Dictionnaire apologétique de la foi catholique/Papauté (II. Origines)

Dictionnaire apologétique de la foi catholique

II
LES ORIGINES DE LA PAPAUTE

Entre l’investiture donnée par le Seigneur à Pierre et le plein exercice de la souveraineté pontilicnle, il s’est écoulé des siècles. Ces siècles ont vu la venue de saint Pibrrb a Ro.me (cf. cet article), l’établissement d’une lignée sacerdotale issue de lui, l’organisation de l’Eglise locale de Rome sous un chef unique, le rayonnement de l’influence partie de Rome sur toutes les Eglises d’Occident et d’Orient.

Aux yeux des croyants, ces faits répondent à la pensée opérante du Christ, faisant passer dans le domaine des faits les promesses par lui adressées à l’apôtre Pierre. Gela sans doute ne peut se montrer historiquement. Mais ce qui peut se montrer aux incroyants mêmes, c’est l’exacte conformité de l’institution pontilicale, telle qu’elle est sous nos yeux, avec l’intention du Christ consignée dans le Nouveau Testament, et la continuité du mouvement qui, en amenant peu à peu le successeur de Pierre au premier plan de l’histoire chrétienne, rattache la monarchie pontificale à l’intention du Chrlst.Mouvement déterminé non par des ambitions sacerdotales et par une contrainte partie de Rome, mais par les aspirations profondes de l’Eglise universelle vers l’unité qu’a voulue le Christ.

Les pages suivantes, simple raccord entre les pages consacrées à la primauté de Pierre d’après le Nouveau Testament et les pages consacrées au rôle historique de la Papauté, espèrent contribuer à cette démonstration. Au préjugé rationaliste, qui ne voit dans la monarchie pontilicale qu’un produit de facteurs humains, sans attache dans la révélation divine, sans raison d’être providentielle, nous opposons quelques-uns des plus anciens titres historiques de la Papauté. Nous ne visons pas à être complet, mais amorçons quelques lignes, en suivant l’ordre des temps.

Le vo siècle, qui vil la chute de l’empire d’Occident, vit aussi l’avènement de la Papauté en tant que pou voir politique. C’est vers cette date que notre enquête atteint naturellement son terme. Nous n’avons pas cherché à marquer une frontière précise entre les origines du pontifical romain et son histoire.

Voici l’ordre du développement :

//’siècle. Premiers actes du Pontificat romain.

llh siècle. Influence universelle de la Papauté. — Cartilage. Conflit entre saint Cyprien et le pape saint Etienne. — Ale.randrie : Origéne et saint Denrs. — Antioche.

IV’et V’siècles. — I.e schisme donatiste : concile d’Arles. — L’arianisme : concile de A’icée. — Les conciles du IV^ et du V siècle. — L’Eglise grecque : saint Jean Clirysostome. — L’Eglise syriaque ; saint Ephreni. — L’Eglise latine ; saint Jérôme et saint Augustin. — Les papes saint Célestin, saint Léon, saint Hormisdas.

Il" siècle. — On a cité plus haut, art. Eglise, t. I, p. 126^-7, les premiers témoignages oii s’allirme la prééminence de l’Eglise de Rome.

Témoignage de saint Clément : dès avant la fin du i" siècle, l’Eglise de Rome intervient avec autorité dans la vie intérieure de la chrétienté troublée de Corinlhe.

Témoignage de saint ItiNACE d’Antiochb, au début du II’siècle, saluant l’Eglise de Rome comme la présidente de la fraternité chrétienne — tel paraît bien être le sens des mots -np^ySmuiv-n t ?4 à : /à.T.ri-., Rom., inscr., — faisant appel, non sans une intention visible, au souvenir des apôtres Pierre et Paul, Rom., IV, 3.

Témoignage d’HÉGÉsii’PE, qui a visité Rome comme le centre d’une vie chrétienne intense, et dressé la liste de succession de ses évéques jusqu’à Anicet (ap. EusÈBE, //. £., IV, XXII, P. G., XX, 3 ;  :  ;).

Témoignage de Denys de Corinthe, qui, dans une lettre écrite aux Romains, félicite leur Eglise de conserver le tombeau des apôlres Pierre et Paul, et rappelle que l’Eglise de Corinthe garde et relit la lettre jadis à elle adressée par Clément de Rome (ap. Edsèbb, h. E., Il, XXV et W, xxiii, P. G., XX, 209 et 388 B).

Témoignage d’ABKRKios, le pèlerin d’Hiéropolis en Phrygie, qui a visité Rome, contemplé la majesté souveraine, vu la reine aux vêlements d’or, aux chaussures d’or… Voir l’art. Epigraphib, par L. Jala BKRT, 1. 1, 1^35-8.

Ces témoignages trop rares, d’une époque mal connue entre toutes, jettent du moins quelques lueurs sur les origines, particulièrement augustes, de l’Eglise romaine et de son pontifical.

Au temps du pape Eleulhère (175- 189), nous voyons le prêtre Irénée député à Rome par les martyrs de Lyon, avec une recommandation pressante. Ei’SÈbe, //. E., V, IV, P. G., XX, 440.

Le nom de saint Irénéb évoque le souvenir du témoignage célèbre par lui rendu à l’Eglise romaine, en quelques mots dont le grec original ne nous est point parvenu et dont la version latine renferme plus d’une énigme. Ils ont été reproduits, avec leur contexte, ci-dessus, art. Eglise, t. I, 1263. Bornons-nous ici à l’essentiel ; Contra Hæreses, 111, iii, 2.

Ad hanc enim Ecclesiam propter poliorem principalitatem necesse est omnem convenire Ecclesiam, 11. e. eos qui sunt undique fidèles, in qua semper, ab his qui sunt undique, conservata est ea quæ est ab Apostolis traditio.

(Texte de Massuet, reproduit par Migne, P. G., Vil, 849. — Au lieu de potiorem, texte du Claromontaniis, d’autres mss. portent potentiorem, préféré par l’éd. Harvej’. — Diverses conjectures ont été proposées pour expliquer le second qui sunt undique. 1573

PAPAUTÉ

1374

lom G. MoRiN croil à une erreur de copiste, ftew |en., 11J08, p. 515. M. u’Ukhihgny, >'. J., ibid., igio, io3-io8, a conjecture.' que le texte primitif portail : Ifc liis qui siini undecim : allusion aux douze évèi|ucs lui se sont succédé sur la chaire de saint Pierre juslu’au présent évêque, Eleuthère.)

L’importance capitale de ce texte, comme témoil ; nage en faveur de la primauté romaine, n’est point J : ontestée ; mais son exégèse précise soulève de Ifrandes dillicultés.dans le détail desquelles nous ne Ijouvoiis entrer ici. L’histoire de la controverse est (résumée par Dom J. Chai’Man, Hes’ue Hénédicline, |18y5, p. 4cj-64. Plus récemment, F. X. Roiron, S. J., a (repris la discussion avec une rigueur quasi malliéImatique, Reckerclies de Science religieuse, 1917, p. 36-51. Il aboutit à la traduction suivante :. A cette ' Eg’lise, à cause de sa primauté autoritaire, toutes les Eglises iloivent se conformer… ; de fait, c’est en elle que toutes ont gardé la tradition des Ap6tres. » — On rejoint l’interprétation de Massuet, si longtemps classique parmi les catholiques ; c’est la plus simple, celle qui se présente tout d’abord à tout esprit non prévenu ; c’est la seule aussi qui conserve au raisonnement de saint Irénée toute sa valeur et en écarte toutes les incohérences ou les insuifisances que nous avons signalées dans les autres hypothèses. » (Roiron, p. 51) — Voir encore, sur ce texte, M. l’abbé L.Saltet, [iuJleiin de Liliéralnre ecclésiastique, 1920, p. 180-186.

L’importance des paroles d’Irénée est soulignée par le soin qu’il prend aussitôt après de dresser la liste de succession des évcques de Rome, soin qu’il ne prend pour aucune autre Eglise. III, iii, 3, 8^9-851. Au déclin du ii* siècle, l’observance pascale mit en conflit les Eglises d’Occident et d’Orient. Tandis que les chrétientés d’Asie, appuyées sur une tradition ancienne, célébraient la Pàque du Seigneur à la date précise d)i l nisan, conformément à la coutume juive, toutes les autres chrétientés s’autorisèrent d’une tradition apostolique pour célébrer cette fête le dimanche suivant. Pareille diversité d’usages amenait des conflits. Pour y mettre un terme, des synodes s’assemblèrent en Palestine, sous Théophile évêque de Gésarée et sous Narcisse évoque de Jérusalem ; dans le Pont, sous l'évêque Palmas ; en Gaule, en Osroène et ailleurs ; à Rome enfin, sous l'évêque Victor (189-1 99). L’Asie maintint contre tous son usage propre, et Polycratk évêque d’Ephèse se Ût l’interprète de l'éiiiscopat asiatique, dans une lettre adressée à Victor et à l’Eglise romaine ; lettre qu’Eusèlie nous a conservée //. E., V, xxiv, P. G., XX, 493-497- Après avoir rappelé les grands hommes de l’Asiechrétienne, l’apôtre Philippe, l’apôtre Jean qui a reposé sur la poitrine du Seigneur, Polycarpe de Smyrne, évêque et martyr, Thraséas d’Euraénie, Sagaris, Papirius, Méliton de Sardes et autres, après avoir ajouté qu’il est le huitième évêque de sa famille et qu’il a des cheveux blancs, il aflîrme sa resolution, qui est celle des évêques par lui réunis sur l’invitation de Victor : s’en tenir à la tradition de son Eglise, car de plus grands que lui ont dit : Mieux vaut obéir à Dieu qu’aiix hommes,

