Dictionnaire apologétique de la foi catholique/Syllabus

Dictionnaire apologétique de la foi catholique
Texte établi par Adhémar d’AlèsG. Beauchesne (Tome 4 – de « Persécutions » à « Zoroastre »p. 791-797).

SYLLABUS. — Le Syllabus a été publié avec l’Encyclique Quanta enraie 8 décembre t864 sous le titre suivant : « Syllabus compleclens præcipitos nostræ aetatis errores qui notanlur in Allocutionihus consistorialibus, in Encyclicis, aliisque apostolicis Lilteris sanctissimi Domini Nostri PU Papitr IX* : Recueil renfermant les principales erreurs de notre temps, qui sont notées dans les allocutions consistoriales, encycliques et autres Lettres apostoliques de Notre Très Saint-Père le Pape Pie IX.

Pour Yhistoire, la valeur juridique du Syllabus, la bibliographie du sujet, voir notre livre : Valeur des Décisions doctrinales et disciplinaires du Saint-Siège. Syllabus. Index ; Saint-Office ; Galilée, L’Inquisition au mot en-âge. Paris. Beauchesne.

Valbur dogmatique du Syllabus

Le Syllabus a, de lui-même, l’autorité d’un document adressé par le Pape 'à l’Eglise universelle, en matière doctrinale.

Mais le Syllabus esl-il une définition ex cathedra, un document infaillible, bref, possède-t-il à un titre quelconque le charisme de l’Infaillibilité ?

§ I. Opinion de ceux qui soutiennent que le Syllabus e*t un acte de l’Infaillibilité personnelle du l’ape, une définition ex cathedra. — Bon nombre de théologiens, et des plus autorisés, tels que Fra>zelin ', Mazzella *, Schhadkr 3, Dumas ',

1. Cf. Etudes, juillet 1889. p. 35'l sqq.

2. De Bcligionc et Eccletia…, p. 822, note 1.

3. De Theologia generatim, n. 84, p. 130.

4. Etudes, mai lltfb, p. 736 sqq.

Tome IV.

Prscii 1, Schbrbbn s, etc. soutiennent que le.*>'>/labus est un acte de l’Infaillibilité personnelle du Pape.

« L'éminent théologien, dit le P. Dbsjacques en

parlant de Eranzelin, à l’opinion duquel il se rallie 3, pensait en résume que le Syllabus est comme l’encyclique Quanta cura, bien que sous une forme différente, une décision doctrinale ex cathedra, et que, si l’on tient compte des circonstances, la sentence définitive du Souverain Pontife y est exprimée d’une manière suffisante et authentique 4. »

Néanmoins l’opinion adverse a de nombreux partisans, d’ardents défenseurs, qui prétendent répondre aux raisons que l’on fait valoir en faveur du premier système ; Ils affirment que le Syllabus est sans doute un acte authentique du Souverain Pontife, obligeant universellement les fidèles, mais non pas cependant une définition ex cathedra. Tels sont Mgr Duimnloup et toute son école, Mgr Fkssler s, le D" Paul Schanz 6, le P. Frins ', le P. Bibderlack s, le D r Hkinrr 9, etc.

Il faut bien avouer que toutes les preuves que l’on apporte pour établir et appuyer la première opinion n’ont pas la même valeur. Voici la première :

Le Syllabus a été reconnu comme une décision pontificale ex cathedra par le consentement unanime et formel de l’Episcopat catholique.

Tous en conviennent : les évoques ont accueilli le Syllabus comme un acte authentique de Pie IX, signalant à bon droit les erreurs modernes ; ils ont adhéré publiquement à cet acte de l’autorité pontificale, protestant solennellement qu’ils réprouvaient, condamnaient tout ce que le Pape réprouvait et condamnait.

Mais ce qui paraît certain, c’est qu’on ne peut guère affirmer que l’unanimité morale de l'épiscopat ait déclaré voir dans le Syllabus une définition ex cathedra.

Mgr Dupanloup, avec son école fort nombreuse, en adhérant au Syllabus, n’a pas prétendu adhérer à une décision infaillible.

Dès lors, on n’a plus cette croyance universelle de l’Eglise, qui ne peut s'égarer, et l’argument proposé porte à faux.

Une deuxième raison, sur laquelle insistent particulièrement le cardinal Mazzella (De Belig. et Ecclesia, n. iof)2, note i), et le P. Schrader (De Theologia generatim, p. 13-j, note 2 ; v. Bainvel, De magisterio.vivo et Traditione n. io4, p. 108, Paris, 190D ; P. At, Le vrai et le faux en matière d’autorité et de liberté, d’après la doctrine du Syllabus), peut être

1. Pars II, De Ecclesia Chrisli, sectio 4. De subjecto r.ctivo magUterii ecclesiastici, Art. 2. De Romano Pontifice, Prop. 46. Schol. 2, n° 520, 1894.

2. Handbuch der Katfiol. Dogmatik, I, Freiburp-, 18731875, n° 510 ; ou La Dogmatique…, tradaction de l’abbé Bélet, n. 510, p. 353 sqq., Paris, 1877 ; cf. WeRHZ, Jus Décrétai., t. I, n. 278, 1905 ; DE Groot, De. Eccl., p. 581 sqq., Ratisbonae, 1892 ; A. Straub, S. J., De Ecclesia Chrisli, t.. ii, n. 999 sqq., Inspruck, 1912 ; J. MuncunilL, S. J., De Christi Ecclesia, n. 715, 718 sqq., Bncinone, 1914

3. Etudes, juillet 1889, p. 360.

4. Cf. AiCHNER. Compendium Juris ecclesiastici, p. 59, édil. 9, Brixinae, 1900 : Acla S. Sedis, l. III. p. 68 ; VkkiF.HEAii, Exposition historique du Syllabus…, p. 39 sqq.

5. La vraie et la fausse infaillibilité des Papes, Préface, p. 7-10 ; et chapitre 1Il p. 132-138.

<i. Staatsle.ricon, toc. Syllabus, Freiburg in Breisgau, Herder, 1904.

