice fût court, la décapitation ou le feu ou l’ébouillautement, autant il était incapable de supporter les longs tourments dans lesquels il s’était trouvé déjà en subissant un emprisonnement de plus de deux ans » ; G. Lizkrand, Le dossier de l’affaire des Templiers, p. ib--i’uj.

L’attitude de Jacques de Molai fut moins noble. Terrorisé, mal conseillé, dépourvu d’avocats, devenu le jouet de Guillaume de Plaisians, il défendit mal son ordre ou plutôt il l’abandonna (G. Lizerand, Le dossier de l’affaire des Templiei s, p. i£6, 162, 174). Les autres dignitaires ne montrèrent pas plus de bravoure. Leurs dépositions produisent irrésistiblement l’impression qu’ils sont dominés par la crainte de la mort. Ils se méfient de leurs juges et cherchent les faux-fuyants pour ne point se compromettre. Quand on leur oppose les crimes avoués par leurs frères, ils prétextent l’ignorance, ils tergiversent. Somme toute, s’ils ne défendent pas leur ordre, ils ne l’accusent pas non plus et ne fournissent pas d’armes contre lui (Michblkt, Procès des Templiers. t. II, p. /, 23-. r)5).

A bien considérer les choses, la cause du Temple ne paraissait pas en mauvaise voie aux environs du mois de mai 1310. Le nombre des défenseurs de l’ordre, plus courageux que leurs chefs ou plus naïfs, s’élevait à cinq cent soixante-treize. Les témoins à charge étaient des laïcs, peu nombreux, produits par les gens du roi ; leurs allégations imprécises et incohérentes. Philippe le Bel pouvait mal augurer de l’issue du procès. Encore cette fois, il n’hésita pas à tenter un de ces coups de violence qui, précédemment, lui avaient si bien réussi. Sous son inspiration, Philippe de Marigny, le frère du ministre Enguerrand et créé depuis peu de temps archevêque de Sens, convoqua, à Paris, un concile provincial auquel appartenait juridiquement le jugement des personnes du Temple. Les membres de la commission pontificale ne tentèrent rien de sérieux pour empêcher le concile d’instrumenter avant que leur propre enquête eût été close. Lorsque les Templiers, qui se sentaient perdus, supplièrent Gilles Aycelin d’intervenir en leur faveur, le prélat répondit qu’il lui fallait entendre ou célébrer la messe. Ses assesseurs se déclarèrent impuissants à entraver l’action de Philippe de Marigny. Elle était, d’ailleurs, strictement légale. Le Il mai 1310, sans avoir entendu à nouveau les accusés, le concile provincial de Sens condamnait comme relaps cinquante-quatre Templiers, qui avaient rétracté leurs précédents aveux. Le la mai ; ces infortunés périssaient sur le bûcher 1593

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dressé hors Paris, entre Saint-Anloine et le moulin à vent. Jusqu'à leur dernier soupir ils prolestèrent de leur innocence. Pareil autodafé de neuf personnes se renouvela à Senlis le 16 mai. Les Templiers survivants furent atterrés. Le chevalier Ainiery de Villiers-le-Duc, paie, défait, « déclara sous serment et au péril <le sa mort, ainsi que le contient l’acte même de sa déposition, que toutes les erreurs imputées à l’ordre étaient entièrement fausses, bien que, par suite des tortures nombreuses que lui inlligèrent, à ce qu’il dit, G. de Marsillac et Hugues de la Celle, chevaliers royaux, qui l’interrogèrent, il eût, lui témoin, confessé quelques-unes des erreurs susdites. Il affirma qu il avait vu. la veille, de ses yeux, conduire en voiture cinquante-quatre frères dudil ordre pour être brûlés, parce qu’ils n’avaient pas voulu avouer les erreurs susdites, qu’il avait entendu dire qu’ils avaient été brûlés, et que luimême, craignant de ne pas offrir une bonne résistance s’il était brûlé, avouerait et déposerait sous serment, par crainte de la mort, en présence desdits seigneurs commissaires et en présence de n’importe qui, s’il était interrogé, que toutes les erreurs imputées à l’ordre étaient vraies et qu’il avouerait même avoir tué le Seigneur si on le lui demandait. Et il supplia et adjura lesdits seigneurs commissaires et nous, notaires présents, de ne pas révéler ce qui précède aux gens du roi ni à ses gardiens, parce que, disait-il, il craignait d être, s’ils l’apprenaient, livré au même supplice que les cinquantequatre Templiers susdits » ; G. Lizbrand, Le dossier de l’affaire d-s Templiers, p. 189-191.

La crainte du bûcher produisit son effet. Les défenseurs du Temple s’esquivèrent. On ne recueillit plus guère quedes aveux, deux cents environ contre douze dénégations. La commission pontiûcale, prise comme d’atonie, jugea superflu de citer devant elle les trois quarts de ceux qui s'étaient proposés à défendre l’ordre. Du consentement du pape, qui s'était déclaré satisfait, elle clôtura ses travaux le 5 juin 131 1 (Michblbt, Procès des Templiers, t. II, p. 270-273).

XL Résultats de la double enquête ordonnée par le Saint-Siège. — Dans l’ensemble, l’enquête pontilicale instruite en France avait été défavorable aux Templiers. Il n’en fut pas de même de l’enquête poursuivie dans le reste de l’Europe.

Au lendemain de l’arrestation du 13 octobre 1307, Philippe le Bel avait chaleureusement invité les autres souverains à suivre son exemple. Il essuya partout des échecs. Les mandats d’arrêt ne furent lancés que sur l’ordre de Clément V après le 22 novembre. Eu Angleterre, Edouard II laissa longtemps les Temp.iers en liberté provisoire. Le concile de Londres, assemblé le 20 octobre 1300, les mit vainement au secret, les livra à la question, puis se sépara sans avoir trouvé de preuves concluantes contre l’ordre, lien alla de même pour les conciles tenus à York (30 juillet 13n), en Irlande et en Ecosse. Quant aux enquêteurs pontificaux, pour étayer un semblant d’accusation, ils se virent réduits à entendre un grand nombre de témoins étrangers au Temple (D : u.*.ville Le Roclx, La suppression des Templiers, dans Revue des questions historiques, t. XLVIII (1890), p. 4°-4'-s et Finkb, Paptttum und Untergang de* Templerordens, t. I, p. 3 1 2-3 17).

