Dictionnaire apologétique de la foi catholique/Papes d'Avignon

Dictionnaire apologétique de la foi catholique

PAPES D’AVIGNON. — On désigne sons ce titre les souverains pontifes qui siégèrent eu Avignon, de façon plus ou moins continue, de 1305 à 1878. Au nombre de sept, ils eurent nom Clément V(1305-1314), Jean XXII (1316-1334), Benoit Xll (13341342), Clément VI (1342-1352). Innocent VI (1352) 1362). Urbain V (13.'12-1370), Grégoire XI (1370-1878. Jusqu’ici les historiens, sauf de rares exceptions, n’en ont guère parlé que pour en médire. A tous on 1536

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a fait un crime d’avoir séjourné hors de Rome ou, à tout le moins, hors d’Italie. On leur a reproché leur servilisine à l'égard des rois de Fiance, leur népotisme, leur luxe, leurs dérèglements moraux, leur Uscalité. J’examinerai tour à tour cliacune des accusations émises contre eux et m’elForcerai d’t'tablir si elles sont oui ou non jusliliées. l. L'étahlissement du Sainl-Siège en Avignun. — II. Le seivtlisme des Pipes d’Ayi^non à l'égard des rois de France. — III. Le népotisme n la cour d' Avignon. — IV. Le luxe à ta cour d’Avignon. — V. Les mœurs à la cour d’Avignon. — VI. La fiscalité des Papes d’Avignon.

I. L'établissement du Saint-Siège en Avignon. — a) Ctirrictère. — Depuis Plah.na, semble-t-il, la généralité des auteurs non-français ont laissé entendre que le séjour de la papaulé hors de R ime l’ut un fait inouï, voire « un scandale " dans les annales de l’Eglise. Cependant, tout évêques de Home i(u’ils étaient, un grand nombre de papes furent élus et couronnés ailleurs qu'à Rome, gouvernèrent le monde d’ailleurs que de Rome..-Vu cours de la dernière moitié du xiii" siècle, la turbulence de leurs sujets rend impossible le séjour de l.i Vill, ^ éternelle aux papes, et les force à émigrer, à tel point <|ue leur séjour à Rome devient exceptionnel. La cour pontificale a déserté Rome, et le pape, transportant ailleurs sa personne sacrée, peut relire avec justice le mot fameux : « Rome n’est plus dans Rome ; elle est toute où je suis. »

Rien n’est plus suggestif à cet égard que le tracé de l’itinéraire des papes durant tout le deuii-siècle qui précède l’inslallalion en Avignon. Après cinq mois et quelques jours de séjour à Roui' », où il se trouve aussi peu libre que possible et entravé dans son autorité par les puissantes maisons féodales ipii se disputent le pouvoir, Benoît XI (iJo3 13u/4) part pour Pérouse, où il meurt..Suivaul le chronic)ueur Ferreto Fkrrbti de Vicence, il songeait à s'établir d’une manière indélinie en Lombardie (Muratoki, Beruni /tiilicarum scriptores, l. XI, col. 1012). Avant lui, Boniface VUI (lag^-iSoS) est bien moins souvent au Latran qu'à. agni, Oi’Vieto, Velletri. (^élestin V (iay4) ne vit pas Rome : élu à Pérouse. couronné à Aquila, il va à Solraona, à Capoue, à Naple-, d’où est datée sa renonciation. Xicolas IV (128-i-r-292).élu à Rome, réside parfois à Sainte-Marie.Majeure ; mais il habileordinairemenl Rieti et Orvieto. H.inoriuslV (1285-1.J87), après son élection à Pérouse, se plaît à Sainte-Sabine ; ce n’e.- ; t qu’au fort des chaleurs de l'été qu’il se réfugiée Tivoli, à Palombaïa..MarlinlV (1281-ia85), un Français, élu à Viterbe, ubi tune residelnit romann curia, ne sort point delà Toscane, nide l’Ombrie. Nicolas 111 (1279- r.>So), élu lui aussi à Viterbe, est couronné par extraordinaire à Rome ; il se partage entre celle ville, Sulri, Velralla et Viterbe. Jean XXI (1276-1277) ne quitta p.is Viterbe, où il avait été élu et où il mourut, enseveli sous les murs de son palais. Innocent V et Hadrien V ne font que pas-er sur le trône pontifical au cours des six premiers mois de l’année 1276..près avoir séjourné deux mois à Rome, Grégoire X (1271-127(3) se rend à Orvielo, puis en France, où il réunit à Lj’ou le xiv concile œcuménique. S’il reprend iecheuiin de rilalie, c’est à petites étapes, avec des arrêts multipliés dans « la douce terre de Provence » Il passe àOrange, à Beaucaire.à Valence, revient à Vienne pour regagnerl’Italieparla Suisse, et meurtà.rezzo. Le Français Clément IV (1265-1268) ne signe pas un seul acte de Rome ; ilvaà Pérouse,.ssi, se, Orvieto, Montefiascone, Viterbe. Urbain IV (1261-126'i), un Français encore, n’a que trois résidences : Viterbe,

Monteliascone, Orvieto ; il meurt en litière, sur la route d’Orvielo à Pérouse. Elu et couronné à Naples, .lexandre IV (125/1-1261) affectionne. agni, Viterbe ; au début et an terme de son pontilical, il demeure quelques mois au Latran et exi>ire à Viterbe. Innocent IV (124^-125^), cntin, élu et consacré à. agni, ne passe à Rome que de courts moments ; il est obligé de fuir devant Frédéric II et de se réfugier à Lyon de 12/(4 à 12, ^1 ; qua : Kl il rentre en Italie, c’est pour s’installer dans la tranquille Ombiie.puis à Naples, où il meurt (Potthast, Regesta pontifictim roiii.inorum, Berlin, 1871-1875, passim, et les registres des papes du xiii siècle, publiés par les élèves de l’Ecole française de Rome).

Il serait encore facile de remonter plus liant dans l’hisloire. Grégoire IX (1227-1241), qui ri gna environ quatorze ans, en passa plus de huit hors de Rome. En 120g, l’incoustance des Romains poussa vraisemblablement Innocent III à établir les bases d’un Etal ecclésiastique au delà des.lpes. lîn vertu d’une convention passée avec Raymond VI de Toulouse, le Saint-Siège reçut en Provence sept châteaux comme gage de la conversion du comte. Celui-ci ayant embrassé à nouveau l’erreur albigeoise, les sept châteaux échurent à l’Eglise romaine, qui les céda plus tard à Rayinoml VU, en échange du Goiulat-Venaissin (22 avril 1329) ; cf. Hi : Fia.B-I^ii( ; LKHc.Q, Ustoire des conciles, Paris, I913, t. V, 2' partie, p. 1281, 1396, 1492. D août 1099 à janvier iiy8, le S liutSiège resta 55 ans et quehjues mois hors de Home, et 8 ans et demi en France. En résumé, comme on l’a calculé, « de 1100 à 1304, soit 204 ans, les papes sont demeurés 121 ans hors de Rome, et 82 ans dans Rome : soit une dilférence de 40 ans en faveur de l’absence » ; cf. L. Gav’et, Le Grand Schisme d’Occident, Florence, 1889, p. 3.

Ainsi, l'établissement de la papaulé hors des murs de Rome, au xiv° siècle, ne constitue pas une révolution inouie ; il est la conséquence naturelle d’une longue suite de circonstances et d'évéuenic-iits. Ce qui est vraiment extraordinaire et sans précédent, c’est le séjour prolongé hors d’Italie. Cherchons-en les causes.

b) Causes de rétablissement du Saint-Sii’ge en Av’gnon. — Le chroniqueur Ptolrmke db Licquks a rapporté qu’aussitôt élu pape, Bertrand de Got, archevêque de Bordeaux, » délibéra de lixer sa résidence dans le Comtal-Venaissin et de ne jamais passer outre-monts » ; cf. Baluzk Mollat, l’ilne Paparum Aveniunciisium, Paris, 1917, t. I, p. a’i. Il a commis une méprise. Certes, les lettres des cardinaux, nolilianl l'élection, étaient plutôt rédigées de façon à détourner Clément V de l’Italie. Elles déIieignaient ce pays comme livré à l’anarchie et les Etals de l’Eglise comme ruinés par la guerre (.Mansi. Concdinrnm nova et amplissini’i coUectio, t. XXV, col. 127) Malgré cela, le Pape annonça son intention de gagner l’Italie dès que la paix aurait été conclue entre les rois d’Angleterre et de France, et la Cioisade organisée. Il fixa le lieu <le son couronnement en terre d’Empiie.en Oaupliiné.à Vienne, ville située sur la route d’Italie (lettre du 2Ô aoùl 1305, dans C. Wrnck, Clemena V und Jleinrich l'/f, Halle, 1882. p. 169). -A. son couronnement il ii’i^ivita qu’nn nombre restreint de cardinaux, diiix évêques, deux prêtres et d^ux diacres (dépèihe adressée an roi d'.i’agon, dans H. Finkk, Acta.Iragonensin. Munster, 1908, t. I, p. lyg).

Si, par la sui : e. Clément V changea de projets, il persista dansson intention de quitter la France, où des circonstances imprévues l’avaient retenu. En l306, Jean Bnrgundi écrivait de Bordeaux au roi Jayme II d’Aragon : a Le Pape signilia [aux cardi137

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mx] que son intention était de rester ici jusqu’au octiain mois île mars. Car alors il licenciera la ur pour allfi' outre-monts et se rencontrera, à 'itiers, avec le roi de France alin de le décider à cevoir la croix et à consolider la paix entre lui et roi d’Angleterre. Et, à partir de ce moment, ne irrêtant en aucun autre lieu, ledit seigneur Pape i en Italie » ; H. Finke, Papslliim iind l’alergait^ s Templerordeiis, Munster, 1907, t. ii, p. 21-22. après le même ambassadeur, lors de l’entrevue de itiers, en 1308, le pape témoigna à Philippe le 1 sa joie de le rencontrer, car il avait le dessein iller à Rome et de l’entretenir avant son départ . Fi.NKB, op. cit., p. 13'(). Le Il avril 1308, Clément rivait au sujet de la restauration du ciborium de ulel majeur de Saint-Jean de Latran : « Avec la àce de Dieu, nous nous proposons de remettre le s célèbre autel de bois, de nos propres mains, à place où il se trouvait » ; Ilegestiim démentis pæ F, Rome, 1884-1892, n. 3592. Enfin, l’année ivante, il promettait de sacrer lui-même Henri VII, Rome, dans àeux ans(/tegesliii>i, n. 4302). Glé : nt V a donc exprimé à diverses reprises, de façon s formelle, son intention de se rendre à Rome, urquoi ne réalisa-t-il pas des desseins maintes s exprimés ?

51 le Pape fixa le lieu de son couronnement à enne et non en terre italienne, ce fut afin d’attirer a cérémonie les rois d’Angleterre et de France, et de )Cter de leur présence pour travailler à la consion entre eux d’une paix définitive. En cela, il ilisail un projet cher àBoniface VIII, qui consist à venir en France pour régler le différend nco-anglais(C. Wbnck, Clemeiis V iind /leimich I, p. ^i). Comme son prédécesseur, Clément V iitjugé la croisade impossible sans le concours la France et de l’Angleterre. Or, ce concours ne avait être sollicité que le jour où les deux pays aient réconciliés. De fait, Clément V travailla avec acitéàla paix. Il négocia le mariage d’Isabelle de ince avec le futur Edouard II. Mais, malgré ses narches, la réconciliaticm linale ne s’effectua en 1312. Des fêtes grandioses eurent lieu àParis, Philippe le Bel ainsi qu’Edouard lise croisèrent iLLZK-MoLLAT, Vitiie Paparum Avenionensium, 1. 1,

20-2a).

cependant Clément V avouait, le a8 novembre 1306, î les négociations de paix, fort avancées à cette ique, eussent pu être menées à bonne fin par de iples nonces (C. Wknck, op. cit., p. 43). Aussi utres causes entravèrent son départ pour Rome.

principale d’entre elles fut la pression exercée 7 la cour de France. Dès juillet et août 1305, des bassadeurs vinrent trouver Clément V et lui rerent en mémoire le procès iulenté au feu Bonie VIII, qui n'était point encore terminé. Le Pape, I voulait en éviter la reprise, fit une concession, >sse de conséquences. Il décréta que son couronnentanrait lieu non plus à Vienne, mais à Lyon.

4 novembre 130.5, la cérémonie s’y effectua en isence de Philippe le Bel. Elle fut suivie de pour1ers très importants. Le roi de France insista ir obtenir la reprise du procès de Boniface VIII.

convint d’en parler lors d’une pochaine entre ;. D’où la nécessité pour Clément V de remettre

es jours meilleurs le départ pour l’Italie. De Lyon, pape remonta vers le Nord et s’arrêta à Màcon et lluny, puis gagna le Languedoc par Nevers, Bour , Limoges et Périgueux. Une maladie, qui faillit

coûter la vie, contribua à le retenir près d’une (lée dans le Bordelais (mai 1306-ra « rs 1307) et à pêcher la rencontre projetée avec Philippe le Bel nr la Saint-Michel de 130C. Quelque peu rétabli.

Tome III.

Clément V recommença ses chevauchées et vint à Poitiers (avril 1309). Là, il ne put s’entendre avec le roi de France, qui refusa de souscrire à tous les compromis proposés pour teriuiner l’affaire de Boniface VIII. L’on se sépara sans avoir rien résolu. Le 13 octobre iSo^j, se produisit un coup de théâtre : l’arrestation en masse des Templiers. Une nouvelle entrevue avec Philippe le Bel devint nécessaire. Elle eut lieu encore à Poitiers (mai-juillet 1308). Mais, cette fois, le roi montra de telles exigences que Clément V résolut d'échapper à son emprise. Aller à Rome, il n’y pouvait songer. Laisser Phiii[)pe le Bel maître de la situation, à la veille de l’ouverture du concile de Vienne où se décideraient les plus graves intérêts de l’Eglise, où surtout se débattrait le scandaleux procès des Templiers, c’eût été folie. D’un commun accord avec les cardinaux. Clément V convint de transférer la cour à Avignon (août 13û8) ; cf. H. Finke, Papsttum und Vntergang des Templeroidens, t. II, p. I 56.