Victor résolut de briser cette résistance ; il déclara retrancher de la communion de l’Eglise de Rome toute Eglise qui n’entrerait pas dans ses vues. Une mesure si énergique souleva de vives protestations. Irénée de Lyon écrivit respectueusement à Victor pour l’engager à ne pas rompre la communion avec des Eglises entières, attachées à une observance ancienne. II représenta que les évêques avant Soter, — Anicet, Pie, Hygin, Télesphore, Xyste, — avaient su vivre en paix avec des Eglises dont ils ne partageaient pas l’observance, et auxquelles ils ne laissaient pas d’en voyer l’Eucharistie en signe de communion ; que déjà au temps d’Anicet la question pascale av ;  ; il été soulevée, lors du voyage que fit à Rome le bienheureux Polycarpe évêque de Smyrne ; qu’Anicet ne put convaincre Polycarpe ni Polycarpe Anicet, mais qu’ils ne laissèrent pas de communier ensemble, Anicet cédant à Polycarpe la célébration de l’Eucharistie dans son Eglise. En quoi, poursuit Eiisèbe, Irénée montra qu’il méritait bien son nom (Pacifique). De fait, les menaces de Victor paraissent être resées à l'état de lettre morte. Cependant le temps Ut

tée

son œuvre, et dès avant le concile de Nicée, l’observance quartodécimane avait cédé à la tradition delà grande Eglise. Le geste de Victor, prenant à l'égard de l’Asie chrétienne une attitude de commandement et parlant de l’excommunier, n’en est pas moins plein de sens : il montre que la papauté n'était plus à naître, au déclin du 11= siècle.

Les historiens étrangers à notre foi s’accordent généralement à reconnaître, dans l’Eglise du ni" siècle, tous les trails essentiels du catholicisme romain. Ecoutons l’un des représentants les plus autorisésdu protestantisme libéral. Ad. Hahnack, Entstehung und Entu-ickelung der Kircheiuerfassiing und des Kirclienrechts in den zwei erslen Jahrhunderten, p. 119, Leipzig, 1910 :

Tous les éléments de l'éTalution ultérieure de la constitulioEi de l’Eglise étaient, dès ia fin du ii- siècle, et mèjne plua lot, déjà préls. Aucun fadeur nouveau ne devait plas inlcrvenir, sauf rem]>eieur chrétien ; encore une lévolntion ne fut-elle pas nécessaire pour obtenir les résultats acquis an m", au iv' et au v, au ix « et au xi', au xvi » et au xixf siècle…

D’autre part, un auteur anglican décrit ainsi, par le dehors, le rôle primitif de l’Eglise romaine. H. M. GwATKiD, Early Cliurch Ilistory to A. D. 313, t. II, p. 213-214, London, 1909 :

Si riiglise de Rome n'était pas le centre de la chrétienté latine — nous trouverons ce centre de l’autre coté de la mer à Cartilage, — elle était le centre du christianisme pris dans son ensemble. Sa position centrale était pleinement reconnue par Irénée ; elle devint de plus en plus définie au cours des temps, jusqu'à l’essor de Constantino|de. Rome était le principal et presque l’unique siège apostolique en Occident. Aussi exerçait-elle l’influence plénière d’une grande et opulente Eglise, noblement fameuse par son universelle charité. Dès l’origine

— celle pratique était déjù ancienne au temps de Soter,

— elle envoyait ses dons aux pauvres et aux confesseurs dans les mines, sur tous les points de l’empire. Puis l’Eglise romaine puisait une grande force dans ses relations étroites avec l’empereur. Le palais fut toujours sa citadelle, et « ceux de la maison de César » ses guides les plus influents. Des scènes qui eussent été insignifiantes en province pouvaient, à Rome, devenir le signal de la lutte à mort, toujours imminente avec le pat, 'anisme. En outre, Rome était le Irait d’union naturel entre l’Orient et l’Occident. En qualité de colonie grecque dans la capitale latine, elle était le représentant de la chrétienté occidentale pour les Orientaux, et l’interprète de la pensée orientale pour l’Occident latin. Toutes ces causes faisaient de Rom* le centre naturel de la discussion. Son orthodoxie était sans tache. Si toutes les hérésies, semblables aux flots de l’Oronte syrien, confluaient dans la grande cifé, jamais aucune n’y prit sa source. Les étrangers de tout pays, qui arrivaient à Rome et aux tombes des grands apôtres, étaient accueillis au siège de Pierre par la majestueuse bénédiction d’un Père universel. L’Eglise de Dieu résidant à Rome, était le conseiller immémorial de toutes les Eglises ; et le conseil prenait insensiblement l’accent du commandement…

III" siècle. — Dans les assertions de Tbrtullikn relatives à l’Eglise de Rome, on ne s'étonnera pas d’avoir à distinguer deux séries : la série catholique et la série monlaniste. 1375

PAPAUTÉ

1371

Glorieuse Eglise apostolique, Rome a bu la doctrine de Pierre et de Paul avec leur sang ; elle a vu Jean sortir sain et sauf d’un bain d’huile bouillante. Clément, ordonné par Pierre, la relie à la tradition des Apôtres. Tout semble indiquer que Rome adonné naissance aux Eglises de l’Afrique latine ; elle apparaît comme le centre de la prière et de l’action. Des sectaires comme Marciou et Valentin ont adhéré à cette Eglise, sous l'épiscopat du bienheureux EleuIhère, mais n’ont pas su lui rester lidèles. Ainsi parle TertuUien, peu après l’an 200, dans le traité De piæscriptione hæreticorurn, ixxvi.xxxii.xxx ; éd. Œhler, t. ii, p. 34, 30, 26. Un peu plus tard, il dit encore que le pouvoir des clefs a été laissé par ie Seigneur à Pierre, et par l’entremise de Pierre, à l’Eglise, Scorpiace, x : Mementu claves (cæti) hic Dominum Petro et per eum Ecdesiæ reliqiiiase. Ed. Œhler, t. I, p. 523.

Lors du traité Adfersus Praxean, e vent a tourné : l'évêque de Rome — probablement Zéphyrin, — après avoir paru prêter une oreille favorable aux prophètes montanistes, les a éconduits. Cela suUit à ruiner l’inlluence delà secte, TertuUien le constate avec amertume. Pra.r., i, éd. Œhler, t. II, p. ùbl). Un peu plus tard — probablement au temps de Callisle, — il se scandalise de l’indulgence témoignée par l’Eglise aux fautes de la chair et, se donnant à lui-même un éclatant démenti, alllrme que Pierre a reçu du Seigneur le pouvoir de délier à titre purement personnel, ses successeurs n’en ont pas hérité. De padicilia, xxi : Præsumis et ad te deri^'asse solvendi et alligandi potestatem, i.e. ad oinnem Ecclesiam Pétri propinqiiam ? Qualis es, everteiis atqae commutans manifestam Domini iittentionrm, personaliter hue Petro con/erentem ? Ed. Œhler, t. I, p. 8/|3. Les titres pompeux et nouveaux que Tertullien, dans ce même écrit, donne à l'évêque de Rome : pontifex maximus, episcopus episciporum (Pitd., 1), benedictus papa (ib., xm), apostoliciis (ib., xxi) ne sont destinés qu'à lancer l’injure avec plus de force. Voir notre Théologie de TertuUien, p. 216-217, Pais, 1906.

Quant au témoignage de TertuUien en faveur du Tu es Petriis, il est éclatant. On vient de rencontrer, Scorp., X et Piid., xxi, deux textes d’autant plus notables qu’ils appartiennent à la série montaniste. Des citations plus explicites encore se lisent/* aescr., XXII ; IV Adv. Marcion., xi ; Adv. Prax., xxi ; Monog., vin. Mais passons outre : ces textes témoignent en faveur de la primauté de Pierre, non précisément en faveur de la primauté romaine.

L’histoire des relations entre saint Cyprien de Garthage et l’Eglise de Rome est particulièrement instructive. Car elle montre, d’une part, que, dès le milieu du m' siècle l’autorité du pontife romain rayonnait hors d’Italie ; d’autre part, que l'étendue de ses prérogatives restait discutée.

Au premier plan de la littérature qui éclaire pour nous cette histoire, se présente le traité De catholicæ Ecdesiæ unitate, composé par saint Cyprien au commencement de l’année 261 pour prémunir l’Eglise d’Afrique contre l’entreprise schismatique de Félicissime. Nous en détacherons le passage central, IV, éd. Hartel, p. 212, 8-21 3, 13 :

Loquiiur Dominus ad Petritm… (.Vt., xvi, 18-19). Super unum aedifical Ecclesiam, et qiiamvis aposlolis omnibus post resurrectionem suum parem potestatem tribuat et dicat…{Io., xx, 21-22), tamen ut iinitatem manifestaret, unitatis eiusdem originem ab uno incipientem sua auctoritate disposuit. Hoc erant utique et ceteri apostoli quod fuit Petrus, pari consortio præditi et honoris et potestatis, sed exordium ab unitate proficiscitur, ut Ecclesia Christi una nions tretur. Quam unain Ecclesiam etiam in Caniico can ticuruni Spiritus sanctus ex persoiia Domini designa et dictt…{Cant., vi, S). Ilanc Ecdesiæ unitatem qu non ienet.tenere se /idem crédit ? qui Ecdesiæ reni-] titur et resistit, in Ecclesia se esse confidilp quandoX et beatiis uposlulus Piiulus hoc ipsum doceat et sacramentum unitatis oslendat, dicens… (Eph., iv, 4. 5).