7. Ki/chenlexicon, toc. Syllabus, 1899.

8. Slaatslexicon, voc. Sullabui, 1897.

9. Der Syllabus…, p. 20. Mainz, 1905. 1571

SYLLABUS

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ainsi formulée : le Syllabus ne forme qu’un seul tout avec L’encyclique Quanta cura, tant leur liaison est intime ; or, dit Mazzella (1. cit.), Encyclieam Quanta cura plénum et infallibilem auctoritatem habere liquet ex verbis quibus concluditur : la formule grave et solennelle par laquelle le Pontife conclut son encyclique montre manifestement qu’il s’agit d’une décision souveraine et infaillible ; donc le Syllabus est infaillible comme l’Encyclique ellemême.

Cet argument a son poids, et il est d’autant plus digne de considération que beaucoup d'évêques, en adhérant au Syllabus, appuyèrent ce sentiment de leur autorité.

Nous n’oserions pas dire toutefois qu’il est absolument concluant. Beaucoup d’auteurs regardent assurément l’encyclique Quanta cura comme une définition ex cathedra : ils remarquent cependant que, si l’assertion paraît indubitable pour l’encyclique Quanta cura, elle ne s’impose pas avec la même évidence quand il s’agit du Syllabus, Cf. Wbhnz, op. cit., t. 1, n. 278, et not. 58', p. 385 ; Ojetti, Synopsis rerum moralium et juris canonici, ad. voc. Syllabus, 2e édit., Prati, 1905.

D’ailleurs, même pour l’encyclique Quanta cura, il n’y a pas l’unanimité des Docteurs. Cf. Hbrgenrœtiibh, Kathol. Kirche und christl. Staat, traduction anglaise, p. 207. London, 1876. A la vérité, le P. Wkrnz, signalant l’opinion de ceux qui dénient à cette Encyclique le caractère de définition ex cathedra, la qualilie de manifestement improbable, plane improbabilis. Op. cit., t. I, not. 58, p. 385.

Quoi qu’il en soit, l’unité morale de l’encyclique et du Syllabus est-elle évidente ? Il semble bien, au contraire, que la circulaire d’Antonelli désigne deux documents distincts et même indépendants. « Quant à moi, dit le Cardinal, il (le Souverain Pontife) m’a ordonné de veiller à ce que ce Syllabus imprimé vou< fût expédié, Illustrissime et Révérendissime Seigneur, à l’occasion et au temps où le même Souverain Pontife, par suite de sa grande sollicitude pour le salut et le bien de l’Eglise catholique et de tout le troupeau qui lui a été divinement confié par le Seigneur, a jugé à propos d'écrire une autre lettre Encyclique à tous les évêques catholiques. » Le Secrétaire d’Etat, au nom et par ordre du Souverain Pontife, transmet donc en même temps aux évêques, deux documents pontificaux distincts et indépendants : le Syllabus et une autre lettre Encyclique : ce sont deux actes du Souverain Pontife dont.chacun a sa valeur propre.

On est donc en droit de conclure que, par cette voie, l’infaillibilité ne s’impose pns.

Reste une troisième raison que les défenseurs de cette opinion invoquent avec plus de succès. Le Syllabus, disent-ils, a tous les caractères d’une définition ex cathedra. C’estla grande preuve de Franzelin. Le P. Dksja.cq.uks, dans son article sur le Syllabus. reproduit textuellement la lettre où le savant théologien expose son sentiment à un professeur de théologie, qui l’avait consulté sur la question.

« En résumé, conclut l'écrivain (Etudes, juillet

1889, p. 354-360), Franzelin pensait que le Syllabus est comme l’encyclique Quanta cura, bien que sous une forme différente, une décision doctrinale ex cathedra, et que, si l’on tient compte des circonstances, la sentence définitive du Souverain Pontife y est exprimée d’une manière suffisante et authentique. »

Nous le reconnaissons volontiers, grâce à cette raison très sérieuse, et aux nombreuses et grave ! autorités qui l’appuient, ce système acquiert un haut degré de probabilité.

Toutefois, peut-on dire que cette raison consti tue une preuve apodictiquc, d’une évidence telle qu’elle enlève toute probabilité à l’opinion contraire ? Les raisons convaincantes, dit le P. Frins (Kirchenlexicon, voc. Syllabus, col. 10 19-1020), manquent pour pouvoir afïirmer avec certitude que le Syllabus est une définition ex cathedra. La réponse aflirmalive est théoriquement douteuse. Donc en pratique, on ne doit pas l’imposer.

§ IL Opinion de ceux qui soutiennent que le Syllabus est un acte authentique de Pie IX, obligeant universellement les fidèles, non pas cependant une définition ex cathedra. — Il n’est que juste d’en convenir, croyons-nous, le second système c’est-à-dire l’opinion de ceux qui soutiennent que le Syllabus est un acte authentique de Pie IX, obligeant universellement les fidèles, non pas cependant une définition ex cathedra, garde une vraie probabilité.

En effet, une des conditions essentielles d’une définition ex cathedra est la volonté, l’intention du Pape suffisamment manifestée de prononcer définitivement sur la doctrine. Jusqu'à présent, a-t-on bien clairement démontré que cette condition était réalisée pour le Syllabus ? Elle ne semble pas résulter avec évidence de la forme sui generis du Syllabus, ni du ton de la circulaire qui le notifie. M. l’abbé Boudinhon développe longuement cet argument dans son article sur le Syllabus. Cf. Revue du Clergé français, 15 avril 1900. L’histoire montrerait plutôt que le Pape, dans le cas, n’a pas voulu faire appel au maximum de son autorité enseignante.

En 1862, la commission compétente avait terminé le long travail ordonné par Pie IX ; elle avait abouti à donner un nouveau catalogue de soixante et une propositions, munies chacune d’une ou plusieurs notes théologiques. Ce catalogue fut soumis à l’examen des trois cents évêques alors présents à Rome, qui en très grande majorité approuvèrent la condamnation. Pie IX se proposait d’employer la forme solennelle d’une bulle spéciale pour le publier. A cause des indiscrétions de la presse italienne et de l’opposition de certains évêques, le Pape renonça à son projet d’une bulle de condamnation. Mais, en 1864, pour signaler cependant au monde catholique les erreurs modernes, il recourut au mode moins solennel d’un catalogue authentique, formulant quatre-vingts propositions comme atteintes déjà par divers documents antérieurs. — Il ne semble vraiment pas que Pie IX marquât ainsi l’intention de recourir au suprême degré de son magistère doctrinal.