Cette ville i)résentalt de précieux avantages. Soit par voie de terre, soit par voie d’eau, elle assurait des relations rapides et fréquentes avec l’Italie. De la France elle était proche, sans en dépendre. Ses suzerains, les princes d'. jou, n'étaient pas à redouter ; la défense de l’intégrité de leur royaume des Deux-Siciles contre les entreprises de l’ambitieuse maison d’Aragon et la gérance des intérêts guelfes dans le reste de la péninsule sufiisaient largement à absorber leurs efforts ; n'étaient-ils pas, d’ailleurs, les vassaux de l’Eglise ? Enfin, Avignon était enclavée dans le Conilat-Venaissin, apanage du Saint.Siège. Aucune autre cité n’offrait à la papauté un asile plus tranquille, ni de plus fortes garanties d’indépendance et de sûreté.

Sa détermination prise, Clément parcourut à [letites journées le midi de la France. En mars 130g, il entrait à Avignon et inaugurait ce long exil de la liapaulé qui dura près de soixante-dix ans et qui, ])ar une comparaison peu justifiée avec le séjour du peuple de Dieu en terre étranj ; ère, a pris nom dans l’histoire de « captivité de Babylone ».

Cependant l’installation du pontife en.vignon garda toujours un caractère provisoire. Clément V habita modestement le couvent des Frères Prêcheurs (M. Faucon, Les arts à la cour d’Avignon sous Clément V et Jean XXII, iXa.ns Mélanges d’archéologie et d’histoire de l’Ecole française de Home, t. II (1882), p. 39). D’Italie il ne fit apporter que les registres des lettres de ses deux prédécesseurs et laissa une grande partie dutrésor pontificale SaintFrançois-d' Assise (liegestum démentis V, introduction, p. XXXI, et F. Ehrlk, Ilistorin bihliothecæ pontificum romoHoriim, Rome, 1890, p. 11-12). D’ailleurs, il ne séjourna que fort peu de temps à Avignon même ; il préféra les villes ou les châteaux du Comtat-Venaissin.

De 130g 4 1311, l’affaire de Boniface VIII lui causa les plus graves soucis. Du moins, par son habileté, il réussit à ralentir le plus possible la marche de la procédure et finit par imposer silence aux pires accusateurs de Boniface. Quant à l’alfaiie des Templiers, elle fut réglée « u concile de Vienne (16 octobre 1311-6 mai 1312). Au moment où Clément V eût pu gagner l’Italie, sa santé, toujours précaire, s’altéra gravement. Suivant le chroniqueur contemporain Ptolkméh nB LucoUHS, qui tenait le renseignement de la bonche du confesseur pontifical, elle déclina rapidement après la promulgation, au concile de Vienne, de la constitution ffxi’n' de Paradiso (Baluze MoLLAT, Vitæ Paparum Avenionensium, t. I, p. 5a-53). La maladie, que l’on sou[içonn8 avoir été un cancer des intestins ou de l’estomac, s’aggrava.

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Sentant ses forces diminuer, Iç pape lit son testament le 9 juin 13n (F. Ehrlb, Der lYachlass Clemens (’, dans Archiv fur /.iteratiir-ttiid Kircliengeschichte, t. V (1889), p. 26). En 131/), le mal empira encore. Clément V s’imagina éprouver quelques soulagements dans un changement d’air et songea à regagner sa terre natale, sa chère Gascogne. Epuisé par la soullraiice, il mourut, le i ! avril 1314, à Roquemaure, dans le Gard.

Quand bien même Clément V eût joui d’une meilleure santé, il lui aurait été impossible de franchir les Alpes au cours des années 1312 et io13. L’entrée du roi des Romains, Henri VII, en Italie avait sulli à révolutionner le pays tout entier. Depuis le ) mai 131a, Rome n’était plus qu’un champ de bataille oii Guelfes et Gibelins se livraient de sanglants assauts. Les troupes napolitaines occupaient le Borgo, le château Saint-Ange, le Transtévère, tous les ponts jetés sur le Tibre. Des barricades se dressaient dans les rues et barraient le chemin vers Saint-Pierre où Henri VII voilait se faire sacrerempereur. Bien plus, le prince traitait le pape en ennemi et protestait de son indépendance absolue vis-àvis du pouvoir spirituel. O.ontre le roi Robert de Naples, il rassemblait une nombreuse Hotte. Et pourtant, le 12 avril 1313, une bulle avait promulgué l’excommunication contre quiconque oserait attaquer le vassal de l’Eglise romaine I Dans de telles conjonctures, peut-on faire un grief à Clément V d’être resté dans le Comtat-Venaissin ? Où eût-il trouvé un asile aussi sûr que là ?

Sous les successeurs de Clément V, Rome, l’Italie, en dépit des protestations et des appels réitérés des populations, demiurèrent inhospitalières à la papauté.

« Ah 1 Italie, séjour dedouleur, écrivait Dante, 

vaisseau sans nocher au milieu d’une affreuse tempête, tu n’es plus la maîtresse des peuples, mais un lieu de prostitution. Maintenant, ceux qui vivent dans tes contrées se font une guerre implacable ; ceux qu’une même muraille et les mêmes remparts protègent, se rongent les uns les autres. Cherche, misérable, autour de tes rives, et vois si dans ton sein une seule de les provinces jouit de la paix. » De fait, la guerre ne cessa pas de dévaster l’Italie sous le ponlilicat de Jean XXII. Un moment, en 1332, le pape songea à franchir les Alpes, à la suite des victoire » remportées sur les Gibelins par son légat, le cardinal Bertrand du Pouget. Il voulait pacilier la Lombardie et la Toscane, puis gagner Rome. Bologne, soumise à l’Eglise, fut choisie comme lieu de résidence. On y Ut des préparatifs de réception. Une citadelle fut édiliée près la porte Galliera.

A Rome même parvint l’ordre de restaurer les demeures pontificales et de rendre les jardins à la culture. La réalisation de la croisade, les instances du roi de France et surtout la rébellion de Bologne coupèrent court aux projets du pape (Notices et extraits des manuscrits, t. XXXV, 2< : partie, p. 417419 ; liegesta Yaticana, t. 116, fol. ai’j r<>, cap. 10961098 et t. 117, fol. io8r", cap. 534).

Au début de son pontiûcat, Benoît XII reçut des ambassadeurs venus pour le supplier, au nom des Romains, de revenir se fixer dans leur ville. Dans un consistoire tenu en juillet 1335, il décida d’un commun accord avec les cardinaux qu’on partirait vers le i" octobre suivant et qu’on transporterait le siège du gouvernement pontifical à Bologne, du moins provisoirement ;  !. M. Vidal, Lettres closes et patentes de Benoit XII, t. I, n. 476. Dans un second consistoire, les cardinaux changèrent d’avis. Us jugèrent à propos de différer le départ pour l’Italie ; car, outre les nombreuses ditricnltés que soulevait le voyage même, ils pensaient qu’un déplacement

du Saint-Siège entraverait les projets de croisadi et la solution d’autres affaires urgentes ; G. Daumet Lettres closes, patentes et curiales de Benoit Xlt, t. I n. 189 et 14 I.

D’autre part, une enquête conduite sur les lieuj montra avec évidence que Bologne était trop agiléi par des séditions pour autoriser le transfert du Saint Siège dans ses murs (A. Thrinbh, C"orfe.r diptomaticu : doininii temporalis Sanciæ Sedis, Rome, 1861, t. I

doc. DCCLXVIII et DCCLXIX).

Les prévisions des cardinaux étaient justes. Bolo gne ne tarda pas à se révolter de nouveau contn l’Eglise. Ailleurs, en Romagne et dans les Marches les seigneurs locaux méditaient de se rendre indé pendants. A Rome même, la révolution dura d 1347 à 1354. La guerre devint inévitable sous Clé ment VI. Elle ne cessa que le jour où la rude épéi d’Albornoz eut réduit à l’impuissance les divers ty rans, petits ou grands, qui troublafent la paix de 1 péninsule. Urbain V crut le moment venu de réta blir la papauté à Rome. Par une rare inconséquenct les Romains, qui désiraient la conserver dans leur murs, s’ingénièrent à l’en chasser. Tandis qu’Ui bain V séjournait à Montefiascone (printemps d 1370), ils lièrent partie avec les Péiugins révolté contre l’Eglise ; le préfet de Vico s’agita. Poussant 1 rébellion jusqu’à l’extrême, Pérouse prit à gage le bandes du condottiere John Hawkwood et les lanç à l’assaut de Viterbe où le pape s’était réfugié. S soumission n’améliora guère la situation, car le routiers à la solde de Bernabô Visconti parcouraiei la riche Toscane et menaçaient d’envahir le Patri moine de Saint-Pierre. Craignant pour sa sùret( mis en défiance par les agissements de ses sujet désirant s’opposer aux hostilités qui avaient d nouveau recommencé entre la France et l’Angletern Urbain V retourna en Avignon.

Le première pensée de son successeur fut de rêve nir en Italie. Les événements contrecarrèrent ceti généreuse résohition durant quelques année*. I 17 janvier 1877, seulement, Grégoire XI débarqua Rome. Il n’y fut pas longtemps en sûreté. Les fa tions romaines s’agitèrent de nouveau. Des b ; ind( armées tentèrent d’escalader les muis du palais poi tilical. Bien plus, un cardinal romain. — Jac’|ue Orsini, semble-t-il, — complota d’attenter aux joui du pape ! (L. Gayet, Le Grand Schisme d’Occiden t. I, p. II).

Si la papauté n’a pas résidé en Italie depuis Cli ment V, c’est donc que l’Italie la chassait hors de se | sein. Vraisemblablement, les papes du xiV siée ont dû conserver présent à la mémoire le souven de l’attentat perpétré à Anagni sur la personne ( Boniface VIII, attentat qu’avait rendu possible’connivence des Romains.

On n’a point encore suffisamment remarqué qi la pensée maîtresse de la papauté avignonaise fut croisade. Parmi les antres nations chrétiennes, France s’était distinguée par son enthousiasme à fcroiser. En 1333, son roi avait été nommé capitaiij général de l’armée chrétienne. A cette épociue, aloi que les négociations entn’la cour de Paris et cel d’Avignon étaient plus actives que jamais, un élo gnement de la France eût mécontenté Philippe VI -, les projets de dép, Trl du pape l’avaient fort ému - I entravé les préparatifs de l’expédition et, sans n doute, compromis gravement le succèg évrntiu Cédant à la pression des événements, Jean XX remit son départ pour 1 Italie à une date ultéreuri »

Lespapesqni sesuccédèrent à vignon — Benoit X’excepté — n’eurent pas moins la hantise de la cro. sade. Malheureusement, cette œuvre grandiose n’étaj réalisable qu’à une seule condition : une paix déÛE ; 1541

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tive devait imposer un terme à la guerre désastreuse que s'étaient déclarée la France et l’Angleterre. La Papauté déploya un zèle extraordinaire, qu’atteste sa volumineuse correspondance diplomatique, pour réconcilier les deux nations ennemies. Loin d’Avignon, eût-elle réussi à poursuivre cette louable lin avec l’activité incroyable qu’elle déploya ? Il y a lieu d’en douter, tant est compliqué l'éclieveau des négociations diplomatiques qui durèrent pendant la guerre de Cent ans et que le mauvais vouloir des cours françaises et anglaises erapèclia toujours d’aboutir.

Ainsi, le séjour de la papauté en Avignon se trouve sufBsaniment expliqué, voire excusé, par les tentatives de conciliation entre la France et l’Angleterre, l'éventualité de la croisade, la nécessité de terminer le procès intenté à la mémoire de Boniface VIII, l’ouverture du concile de Vienne et surtoull’insécupité de ritalie."A ces causes principales, il s’en joint de secondaires : la prépondérance des cardinaux français dans le Sacré Collège et leur antipathie marquée pour le sol italien, la construction par Benoit XII du palais des papes, admirable ouvrage d’art autant que de défense, qui garantissait la plus complète sécurité, l’achat en 13118 d’Avignon à la reine Jeanne l'" de Naples, rattachement de Clélent VI pour sa patrie, l'âge et les infirmités d’Innocent Vi (MABTiiNE et Durand, Thésaurus novusanecdotorum, Paris, 1717, t. II, col. 9^6-947), les menées et les intrigues des rois de France pour retenir la our pontilicaie à portée de leur influence, le souci le la papauté de ménager les seuls alliés sérieux {D’elle comptât dans le conflit aigu avec Louis de Bavière.

c) Conséquences de l'établisieinenl de la papauté tn Avignon. — L'établissement prolongé de la paaauté en Avignon eut pour effet de priver les Italiens des avantages considérables que leur avait 'alu jusque-là sa présence. Rome passa à l'état de lécropole. Au lieu d'être la capitale du monde, elle ut réduite, en fait, à l'état de ville de province, l’oilà pourquoi les Italiens n’ont pas manqué, sur les traces de Pétrarque et de sainte Catherine de tienne, d’accumuler les blâmes et les plaintes conre les papes d’Avignon. Ugublli, pour ne citer [u’un des plus connus, va jusqu'à prétendre que la ranslation du Saint-Siège sur les bords du Rhône ut plus funeste à son pays que toutes les invasions larbares (Italia sacra, Venise, 1717, t. I, p. 71). lerles, rien n’est plus pitoyable que le sort des Itaiens au xiv siècle. Mais eux-mêmes travaillèrent à BUr infortune. Leur insubordination constante loigna d’eux la papauté.