L’intention de cette page est très claire. Montrer 1 l’Eglise du Christ, qui est une, résumée dans la personne de Pierre, comme dans la source et le principe permanent de son unité ; dénoncer le schisme comme un attentat contre cette unité que ie Seigneur a fondée sur Pierre, sur l’autorité de Pierre. Quant à la signilication typique de la personne de Pierre, la pensée de saint Cyprien n’est pas douteuse, nous le verrons.

Cette même intention ressort avec un surcroît d'évidence si, au lieu de s’attacher, comme nous venons de le faire, à la vulgate de saint Cyprien (disons la version A), on s’attache à une autre version, autorisée par une tradition ancienne (nous l’appellerons la version it) ; les traits relatifs à la primauté ' de Pierre } sont plus accusés. Nous la donnons égale ! Uent, d’après l’apparat criliciue de llartel.

Loquitur Dominas ad Petram.,.(Mt., ^vi, iè, ig).Et eidem post resurrectionem dicit… (lo., yixi, i&). Super illum aedijicut Ecclesiam et illi pascendas oves mandat. Et quamvis apostolis omnibus parem tribuat potestatem, unam tamen cathedram constiiuit, et unitatis originem atque ralionem sua auctoritate disposait, /{oc erant utique et ceteri quod fuit Petrus^ sed priinatus Petro dulur, et una Ecclesia et cathedra una monstratur. Et pastores sunt omnes, sed grex unus ostenditur, qui ub apostolis omnibus unanimi consensione pascatur. liane Ecdesiæ unitatem qui non tenet, tenere se fidem crédit ? Qui cathedram Pétri, super qnem fundata Ecclesia est. deserit, in Ecclesia se esse confiait ? Quando et beatus apostolus Paulus hoc idem doceat et sacramentum unitatis ostendat, dicens…{Eph., iv, 4).

Cette deuxième tradition manuscrite (suivie par l'éd. Baluze-Migne, Z^. /.., IV, 498-501) soulève un problème de critique dont la discussion ne saurait trouver place ici. Qu’on nous permette de renvoyer à notre Théologie de saint Cyprien (sous presse, chez Beauchesne). Disons seulement qu’on peut d’autant moins l'écarter à la légère, que tous les détails portent, au plus haut degré, le cachet personnel de saint Cyprien. Aussi n’est-ce pas sans vraisemblance qu’on a cru y reconnaître une deuxième édition, due à saint Cyprien lui-même, qui, après avoir composé le De catholicité Ecdesiæ unitate en vue du schisme africain de Félicissime, l’aurait adapté aux besoins de la lutte contre le schisme romain de Novatien. [Voir à ce propos Dom J. Chapman, dans Revue Bénédictine, t. XIX, p. 246-254 ; 357-873 (1902) ; t. XX, p. 26-62 (igoS). — M. l’abbé L. Saltbt vient de combattre cette opinion, dans le Bulletin de litt. ecclésiastique, 1920, p. 186-206. Il pense que la version B est d’une main étrangère.]

Cependant le lien que, de tout temps, la pensée chrétienne a cru voir dans cette page de saint Cyprien, entre la promesse du Seigneur et la chaire permanente de Pierre, ne serait pas personnel, mais purement tj’pique, d’après tel critique allemand, prêtre évadé de l’Eglise catholique. Voir Hugo KocB, Cy prian und der roemische Primat, dans Texte und Untersuchungen, XXXV, i, Leipzig, 1910. Dans ce livre, qui est le manifeste d’une sécession, l’auteur s’exprime ainsi, p. 1 1 :

Le fait quô le Seigneur commence par conférer à un seul, à Pierre, le même pouvoir qu’il devait plus tord communiquera tous, eatun sigæ authentique de 1 unité que 1377

PAPAUTE

1378

doit posséder l’Eglise du Christ. Tout d’abord il n’y eut qu’un upiUre investi de pleins pouvoirs ; avec lui l’Eglise commença, Pierre l’ut la pierre première et fondamenlale sur laquelle devait s'élever lédilîce. L’unie numériipie, au moment où le Seigneur adressait à Pierre les paroles mémurahleSj est une image, un pyml>ole, un type de l’unité morale qui. par la multiplication du pouvoir de Pierre, doit succéder à l’unile num » rique… Quand Cyjjrien marque la parfaile égalité des A]nMres, il nomme Pierre ; quand il fait ressortir sa position unique, il par-le d’un seul, sans le nommer. Avec un seul. l’Eglise commença d’exister : Toilà pourliiile principal. Cet «  « fut précisément Pierre : voilii l’accessoire. Cet apôtre devait plus tard partager avec d’autres son rang et son pouvoir. Toute son importance consiste en ce qu’il fut pour un temps le seul, et par là même la figure prophétique de l’unité de l’Eglise. Voilà tout !

La difficulté est de réconcilier cette explication, passablement abstraite, avec les textes nombreux où saint Gyprien, commentantrEvangile, parle de Pierre comme fondement réel, et non purement figuratif et clironologique, de l’Eglise du Glirist. Elle est encore de la réconcilier avec les textes nombreux et très concrets où le personnage de Pierre est mis en relations expresses avec le siège de Rome. Elle est enfin et surtout de la réconcilier avec l’ensemble de cet écrit. De cath. Eccl. un., iv, où l’effort de Cyprien tend à rallier les fidèles dispersés du Christ sur le roc permanent de Pierre. La conception du critique allemand arrachait à Dom Chapman cette exclamation : Oii !  ! > roc étrange ! Wliat a funiiy kind of rock. Rei'. Bén., XXVIl, p. 53 (igio). Saint Cyprien n’a pas en vue la préhistoire du pontificat romain, mais son histoire présente ; non le rôle initial de l’apôtre Pierre, mais le rôle permanent du successeur de Pierre, principe d’unité ecclésiastique.

Mieux inspiré que M. Koch, dans un livre moins paradoxal et plus durable, le primat anglican Benson avait parfaitement saisi la portée concrète du texte de saint Cyprien, et prenant parti a j/rioii contre la version B, il déclarait que saint Cyprien n’a pu s’exprimer ainsi, car s’exprimer ainsi eût été souscrire d’avance toutes les thèses romaines, ce que Cyprien n’a pu faire. Bknson, Cyprian. His life. Ilis times. His iior/i. London, 1897, p. 203 : The ^vords in italics admittedly miist be fium tlie pen of one n’Ito taught the cardinal doctrine of tlie Roman see. If Cyprian ii’rnle iliem, he held lliat doctrine. There is no disgnising the fact. Benson n’avait sans doute pas prévu sous quel aspect se présenterait un jour, d’un point de vue critique, la thèse de l’authenticité cy prianique du texte B. Son aveu demeure bon à retenir, pour nous ramener, du domaine de la fantaisie, à celui de la réalité tangible.

Sur la thèse de M. H. Koch, voir les réfutations distinguées dues à deux prêtres catholiques : Anton Sbitz, Cyprian iind der rîjniische Primat, Rcgensburg, ' 191 1, et surtout Johann Ehnst, Cyprian und da.' ! Papsttnm, Mainz, 191a.

Avant de quitter le texte De cath. Eccl. un., iv, notons encore que le mot primatits (particulier à la version B) se représente ailleurs quatre fois chez saint Cyprien : De bon. pat., xix, p. 4'1, i-4 ; Epp., Lxix, 8, p. 757, 15-20 ; Lxxi, 3, p. 778, 1 1-17 ; Lxxiii, a5, p. 798, 5-8. Il est remarquable que ces (jTKatre exemples mettent précisément en cause la primauté du siège de Rome. Le premier et le quatrième exemple, par le moyen d’une comparaison biblique : reconnaître à Novatien, usurpateur de la primauté romaine, le droit de conférer le baptême chrétien, ce serait imiter la conduite d’Esaii, abandonnant à vil prix son droit de primogéniture. Le deuxième, par le moyen d’une autre comparaison biblique : les partisans de Novatien sont comparés à Goré, Dalhan,

Tome m.

Abiron, pour avoir voulu s’adjuger la primauté dans l’Eglise. Le troisième, plus ouvertement encore : Cyprien loue l’humilité de Pierre, qui, dans la question des rites judaïques, s’inclina devant les raisons de Paul, au lieu de revendiquer sa primauté : c’est pour engager le pape Etienne à suivre cet exemple, en admettant les représentât ion s des Eglises d’Afrique dans la question baptismale. On croira dillUilement que le lien mis par le langage de saint Cyprien entre ce mot et le siège de Rome, à l’exclusion de tout autre siège, soit purement fortuit. Encore moins réduirat-on cette primauté à un sens chronologique.

