Dictionnaire apologétique de la foi catholique/Juif (Peuple) dans l'Ancien Testament

Dictionnaire apologétique de la foi catholique
Texte établi par Adhémar d’AlèsG. Beauchesne (Tome 2 – de « Fin justifie les moyens » à « Loi divine »p. 789-832).

JUIF (PEUPLE) DANS L’ANCIEN TESTAMENT. — Les deux sujets <|ui, dans l’histoire du peuple d’Israël, intéressent davantage l’apologétique, sont le monothéisme et l’espérance messianique..Viissi est-ce à ces deux questions que nous

allons restreindre notre attention. Sans négliger de remonter, à l’occasion. jusqu'à la période patriarcale, c’est à l'époque de Moïse que nous ferons commencer notre élude. C’est à celle date, en elïet, que le monothéisme hébreu revêt sa forme caractéristi<iue, par suite des grandes révélations de l’IIoreb et du Sinaï.

PuKMiiiRK l’ARTiK t Le iMONOTHÉisM b. —. Remarques préliminaires : 1° Polythéisme, hénothéisme, monothéisme ; 2* Les noms divins dans la religion d'/srarl. — II. Le fait du monothéisme : i" Les documents les plus explicites (Deuléronome, /.soie xï.Lxvi, Ezéchiel) ; 2" Le monothéisme postexilien ; 3" Le monothéisme chez les prophètes préexiliens ; 4° Le monothéisme depuis Moïse jusqu’au neuvième siècle ; 5° J.es patriarches. — III. Origine du monothéisme juif : 1° C’est un fait nnii/ue dans l’histoire des religions : 2° Il ne trouve pas son explication dans les conditions naturelles du peuple juif : 3" Conclusions : Le témoignage des prophètes.

Deuxikme partie : L’espébancb mkssianiqub. — I. Uemurques préliminaires. — II. J.e fuit de l’espérance messianique : 1° Dans les livres historiques : 2'- Dans les prophètes préexiliens ; 3° Dans Ezéchicl ; 4° Dans Is., xl-lxvi ; 5" Dans les prophètes postexiliens ; 6" J^ans les livres sapienliaux ; 7" Dans les Apocalypses ; 8° Appendice sur la doctrine de la Sagesse dans les livres sapientiaux. — III. L’idée messianique accentue la transcendance du monothéisme juif. — IV. Accomplissement des prophéties messianiques : 1" Remarques préliminaires ; 2' La réalisation de l’espérance messianique en Jésus-Christ et en son œuvre ; 3° Les prophéties spirituelles.

PRKMifeBE PARTIE LE MONOTHÉISME

I. Remarques préliminaires. — lo Polythéisme, hénothéisme, monothéisme. — Il est nécessaire de préciser, à l’aide de quelques remarques préliminaires, la notion du monothéisme telle qu’on doit l’entendre en cette étude. Le monothéisme a pour corrélatifs le polythéisme et l’hénothéisme.

A. — Le polythéisme reconnaît et honore plusieurs divinités. Ceux qui le pratiquent rendent pour leur propre compte des hommages directs à un groupe plus ou moins compact de dieux : dieux de la famille, de la tribu ou de la cité, de la nation. Déjà se manifeste le caractère très hospitalier du polythéisme : l’union des diverses tribus ou des cités dans la nation a eu pour conséquence l’adoption par chaque individu des divinités honorées dans les familles ou les clans qui lui étaient primitivement étrangers. Ce n’est pas tout. En outre des dieux auxquels il rend lui-même et directement ses hommages, le polythéiste reconnaît ceux des autres peuples et des autres territoires. Il entrevoit même qu’un jour ou l’autre, il aura des devoirs à leur rendre ; c’est ce qui arrivera, par exemple, en des cas de conquête ou d’annexion : Cf. l’histoire des colons établis à Samarie par Sargon en 722 (II fteg., xvii, 24-4 ') Pf utêtre aussi l'épisode de l’arche au temple de Dagon (I Sam., V, i-vi, 12).

B. — L’hénothéisme, que l’on appelle aussi monolâtrisme, est un polythéisme plus sobre, on pourrait dire plus pauvre. Pour son propre compte, le monolàtre n’adore qu’un seul dieu, mais il ne songe pas à refuser les titres et les honneurs de la divinité aux êtres divers auxquels les autres peuples les décernent. Tout disposé à se prosterner devant les patrons des territoires qu’il rencontre aux limites de son pays, il admettra aussi volontiers que des 1567

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étrangers établis chez lui, tout en rendant hommage à sou dieu, introduisent avec eux sur son sol le culle de leurs propres divinités : Cf. lattituded’Achab visà-vis des dieux de Jézabel (l lieg., xvi, 31-33), de Salomon vis à-vis des dieux de ses femmes étrangères (I lieg., XI, i-13). De plus, en multipliant les autels en l’honneur de la même divinité, l’hénothéiste, surtout dans ces périodes lointaines et en ces milieux, en arrive pres([ue fatalement à la sectionner ; c’est ce qui a lieu notamment lorsque, dans des localités diverses, le nom divin est déterminé par des épithètes spéciales : Le Baal de Peor (Cf. iY((m., xxiii, 28 ; XXV, i, 5, 18) n’est pas de tout point identique au Baal de l’Hermon (Cf. Jiid., iii, 3 ; 1 Cliroii., V, 23) ; le Baal Borith (étjm. baal de l’alliance) honoré à Sicheni (Jiid., viii, 33 ; ix, '1) n’est pas tout à fait le même que le Baal Zebub (étym. baal de la mouche) d’Ekron (II lieg., i, 2, 3, etc.). Sans iloute le mot ba’ale^l un nom comiuun, une épitliète ; l’usage d’un nom proj)re pour désigner les dieux locaux — v. g. Chamos au pays de Moab — ne changera que très partiellement les caractères qui tiennent à l’hénothéisme lui-même.

G. — La formule théorique du monothéisme est des plus brèves : Il n’y a qu’un seul Dieu. Mais, si concise soit-elle, elle renferme un double élément : — un élément pusitif, en ce que d’un être concret elle affirme les propriétés, les attributs qui caractérisent essentiellement la divinité. Il est bien entendu, en elTet, que le monothéisme dont il est ici question n’est pas le résultat d’une simple spéculation philosophique, aboutissant sans plus à un concept, à une idée générale ; il s’agit, comme à projjos du polythéisme et de l’hénothéisme, d’une religion rapportant à un être nettement déterminé le culte iiuc l’on rend ailleurs aux dieux ; — un élément négatif, en ce qu’elle refuse le titre de divin à tous les autres êtres auxquels polylhéislesothéno théistes prétendent le donner. Cet exclusivisme ne va pas jusqu'à nier l’existence d'élres appartenant au monde invisible et intermédiaires entre le seul Dieu et l’homme. Le seul Dieu peut admettre à ses côtés des êtres qui, par leur nature, lui ressembleraient plus qu’aux êtres matériels, l’homme y compris ; qui, à ce titre, pourraient être considérés comme de sa famille et, au sens large, s’appeler ses tils..u surplus, lisseraient aux ordres du seul Dieu, ils conslilueraient comme une armée de serviteurs pour exécuter ses messages au milieu du monde ; ces êtres, en elfet, demeureraient dans une situation entièrement subordonnée, séparés de Dieu par la dislance qui existe entre le Créateur et son<euvre. Le monothéisme est pareillement compatible avec la présence d’autres êtres spirituels, mais indisciplinés, opposés à Dieu ou révoltés contre lui, tievenant les perturhiiteurs de son œuvre ; l’essentiel est que ces esprits mauvais api)araissenl nettement comme des inférieurs, obligés en dernière analyse de se courber de^ant l’autorité du seul Dieu. Même la présence de ces légions du mal peut servir à éclairer la vraie nature de ces êtres que le polythéisme traite comme divins, que le monothéisme rejette.

Il a, en ed’el, deux manières de les considérer : affirmer purement et simplement que ces [irétendues divinités ne sont rien, qu’elles ne sont que vanité et néant ; y voir comme l’incarnation des ennemis invisibles du vrai Dieu, qui ont réussi, au moins pour un temps, à lui prendre une part de son empire. On sait que le même verset 5" du Ps. xcvi, qui i>roclaine la déchéance des idoles, déclare en hébreu qie les dieux des nations ne sont quc néant, en grec qu’ils sont des démons. Lvidemment c’est le sens de l’hébreu qu’il faut retenir ; mais, juxta posées, les deux leçons témoignent des diverses manières dont on peut envisager la situation des faux dieux dans le monothéisme.

« ) Mais l’on n’en est pas nécessairement venu du

premier coup à ces fornmles précises ; le développement de la foi monothéistepeutavoireuson histoire ; celle-ci peut même avoir eu des commencements assez humbles. — y) Quels qu’aient été ces débuts, il faut que dés l’origine l'être auquel on donne le nom de Dieu manifeste, en sa nature et en son activité, une réelle transcendance : on ne saurait reconnaître le monothéisme, si rudiræntaire qu’on le suppose, là où l'être que, par exemple, l’on traite comme créateur ne se distinguerait pas des créatures. Il n’en est pas moins vrai que l’idée que l’on se fera de sa supériorité et de son empire ira sans cesse grandissant. Le Dieu en question s’occupera avant tout du peuple qui l’honore ; si un autre élément n’intervenait pas, dont nous parlerons ci-dessous (cf. S), la distance serait très minime entre ce monothéisme initial et un simple hénothcisme. — 5) Dès l’origine toutefois, ce Dieu témoignera, d’une manière plus ou moins explicite, de ses droits sur le reste de l’univers ; ce sera à l’occasion des divers incidents qui constitueront l’histoire de son peuple. Que celui-ci entre en conllit avec d’autres nations, c’est à son Dieu qu’il attribuera d’avoir réglé les issues de la lutte et, par conséquent, les destinées des nations étrangères aussi bien que la sienne propre. L’idée de la transcendance divine sera, de ce fait, élargie, agrandie. Le progrès s’accentuera à mesure que le « vrai Dieu » étendra son empire et celui de son peuple sur des nations de plus en plus nombreuses, de plus en plus puissantes. Qu’un jour les vicissitudes de l’histoire le mettent en conllit avec ces empires qui semblent les maîtres du monde, que de cette lutte il sorte encore victorieux, et l’on peut dire que, dans cette direction, l'élément positif de l’idée monothéiste aura trouvé sa forme quasi définitive. Le Dieu en question sera déjà, par sa puissance, par son activité, par sa transcendance, le Dieu du momie humain tout entier. — /) Mais il est une autre direction dans laquelle ce progrès peut aussi se réaliser. Les dieux n’ont pas seulement des rapports avec les peuples, ils en ont encore avec les phénomènes du monde physique, du ciel et de la terre. C’est en ce domaine surtout que les jieuples polythéistes ont donné libre essor à la fougue de leurs imaginations. Autant de dieux que de phénomènes ou de forces ostensiblement reconnus : dieux du ciel et de la terre, dieux de l’air et de l’eau, dieux de la foudre et de la tenqjête, dieux des montagnes, des bois, des sources, etc., tous d’ailleurs à i)eine distincts des phénomènes spécifiques auxquels ils président. Dieux dont les activités diverses se condjinent en des théogonies ou des cosmogonies plus ou moins complexes, selon la manière dont on envisage les relations qu’ont entre elles les forces auxquelles chacun d’eux préside. Par voie de contraste, le monothéisme se manifestera dans l’attribution au seul Dieu du souverain domaine sur les éléments, de la causalité suprême de tous les phénomènes qui se succèdent, de la fixation de toutes les lois ipii les régissent. Ici encore le progrès ira s’affirmant à mesure que l’observation agrandira ce champ nouveau des activités divines. Plus encore (pie son intervention dans le régime des peuples, cette action sur le monde physique contribuera à accentuer la transcendance du vrai Dieu. Sans cesse présent à l’univers par la direction qu’il donne à tous les événements (]ui s’y déroulent, il s’en distinguera d’autant plus nettement [lar sa iiersonnalité et ira s’en tenant à une distance de plus en plus 1569

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lointaine. — ô) A mesure que le vrai Dieu s’allirniera, quel sera le sort fait aux fausses divinités ? Cet clcnieul négatif tlu monothéisme aura aussi son développement et son progrès. Dès l’origine, un monothéisme véritable comportera essentiellement un certain exclusivisme ; c’est par là même ciu’il se distinguera de riiénothéisme. Le vrai Dieu se présentera dés le début comme un Dieu jaloux ; il ne reconnaîtra pas de rival. Les prétentions pourront être d’abord à cet égard assez circonscrites. Le moins sera que le Dieu jaloux n’admette pas d'émulé dans l’enceinte de son temple et sur son autel, qu’il ne permette pas à son peuple d’honorer d’autres dieux que lui ; par ces traits déjà, le monothéisme se distinguera nettement des autres formes religieuses. Si le peuple est nomade, il lui faudra bannir du cauq) tout emblème et tout acte caractérisé qui pourraient évoquer le souvenir d’un dieu étranger ; s’abstenir d’immoler ou d’accomplir des rites aux sanctuaires païens qu’il rencontrera dans les territoires qu’il traversera. S’il est sédentaire, il exclura du pays tout sanctuaire dédié à d’autres divinités, proscrira leurs emblèmes, leurs attributs. — D’autre part, en luttant pour son peuple contre les nations étrangères, le vrai Dieu engagera le combat, selon l’idée du temps, avec les dieux qui les protègent. A mesure que se multiplieront ses victoires, ses émules, déchus de leur dignité, n’auront bientôt plus de Dieu que le nom, tant le triomphe élèvera leur vainqueur au-dessus d’eux ; et quand les dieux tombés seront les plus grands de l’univers, le peuple délivré sera bien près de dire qu’il n’y a pas de Dieu en dehors de son protecteur. Bien plus : la défaite même du peuple monothéiste trouvera son explication dans la foi qu’il professe ; son échec n’amènera pas l’aveu de l’impuissance du Dieu qu’il honore ; celui-ci tirera de son caractère propre des raisons supérieures pour abandonner les siens au malheur. — s) Le monothéisme, en effet, peut encore se manifester et progresser en une autre manière. Sans que le vrai Dieu aflirme directement son domaine sur les hommes et l’univers ; sans qu’il proclame la déchéance et le néant des fausses divinités, on peut voir, dans sa personne même, se dessiner des traits qui le mettront tout à fait à part des autres êtres que les peuples vénèrent comme divins. Ces traits peuvent être tels et tellement accentués que toute assimilation devienne impossible et que, loin de pouvoir être traité comme l’une des <li verses divinités dont on se réclame ici-bas, il les bannisse toutes de la catégorie à laquelle il appartient, et, on pourrait ajouter, que tout seul il constitue. Il est évident que, dans l'épanouissement de ces traits, il y a aussi place pour un développement et un progrès.

2" Les noms divins dans la religion d’Israël. — Deux séries de noms servent à désigner le Dieu d’Israël dans l’hébreu biblique : des noms communs et des noms propres.

A. — On rencontre d’abord le nom commun 'el (h »). — a) Ce nom n’est pas seulement hébreu ; on le trouve, peut-on dire, dans tout le monde sémitique ; en phénicien, il a un féminin 'état : en safaïte, illat : en assyrien, il présente les formes ilii, pi. ilê et ilani, fera ///((. Les diverses sources que l’on peut consulter nous le font connaître comme élément constitutif de beaucoup de noms propres, assyro-babyloniens, phéniciens, araméens, nordarabiques, sudarabiques ; pour l’ai-améen en particulier, la Bible elle-même nous fournit les noms de Bathuel (Gen., xxrv. 15). de Hazaél (II licf ;., viii, 8), etc. Les mêmes documents nous montrent ce mot employé d’une façon tout à fait indépendante. Le plus souvent, ce terme apparaît comme un nom commun évoquant

Tome II.

I l’idée générale de divinité, susceptible à ce titre d’elle associé aux divers noms propres que fournit le panthéon sémiticpie ; de là, par exemple, en assyrien, l’usage de l’idéogramme itu comme déterminatif des divers noms divins. Mais, en plusieurs régions, ce terme désigne sûrement un dieu particulier et concret. — b) Quels sont l'étymologie et le sens originel de ce mot ? La forme 'êl (ou 'el) se rapproche de noms tels que met, mort, et hen, fils. Mais, quelle que soit leur ressemblance, ces deux termes remontent à des racines de catégories très différentes : met, qui garde sa voyelle au cours de toute la flexion, suppose un radical Ayin-ll’ai ; mût : lien, doni la voyelle change ou disparaît dans la flexion, remonte à une racine Lamed-Hé, primitivement l.amed- Yùd, linndlt, btlnay. 'El garde, sans doute, sa voyelle devant les sulUxes ('e71, mon Dieu), au pluriel absolu ('élim) et même construit Çéléy) ; mais, dans les noms composés, ê devient bref ÇEldûd) ou même cède la place à un ken’aÇ'li’nb) ; c’est donc que sa permanence n’est pas essentielle. De là plusieurs hypothèses. Les uns assimilent 'êl au participe actif du verbe 'ùl ( 7'k), qui n’est pas usité en hébreu, mais qui fournil beaucoup de dérivés : 'ùl, ventre ; 'ùl, prince, noble ; lilam, porche ; 'ayil, bélier ; 'aj, pilastre ; 'ayil, chef ; 'èldli, térébinthe ; 'éldn, id. ; 'ayyul, cerf, etc. Il est difficile de dèt-erminer l’idée commune à tous ces noms. On a mis en avant l’idée de force. Les anciens, Aquila, S. Jérôme, interprétaient de cette manière le nom divin 'êl : Eusèbe atteste que telle était l’opinion des Juifs. Une étymologie plus récente aboutit au sens de être en avant (Nôldeke). Qu’il soit le fort, ou celui qui est en avant, 'El est le premier, le chef, le maître. D’autres rattachent él (non plus 'êl) à 'dldh ('ûlar). Les uns reportent sur ce radical le sens présumé du dérivé : être fort (Dillmann). D’autres (Lagarde) rapprochent 'él de la proposition 'èl, 'él, vers, et donnent à Sldh le sens de tendre vers, se diriger vers ; '<'/ est ainsi l'être vers lequel on se porte. Dieu apparaîtrait donc comme le but des aspirations, autrement dit encore, comme le maître universel. En toutes ces hj-pothèses, le mot 'El n’est autre chose qu’une épithète, saisissant l’idée de Dieu, non pas dans son essence, mais dans l’un de ses attributs les plus caractéristiques et les plus universellement reconnus : sa puissance, son autorité et, jusqu'à un certain point, sa transcendance. — c) Dans la Bible, ce terme désigne parfois des hommes puissants (II /ffif., XXIV, 15 ; Ez., XVII, 13 ; xxxi, ii ; xxxii, 21 ; Job, XLi, 17 ; généralement en style poétique). Souvent il indique les faux dieux ; tantôt il est employé sans épithète pour cette fin (Ex., xv, 1 1 ; Dent., iii, 24 ; /s, xLiii, 10) ; tantôt une épithète en précise le sens ÇEx., xxxiv, 14 [autre Dieu] ; Deut., xxxii, 12 [Dieu étranger] ; Ps. lxxxi, 10 [item]). Surtout il exprime le vrai Dieu, le Dieu d’Israël, on pourrait dire Dieu tout court. Dans ce cas. il est toujours au singulier, avec ou sans article, susceiitible de recevoir tous les qualilicatifs en rapport avec cette signification ; on rencontre des exemples de cet emploi à toutes les pages de l’Ancien Testament. A noter ces expressions : '£/, Dieu d’Israël (Gen., xxxiii, 20) ; 'El, dieu des esprits de toute chair (A’uni., ^vj, 22), dans lesquelles le nom commun 'El prend la place du nom propre de la divinité. — d} Certains déterminatifs du nom 'El méritent une attention à part. Il faut d’abord mentionner l’appellation 'El Élvôn ( jT^y), à côté de laquelle on rencontre aussi 'Elohim ' Ehon (Ps. Lvii, 3 ; Lxxviii, 56), Yaluveh Élyon (Ps. vu. 18 ; xi. i, 3)et. bien plus souvent encore, 'Elyon sans plus (.um. XXIV, 16 : Deut., xxxii, 8 ; surtout dans les Psaumes). Dérivé de la racine 'àlah, monter, cette épitbéte est exactement rendue par : le Très Haut.

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Elle témoigne, surtout dans les Psaumes, de la transcendance de Dieu. On dirait qu’en certains cas des étrangers affectent de l’employer comme pour garder, vis-à-vis des serviteurs de 'ïabweli, une sorte de neutralité (^"en., xiv, 18-22). Beaucoup plus obscure est la signilication de la locution '7 : , '/ SaJc/ay ( nsy) L'étyraologie en est incertaine. Déjà les Septante étaient hésitants quant à sa signilication. Dans la Genèse el l’Exode, tantôt ils la négligent, tantôt ils la rendent simplement par ©îcç, avec ou sans sullixe (Gen., xvii, i ; xlviii, 3 ; xlix, 25 ; £x., vi, 3 ; cf. Num., XXIV, 4, 16). Ailleurs on a : ziipio ; (Joh, VI, 4, l4 ; XIII, 3, etc.) ; ô T « -àvra -ncirvy-^ (Joh, VIII, 3) ; TTKvTszc'/iTwp (./oh, V, 19 ; très fréquenl) ; lr, ojp-J.vi'., i{Ps. Lxviii, l5) ; ôBiii « D mp^nii (^Ps. xc.i, i) ;

« yvj ; {.ioh, XXI, 15, etc.) ; la Vulgate traduit par

Ommpotens (cf. Ex., vi, 3). La traduction l’z'/.vo ; est d’une façon constante celle d’Aquila, de Symniaque et de Tliéodotion ; elle repose sur une étymologie très factice, qui était chère aux rabljins et qui décompose iadday en deux éléments : le relatif sa (ou.si-, que l’on rencontre à côté de sér), et le substantif (/av, sulfisance ( B'-|-n) : ce qui sullit. Il n’y a rien à tirer d'/s., xiii, 6, Jo., i, 15, dans le sens d’une racine sâdad : outre qu’en ces endroits, le prophète use du jeu de mots et de l’allitération, rien dans la tradition biblique n’invite à envisager Dieu comme le Destructeur. On a voulu (Nôldeke, Hoffmann) rapprocher adday corrigé en sêdnr, de s-e’rf, démon, ou, selon le sens de l’assyrien sédii, génie prolecteur ; on aurait ainsi : mon protecteur. Mais est-il probable qu’il faille songer ici à une épithète commune au vrai Dieu et aux fausses divinités ? On a pensé (Fred. Delitzsch, Gheyne) à une forme intensive en rapport avec le mot assyrien sadu, montagne, et avec une racine sâdnli (saday), être élevé. Cette étymologie aurait l’avantage d’aboutir au sens traditionnel adopté pour la locution El adday, qui implique la grandeur, la toutepuissance ; d autre part, cette appellation se laisserait rapprocher de certaines épitliètes de la divinité, fréquentes dans la Bible : 'élién, pierre (Gen., xlix, 2/1), séUi, rocher (Ps. xviii, 3), surtout sûr. rocher, forteresse (employé trente-trois fois dans la Bible pour désigner le Dieu d’Isracl : nent., xxxii, l, 15, 18, 31, 37, etc.). D’après Ex.. vi, 3 (P), El adday fut le nom soushMjuel Yahweh se manifesta aux patriarches. On le trouve, en effet, dans la Genèse (xvii. 1 ; XXVIII, 3 ; XXXV, 11 ; xLiii, 14 ; xlviii, 3 ; xi.ix, ily), mais aussi / ::., x, 5, etc. Il est remplacé simplement par Sadday dans lA’iim., xxiv, 41 '6 ; Itii., 1, 20, 21 ; /.s-., XIII, G ; Ez., I, 2/1 ; fo., 1, 15, etc. ; on le rencontre [)lus de trente fois sous cette forme dans le livre de.lob (v, 17 ; VI, 4, 14 ; etc.)

B. — Le deuxième nom commun est celui d’Elohim (O’n^K, liihiin) à côté duquelapparaît Elohah (ni'^K. lo’h). — a) Ce dernier mot rappelle le nom divin que l’on retrouve dans le monde arabe, Ilah, qui avec l’article devient Allah. Dans les documents préislamiqucs, on rencontre aussi une déesse liât ou ilahat, avec l’article.llat. Dans la Bible, le singulier l<Sh, qui n’est jamais accompagné de l’article, est d’un usage beaucoup plus rare que le pluriel ; tandis que l’on rencontre ce dernier environ deux mille cinq cent soixaiile-dix fois, la forme du singulier est employée cinquante-cinq fois ; on ne la lroue pas moins de i)uarante fois dans le livre de Job ; en dehors do ce livre, elle figure ou dans des textes poétiques, ou dans de la prose de basse époque (cf. pourtant le Ketih de II Ilef ;., xvil, 31). ' /o’A peut désigner un dieu étranger (II Chron., xxxii, 1.5 ; Dan., XI, 37). Alais le plus souvent il s’agit du Dieu d’Isracl, ou tout simplement de Dieu (Dent., xxxii, 15, 17 ; / «., xt-iv, 8 ; I/ali., iii, 3 ; Juh, iii, 41 etc. ;

Ps. xviii, 32 ; L, 22, etc. ; /"r., XXX, 5 ; Te/ ;., IX, 17). Le pluriel 'élohim, de même que 'élim, peut se rapporter à des êtres humains qui, par leur fonction, apparaissent comme les représentants de la divinité : chefs de peuples, juges (Ps. lxxxii, 1, 6) ; il désignera aussi les anges (Ps. xc.vii, 7), bien que d’ordinaire ils soient appelés h’iiêy 'lôhim, lils de Dieu. Il conservera son véritable sens numérique quand il exprimera une pluralité de dieux étrangers (Ex., XVIII, 11 ; XX, 23 ; XXII, 19 ; etc.). Mais bien plus ordinairement il s’agit du seul Dieu d’Isracl. Tantôt le substantif est accompagné de l’article, halvliim, parce que le Dieu d’Isracl est le Dieu par excellence ; tantôt il est sans article parce que le Dieu d’Isracl est Dieu tout court, aucun autre être ne méritant qu’on le désigne par ce nom. C’est donc par extension et par une sorte d’abus de langage que ce pluriel est employé pour désigner une fausse divinité, dieu ou déesse (.jiid., ix, 27 ; xi, 24 ; 1 Sam., V, 7 ; I /feg"., XI, 33 ; etc.). Quand il sert à désigner le vrai Dieu, lôhim se construit généralement avec des verbes et des qualificatifs au singulier (Gen., 1. i ;

I Sam., VI, 20 ; Neh., viii, 6 ; etc.). De tels usages grammaticaux ne sont pas absolument particuliers à l’hébreu : en assyrien le pluriel ilani, parfois employé pour désigner un seul être divin ou la divinité en général, se peut construire avec un verbe el des attributs au singulier (cf. Hehn, />ie hihlische luid die hahylonisclie Gottesidee, p. 160-173). — h) On a vu dans cet emploi d’un nom pluriel pour désigner le Dieu d’Israël une preuve évidente que les lils de Jacob avaient d’abord été poljthéistes. La Bible elle-même atteste que les ancêtres des Israélites, d’une manière plus précise les ancêtres d’Abraham, adoraient plusieurs dieux (Jos., xxiv, 2). Si le mot lôhim remonte jusqu'à cette date, il est tout indiqué qu’il ait servi à désigner les divinités de la tribu. Mais il est certain qu’appliqué au Dieu d’Israël, il a perdu de bonne heure toute connexion avec le polythéisme ; s’il y avait eu danger qu’il inspirât aux Israélites l’idée d’adorer plusieurs dieux, il eût été réprouvé et anathématisé par les propagateurs cl les champions du yahwisme. Si, mis en connexion avec le développement de la religion Israélite, ce terme peut évoquer des attaches polythéistes, c’est pour des temps que l’on peut qualitier de préhistoriques, ou bien des périodes de beaucoup antérieures à la constitution du peuple de 'V’aliweh En gardant ce terme, les Israélites auraient implicitement reconnu que la divinité unique à laquclleils rendaient leurs hommages réalisait pleinement le concept que leurs ancêtres avaient morcelé entre plusieurs personnalités divines. Ce pourrait être une explication historique de ce pluriel d’intensité que constitue le mot lôhim. Rappelons toutefois qu'à ce litre, il se rapproche de certains substantifs abstraits tels que

II lirim ( Dmj, o), jeunesse ; z’qiinim (Qi^pT), vieillesse. Il serait assez naturel que l’on eût employé le terme qui exprimait l’idée abstraite de divinité pour désigner l'être auquel seul elle convenait. — <) Au point de vue grammatical, lôhim se présente comme un pluriel très régulièrement formé iV’lô" !  ! dans lequel le li troisième radicale serait guttural (cf. gâ'"'"/', n~ : >, haut, ^'hiihim) ; c’est l’opinion de Kranz Delitzsch, qui songe à une racine (inusitée) 'alah et la rapproche de l’arabe 'aliha, qui évoque l’idée d’errer çà et là par suite de la crainte, de la terreur. Dieu, npparaîlrait avant tout comme l'être terrible, redoutable. On sait que Gen., xxxi, ! i, 53, il est appelé la Terreur d’Isaac, qu’ailleurs (/s., viii, 13 ; Ps. i.xxvi, 12) il est appelé môra', objet de crainte, qu’enlin la religion elle-même s’exprime par la formule crainte de Yahueh. Toutefois la rareté du 1573

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singulier Jo"/i fait qu’on le traite beaucoup plus souvent comme une forme secondaire fondée sur le |)Uiriel lohiin lui-même (Nestlé). Dès lors on se demande ([uel est le sens de ce dernier mot et quels sont ses rapports avec l’autre nom commun 'fl, |)1. 'clim. D’aucuns traitent ces termes comme fondamentalement distincts et reviennent pour loliim à la racine rilali dont nous venons de parler. D’autres, en plus grand nombre, penchent dans le sens de la connexion : Xoldeke la regarde comme possible, sans plus ; Ewald l’allirme et rattache les deux mots à une racine 'ntali (/i guttural) à laquelle il attribue le sens d'être fort. DiUmanu invoque pour '('/ une racine 'dlali (h faible) qu’il rapproche de '(/, pouvoir, pour lui donner, à elle aussi, le sens d'être fort ; quanta loliim, il l’analyse comme une expansion de 'cl, à la façon de '"m/iliot pi. de 'dmdk ( nS ! <), servante. Nestlé traite, lui aussi, Idliini comme vin pluriel emphatique de 'cl. Hchn (op. cil., p. 209 sv.) arrive au même résultat avec une théorie un peu dilTérente. On peut aussi, comme plus haut, pensera « /'//(, tendre vers. De ce pluriel d’intensité ou de majesté, comme on disait autrefois, on jieut rapprocher les formes ^'(^oif’m, le Saint (P/oi'., ix, 10 ; XXX, 3), 'étydriin, le Très Haut (Dan., vir, 18, 22, 26, 2'j). Les rapprochements que nous établissons entre lohini et et aboutissent à leur donner le même sens ; ce sont des cpilhêtes qui en Dieu saisissent surtout et traduisent la souveraineté, la primauté, la transcendance.

C. — Il y a plus d’un rapport entre ces termes et d’autres épitUètes qui jouent un rôle important parmi les appellations de la divinité dans le monde sémitique et en Israël. — La première est Baal, ha' al ('?y3). Ce mot veut dire maître, époux, souverain. . ce titre il est apte à exprimer le maître par excellence. Dieu. Sous la forme Bel, il désigne un dieu spécial du panthéon babylonien. Baal devient en quelque sorte le nom propre du dieu des Phéniciens, qui lui donnent pour parèdre Aslarlé ; il joue aussi un rôle dans la religion des Philistins. Parlant de ces dieux étrangers, la Bible dit tantôt ha al au singulier avec ou sans article, tantôt h' rilim au pluriel. Parfois même ce pluriel paraît être un pluriel de majesté, n’indiquant pas nécessairement la multiplicité des idoles (Jud., 11, 1 1 ; iii, 7 ; surtout viii, 'i’i, etc.). Le Dieu d’Israël a, lui aussi, été désigné par cette épithèle ; on en a la preuve dans plusieurs noms propres théophores, notamment Isbaal (homme le Baal), l’un des fils de Saiil (1 Chron., viii, 33). D’autre part, Osée (11, 18) prohibe l’application de e terme (dans le sens de mon a époux i>)à Vahweh, ce ([ui témoigne d’un usage antérieur assez fréquent. C’est peut-être après cette défense que ce mot à été remplacé, dans plusieurs noms propres, par hoiél, honte (II Sd » !., if, 8, Isbaal devient Isbosélli). — Une autre épithéte revient au même sens : mélél ; , qui veut dire roi. On la trouve à maintes reprises appliciuée à Yaliweh, soit qu’on le considère comme roi d’Israël (1.S'('m., xii, 12), soit que l’on s’abstienne de restreindre le domaine de sa souveraineté (, /er., X, 7. 10 ; Ps. xxiv, ). 8, 9, 10 ; XLVir, 3, 8 ; etc.). .Vvec une vocalisation un peu dilTérente (mô/éA- ; lxx M'-'V). qui rappelle celle de hilsét et f|ui est peutêtre artilicielle, ildésigne le dieu auquel les Israélites nlTraienl des særilices d’enfants dans la vallée de lliiinom (II Itef ;., xxiii, 10 ; cf..1er., vii, 31 ; xxxii, 35) et qui présente de nombreuses adinités avec le dieu des 'Vmmonites, plus ordinairement appelé Mileom (forme em])Iiatique dérivée de la même racine). — Il faut encore mentionner une autre c[>ilhète. qui a eu meilleure fortune que les précédentes : le mol 'ûdvn (inK), maître, seigneur, qui a fourni le nom

du dieu phénicien Adonis. Au singulier, ce terme peut accompagner le nom du Dieu d’Israël (lix., xxiii, 17 ; XXXIV, 23 ; Is., I, 24 ; etc.), ou même le renq)lacer (Ps. exiv, 7). Mais c’est au pluriel — véritable pluriel d’excellence — qu’il se substitue au nom propre du Dieu biblique (Mal., i. G). La forme la plus commune est celle à'Adonay (prop. '"diinfnj) dans laquelle le pluriel est construit avec le sullixe de la 1" personne singulier (littér. mes seigneurs), et qui veut dire tout simplement le Seigneur. C’est un terme courant (]ui tantôt accompagne le nom divin qu’il précède ((Ven., xv, 2, 8 ; etc.) ou qu’il suit (l’s. Lxviii, 3 1 ; cix, 21 ; etc.), tantôt le remplace à la façon d’un véritable nom propre (/. «., iii, 17 ; Ez., xviii, aS, 29 ; etc. ; ef. la locuti’jn caractéristique Adiintiy Eloltim, Ps. xxxviii, 16 ; etc.). On sait que, dans ja lecture publique des synagogues, ce mot fut, par une sorte d’usage et de rubrique, substitué perpétuellement au nom propre divin, traité comme inelfable. — Pour le sens, ces diverses épithcles se rapprochent beaucoup d’El et d’Elohini.

D. — La forme la plus usuelle du nom i)ropre du Dieu d’Israël est représentée par le tétragramme )7m/i ( nirr). — « ) On a hésité assez longtemps sur la prononciation de ce mol. Jéliosah ('l161ali) est un barbarisme récent (1020), dû à l’adaptation des voyelles du qercy perpétuel '"dônnr aux consonnes du tétragramme. — i) Pour fixer une lecture sur laquelle on n’a aucune indication positie et directe, ou use de deux séries de données. Les unes sont fournies par les auteurs anciens qui pouvaient connaître la prononciation tBaditionnclle. Or Théodoret nous dit que les Samaritains prononçaient I'^,.? ;  ; saint Epiphane attribue la même prononciation à un groupe de chrétiens. Clément d’Alexandrie témoigne en faveur d’une prononciation 'l’j'.ji. Au point de vue phonétiquT', ces deux articulations sont des jilus voisines. — c) L’autre indication est fournie par le texte fameux &'Ex., iii, !  : « Dieu dit à Moïse : Je suis celui qui suis. Et il dit : Ainsi tu diras aux enfants d’Israël : Je suis m’a envoyé vers vous. » On sait l’importance de ce texte, dans lequel le Dieu qui choisit Israël pour son peuple lui manifeste le nom sous lequel il veut être honoré, et en quelque manière le délinit. Or la forme même du nom. dans 14, n’est pas la forme usuelle : on a 'lirlt (riTlN) au lieu de yhuli (mri')) "^ c’est cette forme 'Aj/ ; (rrriN) que 14" déûnit. Cette forme est connue ; c’est la I" personne singulier de l’imparfait (la vocalisation massorétique consacre la forme qal) du verbe hindli (nin). être. Parlant lui-même, en cette apparition décisive, le Dieu d’Israël se désigne par une l" pers, et, pour se définir, il ne trouve rien de mieux que d’insister simplement sur celle i " personne dont l’usage est courant et le sens connu ; 14-' équivaut à dire : Je suis. Ce sens rejaillit tout naturellement sur celui du tétragramme usuel)/(n7/ (rr^"') t)n est invité à y voir une 3' pers. de l’imparfait du verbe liâyiih (riTl), ou mieux du vieux verbe- h(hiiti ( nin), cire. Les règles de la ponctuation massorétique aboutissent à une orthographe i’ah-aéh (m, -|i) ou Yahwéh ; elle est, on le voit, 1res voisine decelle de Clément d’Alexandrie. — rf) Seulement l’on se demande, sans pouvoir aboutir à une solution définitive, si l’on est en présence d’une forme simple (// est) ou d’une forme causalive (// fait (Ure). Ainsi le Dieu d’Israël s’appelle et se définit Je suis : on l’appelle U est ou Qui est.