Les Romains portent encore, en grande partie, la esponsabilité du schisme qui désola l’Eglise à la n du xrv" siècle. Ils voulurent faire cesser la cause e leur ruine, qui n'était autre que l’absence delà apaulé. Du vivant de Grégoire XI, leurs ambassæurs sommèrent le Pape de revenir à Rouie, « lui ertiûant, au nom de leurs commettants, que s’il ne ransférait la eour pontiOcale à Rome, les Romains e feraient un Pape, qui s’engagerait à fixer sa deleure et sa résidence au milieu d’eux » ; déposition aite en iSgo par Nicolas Eymeric, inquisiteur en ragon, dans L. Gavet, Le grand schisme d' Godent, t. I, pièces justilicalives, p. 119. D’après le bâlelain du château Saint-Ange, l’abbé du Montassin était prêt à jouer le triste rôle d’antipape L. Gayct, op. cit, pièces justificatives, p. 157). ien plus, plusieurs Romains complotèrent de niasacrer les étrangers qui composaient la cour pontifiale et surtout les cardinaux, afin de forcer le pape à se xer à perpétuité dans la Ville éternelle (L. Gavet,

op. cit., pièces justificatives, p. 120). Enfin, d’après le cardinal Hugues de Montalais, un cardinal romain s’apprêta à attenter aux jours de Grégoire XI, « afin que l'élection future eût lieu à Rome, sa ville natale, où il comptait des amis nombreux et puissants, et qu’il put lui-même être élu Pape » ; L. Gaybt, op. cit., l. ii, pièces justificatives, p. 162. Par conséquent, le séjour des Papes en Avignon ne fut pas, comme on l’a dit, la cause principale du Grand Schisme d Occident, mais seulement l’occasion. Cependant, par sa durée extraordinaire, ce séjour exaspéra les Romains et les détermina à exercer une pression sur les cardinaux, lors du conclave au cours duquel Urbain VI devint Pape. Si, comme il en annonça le projet, Grégoire XI eût quitté à nouveau Rome, selon toute vraisemblance le schisme aurait éclaté. Lui vivant, la crise eût été plus facile à résoudre. Malheureusement il mourut trop tôt ; et les cardinaux n'écoutèrent pas les sages conseils du pontife expirant.

Sources. — Les mémoires présentés à Jean XXII par Bertrand de la Tour et Bernard Gui sur l'état politique de la Haute-Italie en 1317 ' S. Riezler, Vatikanisclie Akten, Innsbruck, 1891, p. 2a-3y. — Uue lettre très intéressante d’Aimeric de Chàlus, rtcteur de la Roniagne (28 février 13ai) ; Fantuzzi, Monnmenti Bavennati, Venise, 1891, t. V. p. 891. — H. Finke, Aus den Tagen Bonifaz VI/I, Miinster, 1902 ; Papsttum und Untergang des Templerordens, Miinster, 1907 ; Acla aragonensia, Miinster, 1908. — S. Baluze, Vitæ Paparum Aveniuuensinm, Paris, 1693 et la nouvelle édition par G. MoUat, t. I, Paris, 19 16. — Hegestum démentis Papæ V, Rome, 1884-1892, 8 vol. — Les registres des Papes du xiv « siècle publiés par l’Ecole française de Rome. — A. Segré, I dispacci di Cristofuroda Piacenza proeuratore Mantoyano alla corte pontiftcia, dans Archifio storico italiano, série V, t. XLIl^igog), p. 37-96 et XLIV (1909), p. 253-320. — Santa Caterina da Siena, Le lettere, éd. P. Misciatelli, 3 tomes. Sienne, 1912-1913. — F. Novati, lipisliilario di Coluccio Salutati, Rome, 1891-igi i, 4 '^'ol’i'nes. — Les œuvres de Pétrarque, éd. de Bàle, iô81 ; voir surtout la canzone xvi, Italia mia, qui dépeint l'état malheureux où se trouvait l’Italie en 1344 MoNOGRAPHiEs. — C. Wcnck, Clemens V und Heinrich VU, Halle, 1882 (excellent livre). — G. Lizerand. Clément V et Philippe IV le Bel, Paris, 1910 (ouvrage rempli d’inexactitudes). — K. Wenck, Aus den Tagen der Zusammeiikunft Papst Kleinens V und Konig Philipps des Schonen zu l.yon (1305-1306) dans Zeitschrift zur Kirchengeschichte, t. XXVIl, p. 189-203. — V. Inglese d’Amico, Lotta tra Bonifazio VIHe Filippo il Belloe cause determinatrici del trasporto delta sede pontificia in Avigncjne, Belluno, I914- — Sur les guerres qui ensanglantèrent l’Italie au xiV siècle, on trouvera la bibliographie nécessaire dans G. Mollat, Les Papes d’Avignon, 3 « édition, Paris, 1920, p. 129-191. — L. Bréhier, L' Eglise et l’Orient au Moyen Age. Les Croisades, Paris, 191 1. — J. Gay, Le pape Clément VI et les affaires d’Orient, Paris, 1904. — L. Pastor, Histoire des papes depuis la fin du Moyen.4ge, Va.Tis, 1907, 3 « édition(très insuffisante et vieillie pour le niV siècle). — E. AUain, Le registre de Clément V dans La Controverse et le Contemporain, t. XIV (1888), p. 343-376, 642-662 (excellents articles). — C. Hoefler, Vie avignonesischen Piipste, ihre Machifiille und ihr Untergang dans Almanach der Kaiserlichen Akademie der U’issenschaften, 210 année. Vienne, 1871, p. a31285. — J.-B. Christophe, Histoire de la l’apaulé 1543

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pendant le xiv siècle, Paris, 1853 (surtout la préface du tome III). — F. Mourret, Histoire générale de l’Eglise, Paris, 1918, t. V, I.a Renaissance et la Héfurine (écrit presque entièrement d’après des ouvrages anciens, dénués de valeui-). — R. Moeller, l.udtvig der Bayer und die Kiirie im Kampf uni dus lleicli. Berlin, igi^. — L. Frati, Il saccheggio del castello di Porta Galliera nel I331 dans Atlie memorie délia lieale deputazione di Storia l’a tria per le praincie di Honiagna, t. ii, série a (191 2), p. 41-90.

II. Le servilisme des Papes d’Avignon â l’égard des rois de France. — Un grand nombre d’historiens ont taxé de servile l’attitude des papes d’Avignon vis-à-vis des rois de France. Parmi les modernes, Gregorovius ailirme qu’ils furent leurs esclaves (Storia delta Ctttà di Jtoma, Rome, lyoi, t. III, p. 203’20/|). Hase les traite n d’évêques de cour français » ; Kircliengeschichtf, 1877, p. 298. Martkns assure qu’ils n’eussent pas osé faire acte de gouvernement sans l’approbation des souverains de France ; ]tie /leziehungcn der i’ehernrdining, jXebenordnung und l’nterordniing z^iischen Kirclte nnd Staat, Stuttgart, 1879, p. 130. Suivant P. Lkhugkur, sous Clément V et Jean XXII, l’Eglise d’Avignon demeura

« l’église nationale de France, suzeraine des autres

églises, mais elle-même dans l.i dépendance d’un roi » ; Histoire de Philippe V le Long, roi de France, Paris, 1897, p. aoo. D’après L. Pastor. en devenant française, la papauté perdit son caractère d’universalité et excita contre elle les soupçons des peuples et des sentiments d’aversion ; Histoire des papes depuis la fin du Moyen Age, Paris, 1909, t. I, p. 74 et suiv.

Tout d’abord, remarquons que le servilisme consiste dans une soumission aveugle à la volonté d’un maître qui a droit de commander ou dont on subit la contrainte. Taxer les papes d’Avignon de servilisme à l’égard des Ca[)étienset des Valois, équivaut donc à dire que leur action gouvernementale fut dirigée par les rois de France. Sans doute, C^lémentV subit, plus qu’il ne convint, la maîtrise de Philippe le Hel. Il sut pourtant se dérober maintes l’ois à ses instances. Dans les procès des Tem[)liers et de Bonil’ace YHl, il ne céda qu’à demi aux exigences du prince. Il réussit souvent à détruire ou à mitiger l’efTeldes concessions qui lui « valent été arrachées. S’il supprima l’ordre du Temple, il n’en donna pas au roi les biens immenses qui furent attribués aux Hospitaliers. S’il ordonna de canceller des registres pontilicaux certains actes de Boniface VIII. contraires à la France, il attesta la légitimité de l’élection de Benoit Caétani et la validité de la renonciation de Célestin V, en canonisant celui-ci sous le nom de Pierre de Morrone. Philippe le Bel désire-t-il ardemment l’élection à l’Empire de son frère Charles d Valois, en 1308, Clément V s’arrangera de façon à intervenir trop tard et très mollement en faveur du prince. Bien plus, au grand dépit du roi de France, il s’empressera de conlirmer l’élection de Henri, comte de Luxembourg.

Quant aux successeurs de Clérænl V, ils adoptèrent une politique constamment favorable à la France, mais exempte de servilisme. Les preuves d’indépendance abondent.

La faveur des papes d’Avignon fut marquée svirtoul par l’aide linanciére prëtéeaux roisde France. llsleni’permirent de jouir de certains impôts prélevés sur les bénéfices ecclésiastiques, tels que les décimes, les annales et les subsides caritatifs. Le présent était certes d’importance. En 1330, le rendement net de la décime entrée dans les caisses royales s’éleva à 365.990 livres tournois, lisons, 8 deniers, soit envi ron, en valeur intrinsèque, 4.872.936 fr. 80 (J. Viaiid, J.es ressources eitraordinaires de La royauté sous Philippe Vide Valois, dans Revue des questions historiques, t. XLIV (1888), p. 167-218). Au moment des crises monétaires que (U’ovoquèrent les malheurs de la Guerre de Cent ans. Clément VI et Innocent’VI avancèrent à la royauté française des sommes d’argent considérables (M. Faucon, Prêts Caits aux rois de France par Clément IV, Innocent VI et le comte de lieaufort ; dans Rihliothèque de l’Ecole des Chartes, t. XL (1879), p. 570-678, et E. Gôller, Invenlariuni instrunienlorum Camerac apostolicae. Verzei-I hniss der Schuldurkunden des pâpstlichen Kamntcrarchii’s, dins Riimische Quartalschri/t fiir christliche Altertums-Kunde und Kirchengeschichte, t. XXIII (1909), p. 62-109).

Ce])endant la cour d’Avignon ne réserva pas ce genre de faveurs uniquement aux rois de France. L’empereur Charles IV, les rois d’Aragon, de Castille, de Majorque, de Naples, de Hongrie, de ti : >rvège et d’Angleterre jouirent de certaines décimes et de prêts. Malgré cela, il semble que les secours financiers consentis à la royauté française dépassèrent, tant par le nombre que par l’évaluation, ceux dont bénélicièrent les souverains des autres nations.

Non contents d’assurer aux rois de France un concours pécuniaire appréciable, les papes d’Avignon secondèrent encore elljeacement leur polique extérieure. Si, par exemple, Philippe V le Long triumpha des Flamands, ce fut. selon l’expression pittoresque d’un chroniqueur, « par les armes papales », c’esl-àdire grâce aux sentences d’excommunication et d’interdit prononcées contre les rebelles (P. Lbiiugbuh, Histoire de Philippe V le Long, [i. 120-150). Dans la suite, Benoît XII s’ingénia à empêcher l’alliance des villes flamandes avec l’Angleterre ; il excommunia Guillaume comte de Hainaut, qui s’était révolté contre son suzerain Philippe VI de Valois et allié au roi d’Angleterre. Quand, sous riiitluence de la France, des fiançailles unirent Henri IV comte de Bar à Yolande, fille de Robert de Cassel, promise auparavant à Louis de Mæle, le pape craignit qu’un conilit n’éclatàtentre les inaisonsde Flandre et de Bar. Pour parer au péril, il remit à la reine de France une dispense de mariage et lui laissa la faculté d’en disposer suivant son bon plaisir. Edouard II ! brigue-t-il la main de Marguerite de Flandre pour son fils Edmond, comte de Cambridge, l’rbain V lui refuse la dispense nécessaire pour réaliser l’union désirée et l’accorde, auconlraire, à Charles V en faveur de Philippe, duc de Bourgogne (R. Delachbnal, Histoire de Charles V. Paris, 1916, t. III, ]). 499-510).

L’altitude des i)apes d’Avignon vis-à-vis de la France, malgré les apparences contraires, n’est aucunemententachée deservilisme. L’aide linanciére fournie par Jean XXII n’a d’autre but que de rendre réalisable la croisade dont les Capétiens et les Valois sont les capitaines généraux. Quand Benoît XII se rend compte de l’impossibilité du saint voyage outre-mer, sa sympathie se refroidit soudain à, l’égard de Philippe VI. A ce moment il enlève au’roi les décimirs et « se ressouvùuit des nombreux griefs de l’Eglise de France conlTe l’administralioii royale «.

Si les Papes d’Avignon secondent de tout leur pouvoir la diplomatie française, c’est que leur intérêt propre le leur conseille. Jean XXII fi.itte Philippe le Long, Charles le Bel et Philippe de Valois, afin de leur faire accepter sa politique italienne et de s’assurer leur appui contre Louis de Bavière.

Benoît XII avait résolu d’isoler ce prince et de le forcer, parce moyen, à s’humilier devant son autorité. Philippe VI recherchait l’alliance du Bavarois ; i :  ; '.5

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Benoit le lui interdit. Le roi désire interveTiir lomnie médialeiir entre l’Ecosse et l’Ansleterrc ; le pape l’en dissuade et l'évincé. Pliilippe prononce la conli-.cation de la Guyenne ; lîenoit l’invite à la révoquer. Ue 133^ à 13/|i, le souverain pontife eniix'-clie le roi de France de prendre l’olFensive, alors qu’Edouard lU, privé des secours que lui avaient promis ses alliés, aurait pu être facilement écrasé par son adversaire.