§111. Opinion du P. Hinaldi. — Une autre nuance d’opinion a été savamment exposée par le P Rinaldi. (Ilvalore del Sillabo.c. ni, p. 7 sqq). L’auteur soutient que le Syllabus est un document pontifical, contenant des propositions toutes condamnées par le Souverain Pontife parlant ex cathedra : mais l’acte qui les condamne, ce n’est pas le Syllabus, ce sont les actes pontificaux auxquels le Syllabus renvoie : le Syllabus n’est pas cette sentence elle-même, il n’en est que la notification authentique ; c’est un index autorisé qui ceriifie que les sentences dont il est le résumé ont été rendues ex cathedra, et qui supplée ce qui aurait pu manquer à leur promulgation.

Comme preuve de sa thèse, il donne deux raisons principales : l’une est extrinsèque et se tire de l’accueil fait au Syllabus par tous les évêques de la catholicité ; nous allons préciser la portée de cet argument ; l’autre est intrinsèque, elle est fondée sur le texte même du Syllabus et sur les circonstances de son envoi ; cet argument prête beaucoup à la controverse, et l’auteur lui-même (op. cit., p 101) déclare ne pas vouloir faire dépendre sa thèse de la valeur de cette preuve. 1573

SYLLABUS

ir » 74

Ce qu’il y a de singulier dans cette opinion, c’est que toutes les lettres et allocutions de Pie IX, mentionnées (Unis le Syllabus, sont transformées en définitions ex cathedra. Malgré l’autorité du docte écrivain, une pareille affirmation ne peut pas être regardée comme vraiment probable. Il faudrait de Bolides preuves à l’appui. Cf. Bikdbrlack, Staatslexieon, toc Syllabus, aol.e67.Par exemple, la proposition 3ae est extraite d’un bref laudatif, adressé par Pie IX à l’évoque de Montréal (v. 5 1’partie, prop. 3a’, Valeur des décisions doctrinales’),

l’eut-on dire avec vraisemblance que le Syllabus a donné à ce document la valeur d’une définition ex cathedra ?

Comme on le voit, il n’y a pas accord entre les docteurs sur cette question. De ce désaccord, comme de solides raisons intrinsèques, il résulte donc que l’opinion attribuant au Syllabus le charisme de V infaillibilité personnelle du Pape n est pas évidente et certaine : « Non constat ».

§ IV. Opinion deceu.v qui soutiennent que le Syllabus contient un enseignement infaillible, parce qu’il est garanti par l’infaillibilité de l’Eglise. — A défaut île l’infaillibilité du Pape, n’est-il pas nécessaire d’invoquer ici l’infaillibilité de l’Eglise î Ne doit-on pas dire que le Syllabus, auquel 1 Épiscopal catholique adonné son assentiment, est devenu, par cette voie, une norme certaine et infaillible ? C’est l’opinion du P. Wbknz (Op. cit., t. I, n° 278) ; du P. Ojbtti (Synopsis, voc. Syllabus) ; d’Air.HNER (Compend, jur. eccl., p. 09, 60) ; Acta Sanctæ Sedis, t. III, p. 63 ; du P. Frins, Kirchenlexicon, voc. Syllabus col. 1021 : < Syllabus etiam vi primae publicationis de/initio ex cathedra merito dici potest, quamvis id minore claritate et certitudine constet quani de Encyclica Quanta cura. At cum utrique docuniento, etiam Syllabo, accesserit consensus magisterii dispersi Ecclesiae, utraque deeisio ex alio quoque fonte est nornia certa atque infalltbilis. » (Wernz, /. cit.), et de bien d’autres docteurs. Ces auteurs soutiennent que le Syllabus contient un enseignement infaillible, parce qu’il est garanti par l’infaillibilité de l’Eglise.

Nous l’avons déjà vii, il est manifeste que l’unanimité morale de l’Episcopat catholique a reconnu le Si lia bus comme un « acte authentique du Souverain Pontife, réprouvant à juste titre les erreurs modernes ».

Il n’y a et ne peut y avoir, croyons-nous, aucune dissidence entre les théologiens sur le fait de ee consentement de l’Eglise universelle. Mais quel en est exactement l’objet et la portée ? Ici encore, tous les docteurs ne donnent pas la même réponse.

Les uns jugent que, depuis le jour où l’adhésion de l’Episcopat est devenue évidente, le Syllabus tout entier s’est trouvé garanti par l’infaillibilité même de l’Eglise. Par suite, chaque article du document ne réclame plus un simple assentiment religieux, mais, selon la matière, un assentiment de foi divine ou ecclésiastique.

Cet argument serait absolument sans réplique, si l’on prouvait qu’en effet l’Episcopat catholique a reconnu dans le Syllabus une définition ex cathedra, ou que, après l’acceptation du Syllabus, les propositions qu’il contient ont passé dans l’enseignement de l’Eglise universelle, comme vérités de foi.

Or, rien de moins prouvé, et d’autres docteurs font à bon droit les deux observations suivantes :

D’abord, comme nous l’avons déjà remarqué plus haut, on ne peut soutenir que l’unanimité morale des évêques ait déclaré voir dans le Syllabus une définition ex cathedra.

Ensuite, lorsque des propositions tirent du magis tère disperse une infaillibilité certaine, c’est qu’il y a eu accord véritable, unanimité morale de l’Episcopat catholique à défendre chacune de ces propositions comme vérité de foi, c’est que leur doctrine a pris corps dans l’enseignement ordinaire de l’Eglise. Peut-on dire qu’il en va de même pour les quatrevingts propositions, très variées, parfois très complexes, que les évêques reçoivent en bloc dans un document pontilical ? Peut-on dire que, depuis l’acceptation du St/llabus, les propositions, qui précédemment pouvaient prêter aux discussions entre catholiques, sont entrées dans l’enseignement de l’Eglise universelle, sont enseignées comme vérités de foi ?