Les Templiers d’Espagne échappèrent totalement à l’accusation d’hérésie et d’idolâtrie dont on avait essayé de les flétrir. Un verdict de non-culpabilité fut prononcé par les conciles de Tarragone (octobre 1310-.'i novembre 1 3 1 2) et de Salamanque (octobre 1310). Pareillement l’enquête pontilicale conclut à

l’innocence de l’ordre (Finkb, op. cit., t. I, p. 982012).

En Allemagne, malgré l’emploi de la torture, la commission nommée par Clément V ne recueillit que des témoignages en faveur des Templiers et équitablement leur rendit un hommage public (Finkb, op. cit., 1. 1, p. 317-320).

La Provence, le royaume de Naples et les Etals de l’Eglise, sujets à l’influence du roi de France, furent les seuls pays où certaines dépositionsreçues par les synodes provinciaux tendirent à prouver fexi-.tence des crimes reprochés aux Templiers de France. Encore convient-il d’observer que les témoignages recueillis sont en nombre extrêmement restreint et émanent de gens de second ordre, qui, sous l’actiondu chevalet, disent tout ce que désirent leurs bourreaux (Finkb, op. cit., p. 3ao-3.*2).

A Chypre, l’ordre fut d’abord acquitté. L’accession au trône de Henri de Lusignan lui devint fatale. A l’instigation du pape, une nouvelle enquête s’ouvrit. Avant toute décision juridique, les Templiers périrent noyés ou brûlés. Leur mort affreuse était un crime politique. Henri de Lusignan se vengeait de ceux qui avaient puissamment aidé son frère Aniaury de Tyr à l'évincer du pouvoir (Finkb, op. cit., 1. 1, p. 322-323 et Delaville Lk Houlx, article cité, p. ^749).

En définitive, la double enquête ordonnée par Clément V aboutissait à des conclusions quelque peu contradictoires, mais, à tout prendre, plutôt favorables aux Templiers. Il appartenait au pape et au concile, enfin ouvert le 16 octobre 1311, à Vienne, de porter une sentence.

XII. La suppression des Templiers. — Les Pères réunis à Vienne retirèrent de l’enquête une impression bienveillante à l'égard de l’ordre du Temple. Au profond désappointement de Clément V, qui ne se sentait pas de force à déplaire à Philippe le Bel, la haute commission instituée pour reviser le procès émit le vœu, à une forte majorité, que les Templiers fussent admis à comparaître et à présenter leur déi’ense (décembre). Le pape, qui avait tiré ses plans particuliers, tenta une diversion. On s’occupa des réformes à introduire dans l’Eglise et de projets de croisade. Pendant ce temps, Philippe le Bel, soucieux de ne pas perdre la partie engagée, consulta les Etats à Lyon, réveilla le procès de Boniface VIII, momentanément tombé dans l’oubli, et travailla l’opinion publique. Quand il jugea le moment propice, il se rendit à Vienne, intimida les opposants et entraîna les hésitants par des menaces on des promesses. Le 22 mars 1312, en consistoire secret, les membres de la commission votèrent la suppression des Templiers à la majorité des quatre cinquièmes des suffrages. Les Pères du concile n’auraient peut-être pas ratifié la décision prise en commission ; le 3 avril, dans la seconde session, ils s’entendirent imposer silence sous peine d’excommunic itioii et durent écouter la lecture de la sentence pontificale. En vertu de l’autorité apostolique, par voie de provision et non de condamnation. Clément V abolit l’ordre. Après avoir triomphé de bien des résistances delà part de Philippe le Bel et des Pères, dans la session du 3 mai, la troisième du concile, le pape arrête que les biens du Temple seront attribués aux Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, sauf dans les royaumes d’Aragon, de Castille, de Portugal et de Majorque, où ils écherront aux ordres nationaux en lutte contre les Sarrasins. Enfin, le 6 mai, il laisse les conciles provinciaux régler le sort privé des Templiers et se réserve le jugement du grand maître, du visiteur de France, d’Olivier de 1595

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Penne, des précepteurs d’oulre-mer, de Normandie. d’Aquitaine, de Poitou et de Provence. Le même jour prenait lin le concile de Vienne.

XIII. Le supplice des dignitaires de l’ordre — Le jugement des dignitaires de l’ordre subit de longs retards. Ce ne fut que le 22 décembre 1313 (Regestum démentis papæ I", n. io33 ;) que Clément V délégua unis pouvoirs aux cardinaux iS’ieolas de Fréauville, Arnaud d’Aux et Arnaud Nouvel. La sentence délinitive fut lue en présence de la foule, assemblée surle Parvis Notre-Dame, le 18mars 13 1 4 Elle condamnait les chefs de l’ordre à la prison perpétuelle. Dans un élan de sincérité et de courage, Jacques de Molai etGeoffroi de Charnay s’écrièrent :

« Nous ne sommes pas coupablesdes choses dont on

nous accuse, mais nous sommes coupables d’avoir bassement trahi l’ordre pour sauver nos vies. L’ordre est pur ; il est saint ; les accusations sont absurdes, les confessions menteuses », Ch. V. Langlois, Le procès des Templiers d’après des documents nouveaux dans Revue des Deux-Mondes, t. C1II (1891), p. 4 ll J.

L’incident imprévu troubla les cardinaux, qui remirent au lendemain leur décision et se contentèrent pour le moment de livrer Molai et Charnay au prévôt de Paris. Cela ne faisait point le jeu de Philippe le Bel. Le jour même, le conseil royal décréta la mort immédiate des deux chevaliers, tenus pour des relaps. Vers le crépuscule, un bûcher était dressé dans l’île des Javiaus et ses flammes projetaient des lueurs lugubres sur les murs du palais royal. Les yeux tournés vers Notre-Dame, Molai et Charnay expirèrent héroïquement, en proclamant leur innosence.