Débarrassés de tout souci du côté de l’Empire, Clément VI, Innocent "VI, Urbain V et Grégoire XI reprennent les projets de croisade abandonnés par BenoU XII. Or, le saint voyage outre-mer n'était possible qu'à la suite de la réconciliation des rois de France, chefs éventuels de l’expédition, avec ceux d’Angleterre. Aussi les papes poursuivent-ils avec une obstination inlassable le rétablissement de la paix. Leurs légats sont sans cesse par voies et par chemins, courent les champs de bataille, négocient des trêves ou des armistices. Les traités que fait signer Innocent VI consacrent en réalité, d’une manière éclalanle, le triomphe d’Edouard III et l’affaililissement de la monarchie français ;. Ainsi, bien que la France et la Papauté suivent une politique extérieure le plus souvent commune, l’une et l’autre ne cherchent en somme que leurs intérêts particuliers (H. DRr.Ar.iiBNAL. Histoire de Chartes T, t. III, p. /(g8-510 ; E. Dkpbeî ; , Les préliminaires de la guerre de Cent Ans. La Papauté, la France et l’Angleterre {13'i%-1'13'^), Paris, 1902 ; M. Pbou, Etude sur les relations politiques du pape l’rbuin V avec les rois de France Jean H et Charles K(136218^o), Paris, 1888).

Les papes d’Avignon favorisèrent encore la politique intérieure des rois de France., Tean XXII, par exemple, dissoudra les ligues féodales qui s'étaient formées contre Philippe V le Long, au début de son règne. Il empêchera la reine Clémence, veuve de Louis X Hulin, de se joindre au parti des mécontents. Il ne nommera pas Guillaume de Flavacourt archevêque de Rouen, parce que Charles, comte de la Marche, le lui a recommandé. Charles n’a pas sa faveur, parcequ’il ne possède pas celle dePhilippe V. Mais si le pape agit ainsi, c’est pour écarter tout péril domestique de la personne du roi, devenu chef delà croisade.

D’ailleurs, Jean X.XII ne dépasse pas la mesure dans les complaisances qu’il a pour le roi. Il intervient directement dans les aft’aires du royaume. Il impose, de sa propre autorité, des trêves à des seigneurs, tels que Amanieu d’Albret, Sans-Aner du Pin, Béraud de Mercœur, Hugues de Chalon, Mathe et Bernard d’Armagnac, Marguerite de Foix (A.CouLON, Lettres secrètes et curiales de Jean XXIL, Paris, 1906, t. I, n. 3a-36, 583-588, 698). Philippe V exprima son mécontentement au pape et lui contesta ie droit de s’immiscer dans les affaires de ses vassaux. Jean XXII ne lui donna pas satisfaction. « A coupsCir, mon (ils, écrit-il, si vous réiléchissiez avec quelque attention aux événements que peut réserver l’avenir, vous ne sauriez désapprouver ni trouver préjudiciable, pour vous-même et votre royaume, l’exercice du droit qui appartient au Siège Apostolique d’imposer des trêves » ; Coulon, op. cit, n. 904. Dans d’autres circonstances, le souverain pontife maintint dans toute sa rigueur l’ancienne théorie de la supériorité de la puissance spirituelle sur la temporelle. Philippe V se plaignit que des clercs pourvus de lettres apostoliques eussent la préférence dans l’obtention de bénéfices dont lui-même avait nanti ses favoris ; Jean XXII réconduisit (.. Coulon, op. cit., n. 957). Le roi demanda la nomination à des évêchés de clercs qu’il agréait spécialement, le

pape s’y refusa (.. Coui.oN, op. <(/., n. ^a et 667). Philippe V insista pour que l’on suspendit la procédure entamée contre un membre de son conseil, l'évêque de Meiide Guillauine Durant, accusé d’avoir tenu des propos schismatiques ; Jean XXII passa outre (A. Coulon, op. cit., n.775). Haoul de Pereaux a-t-il encouru la disgrâce royale, il trouve un protecteur elhcace dans la personne du pape (A. Coulon, op. cit., n. 7a). Bien plus, le démembrement de la province ecclésiastique de Toulouse en plusieurs évéchésa lieu sans que le roi de France soit consulté ou pressenti (A. Coulon, op. cit., n. 871, liio, b16, 330, etc.).

Ces quelques exemples, choisis entre beaucoup d’autres, prouvent quelle indépendance Jean XXIi affichait à l'égard de Philippe V. Sous les régnes de Charles le Bel, Philippe VI,.Ican II et Charles V, lui et ses successeurs s’immisceront dans les affaires du royaume, avec cette dilférence toutefois que leur voix sera moins écoutée. La juridiction de la cour d’Avignon s’exercera en France sans i ; randes entraves, souverainement même. Quelques dillicullés surgiront ausujet de l’application du droit de dépouilles. Les héritiers des évéques défunts réclameront près de la justice royale. Dans tous les cas connus, le dernier nol reste au Ose pontilical. L’action des officiers du roi n’a consisté généralement qu'à retarder le règlement de succession contestée. Les collecteurs apostoliques accompliront leur besogne sans rencontrer de sérieux obstacles.

Rien ne démontre mieux combien les Papes d’Avignon étaient vraiment indépendants des rois de France, que l’accomplissement d’un dessein longtemps mûri par LTrbain V : le retour du Saint-Siège à Home. Cette résolulion consterna la cour de Paris, quand elle y fut connue en septembre 1366. Charles ' tenta un sujirême effort. Il envoya en Avignon une ambassade solennelle. Ancel Clioquart, au cours d’une audience, exposa longuement au souverain pontife les raisons qui condamnaient le départ pour Rome, Son maître argument resta sans effet. Il disait : « Ne devez-vous pas, très Saint-Père, songer avant tout à apaiser les contlils, qui menacent d'éclater de toutes parts, et rendre la paix à ce peuple au milieu duquel vous avez vécu, alin de ne pas ressembler au mercenaire qui, voyant venir le loup, s’enfuit parce qu’il n’a cure des brebis, conliées à sa garde ? » Il avertissait encore le souverain pontife des dangers qui le menaceraient en Italie. S’inspirant de la légende suivant laquelle saint Pierre demanda au Christ : « Seigneur.où allez-vous ? », il posait la même ([uestion au pape et lui faisait répondre « Je vais à llome. » A quoi il répliquait : « Pour y être de nouveau cruciGé. » Les cardinaux joignirent leurs instance- ;.T celles des ambassadeurs de Charles V. Rien ne fléchit la résolulion d’Urbain V. Grégoire XI, son successeur, montra la même obstination, quelques années plus tard. Malgré les supplications de la cour, les reproches de ses parents et les remontrances du .Sacré-Collège, il s’embarqua à Marseille, le 13 septembre 137C1, et lit voile vers l’Italie. Mais, reniarqTions-le, ni Url>ain V, ni Grégoire XI n’eussent réussi à quitter le Comtat-Venaissin, si leurs prédécesseurs n’avaient pas travaillé sans relâche à la pacification de la Péninsule. En poursuivant cette noble entreprise, les Papes d’Avignon ont montré une réelle indépendance vis-à-vis des Valois.

BiBLioGRAi’UiR. — P. Fournicr, Bulletin critique, 2' série, t. VII (1991), p. 163-167 et t. VIII (1902), p. 84-89. — P. Richard, La captivité de Babylone à Av ! < ; ncn (l3lli-l378) dans L’Université catholique, t. LXVI (191 1), p. 81-101 (superficiel). — A. 1547

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Noyon, Les Papes d’Avignon dans Les Etudes, t. CXXXIII (191a), p. 646-655 (l’auteur ne semble guère connaître le sujet qu’il traite). — G. Mollat, Lss Papes d’Avignon, Patk, 1920. p. 329-28 ;. — J. Haller, Papstluin und Kirchenreform, Berlin, 190.3 (P. 24> on lit : Die Pcipste des vierzehnten Jahrhunderls tvaren keineswegs machlose Kreaturen des franzûsischen Hofes). — E. Berger,./ean..’fl et Philippe le Long, dams Journal des Savants, 190/1, p. 375-286 ; Jacques II d’Aragon, le Saint-Sièi ;e et la France, ibidem, 1908, p. 281-294, 348-35g. — J. M. Vidal, Les origines de la province ecclésiastique de J’otilouse, Toulouse, igoS. — J. P. Kirscli, Die Riickhehr der Pàpste l’rban V und Gregor XI von Avignon nach Rom, Paderborn, 18g8. — L. Mirot, La politique pontificale et le retour du Saint-Siège à Home en 1376, Paris, 1899. — P. Fournier, Le royaume d’Arles et de Vienne. Paris, 1891. — A. M. Hulfelraann, Clemenza von i’ngarn, Kônigin von Franhreicti, Berlin, igia. — G. Daumel. Introduction aux Lettres closes, patentes et curiales de Benoit XII, Paris, 1920.

III. Le népotisme à la cour d’Avignon- — Le népotisme des Papes d’Avignon est un fait avéré. Il exista à un degré extrême en Clément V. Il valut au pape le blâme universel des chroniqueurs contemporains. Porte-voix, sans doute, de l’opinion publique, le cardinal Napoléon Orsini l’accusera d’avoir livréles biens de l’Egliseau pillage (S. Baluze, Vitae Paparum Avenionensium, ancienne édition, t. 11, col. 291)..gostino Trionfo, un des plus chauds défenseurs de la papauté sous le pontiUcat de Jean XXll, a laissé un mot cnii-l : u Parmi tous les autres souverains pontifes, qui parurent charnels et aimèrent leur chair et leur sang à cette époque, celui-ci |Clément V] sembla le plus attaché à sa chair » ; H. FiNKR, Aus der Tiigen Bonifaz VIII, Miinster, 1902, p. 93.

Clément, en effet, valétudinaire, trop débonnaire, ne sut pas résister aux sollicitations intéressées des siens. Dès le mois de juillet 1305, commence une généreuse distribution de bénéfices ou d’honneurs ecclésiastiques à ses neveux, à ses alliés, à ses [larents et à ses conii)atriotes. Cinq membres de sa famille,.-Vrnaud de Cantaloup, Arnaud de Pélagrue, Kainiond de Farges, Kairaond de Got, Bernard de Garves reçurent la pourpre cardinalice. Ni les uns ni les autres ne se signalèrent par des exploits soit avant, soit après leur promotion. Les évêchés les plus riches de France, tels que ceux de Rouen et de Toulouse, sont donnés à Bernard de Farges et à Gailhard de Pressac.

Les laïcs n’ont pas moins de part aux bonnes grâces du pape. Ils sont pourvus de rectorats ou de charges importantes dans les Etats de l’Eglise et se c.ontenleiit généralement de toucher les émolumeuts des t’( » nctions qu’ils n’exercent pas par eui-mènie-^. Le frère aine du pape reçoit le duché de Spolète. Ses neveux ou ses parents gouvernent la (^ampanie, la marche d’Ancône, Massa Trebaria, Cilla di Castello, Urbino, Bénévent, le Comtat Venaissin, Ferrare, le Patrimoine de Saint-Pierre, Todi, Narni, Rieti, les Maremmes, par l’intermédiaire de vicaires qui pressurent ou spolient les populations.

Clément V ne se contenta pas d’enrichir ses proches aux dépens de l’Eglise ; contrairement aux prescriptions de Boniface VIII, il sollicita pour eux les faveurs des rois. Philippe le Bel gr.Ttilia son frère Arnaud Garsiasde Got de la vicomte d’.uvillars et de Lomagne, et son neveu Bertrand de Got de la seigneurie de Duras. Bertrand de Got reçut encore d’Edouard II le château et la ville de Blanquefort,

et de Robert roi deNapIes les châteaux et seigneuries de Perbois, Meyrargues, Penna Savordona… Enlin, Clément V légua par testament à ses parents, amis ou familiers, plus d’un tiers du trésor pontilical (F. EuRLB, Der Nachlass Clemens V und der in Betreff desselben von Johann XXII gefiihrte Prozess ; dans Archiv fiîr Literatur-und Kirchengeschichte, t. V(.88g), p. 13y).

Jean X, ll porta, lui aussi, â lexlrème l’affection familiale et l’estime de ses compatriotes.il prodijnia les biens temporels à ses frères et à ses sœurs, à ses neveux et à ses nièces, à ses proches, â tous ceux qui de près ou de loin se rattachaient aux Duèse. Pierre Duèse, son propre frère, reçut jusqu’à Oo.ooo llorins d’or pour l’achat de terres dont l’une l’institua vicomte de Caraman. Les Qtiercynois remi plirent tous les emplois et dignités de l’Eglise. Ceuxci sont revêtus de la pourpre cardinalice, ceux-là chargés de l’administration matérielle de la cour ou de la maison pontificale ; les iins sont légats ou nonces, les autres pauetiers, échansons, scribes ou chambriers (E. Albr, Autour de Jean XXII. Les familles du Quercy, Rome, 1903-1906, et Maison d’IIébrard et maisons appareillées ou alliées, Cahors, 1900).

Cependant le népotisme de Jean XXII dill’ère essentiellement de celui de Clément V. On peut alléguer des circonstances atténuantes en sa faveur. Les complots du début de son règne, révélés au cours du procès instruit contre l’évéque de Cahors, Hugues Géraud, avaient excité en Jean XXII le désir légitime de s’entourer d’amis sûrs et de cœurs dévoués. Deux maîtres de l’hôtel ])ontilical n’avaient-ils pas accepté de mêler aux breuvages et mets présentés au pape des poisons lents, comme l’arsenic I (E. Albb, Hugues Géraud, évêque deCahors. L’affaire des poisons et des envoûtements en 1817, Cahors, 1904). En second lieu, Jean XXll plaça sur les sièges épiscoi >aux de la Péninsule des gens sur qui compter, afin d’assurer le triomphe de sa politique italienne. Hors d’Italie, il composa l’épiscopat de ses créatures, afin de centraliser fortement le pouvoir entre ses mains. Enlin, Jean XXll accorda ses faveurs à bon escient. Un Bertrand du Pouget, un Gaucelme de Jean, un Bertrand de Montfavès, un Gasbert de Laval, un Aimericde Châlus, pour ne citer que quelques noms illustres, rendirent à l’Eglise des services éminents ; E. Albb, Autour de Jean.VXII, op. cit., et Le cardinal Bertrand de Montfavès de Castelnau-Montratier, Cahors, 1904.