Quant au texte évangélique où le Seigneur promet de fonder son Eglise sur Pierre, il se représente bon nombre de fois dans l'œuvre de saint Cyprien et dans les lettres de ces correspondants. Signalons De hab. i’irg., X, p. 194, 25 ; Ad Fortun., xi, p. 338, 15 ; De bon. pat., IX, p. /|03, 16 ; Sentt. episc.,-x.vu, p. 444. i ; Epp., XXXIII, I, p. 566, a ; xLiii, 5, p. 594, 5 ; lv, 8, p. 630, i ; 9, p. 630, 14 ; lix, 7, p. 674, 16 ; 14, p. 683, 9 ; Lxvi, 8, p. 782, 25 ; Lxx, 3, p. 769, 16 ; lxxi, 3, p. 773, 11 ; Lxxin, 7, p. 783, 14 ; Lxxv, 16, p. 820, 24 ; 17, p. 821, 14. — Au moins dix-sept exemples, sans parler d’autres traces plus fugitives. Que l’on prenne un à un ces dix-sept exemples, et l’on constatera que, abstraction faite de B’p., xxxiii, i, où Pierre fait sim plement figure d'évêque, il fait partout figure de primat, dans ses relations avec l’Eglise universelle. Cette primauté est plus ou moins définie selon les cas, mais elle assure à l'église locale de Rome le premier rang parmi les Eglises. Ep., lix, 14, p. 683, 9-14 : Navigare audent et ad Pétri cnlhedram atqae ad Ecclesiam principalem unde unitas sacerdotalis e.rorta est…, nec cogitare eos esse Romanes, quorum fides apostvlo prædicante laadaia est, ad quos perfidia habere non possit accessum. Voilà ce que répèlent ces dix-sept textes, dont quatorze empruntés à saint Cyprien, un à l’un des évéques d’un concile par lui présidé (Senti, episc, xvii) ; deux à son correspondant Firmilien de Césarée (Ep., lxxv). Le témoignage du bouillant évêque de Césarée n’est pas le moins remarquable : il a commencé par rendre hommage à la primauté du successeur de Pierre, avant de flétrir la conduite du pape Etienne, qu’il accuse d’avoir trahi son mandat.

Dans ces conditions, on s'étonne que tel historien ait cru lire chez saint Cyprien que le texte Tu es Petrus est par lui « ravi au successeur de Pierre, pour être adjugé à l'épiscopat n. J. Turmel, Histoire du dogme de la papauté, des origines à la fin du iv' siècle ; p. 134. Paris, 1908. Une contrevérité si manifeste ne mérite aucune discussion. Sur cet ouvrage, qu’il suUisede renvoyer à l’exécution magistrale due à M. Y. DE LA Brièkb, Etudes, t. CXVII, p. 339-350 (5 nov. iyo8).

Cependant on a souvent cru tirer de ce même récit De cath. Eccl. unitate une doctrine ép ! > ; copalienne. L'évêque de Rome serait bien le premier évêque de la chrétienté, mais primus inter pares, sans aucune primauté de juridiction. Cette doctrine, dont les critiques anglicans se sont fait une spécialité, est rattachée surtout à Cath. Eccl. un., v, p. 213, 14-214, 2 :

Quam anitatem tenere firmiter et vindicare dehemus, nia.rime episcupi qui in Ecclesia præsideiuus, ut episcopatuni quoque ipsuni unum atque indivisum probemus. Nemo fraternitatem menducio fallut, nenio fidem veritalis perfida prævaricatione corrumput. Episcopatus anus est, cuius a singulis in sididum pars tenetur.

On a cru voir dans ce texteque l'épiscopat estuue sorte de corps sans tête, une confédération d'égaux. Cette idée ne résiste pas à une exégèse atteiilivc.

44 1379

PAPAUTE

1380

D’ai)rès l’usage constant de saint Cyprien, epiicopatus désigne le pouvoir épiscopal, non le corps de l’cpiscopat. Voir Catli. Eccl.un., x, p. 218, 26 ; £/)/)., LV, 9, p. 630, 1 i-13 ; 2^, p. 642, 14 ; 6^3, 3 ; Lxvn, 5, p. 739, 22 etc. Il serait d’ailleurs absurde d’entendre que le corps épiscopal est un bien que les cvêques possèdent solidairement. Voir sur ce point R. P. Kneller, Der heilige Crprian und das Kennzeichen der Kirche, p. 61 sqq. (115 Ergdnzungshefl zu den Slinuiien ans MariaLaach, igii). In soUdiim est une expression juridique, dont-il faut demander la clef aux juristes. Plusieurs personnes possèdent in solidum un bien dont la totalité appartient à chacune d’elles, mais non à litre exclusif. Telle est la définition de Ulpien, Dig., XLV, ir, 3 ; cf. XIII, vi, 5. Tel est précisément le cas du pouvoir épiscopal, auquel tous les évêques ont part simultanément. Voir D. O. Casel, Eine missverstandene SIelle Crprians, dans / « 'et'. Bénédict., t. XXX, p. 4'3-420 (igiS). L’objet de cette possession indivise est justement le pouvoir découlant de Pierre, comme Cyprien l’explique aussitôt après. Parce que la source est unique, nul n’anra pari aux biens qui en découlent, s’il ne communique avec la source, c’està-dire avec Pierre, par l’intermédiaire de ces canaux réguliers que sont les évêques. Catli. Eccl. un., v, p. 214, 2-12 :

Ecclesia unæst qtiæ iiimultitudinem latins incremento fecunditatis exlenditur, quumodo solis miilti radii, sed lumen unum, et rami arhoris multi, sed rohur unum tenuci radice fundatum, etcum de fonte uno livi plurimi de/luuni, numerositas licel diffusa videatur e.Tundantis copiæ targitnte, unitas tamen servatur in origine..4felle radium sotis a corpore, divisionem lucis unitas non capit ; ah arbore frange ramum, fructus germinare non polerit : a fonte præcide rivuni, præcisus arescit. Sic et Ecelesia Domini luce perfusa per orbem totum radios suos porrigit : unum tamen lumen est quod uhique diffanditur, nec unitas corporis separatur.

Pour l’exposition des thèses anglicanes, voir J. Fkll et J. Pearson, Annales Cyprianici, Oxoniae, 1682 ; H. DoDWELL, Dissertationes c^prianicae, Oxoniae, 1684 ; Benson, Cyprian, His life. /lis tiiiies. His iork. London, 1897. Tout récemment, le D"' J. K. Bernard, archevêque anglican de Dublin, dans un mémoire intitulé : The Cyprianic Doctrine of tke Ministry (Essays on tlie earty Ilistor) of the Cliurcli and the Minisiry, ediled by H. B. Swete, London, 1918), a cru bon de rajeunir les thèses anglicanes par des emprunts au livre de M. Hugo Koch. On ne peut pas l’en féliciter beaucoup.

La doctrine du De catholicæ Ecclesiat unitate s'éclaire à la lumière de la correspondance échangée par sainl Cyprien avec l’Eglise de Rom*.

Nous possédons dix lettres échangées entre Rome et Carthage durant la vacance du Saint-Siège, entre le martyre du pape Fabien et l'élection de son successeur Corneille ; onze lettres échangées entre Cyprien et le pape Corneille ; une lettre de Cyprien au pape Lucius ; deux lettres au pape Etienne, sans compter d’autres documents qui complètent l’information. Examinons ces diverses séries.

10 lettres écrites durant la vacance du Saint-Siège (20 janvier 250-mars 201). — Quatre de ces lettres émanent du clergé de Rome (viii, xxx, xxxi, xxxvi) ; six émanent de sainl Csprien (ix, xx, xxvii, xxviii, XXXV, xxxvii). Parmi les lettres romaines, la première (vui) ne porte aucun en-tête ; les trois autres sont adressées Cypriano papae, selon le style du temps. Parmi les lettres de Cyprien, quatre (ix, xx, xxvu, xxxv) sont adressées Preshyteris et diaconibus Romæ consisientibus fratribus ; les deux autres

aux prêtres Moj’se et Maxime et aux autres confesseurs emprisonnés pour la foi.

Cette correspondance montre que le clergé de Rome, même privé de son chef, a conscience de son rôle éminent. A l’Eglise de Carthage, qu’au début il croit plus ou moins abandonnée par son pasteur, il trace son devoir avec fermeté ; à Cyprien lui-même, quand les raisons de sa retraite temporaire sont mieux connues, on ne ménage ni les félicitations ni les avis. L’Ep., xxx surtout, due à la plume habile de Novatien, montre Rome étendant sa sollicitude sur toutes les Eglises. Si l’on assure Cyprien qu’il n’a ici-bas d’autre juge que Dieu, on ne laisse pas d’affirmer qu'à 1 évêque de Rome appartient l’initiative des mesures les plus graves, encore qu’il importe d’en faire partager la responsabilité à l’opisccpat. De son côté, Cyprien attache à l’approbation de Rome un prix très grand ; même en lempsde vacance du Saint-Siège, il tient les clercs romains au courant de tous les événements qui intéressent l’Eglise d’Afrique et de sa propre administration.