La chose est d’autant moins claire que les interprétations épiscopales ont été moins concordantes. Tout leruonde sait, par exemple, que l’interprétation de Mgr Dupanloup diffère notablement de celle des docteurs ultramontains. Or, bon nombre de prélats de tous paysont adressé leurs félicitations publiques à l’illustre évêque d’Orléans. Cf. Lecanuet, Montalembert, t. III, p. 388-38g, Paris, Poussielgue, 190a ; Lagrangb, Mgr Dupanloup, t. II, p. 301, Paris, Poussielgue, 1886.

Le désaccord des interprètes ne changerait évidemment rien à l’infaillibilité objective, s’il s’agissait d’un acte déjà infaillible, comme rendu par le Pape ex cathedra, et diversementeompris par les évêques.

Mais, quand c’est du consentement moralement unanime des évêques qu’il s’agit de tirer l’infaillibilité elle-même, et que ce consentement n’existe qu’avec des nuances de doctrine fort accentuées, est-il évident et incontestable que les propositions s’imposent par l’infaillibilité de l’Eglise universelle ?

§ V. — Quelqu’un dira peut-être : « Cette preuve tirée des divergences d’interprétation s estsansvaleur : il y a bien d’autres définitions de l’Eglise que tous les théologiens n’interprètent pas avec une égale rigueur, et qui n’en sont pas moins des décisions infaillibles ; il y a toujours un minimum de sens certain. » Cette objection a été prévue et expressément résolue par ce que nous venons de dire ; pour plus de clarté, nous pouvons ajouter ceci :

Cette observation est fort juste, lorsqu’il s’agit d’un document que l’on sait déjà certainement infaillible. L’exemple suivant est classique. Le concile du Vatican [Const. De fide catliolica, c. 1 ; D.B., 1782 (1631)J, définit formellement que Dieu est incompréhensible. Toutefois, en quoi consiste exactement cette incompréhensibilité ? Les docteurs ne sont pas d’accord sur ce point. Mais il y a évidemment un minimum de sens certain, qui est de rigueur, de foi, qu’il faut donc absolument tenir. Cf. Franzblin, De Deo uno, thés. 18, p. 324, Romae, 1883. De même, c’est de foi définie : à la sainte messe, le prêtre offre à Dieu un véritable sacrifice. Concil. Trid., Sess. xxii, De Sacrificio Missae, cap. 1, et can. I, D.B., g38 (81 G) et q48 (826). Mais en quoi consiste formellement le sacrifice ? Les explications varient. Cf. Franzelin, De Eucharistia, thés. 1 4, 15, 16, P- 3^9 sqq., Romae, 1873. Il y a cependant un minimum de sens absolument certain, en vertu de la définition dogmatique.

Mais il en va tout autrement lorsqu’il faut tirer l’infaillibilité, comme dans l’espèce, du consentement unanime des évêques ou de l’enseignement même de l’Eirlise.

Regar 1er déjà le Syllabus comme un document certainement infaillible, à l’égal d’autres définitions dogmatiques indubitables, raisonner ensuite comme si ce premier point était acquis, c’est supposer ce qui est en question ; c’est une simple pétition de principe. 1575

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La question bien posée serait celle-ci : le Syllabus n’est pas par lui-même, du moins certainement, une définition ex cathedra. Mais les contradictoires des propositions qui y sont condamnées, n’en sont pas moins de foi, parce qu’elles sont garanties par l’infaillibilité de l’Eglise ; elles ont été en eflfet acceptées el enseignées unanimement comme vérités de foi par le magistère de l’Eglise dispersé.

Cette dernière assertion constitue un fait qu’il faut prouver. Et nous disons précisément que cette preuve n’apparaît pas claire, évidente, semble même faire défaut pour certaines propositions, sur le sens desquelles le consentement de l’Episcopat n’est pas suffisamment manifesté aux théologiens pour légitimer une conclusion ferme sur !e point discuté.

Nous le répétons, l’unanimité morale des évêques a accepté le Srllabus comme un jugement authentique du Souverain Pontife, mais non comme un jugement définitif, absolu, porté en vertu du magistère infaillible ; de plus, il n’y a pas eu complet accord entre les évêques pour l’interprétation de certaines propositions… On ne peut donc pas dire, au moins avec certitude, que toutes les propositions du Syllabus sont garanties par le consentement unanime des évêques, par l’infaillibilité de l’Eglise. Le Docteur P.iul Schanz et le P. Biederlack défendent avec autorité la même opinion’.

Au reste, ces divergences d’interprétation se sont manifestées dès le commencement, au lendemain de la publication de l’encyclique Quanta cura et du .Srllabus, et ont persisté jusqu’à nos jours 2. On discuta, et avec quelle ardeur, sur le sens du Syllabus, principalement des propositions qui se rapportaient aux doctrines libérales, le sens et la portée du bref de Pie IX adressé à Mgr Dupanloup, à l’occasion de son commentaire sur le Syllabus. Qu’on relise l’histoire de ces polémiques ; on verra si la bataille fut vive, si les camps étaient tranchés, et si l’on peut encore parler d’un accord, au moins sur un minimum de sens 3. Le dissentiment pouvait-il être plus profond, puisqu’on alla jusqu’à accuser l’évêque d’Orléans d’avoir faussé le sens du Syllabus, <t d’avoir violenté les enseignements du Saint-Siège au point de les plier au sens des théories qu’ils condamnent » ? Cf. Laorange, Mgr Dupanloup, t. II, p. 304 ; Maynard, op. cit., p. 1 36 sqq.

« Tout libéral, écrivait-on, tombe nécessairement

sous la réprobation de l’Encyclique. En aucun sens un catholique ne peut être ni se dire libéral. » Cf. Lbcikubt, op. cit., t. III, p. 383.

Ces faits prouvent, à n’en pas douter, la division profonde qui régnait entre catholiques, libéraux et ultramontains.