Le népotisme n’eut aucune prise sur Benoît XII. Gilles de Viterbe lui a prêté un propos qui, s’il n’est pas authentique, dépeint à merveille son rigorisme : n Le pape, aurait-il dit, doit ressembler à Melcbisédecli qui n’avait ni père, ni mère, ni généalogie i ; Pagi, Breviarium hisiorico-chronologico-criticum, t. IV, p. ii’j. De fait, aucun de ses proches ne fut gratifié de la pourpre cardinalice. Guillaume Four-. nier, son neveu, est averti par un curieux billet du cardinal Bernard d’Albi que sa venue en Avignon ne lui vaudra pas les bonnes grâces de son oncle :

« Sachez, lui écrit-il, qu’en notre seigneur la nature

ne parle aucunement. Quoique le mariage de sa nièce Faiaga avec le lîls d’Arnaud, sire de Villiers, ait été contracté en Avignon, Benoît XII se refusa à ce quil y fut célébré avec pompe ; J. M. Vidax, Lettres communes de Benoit XII, n. 7601.

L’avènement de Clément VI marqua un retour aux procédés de Jean XXU. Au lieu des Quercynois, ce furent les Limousins qui possédèrent les biens d’Eglise. Leur influence devint tellement prépondérante qu’ils lirent élire papes deux des leurs. Innocent VI et Grégoire XI. A l’exemple de Jean XXII, 1549

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Clément VI eut des compinisnnees pour les siens. Grâce à lui, son neveu Guillaume Roger de Beauloit acquit la vicomte de’l’urenne, reçut des cadeaux importants des rois de France et arrondit ses domaines. Les autres membres de sa famille ne lurent pas moins gâtés (S. Haluzo, Viliie Papanim.Ueiiioiiensiiiin, t. ii, col. 671 67.3, 678, 777, 7^2 et K. Albk, Titres et Hocuinents concernant le Limousin et le Quercy, du temps des Papes d’Avignon, Brive, 1906). Sous Grégoire XI, la Cauiille de Beaufort reçut encore des faveurs inipurlantes. Lejiape combla de cadeaux sa sœur Alice (G. Mollat, Etudes et documents sur i/iistoire de Bretagne, p. 171). Le 28 mars iS-^i, il reconnut son lieau-frère, Aymar VI de Poitiers, comte de Valentinois et de Diois, comme son vassal, moyennant un don de 3d.ooo llorins (J. Chealier, .Mémoires pour l’histoire des comtes de Valentinois et de Dinis, Paris, 1897, t. I).

Urbain V, tout dévotqu’il lïit, ne négligea pas non plus les intérêts de ses compatriotes ou ceux de ses proches. Son pays natal fut d comme inondé de Taveurs et de bienfaits ». A son instigation, les rois ie France alIVancliirent de tailles bon nombre de fiefs de la famille Grimoard et déchargèrent d’impôts ses itenanciers. Anglic Grimoard, son frère, devint évêque d’Avignon et lut chargé de hantes missions en Italie ; M. Cuvii.i.vN, Le bienheureux Urbain V, Paris, 1911, p. 107-118.

Mais, de même qu’au temps de Jean XXII, les prélats pourvus de sièges épiscopaux par Clément VI, Innocent VI, Urbain V et Grégoire XI, ne déméritèrent pas en général. Les biographies succinctes que Baluze a données d’eux montrent que beaucoup Turent des hommes remarquables ; Baluze, ’itae Paparum Avenionensiuni, anc. éd., t. I, voir les notes qui terminent le tome.

Le népotisme, qui choque tant les modernes, Q’étonnail guère les gens du Moyen Age. Avant le jtiv siècle, il existait dans l’Eglise. Il atteignit son ipoint culminant à l’époque de la Renaissance. C’est que, dans le pape, il y a un double personnage : le roi et le chef de l’Eglise. En tant que roi, le souverain pontife apanage ou comble de faveurs les membres de sa fauiille, comme le font les autres monarques du monde chrétien. En tant que maître de l’Eglise, il tient à se créer des clients fidèles — on peut dire des vassaux —, eu octroyant avec largesse les biens et les honneurs ecclésiastiques à ses favoris. Ainsi, en face des rois qui en Occident resserrent les liens de dépendance existant entre eux et leurs sujets, les souverains pontifes placent une Eglise fortement constituée et docile à leurs ordres.

Si le Saint-Siège pourvoit de gras et d’abondants bénéfices les cardinaux et les olliciers de la cour pontificale, c’est pour servir des appointements à son personnel, sans bourse délier. En cela, il imitait l’exemple des rois qui faisaient à leurs courtisans des dons en argent ou en nature et en terres, provenant généralement de confiscations (J. Viviin. Documents fiarisiens du ri’gne de Philippe VI de F « /ois, Paris, 189g, t. I, p. viii-ix ; Rymkh, Foedera, conventiones, liteiæ et cujuscutique generis acla piiblica interreges Angliæ etalios quusvis imperatures, reges, pontifices, principes vel communilates, La Haye, 17311-1740, les trois premiers tomes ; J. F. BcEUMER, Kegesta Imperii, t. VI et Vil et les adjonctions de Hiiber ; J. Schwai.m, Cunstitutiones et acl/i publica inipe’ntorum et regum, t. IV, V, VI et VUI dans la collection des Mimumenta Germaniae Justurica. Legum section IV, ILinovre, igoô-iyi^)- Celle conception singulière amenait des conséquences fâcheuses. Plus la fonction, remplie à la cour, était importante, plus elle nécessitait de

revenus et par suite de bénéfices. A une époque où les finances pontificales étaient fort peu prospères, le Saint-Siège se voyait acculé à cet expédient.

Enfin, au xiv" siècle, il n’y avait point distinction entre trésor d’Etat et caisse privée. Le pape disposait des revenus de l’Eglise, comme si ceux-ci étaient sa propriété personnelle. Ajoutons d’ailleurs, que les libéralités familiales constituent une très petite part des dépenses pontificales. Sous Jean XXII, elles ne représentent que 3, 93<70 de ces mêmes dépenses (K. H. Schækkr, Die Ausgaben der apostolischen Kammerunter Johann.V.V//, Paderborn, 191 1, p. 361).

Bibliographie. — L. Schmitz, Die Kardiiicde und die ÎYeputen der Pdpste des li Jahrhundert, dans DasFreie IVort, 1908, t. VUI, p. 542-548, 575-682.

IV. Le luse à la cour d’Avignon. — La situation politique des papes n’avait pas cessé de grandir depuis le pontificat de Clément II, vers le milieu du m^ siècle. Leur prééminence s’était accusée au cours des luttes du Sacerdoce et de l’Empire. Le souverain pontife, dans l’estime de la chrétienté aux XII’et XIII* siècles, n’avait d’égal ni dans les rois, ni dans les empereurs. Il les surpassait tous. Avec le progrès de la richesse générale, il était devenu, au xiii" et surtout au xiv= siècle, le centre d’une société fastueuse. Les pnpes d’Avignon vécurent en princes et soutinrent magniliquement leur j personnage. Leur cour brilla par un déploiement de luxe extraordinaire dont E. MÛNrza donné naguère quelque idée ; L’argent et le lu.re à la cour pontificale, dans lievue des questions Historiques, t. LX I (1899), p. 5-44, 378-406. Elle fut, sous Clément VI, le rendez-vous des plus beaux esprits de l’époque. On y rencontrait des peintres italiens ou allemands, dessculpteursel des architectes français, des poètes, des lettrés, des physiciens, des astronomes, des médecins. On y donnait des bals, des tournois, des fêtes, des repas de noce. Un Italien, témoin oculaire, nous a laissé le récit d’une réception grandiose qu’offril, en 1343, à Clément VI, le cardinal Annibal de Ceceano ; E. Casanova, Visita di un papa avignonese dans Archivio storico délia Società î/umana di storia patria, t. XXII (1899), p. 371-381.

A l’égal du pape, les cardinaux menaient une existence fastueuse. En 1316, Arnaud d’Aux a besoin de 31 maisons ou parties d’habitations pour loger tous ses gens ; en 1 32 1, Bernard de Garves en loue 5 1. Pierre de Banhac installe ses chevaux dans dix écuries, dont cinq peuvent contenir 89 animaux. Enfin, à sa mort, Hugues Roger, fils d’un petit hobereau limousin, laisse 176.000 florins d’or, c’est-à-dire près de deux millions de notre monnaie. Aussi la richesse des cardinaux provoque la verve de PiirnvnouB.

« A la place des apôtres qui allaient nu pieds, écrit-il, 

on voit à présent des satrapes montés sur des chevaux couverts d’or, rongeant l’or et bientôt chaussés d’or, si Dieu ne réprime leur luxe insolent. On les prendrait pour des rois de Perse ou des Parthes <|u’il faut a<lorer, et qu’on n’oserait aborder les mains vides » ; uk Sadb, Mémoires pour la tie de François Pétrarque, tires de ses œuvres et des auteurs contemporains, avec des notes ou des dissertations et des pièces justificatives, Amsterdam, 1764-1767, t. 11, p. 95.

Ainsi, au xiv= siècle, un fait nouveau se produit. La papauté s’applique à tirer désormais des ressources prodigieuses amoncelées tout ce que celles-ci com-I )ortent d’éclat mondain et de jouissances humaines. Elle imite en cela les puissances temporelles qui, à la même époque, deviennent plus fastueuses. La cour pontificale subit les mêmes transformations que celle de France ou celle d’Aragon ; J. Viard, /’hôtel de 1551

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Philippe VI de Valois, dans BiiVioihèque de l’Ecole des Charifs, t. LV (iSgO, p. 465-^87, 698-626 et La cour(curi<i) au comine’icemeiit du A’/T’" siècle, iliidem, t. LXXVIl (1916), p. 7/1-87 ; K. ScHWARZ, Aragonisclit Hofordnun^en iin XIII und XIY Jalirhundert, Berlin, 191^. Leculle des arts, inauguré parBoniface YIII, ne fait que grandir. Mais il n’est, remarquons-le, qu’une foi<liie contemporaine du faste dont se pare . Papauté..Somme toute, les temps des papes d’Avi{410n marquent une transformation profonde. La Papauté avait perdu son prestige moral, lors des démêlés « ntre Philippe le Bel et Boniface VIII. Elle le reconquit à partir de 1316, en se créant une forte puissance temporelle. C’est pourquoi elle arrondit C’instanimrnt ses domaines en terres d’Empire et voulut subjuguer les populations italiennes qui ne » reconnaissaient plus son autorité. Le pape s’allirma roi, et comme tel il s’entoura d’une cour magnifique où les cardinaux tinrent le rang de princes du sang. Rien donc d’étonnant à ce que le luxe régna en Avignon. Au xiv’siècle, une puissance, même d’ordre essentiellement spirituel, ne pouvait dominer le monde qu’à la condition d’asseoir sesmoyensd’aclion sur la propriété territoriale, la fortune mobilière, et surtout l’apparat qui, aux yeux des simples, a toujours été considéré comme le signe caractéristique de la richesse et de l’autorité.

Sans doute, à rendre l’Eglise riche et puissante, on risquait d’j- introduire l’esprit du monde et le désir ilu lucre. L’intérêt des âmes ne serait-il pas négligé ? i)e fait, l’exemple donné par le pape devint contagieux. Jean le Bel, simple chanoine de Liège, ne se lendait-il pas à la messe, chaque jour de la semaine, avec une escorte d’honneur composée de seize à vingt personnes I Miroir des nobles de la Ilasbaye par Jacques de Hbmricourt, éd. de Salbray, p. 158. Les clercs se revêtent d’habits somptueux, faits d’étoffes à dessins quadrillés comme les cases d’un échiquier. Ils se chaussent de souliers à la poulaine, fort à la mode. Us portent les cheveux longs, contrairement aux usages ecclésiastiques. Sauf exception, les évêques, comme le remarque un cistercien, Jacques de’I’hérinbs, « s’occupent principalement d’accroître leurs revenus temporels et leur puissance » ; Histoire littéraire de la France, t. XXXIV, p. 206. Us pratiquent beaucoup le luxe et l’ostentation. Les conciles provinciaux s’efforcent vainement d3 réduire le train de leurs maisons. Us leur interdisent sans succès d’avoir des bateleurs, des chiens et des faucons ; Hkfblb-Lkclkhcq, Histoire des Conciles, t. VI, igiS, p. 956 et Histoire littéraire de la France, t. XXXIV, p. 192 et 198. Ces mœurs cléricales, c Ttes blâmables, ne sont pas spéciales à l’époque djs papes d’Avignon. Elles existaient auparavant. Au xiv= siècle, elles ne firent que se développer, p irce que le luxe régnait dans toutes les classes sociales.

Toutefois, il convient de ne pas exagérer. Si un grand nombre de clercs vécurent en riches personnages, le XIV* siècle fut fertile en chrétiens qui pratiquèrent les vertus héroïques. Citons parmi les plus marquants Giovanni Colombini, Giovanni Tolomei, Pierre Ferdinand Pécha, sainte Brigitte de Suède, sainte Catherine de Sienne, sainte Angèle de Foligno, etc. Ces pieuses gens ne furent pas des isolés. Leurs disciples formèrent des congrégations, telles celles des Olivétains, des Jésuates, des Hicronymites. Enfin, la mystique chrétienne, qui prêchait le renoncement aux choses de la terre et l’attachement entier à Dieu, compta, au xiv « siècle, ses plus illustres représentants : maître Eckart, Jean Tauler, Henri Suso, Jean Ruysbroek, Jean Gerson et surtout Thomas a Kempis, l’auteur de l’Imitation de Jésus-Clirist, etc.

Bibliographie. — J. Guiraud, L’Eglise liomaine et les origines de la Henaissance, Paris, 1911. — F. Digonnet, Le Palais des Papes d’Aiignon, Paris, i^o-^.