XIV. La liquidation des biens de l’ordre. — Le gros héritage des Templiers excita la convoitise générale. Les petits potentats souhaitèrent avoir leur part de butin aussi bien que les grands souverains. La décision de Clément V, prise lors du concile de Vienne, les déçut tous. Si Philippe le Bel, en poursuivant la ruine de l’ordre, avait réellement compté s’enrichir de ses dépouilles, il fut cruellement trompé par l’événement. Ses embarras financiers ne diminuèrent pas, même à l’époque où il percevait les revenus des biens confisqués (Borrbixi dk Skrf.es, Recherches sur divers services publics du XIII’au XVIIe siècle, Paris, 1909, t. III, p. 39). Du moins obtint-ildes Hospitaliers une compensation de 200.000 livres tournois. Louis X le Hutin et Philippe V le Long montrèrent des exigences injustifiées. Ils avaient la force pour eux : les Hospitaliers n’entrèrent en possession de l’héritage du Temple qu’après avoir consenti des compositions onéreuses ; ils durent donner quittance des dettes contractées par le roi, la reine et les princes, et non soldées au moment de la confiscation de 1307, abandonner les revenus perçus par les agents du lise durant le séquestre, payer une somme de lâo.ooo livres tournois. Hors de France, l’Hôpital dut supporter des transactions moin » lourdes. Malgré les embarras que lui créèrent les espoirs déçus, dans le reste de l’Europe, en l’espace une dizaine d’années, il entra en possession de la majeure partie de la fortune immobilière du Temple. Il n’y eut d’exception qu’en Aragon où les biens du Temple sis au royaume de Valence et ceux que l’Hôpital y possédait passèrent à Tordre de Calatrava et aidèrent à fonder, à Montesa, une nouvelle milice religieuse. De même, l’ordre du Christ fut créé, par Jean XXII en Portugal, le 1/1 mars 131g, avec les dépouilles des Templiers. En Caslille, les ordres d’Alcantara, de Saint-Jacques de Compostelle et de Calatrava s’emparèrent

de celles-ci et ne rendirent jamais gorge (J. Dbla villk Lu R.OULX, Les Hospitaliers à Rhodes jusqu’à la mort de Philibert de Nadaillac (1310-1421), Paris, 1913, p. 28-yo).

XV. La question delà culpabilité. — Nous possédons, semhle-t-il, à l’heure actuelle, les éléments nécessaires pour résoudre avec quelque certitude la question angoissante de la culpabilité des Templiers. Les historiens l’ont tranchée jadis en sens divers suivant leurs passions personnelles, leurs sentiments à l’égard de la royauté. La question doit être circonscrite ; elle ne se pose que pour la portion française de l’ordre du Temple. Dans toutes les autres contrées de l’Europe, non soumises à l’influence française, l’innocence des Templiers est apparue avec évidence. En France même, le problème se résout en plusieurs points de détail : le reniement du Christ, les crachats sur le crucilix, l’incitation à la sodomie, les baisers impudiques, l’adoration de l’idole Baphomet, étaient-ils prescrits par la règle ? constituaient-ils les rites du cérémonial de l’initiation ?étaient-ils usités dans la tenue des chapitres ?

XVI. Absence de preuves matérielles.— Si les Templiers se livrèrent à des pratiques idolâtriques, ils eussent dû en laisser des traces matérielles. A Paris, on exhiba une tête d’argent doré, renfermant des ossements de femme et portant l’inscription : Caput LVlll ; c’était un reliquaire semblable à ceux dont la piété chrétienne se plaît encore à parer les autels aux jours de fête (Miciiklet, Procès des Templiers, t. II, p. 218). En 1789, on déterra à Essenois, à quelques kilomètres de l’ancienne commanderie de Voulaine, un coffret de pierre sculptée, sur lequel étaient gravés des caractères arabes (un moulage existe au musée de Dijon ; on en trouvera une reproduction dans J. LoiSBLBUR, La doctrine secrète des Templiers, Paris, 1872). Un archéologue a prétendu y reconnaître l’arche danslaquelle on serrait Ténigmatique idole, Baphomet ; mais il n’a pu rien articuler à l’appui d’une hypothèse, issue tout entière de son imagination trop vive (E. Pfiïiffiîr, Zwei vermeintliche Templerdenhmale, dans Zeitschrift fur Kallurgeschichte, t. IV (1897), p. 385-41y ; Mionard, Monographie du coffret du duc de lilacas, Paris, 185a ; S. Riîinach, La tête magique des Templiers, dans Revue de l’histoire des religions, t. LXIll (1911), p. a5-39).

Au Louvre, il existe un certain nombre de petites statuettes de bronze sur le socle desquelles se lisent ces mots : Baphomets. L’une d’elles est même datée de 1156. Après les avoir soumises à un examen sérieux, M. IIkhon dk Villkfossk les a tenues pour des faux grossiers. « Il est probable, écrit-il, que la fabrication [de ces faux] ne remonte pas beaucoup plus haut que l’année 1819, date qui coïncide avec celle des discussions relatives aux pratiques de magie et de sorcellerie imputées aux Templiers » ; H11Iletin de la Société nationale des antiquaires de France, 1900, p. 386-31a. Enfin, à la suite d’une communication de M. Salomon Reinach faite à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, le 26 août 1910, sur les origines delà légende suivant laquelle les Templiers auraient adoré Baphomet, il a été affirmé qu’actuellement n’existe aucune idole ayant jadis passé pour être un Baphomet. Depuis, ce verdict n’a point été, que je sache, contredit.

Existe-t-il un exemplaire d’une règle secrète ou d’un livre préconisant l’hérésie et les mœurs infâmes ? Certes, si la police royale eût saisi quelque document de ce genre, elle l’aurait produit triom1597

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phalemenl à l’appui des accusations des légistes de Philippe le Bel. Or, les perquisitions opérées à l’iniprovisie par les sergents du roi, le 13 octobre 1307, n’ont fourni aucune pièce à conviction. On ne saisit que des copies delà règle si pure et si noble donnée à l’ordre par saint Bernard, des traductions de la Bible en langue vulgaire, une foule de journaux de comptabilité. Il n’y a donc aucune preuve matérielle des infamies imputées aux Templiers.