2" Lettres datant du pontificat de Corneille (mars a51-juin 253). — Durant son court pontiticat, Corneille fut en relations suivies avec le primat de Carthage, comme en témoignent neuf lettres à lui adressées par Cyprien (xliv, xlv, xlvii, xlviii, li, LU, Lvn, Li.v, Lx), et deux lettres qu’il lui écrivit (il, l). Les lettres de Cyprien portent la suscriplion : Cypriaiius Cornelio fratri {à&nsVEp., lvii, qui est une lettre synodale, les noms des évêques siégeant au synode sont joints à celui de Cyprien) ; les lettres du pape portent la suscription : Cornélius Cypriano fratri.On peut y joindre trois lettres échangées entre Cyprien et les confesseurs romains (xLVi, LUI, Liv). Deux objets surtout remplissent cette correspondance : d’une part, les blessures de la persécution, à guérir ; d’autre part, le schisme, qui, à Rome avec Novatien, en Afrique avec Félicissinie, déchire l’Eglise. La dernière lettre de Cyprien porte à Corneille ses félicitations fraternelles pour sa glorieuse confession, prélude de son martyre.

L’Ep. XLVIII renouvelle au pape l’hommage de l’Eglise d’Afrique, et l’assure qu’en s’atlachant à lui les évêques d’outremer ont conscience de s’attacher à l’Eglise catholique, iii, p. 607, 7-9 ; 1 2- 1 8 : Ao.ç cn/m siiig' : lis nayigantilius, ne cum scandalo ullo navigarent. rationem reddenles, nos scimus hortatos esse ut Ecclesiæ catholicæ matricem et radicem agnoscercnt actenerent… Placuit ut… te universi collegne nostri et communicationem tuam, i. e. catholicae Ecclesiæ unilatem pariter et caritatem probarent firmiter ac tenerent. Certains détails d’interprétation sont ici controversés ; ils doivei.t nous retenir.

Que signilîe au juste : ^cc/esi’ne C(((/io/icæ matricem et radicem.^ On a souvent entendu : la racine mère de l’Eglise catholique, et appliqué simplement cette qualification à l’Eglise romaine, mère de toutes les Eglises. Un tel sens va bien dans le contexte. Mais il demeure discutable.

Matricem et radicem ramène une image déjà connue. Nous l’avons rencontrée dans Cath. Eccl. un., v, p. 214, 4. On la retrouve Calh. Eccl. un., xxru, p. a31, 712 ; Ad Fortun., xi, p. 338, 15-17 ; Epp., XLIV, 3, p. 599, 3-6 ; XLV, i, p. 600, 1-6 ; xlvi, i, p. 604, 16-19 ; XLVII, I, p. 605, 16-17 ' i-ïiiii II P- 701, 16-22 ; Lxxi, 2, p. 772, 22-28 ; Lxxm, 2, p. 779, 19-22. La plupart de ces exemples visent, en fait, l’Eglise romaine ; mais non pas tous ; quelques-uns (à commencer parceux tirés de Cath. Eccl. hh.) s’entendent bien de l’Eglise universelle, comme telle ; ils flétrissent les entreprises du schisme, qui déchire le sein maternel de l’Eglise. Pour justifier une telle interprétation, il suUit de donner au génitif dépendant

i1381

PAPAUTE

1382

de matricem et radicem une valeur épexégétique ; d’entendre : " celle racine mère qu’est l’Eglise » au lieu d’une valeurobjeclive : « cette racine mère qu’est (dans l’Eglise universelle) l’Eglise de Home ». Cela ne répugne i)as à la langue de Cyprien.

Tout dépend du sens que l’on attribuera auxmots : Ecclesiæ catholicæ : l’Eglise catiiolique, c’est-à-dire universelle ; ou, dans l’Eglise particulière de Konie, le troupeau catholique, par opposition à la secte scbismatique. Dans le premier cas, la recommandation de Cyprien aux cbrétiens d’Afrique en partance pour Bome signiiie : « attachez-vous à l’évoque de Home ; il est la source de l’unité catholique ». Dans le second cas, elle signifie : « attachez-vous à l’évcque Corneille : il représente, en face du schisme, l’unité catholi([ue a. Pour trancher la question, il est nécessaire d’étudier le sens de ces mots : Ecclesiæ catholicae, selon l’usage de saint Cyprien. On peut relever dans son œuvre (et celle de ses correspondants) plus de cinquante autres allusions à la catholicité.

Catti, Eccl. un., tit., p. 209, i ; Senti, ep., v, p. 4^0, à ; viii, p. 44'i >3 ; xxvii, p. 447> Ti X.LV, p. 463, 7.9 ; XLvi, p. 452, la ; Lxxii, p. lbj, 13 ; lxxv, p. 458, i-i ; Epp., XXV, 1, p. 538, 20 ; xliv, i, p. 597, 13 ; 3, p. 5y8, 20 ; xLv, I, p. 599, 16 ; 600, 5 ; xlvi, i, p. 604, II ; XLviii, 4. p. 608, 6 ; IL, 2, p. 611, 9.16 ; Li, I, p. 614, 13 ; 615, 6 ; a, p. G15, 24 ; liv, 5, p. 623, 19 ; LV, i, p. 624, 7-13 ; 7, p. 628, 19 ; ai, p. 639, i.5 ; a4. p. 64a, 16 ; Lix, 5, p. 671, 22 ; 9, p. O’jG, iS.aS ;

LXV, 5, p. 735, 12 ; LXVI, 8, p. 733, 9 ; LXVIII, I,

p. 74’i, 7 ; 2, p- 745, 10 ; Lxix, I, p. 749, 8 ; 750, 12 ; 7, p. 756, 7 ; Lxx, I, p. 767, 1.3 ; lxxi, 1, p. 771, u ; 772, 8 ; 4, p. 774. « 6 ; lxxii, i, p. 775, 9 ; lxxiii, i, p. 779, 6 ; a, p. 779, 14 ; 20, p. 794, 13 ; lxxv, 6, p.813, 27 ; 14, p. 819, 15 ; 16, p. 831, 7 ; 22, p. 824, 7.

Cette statistique est éloquente. Si l’on met à part deux exemples qui n’appartiennent pas à Cyprien mais au pape Corneille (^/>., L, 2, p. 611, g, 16), exemples qui paraissent bien désigner l’Eglise particulière de Rome par opposition au schisme, on trouvera que tous les autres — ou presque tous — s’entendent plus naturellement de l’Eglise universelle. D’où il suit que l’Eglise de Rome est bien présentée par Cyprien comme la racine mère de toutes les Eglises. Conclusion pleinement conforme au texte déjà cité de Ep. lix, 14, p. 683, lo-ii : Pelri cathedruni atqne… Ecclesium principalem unde unitas sacerdotalis exorta est.

Telle n’est pas l’opinion de H. Dodwell, Dissertationes Cyprianicae, Oxoniae, 1684. Il étudie, vii, 78, plusieurs des cinquante exemples que nous avons cités, et s’efforce d’en restreindre la portée à une Eglise particulière. On pourrait lui accorder cela, sons souscrire aux conclusions qu’il en lire. Mais nous croyons qu’il erre sur le fait, aussi bien que sur les conclusions.

Particulièrement importante est la longue Ep„ LIX, de Cyprien au pape Corneille. Elle comprend trois parties : la première consacrée à l’apologie personnelle de Cyprien (1-8) ; la seconde à l’état présent du schisme en Afrique (9-1 3) ; la troisième au droit de l’épiscopat (14-20). Nous ne retiendrons ici que la troisième partie, comme allant droit à notre sujet.

Cyprien pose en principe l’autorité indépendante de l’évêque dans sa sphère, sous la seule réserve du compte qu’il doit à Dieu de son administration. Cette idée lui est familière ; on la retrouve plusieurs fois par lui formulée presque dans les mêmes termes. Voir Senti, episc, prooera., p. 436, 5-ioEpp., Lv, 21, p. 639, 4-7 ; "x, 14, p. 683, 9-684, 7 ; Lxix, 17, p. 765, 21-766, a ; LXXII, 3, p. 778, 1-7 ; lxxiii, aé, p. 798, 9-12.

Ces textes, pris en eux-mêmes, paraissent fort clairs, et l’on a pu s’en autoriser pour présenter Cyprien comme partisan d’une doctrine selon laquelle le pouvoir épiscopal ne comporterait aucune espèce de tempérament. Il ne faut pourtant pas fermer les yeux sur une autre série de textes, qui commentent les précédents, et montrent fonctionnant autour de Cj’pricn — sous sa présidence elfective quant à l’Afrique — un véritable gouvernement collectif de l’épiscopat, investi du pouvoir de lier par ses décrets les évêques eux-mêmes. Bon nombre de lettres de Cyprien notilientdes résolutions arrêtées par les conciles de Carthage. Le concile évitait toute ingérence indiscrète dans les affaires des Eglises ; mais il édictait des lois et prétendait bien être obéi. Voir Epp., iu. IV. Lvi, 3, p. 649. a3-650, 3 ; lix, 10, p. 677, 15-19 ; LXiv, 1, p. 717, ia-21 ; a, p. 718, i-8 ; 6, p. 731, 3-5 ; Lxv, I, p. 721, 15-18.

Résumons l’impression d’ensemble laissée par cette correspondance de Cyprien avec le pape Corneille.