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—’V. Preger, lleilruge zur Geschichte der religiosen Beægung in den Niederlanden in der zweiten Hiilfte des li Jahhunderts, Munich, 1894. — K. H. Schiifcr, Zur Kritik mittelallerlicher kirchlicher Zustande, dans Bumische Quartalschri/I, 2’partie, t. XXIII (190g), p. 35-64. — H. Delacroix, Essai sur le nnsticisme spéculatif en Allemagne au XI} siècle, Paris, 1900. — E. Schelenz, Stiidien zur Geschichte des Kardinalats im XIII. und.V/t’. Juhrhundert, Marburg, 1918. — R. André-Michel, Mélanges d’archéologie et d’histoire. Avignon, VaLris, 19ÎO. — P. Pansier, la liyrée de Thury à Avignon aux XIV’et XV’siècles et La liyrée de Poitiers à Avignon du XIV’au XVIll’siècle, dans Annales d’Avignon et du Comtal Venaissin, 1. 111(191 4-1915). p. 125 et 233.

V. Les mœurs à la cour d’Avignon. — a) Lu personne des papes. — Parmi les papes d’Avignon, trois ont été spécialement accusés de librrtinage : ce sont Clément V. Benoît XII et Clément VI.

Du premier, Giovanni Villam a tracé, dans ses Istorie /"joreHiine, un portrait peu llatté. D’après lui. Clément V fut luxurieux, si bien qu’on disait ouvertement qu’il avait pour amie la comtesse de Périgord, très belle dame, OUe du comte de Foix » ; lib. IX, cap. Lviii, dans MuRATOHi, Herum Italicarum scriptores, t. XIII, col. 47’. Le chroniqueur Pépin, interprétantun passage de Gestis Italicorum d’AtBBR-TiNoMussATO, signale aussi les bruits fâcheux qui coururent relativement à la conduite du pape. Mais il n’y ajoute pas foi. Il en donne pour explication que le Saint-Père vécut retiré du monde, — raros conventus cum confralribus hubens, locis abditis abstractus et solilarius mansit, ex quo fama contra ejus pudiciiiam taborant ; Muh.vtori, 0/). c//., t. IX, col. 702, et t. X. col. 606. S’il exagère en prétendant que Clément consulta rarement les cardinaux, il dit vrai quand il l’ait allusion à la vie solitaire que mena io pontife. En effet, pendant tout son règne, le pape soufl’rit cruellement d’unemaladie que l’on croit avoir été un cancer des intestins ou de l’estomac. Sous l’empire du mal, il devenait taciturne et vivait en reclus durant des mois entiers. Lors de la crise qui dura depuis août jusqu’à la fin de décembre 1306, il n’admit personne près de lui, sinon quatre de se » parents. Les cardinaux ne réussirent à l’approcher qu’à l’Epiphanie de 1807 ; H. Finkb, Papsttum und Cntevgang des Templerordens, t. ii, passim. Pour peu que la comtesse de Pèrigord, Brunissende, ait fréquenté la cour pontificale — elle était apparentée à la famille de Got —, la malignité publique travailla contre la mémoire du pape. Toutefois, les ambassa1553

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deurs du mi d’Aragon, si loquaces d’ordinaire, ne nicntionn « nl dans aucune de leurs dépêches la présence de Brunisscndc à In curie. Si cette lielle dame avait dominé Clément V, ils n’eussent sans doute pas manqué de recourir à ses bons ollices, dans l’intérêt de leur maître. Il n’y a donc pas de cas à l’aire des racontars rajiporlés par Giovanni Villani. Ce chroniqueur a enregistré, avec lomplaisancc, les on dit qui circulaient de son lemps.dans le dessein d’intéresser ses lecteurs. Il en a consigné d’invraisemblables dans ses Isturif Florentine. Ainsi, d’après lui. Clément V, incertain du sort réservé par l’Elrrnel à un de ses neveux mort cardinal, consulta un nécromancien. Celui-ci députa aux enfers un de ses chapelains qui vit le défunt logé dans un palais, mais couché sur un lit de feu. En face du palais, le pèlerin outre tombe vit construire un autre palais. Les démons lui apprirent que cette d( meure était destinéeà Clément V lui-même ; MunXToiii, /?erum Halicartim scriptures, t. Xlll, col. 47>, Islovie Fioienfine, lib. IX, cap. Lvm. On sait encore avec certitude que le récit de l'élection de Clément V tracé par Villani est fabuleux (hturie Fiorenline, lib. VHI, cap. Lxxx). Rabanis a naguère démontré comment il était contredit par les faits ; Clément ' et Philippe le Bel. l.eitie à M. Dareriiberf ;.sur l’entreyue de Philippe-le-ltel cl de Derirand de Gi’l à Saint-Jeand'Ânf ; ély, Paris, 1858. Le même érudit a donné de nombreuses preuves de la favon dont la légendf s’empara rapidement de Clément V ; op. cit., p. 8085. Elle lui fut généralement défavorable. Notons cependant une exception propre à étonner. On sait comment le chroniqueur FbruetoFrbreti, de Vicence, d’humeur satirique, s’est plu à enregistrer les bruits déshonorants pour les personnages de marque. A I)ropos du procès des Templiers, il dit de Clément V :

« On ne pensera pas qu’un pasteur si modéré, si

agréable à Dieu, ait commis une injustice, sous l’empire delà haine ou sur les instances d’aulrui, car personne, vraiment intégre, ne contestera qu’il ait agi en tout, bien et sagement » ; Ilisturia rerum in Italia sentiirum ah anno 1250 mque ad annum 1318 dans MtiRAToiii, lieriim Italtcarum scriplores, t. IX, col. 1018 et U. Balzani, l.e cronache italiane net .Verfio £io. Milan, igoy, p. ayi-j' ; ?.

PÉTRAHQUU nous présente un lîenoîl XII tourné en dérision par une cour licencieuse et accueilli par des railleries dans son propre entourage. D’après lui, ce fut un ivrogne, sans cesse « plein de viii, appesanti par l'âge, accablé par le sommeil » ; Epistolæ sine titiilo, 1, et de Sadb, Mémoires pour la ii’e de François Pétrarc/ue, Amsterdam, 1767, t. ii, p. 8941, et note xv. D’après un autre contemporain, (( tous les gens de la cour » tenaient le pape pour le plus grand buveur de vin » : d’où le proverbe

« Buvons ponliticalement » ; 1 !.i, u/.e-Mollat, V^itae

paparum Axenionensium, t. I, p. 286. Jean de WinTKUTUUit (Chronicon dans Archiv fin- schiveizerisclie Geschichte, t. XI (185b), p. ni). Galva.no dklla FiAMMA (MuRATORi, tîeriim Italicaruni scriplores. t. XII, col. Ioo9^, PiERHE na Hkreniuals (BaluzeMoLLAT, op. cit., t. l, p. 23/î) ont tous traité Benoît de buveur émérite. Mais Pétrarque et les chroniqueurs qui l’ont vilipendé ne méritent pas créance. L’amant de Laure l’a détracté apparemment parce que, en construisant le palais des Doms, Benoit sembla avoir voulu lixer la Papauté en Avignon. Quant aux chroniqueurs contemporains, ils ont trop complaisamment servi soit la rancune des partisans de Louis de Bavière, soit celle de moines ou de parasites de la cour pontificale, auxquels les réformes du pape avaient arraché des cris de colore. Benoit a partagé le sort de tout réformateur austère : il lut

peu aimé ; il a été décrié, haï, calomnie. Qu’il ait aimé le viii, nous ne savons. Une chose est certaine : par ses réformes et ses actes, Benoît XII a prouvé qu’il avait au cœur le sentiment de la justice et un désir sincère de corriger les abus. Son caractère énergique, tenace, dur même, lui valut bien des inimitiés. Peut-être son teint coloré accrédita t-il les propos désobligeants de ses ennemis ? En tout cas, en l’accusant d'ébriété, Pétrarque se contredit quelque peu. Ne dit-il pas que 1rs abstinences de Benoit Xll égayaient les gens de la cour ? Epitresine tititlo, I.

Au XV" siècle, un commentateur de Pétrarque, GirolamoSquarzaI’Ichi, accusa le pape de lubricité. D’après lui, Benoit XII s'éprit de Selvaggia, sœur de Pétrarque, et pria celui-ci de lui livrer l’objet de sa passion..Vyant éprouvé un refus, le pontife pressentit le frère de Pétrarque, Gérard, qui lui livra Selvaggia. Pétrarque, outré, partit pour l’Italie. Selvaggia se maria bientôt avecquelque inconnu. Quant à Gérard, pris de remords, il s’en fut pleurer son crime à la chartreuse de Montrieux (Var) ; db Sade, op. cit., t. ii, p. 67.

Balæus (Ct' ; (<u ; (a 4, appendice, chap. 92), Simon GoULART (Catalogus iestiunt veritatis qui ante nosIram aetalem reclamaverunt, Genève, 1609, p. 1820) DU Plessis Mornay (Le mystère d’iniquité, c’est-àdire l’histoire de la papaulé, par quelz progrès elle est montée à ce comble, etc. Saumur, 161 1), ont accepté l’anecdote comme telle. Ils l’enjolivèrent même et représentèrent le pape entouré de courtisanes.

Avant tout, remarquons que ces écrivains ne jouissent d’aucune autorité et que, somme toute, leurs dires reposent uniquement sur le passage analysé de Squarzafichi. Or, celui-ci se trompe étrangement. Pétrarque eut peut-être une sœur naturelle, du nom de Selvaggia, mais il n’a jamais fait allusion à son inconduite. D’autre part, on connaît, par Pétrarque lui même, les motifs qui poussèrent son frère à se faire chartreux. La mort de sa maîtresse plongea Géi-ard dans le désespoir et le détermina à se cloîtrer ; H. CocniN, f.e frère de Pétrarque, Paris, igoS, p. 32.

Les chroniqueurs n’ont pas épargné non plus Clément VI. Mathias de Neueniîubc. a prétendu qu’il était « passionné pour les femmes » ; J. F. Bôhmkr, Fontes rerum Geimanicarum, t. IV, p. 227. « Des femmes, raconte Mathieu Villani, pendant qu’il était archevêque, il ne se garda pas, mais il outrepassa la manière de vivredes jeunes barons séculiers ; pendant son pontilicat, il ne sut pas s’en passer, et il ne s’en cacha pas. Dans ses appartements circulaient les grandes dames, de même que les prélats, et parmi elles une comtesse de Turenne eut tellement sa faveur qu’une grande partie des grâces s’obtenait par son entremise. Etait-il malade, les dames le servaient et gouvernaient les autres séculiers en tant que ses parentes » ; Muratori, Ilernm Ilulicarum scriplores, t. XIV, col. 186-187. Thomas BurTON, vers 1^00, rapporte les reproches que Clément fut censé avoir reçu de son confesseur..vec cynisme, le pape aurait répondu : « Quand nous étions jeune, nous en [des plaisirs cliarnels] usions ; à présent, ce que nous faisons, nous le faisons sur le conseil des médecins. » Pour mettre lin aux murmures de sa cour, il aurait encore osé lire II un libel noir sur lequel étaient consignés les noms de divers pontifes qui furent lui)rii|iies et incontinents, et il démontra par les faits dûment enregistrés que ceux-là même régirent mieux l’Eglise et accomplirent beaucoup pins de bien que les pontifes chastes » ; Chronicon monaslevit de.Velsa, éd. Bond, Londres, 1867, t. III, p. 89. 1555

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Sainte Biigilte fait appeler par le Christ Clément amator carnis ; lievelationes, éd. Rome, 1628, lib. VI, p. 63. Enfin, d’après le Chronicon Eslense, le pape " vécut dans la luxure » ; Moratori, Rerum llalicarum scriptores, t. XV, col. 4^3.

De tous ces propos malveillants que convient-il de retenir ? D’abord, écartons comme empreints de partialité les témoignages de Matbias deNeuenbuig, de Thomas Burlon, de sainte Brigitte et des auteurs du Chronicon Esteiise. Tous sont plus ou moins victilimesde leurs préjugés. Mathias deNeuenlmrgcalomnie Clément VI, parce qu’il ne lui pardonne pas d’avoir concouru à perdre Louis de Bavière ; voir J.K. B()HMtR, op. cit., p. 227-230, 231-231. Thomas Burlon écrit trop tardivement pour mériter créance. Son animoslté contre la cour pontificale paraît à tout instant dans sa chronique. Sainte Brigitte eslviclime de ses illusions franciscaines. L’amour de la pauvreté la pousse à blâmer le luxe qui régne à la tour d’Avignon et les fêtes qui s’y donnent. En tout cas, elle ne parle pas en témoin oculaire. Le Chrontcon Estense a été rédigé loin d’Avignon, en Italie.

Mathieu Villani n’a pas non plus vécu en Avignon. Comme Jean, son frère, il aimait recueillir tous les racontars qui se colportaient de-oi, de-là. Il n’en garantit pas l’aulbenticité. Il se contente de narrer, afin d’intéresser son lecteur. Certes, la <our de ClémenlVI fut une des [dus brillantes de l’Europe, au XIV siècle. C’était le rendez-vous d’une nombreuse noblesse, égayée par des fêtes, des bals ou des tournois. Les dames la fréquentaient EllesUguraient, dans les livres de comptes delà Chambre.postolique, sous le nom de « dames de la famille du pape ». Elles furent, peut-être, plus noml)i’euses sous le pontificat de Clément VI, parcequo le pape avait beaucoup de belles-sœurs, nièces, cousines ou alliées. On sait aussi que Géciïe, comtesse d’Urgel, puis vicomtesse de Turenne à partir de 1346. Jouit d’un grand crédit près de Clément. Elle acquit de grands biens sous son pontificat, surtout en vendant la vicomte de Tarenne à Guillaume Roger de Beaufort, neveu du pontife. D’humeur impérieuse, elle dut s’attirer la haine des courtisans. "Tout cela accrédita les bruits malveillants qui circulaient contre la vertu du Saint-Père.