XVII. Valeur des témoignages oraux. — Les témoignages oraux entendus au cours des procès prouvent-ils la culpabilité ? Il convient de distinguer ceux qui émanent des témoins à charge de ceux qui proviennent des inculpés.

Les témoins à charge, on l’a vii, furent des gens équivoques, des transfuges de l’ordre, des tarés, intéressés à plaire au roi de France, dont ils espéraient des laveurs et qui, de fait, leur en octroya, en tout cas heureux d’exercer leur vengeance. De tels hommes ne méritent pas créance.

Restent les aveux multipliés et explicites obtenus des Templiers eux-mêmes en France, qui sont impressionnants et déroutent le jugement, à première vue. Un examen critique s’impose.

Tout d’abord la brutalité des procédés royaux d’enquête explique, excuse su’lisarament l’abondance des aveux. La torture appliquée sans mesure les vicie radicalement. Comment résister à la rigueur de tourments tels que ceux que nous dépeint Bernard de Vudo ? » J’ai été tant torturé, on m’a tenu si longtemps devant un feu ardent, que la chair de mes talons est biûlée ; il s’en est détaché ces deux os que je vous présente. Voyez, ajoutet-il en s’adressant aux commissaires pontificaux, s’ils manquent à mon corp-> » ; Raynohabd, Monuments historiques relatifs à la condamnation des Templiers, Paris, 1813, p. 73. A Paris, trente-six prisonniers moururent des suites de la question que leur infligèrent les tortionnaires de l’évêque

(R.A.YNOUARD, Op. cit., p. 63).

Les ordres du roi, rappelons-le, étaient formels. La procédure, suivie dans l’affaire, ne laissait qu’un moyen d’échapper au bûcher : l’aveu. C’est le parti prudent auquel se rangèrent des gens peu instruits, déprimés par une longue détention, apeurés par les menaces de leurs geôliers ou intimidés par les légistes qui surveillaient les interrogatoires.

Dès qu’au contraire les Templiers se trouvent en présence des enquêteurs pontilicaux, se croyant libres de parler et dédire la vérité, ils se rétractent en masse. Philippe le Bel est si peu convaincu de la sincérité des premiers aveux arrachés par la violence à ses prisonniers, qu’il ne permet ni à Jacques de Molai, ni aux dignitaires de l’ordre, de comparaître devant le pape, en 1308, et qu’il lui adresse des témoins à sa dévotion, dûment chapitrés.

Si l’unanimité des premiers aveux est incontestable, elle est largement mise en échec par les afiirmations solennelles en faveur de l’innocence de l’ordre. Eu 1310, six cents chevaliers se levèrent pour le détendre Quant à ceux qui sont détenus dans les prisonsroyales, leurs déclarations méritent d’autant plus de créance que pour rester (idèle à la vérité il fallait un courage peu commun. La rétractation, ils le savaient, entraînait avec soi l’aveu du parjure et équivalait à être considéré comme relaps ; c’était la peine du bûcher en perspective.

Examinons encore, en elles-mêmes, les dépositions des Templiers qui se sont reconnus coupables, en octobre et en novembre l307< Par peur du bourreau, les incriminés ont répondu par l’allirmati veaux questions qu’on leur posait. Mais, dès que les juges

insistent pour obtenir des détails circonstanciés, le » infortunés se contredisent et donnent l’impression qu’ils inventent, lléclaine-t-on d’eux la description de l’idole en forme de tête qu’ils ont avoué avoir adorée, ils donnent les réponses les plus contradictoires. // n’y en eut pas deux à donner les mêmes détails. Pour l’un, cette tête était blanche, noire pour l’autre, dorée pour un troisième ; un quatrième lui avait vu des yeux flamboyants d’escarboucle. un cinquième deux faces, un sixième trois faces, un autre deux paires de jambes, un autre trois têtes. Celui-ci dit : a C’était une statue », et celui-là : « Une peinture sur une plaque. » « On croyait, dit l’un, que c’était le Sauveur. » C’était, dit l’autre, « Bahomet ou Mahomet. » Pour ceux-ci, c’est le Dieu créateur qui fait fleurir les arbres et pousser les moissons ; pour ceux-là un ami de Dieu, un puissant intercesseur. Quelques-uns l’ont entendu parler. D’autres l’ont vu se transformer brusquement en chat noir, ou en corbeau, ou en démon, sous forme de femme ; Ch. V. Langlois, Le pr.pcès des Templiers, dans Revue des Deux-Mondes, t. CII1, (1891), p. 415.

A supposer que les cérémonies de l’admission aient été longtemps entachées de rites blasphématoires et ignobles, il est invraisemblable que rien n’en ait transpiré au dehors. Comment, parmi les hommes notoirement pieux qui furent Templiers, n’y en eut-ilaucun à protester ? Comment de telles horreurs, dans un ordre où entraient nombre d’honnêtes gens, aurait il fait sa doctrine et sa règle ?

Mais le vrai peut quelquefois n’être pas vraisemblable. Si l’on admet un instant que les Templiers se soient livrés à de coupables pratiques et à d’odieuses erreurs.il se présente une autre invraisemblance, à savoir que l’hérésie, dont ils auraient été les dupes, n’ait pas compté parmi eux un seul martyr, contrairement à ce qui a eu lieu de tout temps parmi les sectes hétérodoxes. Pas un Templier ne persiste dans les erreurs qu’il confesse ; ils abjurent tous, sans une ombre d’obstination. Aucun illusionné ne périt pour défendre sa croyance ou pour soutenir l’honneur de ses pratiques. Le feu ne dévore que ceux qui refusent de s’avouer coupables ou rétractent des aveux arrachés par la violence ou la crainte des supplices.