Enfin, des théologiens de marque, d’une parfaite orthodoxie, dit le P. Biederlack (Cf. Staatslexicon…, v. Syllabus, col. 664), ont soutenu, dès l’apparition du Syllabus, des opinions différentes, et un grand nombre affirment encore aujourd’hui

1. Cf. Sciianz, Staatslexicon, t. V. col. 641 -663, toc. Syllabus, Hcrder, 1904 ; Biedf.hlack, Staatslexicon, t. V, col. 667, toc. Syllabus, Herder, 185*7.

2. Cf. Biedeulack, Staatslexicon, vrc. Syllabus, col. 664.

3. La Convention du 15 septembre et V Encyclique du 8 décembre par Mgr l’Evéque d’Orléans, Paris, 1865 ; Vie de Mgr Dupanloup, par l’abbé LagRAMGK, t II, oh. xvi, xvil, xviii, Paris, 1902 ; Louis Vêuillot, par Rugène Veuii.i.ot, t. II, ch. xvi, Paria, I90Π; Maynakd, Mg’- Dipanloup cl M. Lagrançc son historien, ch. xi, Mgr Dupanloup et le Syllabus, Pari », 1884 j Hgf IUusakd, Histoire du Card. Pie, t. II, ch. vii, et vm. Poitiers. ISS 1) ; Monde et Correspondant, an. 1365 ; Défenses de l’opus culc intitulé : Mgr Dupanloup, par Mgr Victor Pelletier. Paiis, Haton, 1876.

que cette question de l’infaillibilité du Srllabus est loin d’être tranchée. Cf. Palmibri, Opta theolog. moral. , t. II, n. 165, 166, Prati, 1890, el n. io5, 1899 ; D r Hbiner, Der Syllabus…, p. 20 sq.

Ces faits, cette controverse ne semblent-ils pas le démontrer : il n’y a pas eu et il n’y a pas dans l’Église consentement moralement unanime au sujet du Syllabus, du moins un consentement moralement unanime, tel qu’il nous permette de déduire avec certitude que le Syllabus a été accepté comme document infaillible, ou qu’il est du m >ins garanti dans toutes ses parties par l’infaillibilité de l’Église, du magistère dispersé ? — Nous l’avouons cependant volontiers : l’opinion affirmative paraît solidement probable.

Mais on insiste. « Le Syllabus, dit-on, est infaillible, au moins parce que l’unanimité morale de l’Episcopat l’a accepté et proposé aux fidèles comme une règle de doctrine obligatoire, à laquelle on e-U obligé en conscience, non seulement de rendre le respect extérieur, en ne l’attaquant pas, mais de soumettre son intelligence et son cœur, et de conformer ses actes, dans la vie politique notamment. Or, il est inadmissible et inconcevable qu’une pareille obligation soit imposée à l’Eglise universelle, à l’égard d’un document doctrinal qui ne serait pas infaillible… »

Cette preuve est radicalement erronée, et restreint singulièrement l’autorité du Souverain Pontife. Le Pape, en effet, pour commander et imposer sa volonté à l’Eglise universelle, n’a pas besoin, chaque fois, d’user de son pouvoir souverain au suprême degré, c’est-à-dire, avec le charisme de l’infaillibilité. Une règle de doctrine peut être proposée comme strictement et universellement obligatoire sans être positivement infaillible, et les ûdèles sont obligés en conscience de se soumettre extérieurement et intérieurement.

Léon XIII n’a-t-il pas écrit un grand nombre d’encycliques doctrinales, pour instruire les chrétiens, rappeler au monde, qui les oublie, les vérités fondamentales de la religion ? Les évêques ne les ont-ils pas reçues et proposées aux fidèles, comme des directions doctrinales auxquelles il faut se conformer ?


S’ensuit-il que les encycliques du grand Pontife soient des documents infaillibles ?

De tout ce que nous venons de dire, il nous paraît résulter qu’il n’est pas improbable et téméraire d’affirmer que le Syllabus n’est pas garanti par l’infaillibilité de l’Eglise.

Sans doute, les contradictoires de certaines propositions condamnées dans le Syllabus peuvent être des vérités de foi ; mais cela constera pur ailleurs et non pas parce qu’elles sont dans le Srllabus.

Le Syllabus, écrit le Docteur Hiîinkr, est-il une définition ex cathedra, ou bien n’est-il qu’une déclaration de la plus haute autorité, adressée sous forme de loi obligatoire au monde catholique tout entier ? La question n’est pas définitivement tranchée. Les théologiens ne sont pas d’accord sur ce point, et aussi longtemps que l’autorité suprême en matière de doctrine n’aura pas donné de sa pensée un commentaire autorisé, tout catholique reste libre d’adopter l’une ou l’autre opinion. Le P. Pksch, S. J., dans la nouvelle édition de sa Théologie dogmatique, après avoir signalé les opinions divergentes des auteurs pour expliquer et défendre l’infaillibilité du Syllabus, ajoute : « Alii censent Syllabum, etsi non constet de ejus infallibilitate, esse tamen normam authenticam, a Summo Pontifice loti Ecclesiae præceptam, cui omnes se subjicere debeant. Ita Ciioupin. (Valeur des décisions doctrinales du 1577

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Suint-Siège…), HbiNBB (/></ Syllabus…), alii. liane ultiiiiaiu sententiam esse minimum, quod onues catholici tenere et sequi debeant, convertit inter theologos. Praclice ad plus teneiidum ncmo obligari potest, quia de ulteriore valore opinionea tain diversae sunt. (cf. Du Ghout, S uni ma apologetica de rïcclesia, éd. 3, llatisbonæ 1906, 634 sqq., C. Pi ssch, l’rælectiones dogmaticie, Tom. I, n. 5ao in lin., Friburgi Brisgoviae, Herder, 19 : 24 ; Compendium Theologiat dogmaticae, t. I, 3-27, ig13).