Mais, n’oublions pas qu’un prélat retors, astucieux, dénué de scrupules, gouvernait Milan et cherchait à accaparer la prépondérance en Italie, aux dépens de la Papauté. La calomnie ne coûtait guère à Giovanni ViscoNTi. C’est lui l’auleur d’un pamphlet répandu iiarmi les cardinaux en 1350-1351. Sous forme d’une lettre du diable à Clément VI, il adressait au pape les pires reproches ; Villani dans Mubatohi, Rerum Italicai uni sci i/jtures, t. XIV, col. 13^ et Bibliothèque nationale de Paris, ms. latin 604.

Aux dires des clironiqueurs qui colportèrent des bruits fâcheux sur la conduite de Clément VI, on peut opposer cenx d’autres chroniqueuis qui approchèrcnl de près la cour pontificale. Weunur dbHas-KBLBECKB, qui séjouma plus ou moins longtemps en Avignon et tint une sorte de journal de ce i|ui s’y passa, n’allègueriencontre le l)ape ; Baluze-Moi.lat Vitæ papnrum Avenionensium, ^&rs, 1916, 1. 1, p. 5/13550. Son impartialité ne soulève aucun doute, quoiqu’il soit partisan de l’empereur Charles IV et, par suite.opposé aux amis de Louis de Bavière ; G.Mollat, Etude critique sur les Vitæ pnparum Âfenionensium d’Etienne Haluze, Paris, 1917, p. 55-56. Jkan La Porte d’.

nonay accumule les éloges de manière à composer une sorte de litanies en l’honneur de Clément. Le pape est : clementiæ spéculum, caritutis Iwspes, niiserictirdiæ pater.pietatis allumpnusjiberalitutis minister, Justitiiie pugit, aequilatis « tliletu,

concorJiiie sator, et pacis aiiutor, modettiæ nornm, reli^ionis exeniplur, umicitiiie fumes, anchora spei, fidei hasia, cuniplacentiæ mos, eloqtientiæ flos, honor régis et patriiie deciis ; Baluze-Mollat, o^).c17., p.288. L’auteur delà seconde vie de Cléim nt VI, publiée par Baluze, n’a pas moins d’admiration pour la personne du souverain pontife. Puisani à la même source que Jean La Porte, il diracjue la mémoire du pape « sera toujours bénie » ; Baluzk-Mollat, op. ctt., p. 272. PiKRHB DK Herbnthals uole que le luxe et une pompe toute séculière régnaient à la cour d’.vignon. Il le sait par expérience personnelle ou par des tiers ; Baluze-Mollaï, o/ ;. cit., p. 298. Sur Clément VI il ne porte pas le moindre jugement défavorable. Il n’exprime même aucun sentiment. Un anonyme, dont la chronique a été reproduite assez fidèlement par un Italien du xv" siècle, loue le pape ; BALUZB-MoLLAr, op.cit., p. 289. Son témoignage mérite créance, car il ne craint ni de blâmer sa politique italienne, ni de donner des preuves de son népotisme ; Balizb-MoLLAT, op. cit., [). 294 et 296. Un inconnu du xV siècle, un Français vraisemblablement, reproche aussi à Clément ses trop grandes complaisances pour les siens ; c’est, suivant lui, la seule faute qu’on ait à lui imputer ; Baluze-MoLlat, op. cit., p. 261.

De tels témoignages sullisent amplement pour ètayer un jugement équitable. Ils entraiueiit la conviction, quand on les compare à ceux des chroniqueurs hostiles à Clément VI. L’impartialité des premiers a])paralt clairement, quoique certains exagèrent parfois les louanges, tandis que le parti pris des seconds n’est pas moins évident. D ailleurs, ceux-ci ont vécu loin d’Avignon, dans un milieu hostile à la papauté avignonnaise ; ceux-là, au contraire, possèdent l’avantage d’avoir été pour la jilupart des témoins oculaires ou d’avoir été bien renseignés.

Il reste contre Clément VI un témoignage quelque peu embarrassant, celui de Pktrarqub. « Je parle dit-il, (/e clioses fues, et non pas entendues. » Epitre sine titulo xiv ; Opéra umnia, éd. Bàle, 1581, p. 728. Il fait tenir au pape les propos les plus lascifs, qui ne laisseraient aucun doute sur ses amours illicites, s’ils avaient été réellement tenus. A Séniiramis

— c’est-à-dire à Cécile, comtesse d’Urgel — Milio (Clément VI) chante : a Je me suis trouvé une douce amie, et il me sullil d’être réchauffé par ses perpétuels baisers » ; Eglogue vi, fastorum. A.i. Bartoli a jadisexlrait de nombreux passages des œuvres de Pètrarcjue, qui constiluenl un réquisitoire accablant contre la vertu de Clément VI ; Stovia délia letterutura iluliauii, Florence, 1884, t. VU, p. 85-113. Plus récemment, M. Doiiix écrivait, à l’aide des mêmes passages, un roman historique : Au tenipsde Pétrarque (Paris. 1906). Il y dépeignait les mœurs relâchés de Clément VI et les vices du camèrier.

Si atlirmalif que soit Pétrarque, il n’est pas qualifié pour censurer la conduite du pape. Ses accusations doivent être considérées comme injr.stes et invraisemblables. Son animosilé avérée contre les papes d’Avignon fournit à l’historien un motif sérieux de douter de la vérité de ses anecdotes graveleuses. Il haïssait en Clément VI le personnage qui avait su donner un si grande lustre à la Papauté avignonnaise. Sa liairie l’aveugla au point deneplus pouvoir juger sainement les chefs de l’Eglise. i> Nul ne le croira, a-ton dit, sauf ceux qu’abuse la haine de la Papauté » ; R. Dklachenal, Histoire de Cliarles V, Paris, ig16, t. III, i>. 494. En tout cas. Clément VI ne dut pas sa fin à une maladie honteuse, suite d’une vie dissolue qu’on l’accuse d’avoir menée. Durant de i longues années il soufirit de la gravelle et eut recours à de nombreux médecins. Sa mort fut causée 1557

PAPES D’AVIGNON

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par la ruptuic tl’une tumeur interue. L’hémorragie qui s’ensuivit l’emporta dans la tombe (H. Va<jukt, Nute sur les médecins de Clément VI ; dans Mélanges d’archéologie et d’histoire, t. XXXU (1913), p. iô-i’j et E. Ukpiibz, Les funérailles de Clément VI et d’Innocent Vf, d’après les conijUes de la cour pontificale, ibid., t. XX (1900), p. 235 -j50).

La conduite de Pétrarque semble, d’ailleurs, incompatible avec les sentiments qu’il exprime au sujet dos papes d’Avignon. Gomment a-t-il reclierclié leurs faveurs, s’il les méprisait ? Pourquoi séjournat-il à une cour dont les mœurs lui faisaient horreur ? Il eût dû logiquement la fuir.

Pétrarque semble avoir pris plaisir à fournir des armes contre lui-même. De Clément VI qu’il vilipende, il a écrit : Clemens VI egref ; ins nunc liomiilei gregis pastor, tant potentis, et in’iclne mmoriae traditur ut quidquid vel semet legerlt nhlivisci, ctiam si cupiat, non possit… (De rébus memorabilibn$. lib. ii, cap. 1). Ce lanjra.se a de quoi surprendre. Si vraiment t^.léuicnt VI se livra à l’inipudicité, comme le prétend Pétrarque, il n’a pu élre « un pasteur d’elile i>.

b) Les cardinau.i — Si Pétrarque a détracté les papes, il n’a pas mieux traité les cardinaux ; voir DB Sadb, op. cit., t. II, p. gS et Baktoli, luco citato. C’est apparemment parce qu’il leur reprochait (l’user de leur inlluencepour retenirla papauté sur les bords du Rhône. Il se faisait peut-être en cela l'écho des doléances italiennes. On retrouve les mêmes teiulances chez le chroniqueur Matuihu VilLANi. D’aiirès celui-ci, Clément VI « remplil l’Eglise de plusieui’s cardinaux ses parents ; et il en Ut de si jeunes et de vie si déshonnète, si dissolue, qu’advinrent des choses de grande abomination r ; Murator : , Heruin Italicaruni scri flores, t. XIV, col. 186. Il convient de ne pas croire Villani sur parole. L’Eglise n’eut pas à rougir du plus jeune cardinal créé par Clément VI, de Pierre Roger de Beaufort, qui reçut la pourpre à 1 âge de dix-neuf an& et ilevint phis tard pape sous le nom de Grégoire XI. Les contemporains ont loué la pureté de sa vie. GoLUccio Salutati, non suspect de partialité, n’a pu que vanter ses qualités morales.

Au vrai, l’opinion italienne était exaspérée par l’absence de la Papauté. La majorité, qui appartenait au parti français, dans le Sacré Collège, l’inquiétait, à juste titre. On réunit dans la même réprobation papes et cardinaux qui semblaient vouloir frustrer, jjour toujours, l’Italiedes avantages immenses que lui avait jadis valus la présence du SaintSiège.

Pour juger les cardinaux, il vaut mieux consulter les archives du Vatican que se lier aux atlirmalions vraistuiblablement partiales des Italiens. Les documents authentiques montrent qu’ils ont pour la plupart dignement servi le Christ, durant le xiv « siècle ; voir I<'. UucuESNE, Histoire de tous les cardinauxfrançois de naissance…. Paris, 1660-1666. Certains eurent une altitude parfois choquanle, tels Napoléon Orsini, Guy de Boulogne, Talleyrand de Périgord, La politique régla trop leurs manières d’agir, parce qu’elle avait principalement présidé à leur choix. On peut leur reprocher encore leurs vues trop humaines. Quant à leurs mœurs, furent-elles pures ou impures ? Aux assertions de Pétrarque et de Villani, nous n’avons à opposer que des arguments négatifs, suffisamment sérieux pour entraîner la conviction.

c) I.a cour pontificale. — Au sens large, cette appellation convient à tous ceux qui, de près ou de loin, se rattachaient d’une manière quelconque à la personne du pape, fût-ce en qualité de l’ournisseuis. La majorité étaient des séculiers. En particulier, la

domesticité des c ; irdinaux et des autres prélats inférieurs composait un groupe iuiportanl et remuant. . tous ces gens se mêlait une foule extraordinaire d'étrangers que leurs aifaires appelaient en Avignon ou qui y venaient tenter fortune. Rien d'étonnant à ce que parmi eux se soient glissés des aventuriers de toute nature, des voleurs de profession, des usuriers, des aigrelins, des lilles de joie. Nicolas db ClkmanGKS prétend que les Italiens enseignèrent aux Français les mœurs légères et perverses ; De corrupto Ecclesiæ statu, éd. Jean Corrozet, 156a, cap. xiii, fol. 26 V. Pour sainte Brigmib, Avignon est « comme un champ rempli d ivraie qu’il faut d’abord extirper avec un fer aigu, puis purilier avec le feu, et enfin aplanir avec la charrue » ; Ilevelationes, lib. IV, cap. b"). « A la curie, dit-elle, règne un orgueil insolent, une cupidité insatiable, une luxure par trop exécrable, te Iléau détestable d’une horrible simonie » ; ibidem, lib. V, cap. 1^2. Pour Piîtrarque, Avignon est « l’impie Babylone, l’enfer des vivants, la senline des vices, l'égout de la terre. On n’y tiouve ni foi, ni charité, ni religion, ni crainte de Dieu, ni pudeur, rien devrai, rien de saint… Ce qui m’a rendu le séjour de cette ville si odieux et pire que tout, c’est qu’elle est un égout où toutes les immondices de la terre sont venues se rassembler > ; de Sadr, op. cit., t. I, 25-27. D i’près Pétrarque encore, il y aurait eu jusqu'à onze maisons publiques, tandis qu’on n’en aurait compté que deux à Rome ; éd. Bàle, fol. 1 184. Le poète ne se contente pas d’invectiver Avignon. Il peint avec beaucoup de force des scènes de débauches que les convenances empêchent de reproduire ; voir en particulier les épîtres séniles et sans titre v, vni, X, xii-xv, xvii-xxix.

Pétrarque a certainement exagéré. Avignon lui est odieuse, parce qu’elle est devenue le centre de la catholicité. Lui-même a trahi les sentiments de rancune qui l’animaient. « Quelle honte, a-t-il écrit, de la voir devenir tout à coup la capitale du monde, où elle ne devrait tenir que le dernier rang ! » Opéra omnia, p. 1081.

Cependant n’exagérons pas nous-mème. Dans une ville cosmopolite, comme le fut Avignon au xiV siècle, il dut régner une certaine inconduite. Les papes ont tout fait pour la combattre. Ils possédaient une police bien organisée et commandée par le maréchal de la cour. Les méfaits commis dans Avignon étaient sévèrement réprimés. Par exemple, en 1827, les opérations des changeurs d’Avignon éveillèrent des soupçons. On saisit leurs poids et leurs balances. Trente-six changeurs furent condamnés à des amendes pour avoir trompé leurs clients ; G. Moixat, Les changrurs d’Avignon sous Jean XXII, dans Mémoires de l'.lcadémie de Vaucliise, t. V, 2 « série (1906), p. 271-279. Des sergents convaincus de connivence dans l’attentat commis le 13 avril 13/|0 sur la personi.e de l’ambassadeur d’Angleterre, Nicolino Fiesrhi, furent pendus à des potences placées sur l’appui des fenêtres de l’hôtel où logeait la victime. Le maréchal de la cour n'évita le même châtiment que par le suicide ; Baluzk-Mollat, Vitæ pnparum A^enionensiiim, t. I, p. 205 206. En iSSg, Innocent VI ordonna de jeter dans le Rhône certains bandits qui, la nuit, masqués, volaient et mettaient à mal les femmes ; op. cit., t. I, p. 338.

D’autre part, les papes dotèrent les jeunes filles pauvres pour empêcher la prostitution. Chaque année, par exem|)le, Jean XXII consacrait jusqu'à mille florins en dots ; K. H. Schabfbr, Die Ausgaben der aposlolisclien Kammer miter Johann XX/I, PadeTborn, igi i, p. 682, 6g3, 706, 718, 729. Vers 1343, le camérier Gasbert de Laval fonda près de l'église de Notre-Dame des Miracles une maison de refuge pour 1559

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les filles déchues, L’inslilution, encouragée par les souverains pontifes, fut comblée de bienfaits par Grégoire XI ; D' Pansier. l.'OKin’re des repenties a Ai’ignon du XIII' nu XVIII' siècle, Paris, lyio, p. 21 el sq.