XVIII. Attitude du grand maître Jacques’de Molai. — L’attitude de Molai constitue une énigme. Les 24 et aô octobre 1807, il avoue les crimes dont on accuse l’ordre ; au printemps suivant, il se rétracte en présence des commissaires pontilicaux ; en août 1308, à Chinon, nouveaux aveux ; en novembre 130q, sans répéter ceux-ci, il ne défend pas l’ordre ; le 18 mars 1 3 1 4 > il meurt sur le bûcher en protestant de son innocence. Que penser de ces rétractations successives. Feu P. Viollet a tenté de résoudre la ditlieulté. Il constate qu’en novembre 1300, , quandon lut à Molai la déclaration censément faite à Chinon, le grand maître se signa par deux fois et dit « que si les seigneurs commissaires étaient gens à entendre certaines paroles, illesleur dirait à l’oreille ». —

« Nous ne sommes pas ici pour recevoir le gage de

bataille », répliqua-t-on. — « Plût à Dieu, répartit Molai, qu’on traitât pareils scélérats comme font les Sarrasins et les Tarlares ! A de tels coquins Sarrasins et Tartares tranchent les têtes ou coupent les corps par le milieu. » Qui sont ces scélérats, sinon ceux qui ont mensongèrement rapporté au pape et falsifié l’interrogatoire de Chinon, c’est-à-dire les trois cardinaux Etienne de Suizy, Bérenger Frédol et Landolfo Brancacci ? Si ceux-ci « savent en effet, que le roi veut des aveux et les veut comme un roi 1599

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sait vouloir, si, d’antre part, ils sont humains et pitoyables, n’auraient-ils point, le 20 août 1308, forgé de toutes pièces ces aveux des hauts dignitaires ou de tt-is d entre eux, alin de pouvoir, avec chance de succès, terminer leur rapport au roi par une demande en grâce. Ce seraitk mensonge utile…, le mensonge compatissant, mais du même coup diffamant » ; P. Viollet, Iiérenger Fiédol, canomste, dans Histoire littéraire de la France, t. XXXIV < 1 y 1 4), p. 116.

L’hypothèse ingénieuse échafaudée par P. Viollet se heurte à des dillicultés. Les interrogatoires de Chinon se passèrent, non point en présence des trois seuls cardinaux, mais de quatre notaires, de plusieurs h bonnes personnes », parmi lesquelles figuraient Nogaret et Plaisians, intéressés à perdre le grand maître. Si celui-ci avait révoqué les aveux de 1307, les agents du roi n’eussent point manque de mettre en œuvre l’arme redoutable qu’on leur plaçait dans la main (G. Lizkrand, Les dépositions du grand maître Jacques de Molai au procès des Templiers ( 1307-1 3 1/1) dans le Moyen-Age, t. XVII, 2e série (1913), p. 81-10O).

La raison des variations de Molai se trouve dans les divers interrogatoires qu’il subit. L’héroïsme n’était point son fort. La peur le dominait. Les enquêteurs de iiiotj se chargèrent de la réveiller en lui ; comme réplique à ses sentiments d’indignation, dont la cause reste obscure, ils dirent : < L’Eglise juge hérétiques ceux qu’ellereconnait tels. Elle abandonne les obstinés au bras séculier. » C’était proférer clairement une menace de mort. Puis Guillaume de Plaisians et Guillaume de Nogaret se chargèrent de démontrer au prisonnier les dangers qu’il courrait, s’il se rétractait : « Vous savez comme je vous aime, ne sommes-nous pas tous deux chevaliers ? Je ne veux pas que vous vous perdiez » ; Ch. V. Langlois, article cité delà Kevue des Deux-Mondes, t. CIII, p. 405-4c>7 etMiciiRLRT, Procès des Templiers, t. I, p. 34-35, 42-45, 8788. Molai comprit. Le 28 novembre 1300, « interrogé par lesdits seigneurs commissaires sur le point de savoir s’il voulait défendre l’ordre susdit, il répondit qu’il était un chevalier illettrée ! pauvre et qu’il avaiteompris par la teneur d’une lettre apostolique qu’on lui avait lue que le seigneur pape s’était réservé de le juger, lui et quelques autres dignitaires des Templiers, et que pour cette raison, présentement, dans l’état où il se trouvait, il ne voulait rien faire d’autre à ce sujet » ; G. Lizkrand, Le dossier de l’affaire des Templiers, p. 1 65. Après quoi, Molai supplia les tribunaux « de faire comprendre au pape qu’il eût à le convoquer le plus vite possible en sa présence, parce qu’alors seulement il dirait, dans la mesure de ses forées, au seigneur pape ce qui était à l’honneur du Christ et de l’Eglise » ; Lizerand, ibidem. Il se tait donc par crainte des gens du roi, et place son dernier espoir dans une audience pontilicale. Cette consolation lui fut refusée. Quand, le 18 mars 1314, il s’entendit condamner à la réclusion perpétuelle, il se jugea perdu. Mais, cette fois, s’armant de courage, il soulagea sa conscience du poids des mensonges qui l’opprimaient et témoigna en faveur de son ordre jusqu’à son dernier soupir.

XIX. Présomptions en faveur de l’innocence des Templiers. — Du récit des diverses phases du procès des Templiers qui a été fait jusqu’ici, l’innocence des Templiers semble devoir ressortir avec quelque évidence. Il y a de fortes présomptions en leur faveur. D’abord si Clément V supprima l’ordre du Temple-, il ne le condamna pas. Il procéda par voie de provision (per modum provisionis) et justifia

I sa décision — ce qui n’est pas contestable — par le scandale inouï que le procès avait soulevé dans la Chrétienté. L’ordre était trop diffamé et trop perdu de réputation pour subsister dorénavant.

D’autre part, le procès des Tefnpliers paraît truqué et porte une marque de fabrique authentique, celle de Guillaume de Nogaret. On retrouve dans la poursuite acharnée contre les Templiers la même tactique que duns les affaires de lioniface VIIl et de Guichard, évêque de Troyes : guerre de pamphlets, convocation des Ktals, harangues au bon peuple, procédés violents, accusations de crimes d’hérésie, apparitions grotesques de démons succubes et incubes, .. (A. IIigauo, Le procès de Guichard, évêque de Troyes, Paris, 1896, et Ch. V. Langlois, Histoire de France, d’E. Lavisse, t. III, ae partie, p. 201-221). Dans tout le développement du procès, on retrouve non dissimulée la main de Nogaret. Comme en 1306 pour les Juifs, comme en 1291 pour les banquiers lombards, l’arrestation des Templiers est soudaine. Ce coup semble être de son invention, car il prend le grand sceau le 22 septembre précédent. C’est lui qui arrête les Templiers résidant à Paris, qui dresse l’acte d’accusation contre l’ordre et qui, au mépris de tout droit, assiste, en propre personne ou par l’intermédiaire de son âme damnée, Guillaume de Plaisians, à 1 interrogatoire des inculpés. Aux Etats de Tours,.-, 0Il rôle est prépondérant, puisqu’il a reçu la procuration de plusieurs grands seigneurs languedociens (H. Holtzmann, Wilhelm von Nogaret, Fribourg-en-Brisgau, 1898).