E. —.V côté de celle forme, on en rencontre une plus l)rève. — « ) On la connaît depuis longtemps comme un élément de beaucoup de noms [)ropres théophores. Elle revêt sa physionomie vraie à la fin des mots, cl c’est Yâhù (cf. 'llizqiyydhù, Ezéchias ; 1575

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II Reg., svi, 20 ; etc.), (lui d’ailleurs est parfois abrégé en Yâh (il Reg.., xviii, i, etc., on a Hizqiyyali ; la finale Yâh dans les noms propres est loin de toujours représenter le nom divin). La prononciation Yiihii, consacrée par la massore, est attestée par les transcriptions assyriennes (Ezécliias est appelé Hazaqiiau sur le prisme de Sennacliérib). L'élément divin se trouve souvent aussi au commencement des noms propres ; on a alors l’une des deux formes Y ho et Yo. Dans l’une et l’autre, on constate la contraction du groupe vocalique a -- u par-dessus la consonne h de faible articulation ; seulement la forme longue garde plus fidèlement l’empreinte des consonnes primitives. Les transcriptions assyriennes ne connaissent pas cette contraction (Acbaz [Yoacbaz] s’y présente sous la forme laiihazi). — h) Les papyrus d’Elépliantine (1907) établissent l’usage de ces noms à l'étal isolé. Le Dieu d’Israël y est représenté par les consonnes v/i’c qu’il faut lire ou Yûhii ou Yaliù (forme dégradée). On rejoint ainsi la transcription grecque Iv^ attestée par Tbéodoret, Epiphane, Diodore de Sicile. — c) Le rapport grammatical et lexicograpliique de la forme abrégée avec la forme complète est aisé à saisir. Ydhû est apocope par rapport à Yah’weh ; la voyelle finale est tombée, le w s’est adouci en u (cf. les deux imparfaits Hitbpalel yisiaha'-veh |de silhiih^ se prosterner] ei yislahii). Il est plus dillicile de déterminer leurs rapports au point de vue de l’usage et de dire, par exemple, s’ils ont perpétuellement subsisté l’un à côté de l’autre, ou si l’un a sur l’autre l’avantage de quelque priorité. — </) On éprouve pareillement une grande dilliculté à déterndner le sens précis et la portée exacte du nom divin, même quand on lient compte de l’explication que Yalnvcli lui-même en fournit I Nul doute que, dans la pensée de Dieu, ce nom et cette explication ont un sens et une profondeur que l’on ne saurait ni restreindre ni limiter. A cet égard la formule des Septante 'E/'>) si^/i i m — O iiv àTiiinrvxh fj.i Tipi : ùnii, avec tous les concepts métaphysiques dontellenousapparailriclie, serait encore inadéquate. Et l’on en pourrait dire autant de la formule apocalyptique O in xxi i r, y xcl i éfiydfAÊ-^^i (-^/'.. ï) 'l)Yaliweli est Celdi qui est, sans aucune limite à son être, quant au temps et quant à l’espace : Celui qui est, qui était et qui sera à jamais. Mais la question se pose un peu dilléremment si l’on se préoccupe de la manière dont les auditeurs de Moïse comprirent cette formule et, par conséquent, du sens que Dieu voulait mettre à leur portée ; la suite de notre étude nous amènera à préciser ce point de vue. Sans doute les esprits des Hébreux del’Exoden'étaienl guèreouverts à la spéculation et à la niétapliysit|ue. Déjà jiourtant Yaliweb leur apparaît bien comme Celui qui est, en un sens éminent cl transc(^ndaiil : Celui qui est présent au milieu d’eux ; Celui dont l'être en même temps est constant, puisqu’il est, non seulement le Dieu de la race actuelle, mais encore le Dieu des pères, d’Abraham, d’Isaac et de Jacob (^.r., iii, G) ; Celui qui est Cause, auquel Israël, dès ce premier moment, se sent redevable de sa délivrance et de son rachat (Ejr., iii, 8), duipiel il dépendra dans toute la suite de son existence, duf|uel il attendra la protection pour se faire un chemin au milieu des nations, sur lequel il comptera pour ses besoins de chaque jour, dont, par conséquent, la puissance de causalité lui apparaît immense danslegouvernement des hommes et dans le domaine de lu nature. Sous une forme plus ou moins précise, ces idées étaient au fond des âmes, simi)les encore, auxquelles Dieu se révélait Celui qui est.

F. — Le nom de Yahveli est souvent complété par une épithète que l’on ne saurait passer sous

silence : le Dieud’lsraël est nommé Yahweh sabaoth (S’hn'ôt). — a) La formule la plus conq)lète est Yiihii’g/i lohêy hass’bd'ét (Ani.^ iii, 13 ; vi, 1^) ou s’bd’tit (sans article, le nom étant sulfisamment déterminé par l’usage ; H Sam., v, 10 ; etc.). On trouve aussi d’autres formules ; dùndy Yahweh s’hd’ol (Ps. Lxix, 7), YahweJi 'lùliêv has.s Ld*ôt '^dônay (Ain, ^16) ; etc. Mais le plus souvent l’expression est réduite à Yahire/i.yba’ot. — h) La relation grammaticale de ces deux termes estassez difficile à déterminer. Les deux mots sonl-ils en construction, de telle sorte que la véritable traduction soit bien Yuhwch des armées ? Ou bien s’agit-il d’une apposition, de telle sorte qu’il faille rendre iahweh les armées, ou, en traitant lequaliUcatif comme un autre nom propre, Ynliweh S’ba’On On sait, d’une part, que les noms propres ne se mettent pas d’ordinaire à l'état construit. D’autre part, on rencontre certains cas dans lesquels le nom commun lôhim, substitué à Yahweh, demeure à l'état absolu devant Slin’ot (Ps., lxxx, 8, l’i) : de même, en d’autres cas dans lesquels ItiJiim suit le mot Yahweh (Ps. Lix, 6 ; LxxT, 5, 20 ; Lxxxiv, y). Si s bà'ol doit être considéré comme étant en apposition, c’est à titre d'équivalent d' lohéy s’hd'ôt. — f)Cette locution ne figure pas dans l’Hexaleuque, ni dans le livre des Juges ; on la rencontre dans Samuel, les Rois, les Chroniques ; elle est fréquente dans nombre de prophètes : Isaie, Jérémie, Osée, Amos, Michée, Nahum, ïlabacuc, Sophonie, Aggée, Zacharie, Malachie ; Ezéchiel ne l’emploie pas : elle se présente enfin dans plusieurs psaumes. — d) S’bà'ét (T' » 'yi) est le pluriel fémininfort régulier du substantif masculin. Vf ? //rt'(î<2s) qui veut dire armée. Mais de quelles armées s’agit-il ici ? On peut pensera des armées humaines, aux armées d’Israël. Yahweh a, en effet, pris grand intérêt, surtout aux origines, à ce qui regardait les troupes des Israélites et leurs succès. L’un des vieux documents qui renfermaient les souvenirs des combats d’Israël ne s’appelait-il pas Séjiliér Millf’mot Yahweh, le livre des Guerres de Yahweh (IS’um., xxi, 14)? Durant la conquête de la terre de Canaan et pendant les pi’emiers temps de l’occupation, le syndiole ollieielde Yahweh, l’arche, apparaît souvent en relation avec l’armée et la guerre (.V » m., x, 35, 36 ; Jos., vi, l^ sv. ; I Sam., IV, 3 sv. ; etc.). Dans Jus., v, i^, 15, à propos des préparatifs de la prise de Jéricho, il est question du n chef de l’armée de Yahweh ». Après ces remar(pies, il est intéressant de noter que, dans les premiers textes où on la rencontre, la locution Yahweh S’bd’dt est en rapport avec l’arche (I Snni., i, 3, 1 i ; cf. Il Sam., VI, 2) ; il estcurieux de releverdes expressions telles que celle-ci : Yahweh des armées. Dieu des bataillons d’Israël (I Sam., xvii, l^U)..ussi bien les armées d’Israël sont souvent désignées par le mot sabit,.s'6' « d/ (surtout, disent les critiques, dans le ( ; <)de sacerdotal : E.x., vi, 26 ; xii, 17, , ^i). Il semblerait même que ce mot n’impliquât point toujours une connexion avec la guerre, et qu’il falliit l’entendre de la multitude du peuple en général (/?.r., vii, 4 ; XII, 41 ; cf. Ps., xLiv, 10, etc ; voir Hclin. iif>. cit., p. 252). Dès lors la locution représenterait Yahweh sinq)lemenl comme Dieu du peuple d’Israël ; elle ne serait pas sans parallèle dans la litléraluie assyrienne, qui donne au dieu Tispak le litre de.Mardnl : sa iimiimni, Marduk des armées ; cf. Hchn, np. cit., [). 251)Mais, pour le mot saJi’a, la Bible atteste un autre sens ; il peut désigner les armées célestes, soit les armées des anges (I Hef ;., xxii, 19 ; Is., xxiv.2r ; etc.), soit les armées des astres qui, par la régularité et la subordination de leurs mouvements, semblent témoigner de la présence de chefs (]ui les dirigent (/.* « /(<, , IV, 19 ; XVII, 'i ; lReg., xvii, 16 ; etc.) ; dans ces cas, il est vrai, le mol sdbii' est toujours au singulier. Nombre 1577

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d’auteurs n’hésitent pas à rapporter à ces troupes célestes le titre de Yaliweli des armées. — e) Ce qui est certain, c’est qu’avec la prédication très uiiiversaliste des prophètes, il serait dillicile de restreindre le sens de ce vocable aux années d’Israël. Ce qui est encore certain, c’est que. si jamais le sens de cette expression a été en relation précise avec les armées d’israol, elle prenait déjà une signilication plus profonde..Si l’on invoquait l’appui et le patronage de Yaliweh, c’est parce qu’on les croyait etlicaces, parce (pi’on avait foi en la puissance divine. Cette expression était donc dés ce moment en connexion avec les attributs qui assurent davantage à Dieu sa grandeur et sa transcendance. La souveraineté sur les armées célestes parle bien davantage encore en ce sens. A plus forte raison si, au lieu des anges et des astres, on pouvait songer, comme d’aucuns l’ont fait, à cet ensemble des phénomènes et des puissances célestes et terrestres qui constitU£ le cosmos. Notre expression traduirait alors exactement la toute-puissance, la souveraineté universelle de Yahweh. On en pourrait rapprocher la locution iar t : issali, roi de la totalité, que les babyloniens donnaient volontiers aux principaux de leurs dieux. — /') L’on comprend dès lors qu'à côté des traductions littérales Kj/ji’s ; S ; ^, ? ») », Ki/cw ; rûj ^Tpy.TiCiJ, les Septante aient employé des locutions telles que Kù^to^ ~t/--^'yr.py.T’jip^ jpio~ rîôv 5-jy « us&>y ; bien que moins serviles, ces traductions sont à coup - ùr les plus exactes.

11. — Le fait du monotbéisme en IsraëL — 1" Les documents les plus explicites. — Ce sont, en laissant île côté nomlire de Psaumes, le Deutéronome, /s., xl-lxvi, Ezéchiel.

A. l.e Deutéronome. — La partie essentielle est le code légal des cliap. xii-xxvi, que précède une longue Introduction parénétique(/)eH(., i-xi). et qui est suivi d’une conclusion, en partie parénétique(i’e((^, xxvnxxx), en partie historique (xxxi-xxxiv). Afème aux yeux des critiques qui rejettent l’authenticité mosaïque du Deutéronome, ces divers éléments, quoique peutêtre de provenances différentes, représentent les idées d’une même époque et d’un même milieu : on peut donc les considérer ensemble. — n) Ce qui frappe tout d’abord, c’est la guerre déclarée à l’idolâtrie. On rappelle les châtiments qu’elle a attirés sur le peuple à l’Horeb (Dent., ix, 8-2 1, 25-21} ; x, i-5, 10, 11), à Baal Peor (Dent., iv, 3). Surtout au moment où il est sur le point de pénétrer en Canaan, on prévient le peuple contre la tendance, conforme aux idées du temps, qui le porterait à sacrifier aux dieux du j)ays, contre les séductions d’un culte pompeux. Si Israël doit vouer à l’anathèræ les anciens habitants du pays (Dent., vu. 3, 3, 16, a.'i ; XX, 16, i^), c’est à cause du danger que leur exemple ferait courir à sa foi (Dent., vii, 4 ; xx, |8). Aussi doit-il s’acharner contre leurs sanctuaires, les détruire avec tout leur mobilier (Deul., vii, 5, 25 ; XII, 2, 3). La plus grande des prévarications est, en effet, celle qui consisterait à associer d’autres dieux à Yahweh, idoles des Egyptiens et des autres nations parmi lesquelles Israël est passé (Dent., XXIX, lâ-i^), culte des astres que Dieu a donnés en partage à tous les peuples qui sont sous le ciel (Dent.. IV. ig) et qu’Israël verra en grand honneur chez les.ssyriens et les Babyloniens avec lesquels pins tard il entrera en relation. Le premier précepte du Décalogue (Deul., v, 7) interdit formellement aux Israélites d’avoir d’autres dieux que Yahweh ; la même défense est renouvelée ailleurs (Denl., v, 15 sv. ; viii, 19). Les peines les plus terribles sont édictées contre les prévaricateurs ; pour l’individu convaincu d’un tel crime après une soigneuse

enquête, c’est la lapidation (Deul., xvii, 2-7 ; cf. xiii 7-12), à [ilus forte raison pour celui qui voudrait propager une telle iniquité (Dent., xiij, 2-6) ; pour une ville, c’est ranalhèmc (/^e « /., xiii, 13-ly) ; pour le peuple devenu tout entier infidèle, c’est la ruiiK' et l’exil (Deut., iv, 35-27 ; x.xviii, 15-68 ; xxx, 17, 18). ("est aussi cette horreur de l’idolâtrie qui fait proscrire du culte de Yahweh nombre d’institutions en vigueur dans les sanctuaires païens : les images taillées (Deut., iv, 15-18, aS ; v, 8, 9 »), qui sont en contradiction avec la façon toute spirituelle dont Y’ahweh s’est manifesté à l’Horeb (Dent., iv, 12-15) ; les stèles de pierres (massëbôf) et les poteaux sacrés ('"xèrint ; Dent., xvi, 31, 22) ; certains rites funéraires (Dent., xiv, i, 2) ; à plus forte raison le personnel immoral îles courtisanes sacrées et des efféminés (Dent., xxiii, 18, 19). — b) Non seulement le Denté ronomeproscritrickdàlrie ; mais il s’explique sur l’idole. Il relève la supériorité qu’assurent à Yahweh : la sagesse et l’intelligence dont témoignent ses lois (Dent., iv, 6, 8) ; la bonté et la puissance dont il fait preuve dans ses relations et son intimité avec son peuple (Dent., rv, 7, 12, 32, 33 ») ; la puissance qu il a particulièremenlmanifesléedans les merveilles de la sortie d’Egypte (Dent., iv, 3/|, 87). Quant aux dieux des nations, ils sont, ou bien des créatures (des astres ; /)el(^, iv, 9), ou bien des œuvres des mains de l’homme, bois et pierre, or et argent, qui ne voient point, n’entendent point, ne mangent point, ne sentent point (De n I., iv, aS) : ce sont des ordures (^'/7/((/îhi ; Dent., xxix, 16, 17). — c) Le législateur va plus loin. Si Y’ahweh est un Dieu jaloux, un feu dévorant (/^e((<., iv, 24), terrible dans la punition de l’idolâtrie (/^ei/^, v, 9 ; vi, ili, 15), c’est qu’il est le seul Dieu. Les prodiges accomplis en faveur d’Israël ont pour but de lui faire reconnaître que Yahweh est Dieu et qu’il n’y en a pas d’autre (Dent., IV, 35), de l’amener à graver dans son cœur que c’est Y’ahweh qui est Dieu en haut dans le ciel et en bas sur la terre, et qu’il n’y en a point d’autre (Dent., IV, 39), qu’il est le Dieu des dieux, le Seigneur des seigneurs (Dent., x, 17). Ces assertions apparaissent comme les formules d’une pensée qui pénètre le livre tout entier. Elle se traduit dans l’extérieur même de la pratique religieuse. La loi de l’unité de sanctuaire n’a d’autre l>ut que de sauvegarder la foi d’Israël au Dieu unique, à une épocpie où la pluralité des lieux de culte risquait tant d’entraîner comme conséquence la division et le morcellement de la divinité (Dent., xii, f^M, 17-19, 26 28 ; XIV, 22-27 ; ^^ ! ^'^'1'. 8-13 ; xviii, 1-8 ; xxvi, i-ii). En un mot, le Deutéronome nous fournit la formule explicite du monothéisme, et c’est à Yahweh Dieu d’Israë'l qu’il l’applique. — d) De ce seul Dieu, le législateur décrit longuement les attributs : « ) le domaine universel (Dent., x, i !, ) ; — S) la transcendance, autrement dit la sainteté : elle le tient à distance de tout ce qui est profane et expose à la mort ceux qui l’approchent (/) « » ?., v, 28-27) : elle se communique à son peuple (Dent., xiv, 2, 21), r(d>ligeanl à des règles spéciales de pureté (/>el(^, xiv, i, 21 ; cf. VII, 6 ; xxiii, io-15) ; — v) sa vie (Dent., v, 26) et sa personnalité agissante ; — S) spécialement, son activité dans la nature où il se comporte en maître absolu, éloignant les fléaux (Dent., vii, 13-15), protégeant la terre d’Israël (/)ei(/., xi, 12), donnant ou retirant les bénédictions du ciel (Dent., xi, 14, lô, 17 ; XV, il ; cf. vni, 7-9), recourant au besoin aux miracles les plus étonnants (Dent., viii, 3, 15, 16) ; — s) plus spécialement encore son intervention dans la vie desnalions, surtout d’Israël, témoins : les prodiges accomplis dans la sortie d’Egypte (Dent., xi, 3. /))i l’autorité avec laquelle il dispose du pays réservé aux 1579

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tribus, en traçant à son gri les limites (Deut., i, 6-8, 21 ; II, S-' ; , g, 19, 31 ; iii, 2), fixant l’heure où elles } pénétreront (Detit., i, 35, 36, 89 ; ii, I^-l6), sans qu’elle puisse être devancée (Dent., i, 41-46) ; la force avec laquelle Yalivveb combat pour son peuple (Deut., i, 30, 31 : VII, 18. 19), exterminant les ennemis (/)eut., VII, 16, 20, 22), quelle qu’en soit l’importance (Deut.. VII, -j, 23, 24 : IX, 1-3) ; l’indépendance avec laquelle il dispense les bénédictions et les malédictions, selon qu’Israël est fidèle ou désobéissant (Deut., xsviii) ; en tous ces cas, l’action de Dieu dépasse les frontières d’Israël et s'étend aux autres peuples — ;) son intervention dans la vie des individus ; il bénit, en prolongeant leurs jours, ceux qui honorent leurs parents {Deut., V, 16), qui, d’une manière plus générale, suivent la voie qu’il leur trace (Deut.. x, 30 ; vi, 2^), qui observent tels ou tels préceptes particuliers (Deut., XII, 20, 28 ; XIII, 18, 19 : XIV, 2g : xv, 6, 10, 14 ; xvi, 20). — <) Cette activité manifeste encore d’autres attributs, notamment : la justice de 'i’aluveh. Elle éclate dans sa conduite envers les Cananéens dont il punit la méchanceté (Deut., ix, 4. S)- Elle domine tous les rapports de VahweL avec Israël. Ils ne sont pas le résultat d’un caprice divin ; ils découlent d’une alliance, en vertu de laquelle Israël s’est engage à marcher dans les voies de Yahweh, tandis que Yahweh s’engagerait à traiter Israël comme un peuple particulier, à l'élever au-dessiis de toutes les nations, de telle sorte que Yahweh soit le Dieu d’Israël et Israël le peuple de Yahweh (Deut., XXVI, 1^-19) ; ce sont ces clauses dont la justice divine sanctionne l’observation (Deut., xxviii). Enfin cette justice inspire une foule des ordonnances du code sacré : principe de la responsabilité individuelle {Deut., XXIV, 16) ; impartialité des juges (Deut., xvi, 18-20), invités à prendre modèle sur Yahweli qui ne fait pasacception despersonnes (DeuL.ii., i~) ; réserve des cas dilticiles à des tribunaux placés sous la surveillance do l’autorité religieuse (i^e/i/., xvii, 8-13) ; rôle et sanction des témoins (Deut.. xvii, 6 ; xix, 15-21) ; expiation du meurtre dont l’auteur est inconnu (Deut., XXI, 1-9) ; établissement des villes de refuge pour le meurtrier involontaire, qui risquerait d’encourir la colère du vengeur du sang (Deut., XIX, i-13) ; proportion du châtiment à la faute (xxv, 1-3) ; justes poids et justes mesures (Deut., xxv, 1 3- 16) ; etc. ; — f>) la fidélité de Yahweh à tenir ses promesses (Deut., IV, 31 ; vii, -, 8 ; viii, i) ; — 1) son souci pour la pureté morale (Deut, xxiii, 18, 19 ; xxv, II, 12), spécialement pour l’honneur de la vierge {Deut., XXII, 28, 29). de la fiancée (Dent., xxii, 23-2^), de la femme mariée (/)eH/., xxii, 13-22). — » t)Mais ce qui caractérise surtout le Deutéronome, c’est la place faiteà la bontëde Yahweh. Yahweh aime son peuple {Deut., VII, 13), comme il a aimé les pères (Deut., iv, 3^)- Il entend que son peuple l’aime. La religion consistera toujours sans doute dans la craintede Yahweh ; mais ce ne sera plus la frayeur que l’on éprouve en présence d’une force inconnue, dont on ne sait si elle est, ou non, bienfaisante ; ce sera l’attitude respectueuse que provoque l’approche de la souveraine majesté. La religion consistera <Ians le service de Yahweh, qui évoque la fidélité aux lois, d’une façon plus spéciale aux lois qui règlent la pratique religieuse (/>? « /., vi 2, 3) ; mais la religion fera une place très spéciale au sentiment de l’amour (Deut., vi, 5 ; x, 12, 20 ; xi, i, 13 ; elc.). Cet amour de Yahweh pour son peuple est d’ailleurs susceptible de prendre des formes en rapport avec la faiblesse et la malignité d’Israël. Même après ses forfaits, celui-ci peut se retourner vers son Dieu, l’ar il est compatissant ; il n’abandonne ni ne détruit (Deut., iv, 30, 31). Il est prêt à jiardonner et à rendre ses faveurs au repentir ; il le

déclare expressément dans l’exposé des châtiments qui doivent suivre l’infidélitéà l’alliance (/> «  « <., xxx, i-io). La bonté divine se manifeste d’une façon particulière envers les déshérités : Y’ahweh fait droit à l’orphelin et à la veuve ; il aime l'étranger et lui procure nourriture et vêtement (Deut., x, 18) ; il recommande la même sympathie aux Israélites (Leut., x, 19 ; XXIV, 14-22). Le sort des ennemis à la guerre, abstraction faite des Cananéens qui sont un danger pour la foi d’Israël, intéresse aussi la bonté divine : Israël est invité à les traiter avec humanité (Deut., XX, io-15 ; XXI, io-14). Cette humanité doit s'étendre jusqu’aux animaux (Deut., xxii, 6, 7 ; xxv, 4) et aux plantes (Deut., xx, ig, 20).

B. — Isaïe, XL-Lxvi. — à) Remarques préliminaires : y.) Is., xL-Lxvi, se divise, ou le sait, en deux sections nettement distinctes : xl-lv et Lvi-Lxvi.Dans la première, le prophète considère Israël captif en Babylonie, à l’heure où Cyrus va proclamer l'édil de délivrance. Dans la seconde, le prophète se place au moment où des caravanes de Juifs se sont déjà acheminées vers la patrie pour y tenter la réorganisation de la vie religieuse et nationale ; il se met en présence de cette société à laquelle les rapatriés vont se mêler, dont plusieurs vont subir la contagion, et qui est si loin de réaliser l’idéal des véritables représentants du yahwisme. —, 3) Les prophètes, on le sait, exercent avant tout un ministère de circonstance. Loin d'être des théoriciens exposant des thèses abstraites de doctrine ou des principes généraux de morale, ils se bornent à tirer, du fonds de convictions qui remplit leurs âmes, ce qui répond aux besoins momentanés, aux préoccupations immédiates de leur milieu. De là les grandes dilTérences que l’on constate entre /s., xl-lv et Is., lvi-lxvi. Les exilés de Chaldée étaient loin de constituer une société homogène. Nombre de Judéens s’attachèrent aux avantages de vie facile que leur procurait le séjour en un pays riche, fertile, commerçant ; soit au prix de l’apostasie, soit, bien plus souvent, par suite d’un relâchement religieux plus ou moins accentué, ils se désintéressèrent des perspectives ouvertes par les prophètes ou, du moins, de leur immédiate réalisation. En leur présence est le groupe de ceux pour lesquels l'œuvre de la restauration nationale et religieuse est d’un intérêt vital. C’est à ce groupe, dont tous les éléments ne sont pas d’ailleurs i)énétrcs au même degré par les influences de la religion, que s’adressent directement les beaux oracles d'/s., xr.-Lv ; c’est par lui que le prophète cherche à atteindre tous les déportés, pour secouer la torpeur des lièdes et les faire tous vibrer aux saintes espérances. Sur la terre d’exil, où Israël ne pouvait songer à se rétablir en peuple, de pareilles distinctions de groupes étaient naturelles, et les prophètes pouvaient ne s’adresser qu'à l’un d’eux. Il n’en allait pas de même sur le sol de Palestine, aussi longtemps du moins que l’on ne renoncerait pas à faire bénéficier de la restauration tous les fils de Jacob. Il fallait à nouveau, comme on le faisait avant l’exil, considérer le peuple dans son ensemble et viser les obstacles rpie créaient à l'œuvre de Dieu les désordres dont se rendaient surtout coupables ceux des Judéens qui pendant l’exil étaient demeurés en leur pays. — y) Quels que soient ces contrastes, les deux sections d'/s., xL-Lxvi ont beaucoup de points communs. Toutes deux sont dominées par la pensée de la restauration d’Israël (cf. Deuxième partie, 11, 4"). et c’est cette œuvre qui doit servir davantage à la manifestation de Yahweh.

//) Dans les deux sections, la guerre est déclarée entre Yahweh et les idoles, mais dune façon assez ililTérente : — K)Dans Is., lvi-lxvi, c’est la lutte en quelque

sorte terre à terre contre l’iilolùlric, telle qu’elle se pratifiue dans l’Israël iialeslmicn. Les allusions sont parfois dilliciles à saisir, mais leur portée générale est des plus claires (/ »., Lvii, 6-9 ; Lxv, 3-7, ii). Le verdict est des plus fermes : toutes ces idoles sont néant ; ce qu’Israël a faljriqué ne lui servira de rien ; le vent emportera, un souille enlèvera tous ces dieux que le peuple a amassés (/s., lvii, 12, 13). A ces pratiques spécifiquement idulâtriques le prophète associe le culte dont les dieux étrangers pourraient se contenter, mais qui est indigne de Valnveli, parce qu’il est purement formaliste et tout extérieur (/*., Lvm, 1-7 ; Lxvi, 1-4). Ce sont tous ces désordres qui retardent la réalisation délinilive de l'œuvre du salut divin (Ls., Lviii, 8-1-2 ; ix, i -8 ; Lxiii, lo-i’i). U faut une conversion sincère avant que Vahweli intervienne (/s., Lvii, 15-21 ; Lix, y-21 ; Lxiii, 15-lxiv, 12), à moins que tout n’aboutisse à un jugement dans lequel il séparera la cause du Udèle de celle de l’impie (/s., lxv, 1-16 ; Lxvi, 15-24). — /2) Dans /s., XL-Lv, les perspectives sont tout autres. Les dieux avec lesquels Yahweh entre en conllit n’ont pas trouvé créance auprès des Israélites auxquels le prophète s’adresse. C’est aux dieux du vainqueur qu’il s’en prend et, par de la les dieux les plus puissants du plus puissant des peuples, ce sont les idoles en général qu’il attaque, c’est de l’idole en soi qu’il proclame la déchéance. D’une manière concrète, il signale la chute des grands dieux du panthéon babylonien, il établit un contraste entre la pompe des processions liturgiques et la honte du délilé sur les chemins de l’exil (/s., xLvi, i, 2). Mais le prophète ne se contente pas d’annoncer la chute des divinités de Babylone ; il institue leur procès, et, ce faisant, il ne les désigne plus par leur nom ; il les traite comme une foule anonyme d'êtres méprisables. Il les condamne à un triple point de vue : impuissance vis-à-vis du monde physique {/s., xl, 26, 26) ; impuissance sur les mouvements des peuples (/s., xli, i-5) ; impuissance à prédire quoi que ce soit (/s., xli, 2 1-23, 26-29 ; cf. XLiii, 9 ; XLV111.5). Bien plus, l’idole prend un nom, pésél{ ^DD), statue (/s., xl, 19 ; xliv, 9, 10). C’est-à-dire que le prophète ne reconnaît pas à la divinité d’autre existence que celle de la statue qui la représente ; el il développe ce thème avec une mordante ironie (/s., xl, 18-20^xli, 6, j ; xliv, 9-20 ; xLvi, 5-7). La conclusion est facile à tirer : les faux dieux ne sont rien, leurs œuvres sont néant (/s., xli, 2^. 29) ; leurs adorateurs sont des insensés (/s., xLlv, 14-20), voués à la confusion (/s., xlii, 17 ; XLtv, 9-11 ; XLV, 16, 20). — /) Dans les deux sce[ lions, ces alTîrmations ont pour parallèles celles ' qui glorilient Valiweh comme le seul Dieu. Elles [ sont nombreuses, explicites, et se ramènent à celleci : qu’avant Yahweh aucun dieu n’a été formé et qu’il n’y en a point d’autre après lui, qu’il est le seul Dieu de toute la terre (/*., xlii, 8 ; xLiii, io-13 ; xliv, 0-8 ; XLV, 5, '), 18, 21, 22 ; XLViii, 12 ; liv, 5).

/() De ce Dieu unique, le pro|>hète décrit aveceom[ilaisance les attributs, ceux-là d’abord qui contrastent avec les faiblesses de l’idole : — y) son action sur la nature : Il a créé le monde, les cieux (/s., xl, 21, 22 ; XLIV, 24 ; XLV, 12 ; xLviii, I 3), les astres (/s., xl, 2O ; XLV, 12), la lumière et les ténèbres (Is., xlv, 7), la terre (As., xl, 21, 28 ; xlii, 5 ; xliv, 24 ; xlv, 12, 18 ; xLviii, 13 ; cf. Li, 9, 1 o) et ses habitants (Ls., xlii, 5 ; XLV, 9-12) ; il exerce un souverain pouvoir sur l’univers (/s., XL, 3, 4. 10, 21-26 ; XLII, 15. 16 ; XLiii, 19 ; L, 2, 3 ; Li, 15), dont il connaît tous les secrets (/s., XL, 13, 14) ; —, 3) son action sur les peuples. Les hommes et les nations ne sont rien devant lui (, 1s., xl, 6-8, 15-17), el " peut les détruire à son gré (/s., xl, 23, 2'i). Il prépare en maîtreles boiileversementsqui

vont aboutir à la délivrance d’Israël : la ruine des Chaldéens (/s., xLni, 14 ; xi-vii) ; la suprématie de Cyrus (/s., xLi, 2, 3, 5, 26 ; xliv, 26-28 ; xlv, 1-7, 13) ; plus tard, il humiliera avec la même facilité l’orgueilleuse Edom (/s., Lxiu, 1-6). Dans toute cette action, Yahwcli poursuit un but, le seul qu’il puisse poursuivie : il agit pour l’amour de lui-même (/s., XLUi, 26 ; xLviii, 1 1), à cause de son nom (As., xlviii, 9 ; LU, 5, 6), pour sa gloire qu’il ne peut céder à personne (Ls., xlviii, 9-11) ; — /) la sûreté avec laquelle il prédit l’avenir et réalise ses prédictions ; c’est surtout à propos de Cyrus qu’il manifeste cette supériorité sur les faux dieux (/s., xli, 21-29 ; ^"-"i

9, 16 ; XLllI, 9, 10, 12 ; XLIV, 7, 8 ; XLVl, 10, 1 1 ; XLVIII,

3-11). Le prophète insiste encore à maintes reprises sur : — ô) la transcendance ou la saintetéde Yahweh. Comme dans As., i-xxxix, Yahweh est ici le Saiiil d’Israël (As, xli, 14, 16, 20, etc.), c’est-à-dire sans doute l’inaccessible (/s., Lvii, 15), mais aussi l’idéal de la perfection morale ; Yahweh ne peut reprendre ses relations avec Israël qu’ajirès l’avoir purilié de ses péchés (/i., XLUI, 26 ; xliv, 22). Cf.de même l’expression, si fréquenteelle aussi, Yahweh des armées {/s., XLVIII, 2 ; Li, 15 ; liv, 5, etc.). En plusieurs cas, l’espril de Yahweh intervient ici de la même manière que dans /s., i-xxxix (/*., xlii, i [cf. Is., xi, ij ; xliv, 3) ; parfois il semble prendre une forme plus personnelle pour traiter avec les hommes dont le Très-Saint se tiendrait séparé (/s., lxiii, io-14) ; — e) l'éternité de Yahweh (A., xl, 28 ; xli, 4 i li, 6) ; — ?) sa gloire, c’est-à-dire le rayonnement de son nom et de son être (As., xl, 5 ; xlii, io-13) ; — ', ) sa puissance (/s, , XL, .">, 8, 10, 28-81 ; XLiii, 13 ; L, 2 ; lv, 10, 1 1 ; lxvi, i) ;

— 6) sa science (/s., xl, 27, 28) ; — <)sa sagesse, qui le metau-dessus de tous les conseils (/s., xl, 13, 14, 28 ; Lv, 8, g) ; — /) sa justice (/a., xlv, 19), qu’il fait descendre des nuées et germer sur la terre (As., xlv, 8), qu’il veut établir dans tout runivcrs(/, s., xlii, 1, 3'), dont Israël a l’ail et fera encore, (|Uoique en des manières bien différentes, l’expérience (A., xlii, 18-2E1 ; xLiii, 21-28, puis /s., XI, , 2, 10 ; XLix, 7 sv.) ; — /) sa bonlé(/s., XL, II), plus grande que celle des mères (/s., xLix, 14-16), intervenant sûrement après que la justice a fait son œuvre (/s., liv, 7-10).