Le Pape Pie X, dans une audience particulière, accordée à M. Charles A. Briggs, aurait, paraît-il manifesté son sentiment personnel sur cette question du Syllabus. Voici les paroles de Brigga : « The Hoir Faner himselj assured me thaï ii [the Syllabus of Plus /-Y] did not corne ttnder the category of infallihility. » Cb. Biuggs, The Papal Commission and the Pentateuch, p. j, London, 1906. Der Syllabus, p. 20. Le P. P. liiRXARu, dans les Etudes, adopte cette conclusion. Cf. Etudes, 5 mai 1906, p. 408, 409 ; Stimmen aus Maria- Lunch, vol. LXXI, 3, 106, article du P. Laorkntius sur le Syllabus.

§ VI. Conclusion. — En somme, si l’on ne peut pas dire avec certitude que le Syllabus est une définition ex cathedra, ou qu’il est garanti dans toutes ses parties par l’infaillibilité de l’Eglise, il est au moins, sans contredit, un acte du Souverain Pontife, une décision doctrinale du Pape, faisant autorité dans l’Eglise universelle, à laquelle par conséquent tous les iidèles doivent respect et obéissance.

« Home aparté, la cause est finie » : telle est la

règle, la devise de tous les vrais catholiques. Aussi le P. Dumas, invitant les catholiques à se soumettre comme ils doivent au Saint-Siège, dit-il avec raison (Etudes, août 1870, p. ilj)

« La voie la plus sûre pour parvenir à extirper

d’au milieu de nous tout germe de division, c’est l’union des âmes dans la possession de la vérité, c’est-à-dire, dans la docile et complète acceptation de l’acte mémorable de 1864. Mgr Plantier, de pieuse et docte mémoire, s’occupant du même sujet, faisait l’observation suivante : < Il serait bien à souhaiter que tous les enfants de l’Eglise apprissent à confondre leurs esprits dans un sentiment de soumission simple, courageuse, et sans vaines contestations, aux oracles du Vatican. On verrait alors disparaître entre nous jusqu’aux dernières traces de divergence et de malentendus. Et cette unanimité nous donnerait à son tour une énorme puissance pour combattre les erreurs dont le rationalisme a comme enivré la société moderne. »

Texth iju Syllabos

Pour le commentaire du Syllabus, les sources d’où chaque proposition a été tirée, le contexte et les circonstances historiques, qui aident beaucoup à comprendre, à déterminer le sens précis des propositions, la valeur et la portée de la condamnation, voir notre livre :

« Valeur des dteisinns doctrinales et disciplinaires

du Saint-Siège. 9 Syllabus …, 2" éd., iq13.

Sommaire

I. Panthéisme, Naturalisme et nationalisme ab solu (1-7).

II. Rationalisme modéré (8-1 4).

III. lnilifférentisme, Latitudinarisme (15-18).

IV. L’Eglise et ses droits (ig-55).

V. Morale naturelle et chrétienne (56-64).

VI. Mariage chrétien (60-74). VII. Principal civil du Pontife romain (75-76). VIII. Libéralisme moderne (77-80).

Trxth

1. Il n’existe aucun Etre divin, suprême, parfait dans sa sagesse et sa providence, qui soit distinct de l’universalité des choses, et Dieu est identique à la nature des choses, et par conséquent assujetti aux changements ; Dieu, par cela même se fait dans l’homme et dans le monde, et tous les êtres sont Dieu et ont la propre substance de Dieu, Dieu est ainsi une seule et même chose avec le mor. de, et par conséquent l’esprit avec la matière, la nécessité avec la liberté, le vrai avec le faux, le bien avec le mal, et le juste avec l’injuste.

2. On doit nier toute action de Dieu sur les hommes et sur le monde.

3. La raison humaine, considérée sans aucun rapport à Dieu, est l’unique arbitre du vrai et du faux, du bien et du mal ; elle est à elle-même sa loi, elle sullit par ses forces naturelles pour procurer le bien des hommes et des peuples.

4. Toutes les vérilés de la religion dérivent de la force native de la raison humaine ; en conséquence, la raison est la règle souveraine d’après laquelle l’homme peut et doit acquérir la connaissance de toutes les vérités de toute espèce.

5. La révélation divine est imparfaite et, par conséquent, sujette à un progrès continuel et indéfini correspondant au développement de la raison humaine.

6. La foi du Christ est en opposition avec la raison humaine, et la révélation divine non seulement ne sert de rien, mais encore elle nuit à la perfection de l’homme.

7. Les prophéties et les< miracles exposés et racontés dans les Saintes Ecritures sont des iictions poétiques, et les mystères de la foi chrétienne sont le résumé d’investigations philosophiques ; dans les livres desdeux Testaments sont contenues desinventions mythiques, et Jésus-Christlui-même est un mythe.

8. Comme la raison humaine est égale à la religion elle-même, les sciences théologiques doivent être traitées comme les sciences philosophiques.

9. Tous les dogmes de la religion chrétienne sans distinction sont l’objet de la science naturelle ou philosophie ; et la raison humaine, n’ayant qu’une culture historique, peut, d’après ses principes et ses forces naturelles, parvenir à une véritable connaissance de tous les dogmes, même les plus cachés, les plus profonds, pourvu que ces dogmes aient été proposés à la raison comme objet.

10. Comme autre chose est le philosophe, autre chose la philosophie, celui-là a le droit et le devoir de se soumettre à une autorité qu’il aura reconnue comme légitime ; mais la philosophie ne peut ni ne doit se soumettre à aucune autorité.

11. Non seulement l’Eglise ne doit, dans aucun cas, sévir contre la philosophie, mais elle doit encore tolérer les erreurs de la philosophie et lui laisser le soin de se corriger elle-même.

12. Les décrets du Siège Apostolique et des Congrégations romaines empêchent le libre progrès de la science.

13. La méthode et les principes d’après lesquels les anciens docteurs scolastiques ont cultivé la théologie, ne sont plus en rapport avec les nécessités de notre temps et les progrès des sciences.

14. On doit s’occuper de philosophie sans tenir aucun compte de la révélation surnaturelle.

15. Tout homme est libre d’embrasser et de pro1579

SYLLABUS

1580

fesser la religion qu’il aura réputée vraie d’après la lumière de la raison.

i(j. Les nommes peuvent trouver le chemin du salut éternel et obtenir ce salut éternel dans le culte de n’importe quelle religion.