Comme preuve du relâchement des mœurs en Avignon, on a parfois allégué certains statuts de la reine Jeanne, réglant la prostitution dans la ville ; AsTHtJC, De morbis venereis, 1636, p..'ifjS. Mais ces statuts, souvent reproduits, sont des faux dont on connaît les auteurs. Voici leur histoire : o M. Aslruc. médecin, écrivit à un monsieur d’Avignon pour le prier de lui envoyer (s’il pouvait se les procurer) les statuts faits ])ar la reine Jeanne pour l'établissement d’un B [maison publique] à Avignon, (le monsieur étant chez monsieur de Garein, où plusieurs de ses amis se rendaient pour passer la soirée, leur lut lalettre qu’il avait reçue, ce qui lit beaucoup rire ces messieurs, M. de Garein dit : « Il n’j' a qu'à luienfaire » ; on s’amusaà les composer, M. de Garein les arrangea en vieux (sic) idiome provençal, et on les envoya à M, Astruc, qui les lit imprimer dans un ouvrage auquel il travaillait, et le lUinna comme une pièce authentique. » Tel est le récit de la mystihcalion rapporté par Joseph Gabriel Teste, qui le tenait de son père, ami personnel de M. de Garein. M. Commin, qui participa à la fabrication du faux, conta la même chose à M, Hequien ; 1', Yvarbn, Une mystification historique. Statuts de la reine leanne de Naples, dans Opuscules de médecine, Avignon, 1880, p. 288.

Quand bien même nous ne posséderions pas l’aveu des faussaires, une analyse attentive des prétendus statuts sullirait à prouver qu’ils sont des faux. Tout d’abord, l’acte transcrit dans le manuscrit a83^, folio 64 recto, de la bibliothèi|ue d’Avignon, est dit provenir du recueil des minutes du notaire apostolique Tamarin. Or, ce nom ne Ugure pas sur la liste des notaires avignonnais parue dans l’Annuaire de Vaucluse, en 1889, page 2^1 et suivantes,

La date de l’acte, 8aoùt 1847, neconcordepas avec l’itinéraire connu de la reine Jeanne. A cette époque, celle-ci ne séjournait pas en Avignon.

Le document est rédigé en provençal. Mais ce provençal n’a rien d’archaïque. Les expressions sont modernes. Elles concordent avec le l.mgnge du xviii » siècle.

Si l’acte était authentique, il n’aurait pas été, d’ailleurs, rédigé en provençal. Le latin était la langue diplomatique employée par la chancellerie angevine.

L'écriture décèle une main récente, inhabile, ignorante du mode d’abréviations en usage au xiv siècle.

La miniature, qui orne le parchemin, contient les armes de la reine Jeanne avec la représentation d’un troubadour portant en main un rameau d’olivier. Mais c’est une copie servile d’une gravure illustrant un discours sur les arcs triomphaux d’Aix pour l’arrivée du roi Louis XIII, Aix, 1624, p. 14. l^e plus, les tons des couleurs employées par le miniaturiste dilTèrent totalement des tons en usage au xiv' siècle, Enfln, à cette époque, les règlements de police n'étaient pas libellés par le souverain, mais par la municipalilé ou le viguier d’Avignon,-linsi que le prouve surabondamment le manuscrit même qui contient, en plus des prétendus statuts, ceux de la Républiqueavignonnaise. Ainsi tout démontre l’existence du faux.

Bibliographie. — H. Cochin, Le jubilé de François Pétrarque, dans le Correspondant, octobre 1904, p, 62-68, — D P. Pansier, Histoire des prétendus

statuts de la reineJeanne et la réglementation de la prostitution à Avignon au Moyen Age, Amsterdam, 1902. — L. H, Labande, Tamarin notaire à Avignon dans L’intermédiaire des ckerclirurs et curieux, t, XLIX (1904), col, 194-196, — Rinaldi, Annales ecclesiastici, aiii annos, 1314, § xv ; 1342, §i ; 135-j, § xxi-xxill, — T. Martel, Blancnflour ; histoire du temps des popes d’Avignon, Paris, 1908(roman). — J. Joergenseii, Sainte Catherine de Sienne, Paris, 1920,

A’L La fiscalité des Papes d’Avignon. — a)

Caractères. — On appelle de ce nom le système fiscal en vertu duquel le Saint-Siège perçut des impôts sur lesbénétices ecclésiastiques. Certes, quelques-uns d’entre eux exi^laicnt aux siècles précédents, mais il faut reconnaître que les Papes d’Avignon grevèrent les clercs d’impôts très lourds, en raison de leur nombre, de leur variété, de leur caractère et de leur mode de recouvrement. Les évêques et les abbés payaient les services communs à l’occasion de leur nomination directe, de la contirmatiou de leur élection, de leur consécration, de leur translation à un autre siège ou à une autre abbaye par le souverain pontife. De plus, ils rénmnéraient le personnel de la cour et les familiers des cardinaux, de dons ou gratilications connus sous le nom de menus services, sacra, suhdiaconum. Il leur fallait encore acquitter des droits de chancellerie fort élevés ainsi que des droits de quittance, ou encore des redevances dues à l’occasion de leurs visites ad limina el des droits de pnllium. A partir d’Urbain V, ils perdirent le bénélice des procurations, taxes perçues quand ils visitaient leurs inférieurs. Enfin, en vertu du droit de dépouilles, le Saint-Siège s’emparait de leurs biens, lorsqu’ils passaient de vie à trépas.

Les petits bénéliciers payaient des rfptimes, c’est-àdire la dixième partie de leurs revenus nets, les annotes ou revenus d’un bénéfice produits dans le cours de l’année qui suivait la collation d’un nouveau titulaire, les procurations, les subsides car : tulifs. Contre leurs biens, le pape pouvait exercer, à leur mort, le droit de dépouilles.

Si un bénéficier, petit ou grand, décédait sans avoir acquitté ses dettes vis-à-vis du Saint-Siège, celles-ci ne s'éteignaient pas ; personnelles et réelles, elles restaient attachées au bénéfice, quelle qu’en ffiit l’ancienneté. Chacun demeurait responsable pour ses prédécesseurs. Ainsi, en 1342, l’arriéré des communs services dus par Nicolino Canali, promu au siège archiépiscopal de Havenne, s'élevait à 14.700 llorins d’or de Florence. Sans doute, les bénéliciers avaient recours contre leurs prédécesseurs ou, en cas de décès, contre leurs héritiers ; mais, ce recours était fort souvent illusoire ou trop onéreux.

Les moyens de contrainte, pour activer la rentrée des impôts, étaient d’ordre spirituel. Si, à la suite d’une monition, le débiteur ne s’acquittait pasde sa dette, il était frappé de censures ecclésiastiques. L’excommunication lui faisait perdre le libre exercice d’un bon nombre de droits : droit d’administrer ou de recevoir les sacrements, droit d’assister aux otlices divins, droit d'élire ou li'ètre élu aux Ijènéûces et dignités, droit d’exercer la juridiction temporelle, droit à la sépulture ecclésiastique. De plus, si un prêtre ou un évêque célébrait les otlices divins au mépris de l’excommunication, il tombait par le fait même dans l’irrégularité. Le contribuable ne se soumettait-il pas à l’excommunication, il était frappé de l’aggrave qui le privait des biens spirituels et lui interdisait l’usage des choses publiques. Persévéraitil dans la résistance, la réaggrave lui enlevait la poss bilité de communiquer avec autrui, même pour le 1561

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boire et le manger. Quand les autorités séculières le permettaient, les collecteurs d’impôts saisissaient encore les immeubles des récalcitrants et les mettaient en vente.

Les bénéliciers se pliaient en général aux exigences des agents du lise pontifical, car ceux-ci usaient de leurs pouvoirs avec la plus grande rigueur. Ainsi, le cadavre de Gonsalvo, évêque de Mondonnedo, resta, au scandale des populations, hors du cimetière, jusqu'à ce que ses héritiers se fussent engagés à payer les dettes de leur parent.

b) Conséquences de la politique finaucièie du Saint-Siège. — Les récils des contemporains ne laissent aucun doute au sujet des sentiments publics. Les mesures liscales des Papes d’Avignon excitèrent le plus vif mécontentement. En Angleterre, les parlements s'élevèrent avec acrimonie contre elles. Ils constatent qu’elles provoquent l’e.ode des capitaux hors du territoire national, la diminution du culte divin, l’amoindrissement de la piété populaire, le mauvais entretien des édifices sacrés qui tombent en ruines faute de réparations, la cessation des ollices divins, l’abandon des distributions d’aumônes et de l’hospitalisation des malheureux, contrairement aux intentions formelles des fondateurs d’ivuvres pics…

En France, les maux sont plus grands, parce que la guerre de Cent ans, la famine et la peste ont amené des désastres. Les bénéfices ruinés, dévastés ou détruits ne produisent plus aucun revenu. Le retrait du droit de procuration aux évêques a ])our elfet la cessation des visites pastorales, l’abandon du culte et la désertion des bénéfices. « Les peuples, dit un contemporain, se voyaient prescpie partout privés de la parole de Dieu, et, en plusieurs endroits, de la participation des sacrements, parce qu’il ne restait plus de quoi subsister aux pasteurs, à qui l’administration en avait été confiée : les églises et les bâtiments étaient presque partout ruinés, faute de pouvoir les « ntretenir : les pauvres mouraient de misère sans consolation et sans secours » ; Hourgkois DU CuASTiiNKT, Nouvelle histoire du concile de Constance, Paris, 1718, p. j.

Eu Allemagne, les clercs souffrent moins des exigences du Saint-Siège. Ils opposent une telle résistance aux collecteurs que ceux-ci renoncent parfois à percevoir l’imiiôt. Ils ont peur de perdre la vie ou d'être jetés dans d’infectes prisons, comme ce fut le cas pour certains d’entre eux. Somme toute, les plaintes continuelles du clergé pénètrent à la longue dans les masses populaires et y engendrent une opposition dangereuse à la pa|iauté. L'. gleterre mûrit sourdement pour le Schisme et l’Alleuiagne pour la Réforme. Quant à la France, elle incline au Gallicanisme.

c) Causes de la politique financière du Saint-Siège. — Les livres de comptes pontificaux font très exactement counaitre les motifs qui poussèrent les papes d’Avignon à grever le clergé d’impôts. En |3|3, Clément V possédait i.o40.ooo florins d’or de Florence ; ses donations testamentaires exagérées épuisèrent le trésor. Il ne resta aux cardinaux et à Jean XXII que 70.000 florins à se partager, au mois d’août 1316. Dans sa détresse, le pape créa des impôts. Les recettes atteignirent un chiffre élevé. Le trésor pontifical encaissa environ 4. 100.000 florins, pendant le règne de Jean XXII. Cependant les dépenses nécessitées en grande partie par les guerres d’Italie s'élevèrent à 4-'9'-44tj florins. La Chambre Apostolique eût été acculée à la banqueroute, si Jean XXII n’avait pas puisé l’argent nécessaire d^ns sa propre casselte et fait rendre 150.ooo florins à la

j succession de Clément V. Il laissa à Benoit XII une situation financière assez prospère pour que son

successeur pût ne pas réclamer certains impôts. En l’Slii, l’encaisse du trésor pontifical était de 1.117.000 florins. Accoutumé à vivre en grand seigneur, Clément VI dépensa plus que ses revenus. Le gouffre du déficit s’ouvrit et ne fut plus jamais comblé. Innocent VI, Urbain V et Grégoire XI gémissent sur leur situation précaire. Ils sont acculés à vivre d’emprunts et à accabler les ecclésiastiques d’impôts. Mais ce qui les ruine, c’est bien moins le luxe régnant à leur cour, que la guerre d’Italie. Ainsi, le » mesures fiscales prises par les i).T|)es d’Avignon ont un noble motif. Elles sont suflisamnient excusées par le souci constant qui les poussa à préparer le rétablissement du Saint-Siège à Rome.

Si les moyens de contrainte employés pour activer la rentrée des impôts choquent nos idées, il convient d’observer que la science linanciérc n'était pas très avancée au Moyen Age. Les pouvoirs publics se servaient d’expédients grossiers ressemblant aux ijrocédés des conquérants. Hors de l’Eglise comme dans l’Eglise, à cette époque, la dureté était partout. Parce que l’appel au bras séculier était presque illusoire et que les gouvernants d’alors empêchaient parfois le séquestre des biens, le Saint-Siège s’appliqua à faire rendre à l’excommunication tous seg ell’ets.

Les contemporains ont eu tort de traiter les annotes et les seriices communs de simoniaques. La simonie se définit, en effet, « la volonté délibérée d’acheter ou de vendre, mojennant une rétribution appréciable, une chose spirituelle en elle-même, comme la consécration épiscopale, l’ordination sacerdotale, ou une chose annexée à l’exercice d’une fonction spirituelle, comme le revenu d’une cure, d’un monastère » ; Lega… Prælectiones in textum juriscanonici dejudiciis ecctesnsticis, Rome, igo5, 1. II, vol. IV, p. 28. Or, en vertu de son pouvoir de juridiction universelle, le pape a « la pleine disposition de toutes les églises, dignités, oliices et bénéfices ecclésiastiques » ; bulle du 1 1 juillet i’i/i ! i dans Rinaldi, Annales ecclesiastici ad annum l’Ji’i, § 55-59. ^"" suite, il possède le droit

« l’exiger une part des revenus dont il accorde la jouigsance aux clercs et aux prélats Les services communs

cl les aimâtes ne sont donc pas un prix d’achat ; ils ont le caractère d’impôts légitimes quoique onéreux ou périlleux dans leurs effets.

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PARABOLES DE L’ÉVANGILE

136’i

papes d’Avignon, 1305-1378 (Bibliothèque de l’Instilut canonique de l’Université de Strailiouig (vol. I). Paris, 1921).

G. MOLLAT.