C. Ezécliiet. — o) Deux séries d’oracles surtout doivent être pris en considération : ceux (Ez., i-xxiv) dans lesquels le prophète juge le présent et le passé de Juda, voire de tout Israël, jiour aboutir à l’annonce de la ruine de Jérusalem (586) ; ceux (Ez., xxxiii-xLviii) dans lesquels il prépare, au milieu des exilés dociles, l'œuvre de la restauration ; cette seconde série vise une période de l’exil notaldemenl antérieure à celle pour laquelle /s., xl-lv a élé écrit. Dans toute son œuvre, Ezéchiel n’envisage l’action de Dieu qu’au point de vue des vicissitiules de l’histoire humaine ; il n’y a que peu de place pour l’action de Dieu dans la nature.

b) La polémique contre les faux dieux a pour cadre la censure des désordres de Juda. La grande iniquité qui lui a valu les premiers coups dcNabucliodonosor en 5y7, qui va lui attirer le châtiment suprême, est la prévarication religieuse : — « ) D’abord le culte des dieux étrangers. Au temps d’Ezéehiel, les crimes du règne deManassé pesaient sur le malheureux peuple (II Jieg., XXI, lo-iù ; xxiii, 26 ; xxiv, 3, 4 ; -fer., xv, 4). Sans doute, lors de la réforme de 622, Josias avait fait table rase des espèces diverses d’idolâtrie que le successeur d’Ezéchias avait favorisées dans tout le pays et jusque dans les parvis du temple de Jérusalem (Il A’e^'., xxiii, 1-24 ; cf. II Hi’f ; —, xxi, 1-9). Mais, après que le [licux roi eut élé si malhcureusenicnt frappé sur le champ de bataille de Megiddo (II /?eg., xxiii, 29, 30), Joachim admit de nouveau les 1583

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manifestations du syncrétisme religieux (II Reg., xxin, 36, 3 ;  ;). Ezécliiel nous donne une description très vivante du désordre. Il nous le montre qui sévit dans tout le pays comme un élément en quelque sorte indispensable du culte des hauts lieux (£ ;., vi, Ï--J, I 1-1 4)- Surtout il nous décrit les formes que la prévarication revit sur la montagne sainte (Ez., vui-xi) : culte pliénicien d’Astarté (Ez., viii, 3, 5 ; cf. II Reg., xxj, 3, 7 ; XXIII, 4, 6. 7) ; culte égyptien des animaux accompli dans le mystère (Ez., viii, 9-12) ; culte de Tammuz (Ez., viii. il) ; culte assj’rien des astres (Ez., viii, 16. -j cf. Il Reg., XXI, 3, 5 ; xxiii, 5, 11). Pareil syncrétisme est en complète antinomie avec les exigences de Yaliweh ; ces idolâtries profanent le Temple (Ez., v, 1 1) ; elles choquent à ce point le regard de Yahweli que, ne pouvant les tolérer, il prend le parti de quitter sa demeure et sa ville (Ez., IX, 3 ; X, 18, ig ; xi, 22). Mais il ne le fait qu’après avoir prononcé des arrêts de mort et d’extermination contre tous ceux qui n’ont pas gémi à la vue de tant de prévarications ; le châtiment doit commencer à s’exercer dans les parvis eux-mêmes (£ ;., IX, 1, 2. 4-1’ ; X, 1-8 ; XI, 13). —, 5) Presque avec autant de vigueur, Ezéchiel s’en prend aux hauts lieux de Juda, c’est-à-dire aux sanctuaires provinciaux. Il déclare que tous ces autels seront abattus et les adorateurs frappés devant les idoles (£ ;., vi, i--, 1 i-14). — v En censurant ces désordres d’ailleurs, le prophète ne s’arrête p.is seulement à la considération du moment présent ; si un châtiment sans précédent menace Israël, c’est que l’iniquité s’est accumulée depuis de longs siècles ; de là ces récapitulations à grands traits qui résument en un tableau d’ensemble tous les désordres dont le peuple de Dieu s’est rendu coupable (£ :., xvi ; xx ; xxii ; xxui). Il j’a place en ces synthèses, nous le dirons, pour la censure des désordres moraux ; on y condamne la violation de certains préceptes positifs, tel celui du sabbat, en rapport avec la religion de Yahweli (£ ;., XX, 12, 13, 16, 20, 21, etc. ; xxn, 8) ; on s’y plaint du relâchement des chefs du peuple, des prêtres, des prophètes (/ ; ’ :., xxii, 25-a8). Mais la faute capitale est. avec l’idolâtrie proprement dite, le culte des hauts lieux (Ez., xvi, 24, 20, 29 ; xx, 7, 8, 18, 24, 31, 32 ; xxiH, 5-10, 11-21, 36-44). Ce sont là les crimes qui déshonorent le plus Israël, et rappellent davantage son origine impure et ses parentés suspectes (Ez.. xvi, 3, 44. 4^). On peut rattacher ces censures, comme à leur raison historique, à la réforme dans laquelle Josias, reprenant l’œuvre d’E^échias et mettant définitivement en vigueur l’ordonnance deutéronomique, décréta et réalisa la suppression des autels autres que celui de Jérusalem (fiia). Mais la raison fondamentale de l’ordonnance deutéronomique elle-même est le danger que la pluralité des lieux de culte fait courir au monothéisme ; c’est aussi la facilité avec laquelle les sanctuaires provinciaux, plus encore que le Temple de Jérusalem, peuvent être envahis par les dieux étrangers. Bref, la guerre faite aux hauts lieux n’est dans Ezéchiel qu’une suite de la lutte contre l’idolàlrie.

e) Touchant le caractère même du Dieu d’Ezéchiel, ce sont les grandes visions(A’ :., i ; vm-xi ; xL-xi, vin) qu’il faut d’abord consulter. — t) Ce qu’elles expriment avant tout, c’est la transcendance deYaInveh. Nous avons déjà vu que Yaliweh n’est pas attaché a un lieu déterminé, pas même au sanctuaire de.lérusalem (Ez., ix, 3 ; x. 18, 19 ; xi, 22, a3). La vision inaugurale forlitie cette impression : alors même que Y’ahweh n’a pas encore officiellement quitté son Temple, Ezéchiel peut contempler sa gloire dans la lointaine Ghaldée ; certains détails, particulièrement la direction d’où vient le char (£’ ;., i, 4), pour raient faire penser que Yahweli habite cette demeure divine que l’on plaçait dans les régions célestes du septentrion ; disons simplement que Yahweh réside au ciel comme en son séjour propre. Le cadre de lathéophanie et la mise en jeu des grands phénomènes de l’orage (Ez.., 4). tout comme au Sinai, témoignent de la grandeur de Yahweh et de la terreur qu’il doit inspirer ; pareillement l’éclat de l’appareil (£ ;., I, -j, 13, 16, 18), le trône de saphir (/ ;  ;., i. a6), l’aspect même de la forme d’homme qui y siège (£^r., I, 27 ; viii, i, 2), l’arc qui l’auréole (Ez., i, 28). Mais il y a plus. Cet appareil de vision a pour but d’épargner à Yahweh tout contact avec la terre étrangère, impure comme ceux qui l’habitent. De même, lorsqu’à Jérusalem Yahweh quitte le fond de son sanctuaire, il vient se placer sur les chérubins (Ez., x, 18), évitant ainsi le contact avec le sol souillé. Plus tard, lorsqu’il reviendra à la montagne sainte, il trouvera le Temple construit de telle sorte qu’aucun contact ne soit possible avec le monde profane (Ez., XL-XLii). Dans cette sphère où Yahweh s’isole, on a l’impression qu’il n’y a plus rien de commun avec ce qui se rencontre ici-bas. Yahweh et les êtres qui l’entourent et qui. par leur présence même, contribuent à mettre en relief sa grandeur, ont des formes générales qui rappellent l’humanité (Ez., i, 5, 26), mais avec des combinaisons et des détails qui ne se retrouvent pas dans la nature ; aussi le prophète ne décrit-il que par à peu près ; il ne parle que d’apparences, de ressemblances (Ez.. i. 4, 3, ’Oj 22. 26, 27, 28 ; cf. v : ii, 2, 3 ; x, 9-17). Ces détails aboutissent surtout à mettre en relief ce que l’on pourrait appeler la transcendance et la sainteté physiques dcY’ahvveh. Et il faudrait mentionner, dans le même ordre d’idées, la part faite par le prophète aux préceptes de sainteté ou de pureté légales (Ez.. xviii, 6’^ ; xxn. 10) qui tendent à rendre le peuple conforme à son Dieu. Toutefois, le point de vue de la sainteté morale n’est pas absent : c’est à cause des prévarications religieuses (fr.. VIII, 5-18)et morales (£ ;., viii, 17 ; ix, 9 ; XI, 6) dont il est le théâtre, que Yahweh quitte son temple ; il n’y reviendra (Ez.. xliii, i-5) que lorsqu’il sera sûr de ne plus voir pareil spectacle (Ez., XLIII, 7-9). Les censures contre les crimes de Juda témoignent dans le même sens. En présence de cette sainteté et de cette transcendance, l’homme, le prophète lui même, est profondément bouleversé (Ez., III. 14, 15) ; il ne peut que tomber la face contre terre (i, 28 ; iii, 23) : tant il a conscience de sa petitesse et de sa faiblesse I II n’est qu’un être très faible, très misérable, un simple fils d’homme ; car telle est, dans Ezéchiel, la signification de cette locution hén-’âdâm, qui y revient si souvent (Ez., 11, 1, 3, 6, 8 ; ni, I, 3, 4. 10. 17. 2.5 ; etc.). — S) Dans la mesure où s’accentue cette idée de la transcendance de Yahweh, on évite de le mettre en contact direct avec ce qui est impur, ou simplement inférieur. Il ne semble pas qu’il y ail rien à tirer en ce sens de la main de Yahweh qui est sur le ])ropliète (Ez.. i, 3 ; m. 22 ; xxxvii, 1 ; XL, i), qui tombe sur lui (Ez., vni, i), qui est sur lui fortement (Ez., iii, 14) ; il ne paraît y avoir ici rien de plus qu’un anthropomorphisme pour mar<|ucr l’action de Dieu et sa puissance. Mais il faut, romraeàpropos d’/. «., xl-lxvi, mentionner la place faite à l’esprit de Yahweh. A côté de fonctions pareilles à celles que d’autres prophètes lui ont déjà attribuées (Ez., xxxvi, 27 ; cf. /s., xi, i), on met à son actif des interventions parlieulièrement caractéristiques (Ez., I, 12, 20, 21 ; II, 2 ; iii, ii, 14, 24 : viii, 3 ; et aussi xxxvii, 9. 10), qui peut-être auraient été anlérieurenient mises au compte de Yahweh..Ailleurs toutefois on voit paraître de véritables êtres intermédiaires entre Yahweh et le monde. Tels ces 1585

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êtres ivants(/i « vvoO, qui supportent l’appareil (^ :., I, 5, 13, i^, 15, etc.) destiné à cpar^^ner à Yahwch le contact de la terre profane (A ;., i) ou souillée (iCz., vni, 4), qui prennent le nom de chérubins (/ ; ’ :., x, 1-8, 1 8, ao ; cf. x, 9-17) et semblent s’identilier avec ceux de l’arche (/-’ :., ix, 3 ; x, 20), qui sont évidemment des êtres supérieurs à la terre ; telles les roues dont les jantes sont remplies d’yeux tout autour (A"c., I, 15-21) et auxquelles le livre de Hénoch donnera rang dans la liiérarehie angclique (//fn., Lxi, 10 ; Lxxi, )). Ces divers élres, comme les séraphins d’Isaïe (/s., vi, 2-4. 6), « ont au service personnel de Yaliweh (cf. pourtant /ic x, 7). Mais il en est d’autres dont la fonction est d’être ses messagers auprès du inonde : les ministres du châtiment {£ :.. IX, I, 2 », 5, 6", 7- 10). riiomme vêtu de lin (A :., IX. 2, 3, 4, 6, 1 i ; X, 2, 6, -), l’homme à l’aspect d’airain qui montre à Ezéehiel le plan du Temple futur {Ez., XL, 3, II). En outre de la transcendance de Yabweli, le livre d’Ezéchiel met, lui aussi, en relief :

— y) son autorité, qui se manifeste en des formules témoignant qu’elle est irrésistible (Kz., xvii, 21. 24 ; cf. v, 15, 17) ; — ") son omniprésence, qu’expriment la facilité avec laquelle le char des apparitions se meut dans tontes les directions (Ez., i, g, 12, [7, 1 9-21) ; — £) sa science, que symbolisent les j’eux du char (£ ;., i, 18), et qui s’exerce là même d’où il se serait retiré (Ez..’nn, 12 ; ix, 9) ; — J) son domaine universel, qui a pour objet les nations auxquelles il donne des lois (Â’c, V, 6, 7), auxquelles il fait connaître ses volontés en se servant au besoin de leurs superstitions (/ ; -., XXI, 23-28), sur lesquelles il prononce des jugements de ruine et d’extermination (Ez., xxvxxxii ; XXXV ; xxxvi, i-15). dont, à la (In des temps, il repoussera le suprême assaut (E :.. xxxviii ; xxxix). Naturellement le prophète insiste davantage sur l’exercice de la souveraineté de Dieu en Israël. Vahweh déclare, à rencontre du sentiment populaire (Ver, , xxvin ; xxix ; Ez.. xi, 1-12 ; xii, 21-28). des prophètes qui l’entretiennent (Ez., xiii, 3, 6, 7, 10. 11, I4-16), qu’après le désastre de 097, il y a encore d’autres maux à attendre, que le temps est loin d’être à la paix (Ez.. xiii, 10, 16). Il décrit à Ezéehiel toutes les péripéties de la catastrophe de 586 : ledéplacement de Nabuchodonosor (/ ;  :., xxi, 23-26), son acheminement vers Jérusalem (Ez., xxi, 27-29), le siège de l.i ville (£ ;., iv, i-3), la famine qui accable les assiégés (Ez., r-, 9-11 ; xii, 17-20), les issues diverses du siège (Ez., -, i-/|) et ses extrémités (Ez., v, 8-10), la sortie du roi (Ez., xii, i-i/j ; xxi. 30-32). la durée de l’exil (Ez., rv. 4-8), la nourriture impure des captifs (Ez., rv, 12-17). l’insisté sur l’imminence de la tin (Ez.. vu), réfute ceux qui prétendent que les prophéties sont ponr des temps reculés (/T ;., xii, 21-28)..Vu jour même où Nabuchodonosor se jette sur Jérusalem, Yahweh le fait savoir aux exilés ; il montre dans la ruine de la Ville Sainte la réalisation de toutes ses prédictions antérieures(A’ :., xxiv, 2, 2027 ; cf. xxxiii, 21, 22). Après 586, Ezéehiel tracera avec la même sûreté le programme de la restauration. Dans toutes ces manifestations de son souverain domaine, Yaliweh agit pour une lin très précise. Comme dans Is., xi.-Lxvi, il a en vue l’honneur de sonnom.Cettelin se réalisera spécialement dans l’oeuvre de la restauration d’Israël. Les Juifs dispersés au milieu des nations ont, par leur conduite, profané, déshonoré ce nom duquel ils se réclamaient (Ez., xxxvi. 20) ; Y’ainveh se doit à lui-même de le sanctilier, d’en manifester la grandeur, de telle sorte que Juifs et païens sachent qu’il est Y’alnveh (Ez., xxxvi. 21-2.^). qu’en sainteté et en transcendance il surpasse tous ceux auxquels on attribue quelque prestige de divinité, qu’en un mot, lui, qui

dans sa manifestation historique au milieu d’Israël a pris le nom de Yahwch, est le seul Dieu ; cette idée revient très souvenl(£’c., vi, 7, 10, i 3, 14 ; vii, 4, g, 27 ; XI, 12 ; etc.). Le triomphe linal sur les nations fera davantage encore éclater ce prestige (/ ; ’ ;.. xxxviii, 23 ; XXXIX, 7, 21-39). — » ;) sa justice, qui est à la base de ses jugements sur les nations, auxquelles il reproche, non seulement de n’avoir pas reconnu le caractère à part de son peuple (/" :., xxv, 8), mais surtout les crimes d’inhumanité (Ez., xxv, 3, 12, 15 ; xxvi, 2) et d’orgueil (Ez., xxvii, 3 ; xx^in, 2-6, 9 : xxix, 3, 9) qu’elles ont commis ; sa justice qui s’exerce envers Israi’l, soit dans les jugements qu’il porte contre lui (Ez., iii, 5, 0 ; v, 5-7 ; xvi, 43-52), soit d.ans les sentences qu’il profère (Ez.. v, R-io, 11-17 ; vi, 1-7, Il-l4 ; VIII, etc.), témoignant que, s’il le livre aux nations, ce n’est pas par suite de son impuissance à le protéger, mais parce qu’il doit le punir (£=., xiv 21-23 ; xxxix, 21-29) ; sa justice enfin qui, plus que chez aucun autre prophète, apparaît soucieuse des responsabilités individuelles. Son seulement la conduite des parents ne rejaillit pas sur les enfants (Ez., xviii, 2, 3 ; cf. Jer., XXXI. 29) ; non seulement chacun n’est responsable que de ses faits et gestes (£ ;., xviii, Ô-20 ; xxxiri, 1-9) ; mais il dépend d’un chacun de modilier par un changement de vie la sentence qui pèse sur lui (Ez., xviii, 21-29 ; xxxiii, 12-20).

D. — Se complétant les uns les autres, ces trois documents nous fournissent l’exposition la plus complète et la plus nuancée du monothéisme hébreu. — a) Le seul Dieu d’Israël n’a rien d’une abstraction. C’est un être éminemment concret, une personnalité éminemment vivante, dont on connaît le nom et l’histoire. Il s’appelle Yah-neli. L’on sait sans doute qu’il présida aux origines du monde. Mais l’on sait mieux encore, si c’est possible, qu’il présida aux origines d’Israël ; qu’à un moment donné, il groupa sous son nom et dans son culte les tribus qui devaient constituer la nation Israélite ; qu’à partir de cette date, il dirigea tous les mouvements du peuple iiu’il avait choisi, avec lequel il avait conclu un traité, une alliance,.ussi est-ce surtout à propos d’Israël que Y’ah-neh manifeste sa personnalité et ses attributs. Mais ces manifestations dépassent de beaucoup, par leur portée, les frontières du petit peuple campé sur les bords de la Méditerranée. A ce peuple, ce que Y’ahweh demande avant tout, c’est de ne lui associer aucun rival, et il ne néglige aucune occasion d’aflirmer sa jalousie, sa rigoureuse intransigeance, ce complet exclus ! Wsme, élément, négatif sans doute mais capital, du monothéisme. Dans le Deutéronome, dans Is., lvi-lxvi, dans Ezéehiel, Y’ahweh s’en tient à ces exigences d’ordre pratique. Mais dans /s., xl-lv. il se prononce sur le caractère des idoles et finit à peu près par n’y plus voir que des vanités, n’ayant aucune existence en dehors des statues qu’on leur consacre. — h) Mais Y’ahweh ne se borne pas à condamner les antres dieux : il affirme en une foule de manières sa véritable nature. Sa transcendance se manifeste, dans les visions d’Ezéchiel, sous la forme de cette sainteté en quelque sorte physique qui met Yahweli dans une sphère à part, qui le rend inaccessible, qui même jusqu’à un certain point le tient à l’écart du monde, lui interdit tout contact avec ce qui est profane et l’oblige, pour les relations qu’il doit entretenir avec la nature inférieure, à recourir au ministère des êtres intermédiaires. .u livre du Deutéronome et surtout dans /s., XL-LV, celle transcendance est attestée par la souveraineté que Y"ahweh affirme sur le monde physique dont il est l’auteur ; et c’est à bon droit que cette suprême autorité est présentée dans/s., xi.-i.v. comme l’une des marques qui distinguent le plus sûrement 1587

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le vrai Dieu des idoles. Dans les trois documents, la transcendance de Yabweli s’atCrme par l’empire ([uil exerce sur les hommes elles nations. Son attention sans doute se concentre d’une manière très spéciale sur le peuple juif ; mais elle s’étend aussi à tous les peuples de la terre, groupés pour ainsi dire et résumés dans les nations qui à un moment donné tiennent l’univers connu sous leur dépendance. YaUweh n’en redoute aucune ; à toutes il donne ses lois ; de toutes il a prévu l’histoire et les destinées ; et sans cesse il veille ellicacement à ce que rien n’arrive autrement qu’il l’a décidé. Il va de soi que la manifestation de cette transcendance entraîne celle de beaucoup d’attributs qui, pour être plus secondaires, n’en contribuent pas moins à donner une très haute idée du Dieu d’Israël. — c) L’un d’eus mérite une attention particulière, parce qu’il constitue comme le troisième des traits fondauxentaux du monolliéisme hébreu. C’est la justice. Yahweh en poursuit passionnément le triomphe. On peut dire qu elle inspire toutes ses démarches ; pour la rendre victorieuse, il n’hésite pas à frapper de mort le peuple même qu’il s’est attaché par des liens si particuliers. C’est que le princi[ial de ces liens eux-mêmes est un lien de justice. Quand Vahweh a conclu une alliance avec Israël (i>eH(.. xxvi, 18, 19), il lui a demandé d’observer toutes les lois et les ordonnances renfermées dans le code sacré qui devait servir de base au contrat. Or, en ce code, expression des exigences divines, une place restreinte est faite aux préceptes cérémoniels et liturgiques qui sullisent à constituer la religion de la plupart des Sémites païens. L’on insiste bien davantage sur les règles de justice qui doivent présider à la vie individuelle, familiale et sociale d’Israël, et donner au monothéisme hébreu son caractère de monothéisme moral.

2°) Le monothéisme post-3xilien. — C’est du livre d’Eïéchieî quela date est la plus ferme ; sacomposition, comme d’ailleurs le ministère du prophète, s’est développée de 692 à b~o. A partir de cette époque, le monothéisme moral se perpétue, sans subir d’écIipse, parmi les représentants delà tradition religieuse des Juifs.

A. — Ai ; gée, Zacharie, Malachie. — Pour la première période de la restauration, depuis l’édil de Cyrus en 538 jus(]u’ii la réparation des murs de Jérusalem par Néhémie en ! J45, l’on peut recueillir le témoignage de documents datés avec la plus grande précision. — a) Dans les prophéties d’Aggée et de Zacharie, la transcendance divine n’est pas compromise du fait que de nouveau Yahweh se rattache à Jérusalem et au Temple. La nouvelle période de l’histoire est la continuation de l’ancienne. Israël garde encore sa place centrale au milieu des nations. C’est à lui que dans le passé Yahweh s’est fait connaître ; c’est par lui que dans l’avenir il se manifestera à toute la terre ; le résultat de cette manifestation sera, comme pour les prophètes du passé, l’alHuence de toutes les nations à cette montagne dont Yahweh a, dès les temps anciens, fait son séjour {igU-, II, O-rj ; Zacli., 11, 15 ; vi, 15 ; vui, 20-28 ; xiv, 16-ig). Mais, si tous les peuples doivent un jour reconnaître Yahweh, c’est que dores el déjà il a sur eux des droits imprescriptibles. Aussi les traite-t-il avec une souveraine autorité ; on le voit qui marche à la tèle de son peuple contre les nations et les soumet (/ac/i., IX, 1-8, 13-i^ ; X, ^-12 ; etc.). Même une direction de pensée se traduit, à laquelle on n’était pas accoutumé jusqu’ici. Le conllit de Yahweh et de son peuple n’est plus avec telle ou telle nation en particulier : il est avec les nations en général. Déjà l’on voit se dessiner une idée qui plus lard prendra une

très grande importance. L’humanité se divise comme en deux camps fort inégaux : le peuple de Dieu ; et le monde — le reste des nations — hostile à Dieu et aux siens. L’expérience des persécutions auxquelles les Juifs allaient se voir en butte, de la part des maîtres qui successivement gouverneraient tout le monde connu, devait faire beaucoup pour accréditer cette idée. On en voit déjà des traces dans Zucli., i-viu, oii les nations sont symbolisées par les quatre cornes (Zac/i., ii, 1, 2) auxquelles s’opposent les quatre forgerons {Zach., II, 3-4), par les quatre vents du ciel vers lesquels vont les quatre chars (Zach, vi, 1-8), où elles ont pour capitale Babylone, l’ennemie traditionnelle d’Israël el le centre de riniquitc (Zach., v, 5-1 1). De même, dans Zach., ix-xiv, c’est souvent contre les peuples en général que Y’ahw eh entre en lutte (Zach., xii, 3 ; xiv, 2, la, 14, iC, ig) On comprend jusqu’à quel point sa victoire contribue à mettre en relief son domaine universel. Plus que jamais aussi, Israël apparaît soumis à son autorité. C’est ce que l’on peut constater surtout dans Malachie : ’iahweh poursuit les abus avec une ardeur invincible {Mal., 1, 6-11, 16 ; iii, 6-10), annonçant les châtiments qui atteindront les prévaricateurs au grand jour qui doit mettre fin à leurs attentats (Mal., iii, 1,

3, 5, 19, 21) et devenir le point de départ des bénédictions pour les justes (Mal., iii, 3, 4, 10-12, 13-18, 20-2^). — b) Si l’autorité de Yahweh sur les nations est au premier plan, on parle aussi à l’occasion de son empire sur la nature el les éléments (Agg., i, 9- 1 1 ; 11. i~j, ig ; Zach., viii, 12 ;.Ual., iii, 10-12). Çà et là même prennent place des traits apocalyptiques, témoignant qu’aux yeux de ces prophètes, Yahweh a le pouvoir de moditier l’ordre naturel des choses {Zach., VI, i ; xiv, 4, 6, -, 8, 10). — c) Aussi bien, dans les visions de Zach., i, y-vi, 15, la transcendance de Yahweh est mise en relief par la présence de divers êtres intermédiaires, tout comme dans Ezéchiel (Zach., 1, 8-14 ; u. i-4, â-9 ; iii, i-5 ; iv, i,

4, 5, 6, etc.). — d) Cette transcendance de Y’alnvch ne perd pas, cela va de soi, le caractère moral que tant de fois déjà nous lui avons reconnu. Sans doute, l’on i>ourrait dire qu’.Aggée se place à un point de vue très restreint lorsqu’il fait converger tous les reproches vers celui de la négligence dans l’œuvre de la restauration du Temple (Agg., 1, 4-ii> i’. 15-19). -Mais il faut noter que, comme tous ses prédécesseurs dans le prophélisme, il envisage surtout les contingences immédiates ; à l’époque où il parlait, le relèvement du sanctuaire était également indispensable pour la reprise de la vie religieuse et pour la restauration nationale. L’on peut également remarquer (pie les préoccupations d’ordre strictement légal et cultuel tiennent une grande place dans Malachie {Mal., I, G-g, 12-i’i ; iii, 10). C’est vrai, et cela répond encore aux tendances mêmes des auditeurs du prophète, qui étaient pour un bon nombre pénétrés des dispositions qui devaient faire le fond de l’esprit du judaïsme. Mais il est vrai aussi que son petit livre renferme beaucoup d’éléments en rapport avec les principes fondamentavix de la religion et de la morale (’/ « /., Il, 10-12, 13-16 ; III, ô). Quant à Zacharie, l’on sait qu’il reprend le point de vue plus général des anciens prophètes : nécessité de la conversion (Zach., I, 3), vanité du culte purement extérieur (Zuch., vii, ’i-i’1). purilication de l’Israël futur (Znc/i., iii, i-io ; V, 1-4, 5-ii), i)ratique de la justice dans le royaume messianique (Zach., viii, lO, 1^). — d) Ces projjhètes n’insistent guère sur l’idolâtrie (cf. pourtant Zach., x, 2 ; XIII, 2). Les Juifs, qui étaient demeurés en Palestine après 586, avaient, à cet égard, continué les errements du passé (cf. Is., Lvi-Lxvi) ; mais les milieux auxquels nos voyants s’adressaient de préférence et dans 1589

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lesquels les rapatriés de l’exil tenaient une grande [ilace, s’en étaient détachés.

B. l.e Jaddisme, — La proinul ! , ^alion de la loi par Esdras (44^1 ?) alioulil à la fondation du Judaïsme. On peut dire <{u’à partir de cetlt^ date le niouothéisnie hébreu n’a plus d’histoire. La ooniniuuauté fondée par le prêtre-scribe a pour origine une alliance conclue sur la base de la loi de Dieu donnée par Moïse, serviteur de Uieu(.Ve/(., x, l, 2y, lio). Il est dillicilc de dire au juste ce que représente ici le terme de

« Loi ». L’on peut évidenunenl penser que, dans

l’alliance dont nous venons de parler, l’on ne revenait pas sur celle qui avait été conclue en 622 sous l’inlluence de Josias, et qui avait pour règle ce livre du Deutéronome (Il y^ey., xxiir, 1-3), dans lequclnous avons cherché l’une des meilleures expressions du nu)nothcisme liélireu. On a souvent conjecturé que le livre de la Loi, lu et expliqué par Esdras avec le concours des Lévites (^.eli., viii, 2-8, 13, i/5, 18 ; IX, i), était cette partie du Pentateuque que les critiques désignent sous le nom de Co<le sacerdotal, et qui s’empare en quelque sorte du monothéisme du Deuléronome pour en pénétrer profondément tons les détails de la législation sociale et cultuelle du peuple de Dieu. Au moins est-il certain, que, très peu de temps après Esdras, le Judaïsme avait pour règle dévie notre Pentateuque actuel. Ce qui est non moins certain, c’est qu’il allait chercher ses principes de pensée et d’action dans le recueil [iropliétique qui renfermait /s., xi.-i.xviet Ezéehiel. — « ) Aussi la foi monothéiste des Juifs ne devait-elle plus subir la moinilre éclipse. L’idolâtrie est traitée comme une monstruosité. La transcendance du Dieu créateur et maître du monde physique (den., 1), souverain indiscuté des nations et des individus, auteur de toutes les vicissitudes de l’histoire de l’univers et du peuple choisi, est vin article de foi sur lequel on ne saurait avoir la moindre hésitation. — li) On n’en a pas davantage sur cette autre vérité que, en plus des actes rituels et liturgiques sinon avant eux, Yahweh exige de ses lidéles, comme élément essentiel de son culte, la pratique des lois qui consacrent les exigences de la conscience humaine et en précisent les diverses applications et conséquences. — c) De cette haute idée religieuse, les preuves et les documents al)ondent. Ce sont les psaumes, hj-mnos liturgiques du judaïsme, dont les uns remontent à un passé plus ou moins reculé, dont les autres sont l’œuvre des Juifs eux-nicmes, dans lesquels en tout cas se reflète le plus pur esprit du propliétisme.Ce sont ces livres sapientir.ux (Proverbes, Ecclésiastique), dans lesquels tantôt l’on grou|)e les maximes de conduite pratique qui doivent inspirer une vie honnête et religieuse, tantôt l’on montre celle sagesse humaine comme un rellel, une communication de la Sagesse qui réside en Dieu et s’y personnifie. C’est enfin cette littérature apocalyptique, en partie apocryphe, mélange de métaux précieux et de scories, dans laquelle toutefois, en même temps que l’on s’attache plus fortement qu’ailleurs aux espérances nationales et messiani(]ues, on donne à la transcendance divine sa plus puissante expression ; on y attribue à Yahweh un pouvoir illimité et tout miraculeux sur le monde ]diysi(pie ; on y accentue en toutes manières son rôle d’auteur et de directeur de l’histoire humaine ; on lui assigne enfin pour assesseurs et pour ministres toute une hiérarchie d’êtres spirituels..Si l’on peut dire que, dans ces pro<iuctions tardives du judaïsme, le monothéisme se complique d’idées dont les origines et la justesse sont sujettes à caution, il reste que l’unicité, la transcendance, la perfection morale du Dieu d’Israël n’ont jamais été affirmées avec plus de force et de conviction.

C. — La justice dhine et le problème des rcliibiitions. — L’un des sujets qui, dans la [)ériode postexilicnne, subit davantage rinfluencc du monothéisme moral, fut celui des rétributions. — « ) Ce sujet tenait déjà une grande place dans la prophétie ; il est un corollaire immédiat du dogme de la justice divine. Mais les prophètes du huitième siècle s’occupèrent à [jeu près exclusivement des sanctions qui devaient atteindre la nation. Si Jérémie et Ezéehiel attachèrent une grande importance à la responsabilité individuelle, ce fut à peu près toujours en fonction de la participation au retour de l’exil et à la restauration. Il est évident toutefois que le sujet de la rénmnération personnelle devait être ap])rofondi en une foule d’autres manières. Le Deuléronome l’envisageait d’une façon beaucoup plus ample et beaucoup plus générale ; il le considérait au [loint de vue de la fidélité à l’observation de la Loi : des bénédictions étaient promises à tous ceux qui s’appliqueraient à vivre en conformité avec la volonté de Yahweh. — h) Toutefois ec qui fra|q)e le plus, c’est le carælère terrestre de ces bénédictions et l’absenee de toute allusion à une rénmnération d’oulre-tombe (I)eut., XII, 2.5 28 ; xiii, 18I’ ; xiv, 2y ; xv, 4-G, 10 ; XVI, )5, 20 ; XIX, 13 ; xxii, 7 ; xxiii, 20 ; etc.) La surprise est moindre dès que l’on réfléchit aux idées des Israélites louchant la vie future. Tant qu’ils ne bénéficièrent pas des lumières supérieures de la révélation, ils eurent à ce sujet les mêmes croyances que les antres Sémites. Or il y avait une grande difTérence entre la pensée des Sémites et celle, par exemple, des Egyptiens. Ces derniers passaient pour ainsi dire leur vie terrestre à préparer leur vie éternelle : tant leur âme était dominée par la vision de l’.u-delàl II en allait autrement dans le monde sémitique. On n’y avait qu’une idée très vague de ce qui subsistait de l’homme après la mort. Composé du corps, appelé chair ou bâsiir (it ! ’ :) et de ce principe personnel désigné par le mot HeY^e.v (rSJ)t <'>*"T" ?’'f terme âme correspond assez imparfaitement, l’homme recevait de Dieu l’esprit de vie, vu" ! } ou n’snm/ih ( nil, ria !  : ’3). Grâce à cet esprit, que peut-être l’on ne distinguait pas foneièrcmenl de la nép^’és, il possédait la vie pleine el active qu’on lui voyait manifester ici-bas. Lorsque survenait la mort, le corps était déposé dans le tombeau. Quant à l’âme, elle était sans doute immortelle ; mais elle ne demeurait pas pour cela absolument étrangère aux atteintes de la mort ; elle perdait la plus grande part de son activité ; elle n’avait plus qu’une ombre de vie, assez semblable à l’étal de sommeil ou de léthargie et que seuls de grands événements poiivaient ranimer (/s., xiv, g-ly). D’ailleurs elle n’était pas sans garder certaines attaches avec le corps, ou mieux avec son ombre ; on ne s’imaginait pas l’âme débarrassée de toute forme corporelle. L’on comprend que ces restes misérables de l’humanité n’avaient guère d’ai)titudcs à devenir snjeldes rétributions divines. Leur rendez-vous commun était dans un endroit souterrain appelé en hébreu scheûl Cji.s’ï".so7) ; lâ se réunissaient tous les mânes humains, quels qu’eussent été leurs mérites ou leurs démérites au cours de leurvie terrestre. Tout au plus songeail-on à faire descendre les plus grands criminels en des régions plus profondes du S(mibre séjour ; s’il était des justes parliculicrcment méritants, tels Hcnoeh cl Elle, Dieu les arrachait à la mort et les prenait avec lui. — c) Avec de telles conceptions sur l’Au-delà, les Israélites, ainsi que les autres Sémites, devaient considérer la vie présente eoninic le véritable temps des rétributions divines ; le sens très élevé qu’ils avaient de la justice de Y’ah weli a seulement permis aux fils de Jacob une 1591

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précision de pensée que l’on ne trouverait pas ailleurs. Au juste leslongs jours, la santé, larichesse, le bonlieur, une nombreuse postérité, et, après sa mort, une mémoire do bénédiction ; au méeliant les niallieurs, les maladies, les catastrophes soudaines, la mort prématuiéc, une mémoire maudite.

— d) Toutefois cette idée même qu’ils avaient de la justice de Yabweh devait, avec le progrès des révélations, amener les Juifs à reconnaître l’insuffisance des rétributions terrestres. Ce ne fut pas du premier coup, ce ne fut jias de bonne heure ; on peut même dire que le grave sujet des sanctions fut l’un de ceux qui bénéficièrent le phis tard des lumières surnaturelles de la révélation. Un bon nombre de Psaumes s’en tiennent encore, à propos du juste et du méchant, à l’idée des rémunérations d’ici-bas ; cette conception apparaît à l’exclusion de toute autre dans les Proverbes et 1 Ecclésiastique.