17. Tout au moins doit-on avoir bonne confiance dans le salut éternel de tous ceux qui ne vivent pas dans le sein de la véritable Eglise du Christ.

18. Le protestantisme n’est pas autre chose qu’une forme diverse de la même vraie religion chrétienne, forme dans laquelle on peut être agréable à Dieu aussi bien que dans l’Eglise catholique.

19. L’Eglise n’est pas une vraie et parfaite société pleinement libre, elle ne jouit pas de ses droits propres et constants que lui a conférés son divin Fondateur, mais il appartient au pouvoir civil de définir quels sont les droits de l’Eglise et les limites dans lesquelles elle peut les exercer.

20. La puissance ecclésiastique ne doit pas exercer son autorité sans la permission et l’assentiment du gouvernement civil.

ai. L’Eglise n’a pas le droit de définir dogmatiquement que la religion de l’Eglise catholique est uniquement la véritable religion.

22. Le devoir de soumission qui lie strictement les maîtres et les écrivains catholiques se borne aux choses qui ont été définies par le jugement infaillible de l’Eglise comme dogmes de foi, que tous doivent croire.

23. Les Souverains Pontifes et les Conciles œcuméniques ont dépassé les limites de leur pouvoir ; ils ont usurpé les droits des princes, — et même ils ont erré dans les définitions relatives à la foi et aux mœurs.

24. L’Eglise n’a pas le droit d’employer la force ; elle n’a aucun pouvoir temporel direct ou indirect.

25. En dehors du pouvoir inhérent à l’épiscopat, il y a un pouvoir temporel qui lui a été concédé ou expressément ou tacitement par l’autorité civile, révocable par conséquent à volonté par cette même autorité civile.

26. L’Eglise n’a pas le droit propre, natif et légitime, d’acquérir et de posséder.

27. Les ministres sacrés de l’Eglise et le Pontife Romain doivent être exclus de toute gestion et possession des choses temporelles.

28. Il n’est pas permis aux évêques de publier même les lettres apostoliques sans l’agrément du gouvernement.

29. Les faveurs accordées par le Pontife Romain doivent être regardées comme nulles, si elles n’ont pas été demandées par l’entremise du Gouvernement.

30. L’immunité de l’Eglise et des personnes ecclésiastiques tire son origine du droit civil.

31. Le for ecclésiastique pour les procès temporels des clercs soit au civil, soit au criminel, doit absolument être aboli, même sans consulter le Siège Apostolique et sans tenir compte de ses réclamations.

3a. L’immunité personnelle, en vertu de laquelle les clercs sont exempts de la milice, peut être abrogée sans aucune violation du droit naturel et de l’équité. Le progrès civil demande cette abrogation, surtout dans une société constituée d’après une législation libérale.

33. Il n’appartient pas uniquement par droit propre et inné à la juridiction ecclésiastique de diriger l’enseignement des vérités théologiques.

34. La doctrine de ceux qui comparent le Pontife Romain à un Prince libre et exerçant son pouvoir dons l’Eglise universelle, est une doctrine’ini a prévalu au moyen âge.

35. Rien n’empêche que, par un décret d’un concile général ou par le fait de tous les peuples, le Souverain Pontificat soit transféré de l’Evêque Romain et de la ville de Rome à un autre évêque et à une autre ville.

36. La définition d’un concile national n’admet pas d’autre discussion, et l’administration civile peut traiter toute affaire dans ces limites.

37. On peut instituer des Eglises nationales soustraites à l’autorité du Pontife Romain et pleinement séparées de lui.

38. Trop d’actes arbitraires de la part des Pontifes Romains ont poussé à la division de l’Eglise en orientale et occidentale.

39. L’Etat, comme étant l’origine et la source de tous les droits, jouit d’un droit qui n’est circonscrit par aucune limite.

40. La doctrine de l’Eglise catholique est opposée au bien et aux intérêts de la société humaine.

41. La puissance civile, même quand elle est exercée par un prince infidèle, possède un pouvoir indirect négatif sur les choses sacrées. Elle a par conséquent,. non seulement le droit qu’on appelle d’exequatur, mais encore le droit qu’on nomme d’appel comme d’abus.

4a. En cas de conflit légal entre les deux pouvoirs, le droit civil prévaut.

43. La puissance civile a le pouvoir de casser, de déclarer et rendre nulles les conventions solennelles (concordats) conclues avec le Siège Apostolique, relativement à l’usage des droits qui appartiennent à l’immunité ecclésiastique, sans le consentement de ce Siège et malgré ses réclamations.

44- L’autorité civile peut s’immiscer dans les choses qui regardent la religion, les mœurs et le régime spirituel. D’où il suit qu’elle peut juger des instructions que les pasteurs de l’Eglise publient, d’après leur charge, pour la règle des consciences ; elle peut même décider sur l’administration des sacrements et les dispositions nécessaires pour les recevoir.

4-5. Toute la direction des écoles publiques dans lesquelles ia jeunesse d’un Etat chrétien est élevée. si l’on en excepte dans une certaine mesure les séminaires épiscopaux, peut et doit être attribuée à l’autorité civile, et cela de telle manière qu’il ne soit reconnu à aucune autre autorité le droit de s’immiscer dans la discipline des écoles, dans le régime des éludes, dans la collation des grades, dans le choix ou l’approbation des maîtres.

46. Bien plus, même dans les séminaires des clercs, la méthode à suivre dans les études est soumise à l’autorité civile.

47. La bonne constitution de la société civile demande que les écoles populaires, qui sont ouvertes à tous les enfants de chaque classe du peuple, et, en général, que les institutions publiques destinées aux lettres, à une instruction supérieure et à une éducation plus élevée de la jeunesse, soient affranchies de toute autorité de l’Eglise, de toute influence modératrice et de toute ingérence de sa part, et qu’elles soient pleinement soumises à la volonté de l’autorité civile et politique, suivant le désir des gouvernants et le niveau des opinions générales de l’époque.