De même qu’entre le clergé de Rome et le primat de Carthage durant la vacance du Saint-Siège, il y eut enire le pape Corneille et Cyprien quelques malentendus passagers, mais jamais un conflit. Et on a l’impression que (Ijprien use de sou ascendant personnel, soit pour, au besoin, raffermir le pape, moins clairvoyant ou moins résolu, soit pour lui tracer son devoir. Les lettres de saint Cyprien ne sont pas précisément d un subalterne qui demande un mot d’ordre ; elles sont d’un collègue qui croit se tenir à sa place en joignant la hardiesse à la déférence.

S" Lettre au pape Lucius. — Au cours d’un pontilicat de huit mois quin a53-mars 254), le pape Lucius reçut de Cyprien au moins une lettre qui nous a été conservée (lxi). Lettre pleine de respectueuse sympathie pour l’Eglise de Rome et pour son évêque, qui a déjà confessé la foi dans l’exil.

4° Lettres datant du pontificat d’Etienne (mai a54aoùt 257). — Les documents de cette période ont déjà été analysés à propos du BAPTf : MB des hérétiqubs (Ci-dessus, t. I, 391-394). Bornons-nous à dégager quelques observations.

Cyprien n’est pas tellement confiné dans l’Afrique romaine qu’il ne s’intéresse au gouvernement des Eglises d’outre mer. Il en dit nettement son avis au pape, dont il trouve l’initiative parfois peu éclairée (Ep., Lxvii, affaire des évêques espagnols), parfois trop molle (Ep., lxviii, affaire de Marcien d’Arles), parfois franchement indiscrète (Lipp., lxix-lxxiv, affaire du baptême des hérétiques). Ce groupe renferme deux lettres adressées directement au pape Etienne par Cyprien, l’uneen son nom propre (lxviii), l’autre au nom d’un synode africain (lxxii). La pensée de Cyprien sur l’autonomie de l’évêque dans sa sphère s’y affirme très nettement, Ep., lxxii, 3, p. 778, 4-7 : I^ec nos vim cuiqiiam facimus atit legem damus, quando habeat in Ecclesiæ adminiatratione voluntatis suæ arbitriuni liberuni unusquisque præpositus, rationem actus sui Domino redditurus.

Mais le pape Etiennb allait prendre dans la question baptismale une position aussi ferme que son prédécesseur Victor, soixante ans plus tôt, dans la question pascale. On sait la teneur du fameux rescrit conservé dans une lettre de saint Cyprien :

« Pas d’innovation, s’en tenir à la tradition », Ep., 

lxxiv, i, p. 799, 16 : Nihil innovttur, nisi quod iraditum est… — C’était la réponse d’un supérieur hiérarchique.

Saint Cyprien ne la comprit pas. Car s’il n’avait pas de doute sur la primauté du siège de Rome, il ne pensait pas que cette primauté emportât le droit 1383

PAPAUTE

1384

d’intervenir dans une question qu’il estimait trancliée par l’Evangile. Firmilien de Césarée ne le comprit pas davantage et, dans sa lettre à Cyprien, s’emporta violemment contre le successeur de Pierre — l'évoque de Home avait à ses yeux ce litre indiscutable, — si oublieux de son devoir. Ep., Lxxv, 16-17, p. 820-821.

Faut-il conclure à une évolution dans la pensée théorique de Cyprien à l'égard du siège de Home ? On l’a fait quelquefois ; on a même cru pouvoir jalonner cette évolution avec une précision inquiétante. Voir Otto KiTSCHL, Cyprian ton Kartliago uiul die Verfassiing der Kirche, GOttingen, 1885.

Telle ne sera pas notre conclusion. A toutes les étai)es de sa carrière, Cyprien manifeste les mêmes convictions très fermes, avec les mêmes lacunes. Les circonstances devaient amener ces lacunes à se révéler, dans une crise qui fut pour lui singulièrement douloureuse. Le christianisme africain retardait un peu sur la doctrine dès lors claire à Rome et en d’autres points de l’Eglise ; on pourrait parler d’un (1 africanisme », non dépourvu d’analogie avec le futur gallicanisme. Le temps devait emporter cela. Ce qui ressort clairement de la crise baptismale, c’est, en même temps que la sincérité de Cyprien, la conscience qu’avait le pape Etienne, et l’Eglise avec lui, d’un droit supérieur inhérent au siège de Pierre.

L’importance de controverses qui s'éternisent autour de saint Cyprien nous excusera peut-être d’avoir donné à cet épisode un développement disproportionné à l’ensemble de l’histoire où il se détache.

Au milieu du troisième siècle, trois sièges patriarcaux dominent l’Eglise chrétienne : Rome, Antioche Alexandrie, avec une déférence marquée d’Alexandrie et d’Antioche à l'égard de Rome.

Les relations de l’Eglise d’Alexandrie avec celle de Rome, au cours des deux premiers siècles, échappent à l’hisloii-e. Nous savons qu’Origène, condamné dans Alexandrie, écrivit, pour se justiûer, au pape Fabien (236-ïâo) et à d’autres chefs d’Eglises. Voir EusÈBE, //. /.'., VI, XXXVI, P. G., XX, 597. Un peu plus tard, la querelle baptismale eut son contre-coup en Egypte. Saint Dknys d’Alexandrie (289-264), correspondant avec le pape Etienne, s’efforçait de faire prévaloir une solution amiable. Eusébb, VII, H-v, /'. G., XX, G40-645. Une détente se produisit sous le successeur d’Etienne, saint Sixte II (aoiit aSyaoùt258), qui cessad’urger l’exécution durescritbaptismal. Denys d’Alexandrie continua de correspondre avec ce pape et avec les prêtres romains Philémon et Denys ; ibid., v-ix, 6 ! 14-657. Cependant l’hérésie sabellienne, qui menait en Egypte une propagande active, i>aralt n’avoir pas rencontré dans le patriarche d’Alexandrie un adversaire parfaitement éclairé. Denys DE Romk(259-268) donna une orientation dogmatique, en signalant deux écueils opposés : récueil sabellien, où sombrait la foi en la Trinité, et l'écueil trithéiste, où sombrait la foi en un Dieu unique. Texte cité par saint Athanase, De decreiis Aicænae synodi, XXVI, P. G., XXV, 461 CD-465 A. Et Denys

« l’Alexandrie s’inclina devant la sentence venue de

Rome, par une adhésion exi)liLite à la doctrine de l’i.usoÙT.sî. Ibid., XXV, P. G., XXV, 461 AC. A l'égard du schisme novatien, qui avait voulu s’emparer de toute l’Eglise, Alexandrie, en la personne de son grand évêque, garda l’altitude la plus catholique. Voir la lettre de Denys d’Alexandrie à Denys de Rome, EusKBE, //. E. VII, viii, P. G., XX, 662, et sa lettre à Novatien, ibid., VI, xLv, 633.

Dans le même temps, l’Eglise d’Antioche se vit plus profondément troublée. Son évêque Fabius in clinait au schisme : Denys d’Alexandrie joignit ses efforts à ceux du pape Corneille, pour le rafl’ermir dans l’orthodoxie. Eusébb, //. E., VI, xuri, xliv, P. G., XX, 61 6-633. Un peu plus tard, Paul dk SamoSATE, autre patriarche d’Antioche (260-268), doublement scandalesx pour la foi et pour les mœurs, soulevait la réprobation de l’Orient chrétien. Denys d’Alexandrie et Firmilien de Césarée lellétrissaienl ; des conciles s’assemblaient contre lui et finissaient par le déposer. La sentence rendue par les érèques réunis à Antioche notilie la déposition « à Denys (de Rome) et à Maxime (d’Alexandrie, successeur de Denys) et à tous les évêques et prêtres et diacres associés au service divin, et à toute l’Eglise catholique sous le ciel », Eusèbe, //. E., VIII, xxx, P. G., XX, 70g. Cependant Paul refusait d'évacuer les édifices ecclésiastiques ; pour le contraindre, il fallut recourir au pouvoir civil, et la sentence rendue à cette occasion par l’empereur.urélien mérite d'être remarquée, d’autant qu’elle vient du dehors. Les édifices de l’Eglise devaient être remis à l'évêque en union avec l'évêque de Rome. Tel était dès lors le jugement de l'équité païenne.

IV et V' siècle. — Les premiers débats relatifs au Donatisme nous montrent en acte la prérogative du siège de Rome, selon la pensée de cet é êque du dehors que voulait être Constantin. C’est à Rome que se tint un premier synode, présidé par le pape Milliade (313). L’année suivante, un nouveau synode parut nécessaire, il se réunit à Arles : le pape Sylvestre s’y lit représenter par deux prêtres et deux diacres (31(i). Les Donatistes ayant fait appel encore une fois, l’empereur, après leur avoir fait entendre qu’ils devaient tenir le jugement des prêtres pour irréformable comme le jugement même de Dieu, les lit mander et conlirma la sentence des papes Miltiade et Sylvestre (3 16). — Voir HEKEHi-LECLEBCQ, Histoire des Conciles, t. I, ch. iii, p. 260-298, Paris, 1907.