— e) Déjà pourtant, à des heures particulièrement douloureuses, un Jérémie avait posé à Dieu lui-nu"-me le problème des souffrances du juste et de la prosI)érité de l’impie (./er., xii, i-/l). La question fut reprise dans le livre de Job. Ses amis ne trouvèrent rien de mieux, pour soutenir Job dans son épreuve, que de lui rappeler les antiques solutions, de blâmer l’orgueil avec lequel il allirmait son innocence, de l’exhorter à regretter ses fautes pour se rendre digne de la faveur divine (Joh, iv, v, viii, etc.). Job. n’en persista pas moins à se déclarer innocent, à protester en tout cas que son épreuve était hors de proportion avec ses manfpiements, à mettre en contraste avec sa misère la prospérité des méchants (hh, VI, vii, IX, X, XIX, etc.) ; finalemenlilenappelait à Dieu lui-même (/oli. xix, xxvi-xxxi). La réponse de Dieu n’a rien de définitif ; elle consiste à proclamer combien téméraire est l’homme qui veut discuter des problèmes trop forts pour lui et s’en prendre à un Dieu infiniment sage et infiniment puissant ('oh, xxxviii-xi-i). Cependant le prologue du livre {.loh, i, II) et l'épilogue (, /oi., xLii, 7-17) témoignent que la souffrance du juste est une épreuve, que Dieu la permet afin d’expérimenter et de fortifier la lidélilé de ses serviteurs, quitte à rémunérer largement dans la suite leur persévérance. Les discours d’Eliu (/ « /'. xxxii-xxxvn) ajoutent à la solution quckpies données secondaires concernant l’inlluence éducatrice de Kl douleur. — /') De son cùté, l’auteur de VEcclcsidstc aborde le grand problème de la vie humaine, mais il l’envisage surtout à un point de vue pratique : puisque aucun des biens dont on peut jouir ici-bas, plaisirs, richesses, sagessse même et vertu, ne sulliscnlà l’homme pour le rendre heureux ; puisipie, relativement au bonlieur, il n’y a guère de distinction entre le juste et rim|)ie, le plus sage est que chacun profite de son mieux du peu que Dieu lui donne : conclusion pratiipie de résignation qui certes a bien sa valeur. — fO II n’en est pas moins surprenant que, ni dans Job, ni dans l’Ecdésiaste, on ne f.isse appel aux grandes solutions que donne à ces problèmes la perspective des rémunérations d’outre-tombe ; tout au iilus peut-on dire que dans ./o/), xix, 23-27, l’hypothèse est faite d’un retour j)ossiblc à la vie pour entendre le jugement de Dieu. Peut-être que certains Psaumes, le Lxxin' par exemple, vont un peu jilus loin. En tout cas, la Sagesse palestinienne n’aboutit pas à donner pleine satisfaction aux problèmes qu’elle avait posés ; le livre lie Tobie (/'o/ ;., iii, 6, 15, 20-9.3 ; iv, 12, 28) s’exprimera sensiblement comme l’Ecclésiastique. — h) Deux ouvrages proenant du milieu alexandrin feront davantage avancerla question. Le dcuxièmelivre des Macchabées insiste beaucoup sur l’action [irovidcnlielle de Dieu ici-bas et sur la rétribution terrestre

des méchants en particulier : la correspondance est rigoureuse entre l’olTense et le châtiment (II Macch., rv, 38 ; V, 9, 10 ; ix, 5, G ; xiii, 4-8 ; xv, 32-35). Il accentue la dillérence entre les Juifs et les païens : le châtiment des Juifs est inspiré par l’amour (Il Macch., VI, 12, 13, 14-16) ; les païens sont voués à l’endurcissement, jusqu'à ce que la mesure soit comble et mérite la suprême destruction (II Macch., vi, 14'). De plus, tandis que pour les païens la ]>erspective s’arrête aux jieines d’ici-bas et à la malédiction de leur race (II Macch., vii, 16-19), elle ira pour les Juifs au delà de la tombe : au milieu des soulfrances qu’ils endurent pour la nation, les justes peuvent se consoler par la pensée de la résurrection (Il Macch., vii, 9, II, 23 ; cf. 30-38 ; xii, 43, 44)- Le.scheol n’est pour eux qu’un séjour intermédiaire ; même, ceux qui y portent encore le poids de quelque faute, peuvent être secourus par des sacrifices pour le péclié, par des prières, par des expiations, olTerts par les vivants (Il Macch., xii, 43-40). Le progrès doctrinal se manifeste encore dans la Sagesse de Salomon. Ici, l'àme a son être tout à fait indépendant du corps, elle peut vivre sans lui, si même sa présence ne la gène pas dans l'épanouissement de ses facultés et de ses actes (.S’fl/?., ix, 15). De l’idée de spiritualité à celle d’immortalité, la transition est des plus naturelles. L'àme ne périt pas avec le corps ; après la dissolution de la chair, elle a peut-être plus de liberté dans l’exercice de ses opérations vitales ; loin d’aller languir au.< ! clieol, elle devient parfaitement apte à porter dans r.u-delà le contre-coup de ce qu’elle a fait ici-bas, à recevoir des récompenses et à subir des châtiments. De ce côté de la tombe, le juste peut être châtié pour ses infractions légères (Sap., iii, 4, &) Dans l’Au-delà il jouit pleinement de la félicité : il vivra à jamais, sa récompense sera avec le Très Haut qui prendra soin de lui. qui l’investira d’une royauté glorieuse et ceindra son front d’une magnifique couronne (.s’n/).. V, 15, 16) ; les justes jugeront les nations et domineront sur les peuples (Sap., iii, 8). Ces rémunérations sont si brillantes que, pour le juste, mourir jeune c’est être l’objet d’une faveur spéciale de Dieu (.Sap., rv, 13, 14). Le sort des impies est peutêtre décrit avec moins de netteté. La mort n’a pas été voulue par Dieu (.Sap., i, 13, 14) ; elle est le fruit du péché et de l’envie du Diable (.Sd/)., 11, 23, 24). Aussi les impies l’appellent-ils par leurs (fuvres ; ils font alliance avec elle (Sap., i, 16). Dieu ne les épargne pas ; il les accable dès cette vie sous le poids du châtiment (Sa p., iii, ii-13, 17, 18). Leur fin sera horrible (Sa p., iii, 19) : Dieu se moquera d’eux et les méprisera ; ils ne seront plus que de vils cadavres, un objet d’ignominie parmi les morts (Sap., iv, 18). Dieu les éhranlerajusqu'à la base ; ils seront plongés dans le chagrin et leur souvenir périra ; quand il leur faudra rendre compte de leurs fautes, la crainte les saisira et leurs iniquités témoigneront contre ewK (Sap., IV, 19, 20 ; V. 17-23). Le contraste établi par le Sage entre le sort du juste et celui de l’impie indique qu’il faut [dacer dans l’Au-delà le terme du châtiment comme celui de la récompense. Le grand jugement du chapitre v, dans lequel les méchants comparaissent en face des justes, semble bien être, lui aussi, une scène d’outre-tombe.

(') Il est à propos de noter que la pauvreté des solutions apportées par les Juifs au proltlème des rétributions, de même que le développement doctrinal relatif à cet te question, on tété parfaitement saisis par nombre d’auteurs ecclésiastiques. On connaît le passage fameux de Bossuet : « La loi de Moïse ne donnait à l’homme qu’une (>remière notion de la nature de l'àme et de sa félicité… Mais les suites de cette doctrine et les iner cilles de la vie future ne furent 1593

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pas alors universelleiiicnl développées ; cl c'était au jour (lu Messie que cette ; , Maiule luuiiére devait paraître à découvert… Encore donc ipie les Juifs eussent dans leurs Kcritures ([UcUiues promesses des félicités éternelles, et que vers le temps du Messie où elles doivent cire déclarées, ils en parlassent beaucoup davantage, comme il paraît jiar les livres de la Sayesse et des Macchabées ; toutefois cette vérité faisait si peu un dogme formel cl universel de l’ancien peuple, ipie les Sadducécns, sans la reconnaître, non seulement étaient admis dans la synagogue, mais encore élevés au sacerdoce. C’est un îles caracUres du peuple nouveau, <le poser pour fondement de la religion la foi de la vie future, et ce devait èlre le fruit de la venue du Messie. » (Disc, sur l’Uist. iinii'.. Il" pari., cliap. xix.) On < : omprend l’iniporlance de ce texte dans la question qui nous occupe ; il faut même noter que. n'étant i)as informé, comme nous le pouvons cire, du contenu de la lilléralure apocryphe de l’Ancien Testament, l’cminent théologien ne fait pas entrer en ligne de coiuple un certain nombre d’idées fort importantes pour le sujet et que nous rencontrerons plus loin (/Jeu.t iénic partie, ']'). Longte^nps déjà avant liossuet, saint Jérô.mb expliquait des textes tels que Eccl., iii, iS-ai par ces rétlexions : « Hoc autem dicit, non quod animani ])utet perire cum corpore, vel unum bestiis et homini præparari locum, sed quod ante adventum Chrisli omnia ad inferos pariter ducerentur… Et rêvera antequamllammeam illamrolam, eligneamromphæani, et paradisi fores Christus cum iatrone reseraret, clausa erant coelestia, et spiritum pecoris hominisque aequalis vilitas coarclabat. El licet aliud viderelur dissolvi, aliud reservari ; tamen non multum inlereral perire cum corpore, vel inferni tenebris detineri. < (Comment, in £cclesiasten, P. /.., XXIll, lo^i, io42.) La réilexion est digne de la sagesse et de la bonté divines dans l'économie du salut : le moment n’clail pas venu de répandre de pleines lumières sur le sujet des récompenses d’outre-tombe, tant que, de fait, les justes n’en pouvaient pas encore bénélieicr.

3° Le monothéisme chez les prophètes préexiliens- — Si tous lesexégètes étaient il’accord sur les dates du Ueutérononie et d'/5., xl-lxvi, l’on n’aurait presque plus rien à ajouter pour cpie l’histoire du monothéisme hébreu fût tout à fait complète. A s’en tenir aux données de la tradition juive et chrétienne. /s., xL-Lxvi nous renseigne sur la foi d’Israël au huitième siècle, tandis « [ue le Deutéronome nous faitconnaitre quelle était la croyance de Moïse et des Hébreux au moment où ceux-ci se ])réparaient à entrer en Canaan. Mais, on le sait, la jïlupart des cxégcles non catholiques ne reçoivent pas ces données de la tradition. A leurs yeux, Is., xl-lv serailen gros contemporain des dernières années de l’exil (peu avant 538), Is., i.vi-lxvi, des premiers temps du retour. Quant au Deutéronome, sa partie centrale (xiiXXVI + xxvnr), dont plusieurs éléments remonteraient beaucoup jilus haut, et, d’ai)rès certains critiques, jusqn’avix temps mosaïques eux-mêmes, aurait été coordonnée et rédigée ]ieu de temps avant (122, durant le régne de Manassé ou |ieiidanl les premières années de Josias. C’est le propre de l’apologétique de se placer, autant que possible, sur le terrain de ceux qu’elle veut gagner ; comme d’ailleurs il n’est nullement malaisé de le faire pour le sujet qui nous occupe, il y a tout avantage à tenter une esquisse de l’histoire du monothéisme préexilien en s’appuyant sur des documents qui ne soient pas objet de discussion. En toute hypothèse d’ailleurs, la découverte du Deutéronome en 622 nous fournit

un point de repère ; elle se place à la lin d’une période éminemment féconde au point de vue du monothéisnie : la grande période du proi>liclisme, que l’on peut faire commencer au neuvième siècle, avec Elle et Elisée, et qui se perpétue, au huitième siècle, avec AmosetOsée en Israël, Isaïcet Michée en Juda, puis, au septième siècle, avec Jérémie, Sophonie, NaUum, , Habacuc.

A. Jilie et Elisée. — Les critiques ont des hésitalions touchant la date à assigner aux sources qui racontent la mission d’Elie et d’Elisée. Une donnée au moins s’iuq)ose : c’est la fermeté de la tradition qui en l’ail des thaumaturges. Aussi bien l’on n’hésite pas à regarder comme strictement historiques les deux épisodes vers lesquels converge toute l’action du prophète Elle : la scène du Carmcl (llleg., XVIII, 16-40), l'épisode de la vigne de Nabolh (I Jleg., XXI, 1-2/4). C’est aux mauvais temps du roi Acliab qui, subordonnant les intérêts de la religion nationale aux vues d’une politique d’ailleurs habile, contracte des alliances avec les Phéniciens ; il les sanctionne en épousant Jézabel, tille d’Elhbaal, roi de Sidon (I Reg., XVI, 30, 31). Les conséquences de cet acte ne se font i>as attendre : Achab, allant au-devant des désirs de sa femme, établit dans sa capitale le culte de lîaal et d’Astarté et s’y associe lui-même (I Jieg,

XVI, 31-33 ; XXI, 25, 26) ; tous les rois de sa dynastie suivront son exemple. C’est en leur présence qu’Elie el Elisée se feront les champions de Yahweli. — « ) Les miracles sans nombre qu’ils accompliront (I Jieg-,

XVII, I et xviii, ji>-46) xvii, 8-16, i"-24 ; Il tieg., 11, 915, ig-aS ; iv ; v ; vi, 1-7) témoigneront du pouvoù- de Yahweh sur la nature ; il ne se contente pas, comme lesBaal cananéens, d’une action occulte et incontrôlable ; il agit de la manière la plus proi)re à frapper l’attention. — b) La part qu’au nom de Yahweh, Elisée preinl à la vie politique, non seulement en son pays (Il Heg., iii, 9-20 ; vi, 8-vii, 20 ; ix, i-13), mais en Syrie, à Damas (II lieg., viii, 7-1 5), est la preuve qu'à ses jeux le Dieu d’Israël a autorité sur les nations étrangères aussi bien que dans le peuple qui l’honore. Au sujet de la transcendance divine, on pourrait aussi alléguer la vision de Michée, fils de Y’emla (1 lieg., xxii, 6-28 ; noter surtout vers. 19). Mais deux traits de la carrière d’Elie sont surtout à retenir. — c) L’un, l'épisode de la vigne de Nabotli (1 Jleg., XXI, 1-2-5) met en relief les préoccupations de stricte justice qui dirigent Y’alivveh dans le gouvernement du monde. Un roi, si puissant soil-il, n’a pas le droit de dépouiller l’un de ses sujets, même les plus humbles, de l’héritage de ses pères, eùl-il l’intention d’olTrir les plus avantageuses compensations ; parce qu’Achab, cédant aux intrigues de Jézabel, a tué et pris un patrimoine, il est condamné à une mort violente, el sa postérité est maudite. On ne saurait marquer d’une manière plus frapjianle ce quidistingue Yahweh des autres dieux el fait sa supériorité. — J) L’on conçoit dès lors que le dieu d’Israël se refuse à tout compromis avec des divinités importées de l'étranger. La scène du Carmel (I lieg., xviii, 16-40)està ce point de vue des plus expressives : « Jusques à quand clocherez-vous des deux côtés ? Si Yahweh est Dieu, allez après lui ; si c’est Baal, allez après lui » (vers. 21). La question est clairement posée : il ne s’agit pas seulement de mesurer deux êtres rivaux, de savoir le<piel est le plus puissant, le plus g^rand ; la question est d'être ou de n'être pas : el comme, aux yeux du prophète, la réponse à la question ne saurait être douteuse, il est manifeste que, pour lui, Yahweh est Dieu (le Dieu, h a loin iii, vers. 37) el que Baal ne l’est pas. Il est évident d’ailleurs que, posée en ces termes, la question exclut uneréponseen vertu de laquelle Y’ahweb 1595

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serait Dieu en Israël (vers. 36), et Baal chez le roi de Phtnicie. C’est par un miracle que Yaliweh doit revendiquer ses titres (vers. 22-89) ^' entraîner la déroule de Baal et de sespropliètes (vers. 40).Nous sommes loin, non seulement du libéralisme pratique avec lequel les dieux païens ouvraient leurpays, leurs temples même, aux dieux des territoires voisins, mais de la conviction théorique qui poussait les polythéistes ouïes liénotUéistes à regarder comme pareilles aux leurs les divinités des autres royaumes.

La mission d’Elie est comme la mise en action du programme qu’il lègue à ses successeurs dans le prophétisme. Ceux-ci en feront valoir les divers éléments, en dehors de toute préoccupation d’exposé méthodique, selon que les circonstances l’indiqueront.

B. Amas, Osée, Isaïe, Michée, Jérémie, Soplionie, jValiuni, Hahacuc. — n) Polémique contre les faux dieux : V.) Le premier des prophètes qui nous ail laissé des écrits est Amos, qui prêcha dans le royaume du Nord sous Jéroboam II. Il s’attaque peu ou point au culte des dieux étrangers (cf. pourtant Am., v, 26 [?] ; VIII, 14) ; c’est sans doute que le désordre est conliné en des cercles restreints et que la réforme d’Elie fait encore sentir son inlluence. —, 3) Son contemporain et successeur Osée parle à plusieurs reprises du culte rendu à Baal (Os., 11, 10, 15, 19 ; xi, 2 ; XIII, 1) : il présente Israël comme UTie épouse inlidèle qui aurait quitté Yahweh pour aller après des amants(05., 11, 7, 9 ; cf. 11, 1 1, 12, i^, 15), qui ne sont autres que les Baalim (Os., 11, 10, 15 ; xi, 2). Il serait assez naturel de penser que, pendant la période d’anarchie qui suivit le règne de Jéroboam II, le culte de Baal se fiit à nouveau introduit en Israël. Toutefois, prenant en considération une série de textes du prophète (Os., viii, 4-6 ; x. 5, 8 ; xiii, 2), nombre d’exégètes ont pensé qu’Osée attaquait simplement le culte des hauts lieux dans lesquels, sans doute, on honorait "Vahweh, mais sous des emblèmes et avec des rites qui l’assimilaient à un Baal. Quoi qu’il en soit, la manière dont Osée traite ce culte montre jusqu'à quel point l’idolâtrie est incompatible avec le caractère de Yahweh. — y) En Juda, Isaïe prêcha sous trois rois lidèlcs à leur Dieu, Osias, Joatliam, Ezéchias (II Reg., xv, 3, 3't ; xviii, 3 ; cf. pourtant XV, 4, 35) ; en revanche.chaz fut un mauvais roi (II /fe ?., XVI, 2), dont’l'im ;)iété serait allée jusqu'à l’idolâtrie (II Reg., xvi, 3, /|, 10-18 ; II Chron., xxviii, i-4, 22-25). Isaïe parle rarement de cette inûdélité, mais il la condamne en termes précis (/s., 11, 8, 18, 20 ; XXX, 22 ; cf..)//'., 1, "^ [à propos d’Israël] ; v, 12, 13 à propos de Juda]). — ô) Jérémie commença son ministère alors que Josias n’avait pu réprimer les désordres que Manassé avait favorisés (fer., i, 2) ; l’idolâtrie, sous toutes ses formes, avait droit de cité en Juda et à Jérusalem, et jusque dans les parvis du Temple (II Reg., XXI, 1-7). L, a réforme de 622 fut radicale, mais les elTets n’en durèrent quejusqu'à la mort de Josias(608) ; Joachim laissa revenir tous les dieux étrangers (II Rfg.. XXIII, 3- ; Ez., VIII, 5-18)..ussi Jérémie proteste-t-il contre leur présence (Jcr., 11, 7I', 8, 28 ; ix, 13), contre l’abandon de Yahweh (1er., 11, g-13 ; cf. 25, 28, 33), contre l’adultère de Juda (fer., iii, 1, 20 ; v, 7, 8 ; XI, io-13 ; xiii, 20), contre les hauts lieux, théâtres de ces forfaits (fer., 11, 20 ; iii, 2', 6 ; xiii, 27 ; xvii, 2,.3). Il mentionne spécialement : les cultes idolâtriques du Temple (Jer., vii, 30^ ; le culte de Baal (.fer., II, 8 ; IX, 13' ; le culte des Baals dans la Vallée, sans doute du mélék de Géhinnnm (Jer., ii, 28 ; cf. vii, 31) ; le culte de la reine du ciel (fer., vii, 18) ; le culte des

« islres (Jer., viii, 2). Il s’explique sur la nature des

faux dieux : ce ne sont pas des dieux (Jer., 11, 1 1) ; ce sonldesêtres impuissants (Jer., 11, 13, 28 ; iii, 23, 2^),

du bois, de la pierre, des œuvres de la main de l’homme (Jer., 11, 2 ; , 28'> ; xii, 9 ; x, 2-15). Comme on le voit, ces prophètes s’expriuient selon le même esprit qu’Ezéchiel ou /5., xl-lxvi.

0) Transcendance de Yaluveh. — k) Les textes les plus authentiques témoignent de l’emiiire de Yahweh sur la nature, sur les productions du sol, sur les fléaux, les bouleversements et les cataclysmes(.-lni., iv, 6-i i ; VII, I, 4 ^cf. IV, 13 ; V, 8 ; viii, 8, 9 ; ix, 5, 6] ; Oi., 11, 7, 10, 1 1, 14, 23, 24 ; xiii, 14 ; XIV, 6-8 ; /s., vii, 21-20 ; xxviii, 28-26 ; XXX, 25, 26 ;.Mi., I, 4 ; Jer., x, 10 ; xiv ; xv) ; Jérémie signale son action créatrice (Jer., y., 12, 16 ; XIV, 22). —, 3) Toutefois les prophètes du septième et du huitième siècles sont amenés par les circonstances à insister davantage sur l’action de Yahweh dans le gouvernement des peuples ; si leur attention se concentre sur Israël, ils ont quand même et bien fréquemment l’occasion de regarder par delà ses frontières. — y.y) Ils sont unanimes à déclarer qu’Israël a une place à part dans les sollicitudes de Yahweh (.4m., III, 2 ; /s., V, I, 2 ; Jer., 11, 21 ; xii, 10) ; ils caractérisent ces rapports comme ceux d’une épouse avec son époux (Os., i, 2-9 ; 11, 18, 21, 22 ; Jer.^ 11, 2 ; m, i), même d’un enfant avec son père (Os., xi, i ; Is., I, 2) ; Jérémie parle d’une alliance (Jer., xi, 2 sv.). —, 53) Ces rapports ont commencé à une date très précise et se rattachent à un fait très nettement déterminé, la sortie d’Egypte(.Jni., iii, 1 [cf. 11, 10 ; v, 25] ; Os., XI, I, 3, 4 [cf. II, 16 ; XII, 14] ; XII, 10 ; XIII, 4 ; /i., x, 24, 26 ; XI, 15, 16 ; Jer., 11, 2--, etc.) ; ils persévèrent au cours de toute l’histoire d’Israël. — /-/) Mais Yahweh a aussi présidé aux origines des autres peujjles (.4m., IX, 7), à telle enseigne que, sans les privilèges dont il a été comblé, Israël leur serait de tout point semblable (Am., ix, 7')- Ayant formé les nations, Yahweh exerce sur elles une pleine autorité ; les prophètes s’en expriment à propos des événements auxquels leurs auditeurs se trouvent mêlés. Au leuips d’Ainos, l’horizon d’Israël est restreint ; le prophète ne s’occupe que des petits royaumes voisins, que Yahweh juge et condamne en maître (.^m., i, 2-1 1, 3). Toutefois dans les Assyriens, qui, à partir de 74a. reviennent à la prospérité, il signale les instruments dont Yahweh se servira pour châtier Israël (.4ni., iii, 1110 ; IV, 3 ; v, 27 ; vi, 14), se réservant d’ailleurs de déterminer lui-même la rigueur et la durée de la peine (.4m., iii, 12 ; v, 3 ; ix, 8-15). Osée, dont l’attention se concentre presque entièrement sur Israël, tient pourtant à l’occasion le même langage (O.S., vii, 12 ; VIII, 3, io ; x, 5, 6 ; xi, 5 ; xiv, 2-9)..u tempsd’Isaie, les Assyriens sont revenus au premier plan ; depuis l’avènement de Téglalh-Hlialazar, ils ont repris leurs traditions de guerres et de victoires ; ils sont une menace perpétuelle pour Israël et Juda. C’est avec cet empire qui, pour le moment, résume toute la puissance des nations étrangères, que Yahweh doit se mesurer. Isaïe n’hésite pas. Il abandonne aux Assyriens le royaume prévaricateur de Samarie (/.<.. IX, 7-x, 4-f-v, 25-30 ; xvii, i-u ; xxviii, i-4)- Mais il en va autrement à propos de Juda. Celui-ci est sans doute, lui aussi, coupable, et Yahweh se servira d’Assur pour le châtier (Is., i, 1-9 ; vi, g-iS ; vii, 1720 ; X, 5, 6). Mais quand la sentence sera exécutée, Yahweh se retournera contre Assur qui, dans son orgueil, attribue à ses propres forces les succès qu’il lui procure et qu’il a prédits (/s., x, 7-19 ; xxxvii, 26, 27) ; il humiliera Assur et sauvera Juda (/s., XXXVII, 28-35). C’est surtout à propos de l’invasion de Sennachérlb qu’lsaïe prononça ces pandes, qui élèvent si haut la suprématie universelle de Yahweh. On sait que l'événement justilia la prédiction du voyant (Is., xxxvii. 36-38), et l’on peut comprendre jusqu'à ipiel point l’idée monothéiste parut conlirinéc 1597

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et agrandie aux yeux du peuple. Il faut aussi mentionner à ce sujet les oracles sur les nations (/a-, xiiixsiii), dont une partie au moins est nniversellenient traitée comme authentique. Jérémie ne pouvait revenir en arrière ; il parla comme Isaïe ; il exprima ses convictions surtout à propos des invasions de Nabuchodonosor (Jer., iv, 5-31 ; vi, i-g, 22-30 ; vii, ag-vni, 3, etc. ; xxi, 3-io ; xxiv, 8-io ; xxv, i-14 ; xxvn, 12-22 ; xxviii ; XXIX ; etc. ; cf. aussi xxvii, i-i 1 ; xxv, 15-38 et le groupe d’oracles contre les nations XLvr-Li). Les oracles de Soplionie contre les païens (.So., ii, t-^o), de Nalium sur Ninive (>Vrt., i-iii), d’Habacuc sur les Clialdécns (I/ab., i, 11) sont pareillement à alléguer. — /) Cet empire universel sur le monde physique et sur les nations prouve la transcendance de Valiweh. Elle s’exprime dans tous ces prophètes, par la formule traditionnelle « Yaliweli des armées » (.-i' »., iii, 13 ; iv, 13 ; v, i/j, 15, etc. ; Os., xii, 6 ; /s.. 1, 9, 2/1 ; ii, 12 ; iii, 1, 15 ; v, ^, g, 16, 24, etc. ; J//., iv, 4 ; Jer., 11, ig ; v, i 4 ; v 1, 6 ; vii, 3, etc. ; So., II, 9, 10 ; /Va., II, 14 ; iii, 6 ; liai)., 11, 13). Toutefois, c’est la vision inaugurale d’Isaïe (/s., vi) qui la met davantage en relief. Le Seigneur {'"dùnin), vêtu d’habits royaux, entouré d'êtres au nom mystérieux de séraphins ou brûlants, ébranlant la demeure où il apparaît et la remplissant de fumée, inspirant à Isaie, témoin du spectacle, la sensation d’un danger mortel, est véritablement le Très Saint, isolé, séparé, inaccessible. Mais qu’il ne s’agiss* pas seulement d’une sainteté physique, les paroles d’Isaïe et son attitude le disent assez : son épouvante provient de la conscience de son péclié et se calme dès qu’un séraphin lui a annoncé sa purilicalion (/s., vi, 5-^). On comprend dès lors le sens de l’expression « Saint d’Israël » qui revient onze fois dans Is., i-xxxix, treize fois dans Is., xl-lxvi, et que l’on retrouve seulement six fois en dehors de ce livre.

e) Attributs diiiris ; caractère moral du monothéisme. — Impossible de parler de Yatiweh, de faire valoir ses droits, sans menlionner fréquemment ses attributs, ou au moins y faireallusion. Les prophètes du huitième et du septième siècles n’y manquent pas ; il semble même que, soit à raison des circonstances particulières dans lesquelles il prêchait, soit à raison de son caractère individuel, chacun ait eu mission de faire valoir un attribut particulier. — ot) Aux yeux de tous, Yahweli est un Dieu vivant et éminemment personnel. Les allirmations sont précises à cet égard (Is.. xxxvii, 1^ ; Jer., x, 10 ; xxiii, 36 ; Os., Il, i), consacrées par les formules de serment que Yahwen lui-même pTo(ère(Jer., xxii, a4 ; xlvi, 18 ; Ez., V, 1 1 ; XIV. 16, 18, 20 ; XVI, 48 ; xvii, 16 ; etc. ;.So., 11, g) ou que l’on prononce en son nom (fer., rv, 2 ; v, 2 ; XII, 16 ; XVI, 14, 15 ; XXIII, 5, 8 ; XXXVIII, 16 ; xliv, 26 ; Os., IV, 15'. Cette vie et cette personnalité de Yahweh se manifestent surtout dans les rapports qu’il entretient avec les individus. On peut mentionner la manière dont, en Osée, il traite avec Israël personnilié comme son é|)ouse (O.t., i ; 11, 8, 9, 11-19. 21, 22. etc. ; cf. /cr., 11, 2 ; 111, 1 i-13 ; etc.). On peut insister plus justementeneoresurces visions inauguralesdans lesquelles Dieu s’entretient véritablement avec le prophète (/s., VI ; Jer., i). Mais nulle partie sens de la personnalité divine n’est plus vif que dans Jérémie ; le prêtre d’Analhoth sent perpétuellement que Yahweh est tout près de lui, qu’il peut s’entretenir avec lui, lui conQer ses préoccupations et ses peines, entendre ses réponses et ses encouragements ; sa prière revêt la forme d’un véritable dialogue (Jer., vii, 16-19 ; xi, 1828 ; XII, 1-0 ; xiv-xv ; xvii, i'|-18 ; xviii, ig-23 ; XX, 7-18). —, 3) Osée et Jérémie font une place spéciale à la bonté divine ; elle a présidé aux premiers rapports de Yahweh avec son peuple (Os., ix, lo" ; xi.

1-4 ; Jer., II, 2-7), elle ne s’est jamais démentie (Os.,

II, 10) ; aprèsque la justice aura fait son œuvj-e, c’est la boulé qui inspirera à Yahweh le pardon et assurera la restauration du peuple (O.S., xi, 8-11, surtout gi> ; Jer., xxxi, 2, 3, 20 ; xxxni, i 1). — y) Isaïe s’attache davantage à la sagesse et à l’autorité avec lesquelles Y’ahweh gouverne le monde ; il les voit spécialement à l’reuvre dans les péripéties de la guerre de Pliacée et de Rasin contre Ju’da (As., vii, 1-9 ; viii, i-4) et dans l’expéilition de Sennachérib (/s., x, 5, 6, 12, |519, 24 a-, 28-34 ; xxxvii, 26-2g, 33, 34). Aussi réclainet-il du peuple la foi et la conliance (/s., vii, g ; xxviy, iG ; XXX, 15), se moquant du recours aux moyens liumains de défense (/.s., xxii, 8-13), blâmant énèrgiqueiuent ces alliances politiciues qui, en même temps qu’elles témoignent d’un mauipie de foi. constituent un danger pour la religion (Is., xxix, 15, 16 ; xxx, 1-17 ; XXXI, 1-3 ; cf. Os., V, 13 ; vii, 8, 9, 11, 14, iG). — S) Mais tous ces prophètes insistent d’un commun accord sur l’attribut qui, plus que tous les autres, met en relief le caractère moral du monothéisme hébreu, la justice : — yv) La justice de Yahweh se manifeste d’abord dans l’idéal moral qu’il impose à son peuple et qui se traduit par les censures que les prophètes prononcent contre les désordres de tonte sorte qui régnent en Israël et en Juda. Anios s’en prend aux riches dont il blâme le luxe (Ani., iii, 12', 15 ; V, iii"^ ; VI, 1, 8, 11), les folles jouissances (Am., IV, I" ; VI, 4-6), les débauches (Am., 11, '^^), mais surtout la dureté pour les pauvres (11, 6. 7 », 8 ;

III, 10 ; IV, l’i ; v, 12 ; VIII, 4-G) ; il dénonce la complicité des juges (Am., , 7, 10, 15" ; vi, 12). Au temps d’Osée, Israël est en pleine décomposition ; aussi les prévarications de toutes sortes ont-elles droit de cité. De là les jugements sévères du prophète (Os., IV, i, 2 ; VI, 8 ; VII, i ; x, 4 ; etc.), qui s’attaque aux chefs du peuple (Os., iv, 18 ; v, 10 ; vii, 8-7 ; VIII, '() et aux prêtres (Os., iv, 6, 8, g, 14 ; vi. 9 ; etc.l ; à noter la censure très vive de l’immoralité (Os., iv, 2, II, 18, etc.). En Juda. Isaïe condamne, en même temps que la superstition (Is., 11, 6) et l’idolâtrie (Is., II, 8), l’orgueil qui s’appuie sur la richesse et la prospérité du pays (Is., 11, 7, 12-17). '^ luxe des femmes (Is., iii, 16-24 ; xxxii. 9-1 1), l’avarice des riches (As., V, 8), leurs orgies (/s., V, 11, 12 ; xxii, 13 ; xxviii, 7, 8 ; cf. à propos d’Israël, xxviii, i), leur présomption (Is., v, 18-21), mais aussi leurs injustices envers les pauvres (Is., v, 28 ; cf., à propos d’Israël, x, i, 2). Ce dernier thème toutefois tient une bien plus grande place dans Miellée, mieux en mesure, à Morésélh, de voir toutes les violences dont les faibles étaient les victimes (.1//., 11, i, 2, 8, 9 ; iii, 1-3, g-ii). De ces diverses censures, on trouve l'écho dans Jérémie (-/er., ii, 34 ; v, i-g, 15-ig ; vi. 13 ; vii, .5, G, 8, 9 ; IX. 1-8 ; etc.). —, 15) La justice de Yahweh éclate dans l’importance qu’il attache à la pratique de cet idéal moral. L’un des traits les plus frap[)anls, dans les écrits de ces prophètes, c’est la censure du culte (Am., iv, 4, 5 ; v, 4.. 21-28 ; vii, 8, g ; ix, i ; O.S., IV, 13, 14.17 ; VI, 6-10 ; Is., I, lo-i.'i ;.)/(., I, b ; Jer., n, 23-28, 33 ; iii, 1, 2, 6-10 ; v, ig ; vii, 4-ii, iG-19 ; XI, 9-13, etc.). Sans <loute, on peut dire que l’anathème de Jérémie porte surtout sur les hauts lieux, et que leur condamnation s’impose, soit à raison des

réformes d’Ezéchias (Il Ite^., xviii,

II Chron.,

XXXI, 1) et de Josias (II lieg., xxii ; xxm), soit à raison de l’accueil que l’on y faisait au sj’ncrétisme religieux (II He^., xxi, 3, 6 : xxiii, 5, 8', 10, 13, 15 ; II Chron., xxxin. 3, 6). A propos d’Osée, on peut aussi remarquer que les sanctuaires étaient à son époque le rendez-vous de toutes les idolâtries et de toutes les débauches. Ces remarques toutefois n’expliquent pas toutes les censures. Il ne faut pas aller 1599

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chercher cette explication dans une idée absolument incoini)alible avec la mentalité de cette époque, et croire que les prophètes condamnent le principe même du culte extérieur et rêvent d’une relig^ion sans tem[)les ni autels. Ce qu’ils blâment, c’est le culte tel ([Vi’on lecélèbre sousleurs yeux.Et s’ilsle proclament indigne de Vahweh, désajjréable à Yahwch, c’est parce qu’il n’est pas accompagné de la pratique de la justn’e, c’est parce ([u’on prétend, en Israël comme chez les peuples j)aiens, en faire le tout de la religion, alors (jn’au regard du vrai Dieu, la praticjue de la justice prime le reste. La pensée des prophètes est, àcetégard, on ne peut plus claire (Am., v, 6, 7, 14, surtout 24 ; Os., VI, 6 ; viii, 13 ; /s., i, 16, fj ; Mi., VI, 6-8 ; Jer., vii, 4-1 1, 21-23 ; xiv, 10-12). C’est en adoptant ce programme que l’on reviendra à l’esprit primitif du culte divin (cf. Aiii., v, 26 ; Jer.. vii, 22, l’A). — /7)Enlin la justice de Yahweh a pour manifestation suprême les jugements i|u’il porte contre son peuple. On sait qu'à raison de l’endurcissement d’Israël, de son mépris pour les châtiments qui l’ont déjà atteint et pour la parole des prophètes, ces der, uiers n’hésitent pas à prédire sa ruine (Am., 11, 13-16 ; vni, i-3 ; ix, i-4 ; Os., 1, 2-1) ; xiv, i ; /s., vi, y-iSa ; AJi., i, 0, ;  ; lii, 12 ;./ec, xiv, 13-16 ; xv, i-y ; xxvri, 16-22 ; xxviii ; xxix, 20-23), à déclarer que, pour le seul triomphe de la justice, Yahweh renoncera, au moins pour un temps, à toute l'œuvre qu’il avait dessein de réaliser en son peuple. Idée si caractéristique et si élevée que les faux prophètes et les prêtres s’empressent à la combattre (.Jm., vn, 10-17 ; "'> "> *^>7 ; "'.5 ; Jer, xiv, 13-i.'J ; xxvii, 16-22 ; xxviii ; XXIX, 24-28). C’est peut-être chez Amos qu’elle reçoit son plus complet développement. Dans le grand jugement initial (Ain., 1, 11), Israël prend, parmi le délilé des nations au tribunal de Yahweh, une place absolument pareille aux autres. Le verdict qui le condamne est formulé dans les mêmes termes que pour les autres peuples. La matière du jugement, elle aussi, est pareille : aux nations, Yahweh reproche, non d’avoir ignoré son nom, mais <ravoir violé les grandes lois de la justice et de l’huiuanité (Am., i, 3, 6, y, 11, 13 ; 11, 1) ; il ne censure pas autre chose en Israël (Ain., 11, 6-8). Les arrêts sont semblables (.4m., i, 4. 6, 7, 8, 10, 12, 1 4, 15 ; u, 2, 3, comparés avec 11, 13-16). C’est allirmer qu’en présence des grandes lois de la conscience, Israël est au même rang que toutes les autres nations (cf. Am., IX, 7"). Amos va pourtant plus loin encore. Lorsqu’il prononce sur Israël la sentcni’C de cimdamnalion, il lui rappelle les faveurs dont Dieu l’a comblé, surtout à ses origines (.4m., 11, 9, 10), les lumières et les exemples qu’il lui aménagés (.4m., ii, 11). C’est pour accentuer davantage la culpabilité du peuple ingrat (Am., II, 12) ; c’est pour coiuhire « lue, loin de lui être un titre à miséricorde, les privilèges dont il a abusé lui vaudront un châtiment plus sévère (.4m., iii, 2). — cô) Les pro|ihètes du huilième siècle n’ont guère envisagé la justice de Yahweh que dans ses rapi)orts avec le peuple. (Vest surtout au temps de Jéréniie quc l’on commence à prêter une attinlion plus grande au.x^ individus. L’intimité de ses relations avec son Dieu, l’opposition que sa sincérité, son zèle pour le bien lui attirent de la part du plus grand nombre de ses compatriotes, préparent ce prophèlo à comprendre ([ue le sort d’un individu n’est pas nécessairement solidaire du sort réservé à une famille ou à une nation. Aussi aura-t-il mission de pro<dainer ce i)rincipe sur lequel Ezéchiei insistera tant : que les lils ne porteront pas la peine des fautes de leurs pères, mais qu’un chacun ne sera |mni que i)our ses propres iniquités (.fer., xxxi, 2g, 30).