48. Des catholiques peuvent approuver un système d’éducation en dehors de la foi catholique et de l’autorité de l’Eglise, et qui n’ait pour but, on du moins pour but principal, que la connaissance des choses purement naturelles et la vie sociale sur cette terre.

49. L’autorité séculière peut empêcher les évêques et les fidèles de communiquer librement entre eux et avec le Pontife Romain.

50. L’autorité séculière a par elle-même le droit 1581

SYiNCHETISME

1582

de présenter les évêques, et peut exiger d’eux qu’ils prennent en main l’administration de leurs diocèses avant qu’ils aient reçu du Saint-Siège l’institution canonique et les Lettres apostoliques.

51. Bien plus, la puissance séculière a le droit d’interdire aux évêques l’exercice du ministère pastoral, et elle n’est pas tenue d’obéir au Pontife Romain en ce qui concerne l’institution des évêchés et des évêques.

. Le Gouvernement peut, de son propre droit, changer l’âge prescrit pour la profession religieuse, tant des femmes que des hommes, et enjoindre aux communautés religieuses de n’admettre personne aux vœux solennels sans son autorisation.

53. On doit abroger les lois qui protègent l’existence des familles religieuses, leurs droits et leurs fonctions ; bien plus, la puissance civile peut donner son appui à tous ceux qui voudraient quitter l’état religieux qu’ils avaient embrassé et enfreindre leurs vivux solennels ; elle peut aussi supprimer complètement ces communautés religieuses, aussi bien que les églises collégiales et les bénéfices simples, même de droit de patronage, attribuer et soumettre leurs biens et revenus à l’administration et à la volonté de l’autorité civile.

">4. Les rois et les princes, non seulement sont exempts de la juridiction de l’Eglise, mais même ils sont supérieurs à l’Eglise quand il s’agit de trancher les questions de juridiction.

55. L’Eglise doit être séparée de l’Etat et l’Etat séparé de l’Eglise.

56. Les lois de la morale n’ont pas besoin de la sanction divine, et il n’est pas du tout nécessaire que les lois humaines se conforment au droit naturel ou reçoivent de Dieu le pouvoir d’obliger.

b-). La science des choses philosophiques et morales, de même que les lois civiles, peuvent et doivent être soustraites à l’autorité divine et ecclésiastique.

58. Il ne faut reconnaître d’autres forces que celles qui résident dans la matière, et tout système de morale, toute honnêteté doit consister à accumuler et augmenter ses richesses de toute manière, et à satisfaire ses passions.

5g. Le droit consiste dans le fait matériel ; tous les devoirs des hommes sont un mot vide de sens, et tous les faits humains ont force de droit.

L’autorité n’est autre chose que la somme du nombre et des forces matérielles.

61. Une injustice de fait, couronnée de succès, ne préjudicie nullement à la sainteté du droit.

62. On doit proclamer et observer le principe de non-intervention.

63. Il est permis de refuser l’obéissance aux princes légitimes et même de se révolter contre eux.

64. La violation d’un serment, quelque saint qu’il soit, et toute action criminelle et honteuse, opposée à la loi éternelle, non seulement ne doit pas être blâmée, mais elle est tout à fait licite et digne des plus grands éloges, quand elle est inspirée par l’amour de la patrie.

65. On ne peut établir par aucune preuve que le Christ a élevé le mariage à la dignité de sacrement.

66. Le sacrement de mariage n’est qu’un accessoire du contrat et peut en être séparé, et le sacrement lui-même ne consiste que dans la seule bénédiction nuptiale.

67. De droit naturel, le lien du mariage n’est pas indissoluble et, dans différents cas, le divorce proprement dit peut être sanctionné par l’autorité civile.

68. L’Eglise n’a pas le pouvoir d’établir des empê chements dirimants au mariage, mais ce pouvoir appartient à l’autorité séculière, par laquelle les empêchements existants peuvent être levés.

69. L’Eglise, dans le cours des siècles, a commencé à introduire les empêchements dirimants non par son droit propre, mais en usant du droit qu’elle avait emprunté au pouvoir civil.

70. Les canons du concile de Trente, qui prononcent l’anathème contre ceux qui osent dénier à l’Eglise le pouvoir d’introduire des empêchements dirimants, ne sont pas dogmatiques ou doivent s’entendre de ce pouvoir emprunté, de ce droit conféré par l’Etal.

71. La forme prescrite par le concile de Trente n’oblige pas sous peine de nullité, quand la loi civile établit une autre forme à suivre et veut qu’au moyen de cette forme le mariage soit valide.

ja. Iîoniface V11I a le premier déclaré que le vœu de chasteté prononcé dans l’ordination rend le mariage nul.

73. Par la force du contrat purement civil, un vrai mariage peut exister entre chrétiens, et il est faux, ou que le contrat de mariage entre chrétiens soit toujours un sacrement, ou que ce contrat soit nul en dehors du sacrement.

7^. Les causes matrimoniales et les fiançailles, par leur nature propre, appartiennent à la juridiction civile.

75. Les fils de l’Eglise chrétienne et catholique disputent entre eux sur la compatibilité de la royauté temporelle avec le pouvoir spirituel.

76. L’abrogation de la souveraineté civile, dont le Saint-Siège est en possession, servirait même beaucoup à la liberté et au bonheur de l’Eglise.

77. A notre époque, il n’est plus utile que la religion catholique soit considérée comme l’unique religion de l’Etat, à l’exclusion de tous les autres cultes.

78. Aussi, c’est avec raison que, dans quelques pays catholiques, la loi a pourvu à ce que les étrangers qui s’y rendent y jouissent de l’exercice public de leurs cultes particuliers.

70. Il est faux que la liberté civile de tous les cultes, et que le plein pouvoir laissé à tous de manifester ouvertement et publiquement toutes leurs pensées et toutes leurs opinions, jettent plus facilement les peuples dans la corruption des mœurs et de l’esprit, et propagent la peste de l’indifférentisme.

80. Le Pontife Romain peut et doit se réconcilier et transiger avec le progrès, le libéralisme et la civilisation moderne.

L. Choupin.