Le cadre du concile de Nicée (325), qu’emplit l'éclat du pouvoir impérial, ne laisse aux légats clu pape saint Sylvestre qu’un rôle effacé. Néanmoins, dès qu’on oublie le personnage encombrant de Constantin, ce rôle apparaît le premier de tous. Nous en avons pour garant le témoignage non suspect d’EusKBE DE CÉSARKE, qui éorit, Vita Constantini, lll, VIT, P. G., XX, 1061 R : Il L'évêque de la ville impériale ne vint pas, à cause de son grand âge, mais quelques-uns de ses prêtres tinrent sa place. » T^ ;

TTpzvQvTipot Ô'kvT^Û TTV.fAJvTî^ Tr.v V.ÙtoO zà^cj 'êTT/v^'/JOUV, La

ville impériale ne peut être que Rome, car la fondalion de Constantinople date de 829. Par les représentants du i)ape, il semble bien qu’il faille entendre non pas seulement les prêtres romains Vituset Vincent, mais d’abord Hosius évêque de Cordoue, qui exerça la présidence effective des débats conciliaires et signa le premier la définition de foi. On ne voit pas en effet quelle autre délégation aurait pu assurer à l'évêque de Cordoue le pas sur tous les personnages ecclésiastiques d’Orient, y compris les patriarches d’Alexandrie et d’Antioche. Constantin avait ou^e^t le concile en qualité de président d’honneur ; après quoi il céda la parole aux présidents ecclésiastiques, Eusèbe, Ibid., xiii, 1069 B : UapiSiSou Tsv /0-/0 » Tof ; T^4 hmHou T.pcéhpoii. Par ces présidents, il faut entendre tout d’abord Hosius, qu’Eusèbe vient de désigner dans un rang à part, vii, 1061 A, et que saint Athanase nomme expressément, Apcdogia de s’ita sua, v, P. G.. XXV, 6^9 B : Quel concile n’at-il point présidé? Tloic/.ç -/v.p où /(oi.0rty/17c/.To swi^iw, cette tradition était ferme au v" siècle ; voir Tubodoret 1385

PAPAUTE

1386

//. E., II, xii, P. G., LXXII, io33 A jSocratk, //. E., I, XIII, P. G., LXVII, loS G. Au v* siècle, GiIlase de Cyziqub, complélant le récit d’Eusèbe, dit posilivevement que Hosius tint la place du pape Sylvestre, avec l’assistance des prêtres Vite et Vincent, Uisl. Conc. Nie. II, V, et xii, P. G., LXXXV, 1229 C et ia/49 B ; ou éd. Loeschke-Heineniann, 4^, 20 et i>o, 26 ; Leipzig, iQiS.Le VI' concile œcuménique (680) répèle que le concile de Nicée fui convoqué, d’un commun accord, par l’empereur Constantin et le pape Sylvestre. Acl., XVIII, Mansi, XI, 661 A. Sur ce point, on peut consulter Hefele-Lkclercq, t. I, p. 5a-58 et i^ab-iiaj ; mais on fera bien de contrôler les références.

En 344, le Concile de Sanlique, par trois de ses canons (3, 4> 5) consacrait le principe de l’appel à Rome, pour les évoques condamnés par sentence épiscopale. Cette mesure était un cou]) droit porté aux évêques orientaux qui, dans un concile d’Antioclie (340, venaient, après un concile de Tyr, de déposer saint Athanase. L’authenticité des conciles de Sardique, contestée de nos jours par FiuKonicii, Sitzun^sherichte der… Akademie der Wissenscliaften, Miiuchen, 1901, a été défendue victorieusement par CIL TuRyF.a, Journal of Theological Studies, Ml, p. 870-397 (1902), et par F. X. Funk, Ilislorisches Jahiliuch, t. XXIII, p. 407-516 (1902). Cf. J. Zbillbr, Les origines chrétiennes dans les provinces danubiennes de l’empire romain, p. 243-256. Paris, 1918. — Texte de ces canons chez Hefelb-Lkclercq, t. I, p. 762-7C9.

L’attitude de la papauté durant la crise arienne exigerait des développements qui ne peuvent trouver place ici. Rappelons qu’un article spécial a été consacré ci-dessus à l'épisode du pape Libèbk.

Sur le rôle des pontifes romains dans la convocation, la présidence, la confirmation des premiers conciles œcuméniques, nous renverrons à l’article Conciles, t. I, col. 594-60' ;.

Bien avant l’hommage éclatant rendu à la chaire de Pierre par les Pères de Clialcédoine (451), l’autorité d’enseignement et de gouvernement du pontife romain s’exerçait dans toute l’Eglise. Les témoignages des Pères ont souvent été recueillis dans des ouvrages spéciaux. Citons par exemple D. Palmieri, J)e Romano Pontifice, Prati, 1891. Il sulTil d’ouvrir l’Enchiridion Patrislicum de RoiiET de Journel au mot RoMANUs PoNTiFEx, pour trouver une première moisson de textes.

Nous devons nous borner à quelques témoins illustres.

Entre tous les Pères Grecs, saint Jean GhrysosTOMEse distingue par son attachement passionné au siège de Rome. Ce trait de son caractère et de sa doctrine n’avait pas échappé aux historiens ; il vient d'être mis en plus complète lumière par une monographie due à Son Eminence le cardinal Marini. // Primato di >'. Pietroe de' siioi siiccessori in San Giovanni Crisostomo, Roma, 1919.

Saint Jean Chrysoslome eut mainte occasion de citer et de commenter les textes du Nouveau Testament relatifs au prince des Apôtres. Il l’a fait au sens plénier de la tradition catholique, en montrant dans le personnage historique de Pierre et de ses successeurs le fondement permanent de l’Eglise du Christ, principe actif et nécessaire de cohésion et d’unité. Voir notamment /n Ml., Ilor.i., liv (lv), P. G., LVIII, 53 i-640 ; / « /oan., Hom., lxxxviii (lxxxvii), P. G, , LIX, 477-48j ; De sacerdoiio, L. II, i.ii, P. G., XLVIII, 631-633. Mais une objection se présente, et elle naît du texte même de Chrysoslome. On sait le culte ardent qu’il a voué à l’apôtre saint Paul : dans son enthousiasme, il semble parfois l'égaler ou même le préférer à saint Pierre. Voir notamment la série De

laudihus.S. Pauli Apostoli () homélies prononcées à Anlioche), P. G., L, 473-514- Mais ces poussées oratoires n’empêchent pas Clirysostoine de distinguer les fonctions de l’apostolat, pour lesquelles Paul marcha de pair avec Pierre, l’un ayant une mission spéciale à remplir parmi les Gentils et l’autre parmi les Juifs, et l’autorité primatiale, prérogative exclusive du siègede Rome. In Act., Ilom., xxxiii, P. G., LX, 289-246 ; In Gal., i et 11, P. G., LXI, 611-648.

Deux circonstances manifestèrent avec éclat la foi de Chrysoslome aux prérogatives du siège de Pierre : l’extinction du schisme d' Anlioche, à laquelle il prit une part prépondérante, dès son élévation au siège de Constantinople (398) ; voir F. Cavalleba. I.e schisme d' Anlioche, p. 289-293, Paris, 1905 ; et son appel réitéré au pape Innocent I", après le trop fameux conciliabule du Clièiio, lors de ses grandes épreuves (années 404 et 406). P. G., LU, 529-536.

Saint Ephrem témoigne pour l’Eglise de Syrie. Lui aussi ^ oit dans la personne de Pierre le fondement de toute l’Eglise ; l’inspecteur (évêque) de tous les ouvriers apostoliques ; le pasteur de toutes les nations ; l’héritier de tous les trésors de Seigneur, qui lui a remis les clefs du royaume..S. Ephræm .S’vi Ilymniet Sermones, ed. T. J. Lamy, t. 1, p. 4 '2, Mechliniae, 1882.

Les Pères latins étaient attachés à Rome, non seulement par la communauté de langue, mais plus encore par un sentiment filial ([ui leur montrait dans le successeur de Pierre le maître de la doctrine. Interrogeons le plus grand de ses exégètes, saint Jérôme, et le plus grand de ses théologiens, saint Augustin. Leur réponse aura d’autant plus de poids qu’elle vient de plus loin : car, si tous deux ont connu Rome, presque toute leur vie s’est écoulée loin d’elle.