4° Le monothéisme depuis Moïse jusquau neuvième siècle. — Bien qu’ils ne l’ak-nl pas formulée avec autant de précision ni d'éclat que le Deutéronomeou /s., xl-lxvi, les écrits des prophètes préexiliens nous fournissent lesélèments d’une doctrine complète du monothéisme moral. Sans aucun doute, on y découvre des traces évidentes de développement et de progrès ; il n’en est pas moins vrai que les grandes lignes du tableau remontent jusqu'à Elle. Or ces projjhètes, loin de se poser en novateurs, prétendent tout simplement rappeler au peuple des vérités qu’il devrait savoir, mais que dans la pratique il a oubliées ; ils entendent n'être autre chose que les échos d’une tradition très si ! ire et qui remonte jusqu’aux origines. Peut-on justiUer leur prétention ?

A. —.Voise. — Les critiques distinguent, on le sait, quatre documents dans le Pentateuque : le Yahwiste, l'Éloliiste, le Deutéronome et le Code Sacerdotal. Mous avons vu que la plupart des critiques étrangers à l’Eglise placent la composition du Deutéronome au septième siècle. Le code sacerdotal est, d’après eux, plus récent encore et, en grande partie, postexilien. Ouant au Yahwiste et à l'Élohiste (documents prophétiques), ils ne sont pas antérieurs au dixième siècle. Nous sommes loin de l'époque de Moïse. Toutefois les mêmes critiques, si l’on excepte ceux d’extrême gauche, ne doutent pas que l’on puisse s’appuyer sur les traditions consignées dans ces documents, dans les deux derniers surtout, pour reconstituer les grandes lignes de l'œuvre de Mo’ise. Nous pouviins donc, au moins provisoirement, nous placer sur ce terrain.

o)Le fait(pii domine la période mosaïque est, au moment de la fondation du peuple d’Israël, l'établissementdu lienuniquecpii lerattachera à Yahweh.

— ».) D’après ledocumeutyah wiste, lecultede Y’ahweh remonterait aux temps antédiluviens (Gen., iv, 26), aurait été pratiqué par Noé (Gen„ viii, 30-22) ; rien a jiriori n’empêche qu’il se soit conservé en dehors de cette race patriarcale qui, en tant de circonstances, le pratique avec une vraie ferveur (Ge/i., xii, 1-3, 6-8 ; XV, 6-11, 17, 18, clc). Dans la révélation du buisson ardent (E.i., 111, 2-4 »), Yahweh déclare qu’il est prêt à venir au secours du peui)le pour le faire sortir d’Egypte et l’introduire dans le pays promis aux pères (El -, iii, 79 ») ; autrement dit, il se propose de l)résider à la transformation qui, de la famille de Jacob, fera une nation ayant sa patrie et son séjour déterminé. —, 3) Dans l'éloliiste, le but des interventions divines ap[>arait le mèmequedans le yahwiste (E.r., iii, 10, 12). Seulement Yahweh manifeste, en outre, le nom sous lequel il veut être honoré désormais, son nom pour jamais, son mémorial pour les générations (Ex., lii, 15). Ce qui ne veut pas dire que Yahweh soit uu Dieu nouveau pour la famille de Jacob (E.r., iii, 6), ni que son nom ait été jusque-là totalement ignoré ; ce qui est nouveau, c’est l’importance donnée à ce nom (cf. E.r., iii, 14), qui sera à l’avenir li' vrai nom de Dieu pour les lils d’Israël.

— 7) Le documentsacerdolalditbien (/i'.r., vi, 2, 3)que Yahw eh apparaissait aux pères en El Sadday, qu’il ne se faisait pas connaître d’eux sous le nom de Yahweh..Si absolue qu’elle paraisse, une telle assertion ne semble pas impliquer l’ignorance complète du nom de Yahweh chez les lils de Jacob. — ô) Il est en somme possible que le nom de Yahwch fût connu en dehors des tribus quidevaientconsliluer essentiellement la nation Israélite, v. g. chez les Cinéens ou Qêniles (Ex., xviii, 9-12, J 4-E). Ce qui est certain, c’est que ce nom était déjà en honneur chez une partie (les familles delà race de Jacob, notamment sans doute chez ces lils de Lévi qui jouiront toujours d’une situation prépondérante dans son culte. —

t) Mais à partir de l’Exode, ce nom, très précis, très personnel, remplacera les appellations génériques et vagues sous lesquelles le Dieu des pères était honoré. Ce nom groupera les tribus pour la sortie d’Egypte ; il maintiendra entre elles un lien lorsque dans ledésertle liasard des migrations les dissociera ; il les groupera à nouveau pour la conquête du pays qu’elles convoitent ; c’est lui aussi qui rattachera à la nation les divers éléments étrangers qui voudront s’y associer (Ex., xii, 38 ;.Xiim., x, 29-32 [cf. Jiid., I, iGJ). Bref, le nom de Yahweli prcnd une place essentielle aux origines de la nation Israélite ; c’est par lui que ses divers éléments sont unis ; il est le garant de leur permanence dans l’unité ; c’est vraiment par lui que le peuple existe. Israël est une unité religieuse avant d'être une unité nationale, et c’est le cas de rappeler le mol de M. IIbun (np. luud., j). a^'j) : a La coalition du Sinaï est l’araphiotyonie <les adorateurs de Vahweb. »

h) — a) Si tel est le lien qui unit Yaliweh à Israël, tout relâchement de ce lien aura pour conséquence un alïaiblissement proportionné de la vie nationale. Israël ne saurait, sans détriment pour sa propre existence, surtout à une date où elle est encore précaire, partager son culte entre Yaliweh et d’autres dieux : Yaliweh doit lui apparaître essentiellement jaloux, ainsi qu’il est dit dans le Décalogue (A>., xx, 3, 5). La siluatioanechangerapas quand le peuple entrera en Canaan, et rien ne mettrait davantage son avenir en péril que la séduction du culte de Baal, ainsi que le déclare le Deutéronome (Dent., vii, 4 ; xii, 2, 3). Dès l’origine donc s’affirme, comme nécessairement, l’exclusivisme de Y’ahweh. Mais en même temps, son caractère et sa transcendance se manifestent. — ; 3) Le fait même qu’il porte un nom propre contribue déjà à lui assurer une personnalité très tranchée et très vivante. De plus, il se distingue nettement de ces divinités naturistes qui émergent si peu au-dessus des phénomènes qu’elles personnifient. Israël ne l’honore pas comme le Dieu d’un pays déterminé, puisqu’au moment où il entre en relation avec lui, il est encore sans patrie. Bien que les manifestations du Sinaï aient pour cadre une série de prodiges qui rappellent l’orage ou même l'éruption volcanique (Kx., XIX, 16-19 ; cf. £3., !, 4 ; /-"s. xvni, 8-16 ; xxix), Israël n’adore pas Yahweh comme le principe de tels ou tels phénomènes célestes ou terrestres. Il l’adore à la suite d’une intervention personnelle, qui a pris place à un moment déterminé de l’histoire et dans laquelle Yahweh a fait acte d intelligence et de volonté, de sentiments analogues à ceux qui caractérisent l'être le plus personnel et le plus vivant ici-bas, l’homme. — y) La manière dont Yahweh se manifeste sur la montagne ou dans le buisson montre à quelle distance il se tient de la nature et de l’humanité ; seuls quelques privilégiés peuvent l’approcher (/T.r., m ; xix, io-15,.>.i). et moyennant des précautions particulières (E.r., iii, 5 ; XIX, 22). D’ailleurs, il ne revêt dans son apparition aucune figure que l’on puisse caractériser (Dent., iv, 15) ; on use, pour en parler, de termes vagues, tels que a gloire (Ex., xvi, 7, 10 ; xxiv, 16, 17 ; xxxiir, 18, 22), la face (Ex., xxxiii, 14, l5 ; cf. xxxiii, 20 |qui sans doute explique xxxiii, 11]) ; ou bien l’on fait intervenir V ange de Yalmeli, forme plus précise, il est vrai, mais qui déjà n’est plus tout à fait identique à Yahweh lui-même (Ex., iii, 2 ; xxiii, 20 ; xxxiii, 2). Aussi le Dieu d’Israël interdit-il qu’on le représente sous quelque forme que ce soit (A'.r., xx, 4 ; xxxiv, l’j ; iJeiit., IV, 15-18 ; v, 8). Il ne reconnaît qu’un symbole légitime de sa présence, l’arche qui trouve place en son sanctuaire officiel et ne peut prêter à équivoque. Notons encore ce fait très caractéristique, en

Tome II

rapport avec la transcendance de Yaheh : seul peut-être entre tous les dieux, il n’a pas de déesse parcdrc. Enlin, il alliriue sa supériorité en disposant, en faveur de son peuple, des territoires dont les autres dieux sont censés les maîtres (.uiii., x.xi, 21-35 ; Deut., II, 26-m, 5) ; comme les événements justilient ses prétentions, les Israélites en garderont le souvenir, et leurs ennemis en ressentiront de l’eUroi (Vos., II, g-u ; cf. IX, 9, 10).

c)Lapluparl des exégètes reconnaissent que le fond au moins des préceptes du Décalogue remonte à Moïse (cf. STEt/KRNAGiîi, , Lchrbuch der Einleituiig in dus Alte Testament, p. 269 sv.). Or les commandements dits de la secoiule table (Ex., xx, 12-1^) représentent ce qu’il y a de plus essentiel dans l’idéal moral si cher aux prophètes du huitième siècle, et ils en font la règle, non seulement des actes extérieurs, mais des pensées elles-mêmes et des sentiments (£.r., xx, 17). Beaucoup de critiques font aussi remonter aux temps mosaïcjues, sinon la rédaction, au moins la forme traditionnelle d’une partie du code de l’alliance (Ex., xx, 22-xxiv, 3) ou du petit code yahwiste de la rénovation de l’alliance (Ex., xxxiv, 10-27). On a pu rapprocher ces deux documents du code de Hammiirapi. Si la loi babylonienne atteste une civilisation plus avancée, la loi israéli’LC témoigne d’un sens religieux et moral plus élevé ; en entremêlant les préceptes moraux et les ordonnances religieuses, le Décalogue, le Code de l’alliance, comme aussi le Deutéronome, expriment déjà cette idée sur Ijiquelle reviendront si souvent les prophètes : dans la religion de Yahweh, le culte extérieur est absolument inséparable de l’observance morale.

B. Au temps des Juges et des premiers liais. — rt) Comme l’atteste le livre des Juges (Jud., 11, 10-19 ; m, 7, 12 ; IV, I ; X, 6 ; xiii, i), la période de l'établissement en Canaan fut un tempsde dégénérescence religieuse. Sur la terre de Baal et d’Aslarté, les Israélites se laissèrent entraîner à leurs autels (Jud., 11, 1 1, 13 ; lu, 7 ; x, 6). En même temps, ils admirent dans le culte de Yahweh des emblèmes et des usages empruntés aux rites païens : éphod (Jud., viii, 24-27), objets cultuels du sanctuaire de Michas (Jud., xvii, 2-5), sacriOces humains (Jud., xi, 31) ; par surcroît, l’influence cananéenne amollit siugulièreiuent les mœuis. Mais tandis que la masse apostasie et, en adoptant les usages du pays, risque de perdre le sens de sa vie nationale, des âmes plus élevées gardent fidèlement la religion du Sinaï. Aussi, quand le danger est particulièrement menaçant, c’est au nom de Yahweh que les libérateurs soulèvent les tribus pourun elVort commun (Jud., IV, 6, 9, 14 ; V, 31 ; VII, 18). Avant de partir en guerre, Gédéon détruit l’autel de Baal (Jud., VI, 25-32). Quant à la manière dont Jephtè parle de ChainosdeMoab(.A<rf., xi, 24), on pourrait lui trouver des analogies dans des livres qui sûrement ne sont pas suspects d’h'énolhéisme (Deut.^ iv, 19 : xxxii, 8 [d’après le grec]) ; on pourrait dire aussi que Jeplité emploie ici le langage communément reçu ; il n’est pas nécessaire d’ailleurs de prouver que tous les juges avaient des idées orthodoxes. D’autre part, après que les Hévéensde Gabaon se sont unis à Israël [Jos., ix), leur haut-lieu devient l’un des principaux sanctuaires de Yahweh (I Reg., iii, 4)- Enfin, même au temps des.luges, la résidence de l’arche demeure le premier lieu de culte en l’honneur du Dieu d’Israël (yos., xviii, i ; Jud., xxi, 19 ; I..Sam., i, gsv.).

li) — a) C’est au nom de Yahweh que les Juges s’efforçaient de ranimer dans les tribus le sentiment de l’unité nationale. C’est aussi en son nom que fut réalisée l’inslitution qui devait rendre cette unité plus compacte et plus stable. Les deux premiers rois sont sacrés par un prophète de Yahweh

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(I Sam., x, i, 17-27 ; XVI, 12, |3) ; la chartedela royauté est déposée devant YahweU (I Sam., x, 25). Uien n’indique que, pendant le règne de Said, les Israélites aient associé d’autres divinités à leur Dieu national. Quant à David, il s’empresse, après avoir conquis j'érusalem(II.SrtHi., v, 6-9), d’y transporter Tarclie (II Sdin., vi) ; il ne fait en cela que préparer la voie à l’entreprise qui remplira les premières années du règne de Salomon, laconslruetion duTemple(l//eg^., v-viii). On peut dire que Vahweh règne en maître, bien que certaines pratiques (I i’am., xix, 1 3) puissent trahir des influences étrangères. Ces influences eurent des résultats bien plus fàebeux, lorsqu'à la lin de son règne Salomon établit, pour plaire aux femmes de son harem, des cultes nettement idolâtriques sur la montagne qui est à l’est de Jérusalem (1 lieg., XI 1-8). Toutefois, cette prévarication prouve, non que Salomon aitthéoriquement méconnu le privilège de Yahweh, mais bien plutôt que, dans sa conduite, il a manqué de fermeté. Plusieurs de ses successeurs suivirent ces errements (I lieg., xiv, 22-24 ; xv, 3 ; H Jle<'., viii, 18, 29) ; mais la tradition orthodoxe subsistait au milieu de ces abus et préparait dans les rois fidèles des réformateurs zélés (1 Heg., xv, ii-13 ; XXII, 43, 47). Le culte de Yahweli était même si profondément implanté dans le peuple qu’au moment du schisme Jéroboam I ne songea nullement à inaugurer une autre religion ; il se borna à élever des sanctuaires rivaux de celui de Jérusalem (I Heg., xii, 26-33). — /3) La transcendance de Yahweh, que l'épisode du séjour de l’arche au temple de Dagon (I Sam., v ; vi) met en singulier relief, trouve son expression sensible dans la disposition même duTemple salomonien ; l’arche est isolée au fond du Saint des Saints (I Jieg., VIII, G) et de spacieux parvis en écartent tout ce qui est impur. Les rois lidèles comprennent d’ailleurs que leur Dieu a d’autres soucis que celui il’une sainteté toute extérieure : par exemple, ils bannissent du temple comme indignesde Yalnveli ce personnel obscène, très en honneur dans les sanctuaires sémitiqueset ([ui, de temps à autre, trouvait accueil à Jérusalem (I Heg., XV, 1 i-15 ; Nxii. 47)- D’autre part, l'épisode de la pythonisse d’Endor (1 Sam., xxviii, 7-25) montre que le Dieu d’Israël est hostile aux superstitions les plus accréditées. — y) La religion de Yahweh prétend aussi à cette époque avoir prise sur la vie tout entière. Déjà au temps des Juges, le chàtiiiienl du meurtre injuste prenait la forme d’un acte de culte (Jud., XX, 18, 23, 26-28, 35). A l'époque de Samuel, les blâmes formulés au sujet des lils de Héli (I Sam., II, 12-17, 22-36), les reproches adressés à Saiil (I.Saiii., xiii, 8-14) attestent que Yaliwehatlend de son peuple autre chose que les rites extérieurs. Toutefois le triomphe du monothéisme moral, c’est l'épisode de la rencontre du prophète Nathan avec David, après le meurtre d’Urie (Il Sam., xi ; xii). La scène rappelle celle <le la vigne de Nabolli (1 /('e^., xxi, 1-24). Aucun doute n’est possible : aux regards de Yahweh, les rois n’ont aucun privilège en ce qui concerne le respect de la foi conjugale, de la vie humaine et de la justice.

S" Les Patriarches. —.^. La Genèse ne se présente pas à nous comme une histoire complète et suivie de l'époque patriarcale, non plus que des origines du monde et de l’iiumanilé ; elle a plutôt pour objet de nous retracer la physionomie générale de ces périodes lointaines, et elle le fait à l’aide de souvenirs fragmentaires et épisodiques. II faut de plus rcconn.iitre (r ces souvenirs n’ont été consignés par écrit qu’après une transmission tradilioiuielle fort longue, du moins pour certains sujets. Il convient donc, ici plus ([u’ailleurs, que rajjologétique

s’attache surtout aux traits principaux et aux grandes lignes.

15. — a) Le document yahwiste nous est conservé en des fragments qui nous font remonter jusqu'à la création. Dès le premier jour de leur existence, Yahweh s’est manifesté à Adam et à Eve ; au paradis terrestre, ceux-ci sont demeures fidèles, pendant un temps d’ailleurs indéterminé, à celui avec lequel ils pouvaient s’entretenir à leur gré. Sous le poids du châtiment de leur faute, nos premiers pères n’ont pas perdu le souvenir de celui qui, au moment même où il les punissait, leur avait annoncé la défaite du tentateur ; instruits par eux, leurs fils. Gain et Abel, offraient, quoique avec des sentiments fort divers, des sacrifices au vrai Dieu (Gen., iv, 3-7). C’est avec leur petittils Enos que l’humanité commença d’honorer Dieu sous le nom de Yahweh (Gen., iv, 26). L’apostasie générale de l’humanité fut punie par le déluge ; mais, à cause de sa fidélité, Noé trouva grâce devant Dieu (Gen., vi, 8) et, après le cataclysme, il présida à la reprise du culte divin (Gen., viii, 20-22). La bénédiction de Sem (Gen., ix, 26) paraît marquer que la race de ce fils de Noé gardera plus lidèlement, au milieu des peuples répandus sur la terre, le nom du vrai Dieu ; mais le document yahwiste ne nous dit plus rien des vicissitudes religieuses de l’humanité jusqu'à la vocation d'.brahaiu. — On connaît le beau récit de la création par lequel débutent la Bible et le Code sacerdotal. Il aboutil, à son tour, à la manifestation du vrai Dieu au premier couple humain. Les récits du paradis terrestre et de la chute ne nous ont pas été conserves dans ce document ; par de sèches généalogies, il nous conduit directement au déluge, et Noé nous est présenté comme un homme juste, intègre et marchant avec Dieu (Gen., vi, 9). ("est en sa personne qu’après la sortie de l’arche. Dieu rétablit son alliance avec l’humanité (6>n., ix, 1-17)..près quoi, le Code sacerdotal ne nous fournit plus, pour les temps antérieurs à Abraham, que des nomenclatures généalogiques. — Nous n’avons aucun fragment des récits de l'élohiste sur les temps antérieurs aux patriarches. Mais, dans son discours d’adieu, qui appartient à ce document, Josué dit aux Israélites que leurs pères, Tharé, père d’Abraham et de Nachor, habitaient de l’autre côté du fleuve et servaient des dieux étrangers (Jos., xsiv, 2) : comme si, peu de temps après le déluge, il }' avait eu une nouvelle apostasie générale de l’humanité ! Ce serait alors, semble-t-il, qu’auraient pris naissance les diverses religions païennes et les su|ierstitions. A partir de ce moment, Dieu aurait renouvelé son œuvre par l'éducation d’une famille spéciale à laquelle il aurait conféré l’insigne honneur de porter à toutes les nations la bénédiction de la vraie religion. — / ;) Les documents sont unanimes pour allirmer que les patriarches n’honoraient qu’un seul Dieu. Encore faut-il s’entendre. Il serait inexact de <lire que les textes nous présentent purement et simplement les ancêtres d’Israël comme des monothéistes (cf. Gen., XXXV, 2-4). Il n’est au fond question que des <i pères », d’Abraham, d’Isaac, de Jacob et de ses douze lils. Tout en admettant que leur inlliience ait <lù rayonner autour d’eux, on peut les considérer comme représentant une élite et tenant, à cet égard, la place (|iie les prophètes tiendront plus tard. Les patriarches témoignent de leur foi envers le seul Dieu eu lui élevant des autels ; ils choisissent de préférence les endroits qu’ils fréquentent le i>Uis souvent au cours de leurs migr.ilions. D’ordinaire même, ce sont des apparitions ([ui leur ni.irq lient le lieu où Dieu veut cire honoré. Ainsi s’explii|iie l’origine de beaucoup de sanctuaires qui devaient être célèbres en Israël : Sichem (Gen., xii, i-4% 0, 7, J ; xxxiii, 18-20. 1605

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E) ; Béthel (^.’en., xii, 8, J ; xiii, 4. "i->7, J ; xxviii, 13-16, J ; XXVIII, 1 1, 12, 17-22, E ; xxxv, i, 7, E ; xxxv, 9-15, P), Manibré (ttvi., xiii, 18, J ; xviii-xix, J), Bersabée {fien., xxvi, a4, 26, J ; XLVi, i-/|, E). Nous avons déjà fait remarquer que ce Dieu des patriarclies est désigne, tantôt par le nom eoiiunun d’Elohiin (E), tantôt pai- celui d’El Schadday (P), tantôt enlin par celui de Yahweh ; les textes n’excluent pas l’hypothèse d’après laquelle chacun de ces noms aurait prévalu en certains temps ou en certaines tribus. Quel que soit son nom, ce Dieu apparaît déjà comme jaloux, et, pour lui rendre un hominage agréable, on veille à écarter du camp les dieux étrangers (Gen., xxxv, 2-6, E). Déjà aussi l’on est invité à regarder comme indignes de son culte des rites alors fort en usage, tels que les sacrilices humains (Gen., XXII, î-14, E). La morale se ressent encore de la rudesse des temps ; mais l’on rejette les fautes ([ui portent un plus grand préjudice à l’honneur de la famille, l’adultère (Gen., xii, io-a(), J ; xx, i-iS, E ; XXVI, ’j-ii, J), l’inceste (6’en., xxxviii, 3-30, J) ; on attache un grand prix à la liilélité à la parole donnée au nom de Dieu (Gen., xxvii, i-i^o, surtout J ; XXXI, 44-54, JE) ; etc.

C. — fl)Sur tout ce qui se rattache à la révélation primitive et, dès lors, au monothéisme primitif, of. j. lÎRUCKER, Gexkse, dans Dictionnaire apologétique de la foi catholique (notamment l’article intitulé Preuve du caractère historique des premiers clinpitres de la Genèse, Objection générale’jll, col. 279-283). — i) A propos de la religion des patriarches, on peut faire valoir les considéralions suivantes. — k) Les ancêtres d’Israël ne dressaient pas seulement leurs lentes dans les steppes, loin des sédentaires ; le mouvement régulier de leurs campemenis les amenait à passer et à séjourner dans cette terre de Canaan, si féconde en ressources pour eux et leur bétail, et dont linalement ils devaient subir l’attrait à un si haut point. Or, dès cette époque, une population résidiiit en Palestine, venant des mêmes régions que les patriarches, présentant avec eux de nombreuses alVinités ethniques. Ces Cananéens avaient déjà leurs sanctuaires célèbres, leurs sym-I boles religieux, leurs rites pompeux. Les patriar-’ches passaient près de ces hauts-lieux, et il est au moins possible que plusieurs des autels érigés par eux aient eu quelque afllnité locale avec ceux des anciens habitants. Mais si les mêmes raisons qui avaient jadis assuré le prestige de ces montagnes majestueuses, de ces forêts mystérieuses, de ces arbres vénérés, exerçaient leur attrait sur les patriarches, la Bible dit expressément que ceux-ci y honoraient leur Dieu, que ce Dieu consacrait les autels par ses apparitions. Nous pouvons, sans rien exagérer, voir en ces faits une forme de cette antipathie qui écarte le nomade du sédentaire et de ses coutumes relâchées. Les ancêtres d’israél nous en fournissent d’autres exemples, comme l’attestent les récitsdes mariages d’Isaac avec Kébecca (Gen., xxiv), de Jacob avec Lia et Uachel (Gen., xxviii, lo-xxix, 30). Il va de soi d’ailleurs que ces sentiments régnaient avec plus de délicatesse en l’àme des grands sheikhs que dans la masse. — 5) L’antipathie du nomade pour le sédentaire explique que les patriarches n’aient pas adopté les « dieux étrangers n ; elle ne sullit pas à rendre compte de cette autre attestation de la Bible que les patriarches n’adoraient qu’un seul Dieu. Mais l’on peut invoquer d’autres arguments à l’appui de cette attestation. Rien de pins conforme à l’esprit moderne que de faire appel à cette loi lie continuité qui invite à chercher dans le passé les racines d’une institution importante ; l’histoire de la révélation nous invite de son côté à

reconnaître que l’action divine ne se produit pas en de violents soubresauts. Ortes l’œuvre accomplie par Moïse occupe une place de choix parmi les initiatives que signale l’histoire des religions. Mais ce n’est pas une raison pour s’abstenir de lui chercher des antécédents. On conçoit moins bien en elfet, que ce grand fondateur ait pu grouper les tribus dans le culte d’un seul Dieu, si auparavant chacune d’elles en avait adoré plusieurs : l’unité religieuse et nationale pouvait aussi bien se faire, à tout prendre, sur la base du polythéisme que sur celle du monothéisme ; de nombreux exemples sont là pour le prouver. On conçoit mieux aussi que l’accord se soit fait sur le nom de Yahweh si ces tribus avaient auparavant une certaine conscience que, sous des noms divers peut-être, elles honoraient le même Dieu, que, dés lors, rien n’empêchait, en vue de conférer à ce Dieu une personnalité [dus accentuée et à Israël une plus grande unité, d’adopter délinitivement un nom déjà en vogue sans iloute en certains milieux. EnUn si Yahweh est demeuré solitaire dans sa transcendance, on peut assez légitimement en conclure qu’auparavant les patriarches, tranchant en cela sur le reste des nomades eux-mêmes, n’attachaient pas à leur dieu de divinité parèdre. A supprimer ces antécédents, on peut grandir extraordinairement la personnalité de Moïse ; mais avec un sens beaucoup plus juste des réalités, la Bible, sans rien sacrilier de l’œuvre de ce grand fondateur, veille à ne pas l’isoler complètement du passé.

in. Origine du monothéisme juif. — r) Le monothéisme juif, fait unique dans Ihistoire des religions. Ce qui contribue tout d’abord à donner une haute idée du monothéisme juif, ce qui prépare à l’intelligence de ses origines, c’est la constatation de ce fait qu’il est sans pareil dans l’histoire des religions.

A. Chez les Cananéens. — Pour juger de la supériorité de la religion d’Israël, le véritable terme de comparaison serait à chercher parmi les peuples qui ont eu sensiblement la même importance, ont vécu dans le même milieu, et qui appartiennent à la même race. Tels sont les Cananéens, qui comprennent : les peuplades auxquelles les Hébreux disputèrent le sol qu’ils devaient occuper ; les petits royaumes qui entouraient le pays d’israél, Edoni, Moab, Ammon ; les Phéniciens. — a) Deux noms dominent la religion des Cananéens, ceux de Baal et de sa parèdre Astarté. Le premier, au moins, n’a rien d’un nom propre. C’est une épithète qui signifie maître, possesseur ; comme d’ailleurs une foule d’endroits, une foule de phénomènes, se réclament d’un maître particulier, le nombre des Baals est illimité et nous sommes en plein polythéisme. — i) Dieux de la nature, les Baals se distinguent à peine des forces qu’ils syndiolisenl ; ils n’ont pas de personnalité bien tranchée ; à plus forte raison ne saurait-on parler de leur transcendance. — c) Déesses de la volu[)té, les Aslarlés favorisent, jusque dans les sanctuaires, les désordres moraux les plus hideux ; les prostituées et les elTéniinés font partie du personnel sacré ; impossible de parler d’idéal moral à propos d’une telle religion. — d) Mélék, antre désignation des dieux cananéens, est, comme Baal, un nom commun ; il signilie roi. Sous une forme emphatique. Milkom, il devient le nom propre du dieu des Ammonites. On peut aussi mentionner les noms propres de Chamos dieu de Moab, de Qos dieu d’Edom, même de Dagon d’Asdod. Ces noms propres ont pu concourir à accentuer le caractère personnel des dieux qu’ils désignaient ; mais ils n’ont pu ennoblir leur caractère.

— e) Plus avancés en civilisation que les autres 1607

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Cananéens, les Phéniciens ont un culte plus développé, mais non plus épuré :  ! z) Us retiennent, pour cliaque localité importante, les noms de Baal et de sa parèdre Baalat, de Mélék et de sa parcdre Milkat.

— /3)Ils honorent comme dieu parlicnlicr Kl, avec sa parèdre Elat. — /) Ce qui caractérise davantage cette religion, c’est la tendance qu’ont certaines divinités, certains Baals, à prendre une personnalité plus marquée, soit à raison du lieu où on les honore (Melqart de Tjr, Eschmoun de Sidon, Dagon d’Arvad et d’Asdod), soit pour des motifs moins avouables (Astarté) — *) C’est ensuite la tendance à Iiiérarcliiser le panthéon pour placer à sa tête un Baal suprême. — s) C’est cnlin la facilité avec laquelle on adopte les dieux des pays avec lesquels on est en relations commerciales : Hadad de S3’rie, Tammuz-Adonis de Baliylonie, Osiris, Isis, Ilorus d’Egypte, etc. (Cf. Hkhn, op. laiid., p. io4-121 ; Diiorme, Les Sémites, dans Où en est l’histoire des Heligions, I, p. 175-187). — /") On demeure, avec tous les Cananéens, en plein polj’théisnie, et la religion prend un caractère nettement immoral.

B. Chez les Araméens, etc. — a) Les Syriens reconnaissent, à côté de nombreux Baals, le dieu El. Ils se montrent très hospitaliers pour les dieux étrangers, notamment pour les dieux sidéraux de la Babylonie, avec laquelle leurs relations furent toujours si étroites. Ils honorent le dieu Lune Sahar avec sa parèdre Ningal et leur lils Nusku ; Reshef leur vient de Phénicie. Chez eux, comme chez les Phéniciens, le panthéon tend à s’organiser sous un chef suprême (Cf. Heux, op. lnii(l., i>. I21-131 ; Dhorme, op. taiici., p. 163-169). — /’) Chez les Nabatéens, le panthéon, à la tête duquel est Douschara, dieu-soleil « maître du monde », avec sa parèdre Manat, renferme des divinités de toute provenance. Allât et Hobal qui viennent des tribus de l’Arabie méridionale, Qos qui vient d’Edom, etc. (Cf. Hehn, p. l’i-j-i’ig ; Dhorme, p. 169-i ; 2). — c) Le polythéisme de Palmyre, qui ne nous est connu qu’à une époque récente, nous apparaît moins grossier, peut-être à raison des influences qu’il a subies. Les cultes sidéraux y tiennent une grande place : on honore le soleil (Malak Bel), la lune (Aglibol), l’étoile du matin Aziz (Cf. Hnu, p. 13 i-134 ; DnoRMB, p. 172 sv. Cf. aussi, pour les Arabes du Nord et du Midi, Hkun, p. t’iiji 46). — rf) Une remarque mérite d’attirer l’attention. Chez tous ces peuples, il est des dieux qui dé[)assent les frontières de chaque nation particulière et tendent à devenir, en quelque sorte, des dieux universels. Il est très naturel, par exemple, que, dans tous les pays où les astres sont en honneur, le soleil soit nu premier rang du panthéon. Palmyre, à raison <le sa position exce[)tionnelle, eut une grande in-Huence pour la dilTusion de ce culte, qui fut reçu même dans le monde romain. Mais le dieu dont la fortune fut la plus brillante est Hadad, le dieu de l’orage. Honoré en Assyrie, il est le chef du panthéon syrien, il est le Baal suprême de Phénicie et de Cartilage ;

« Seigneur des cieux » ou « seigneur du

monde », on le retrouve à Palmyre, chez les Nabatéens, chez les Arabes du Safa ; il est identique au dieu hittite Tesehoup ; les taureaux de Béthel eux-mêmes poTirraient avoir subi son induence. Est-ce à dire que l’on s’acheminerait vers le m(molhéisme ? Non, sinon d’une manière très inconsciente. Nulle part Hadad ne jjrétend à l’exclusivisme. Jusqu’au terme de leur existence, ces religions demeurèrent polythéistes et, quand le vrai monothéisme se présenta à leurs seelaleurs, elles ne purent qnc dis]iaraîlre.

C. Chez les Assyro-Babyloniens. — Il est d’autant phis à propos de traiter des Assyro-Babyloniens et

des Egyptiens que souvent l’on parle, à leur sujet, d’une influence considérable sur les Israélites, — a) Ce qui attire avant tout l’attention, dans la religion du premier peuple, c’est un poljthéisme très toulîu. Ses dieux sont la personnilication des forces de la nature ou encore, à une date peut-être plus récente, la personnilication des astres. De là vient qu’à l’origine du moins leur individualité est assez elTacée, assez peu distincte du monde qu’ils symbolisent. Si, dans la suite, à mesure surtout que chacun d’eux est adopté d’une façon plus spéciale comme le patron d’une ville on d’un État, leur caractère particulier s’accentue davantage, il demeure quand même des indices de leur primitive indécision : beaucoup de traits sont comnnms à un grand iu)mlirc d’entre eux et, dans les hymnes, passent facilement de l’un à l’autre. — /’) Autant, sinon plus, que les autres polylhéismes, celui de Babylone se montra fort acciieillanl. Il est formé déjà de deux panthéons primitivement distincts, celui des Sumériens, cpie l’on peut appeler autochtones, et celui des Sémites envahisseurs. De plus, à mesure que les cités s’unissent, que les petits États se groupent, leurs divinités s’associent, sans que l’on s’aperçoive que, bien souvent, plusieurs d’entre elles représentent exactement la même idée et sont au fond identiques.