Nous ne saurions affirmer si Nogaret fut l’inspirateur de la politique royale ou seulement l’instrument de Philippe le Bel. Quoi qu’il en soit, le roi et son ministre sont les artisans îesponsables de la suppression des Templiers. Pour réaliser leur plan, ils ont exercé une pression formidable sur un pape valétudinaire, d’une nature molle et conciliante. Ils ont usé d’une arme perfide, en tenant Clément V sous la menace perpétuelle de voir reprendre le proeè- ; de Boniface VIII. De la sorte, ils ont triomphé des répugnances du pontife et l’ont incliné à des concessions qui peuvent paraître excessives.

XX. La responsabilité de Philippe le Bel et de Clément V- — L’accusation portée contre le roi de France et son ministre appelle une justitication. Quels motifs déterminèrent Philippe le Bel à poursuivre la destruction de l’ordre du Temple avec tant d’acharnement ? S’il est difficile de les savoir avec certitude, on peut, du moins, les supposer.

Remarquons dès l’abord qu’aucun malentendu ne s’était produit entre le roi et l’ordre avant 1 année 1 : > < 1 7. Au moment du conflit avec Boniface VIII, le Temple s’était même rallié au monarque qui, en témoignage de reconnaissance, avait confirmé ses privilèges (131 » 4). Le 12 octobre 1307, aux funérailles de la femme de Charles de Valois, le grand maître Jacques de Molai tenait un des cordons du poêle. La politique européenne des Templiers n’avait jamais été antifrançaise. Leur puissance ne pouvait porter ombrage : un document de 1308 évalue le nombre des chevaliers en France à 2.000 seulement (Finkk, Papsttum und Untergang des Templerordens, t. II, p. Il 4) Enfin, la gestion des deniers royaux n’a été l’objet d’aucune critique.

Les biens du Temple auraient-ils excité la cupidité de Philippe le Bel ? Les contemporains l’ont pensé (Gestes des Chiprois, dans Historiens des Croisades. Documents arméniens, Paris, 1906, t. II, p. 866-870). Des indices assez probants fortifiaient en eux cette croyance. Ils avaient vu le roi sans cesse aux prises avec d’impérieux besoins d’argent, 1601

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acculé à altérer le cours des monnaies, procédant à i la spoliation des banquiers lombards en nyi, puis à celle des Juifs en 1306. Ils remarquèrent sons doute, au lendemain de l’arrestation des Templiers, que le prince assignait des rentes sur le produit des biens séquestrés, comme s’il comptait retenir ceux-ci dans l’avenir (Borrblli dk Serres, Recherches sur divers services publics dit XIII* siècle au XV" siècle, l’.iris, 1909, t. 111, p. 4< et Regestum démentis tapât V, n. 44<>4). Us en ont conclu à des motifs intéressés chez Philippe. Aussi bien, la conjecture à laquelle ils se sont arrêtés demeure-t-elle encore plausible, surtout si l’on estime à leur valeur réelle les avantages pécuniers que le roi retirade la liquidation des biens des Templiers. En outre des 200.000 livres tournois que lui céda l’Hôpital, le quittus des dettes contractées par le Trésor vis-à-vis de l’ordre du Temple portait sur une somme importante : ">oo.ooo livres tournois ! (J. Dblaville Le Roulx, Les Hospitaliers à Rhodes, p. 34).

Sans doute, l’absence de preuves documentaires interdit de se prononcer avec une certitude absolue sur les causes de l’attitude prise par le roi de France. Il n’en demeure pas moins que les apparences lui demeurent entièrement contraires. En tout cas, une chose demeure absolument certaine : Philippe le Bel a été l’auteur principal et responsable de la perte de l’ordre du Temple, à laquelle, sans lui, Clément V n’eût pas songé.

XXI. — Bibliographie. — Sources. 1. Pièces officielles du procès en France : a) Dépositions recueillies après l’arrestation du 13 octobre 1307 et avant l’entrevue de Philippe le Bel et de Clément V à Poitiers (mai 1308) : II. Protz, Ent wicklung und Untergang des Tempelherrenordens, Berlin, 1888, p. 3a4-345. — H. Finke, Papsttum und Untergang des Templerordens, Munster, 190-, t. II, p. 307-32’|. — Dbniflb et Châtelain, Chartularium Universitatis Parisiensis, Paris, 1 89 1, t. II, p. 12g-130 (confession de Jacques de Molai sous la fausse date du 25 mai 1308). — J. Michelbt, Procès des Templiers, Paris, 1 801, t. II, p. 277-4ao.

b) Procès de Poiliers(aS juin-I" juillet 1308) : K. Schottmullbr, Der Untergang des Templerordens, mit urkundlichen und kritischen Beilagen, Berlin, 1887, t. II, p. 9-71. — H. Flnke, op. cit., t. II, p. 329-342.

c) Procès de Chinon(aoùt 1308) : H. Finke, op. cit.A. II, p. 324-328.

d) Enquête des commissaires pontificaux (iSogi 311) : P. Dcpuy, Histoire de la condamnation des Templiers, Brusselle, 17 1 3, t. 1, p. 111-180. — MiciiHLBT, op. cit., t. I, p. 1 648 ; t. II, p. 1 e) Enquête instruite par 1 inquisition episcopale (130q-1311) : Mic.hblbt, op. cit., t. II, p. 423-51ô. — H. Fi.nke, op. cit., t. II, p. 34a364. — L- Mbnard, Histoire civile, ecclésiastique et littéraire de la ville de.Xismes, Nîmes, ’7 i’i, * f. preuves, p. 166-219.