Du fond du désert de Chalcis, où l’a poussé un besoin de prière et de pénitence, saint Jérô.mb se tourne vers le pape Damase pour lui demander la solution des controverses qui déchirent l’Orient. Il rappelle l’hommage rendu par l’apôlre Paul à la chaire de Pierre et à la foi des Romains. Il mendie la nourriture de son âme, là où jadis il reçut au baptême le vêtement du Christ. C’est au successeur du pécheur, du disciple de la croix qu’il recourt, pour trouver le Christ. Il sait que l’Eglise est fondée sur cette pierre. Il ne veut rien connaître en dehors de cette demeure : ni Vitalis, ni Mélèce, ni Paulin, qui se disputent le siège d’Antioche, ne sont rien à ses yeux, que des antéchrists, s’ils ne communient avec le vicaire du Christ. C’est un mot d’ordre qu’il attend de Damase. Ep., xv, P. /.., XXII, 355-358 : Ego nullum primum, nisi Ckristum, sequens, Beatitudini tiiae, i. e. cathedræ Pétri, communiuni' consocior. Super illam petram aedipcatam Ecclesiiiui scio… Non noi’i Vttalem, Meletium respuo, ignoro Paulinum… Quicuinque tecum non colligit, spargit… Ciii apud Antiochiam debeam communicare significes…

Le sentiment de saint Augustin sur les prérogatives du siège de Rome ressort avec une grande .clarté de toute son œuvre. Dès l’année 400, pour affermir la foi d’un catholique, Generosus, contre les diatribes donatistes, il l’invite à se tourner vers Pierre, représentant toute l’Eglise et comme tel recevant du Seigneur la promesse d’une assistance indéfectible ; il énumère tous les évêques de Rome, depuis Pierre jusqu'à Anaslase. Ep., i.iii, 2, P. /.., XXXIll, 196. Dans la controverse donatiste, il a coutume de se référer à la sentence portée dès l’année 313 par le concile que présida le pape Milliade ; voir Rreviculus collât, cum Donatistis, III, XVII, 31-32, P. L., XLIII, 642-644. Dans la controverse pélagienne, il demeure étroitement uni aux 1337

PAPAUTE

1388

papes Innocent, Zosime, Boniface, Célestin, comme en témoignent sa correspondance et sa polémique. Voir la lettre synodale des Pères de Milève (4 17) à Innocent I", i'/ » -, CLXxvi, /"./-. XXXlll, '583-4, faisant appel à l’autorité du Saint-Siège pour flécliir les hérétiques ; une autre lettre, Ep. CLXSVU, 764-772, sollicitant une sentence doctrinale. La réponse d Innocent afflrme l’autorité du Siège de Pierre, £/>., cixxxi, 1, 780 ; revendique la sollicitude de toutes les Eglises, Eji., CLXXxii, 2, 784 ; menace d’analhème les adhérents de Pelage, Ep., CLXxxni, 5, 788..ugustin se félicite de cette réponse, telle qu’on pouvait l’attendre du Siège apostolique, Ep., clxxxvi, 1, 2, 817 Nous trouvons dans un sermon de cette même année 417 sa pensée définitive sur toute cause portée à Rome : c’est une cause jugée. Serm., cxxx, 10, P. /.., XXXVIII, 734 : /ain eniin de Iiac causa duo concilia missa sunt ad Sedeni apostulicam ; inde etiani rescripla veneriinl. Causa finilæst : utinam aliquandt> finiatur error.' — Nous empruntons ces références au P. PoRTALlK, art. Augustin, Dictionnaire de Ihéid. cath., I, 241 5. On trouvera, sur le sujet que nous venons d’effleurer, les développements les plus nuancés et les plus complets dans le beau livre de Mgr P. Batiffol : Le Catliolicisme de saint Augustin, Paris, 1920.

Ainsi parlait l’Eglise du iv" et du v* siècle, par l’organe de ses grands docteurs.

En même temps que l’Empire d’Occident s’effondrait sous la poussée des barbares, le rôle de la Papauté allait grandir sans mesure.

Le pape saint Célrstin (4 22-432) qui, au lendemain de la mort de saint Augustin, avait consacré par une sentence dogmatique la pensée du docteur d’Hippone sur la grâce, réglait, par ses légats, la procédure du concile d’Ephèse contre Nestorius, et revendiquait devant ce concile la primauté permanente du Siège de Pierre. Mansi, Sacrorum Conciliorum A’oi’a et amphssinia Collectin, t. IV, 1296 B ; ou D. B., lia. Saint Lkon (440-461), par ses légatsencore, traçait au concile de Glialcédoine la voie orthodoxe contre Eutj’chès. Mansi, t. V, i 87 i D sqq., ou D.B., 143-4 (132-3). Il était réservé au même pape d’arrêter Attila aux portes de Rome.

Dès le début du conflit inonophysite, saint Pierre Chrysologue écrivait de Ravenne à Eutychès pour l’engager à la docilité envers le l)ienheureux Pierre, vivant dans la personne du pape de Rome. Ariiéc iig, P.l.., LIV, 743. Le concile de Chalcédoine. en sa deuxième spssion (10 oct. 451), avait acclamé l'épître dogmatique du papesainlLéon à Flavicn d’Antioclie, comme l’expression autorisée de la tradition apostolique : Pierre a parlé par Léon ! » Dans son épître sj’nodale au même pape (nov. 451). il revenait sur la même pensée en déclarant que le pape, présent en la personne de ses légats, avait mené le concile, comme la tête mène les membres (Inter Epp. S. l.eonis, xcviir, 1, P.L., LIV, 952C). Cependant le même concile, dont la détinition de foi a reçu la sanction du pape et jouit d’une pleine autorité dans l’Eglise, a promulgué des canons dont l’un, le 28", fut expressément condamné par le pape, comme une atteinte portée à la primauté romaine. Déjà le concile de Constantinople, en son 3= canon, avait revendiqué, pour l'évêque de Constantinople, une primauté d’honneur immédiatement après révêque de Rome, en invoquant la majesté de Constantinople, qui est la nouvelle Rome, Mansi, III, 560D. Les Pères de Chalcédoine renouvelèrent cette prétention, dans leur canon 28, Mansi, Vil, 869. La protestation du pape Li’iONne se lit pas attendre ; elle se produisit à maintes reprises, et d’abord dans une lettre à l’em pereur Marcien, du 22 mai 452. Le pape reiiousse la raison alléguée : la dignité de la ville impériale est ici hors de cause, Ep., civ, 3, P.L., LIV, ggSA : lia beat, sicut oplamus, Constantinopulilana civitus gloriam suam, ac protegente dextera Dei diuturno clementiae lestræ fiuatur imperio. Alia tamen ratio est rerum sæcularitim, alia divinarum ; nec præter illam petram, quam Dominus in fandaniento posait, slah : lis erit ulla constructio. Voir encore Eip., cv, à Pulcbérie, même date ; Ep., cvi à Anatole, patriarche de Constantinople, même date ; Ep., cvii, à Julien évéque de Cos. même date ; Ep., oxix, à Maxime d’Antioche, Il juin 453 ; Ep., cxxix, à Proterius d’Alexandrie, 10 mars 454 ; ^/'.i cxxvii, à

lulien de Ces, 9 juin

Cette coirespondance

manifeste, chez le pontife romain, la volonté arrêtée de ne laisser prescrire aucun des droits souverains qui appartiennent à son siège.

C'était depuis longtemps un lieu commun d’invoquer le témoignage rendu par saint Paul (Itom., i, 8) aux fidèles de Rome, dont la foi est annoncée par le monde entier. Les Pères en prenaient occasion d’alUrnier, avec la constance des Romains dans la foi, l’autorité particulière de leur Eglise. Nous avons déjà rencontré tel de ces textes ; groupons ici quelques références, commentées par Dom J. Chapman, Fides romana, dans liev. Bén.. 18g5, p. 546-557.

Saint Irénke, C.Hær., III, iii, 2, P. G., VII, 848B ; NovATiKN, inter Epp. Cypr., xxx, 2, éd. Hartel, [). 550 ; saint Cyprien, Epp., lix, 14. p. 683 ; lx, 2, p. 692 ; Origène, In Rom., 1. I, ix, P. G., XIV, 855 ; saint Jean Chrysosto.mr, In Boni., Jlom., 11, i, /". G., LX, 401 ; Thkodorbt, Epp., cxiii, P. G., LXXXIII, 1313 B ; cxvi, 1324D ; saint JiiHùME, Epp., xv, i, P. /,., XXII, 355 ; xLvi, 11, ib., 490 ; lxiii, 2, 607 ; lxxxiv, 8.750 ; cxxx. 17, 1120 ; In Gal., 1. III, prol., P. /.., XXVI. 355 B ; Apologia adv. lihr « s B.ifini, III, xii, P. /.., XXIII, 466 C ; XI, 472 A ; Adi' lofinian., II, XXXVIII, 337 ; saint.Augustin, Depêccat. orig., viii, 9, P. /.., XLIV, 389 ; Epp., XXXVI, 19, 21, P. /.., XXXIU, 145 ; LUI, 1, 195 ; cxciv, 1, 875 ; saint Léon, Serm., iii, 4, P. /.., LIV, 147 C ; évêques de la Tarraconnaise écri%-ant au pape Hilaire, nov. 465, ap. TiiiEL, Epistotæ Romanorum Puntipcum, p. |56.

Peu après le commencement du vi » siècle, le pape HoRMisDAs (5 1 4-025) proposait à la signature des évêques d’Orient et d’Occident une formule de foi qui constitue le plus solennel hommage à la doctrine immacnlée du Siège de Pierre. Voir, ap. P. B., 171 {il), a formule proposée aux évêques d’Espagne, à la date du 2 avril 517 : Prima salus est reclæ fidei regulam cuslodire et u constitutif Patrum nuUntenus deviare. Et quia non potest Domini nosiri lesu Cliristi prttetermilti sententia dicentis : Tu es Peirus et super hanc petram aedificaho Ecdesiam meam.., hæc quae dicta sunt rerum prohantur efj’ectihus, quia in Sede Aposialica citra maculam semperestcatholica servata religio… — Presque identique est la formule souscrite par Jean, patriarche de Constantinople, C.S.E.l.., XXXV, C08 sqq. — L’acte d’Horraisdas ne faisait que consacrer par une reconnaissance officielle une situation acquise.

A. d’Alôs.