— c) Mais ce qui, à un moment donné, caractérise davantage le polythéisme babylonien, c’est qu’il s’exprime en un panthéon très savamment organisé. On y saisit l’influence de collèges de prêtres érudits, qui se sont livrés à de profondes spéculations. De là d’abord ïine mythologie et une cosmologie fort compliquées, traduisant, sous forme de relations entre les dieux, les rapports qu’ont entre eux, les inlluenees réciproques qu’exercent les uns sur les antres, les divers phénomènes, les divers astres qu’ils symbolisent. — d) Un autre effet de cette spéculation nous intéresse davantage ; la subordination hiérarchique des êtres célestes. Elle aboutit d’ordinaire à mettre en avant une divinité qui, comme chef du panthéon, occupe un rang tout à fait à part. Diverses influences peuvent contribuer à lui assurer cet honneur : celle de la tradition cosmologique comme pour Anu ; celle de quelque vieux sanctuaire, dont le prestige se maintient alors que la ville où il se trouvait a perdu de son importance ; celle qu’une ville acquiert dans l’association des cites et des Etats primitivement distincts (Marduk à Babylone, Assur à Ninivc). Il est surtout important de noter la facilité avec laquelle au dieu suprême du panthéon, l’on donne des épithètes, l’on adresse des louanges qui sembleraient le mettre à un rang absolument à part, lui réserver d’une manière quasi exclusive le ])rivilège de la divinité. Il ne faudrait i>as toutefois se laisser tromper par les appnrenres. En certains cas, ces manières de parler s’ex]diquent par le fait que tel nom divin devient comme l’expression de l’idée abstraite delà divinité : c’est ce qui arrive pour Anu, par exemple. En d’autres cas, la transcendance du dieu est en proportion de celle même de la cité dont il est le patron ; ainsi en est-il pour Marduk. D’ailleurs il est fort intéressant de noter que chaque lidèle adresse des épithètes analogues au dieu envers lequel il fait profession d’une piété jiarticulière. On peut voir en tout cela un acheminement inconscient ers le monothéisme. Ce qui est beaucoup plus certain, c’estcpvejamaisles panégyristes les plus enthousiastes d’un dieu particulier n’ont songé à rejeter l’existence des autres divinités. — e) Si maintenant l’on veut apprécier la portée morale du polythéisme babylonien, on ne peut méeonnnître que ses productions liturgiques contiennent de magniliques expressions pour un certain nombre des plus nobles 1609

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sentiments religieux. L’on a pu uiainles fois élablir des lappioclienicnls frappants entre telles liymues babyloniennes et certains de nos psaumes ; les chants de pénitence sont à cetéf^ard particulièrement remarquables. Il y a loin toutefois — et personne ne sera tenté de le nier — de l’inspiration religieuse qui préside au culte babylonien à celle qui se traduit dans la liturgie israclitc. De plus, la religion des vieux sanctuaires clialdéens est largement ouverte à un élément que le yaliwisme autlienti(iue rejette de la façon la plus formelle, la magie et les incantations. Kt puis, ce n’est i)a3 pour rien que le panthéon des rives de l’Euphrate admet dans ses rangs et à une place d’honneur la déesse Istar, proche parente de l’Aslarté cananéenne. EnQn aucun représentant olliciel de la religion babylonienne n’aurait songé à dire que le culte extérieur n’est rien si la justice ne coule comme un fleuve intarissable (Am., v, 21-24). La religion est tout entière dans la contribution aux .liturgies pompeuses et à l’aiiprovisionnement des temples. La pralicpic de la morale et du droit, si élevée qu’en soit i>arfois la formule, ressortit au domaine de la vie civile, et non à l’observance religieuse. A tous ces titres, il y a un abîme entre la religion du plus puissant des peuples sémitiques et celle du tout petit royauuie d’Israël. (Cf. Hehn, op. laud., p. i-ioi ; Duorme, La ielii, ’ion assyi-obabjlonienne ; Conuamin, Babylonb kt la Biiîlb, dans Dictinnnaire apologétique, I, col. Sa’j-Scjo.)

D. Chez les E< ; ypliens. — On peut parler, à beaucoup d’égards, de la religion des Egyptiens comme de celle des Assyro-Babyloniens, et a]q)rccier à peu près de la même manière les faits qui, de part et d’autre, sont allégués dans le sens du monothéisme ou d’une tendance vers le monothéisme. — a) Tout d’abord, depuis les plus lointaines origines et jusqu’à la On du royaume des Pharaons, la religion pratique se ramena à un polythéisme très toulfu, allant sans cesse se compliquant à mesure qu’à leurs dieux primitifs, chaque nome, chaque cité ajoutaient les dieux de leurs voisins, à mesure aussi que certaines divinités faisaient fortune dans toute la vallée. — b) Il est vrai que la spéculation théologique intervint pour mettre un peu d’ordre dans le panthéon. Les prêtres d’Héliopolis jouèrent à cet égard un rôle considérable : de la multitude des divinités protectrices, ils isolèrent une ennéade de dieux universels, alioutissant à son tour à une triade, sous la suprématie du dieu solaire lla-Thoum. — c) Il en était évidemment de Ka-Tlioum comme de Afarduk. Les titres que l’on accumulait, pour le glorifier au-dessus des autres dieux, pouvaient accentuer la subordination de ces derniers, mais ne leur enlevaient nullement leur caractère divin. En outre, de même qu’en Chaldée, le dieu suprême du panthéon variait avec les cités, avec celles-là mêmes qui se réclamaient de la synthèse héliopolitaine : à Memphis, le premier rang était à Phtah ; à Thèbes, on l’attribuait à Amon. Le développement de la puissance Ihébaine attira à son souverain céleste des honneurs tout particuliers. Comme le Pharaon, Amon devint le seigneur de toute l’Egypte ; il alla conlisquanl à son bénéûce les charges et les fonctions de ses collègues. Plus tard même, sous la vingtième dynastie, il devînt un dieu suprême, principe de vie universelle, ayant une action sans pareille dans le monde, exigeant des hommes, en plus du culte extérieur, l’observation de véritables lois morales. Mais, s’il ne faut pas méconnaître la grandeur de ces conceptions, il ne faut pas non plus en exagérer la portée. La morale des hymnes à Amon Uà n’a pas certes la vigueur et la pureté de la morale prophétique, et l’on n’oserait pas dire qu’elle apparaisse comme la base même et le

fondement du culte. D’autre part, si haut qu’on place Amon Uà, il ne paraît pas qu’en son nom on ait démoli aucun temple, pas même celui d’Ilathor, ni détruit aucune idole, pas même celle de Hès. A Thèbes, on n’a renversé ni la demeure de Moût, femme d’Ainon Rà, ni celle de Khons, leur (ils. — (/) La suprématie d’Amon rayonnait sur son clergé ; bienlùl le sacerdoce thébain devint si puissant ([u’il contrebalança le pouvoir royal lui-même. Jaloux de ces in’ivilèges et décidé à en avoir prompte raison, le l’iiaraon Aménophis IV, au quatorzième siècle, s’en prit au dieu Amon lui-même. Ses statues furent sorties de leurs temples, son nom fut martelé dans toutes les inscriptions, et, naturellement, sou sacerdoce fut aboli. Un dieu nouveau, Aten ou le Disque solaire, fut proclamé le seigneur des dieux de l’Egypte et le dieu de tous les pays tributaires alors fort nombreux. En son honneur, le pharaon lui-même composa une hymne religieuse de très hau’.e inspiration. On a voulu y voir une profession de foi monothéiste. C’est trop dire. Si en elTct Aménophis IV a fait la guerre à Amon, pour des raisons qui relèvent, au fond, de la politique autant et plus que de la religion, il a respecté les noms et les cultes des autres divinités. S’il a voulu que le nom d’Aten franchit les limites de l’Egypte et fût honoré des pays tributaires, ce n’est pas premièrement pane qu’à ses yeux le sentimentreligieux devait relier les divers peuples dans une même pensée touchant l’être suprême ; en conformité avec les idées du temps, il a tout d’abord voulu faire hommage au maître céleste de l’Kgypte des pays qu’il avait conquis. Enlin, pas plus que les spéculations relatives à Amon, la réforme d’Aménophis n’a eu d’influence sur la religion populaire ; le peujjle est demeuré attaché à la multitude de ses divinités étranges. Puis, après la mort du pharaon émancipateur, Amon est rentré dans tous ses droits et honneurs. Le principal résultat durable de l’action d’Aménophisa été, comme on le constate au temps de la vingtième dynastie, une épuration du culte du grand dieu thébain, peut-être une importance plus grande attribuée à l’élément moral, sans rien toutefois qui puisse entrer en parallèle avec les exigences des prophètes d’Israël.

E. Chez les Grecs. — On sait qu’en la personne de Platon et d’Arislote.la philosophie grecque a abouti à une idée monothéiste très élevée. Mais l’on ne saurait assimiler cette doctrine à la religion d’Israël. — rt) Chez les Grecs, le monothéisme est le fruit d’une spéculation philosophique. La masse du peuple trouve dans un polythéisme très riche l’explication du monde et des divers phénomènes qui s’y déroulent ; elle voit partout l’action et l’intervention immédiate des dieux. Cependant, certains esprits poussent plus loin l’étude de la nature. Par delà les faits ouïes groupes de faits auxquels s’arrête le vulgaire, ils voient des catégories plus amples, ils découvrent en même temps des lois ipii président à ces séries de phénomènes ; ils remarquent que, comme divers groupes de faits se subordonnent les uns aux autres, les lois elles-mêmes s’unissent et se hiérarchisent en systèmes ; ils en arrivent à l’idée d’un système général du inonde. La notion de la cause invisible progresse dans la même proportion, jusqu’au moment où une seule cause suprême sullit à expliquer un monde envisagé dans un système unique. C’est alors que des génies de premier ordre peuvent édifier leur magnifique théorie du divin. — b) De celle origine, le monothéisme grec se ressentira fatalement. Laissons de ciilé un certain nombre de lacunes de détail, même fort importantes, qui déparent cette magnifique conception. Il est un premier défaut général 1611

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qu’il faut signaler : c’est le caractère tout abstrait de cette théorie. Le Dieu de la philosophie n’aura rien de la personnalité si accusée et si vivante qui signale le Dieu d’Israël. Ce sera avant tout une idée, un concept de l’esprit qui, de ce fait, demeurera toujours un peu vague et imprécis ; on parlerait ici plus volontiers de divin que de Dieu. — c) L’une des raisons de cette indécision provient de l’impossibilité où se trouvaient les philosophes grecs d’identifier leur dieu avec aucun des habitants de l’Olj’mpe. Quand les prophètes d’Isracl prêchaient au nom du vrai Dieu, ils n’éprouvaient aucune peine à se faire comprendre. Le Dieu dont ils parlaient avait un nom, et ce nom était connu de tous leurs auditeurs ; le Dieu des prophètes était Yahweh, tout comme le Dieu (lu peuple. Les prophètes se bornaient à en rappeler la vraie nature à des âmes vulgaires qui en avaient perdu le sens. En Grèce, les philosophes ne pouvaient faire de même. Les divinités de l’Olympe étaient légion ; aucune d’elles d’ailleurs ne se présentait avec des titres assez nobles pour qu’un Platon ou un Aristote la puissent choisir comme incarnant l’idée du divin à laquelle ils s’étaient élevés. C’est ce qui fait que leur thcodicée demeura toujours abstraite. — d) Enfin cette conception intellectualiste n’eut jamais rien d’une religion. Les philosophes eux-mêmes ne songèrent point à un apostolat qui la ferait sortir du cercle restreint de leurs disciples. Bien plus, ils ne c «-aignaient pas de professer que, dans la pratique, il valait mieux s’en tenir aux usages traditionnels. A ce point de vue, les penseurs grecs demeurèrent aux antipodes des prophètes d’Israël. Ceux-ci furent avant tout des apôtres, des réformateurs de la religion du peuple ; leur doctrine n’eut jamais rien d’ésotérique et si, à certaines heures, ils se résignèrentà ne pas faire entendre leur voix au del, i du groupe de leurs disciples, ce fut uniquement lorsque des circonstances extérieures, la persécution en particulier, les y contraignirent (Cf. H. F. Hamilton, riie people of God, an inquiry inlo Christian origins ; ï, Israël, p. 19-85).

2" Le monothéisme juif ne trouve pas son explication dans les conditions naturelles du peuple israélite. — a) D’ajirës ce qui précède, il est évident que le monothéisme juif n’est pasd’importation étrangère. — v) On reconnaît aujourd’hui que le nom même de Yalnveh n’est pas d’origine assyrobabjlonienne (cf. Hkun, op. laud., p. 230-250 ; CoNDAMiN, op. laiid., col. 872, 3^3). —, 3) Ce que la Bible dit des rapports des Israélites avec les Madianites et les Cinéens ou Qénites (Ex., 11, 15-22 ; iii, i ; îv, 19 ; xviii ; A’nm., x, 29-82 ; cf. Jud., i, 16 ; iv, 11, 17 ; I Sam., XV, 6 ; 1 Chron., 11, 55 (cf. II lieg., x, 16-17 ; Jer., xxxv|) ne permet pas de conclure que les lils de Jacob leur aient emprunté le nom et le culte de Yahweh. — /) Les théories du Canon Cheyne (cf. Cheynk, Tlie Veil of Hel/reu’flislori-, a further aliempt to lift it, 1918), qui va chercher l’explication des origines d’Israël, de sa religion, de presque toute son histoire, parmi les tribus arabes campées à l’est du golfe élanitique, ne méritent guère qu’un succès de curiosité.

/’) Mais, si le monothéisme est sorti d’Israël, peut-on dire que ce soit à raison des propensions spéciales, des aptitudes de ce peuple ? Rien n’est moins attesté par l’histoire. — a) Les fils de Jacob vécurent d’abord à l’état nomade. Mais il }’a bon temps que l’on est revenu de cette idée, mise en vogue jiar Henan, que le désert est monothéiste. L’histoireancienne i)rolestecontre une pareille assertion. On ne trouve chez aucun peuple nomade, notamment chez aucun peuple sémite, la croyance

exclusive à un seul Dieu ; ainsi en est-il en jiarticulier dans les tribus arabes, antérieurement à l’inlluence islamique. Bien plus, qvuind on remonte aux origines des peuples civilisés, on remarque souvent que des tribus auparavant nomades ont mis en commun leurs dieux en même temps que leurs intérêts sociaux et politiques. Ce qui est vrai, c’est que la vie simple du désert ne favorise pas l’éclosion d’un panthéon très fourni et qu’en ce milieu la religion aboutirait plus facilement peut-être au monolâtrisuie qu’au polythéisme ; encore faudrait-il remarquer que le dieu serait à peu près constamment accompagné d’une divinité parèdre. Ce qui est vrai encore, c’est que la vie sous la tente communique à ceux qui la mènent une certaine antipathie pour tout ce qui tient à l’existence plus raflinée, plus somptueuse, des sédentaires ; de ce chef, le nomade pourra manifester d’abord de la défiance pour les formes de culte plus compliquées, plus extérieures et aussi plus relâchées, qu’il remarquera chez les sédentaires. Mais, hélas ! cette répugnance ne sera pas plus persistante dans le domaine religieux que dans le domaine social, et bien vite le bédouin, en changeant de condition, sera victime des tares diverses de la civilisation. — /S) Nous savons ce qui advint d’Israël en Canaan : il se laissa gagner par le culte païen, il se laissa attirer par les idoles et, pendant de longues périodes, il ne comprit rien aux véritables exigences de son Dieu. Jamais, dans la suite, sinon ajirès des reformes dont les elTets furent peu durables, Israël, pris dans son ensemble, n’apjiartint réellement à Yahweh ; quand les prophètes voulurent retrouver une période de conformité à leur idéal, il leur fallut, par delà les longs siècles de l’établissement en Canaan, porter leur regard sur le temps des migrations du désert (Os., xi, i sv. ; cf. II, 16 ; Jer., II, 2, 3 ; Ez., xvi, 8-14). — /) En fait, à partir de l’arrivée en Palestine et jusqu’aux derniers âges de son histoire, il y eut en Israël un double courant religieux. La masse du peuple, la masse de ceuxqui suivaient leurs instincts, ne s’éleva guère au-dessus du niveau des n.itions polythéistes, ses voisines. Elle comprit Yahweh tel que les Cananéens comprenaient leurs Baals ; elle l’honora comme il les honoraient ; et comme ils le faisaient aussi, elle se montra toujours prête à associer à son Dieu toutes sortes d’autres divinités. Le monothéisme fut presque constamment l’apanage d’une minorité. Ceux qui la composaient eurent beau multiplier leurs efforts ; ils ne purent en général faire rayonner leur influence que d’une manière très restreinte. Même après la dure épreuve de l’exil, le Judaïsme ne parvint pas à rallier tout Israël au vrai culte de Yaliwoh ; ce que la Bible nous dit de l’époque des Macchabées nous montre qu’avec des modalités différentes Israël manifestait aux teuq)s helléniques exactement les mêmes instincts et les mêmes tendances qu’aux époques de l’influence assyrienne ou cananéenne.

c) — k) Le monothéisme hébreu dut sa naissance et ses développements à l’action d’un certain nombre de personnalités qui se posèrent ncltement à rencontre delà niasse, et qui réussirent à faire admettre leurs idées par un groupe plus ou moins étendu de disciples. La présence de ces grands réformateurs consiilue cncurc une des particularités de la religion israélite. On ne trouve rien de iiareil ni en Assyrie, ni ilans les autres Jiays sémites : là où régnent les cultes naturistes, il n’y a qu’à laisser le |)eui)le suivre ses instincts ; il se conformera toujours aux exigences de dieux qu’il a faits à son image. De toutes ces liersonnalités, celle qui davantage ilomine l’histoire de la religion juive est celle de Moïse, et il faut 1613

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savoir gré à M. Helin de lui avoir rendu toul le prestige dont on avait cherché à la dépouiller (Heun, op. latid., p. 36^-393 ;. C’est Moïse qui a fait de la religion de Yaliweh le lien qui devait grouper les tribus en un peuple ; c’est lui qui a fixé les traits essentiels du caractère du Dieu unique ; il est vraiment le fondateur du Yalnvisnie. Ses véritables continuateurs sont les prophètes, dont la série se poursuit dans toute l’histoire d’Israël, mais dont le rôle grandit aux époques didiciles, au temps de l’établissement de la royauté, puis du neuvième au septième siècles, enfin pendant l’exil et dans le siècle qui le suivit. — / ?) Mais comment ces hommes se sont-ils élevés si haut au-dessus de leurs contemporains’? Il faut d’abord noter qu’ils n’ont jamais présente leur doctrine, à la façon des philosophes grées, comme le fruit du travail de leur esprit, d’une spéculation quelconque. Il est d’ailleurs certains prolilémes qui ne se posaient ni pour eux, ni pour leurs auditeurs ; tous croyaient en l’existence d’un Dieu, qui n’avait rien d’abstrait, mais qui portait un nom rcfu de tous, Yahweli. La divergence entre les prophètes et la masse tenait uniquement à la manière dont on concevait le culte dû à ce Dieu, par conséquent h l’idée pratique que l’on se faisait du caractère et des exigences de ce Dieu. — v) Rien ne prouve qu’en elfet les prophètes aient puisé dans les résultats de leurs spéculations l’enseignement religieux qu’ils proposaient au peuple. D’abord ils ne manifestent nulle part une connaissance du monde jdiysique qui dépasse celle de leurs contemporains, ils n’ont aucune idée des lois générales et du système de l’univers ; à leurs yeux, la divinité est immédiatement derrière les phénomènes, derrière les plus ordinaires (la pluie, la sécheresse) comme derrière les plus rares (tremblement de terre) ou les plus miraculeux (arrêt du soleil). Ce n’est donc pas à raison d’une science plus profonde de la nature qu’ils ont une idée si juste du souverain domaine que Vahweh y exerce. — ô) Ils n’ont pas non plus une vue plus vaste de l’histoire que l’ensemble de leurs contemporains ; leur attention, à eux aussi, se concentre sur Israël, et ils ne s’occupent des nations <jue dans la mesure où elles intéressent Israël. Et pourtant, les jugements qu’ils portent sont tout autres que ceux de leurs aiidileurs..Vvant le désastre de 586, ceux-ci se révoltent contre la pensée que Yahweh puisse permettre la destruction de son peuple ; comme on le fait dans les pays voisins, ils estiment qu’un dieu ne peut se passer de ses adorateurs sans compromettre sa propre existence. De là, aux heures d’angoisse, cet optimisme, dans lequel d’ailleurs les faux prophètes les confirment (1 Reg., xxii, 1 1, 12 ; A/i., 11, 7 ; III, 5 ;./er., XIV, 13, lô ; xxiii, ij ; xxviii. i-4 ; Ez., xiii, 10, 16). Après la ruine de Jérusalem, tandis que les uns se contentent de dire que Yaliweh a abandonné le pays et s’en désintéresse (Ez., viii, 12 ; 1.1., xLix, i/|), se résignent à la ruine d’Israël (Ez., xxxvii. m), il en est qui vont beaucoup plus loin : ils regrettent d’avoir obéi aux prophètes et cessé d’invoquer des dieux plus x>uissants que Yahweh (1er., xLiv, 15-if)). En conformité avec les idées du temps, l’histoire leur semble proclamer la déchéance, la défaite, le néant de leur Dieu. Si les prophètes parlent autrement, c’est que leur foi, loin d’être le fruit de spéculations basées sur l’histoire, est antérieure à ces leçons de l’histoire, et leur permet de les mieux saisir que ne le fait la masse. Avant .586, ils ne se raidissent pas contre la logique des faits qui doivent aboutir à la catastrophe. Mais leur foi leur fait trouver l’explication de ces désastres dans les exigences de Yahweli châtiant son peuple rebelle et obstiné..près 586, ils n’ont pas un instant la pensée de traiter Yahweh comme un Dieu vaincu.

Ils comprennent toutefois la dillicultc du problème ; et c’est pour cela que la lin de l’exil leur apparaît comme la revanche nécessaire cle Yahweh, comme le moyen dont il doit en quelque sorte se servir pour sauver l’honneur de son nom et faire valoir sa transcendance aux yeux des peuples. — /) Enfin le caractère si profondément moral de leur monothéisme n’est pas non plus le fruit d’un travail discursif de leur esprit. Ils n’ont pas, ils ne formulent jamais un sjslèræ d’éthique. Leurs réclamations sont toujours très concrètes ; elles portent sur des points censés connus de tous, parce qu’ils figurent dans les codes de lois qui sont en circulation à leur époque. Ce qui est particulier aux prophètes, ce n est même pas d’avoir présenté ces lois comme des volontés divines ; elles étaient connues comme telles. Ce qui constitue le trait distinctif de leur prédication et ce qui provient net liment de leur foi, c’est d’avoir fait de l’observation de ces lois un acte religieux, d’avoir montré que l’exigence première de "Valnveli avait pour objet, non l’accomplissement d’un rituel, mais la fidélité à la loi morale : nulle part cette conception n’apiiarait comme le fruit d’une spéculation (cf. H.-F. IIamilton, op. laud., p. 63161).

3") Conclusions : les déclarations des prophètes.

— Il est temps d’entendre ce que les prophètes eux-mêmes produisent touchant l’origine de leurs messages. Nulle part ils ne s’attribuent la découverte des vérités qu’ils prêchent. Mais en revanche ils font sans cesse remonter à une action immédiate de la divinité les lumières qui jaillissent dans leur esprit. C’est Dieu iqui les éclaire ; et c’est parce que Dieu les éclaire qu’ils ne parlent pas, qu’ils ne jugent pas comme leurs contemporains et leurs auditeurs. C’est Dieu qui les éclaire, et c’est Dieu aussi qui les pousse, parfois malgré eux (Jer., xx, 7, 9), à communiquer au ])cuple les messages qu’ils ont reçus pour lui. L’origine du monothéisme prophétique est à chercher dans ces formules qui si souvent reviennent sur les lèvres des inspirés : Ainsi parle Yalnveh…, Oracle de l’a /aie/i.,. D’autres prophètes San s doute se servent de formules analogues. Mais il y a entre ceux-ci et les autres une double différence. D’une part, les faux prophètes sont toujours en parfait accord avec la masse : ils ne sont au fond que l’écho du sentiment et des idées populaires. D’autre part, aucun d’eux ne témoigne de ce contact immédiat avec la divinité dont les vrais inspirés ont été favorisés en des heures particulièrement solennelles. Les Isaie, les Jérémie, les Ezéchiel peuvent, à l’appui de ce qu’ils annoncent au peuple de la part de S’alnveh, rappeler, entre autres, ces circonstances particulières de leur vocation, dans lesquelles ils n’ont pas seulement entendu Yahweh, mais ils ont eu la vision de sa majesté.

Il semble donc que l’on puisse arriver nettement à cette conclusion : le monothéisme hébreu n’est pas seulement transcendant [)ar son contenu ; il l’est encore par son origine, et la religion dont il est le centre est, selon toute la force du terme, une religion voulue par Dieu, révélée par lui.

DEUXIÈME PARTIE

L’i ; SPi ; HA>T.E MESSIANIQUE

I. Remarques préliminaires. — 1°) Les prophètes ont proclamé que le monothéisme prêché par eux était la seule religion digne de Yahweh. Mais ils ont en même temps <léclaré que celle forme religieuse n’était pas définitive et qu’une autre plus parfaite devait lui succéder. En ctTel, bien qu’ils aient sans cesse et unanimement regardé Yahweh comme le seul 1615

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Dieu, dont l’empire, dépassant les frontières d’Israël, s’exerçait sur toutes les nations, ils n’ont jamais professé qu'à leur époque son culte dût être pratiqué en deliors d’Israël, que son nom dût être reconnu par delà les limites du peuple choisi. Ceux-là mêmes d’entre eux qui ont parlé de la religion universelle de Yabweh, ne l’ont envisagée que pour des temps à venir, distincts de l'époque présente, souvent séparés d’elle par de violentes commotions. — 2°) Ces mêmes propliètesontconslamment admis que la propagation de la religion de Yali eh au milieu du monde s’effectuerait par Israël. La manière dont ils ont exposé ce rôle du peuple choisi a pu varier, mais sans détriment pour l’idée fondamentale elle-même.

— 3') L’une des formes les plus importantes de cette prédiction a consisté à mettre en avant un person I nage individuel, appartenant à la race d’Israël, qui serait le grand apôtre de Yaliweh au milieu dumondo et qui, après le lui avoir conquis, le gouvernerait en son nom. — 4°) Telles sont les lignes les plus essentiellesdel’espérancemessianique. Les mots Messie et Messianique sonl en rapportétroit aveclemotbébreu mâsi’lt (n'""D). Ce mot lui-même est un adjectif dérivé de la racine mâsah ("_". ;), oindre. Un mâsi’lt est donc un oint. Le terme est d’un emploi assez fréquent dans la Bible et s’applique à diverses classes de personnages ; il arrive souvent d’ailleurs qu’il perd son sens étymologique et n’a plus rapport qu’avec la dignité elle-même qui, à une époque ou une autre, ét.ait conférée par l’onction. Le grand prêtre est en divers textes appelé hakkôlién hammàsi’h ( insn n'ï'sn ; /-e » "., iv, 3, 5, 16 ; vi, 15 ; cf. Ps. lxxxiv, io [?]). (>e titre néanmoins est de préférence donné aux rois : Saiil(I Sam., xii, 3, 5 ; xxiv, 7, 11 ; xxvi, g, 1 1, 16, 23 ; II Sain., I, i/), 16), David (II Sam., xix, 21 ; xxii, 51 = Ps. xviii, 51 ; xxiii, i ; II Cliron., i, 42), d’une manière plus générale aux rois de race davidique (I Sam., II, 10, 35 ; Ilab., iii, 13 ; Ps. xx, 7 ; xxvni, 8 ; Lxxxix, Sg, 62, - cxxxii, 10, 17 ; /-a ; «., iv, 30). On sait aussi que ce qualilicatif est appliqué, d’une part, aux patriarches comme aux chefs de la famille qui devait donner naissance au peuple choisi (Ps. cv, 15 = ; I Cliron., XVI, 22), et, d’autre part, au roi païen Cyrus, appelé à jouer un rôle si important en tant qu’instrument de Yahweh (/s., xLv, i). Les applications au roi des temps futurs sont plutôt rares dans la littérature biblique. On pourrait alléguer certains des textes qui se rapportent à la dynastie davidique, surtout dans les psaumes ; on cite d’ordinaire Dan., ix, 26 ; on pourrait citer, avec plus de raison encore, Ps., 11, 2.

— 5°) Après ces remarques, l’on peut dire que l’espérance messianique peut être considérée à un double point lie vue. Dans un sens général, c’est l’attente du royaume qui grouperatout l’univers dans le culte du même Dieu, dans la soumission au même Dieu, reconnu comme le souverain incontesté de tous les hommes. Dans un sens plus strict, c’est l’attente d’un roi qui conquerra le monde au vrai Dieu et le gouvernera en son nom. La distinction a son importance, car beaucoup de prophéties qui ont pour objet le royaume ne parlent pas du roi messianique. — 6') Aucun prophète n’a de cet avenir une vision totale et complète ; même en juxtaposant tous les oracles de l’Ancien Testament, on n’arrive pas à un tableau d’ensemble aux contours et aux traits précis. Ce qui manque surtout à ces visions, c’est la perspective. Tous les horizons, restauration nationale d’Israël, royaumcspirituel, conversion des peu]iles, se confondent, et, nu fond, tout se rattache à l’avenir d’Israël.

II. Le fait de l’espérance messianique. — I") Dans les libres liistoru/ues. — Il s’agit ici des livres qui ont pour objet la période de l’histoire d’Israël

antérieure à l’exil : Gen., Ex., Lew, yiini., Dent., Jos., Jud., I et II Sam., I et II Beg., I et II Chron. — On trouve dans ces livres comme deux séries d’oracles, les uns se rapportant à tel ou tel détail particulierdc l'œuvre messianique, les autres concourant à donner une idée d’ensemble des espérances d’Israël.

a) Le premier texte que la tradition chrétienne signale appartient à la première catégorie. C’est Gen., iii, ! , 15. L’idée qui s’y exprime est celle de l’inimitié, voulue par Dieu, qui existera entre la race du serpent et celle de la femme et qui aboutira au triomphe de cette dernière. C’est surtout grâce à l’explication traditionnelle que nous pouvons voir dans ce texte la victoire que remportera sur le serpent, forme sensible du démon, la race de la femme, représentée par le Messie Rédempteur. — h) Le texte relatif à l’alliance conclue par Yahweh avec l’humanité après le déluge (Gen., ix, 1-17) ne se rapporte que d’une manière très médiate et lointaine à l’espérance messianique. — c) Déjà la promesse faite par Yahweh d'être le Dieu de Sem (Gen., ix, 26) prépare les bénédictions qui vont se répandre sur la famille patriarcale. — d) Le sens général de ces bénédictions ne paraît pas douteux. A raison même de l’alliance conclue par Yalnveh avec les patriarches (Gen., XV, 9-21 ; xvii, i-ii), ^euv postérité occupera la terre dans laquelle ils passent en étrangers et s’y multipliera extraordinairement (Gen., xiii,

14-17 ; XV, 16 ; XVII, 1-8 ; XXII, 17 ; XXVI, 24 ; XXVIII,

13, 14 ; XXXV, II). Mais, de plus, elle tiendra une place à part au milieu des nations ; celles-ci seront bénies en Abraham (xii, 3), en sa postérité (xxii, 18 ; cf. liccli., xLiv, 21), ou se béniront elles-mêmes au nom de ses UIs. — e) Avec la prophétie de Jacob, le prestige de la famille patriarcale au milieu des nations se précise et se particularise en faveur de la tribu de Juda (Gen., xlix, 8-12) : il a la prééminence au-dessus de ses frères (vers. 8), il tient le sceptre et le bâton de commandement (vers. lO-') ; les peuples obéissent à un représentant de sa race (vers. 10) désigné par le terme mystérieux de siliilt (n^'S'). Tandis que quelques exégètcs voient dans ce personnage le symbole de la monarchie davidique à laquelle seraient transférées les promesses faites à la tribu de Juda, l’interprétation traditionnelle l’identifie avec le roi d’origine davidique qui doit présider à l’iuauguration des temps messianiques ; un certain nombre de critiques se prononcent dans le même sens (Cf. Skinneb, A criticul and e.regetical Commentai^ on Genesis, ad loc). — /') Lorsque, dans les parties légales du Peutateuque, il est parlé des rapports d’Israël avec les nations, il s’agit surtout de l’ordre présent : à la condition qu’il lui demeure fidèle, Yahweh traitera Israël en peu])le particulier parmi tous les autres (Ex., xix, 5). Toutefois, dans Deut., xxviii-xxx, les perspectives de restauration après le châtiment et le repentir rentreraient davantage dans le contexte général de l’idée messianique.

— fl) Les oracles de Balaam ( ! 'um., xxii, 2-xxiv, 25) insistent sur la place de choix faite à Israël (Num., xxili, 9, 10), annoncent son triomi)he sur les nations, sur celles-là au moins qui lui feront la guerre (Xiim., XXIV, 7, 8). Ils signalent ensuite : un astre qui sort de Jacob ; un sceptre qui s'élève d’Israël, pour briser les deux flancs de Moab, exterminer les fils du tumulte et conquérir Edoni ; un dominateur qui sort de Jacob pour faire périr dans les villes ce qui reste[?| {.S’iim., xxiv, 17-ig). On ne peut douter qu’il ne s’agisse au moins de la dynastie royale et de ses succès ; plus naturellement, l’astre désigne un roi particulier. L’exégèse traditionnelle y voit le roi messianique ; levers, ig, malgré ses oljscurités, favoriserait cette interprétation. S’il en est ainsi, on 1617

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entrevoit qtie, par delà la supériorité matérielle, Yahweli assure aussi à son peuple la suprématie spirituelle iqui lient à son union avec lui. — / ;) A l’occasion de l’établissement de la royauté, des paroles divines assurent la perpétuité de la ræe davidiijue (II Sam., vri, ii^’, ’6, cf. I Cliron., xvii, lo-i, ^ ; xxii, lo ; xxviii, n ; II Ckron., vii, 18).

a°) Chez les prophètes préexiliens. — A. Kemarques générales. — a) Les promesses de bénédiction, surtout entendues au sens matériel, trouvèrent créance dans le peuple. Aux heures de détresse, il y puisa son optimisme. Aux temps de prospérité, les félicités présentes lui apparurent comme les prodromes de triomphes plus éclatants. — / ;) Au viii° siècle, on usait volontiers, pour concrétiser ces espoirs d’une expression reçue ; on attendait le jour de Yahiveh (Ain., v, 18). A la prendre en elle-même, la locution désignait seulement un jour dans lequel Yahweh se signalerait d’une manière éclatante. Son intervention pourrait avoir pour objet les nations (/s., XIII, 6, g ; xxxiv, 8 ; Jer., xi.vi, lo), mais dans la mesure od leur châtiment intéresserait Israël ; car pour elles ce serait surtout un jour de colère (/s., xiii, 13) et de vengeance (/s., xxxiv, S ; i.xiii, 4 ; Jer., XI.VI, lo). Quant à Israël, pourvu qu’il rendît à son Dieu le culte somptueux auquel celui-ci avait droit, le jour de Vahveh ne pouvait être pour lui qu’un jour de bénédiction : par des manifestations éclatantes, Yahweh lui assurerait un triomphe universel et déUnitif, et il n’y aurait aucune discontinuité entre les faveurs <Iu présent et celles de l’avenir. Les faux prophètes abondaient dans le sens du peuple (AIi., ii, j : III, 5, 1 1 ; Jer., xiv, 13 ; xxni, i ;  ; etc.). — c) Les voyants du vui’- siècle n’étalent pas disposés, nous l’avons vu, à entrer dans ces vues optimistes ; ce qui leur apparaissait au premier plan, c’était le châtiment. Aussi, reprenant la formule chère au peuple, ils lui donnent un sens tout à fait imprévu et signalent le jour de Yahweh, comme un jour de ténèbres, de malheur et de punition (Am., v, 18-30 ; /s., 11, 12-17 ; ’5"-i '> 7-’8 ; cf. Lain., i, 12 ; 11, i, 22). — d) Estce à dire que ces prophètes renoncent aux bénédictions divines et nu privilège d’Israël ? Beaucoup de critiques l’ont pensé : les voyants du vni’siècle n’auraient promulgué que des anathcmes ; tout ce qui, dans leurs livres, a trait à l’espérance messianique serait le fruit d’interpolations postexiliennes, queliques-unes fort récentes. On ne saurait nier a priori q<ie certaines prophéties renfermées dans les écrits d’Isaie, celles par exemple qui ont un caractère très apocalyptique (/s., xxiv-xxvn : xxxiv, xxxv), aient pu être introduites après coup dans son livre. Mais la thèse à laquelle nous faisons allusion est insoutenable ; les critiques eux-mêmes tendent à la reviser (cf. STKURHN-Ar.Eb, op. cit., p. iJGg sv.). On ne saurait nier d’abord que la perspective de la rest, ’iuration tienne une place essentielle dans la prophétie d’Osée. Le thème fondamental de sa prédication est que la fidélité de Yahweh sera plus forte que l’inlidélité d’Israël adultère. Si, après avoir répudié son épouse indigne (O.5., i, 8, 9). Yahweh laisse s’écouler de longs jours de châtiment (Os., iii, 4 ; cf. II, I i-i’)), il ne cesse pas pour cela de l’aimer (Os., m, i) ; il n’attend, pour reprenilre avec elle ses relations anciennes, qu’un mouvement de repentir et de conversion ; et il est sur que ce mouvement viendra (Os., iii, 5 ; cf. 11, 9. 16-a5 et 11, i-3). Son amour, sa bonté l’empêchent de prononcer un arrêt délinitif de ruine (Os., xi, 6-9). Amos lui-même, dont le langage est bien plus austère, laisse toujours entendre que le châtiment n’anéantira pas complètement Israël (Am., ni, 12 ; v, 3). En.luda, Isaie. alors même qu’on ne tiendrait pas compte du dernier trait de sa

visi(m inaugurale, atteste seulement par le texte massorétique (cf. (^ondamin. Le livre d’Isaie, in loc), manifeste sullisamment sa pensée lorsqu’il donne à l’un de ses lils le nom symbolique de Scheàr’iiscliûb (Le Ueste reviendra ; /.s., vii, 3) ; il s’explique d’ailleurs en des oracles que l’on peut certainement traiter comme authentiques (Is., i, 2/1-28 ; x, 20 sv.). Quant à Jérémie, s’il est appelé à arracher et à abattre, il doit aussi replanter et rebâtir (Jer., i, 10). Il faut donc reconnaître que, par delà le jour de ténèlires et de châtiments, des prophètes du huitième siècle et du se[)tième ont salué un temps de bénédiction et de salut.