/) Concile de Vienne : Les très intéressants rapports des ambassadeurs aragonais sur le concile et les réponses du roi Jayme II d’Aragon se trouvent dans H. Finke, op. cit., t. II, p. 230306. — F. Eiirlk, Ein Bruchsluck der Acten des Concils von Vienne, dans Archiv, t. IV (1888), p. 361-470 (mémoires présentés par les évêques au concile). — E. Gôllbr, Die Gravaminaauf dem Konzil von Vienne und ilire literarische Ueberlieferttng, dans Festgabe enthaltend vornehmlich vor e/ormations-geschichtUche - Foi schungen, Hein Tome IV.

rich Finke gewidmet, Munster, igo4, p. 197-221.

— G. Mollat, Les doléances du clergé de la province de Sens au concile de Vienne (13 1 1-1 312) dans Revue d’Histoire ecclésiastique, t. VI(1905), p. 319-3a6.

a. Pièces officielles du procès (1309-1311) : a) Angleterre : D. VVilkins, Concilia Magna » Britanniae et Hiberniae, Londres, 1787, t. II, p. 329-401. — G.’Dugdalb, Monasticon Anglicanum, Londres, 1830, t. VI, partie II, p. 844-850.

— K. Schottmullbr, op. cit., t. II, p. 75-102. — Stubbs, Cronicles of the reigns of Edward 1 and Edward II (Rolls séries), Londres, 188a, t. I, p. 176-198. — L. Blancard, Documents relatifs au procès des Templiers en Angleterre, dansRev, e des Sociétés savantes, t. VI (1867), p. 4>4~4a3.

b) Espagne : H. Prutz, op. cit, p. 346-355. — H. Finke, op. cit., t. II, p. 364-37<j

c) Italie : H. Protz, op. cit., p. 357 364 (Naples).

— K. Schottmullbr, op. cit., t, II, p. io5-140 (Brindisi), 4°3-419 (Patrimoine de Saint-Pierre).

— T. Bini, Dei Tempieri del loro processo in Toscana, dans Atti délia reale Accademia Lucchese, t. XIII (1845), p. 400-506 (Toscane). — J. Loisklkur, La doctrine secrète des Templiers ; étude suivie du texte inédit de l’enquête contre les’Templiers de Toscane et de la chronologie des documents relatifs à la suppression du Temple, Paris, 1872, p. 172-212 (réédition plus correcte du texte imprimé par Bini d’après le même ms. Vatican 4011). — A. Tarlazzi, Appendice di monumenti Ravennati dei secoli di mezzo del conte Marco Fantuzzi, Ravenna, 1869, t. I, p. l i ji-$o r ], 512559, 561-632.

d) Chypre : K. Schottmûlliîh, op. cit., t. II, p. 143-400. — II. Finkb, op. cit., t. 1, p. 3903 9 3.

3. Correspondance et actes de Clément V et de Philippe le Bel : Baluze-Mollat, Vitæ paparum Avenionensium, Paris, 1914-1921, t. 1 et III. — E. Boutahic a publié une foule d’actes diplomatiques inédits dans la Revue des Questions historiques, t. X (1871), p. 301-34a et t. XI (187a), p.5-40, et dans Jot. et ext. des mss., t. XX, 2* partie (186a), p. 83-237 — Iiegestum démentis Papae V. — H. FiNKE, op. cit., t. II, p. 1-229. — G. Lizbrand, Clément V et Philippe IV le Bel, Paris, 1910, p. 4a3-486 ; le même a publié un choix de documents d’origine diverse, déjà édités, dans Le Dossier de l’affaire des Templiers, Paris, 1923. — C. Port, Le livre de Guillaume le Maire dans Mélanges historiques (Documents inédits), t. 11(1887), P- 389-471.

4. Mémoires, pamphlets, lettres et divers actes diplomatiques : H. Finke, op. cit., t. II, p. 1-229. Cet ouvrage de premier ordre contient surtout la correspondance adressée au roi d’Aragon par ses ambassadeurs à la cour pontilicale ; il est riche en documents de nature diverse, rapports, lettres, instructions, discours du plus haut intérêt. — Les mémoires de Guillaume de Nogaret et de Pierre Dubois contre les Templiers ont été publiés par E. Boutaric, Not. et ext. des mas., t. XX, a’part., p. 170-186. — Le De recuperalione Terre Sancte de Dubois a été édité par C11. V. Langlois, " Paris, 1891. — Le mémoire adressé par Guillaume le Maire, évêque d’Angers, au concile de Vienne, est inclus au t. II des Mélanges historiques (Documents inédits), Paris, 1887, p. 471-488. — Le mémoire de Jacques de Molai sur l’union des Templiers et des Hospitaliers se trouve dans Baluze-Mollat, Vitae, t. II, p. 1 45- 1 54. Scholz, — Die Publizistik zur Zeit Phi 51 1603

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lippo des Schônen und Bonifaz VIII, Stuttgart, 1903, p.508-516, a publié un Tractatus brevis fratris Jugustini (Agostino Trionfo) super facto Templariorum. — N. Valois a étudié De ut nouveaux témoignages sur le procès des Templiers, ceux de Jean de Pouilly et de Jacques de Thérines, dans Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 1910, p. 229-24 ». — On a de Guy de Baiso, archidiacre de Bologne, un Tractatus super hæresi et aliis criminibus in causa Templariorum et domini Boni<icii VIII (Mansi, Sacrorutn conciliorum nova et implissima collectio, t. XXV, p. 417-426). — La consultation adressée à Philippe le Bel par la faulté de théologie de l’Université de Paris, le 5 mars 1308, est dans Dbnifle et Châtelain, t. . I, p. ia5-128. — G. Picot, Documents relatifs aux 2tats généraux et assemblées réunies sous Philippe le Bel (Documents inédits), Paris, 1901, p. 487-720 (Etats généraux de 1308). — Chestret de Haneffk, L’ordre du Temple dans l’ancien diocèse de Liège ou la Belgique orientale, dans Compte rendu des séances de la commission royale d’histoire de Belgique, t. LXX (1901), p. 207-348 (état des biens de l’ordre fait en mai 1313).