B. Amos. — Les espérances sont toutes résumées dans la finale (Am., ix, 8-15), que beaucoup de critiques traitent comme un appendice inaulhen tique. La limitation du châtiment est indiquée en termes très précis (Ai »., ix, 8-10) ; il ne doit atteindre que les méchants. Quant aux justes, les promesses qui les concernent sont surtout matérielles : la restauration d’Israël sehismatique est envisagée dans la perspective de la réunion à la dynastie davidicpie, elle aussi rétablie et rafTermie après ses humiliations et ses châtiments (./m., ix, 11, 12) ; les temps futurs sont avant tout signalés par une grande prospérité agricole (Am., IX, 13-15). La lettre ne va pas plus loin ; mais, à en juger par l’importance qu’il y attache pour le temps présent, on ne peut douter qu’Amos ne salue, dans le roj’aume à venir, le triomphe de la justice.

C. Osée. — La restauration d’Israël a pour cadre, ici comme dans Amos, la réunion au royaume de Juda (Os., II, 2 ; iii, 5). Mais, si les bénédictions temporelles, agricoles et sociales (Os.. 11, i, 23-25 ; XIV, 6-8) occupent encore une grande place, les éléments moraux jouent aussi un rfile important ; ils interviennent notamment dans la reprise des relations entre Yahweh et l’épouse infidèle. On y voit l’œuvre de la bonté divine ; c’est elle qui inspire le pardon (Os., xi, 8, 9). Yahweh fait les premières démarches auprès de cette femme adultère, il ferme avec des ronces le chemin qui la menait à ses amants (Os., 11, 8). Les poursuivant et ne les rencontrant plus, elle pense aux jours d’autrefois, elle se souvient de son bonheur passé, elle se décide à retourner vers son premier mari(Os., 11, 9), h rompre avec les idoles et avec tous ceux qui les lui ont fait aimer (Os., xiv, /i). avec le culte purement extérieur et formaliste (Os., XIV, 3). Yahweh la reçoit aussitôt, il l’aime et la guérit de son infidélité (Os., xiv, 5) ; il reprend tout comme par le commencement, il renouvelle ses faveurs premières et ramène au cicur de l’épouse les sentiments d’autrefois (Os., ii, 16, 17) : il la détache complètement des Baals et de leur nom lui-même (Os., II, 18, 19) ; enfin il célèbre à nouveau les fiançailles ; elles ont pour bases la justice elle jugement, en même temps que la miséricorde et la tendresse ; elles supposent celle fois une inaltérable fidélité ; elles aboutissent à assurer à Israël la parfaite connaissance de son Dieu (Os, , 11, 21, 22).

D. /sale et Michée. — a) Le sujet est bien plus abondamment développé dans Isaïe, cl les idées i)rincipales s’allirment en des textes dont l’authenticité est bien garantie. — i)Occasionnellemenl il parle de Samarie, annonçant le retour d’Epliraïui à Yahweh (Is., XVII, 7, 8), la protection dont Yahweh l’entourera, la sollicitude avec laquelle il lui assurera la gloire et la persévérance dans la justice (Is., xxvili, 5, 6). Mais l’intérêt du prophète se concentre sur Juda. — c) En deux circonstances solennelles, lors de la guerre syro-éphraïmile, puis lors de l’invasion de Sennachérib. i ! a l’occasion de faire valoir sa conviction que Juda n’est pas voué à l’anéantissement, qu’après l’avoir éprouvé et purilié (Is., i, a-g).

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Valiweli saura le délivrer (/s., vii, 1-16 ; viii, i-^ ; puis X, 5-31 ; xiv, 24-2’j ; xxix, 1-8 ; xxx, Zi-’i’i ;

XXXI, 4. 5 ; XXXVII, 22-35). — d) Envisageant d’une manière plus générale l’issue des cliùtimenls que les crimes de Juda lui auront attirés, Isaie insiste sur l’avenir du petit reste qui reviendra. Comme Amos cl Osée, il l’ail leur place aux bénédictions temporelles, aifriioles et sociales (Is, , iv, 2 [ ?J ; Ix, i-4 ; XI, 11-1C1 |cf. xiv, 1-3] ; XXIX, !  ;  ; xxx, 23-26 ; xxxii, 15, 20 ; noter spécialement, xi, 13, la réunion des tril^us). — e) Mais les points de vue nettement spirituels abondent. L’épreuve débarrassera Jérusalem de ses impuretés (/s., i, 26 ; iv, 4 ; xxix, 20, 21) ; elle en fera la ville de la justice, la cité ûdèle (Is., I, 26). Résidant au milieu d’elle, la couvrant de sa protection (Is., iv, 5, 6), Yaliweh exaucera ceux qui espéreront en lui (Is., xxx, 18, ig), prendra soin des humbles et des pauvres (Is., xxix, 19) donnera la sagesse à ceux qui en manquent (/s., xxix, 2/1 ;

XXXII, 5-8), la lumière à ceux qui en ont besoin (/s., XXIX, 18 ; xxx, 20, 21 ; XXXII, 3, 4) ; le peuple retrouvera sa lierté et mettra son bonlieur à glorilier son Dieu (Is., xxix, 22, 23) ; ce serale temps delà justice et de la paix (Is., xxxii, 16-18). L’esprit de Yabweb multipliera ses influences en vue de ces transformations (Is., iv, 4 ; xxxii, 15). — f) A plusieurs reprises, toutes ces espérances se concentrent sur un personnagequi apparaît comme le souverain de cet empire futur. On le voit régner avec juslice, entouré de princes qui gouvernent avec droiture (Is., xxxii, 1). C’est un rejeton de la race davidique (Is., XI, 1), sur lequel l’Esprit de’i’abweb repose en sa plénitude pour lui communiquer les dons qui assurent un bon gouvernement (fs., xi, 2). Le but de ses efforts est d’assurer le triomphe de la justice et de la paix (Is., xi, 3-9). Sur son berceau, on fait entendre les appellations les plus flatteuses : Conseiller, merveille, £1, héros, l’ère de l’avenir. Prince de la paix (/s., IX, 5). L’épithète El veut au moins dire qu’il sera tout pénétré d’influences divines, qu’il réalisera pleinement cette appellation de Fils de Dieu que l’on donnait aux rois (Ps. Lxxxix, 27, 28), qu’il sera le représentant de Yahweli par excellence. Il donnera un nouvel éclat, à jamais duralile, au trône de David (fs.. ix, 6). Sur la portée de l’oracle de la.41 m a II et du Immnnuel, cf. Gondamin, I.e Litre d’Isnie, p.S(j--]’i). — / ;) Israël aura un prestige sans pareil au milieu des nations. C’est ce ipii ressort d’un oracle qui se trouve dans Isaie (Is., 11, 2-/1) et dans Michée (’//., iv, i-4). et que les deux prophètes pourraient avoir emprunté à un tiers : à la lin des jours, les peuples, attirés j>ar la gloire que Yaliweli communique à la montagne de sa demeure, aflluenl à Jcrasalem, demandant au Dieu d’Israël de les instruire de ses voies ; la loide Yahweh se répand dans le inonde ; il est l’arbitre et le souverain des ]>euples, et son œuvre a pour résultat le règne de la juslice et de la paix universelle. Même note dans certains appendices aux « cliarges » contre les nations, soit ([ue celles-ci apportent leurs offrandes à Jérusalem (fs, , xviii, ’j ; XXIII, 18), soit que (fs., xix, iG-25 ; authenticité très controversée) elles partieipcnl dans leur ]iropre pays au culte du vrai Dieu. — li) On trouve dans Michée, après l’annonce du repentir du peuple(.)/i., VII, i-y)etdesa purilication par Yahweh (.1//., V, 9-13 ; vil, 9, 18), la i)rédiction de la délivrance de Jérusalem et du triomplie sur les ennemis (.)/(., IV, l2l’-i/4 ; VII, 8-10), de sa réédilication (Mi., VII, II), de sa nouvelle splendeur (Mi., iv, 8), du rassemblement des dispersés (’/(., iv, 6, 10), du prestige que la capitale et le peuple de Dieu exerceront sur les nations (Mi., v, 6, 7 ; vii, 12, 1 5-i ;), de la sollicitude dont Yahweh entourera les siens

(.1/1., IV, 6, ;). Mi., V, 1-5 est consacré au souverain du futur royaume., Sa venue donnera à la petite bourgade de Bethléem un éclat sans pareil, au moins en ce sens que, descendant de la race de David, il illustrera la patrie du Uls d’isai (mais cf. Matllt., 11, 5, 6 et l’interprétation traditionnelle). De ce dominateur l’origine est dès les temps anciens, dès les jours de l’cternilé : allusion, soit à la préexistence du Messie, soit à l’antiquité de la race davidique. Jusqu’à ce que sa mère l’ait enfanté (rajiprochement possible avec /s., VII, 10-16 ; voir Co.nda.mi.n, lue. Ci ?.), Yahweh livrera le peuple. Mais il sera aiqielé à paître les brebis dans la force de Yahweli et la majesté de son nom ; il sera grand jusqu’aux extrémités de la terre. Il sera la paix ; pour la propager et la maintenir, il repoussera, en union avec sept pasteurset huit iirinces, les Assyriens, symboles de tous les ennemis de Y’ahweh et d’Israél.

E. -lérémie et Sophonie. — « ) Au cours de son ministère, Jérémie tempère, par des perspectives de salut, la dureté des anatlièmes ([u’il profère. On peut relever les traits suivants, dont plusieurs nous sont déjà familiers : assurance du bon accueil que Yahweh fera à Israël repentant (Jer., iii, 12, 13, 21-26 ; IV, I, 2) ; certitude que la destruction ne sera pas complète (./e ; -., iv. 27) et que le peuple sera sauvé (Jer., XVI. 14, 15 ; cf. xxiii, 7, 8) ; réunion de tous les dispersés (xxiii, 3), d’Israël et de Juda (Jer., iii, 18), autour de Jérusalem, la seule capitale légitime (Jer., III, 14), autour du Temple qui, après la destruction de l’arche, dont personne n’aura plus souci, sera lui-même le trône de Yahweh (1er., iii, 16, 17) ; aflUience des nations, conquises par l’attrait de Yahweh (’ « /., iii, i 7) et d’Israél (7er., IV, 2) et confessant la vanité de leurs idoles (Jer., xvi, 19, 20) ; gouverneurs selon le cœur de Yaliweh (./e/-., iii, 15 ; cf. XXIII, 4). Une place est faite au roi davidique ; il régnera avec une telle équité qu’on l’appellera Yahweh sidfjPHii, Yahweh notre justice (Jer., xxiii, 5, 6 ; allusion ironique au nom de Scdécias, Sidqiyrâliii, Yahweh est ma juslice). A noter, comme trait plus particulier, la limitation de la durée de l’épreuve et de l’exil au chilïre rond de soixante-dix ans(./er., xxv, II). — II) Toutefois c’est dans les derniers jours du siège de Jérusalem, alors qu’il était tenu captif dans la cour des gardes (Jer., xxxii, 2-5), que Jérémie fut favorisé des plus brillantes visions d’avenir, celles qui sont renfermées dans ses chap. xxx-xxxiii ; sur leur occasion cf. Jer., xxxii, 6-25. Après avoir confirmé la sentence de ruine et d’exil, châtiment nécessaire des fautes de Juda (Jer., XXXII, 20-36 ; cf. xxx, 5-7, 12-15), Yahweh déclareque le maln’est pas sans remède (/e ; -., xxx, 1 5) et, tout comme dans Osée, annonce que sa bonté revisera l’œuvre de sa justice (1er., XXXI, 2, 3 ; 18-20) ; Rachel ne pleurera pas àjamais ses lils (Jer.. xxxi, 15-17). Pu’s c’est l’esquisse du nouvel ordre de choses. — c) Dans les descriptions du retour, Jérémie a en vue le peuple tout entier, mais il témoigne d’une sympathie particulière pour le royaume du Nord (cf., d’ailleurs, Jer., iii, 61 1). Les promesses temporelles se ramèncntaux traits suivants : rupture du joug des captifsel revanche sur leurs ennemis (/e ; -., xxx, 8, 11, 16, 23, 21’() ; rassemblement des dispersés (/(/., xxx, 10^ ; XXXI, 10 ; xxxii, 37 ; xxxiii, 7) ; restauration des demeures, des villes et des palais de Jacob (Jer., xxx, 18, 19’) ; retour du peuple (Jer., xxxi, 7, 8, 21, 22-’), avec mention spéciale d’Ephraim (Jer., xxxi, 9) ; multiplication du peuple (Jer., xxx, 19, 20) ; restauration de Samarie(./er., XXXI, /(, 5), mais surtout de Sion (1er., xxxi, 6, 121 4 ; 38-40), d’où la prospérité, la joie et la consolation rayonnent dans tout le pays (Jer, , XXXI, 23-25, 27, 28 ; xxxiii, io-13) avec la paix cl la sécurité (./er., 1621

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XXX, io'> ; xxxii, 37). Même dans ces perspectives iiialérielli’s, une gi-aiule place est faite à l’élément spirituel, si’àce surtout à l’action très intime de Yaliweli au milieu du peuple (voir surtout Jer., xxx, 17 ;

XXXI, 7-9, 21, 32’). — d) Ce qui sijfnalera ce nouveau royaume, ce sera rattachement sans précédent de l’épouse, jadis inlidèle et prosliluée, à son époux {lei., XXXI, 22) ; ce sera l’assujeltissemcnt 1res sincère du peuple à son Dieu(/er., xxx, y) ; d’autre part, Yalnvcli puiiliera la nation de ses iniquités et lui pardonnera ses fautes (./e ; -., xxxi, 3 V ; xxx 11 1, 8). Toutefois le Irait le plus caractéristiipie, dans les perspectives spiriluelles, c’est la j)romesse d’une nouvelle alliance (./< ?r., xxxii, 40") ; cette promesse, d’ailleurs, vient assez naturellement après la découverte du livre dr l’alliance, base des rapports de Yaliweli avec Israël (Il lie^., XXII, 3-xxiii, 3). Mais l’alliance future ne sera pas pareille à l’ancienne (Ver., xxxi, 31, 82) : c’est avec chaque Isr.aélite qu’elle sera conclue ; c’est à chacun que Yahweh se fera connaître et enseignera directement sa loi (1er., xxxi, 33, 34) ; par là l’union de Yahweh et d’Israël sera beaucoup plus intime qu’auparavant (./ec, xxx, 22 ; XXXI, 33 ; XXXII, 38), la doeilité d’Israël plus parfaite, pour son bonheur et celui de sa (lostérilë (Jer., xxxii, 39-41). Cette alliance sera éternelle (Jcr.. XXXI, 35 37 ; XXXII, 40-’ ; xxxiii, 23-20).

— t’)Le roi, sorti du peuple et très attentif à s’approcher de Yahweh (Ver., xxx, 21), ajjparlenant à la race davidique (Ver., xxxiii, 15, 16= ; xxiii, 5, G ; cf. xxx, 9), tient ici une place bien moins importante <Hi’en Isaïe ; même il semble être question d’une nouvelle lignée davidique (1er, , xxxiii, 17 ; cf. 20-22). — /)Xoter les perspectives concernant le sacerdoce lévitique (Ver., xxxiii, 18 : 20-22). — ^’)Quantaux nations, elles sont à l’arrière-plan (Ve ; -., xxxi, 10 ; xxxiii, g ; xi.vni, 47 ; xLix, 6, 39 ; cf. III, 17 ; IV, 2). — /() On trouve pareillement dans le livre de Sophonie l’assurance que le châtiment ne sera pas définitif, mais qu’il sera suivi du salut et du rétablissement. Même, sur ce dernier point, on peut relever comme deux perspectives assez dilférentes : — « ) D’une part, Jérusalem et Israël sont invités à se réjouir parce quc Yahweh retire les jugements portés contre eux et détourne l’ennemi (S<>., iii, 14, 15 »). Il rassemble ceux <(ui sont dans la tristesse, privés de fêtes, et sur les(piels pèse l’opprobre (So., iii, 18) ; il les ramène, il met lin à la captivité (So., iii, 20^< :  ; cf. vers. 10), il les fait renommés et glorieux(.Ço., III, 19’, 20) ; iléloigne l’oppression (So., iii, 19") et, pour les préserver du malheur, il se fixe au milieu d’eux dans la joie et l’amour (.S’o., iii, 15-17) ; toutes les nations sont purifiées, invoquent le nom de Yahweh et le servent d’un commun accord (So., iii, 9). — Q) D’autre part, il ne reste au milieu de Jérusalem ou d’Israël qu’un peuple humble et jietit, qui se confie à Yahweh (So., III, 12), heureux d’être purifié de ses fautes (So., iii,

1 lab) et de se maintenir loin de toute iniquité (So., iii, 1 1, 1 3 »), vivant dans la paix sans que personne le

1 trouble (.So., iii, iV-).

I 3") Ezéchiel. — A. Avant la prise de Jérusalem

en 586, la prédication d’Ezéchiel revêt les mêmes caractères <|ue celle des prophètes préexiliens. I, e châtiment est au premier plan ; bien plus, il est imminent : l’épreuve de 598 ne saurait sulUre ; il faut la ruine de la nation. Néanmoins, même à ces heures

I sombres, le prophète ne voit pas dans la sentence de Yahweh un arrêt de complète extermination. Dès le début de son ministère, il proclame qu’un faible reste du peuple survivra au désastre (Hz., v, 41 12 ; VI, 8). Bien plus, il peut préciser quel sera ce reste. Il sait, en effet, que dans ses jugements Yahweh ne confond pas. en un sort commun, le juste et l’impie (ti., ix, 2-G ; xiv, 13-30) ; c’est sur les justes

(pie reposent les espérances. Tout comme Jérémie (Jer., XXIV, 1-7), il sait que c’est sur la terre d’exil, parmi ses disciples fidèles, qu’il faut chercher ces privilégiés (Ez., xi, 14-16). Aussi s’elforcet-il d’en augmenter le nombre, soit, quand il le peut, par un apostolat tout individuel (Kz., iii, ifi-ji ; xxxiii, 1-9), soit par des discours plus généraux (A ;., x>iii, 31, 32 ; xxxm. II). En attendant, il multi[)lic à ceux qui l’écoulcnt les paroles d’encouragement. Il leur assure que, même en terre d’exil, Yahweh est |)our eux un sanctuaire (Kz., xi, lO) ; surtout il leur annonce que l’épreuve durera peu de temps et sera suivie d’une glorieuse restauration (xi, iG-20 ; cf.ivi, 60-63 et 53-58 ; xvii, 22-24 ; xx, 391’-44) B- — La ruiner de Jérusalem devait marquer un tournant dans l’histoire de la prophétie. — « ) Avec cet événement, commençait le grand châtiment annoncé par les représentants de Yahweh. Sans doute, il fallait s’y soumettre avec humilité. Mais, d’un autre coté, une partie, un élément du « jour de Yahweh » apiiartenait déjà au présent ; il allait bientôt appartenir au jiassé ; aussi pouvait-on plus que jamais vivre d’espérance. De fait, depuis cette date, Ezéchiel s’attache exclusivement à l’espoir de la restauration. Pour lutter contre le découragement d’un certain nombre (A’ :., xxxiii, 10 ; xxxvii, 11), il expose, à l’appui de ses certitudes, la magnifique vision des ossements arides (/ : ’ :., xxxvii, i-14). — b) Non content d’annoncer la restauration, il en trace le programme. L’espérance est, nous le savons, pour les captifs demeurés justes ou qui se convertissent (Ez., xxxiii, 10, 11). Pour qu’ils puissent rentrer en leur patrie, il faut en débarrasser le sol de ses possesseurs actuels : des Juifs que Nabuchodonosor y a laissés et qui ont persévéré dans leurs prévarications (Ez., xxxiii, 24-29) ; des autres peuples qui sont venus occuper le pays abandonné (Ez., xxxvi, 1-7) ; surtout de cesEdomites auxquels Yahweh se réserve de faire expier, en même temps que leur orgueil et leur rapacité, la joie cruelle avec laquelle ils ont applaudi au malheur de Juda (Ez., xxxv). Désormais les montagnes d’Israël ne porteront des fruits que pour le peuple de Dieu (Ez., xxxvi, 8) ; elles seront pour lui éminemment fertiles (Ez., xxxvi, 9, 29, 30, 34, 35 ; cf. xxxiv, 25-30) ; le peuple y reviendra, rassemblé et conduit par Yahweh (Ez., xi, 17 ; xx, 41, 42 ; XXXVI, 24), et s’y multii)liera (/T ;., XXXVI, 101 4, 33, 35I’, 37, 38) ; les villes seront rebâties et habitées (Ez., xxxvi, lo, i ii^, 35). — c) Mais, avant de participer à ces bénédictions, une profonde transformation morale sera nécessaire à un grand nombre, à tous ceux sans doute qui n’ont pas une docilité parfaite à la parole du voyant. Sur eux Yahweh fera l’aspersion d’eaux pures (Ez., xxxvi, 20"), symbole de la purification qu’il réalisera au fond des âmes (Ez., xxxvi, 25, 29", 33 ») ; de son côté, le peuple, en même temps qu’il ôtera les abominations du pays (Ez., xi. 18), se laissera aller au dégoût et au repentir en pensant à ses fautes passées (Ez., XXXVI, 31, 82 ; cf. XVI, Gi, G3 ; xx, 4-^)- Yahweh donnera alors à chacun un esprit nouveau et un caur nouveau (Ez., xi, 19, 20° ; xxxvi, 26) ; mieux encore, il- mettra au dedans d’eux son Esj)rit pour qu’ils soient fidèles à ses lois (Ez., xxxvi, 27 : cf. xxxvii, 14). Israël, réuni à Juda. participera au bienfait de cette restauration (Ez., xxxvii, 15-23, 24, 26 », cf. XVI, 40-58). C’est avec toute la nation ramenée à son unité primitive, que Yahweh conclura la nouvello alliance : alliance éternelle, alliance de paix (A’r., XXXVII, 26 » ; cf. xx.xiv, 25 ; xvi, Co, 62), de telle sorte que les vrais fils de Jacob soient son peuple et qu’il soit leur Dieu (/ ; ’ ;., xi, 20 ; xxxvi, 28 ; xxxvii, 27). Le gage de cette alliance, à leurs yeux et au 1623

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regard des Étrangers, sera le sanctuaire que Yahweh rebâtira au milieu du pays (£r., xxxvii, 26’", a ; », 28), et où Israël viendra le servir et lui apporter ses offrandes (A’r., xx, 40, 41)- Telle est l’oeuvre que Yahweh réalisera pour les siens ; pris dans leur ensemble, ceux-ci n’en sont pas dignes, mais Vahweh l’accomplira pour sa gloire et l’honneur de son nom (Ez., XVI, 63 ; XX, 41 % 42 ; XXXVI, 22, 23, 32). — cl) Le roi messianique n’est pas entièrement absent de ces perspectives (cf. Ez., xvii, 22-24). Après avoir fait le procès des mauvais pasteurs du passé {£ :., xxxiv, i-io), Yahweh déclare que désormais, avec la sollicitude du meilleui’berger, il prendra soin lui-même de ses brebis (/ ; ’ :., xxxiv, 11-16). Mais, tout eu demeurant leur Dieu, il aura auprès d’elles un représentant. un prince, un seul pasteur de race davidique (Ez., sxxiv, 23, 24), qui gouvernera les deux royaumes réunis (£ ;., xxxvii, 24=, 25’^) ; c’est par son intermédiaire que Yahweh réalisera son programme de j us tiee {Ez., XXXIV, 17-22). — e) Ce qui est beaucoup plus particulier à Ezécliiel, c’est ([u’il découvre dans l’avenir comme deux horizons. La réalisation du programme qui précède apparaît, ainsi que dans les prophètes antérieurs, comme concomitante du rétablissement national d’Israël. Mais une autre vision a pour objet une époque séparée de la période actuelle

« par beaucoup de jours », et se plaçant à la

fin des temps (£ ;., xxxviii, 8, 16) ; c’est la vision du triomphe suprême de Yahweh sur les nations et dans le monde, symbolisés par une multitude groupant, avec les peuples anciennement connus, des peuples nouveaux ayant peu de contact avec l’horizon politique d’Israël (Ez., xxxviil, ! i--). Conduites par un chef au nom pareillement symbolique, Gog, roi de Mosocli et de Thubal (Ez., xxxviii, a, 3), les nations déclareront la guerre à Yahweh et s’en prendront à son peuple ; elles fondront sur lui du septentrion alors qu’il habitera dans la paix et la confiance (Ez.. xxxvui, 8-16). Elles ne se douteront pas que c’est Yahweh <iui, après avoir depuis longtemps prévu, annoncé ces choses, les réalisera {Ez., xxxviii, i~ ; xxxix, 1, 3, 8). Le désastre sera complet ; l’intervention divine sera marquée par des tremblements de terre (Ez., xxxviii, 18-20) ; Yahweh exercera son jugement, non seulement par l’épée, mais encore par la pluie, la grêle, le soufre et le feu (£ ;., xxxviii. 21, 32) ; il poivrsuivra les adversaires jusque dans leur pays (Ez., xxxix, 3-6), cependant qu’Israël entretiendra sept années durant ses foyers de leurs dépouilles (/ ; ’ ;.. xxxix, g, 10). La tuerie sera telle que. pour purilier la région, tous les habitants devront s’occuper sept mois durant d’ensevelir les cadavres dans la Vallée des Passants, qui prendra le nom de Uamon-Gog (Ez.. xxxix, 11-16) ; en même temps, les oiseaux du ciel seront convoques au festin (Ez.. xxxix. 17-20). C’est alors que la gloire de Yahweh sera pleinement manifestée et que l’on comprendra entièrement le sens de sa conduite envers Israël (Ez. xxxviii. 16, 28 ; xxxix. 6-8, 21-24). Cette vision est nettement esohatologique, elles traits apocalyptiques y abomlent. Mais elle se développe encore dans un rapport étroit avec IsraëLaussi la finale (/ ; ’ :.. xxxix, 35-29) nous ramcne-t-ef » au point de vue de la restauration nationale du peuple de Dieu. — d) Plus caractéristique encore est la vision qui termine le livre pro])liétiqne. Ezécliiel a toujours marqué une vive sympathie pour ce qui intéressait le culte de Yahweh : le Temple, à l’exclusion des hauts lieux (Ez., vi. 0-7 ; xvi. 16 ; etc.) ; les sabbats (Ez.. xx, 13. 16, ai ; etc.), les règles de pureté légale (£ :., xviii, 6 ; xxn. 10. 26). On peut même dire que son programme de justice se concrétise en une loi, tel le Deutéronoiue, dans laquelle les règles

de la vie morale et les préceptes d’ordre rituel se présentent sur un même plan, mélangés les uns aux autres et codifiés comme étant tous, au même degré, des volontés de Yahweh ; la fidélité à ce programme devient comme une sorte de service religieux. Ce point de vue se manifeste d’une manière beaucoup plus frappante encore dans la vision suprême des chap. XL-XLviii. qui se place tout à fait à la fin de la carrière du prophète (xL. i), vers 073. Elle renferme : la description du Temple futur (Ez., xl. i-xLii, 20 ; cf. xxxvii, 26-28). construit de telle sorte que, résidant au fond du Saint des Saints. Yahweh soit à bonne distance de toute impureté (Ez., xLni, 6-12) ; le retour de Yahweh (Ez.. XLiii. i-5 ; cf. x, 18, 19 ; yi. 23) ; la reconstruction et linauguration de l’autel des holocaustes (^^..xuii, 13-27) ; 1^ rituel du temple futur, personnel du sanctuaire (i : ’ :., xLiv. 1-16). obligations et revenus (Ez.. xLiv. 17-81), offrandes {Ez., XLv. 1-17). fêtes et sacrifices (Ez., xlv. 18-20), diverses dispositions liturgiques (Ez., xlvi, 1-24) ; le plan d’un partage idéal de la Terre Sainte (Ez.. XLvn. 13-XLviii. 29) ; la description des limites et des portes de la capitale (Ez.. xuviii. 30-35). La dilTérence est grande entre cette vision et ce qui précède. L’on y perd de vue tout ce qui se rattache à la vie sociale et politique : le roi lui-même, lorsqu’il figure en cette scène liturgique, n’est plus qu’un simple prince (Ez.. xLiv. 3 ; xlv, 7). Sans doute les préoccupations morales ne sont pas exclues de ce tableau {Ez.. XLV, g-ia) ; mais l’intérêt principal se concentre sur le service liturgique du futur royaiune. C’est à son observance qu’est attachée la bénédiction divine, figurée par un torrent qui sort du Temple pour se répandre et grandir dans le pays, transformant le désert, la Mer Morte et ses rives (Ez., xlvii. 1-12). L’on sait que ce programme cultuel présente beaucoup de points de contact avec cette loi de Sainteté (Aei., xvii-xxvi) qui devait inspirer la conduite religieuse des rapatriés. Mais, d’autre part, on ne songera jamais à prendre à la lettre les prescriptions relatives au partage de la Terre Sainte. Dans quelle mesure cette vision représentait-elle, aux yeux d Ezécliiel. la règle que les exilés devaient suivre dés leur retour en Palestine ? Dans quelle mesure était-elle en relation avec des perspectives plus nettement eschatologiques ? Il est dillicile de le dire.

4°) Isaïe.’L-I.XVf. — Xous avons déjà noté qu’au regard de la grande majorité des critiques non catholiques, la seconde partie du livre d’isaïe (fs., XLLXVi) a été composée, soit pendant les années qui ont immédiatement précédé la prise de Jérusalem par Cyrus (chap. xl-lv). soit au cours des premiers temps du retour (chap. lvi-lxvi). Dans les directions qu’elle a données aux exégètes catholiques par son décret du 29 juin 1908. la Commission Biblique a déclaré que ni l’argument philologique, ni les autres arguments mis en avant ne constituent, même en les considérant ensemble, la preuve qu’il faille admettre plusieurs auteurs pour le livre d’isaïe. Mais, en même temps, elle a aflirmé que. dans la seconde partie de ce livre, le prophète s’adresse aux Juifs de l’exil pour leur parler et les consoler, tout comme s’il vivait au milieu d’eux. C’est donc à la lumière des diverses conditions constitutives du

« milieu n de l’exil que les catlioli<iues eux-mêmes

doivent étudier ces magnifiques documents.

A. /s., Xf.-I.V. — n) Ici, comme dans la seconde partie du livre d’Ezéchiel, l’œuvre de la restauration est au premier plan. Le prophète l’annonce comme un réconfort aux âmes découragées (Is., xl, 27-31 ; XLi, 8-10. 14 ; XLiii, i, 3 ; XLIV, 3, ai ; iLvi, 3, 4)-Il la présente comme une œuvre de justice, puisque.

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d’une part, Israël (la partie juste) a expié sa faute (/s., XL, 1, 2) et que, d’autre part, Yabweli a pris des ciijfagements (/s., xii, 9 ; Lv, io-13). Uien plus, il annonce comme imminent le retour glorieux du peuple coniluit par YuUweli (/ «., xL, 3-5, 9-1 1 ; xLii, 15, 16 ; xLiii, 14-21 ; xLix, 9-12 ; lv, 12-13) ; il signale le moment où le lilicraleur va fondre sur Rahylone (/s., xLi, 1-5 ; xLiv, 2^-28 ; XLvii), il invile les exiles à sortir de la eilc maudite (/s., xLviii, 20, 21 : LU, II. 12). — h) La délivrance est présentée comme un rachat, une rédemption (/s., xliv, 22, 28) ; Yaliweh aime à se nommer le rédempteur d’Israël (.’s., xLi, 14 ; XLUi, i ; XLIV, 6, 2^) ; il donne pour sa rançon des hommes cl des i)cuples (/s., xliii, 3, 4 ; cf. xLi, 11-16 ; XLIX, 2’|-2C). tant il le traite comme chose précieuse, tant il l’aime [h., xliii, ^a). llédeniption inspirée par l’amour, la délivrance est aussi un salut ; Yahweli se proclame le Dieu juste et sauveur (/s., XLV, ai), le sauveur (/5., xliii, i 1), et déclare que par lui ou en lui Israël est sauvé d’un salut éternel (/.<., xlv, 17). — c) Rassemblés de toutes les régions (/, ;., xliii, 6-7), les fils de Yaliweh, qui portent son nom, qu’il a créés pour sa gloire, rentrent au pays pour y jouird’une brillante restauration (/. ?., XLViii, 1--19 ; Li, 1-3)..Mais c’est sur Jérusalem que se concentre l’attention du prophète. Jadis délaissée et répudiée, Yaliweh la prend en compassion, lui fait miséricorde, lui assure un amour éternel, conclut avec elle une alliance de paix inébranlable (/*., liv, 4-io ; cf. XLIX, i^, 15 ; LU, 7-9). l’orne de joyaux, l’affermit dans la paix, la justice et la sécurité (/s., liv,

I i-i^). Aussi, après l’épreuve (/s., li, 17-23 ; lii, i, 2 ; LIV, 4), elle peut se réjouir en voyant revenir ses enfants, si nombreux qu’il lui faut dilater ses tentes (/s., XLIX, 17-21 ; LIV, 1-3), ramenés par les rois eux-mêmes (/s., xux, 22, 23). — d) Si Y’ahweb réalise cette œuvre, ce n’est pas à cause du mérite d’Israël. Ku égard à un groupe de justes, on a pu dire (/5., xl, 2) que la faute était expiée. Mais, pris dans son ensemble, le peuple est indigne de pareille faveur. Il est aveugle, sourd, indifférent à l’égard de ses privilèges mêmes {/s., XLU, 18-25 ; XLin, 8), ingrat (/s., XLIII, 22-2^), rebelle et opiniâtre (As., xlvi, 8. 12), sans sincérité ni droiture, dur, enclin à l’idolâtrie (/5., XLviii, 1.4, 5, 8). Les châtiments qu’il s’est attirés (/s, xLii. 22-26 ; XLm, 25, 26-28)ontété, pour le grand nombre, inefficaces (/. !., xlviii, g. 10). Ici, comme dans Ezéehiel, Yahvveh agit pour son nom, pour sa gloire qu’il ne veut céder à personne (/s., xlviii, 9, 11). Ainsi elTace-t-il et oublie-t-il les péchés du peuple (/ ;  ;., XLIII. 25 ; xLiv, 2a). l’inclinant ensuite à la docilité et à l’obéissance (/5., xLviTi, 17-19), lui communiquant son esprit et ses bénédictions (h., xliv, 3).