Monographies. — B. Alart, Suppression de l’ordre du Temple en Boussillon, Perpignan, 1867.

— V. Carrière, Hypothèses et faits nouveaux en faveur des Templiers dans Bévue de l’histoire de l’Eglise de France, t. III (19 12), p. 55-71. — J. Delaville Le Roulx, Un nouveau manuscrit de la règle du Temple dans Annuaire Bulletin, t. XXVI (1889), p. 185-214 ; Tes Hospitaliers à Bhodes, Paris, 1913, p. 28-50. — G. M. Dermot, The suppression of the Templars an expediencj, dans The american catholic historical researches, t. XXXIV (1909), p. 264-283. — C. Perkins, The trial of the knights Templars in England, dans English historical review, t. XXIV (1909), p. 432-447 ; The Knights Templars in the British Isles, ibid., t. XXV (1910J, p. 209-230. — L. Esquieu, Les Templiers de Cahors, Cahors, 1899. — J. Gmelin, Schuld und Unschuld des Tempelherrenordens, Stuttgart, 1893. —

— » Ch. V. Langlois, Le procès des Templiers dans Revue des Deux-Mondes, t. CIII (1891), p. 38a-421 (cet article a subi une refonte de i’auleur dans Y Histoire de France d’E. Lavisse, Paris, 1901, t. III, partie 2, p. 174-200) ; L’affaire des Templiers, dans Journal des Savants, 1908, p. 4’7*435 ; Eludes sur l’administration royale du XIIIe au XVIe siècle, ibid., 1910, p. 489-498 ; Les papiers de Guillaume de Nogarel et de Guillaume de Plaisians au trésor des Chartes dans Not. et Ext. des mss., t. XXXIX, partie I (1909), p. 21 1-254. — H. Prutz, Die Autonomie des Templerordens dans Sitzungsberichte der kaiserlichen Akademie der Wissenscltaften zu Munchen ; philosophische, philologische und historische Klassc, 1905, p. 7~54 ; Die finanziellen Operationen der Hospituliter, ibid. 1906, p. 9-4j ; Zur Genesis des Templerprozess, ibid., 1907, p. 5-6 7 ; Die geisllichen Bitlerorden ; ihre Stellung zur kirchlichen, politischen, gesellschaftlichen und wirihschaftlichen Entwicklung des Mittelallers, Berlin, 1908, ch. v-xn. (L’auteur résume ses propres travaux sans y rien ajouter ; il ne discute pas les opinions contraires à la sienne et n’utilise pas le livre de Finke). — E. Renan, Etudes sur la politique religieuse de Philippe le Bel, Paris, 1899 (ouvrage vieilli). — A. Rastoul, Les Templiers (1 1 1 s- 1 :  ;  ! '>), Paris. igo5 (livre manquant de sens critique). — G. Salvemini, l’abolizione dell’ordine dei Templari dans Archivio storico italiano, t. XV (1895), p. 226264. — Raynouard, Monuments historiques rela tifs à la condamnation des Templiers, Paris, 1813.

— P. Viollkt, Les interrogatoires de Jacques de Molui, grand-maître du Temple. Conjectures, Paris, 1909 (Ext. des Mémoires de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, t. XXXVIII, 1" partie) ; Bérenger Frédol, canoniste, dans Histoire littéraire de la France, t. XXXIV, p. no-125. — N. Valois, Jacques de Thérines, cistercien, ibid., p. 179-219.

— E. Franco, Una supposizione sulla condamna di Marco Ranf, dans Archeografo Triestino, t. IV (1908). p. 021 et sq. — Duguest, Essai sur Jacques de Molay, dernier grand-maitre des Templiers (rj’i’i ? — 18 mars T.Wi) dans Positions de thèses de l’Ecole des Chartes, Màcon, 1906, p. 81-82. — G. Guerribri, / cavalieri Templari nel regno di Sicilia, Trani, 1909. — G. Schnùrer, Zur ersten Organisation der Templer dans Hislorisches Jahrbuch, t. XXXII (191 1), p. 298-316. — S. Rbinach, La tête magique des Templiers, dans lievue de l’histoire des religions, t. LXIII(igi 1), p.a5-39. — J. Edwards, The Templars in Scotland in the Thirteenth century, dans The Scottish Historical Review, t. V (1907-1908), p. 13-25. (Publication d’une charte qui expose les procédés violents d’un dignitaire de l’ordre). — G. Tononi, Ancora dei Templari nel Piacentino (1308-1312), Piacenza, 1 8<j4> (Extrait de La Slrenna Piacentina). — V. Carrière, Histoire etcartulaire des Templiers de Provins, avec une introduction sur les débuts du Temple en France, Paris, 1919. — J. Miret y Sans, Las cases de Templers y Hospitalers on Catalunva, Barcelone, 1910-113. — G. Piton, Une page ignorée de l’histoire du Temple. Le Temple à Paris, Paris, 1911. — C. Addison, The Knights Templar history, New York, 1912. — M. Schupferling, Der Tempelherren Orden in Deutschland, Bamberg, 1915. — A. Trunz, Zur Gcschichte des letzten Templermeisters, Fribourg, 1919. — A. Mailly, Der Tempelherrenorden in Niederosterreich in Gt’schichte und Sage, Vienne, 1923. — A. Pktbl, Le Temple Bonlieu (vulgo Bonleu) et ses dépendances, Troyes, 1910 (L’auteur montre comment la curée des biens de l’ordre commença dès le printemps de l’année 130g). — G. Pkcorella, / Templari net manoscrilti di Antonio Amico : contributo di documenti inediti sui Templarii di Sicilia, Palerme, 192 1. — Les deux ouvrages vraiment remarquables, qui plaident la cause de l’innocence des Templiers avec succès, sont ceux de H. Finke, Papsttum und Untergang des Templerordens, Munsti r, 1907, t. Iet G. Lizerand. Clément V et Philippe IV le Bel, Paris, 43-2 10, a5.o-347. — ^e me permets aussi de renvoyer le lecteur à mes Papes d’Avignon (1316-1378), Paris, 1927, 5e édition.

G. MOLLAT.