— e) (’ne grande place est faite, en ces prophéties, au rôle d’Israël parmi les nations (cf. /s., xlix, 22, 23). Souvent Israël est appelé serviteur de Y’ahweh (A.s.^xLi, 8 ; XLii, 19 ; xliii, 10 ; XLn% i. 2, 21 ; etc.) et, sous ce titre, personniHé parfois d’une façon très hardie (fs., xliv, i, 2). Cette épithète. que l’on retrouve ailleurs {-fer., xxx, 10 ; xi.vi, 27 ; E :., xxviii, 25 ; xxxvTi. 25), ne signale pas seulement Israël comme l’adorateur de Y’ahweh, le peuple qui connaît son nom et l’honore ; il marque, d’une part, les attentions très spéciales que Yahwch a eues pour lui (/s., xi.iii, 7), mais, d’autre part et surtout, la mission qu’il lui confie (/.s-., xlii, ig) :

II Mon messager que j’envoie ». Israël est appelé à devenir le témoin de Yalnvch au milieu des peuples et, par suite, leur prince et leur dominateur (/.< !., lv, 4), à convoquer des nations qu’il ne connaît même pas, et qui vont accourir à cause de Yahweh, son Dieu {/s., i.v, 5). Les Sabéens à la haute stature viendront vers Israël, lai rendront hommage en disant : Il n’y

a de Dieu que chez loi, il n’y en a point d’autre (/s., XLV, 14 ; cf. XLIV, 5). Ainsi les nations seront gagnées au culte de Yahweh, et en lui sera gloriliée la race d’Israël (/s., xlv, 22-26). — /") Mais celui-ci a jilus à faire que de convoquer les nations ; il doit devenir missionnaire au milieu d’elles. Ce rôle, il est vrai, n’est pas altrilnié au peuple tout entier. En face du serviteur indocile et prévaricateur, s’en dresse un autre, auquel incombera cette fonction. Il en est question dans un petit groupe d’oracles qui se détachent nettement du reste du livre et forment un tout à part (/s., XLII, 1-4 [ou 0] ; XLIX, 1-0 [ou gl ; l, 4-" ; lii, 13-Liii, 12). Ce Serviteur nous apparaît comme un élu de Y’ahweh qui le soutient et se coini)lait en lui, met sur lui son esprit (/ »., xlii, i » ), lui coiunuininique la docilité d’un disciple (/.s-., l, 4, 5). Prédestiné dès le sein de sa mère pour remplir celle noble lâche (/s., XLIX, 1, 3, 5), tenu en réserve conmie une flèche aiguë et un glaive tranchant (/.s., xlix, 2), il doit être l’alliance du peuple (/s., xlii, C ; xi.ix, 8), c’est-à-dire médiateur pour l’alliance nouvelle que Y’ahweh va conclure avec le peuple. A ce litre, il a son rôle dans la restauration d’Israël (/s., xlii, 7 ; xlix, 5, 6’, 8, et sans doute 9-26). Mais, en outre, Y’ahweh le fera lumière des nations pour porter son salut jusqu’aux extrémités du monde (/s., xux, 6). Il sera, dans toute la force du terme, le missionnaire de Yahweh : il exposera la Loi aux peuples (/s., xlii, i>i, 3"^) ; il se montrera plein de douceur, plein de condescendance envers les faibles, se gardant de briser le roseau froissé, d’éteindre la mèche qui fume encore {fs., XLII, 2, 3 » ) ; mais son ardeur sera indomptable jusqu’à ce qu’il ait atteint son but (h., XLII, 4) ; aux heures de découragement, il se rappellera que sa récompense est aux mains de son Dieu (/s., XLIX, 4). L’apostolat toutefois ne sera pas la seule forme de son ministère. On le voit, en elTet, toujours docile à Y’ahweh (l, 4, 5), présenter son dosa ceux qui le frappent, ne pas dérober sa face aux ignominies et aux crachais (/s., L, 6) ; on le voit, comptant sur le secours divin, braver tous ceux qui l’attaquent (fs., L, 7-9) : il estolijetde mépris et d’horreur, esclave des souverains (/s., xlix, 7). Bientôt on assiste à son martyre. Il n’a rien, ni éclat pour attirer les regards, ni beauté pour plaire (fs., lui. 2). Bien plus, il est devenu le rebut de l’humanité, l’homme de douleurs, le familier de la souffrance, objet d’épouvante (fs., lui, 3). Mais toutes ces ignominies ont une portée immense ; elles sont la rançon de nos fautes. Le Serviteur s’est chargé de nos douleurs ; il a été transpercé pour nos péchés, broyé pour nos iniquités ; le châtiment qui nous sauve pèse sur lui ; Yahweh a fait retomber sur lui l’iniquité de nous tous (fs., lui, 4-6)- C est pourquoi il s’est résigné, jusqu’à ce qu’il ait été emporté par un jugement inique, mis à mort pour le péché du peuple, jusqu’à ce que sa tombe ait été confondue avec celle des impies, alors qu’il n’a commis ni injustice, ni mensonge (/s.. LUI, 7-10"). Mais la glorification suivra de près les opjirobres. S’il ofl’re sa vie en sacrifice pour le péché, il aura une postérité, il multipliera ses jours ; en ses mains l’œuvre de Y’ahweh prospérera ; il aura des nations et des foules pour sa pari (/s., lui, lolï-l 2). C’est alors qu’il montera, qu’il grandira, que les rois se laironl devant lui el que les multitudes seront dans l’admiration (fs., lii, 13-15 ; cf. xlix, 7). Il est incontestable que le cadre de cette prophétie ressemble étroitement à celui des oracles messianiques : l’œuvre du Serviteur commence avec la restauration matérielle de Juda ; elle devient, sans que les transitions soient mieux marquées qu’ailleurs, une œuvre à portée nettement spirituelle, intéressant les nations aussi bien qu’Israël ; elle aboutit au 1627

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triomphe <les desseins de Yahweh ; elle conquiert des mullitudes au Sei’vileur et par lui à Yahweh. Mais quel est ce Serviteur ? On a entendu l’expression d’un personnage du passé ; on l’a entendue du peuple d’Israël ou au moins d’une partie de ce peuple (cl’., pour l’exposé de ces opinions, Condamin, Le i.itie d’Isuïe, p. 296-344)- L’exégèse chrétienne, à une ou deux exceptions près, a été unanime jusqu’à la lin du dix-huitième siècle pour voir dans le Serviteur le représentant de Yahweh aux temps messianiques ; cette unanimité s’est maintenue dans l’Eglise catholi (]ue ; quelques rationalistes et des protestants ont persévéré dans cette interprétation.

B. Is. l.VI-l..yi. — o) Une foule d’idées sont communes à cette section et à la précédente. D’abord, en ce qui concerne la Jérusalem future et sa gloire {Is., Lviii, 12 ; Lx, I, 2, 10, 15, i^-aa ; lxi, 4, 7-9 ; Lxir, 1-9, II, 12). Le prophète insiste avec une complaisance spéciale sur le régne de la justice que l’alliance de Yahweh assurera dans la future capitale (/s., LX, 17, 18, 21’ ; Lxii, I, 2). — II) De même, en ce qui concerne le rôle d’Israël au milieu des nations. On revient sur le prestige qu’à raison même de sa justice et du séjour de Yahweh (1$., lx, i, 2, 9, 13, i/i ; Lxt, 6-1 ; cf. Lvi, 3 », 6-8),.Jérusalem exercera sur les étrangers (ts., lx, 3, 4, 8-10 ; LX[, 5) ; le prophète voit les peuples qui apportent leurs trésors à la Ville Sainte et à son sanctuaire (h., lx, 5-7, 9, 1 i-13, lO ; LXI, 6’). — c) On rencontre même un nouvel oracle sur la mission du Serviteur de Yahweh (Is., LXI, 1-3). — d) Mais il y a aussi des points de vue spéciaux, déterminés par ces deux faits : que, malgré le décret de Cyrus qui met lin à l’exil, le salut ne se réalise pas ; que, dans la société palestinienne, fourmillent toutes sortes de désordres. Le prophète n’abandonne pas l’espoir delà rédemption ; même il la regarde toujours comme très proche (/s., lvi, i). Mais en même temps il déclare que la cause des retards divins est à chercher dans les péchés du peuple (/s., Lvi, I, 9-12 ; Lvii, i-13 ; lix, i-15). Au fond, nous n’avons ici qu’une forme nouvelle d’une vieille idée. Les anciens prophètes avaient toujours annoncé la restauration et le salut sous conditions ; alin qu’Israël fût admis au triomphe, il fallait que l’exil le puriliàt en châtiant ses fautes. Après l’exil, une condition pareille demeure ; si le péché anliquc a été expié, il faut qu’à leur tour les fautes présentes disparaissent. — e) Toutefois, en présence de ces délais divins s’ouvrent comme deux perspectives. D’abord le voyant réitère les promesses à ceux qui se contient en Yahweh (h., Lvii, 13) ; il îissure la vie, la guérison, la paix, l’elTusion de l’Esprit divin, aux cœurs humbles et contrits, aux coupables repentants (/s., lvii, i/j, 1, ^, 18, 19 ; lix, 20, 21 ; Lxm, 7-LXIV, 12) ; il décrit les réformes à réaliser en vuedu salut(/i., Lviii, gl’, lo", 13, I4 ; cf. Lvi, 1) ; il déclare qu’aux Israélites infidèles Yahweh fera ex[)ier leurs iniquités (/s., Lxv, 1-7), mais qu’il comblera de biens ses serviteurs et ses élus. II semble que, dans ces perspectives, les justes n’ont pas à attendre la réalisation délinitive des espérances ])our jouir des bénédictions divines ; d’ores et déjà, pourvu qu’ils se repentent, s’organise pour eux une sorte de roj-aume provisoire ; il y a, dans l’ordre spirituel comme dans l’ordre matériel, de premiers recommencements en attendant l’œuvre dernière. — /) En plusieurs autres oracles, on aboutit à un jugement plus définitif (, 1s., lxvi, 15. 16) :.vant que ne se réalise le salut, une grande séparation doit être établie entre les justes et les méchants (Is., LXV, 13-16). En même temps qu’il condamne les prévaricateurs (h., lxvi, i.’i-i^), Yahweh appelle les nations à contempler sa gloire (Is., lxvi, 18),

il se choisit en leur sein des missionnaires qui le doivent faire connaître aux autres (Is., lxvi, 19) ; il s’y choisit aussi des ministres de son culte (Is., LXVI, 21). La perspective hnale se développe sous de nouveaux cieux et sur une nouvelle terre, dans une Jérusalem nouvelle substituée à l’ancienne (Is., LXV, 17, 18), centre de toutes les bénédictions (Is., LXV, 19-25 ; cf. LXVI, 6-14) et, aux jours de ses fêtes, objet d’attraction pour les peuples (Is., LXVI, 22, 23). De ce royaume, les méchants sont exclus et voués au supplice (Is., lxvi, -ilt). Nous confinons ici à l’apocalypse et à l’eschatologie proprement dite, sans d’ailleurs nous détacher entièrement de la restauration nationale et terrestre (Is., lxvi, 20) ; c’est la première fois qu’il est question d’une nouvelle terre et de nouveaux cieux.

5°) Les prophètes postejriliens : Aggée, Zacharie, Malachie, Jouas. — A. Aggée. — Exerçant son ministère vers 020, plus de quinze ans après le décret de Cyrus, Aggée doit déjà expliquer aux Juifs découragés le retard de la restauration et la misère à laquelle le peuple a été en proie depuis 538. S’il s’en prend à la négligence dans la reconstruction du Temple, il n’hésite pas à prédire les gloires futures de la maison de Dieu, beaucoup plus grandes que les anciennes ; ilmontre les nations ébranlées qui apportent leurs trésors au nouveau sanctuaire (.4gg., 11, 3-9).

B. Zacharie I-VIII. — Zacharie est le contemporain d’Aggée et doit faire face aux mêmes préoccupations. Tout en justiliant les délais divins, il insisle sur les promesses. Les visions nocturnes renferment tout un programme de restauration nationale et messianique, ([ue complètent d’ailleurs les promesses du chap. VIII. — a) On y relève d’abord ces traits déjà connus : amour de Yahweh pour Sion (Zach., i, 121 4) ; humiliation des nations en général et de Babylone en particulier, en vue de la délivrance d’Israël (Zach., i, 15 ; 11, i-4, io-13 ; cf. viii, 7, 8, 13) ; prompt retour de Yahweh à Jérusalem (Zach.. i, 16 ; 11, 14, 15 ; cf. VIII, 1-2, 6-8, 14, 15), qui doit être bâtie sans murailles (Zach, 11, 5-9) pour recevoir les nations qui, attirées par Israël et Yahweh. y alUueront (Zach., 11, 15 ; cf. vi, 15 et viir, 20-23) ; longévité (Zach., VIII, 4, 5) ; règne de la prospérité (Zach., viii, 11, 12, 14, 15), mais aussi de la vérité et de la justice (Zach, viii, 8, 16, 17) ; châtiment du péché (Zach., v, 1-4) ; rélégation de la puissance même du péché chez les païens, à Babylone en particulier (Zach., v, ô-ii), pour y attirer la colère divine (Zach.. vi, 1-8). Dans tout ce programme, on remarque la manière, déjà signalée, dont il est parlé des nations en général. — /)) Ce qui est plus caractéristique, c’est l’importance attribuée au sacerdoce et au service liturgique. C’est dans la personne du grand prêtre que le peuple est purifié (Zach.. III, 1-5, 9’) ; le grand prêtre est associé au roi ou’I Germe » dans le gouvernement de la nouvelle société (Z « c//., IV, i-61, 10, II, 13, 14 ; vi, 9-1 5 [d’après le grec|) ; une importance spéciale est attachée à la reprise du culte divin et au rôle du sacerdoce auprès de Yahweh (Zach.. iii, 7). — c) Zacharie et Aggée voient les prodromes de l’inauguration du royaume, qui semble proche : dans les lionleverseiuents de peuples consécutifs à l’avènement de Darius (.-Z^^., 11, 6, 22 ; Zach., I, 14. 15 ; 11, i-4, 12, 13) ; dans la réédification du Temple (-igg., 11, 18, 19 |cf. Zach., viii, 9-13| ; Zach., i, 16 ; iii, 9 ; iv, 6-io^) ; dans l’entrée en fonctions, comme gouverneur de Palestine, du prince davidique Zorobabel (-igg-, 11, 23 ; Zach., vi, 9-13 ; cf. iii, 8).

C. Zacharie /.V-V/l’. — Cette sectionnons reporte à une certaine distance de la précédente, au moins 1629

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au leiiips où, sous Xerxès, une première tentative en vue de réédilior les murs Ue Jérusalem fut sans issue. (Sur l’auteur et la date de Zacli., ix-xiv, cf. Van IIooNACKEU, les Douze petits prophètes, p. 6/19-6O2.) La situation est devenue très sombre. U’une part, les désordres sont graves (ZacA., x, 2", 2, 3=" [cl", xi, 4-1^ -i_ XIII, 7-9] ; XIII, 2-6) ; d’autre part, l’étal du peuple, en partie dispersé (Zach., x, 2, 7 sv.), en partie opprime par les nations (Z<icA., ix, 1-8, iiiô ; XII, 1-4 ; XIV, 12), est très critique. Si le prophète signale dans le premier fait l’explication du second, il fait quanil même très grande la place aux promesses. — « ) Le repentir du peuple aux lieux de sa dispersion (Zuch., x, 9) a pour suites : le triomphe sur les ennemis assuré par Vahweli (Zacli., ix, 1-8, ii-15 ; XII, 1-5 ; xiv, i--, 12-19) ; ^’^* revanches (Zuch., XII, 5, 6) ; le châtiment des mauvais chefs (Zuch., x, 3^) ; la protection divine, les bénédictions, la prospérité (/acii., IX, lO. 17 ; XII, 7 ; XIV, 8-11) assurées à Israël et à Juda (Zach., x, 4-12), plus spécialement aussi à Jérusalem (Zach., ix, 8 ; xii. 2, 5, 6, etc.) ; puis la piirilicalion et la suppression des désordres religieux (/acA., xui, 1-6). relfiision de l’esprit divin (Zach., XII, 10^), la conversion des nations qui ne voudront pas s’exposer à la malédiction (Zuch., xiv, iG-19). la sainteté et la consécration de tout ce qui appartient à Juda (Zach., xiv, 20, 21). — h) Il faut signaler comme éléments spéciaux : k) parmi les traits du roi messianique (Zach., ix, 9, 10), l’iiumilité, la mansuétude, l’aspect pacilique ; — /5) ce personnage énigmatique, qui semble apparente avec le Serviteur de Yahweh d’/s., xl-lxvi, contre lequel a été commis un attentat, suivi d’ailleurs d’un grand deuil et d’un vif repentir (ZacA., xii, 1 0-1 4) ; — v) enlin divers traits apocalyptiques, notamment dans la parabole de Zach., xi, 4-17 — xiii, 7-9, puis dans la description des châtiments au chap. xiv : bouleversements dans la nature (Zach., xiv, 4-8, 10 »), fléaux étranges (Zach., xiv, 12, 15, ii>^). — A noter aussi l’importance attachée à la fête des Tabernacles (Zach., XIV, 16-19), aux signes extérieurs de consécration gravés même sur les objets matériels (Zach., xiv, 20, 21).

O. Malachie. — Contemporain de l’époque de Néhémie (avant 44^)> témoin du découragement (Mal., I, 2 ; H, 17 ; lii, 13-15) causé sans doute par l’échec des tentatives en vue de la réédilication des murailles sous Xerxès et Artaxerxès (Esdr., iv, 6-24), ce prophète trouve, lui aussi, dans les fautes d’Israël l’explication de ses malheurs. — a) Mais un jugement est proche qui va mettre lin aux désordres et réaliser les espérances. Le Juge, à l’aspect redoutable (Mal., m, 2*). vient siéger au Temple (Mal., iii, i, 2). C’est là <)u’il commence son œuvre en puriliant les tils de Lévi (Mal., iii, 3, 4 ; cf. 11, i-3)..Son action s’étend ensuite au peuple, très favorable (.I/o/., iii, 17, 20) à ceux dont le souvenir est écrit au Livre (.’/ « /., iii, 16) et pour lesquels la prospérité des impies est un scandale (Mal.. 11, 17 ; ni, 13-15, 18), terrible pour les méchants (.’/a/., iii, 19, 21) et les fauteurs de désordres (Mal., iii, 5). Ce jugement rappelle celui ([ui termine le livre d’Isaïe ; mais il ne concerne qu’Israël.

— b) Ce qui est plus particulier à cette ijrophélie, c’est le messager qui précède Yahweh au jour du jugement (Mat., iii, i). qui est sans doute Elle (.’/u/., III, 23), auquel incombe la mission de ramener les lils à la piété des pères, pour les préserver de l’anathème (.Val., iv. 6). — c)ll faut aussi noter ce vers, i, 1 1, qui met en contraste avec les offrandes répudiées du Temple, l’encens, les sacrifices, l’oblation pure offerts en tout lieu à ce nom de Valiweh qui, du levant au couchant, est grand parmi les nations. Aux yeux des exégèles non catholiques, ce texte se

rapporterait au temps même du prophète, soit qu’il s’agisse de la conversion des païens à Yahweh, soit que Malachie voie dans les sacrifices païens eux-mêmes une part d’hommage inconsciemment rendu au vrai Dieu, soit encore qu’il compare les actes religieux des Juifs de la dispersion à ceux des Juifs de Palestine. La plupart des interprèles catholiques tiennent ce verset pour une prophétie relative au sacrifice des temps messianiques et de la Loi nouvelle (cf.Van IIoon.^ckeh, Les Douze petits l’rophi-tes, ad toc).

E. Jonas. — Le but principal de ce livre est de proclamer le rôle de missionnaire qu’Israël doit remplir parmi les nations (./o/i., I, 2 ; iii, i-io ; iv, 9-1 1) et de lutter contre l’opposition qu’un judaïsme étroit fait à ce glorieux privilège (y^H., 1, 3 ; iv, î-8). On rejoint donc ici les plus beaux oracles d’/s.,.l-lxvi.

6" Livres Sapientiaur. — n) Sur Job, xix, 23-27, cf. l’e part., II, 2", C, ^. — b) Les Pères de l’Eglise et les exégèles catholiques ont appliqué un grand nombre de psaumes à Notre-Seigneur ; de fait, le recueil renferme plusieurs cantiques nettement messianiques au sens littéral. Ne tenant compte i|ue des hymnes dans lesquelles il est question du Messie lui-même, M. ViG0URoux(.V « ».fi(6/., 9°éd., ll, p.340) dit que « les principaux psaumes exclusivement messianiques généralement reconnus comme tels sont les psaumes II ; XV (xvi, ?) ; XXI (xxii), XLiv (xLv) ; Lxviii (lxix, ?) ; lxxi(lxxxi) ; cix(cx). » Le P. Cornbly (IJistorica et Critica Introductio in V, T. Libros ; II, 2, Introductio specialis in didacticos et propheticos l’eleris Testamenti Libros, p. 1 17-1 ig) compte seulement les ps. 11, XV (xvi), XLiv (xlv), lxxi (lxxii), cix (ex) parmi ceux qui litterali sensu ita a !  ; unt de Christo ejusque rcii’io ut omnem aliam e.iplicationem respuant. Il convient d’ajouter à ces listes des psaumes qui parleraient du royaume messianique ou des espérances de la dynastie davidii(ue sans mentionner explicitement le Messie. — « ) Le Ps. Il signale : la royauté conférée au Messie par YaliweU et qui fait de lui son fils (Ps. II. 5-7) ; le pouvoir universel que Yahweh lui délègue (Ps. 11, S, 9) ; le triomphe sur les ennemis (Ps. II, 1-3, 10, 11). — î) Le Ps. Lxxii (lxxi) décrit les splendeurs de son règne. Il gouvernera avec justice (/’s., Lxxii, I, 2, 4’, 7*)> il prendra soin des deshérilés (Ps. LXXII, 4, ’2-14), il instaurera la paix (P5. lxxii, i^, 7). Son règne sera une source de bénédictions (Ps. LXXII, 6, 16). On le révérera à jamais (Ps. lxxii, 5, 17) ; son empire sera universel et groupera toutes les nations (Ps. lxxii, 8-1 i. 15, 17). — y) Le Ps. ex (cix) annonce la royauté (Ps. ex, 1) et le sacerdoce (Ps. ex, 4) du Messie, la protection dont Yahweh l’entoure (Ps. ex, 2^, 5), lui assurant le triomphe sur ses ennemis (Ps. ex, 2, 3, 6, 7). — ô) En revanche, le Ps. XXII (xxi) est à rapprocher des descriptions du Messie souffrant dans Isaie. Dans sa suprême angoisse, le Juste s’adresse à Yahweh qui parait l’avoir abandonné (Ps. xxii, 1-6, 10-12, 20-22). Il décrit l’état misérable, extrême, auquel ses ennemis l’ont réduit, se moquant de sa confiance en Dieu(P5. xxii, 7-9, 13-19). Mais, au terme de ses souffrances, il entrevoit un apostolat(Ps. XXII, 23). Il s’adresse d’abord aux Juifs, ranimant leur foi parle spectacle des interventions dont Dieu l’a favorisé (Ps. xxii, 24-27). Puis à leur tour les nations se tournent vers Yahweh, reconnaissent son empire et en transmettent le souvenir d’âge en âge (Ps. xxii, 28-32). C’est de ce dernier Psaume qu’il faut rapprocher le Ps. lxix (lxvhi).

— t) Le Ps. XVI (xv) exprime la confiance du Juste qui. ayant choisi Yahweh pour sa paît, a l’espoir de n’être jamais il)raiilé et compte que son D’eu le comblera de biens. Dans Act., 11, 24-31, sainl Pierre inlerprète les vers. 8-1 1 de la résurrection de Jésus.

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Dans Acl., xiii, 34-87, saint Paul fait la même interprétation. — ?) Le Ps. xLv (xLiv) est appliqué par beaucoup de commentateurs au mariage de Salomon avec la lille du pharaon. On peut le regarder plus justement comme un cliant purement ])ropliétique qui, comme le Cantique des Cantiques, célèbre l’union de Notre-Seigneur avec son Eglise. Il est certainement messianique » (Vigouroux, op. cil., p. Sgij). — » ;) Le Pi. Lxxxvii célèbre les gloires futures de Jérusalem vers laquelle les nations afflueront. —

c) Dans Eccli., xxxvi, 1-17, on rencontre une prière pour la délivrance du peuple, dans laquelle les aspirations messianiques se font nettement sentir. —

d) La Sagesse de Salomon ne parle pas du Messie ; elle fait, en passant (ni, 8), une allusion au règne de Yahweh sur les nations.

7* Eci-its apocalyptiques. — A. Iteinarques générales, — a) Ces écrits se rattachent de très près à la propliélio, à tel point que, dans le langage courant, on les en distingue fort peu, et que, danslaBiljle, des livres apocalyiitiques prennent place en la série des prophètes. Au point de Aue du fond, l’apocalypse répond au même Ijesoin que la prophétie, surtout que la prophétie postexilienne ; elle a pour but de consoler les âmes Qdèles qui vivent dans l’attente des espérances sans cesse différées, et qui sont en proie à la douleur et à la persécution. C’est ce qui explique que les apocalypses appartiennent surtout aux périodes de grands troubles ; le temps des persécutions d’Antioelius Epiphane et les au’.res époques dans lesquelles le joug étranger fut particulièrement terrible virent paraître un grand nombre de ces productions. — / ;) L’idée fondamentale est la même que dans les prophètes postexiliens. Avant tout, Yahweh ne saurait être infidèle à ses promesses ; si l’accomplissement en est dilïcré, c’est à cause des prévarications de toute sorte dont Israël se rend coupable ; les épreuves d’ailleurs servent à la purification des justes. Mais les oracles des anciens prophètes ne sauraient manquer de se réaliser ; aussi aime-t-on à les scruter et il n’est pas inouï que, par delà leur sens littéral et extérieur, on trouve un sens plus profond en rapport avec les circonstances présentes. — c) Toutefois la première différence qu’il faut signaler entre la prophétie et l’apocalypse a Irait à la manière dont le salut doit se prodaire. Comme Dieu avait choisi les peuples étrangers pour le châtiment d’Israël, la délivrance ne pouvait s’opérer qu’au détriment et par la ruine de ces nations. Or, à mesure que, sous l’influence du joug que faisaient peser sur lui ses maîtres successifs, s’accentuait rantilhèse entre Israël et les nations en général, le salut d’Israël apparaissait comme devant entraîner la ruine du monde ])aïen tout entier, exception faite des justes qui reconnaîtraient In suprématie de Yahweh et do son peuple. — d) Il y a ])lus. Lorsque les anciens prophètes annonçaient la ruine d’un empire, ils donnaient souvent, comme contre-coup à cet éliranlcment de peuples, un ébranlement du monde l)hysiqne (cf., Is., xiii) ; le choc cosmique était d’autant plus grave que l’empire menacé était plus puissant. Mais il send)lc bien qu’avec ces prophètes, la méta|)h()re tenait une grande place dans les descriptions. Il en va autrement avec les auteurs d’apocalypses. La ruine des nations entraîne tout naturellement un cataclysme universel. C’est véritablement la lin du monde qu’ils ont en vue, comme prodrome ou accompagnement des jugements divins. Us se détachent, peut-on dire, de la réalisation terrestre du royaume de Dieu, que les anciens prophètes avaient à l)eu près exclusivement contemplée, ]iour prêter attention aux issues cschalologiques qu’un Rzéchiel avait signalées en passant. Comme d’ailleurs

leurs perspectives ne sont guère plus distinctes que celles des prophètes, c’est dans un horizon assez rapproché qu’ils contemplent la lin des temps. — e) Au point de vue de la forme, certaines particularités sont à signaler. Pour faire valoir cette idée, fondement des espérances auxquelles ils s’attachent, que tout ici-bas est gouverné par Dieu, que rien n’échappe à son empire, ils aiment à faire le tableau, l’exposé des grands mouvements historiques qui se sont succédé, à mesure que Dieu le décrétait, jusqu’au moment jirésent. — f) Bien j)lus, pour rendre cette conception plus frappante, ils la transformeront à l’occasion en une prophétie qu’ils mettront sur les lèvres d’un personnage de haute antiquité ; Uénoch, le patriarche antédiluvien, sera tout désigné pour découvrir dès l’origine le plan et tous les secrets de l’histoire du monde.— g)Avraidire, les générations antérieures au temps présent n’ont pas bénélicié de ces révélations ; celles-ci ont été scellées, tenues secrètes jusqu’au moment où Dieu juge convenable de les manifester {à.r.wyjù--’.tj) pour la consolation des affligés.

B. Lines apocalyptiques de la Bible. — a) Is., XXIV-X.XVIL — La partie essentielle de cette apocalypse {Is., XXIV, --26 : XXV, 6-8) débute par un tableau du bouleversement de la terre et de ses habitants (Is., XXIV, 1-3). La terre succombe sous la malédiction causée par l’iniquité des hommes, qui portent à leur tour la jieine de leurs crimes (Is., xxiv, 4-12) ; il n’en restera pas plus qu’il ne reste d’olives après la cueillette (Is.. xxiv, 13). Il n’y a pas à s’illusionner dans un vain optimisme ; c’est d’une véritable fin qu’il s’agit (Is., xxiv, 14-20). Avec cette catastrophe coïncide un jugement de Yahweh qui s’exerce terrible sur l’armée d’en haut (les anges [ ?]) et sur les rois de la terre : jugement provisoire, qui aboutit à un châtiment, lui aussi provisoire, prélude d’un arrêt définitif (Is., xxiv, 21, 22). Cependant Yahweh trône à Sion et à Jérusalem, et sa gloire éclate devant les anciens (Is., xxiv, 28). Sur cette montagne, il prépare un festin pour ses élus, pour tous les peuples, il déchire le voile de tristesse qui couvre les nations, il détruit la mort pour toujours, il essuie les larmes sur tous les visages(/s., xxv, G-8). Si escbalologique qu’elle soit, cette vision garde encore des points de contact avec les préoccupations du temps présent (cf. Is., xxvii, 6-13) ; il semble que pour les élus il y ait continuité entre l’état actuel et celui qui suivra le jugement. A noter, pour les méchants, l’état intermédiaire entre les deux châtiments.

h) Joël. — Le point de départ du livre de Joël est la description des fiéaux (sauterelles, sécheresses)précurseurs du jour de Yalivveh (Jo., i, 1-12, 16-20 ; II, 1-11). Elle est complétée par des appels à la pénitence en vue d’éloigner le jour terrible, ou au moinsd’échapperauxcoupsdelajnstice (lo.. i, 13-15 ;

II, 12-17). De’^^ Yahweh, qui est avant tout miséricordieux (Jo., II. 13), se laisse toucher : il va écarter le Iléau et compenser les désastres par des bénédictions matérielles de toutes sortes (30., 11, 18-27) ; cependant son Esprit se répandra abondamment, non plus seulement sur quehpies privilégiés, mais sur toutes les classes de la société, et y ])roduira toutes sortes de manifestations surnaturelles (./ «.,

III, I, 2). Ce n’est pas à dire que le jour de Yahweh sera différé à jamais ; mais ceux qui, dociles à l’Esprit, invoqueront le nom de leur Dieu, seront sauvés ; sur la montagne de Sion et de Jérusalem, il y aura une réunion de délivrés, et iiarmi les survivants seront ceux que Yaliw eh ap])elle (Jo., iii, 5). De fait, les troubles cosmiques annoncent l’imminence du grand jour (Jo., iii, 3, 4 ; cf. iv, 1 5). Au moment où il ramènera les captifs de Juda et de Jérusalem, Yahweh rassemblera les nations dans 1633

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la vallée de Josapliat et entrera en jugement avec elles au sujet des mauvais traitements qu’elles ont fait endurer à son peuple (Jo., iv, i-'i, y-i^) ; la sentence est annoncée à propos des Pbcniciens et des l’bilistins (Jo.. iv, 4-8). Tandis qu’il fulmine contre ces ennemis, Yaliweh devient un refuge pour son peuple, une retraite sure pour les fils de.lacob (.1(1., IV, 16). Des changements se produiront dans la nature au détriment des nations qui ont commis la violence contre les enfants d’Israël (Jo., iv, 19) et en faveur de ces derniers Ço., iv, 18). A l’abri des étrangers (Jo., iv, 17), Juda et Jérusalem seront babités à jamais et entourés de la protection divine (Jo., iir, l’j », 20, 21). Ici encore il y a, pour les élus, continuité entre l'état actuel et l'état futur, et la vision garde des points de contact avec les préoccupations de la restauration nationale.

() Daniel. — (Sur Ddiiiet, son caractère, son authenticité, cf. Bigot, Daniel, dans Vacant-IManoknot, ])iclioniiaire de Théologie catholique, IV, col. 55-io3). Au terme de ses visions, l’auteur plonge fort loin dans l’avenir, sans d’ailleurs, lui non plus, se détacher du temps présent. Quelles que soient les dillicullés inhérentes au fameux oracle des semaines (Dan., IX, 20-27), '^ ^^' certain qu’il est entièrement dominé par la pensée messianique et escbatologique. De même d’ailleurs que l’abomination de l'époque d’Antiochus apparaît comme un prélude aux épreuves des derniers temps, de même la délivrance due à l’intervention de Dieu par le ministère des Machabées ouvre les âmes à la perspective du triomphe linal. C’est surtout au cbap. xii que cette perspective se développe. Il nous transporte à une période de détresse telle qu’il n’y en a point eu de pareille depuis qu’il existe une nation jusqu'à ce temps-là (Dan., xir, i). C’est alors que Michel, le grand chef, intervient en faveur du peuple (Dan., xii, i »). Le salut ne se réalise pas pour tous indistinctement ; il ne s’opère que pour ceux qui sont inscrits dans le livre de Dieu, c’est-à-dire pour les justes (Wa/(., xii, 1'). Mais en revanche il n’est pas restreint aux justes du présent. Le jugement est précédé d’une résurrection de beaucoup — autant dire : de tous — de ceux qui dorment dans la poussière, et un sort très différent est fait aux diverses classes de ressuscites : les uns ressuscitent pour la vie éternelle, les autres pour une infamie éternelle (Dan., xii, 2) : une gloire à part est réservée à ceux qui auront conduit beaucoup de leurs frères à la justice (/^ah., xii, 3). Très grande est l’importance de ce texte. C’est sans doute la première fois que s’allimie d’une façon précise le dogme de la résurrection des morts (cf. pourtant le texte un peu énigmatique d'/s., XXVI, 19). Du moment oii, dans la personne de Jérémie et d’Ezcchiel. la prophétie avait attaché une importance si grande à la question de la rétribution individuelle ; du moment où ces vojants avaient insisté pour réserver aux seuls justes la participalion au royaume de Dieu, ce progrès nouveau de la révélation ne pouvait se faire très longtemps attendre. Dieu ne pouvait manquer de faire connaître le sort des saints qui, dans le passé ou dans le présent, mourraient avant de particiiier au royaume. Du même coup, un élément de solution fort important était fourni au grand problème que le livre de Job avait discuté sans aboutir à une conclusion délinitive. D’ailleurs, Pan., xii ne s’occupe que des Israélites.

C. Apocnhpses apocryphes. — (Sur les Apocryphes de r.Vncien Testament cf. Szkkkly, llihliotheca Apocrypha, inlrodiictio hisloiico-critica in Lihros Apocryphos Vtriusqtie Testamenti cum e.v/ilicatione arf ; umenli et doctrinæ : I. Introdiictio generalis ; Sihyllae et Apocrypha Vet. Test. Antiqua.) — Les préoccupaTome II

tions qui les dominent sont les mêmes que dans les apocalypses canoniques. Mais deux traits révèlent immédiatement l’infériorité de cette littérature : de nombreuses extravagances, surtout en ce qui concerne l’angélologie, la constitution du ciel et de la terre, les pérégrinations des voyants ; de nombreuses directions de pensées qui contrastent avec la continuité de l’Ancien Testament. — a) Le Livre d’IIénoch est un recueil d'écrits de dates fort différentes (cf. 1'. Martin, te Livre d’IIénoch ; Ciivni.KS, The ISookof TCnoch). — c<) Le plus ancien document paraît être l’Apocalypse des Semaines (lien., xciii ; xci, 12-17 ;

« un peu avant 170 », Martin). La huitième semaine

est marquée par la délivrance terrestre des justes ; puis vient une période de paix autour de la maison rebâtie du Grand Itoi (//c/i., xci, 12, 13). Dans la neuvième semaine, les impics elle maldis])araissent de la terre, les païens se convertissent (lien., xci, ili). La dixième semaine est celle du jugement Unal qui s’exerce sur les anges, de la création des nouveaux cieux et de l’inauguration des semaines éternelles (lien., xci, 16-17). On reconnaît, ici comme dans Ezéchiel, deux phases, l’une proprement messianique et terrestre, l’autre escbatologique, dans l’histoire et le développement de l'œuvre divine. Il n’est point parlé du Messie. —, 3) Le second document (lien., i-xxxvi ; vers 166, Martin) nous transporte directement à la fin du temps. Le Saint et le Grand, entouré de ses armées, apparaît terril)le sur le mont Sinai ; l’univers entre en convulsion, tout périt ; le Saint vient rendre la justice aux esprits et aux hommes (lien., i, 3-g). En attendant ce jour, les anges coupables sont détenus dans une prison horrible (lien., XIV, 8-1^ ; xxi, 7-10). Quant aux hommes, ils revoivent dès après la mort un commencement de justice ; le scheol, en effet, se divise maintenant en quatre compartiments (lien., xxii, i-4), l’un pour les martyrs (lien., xxii, 6-7), le deuxième pour les justes (lien., XXII, g), le troisième pour les pécheurs qui ici-bas n’ont connu aucune expiation (lien., xxii, 10, II), le quatrième pour les pécheurs qui ont souft’ert persécution (lien., xvii, 12). Au jour du jugement, les mauvais anges seront jetés pour l'éternité dans l’abîme de feu (lien., x, C). Parmi les hommes, les mécliants qui ont souffert persécution demeurent au lieu du scheol qui leur est all’ecté (lien., xxii, 13). Les autres méchants et les justes ressuscitent : les impies pour un cliàliment éternel dans la vallée maudite (lien., xxvii, 2) ; les justes pour la récompense. Celle-ci est décrite en termes très matériels, qui ne sont pas seulement allégoriques (lien., x, 1719), mais qui d’ailleurs n’excluent pas des points de vue nettement spirituels (lien., v, 7-9" ; x, 20-xi, 2). C’est sur le sol de Palestine purilié (lien., v, 7-9 ; x, 16, 18-22) que se développe cette seconde vie, qui, il est A’rai, n’est pas éternelle (lien., v, 9 ; x, 17). Il n’est pas question du Messie. — /) Le Livre des Songes (lien., Lxxxiii-xc ; entre 166 et iGi, Martin), au symbolisme très compliqué, nous met, lui aussi, en la présence immédiate du jugement escbatologique. Assis sur son trône (lien., xc, 20), le Seigneur des brebis (Dieu) juge d’abord les étoiles coupables, qui sont jetées dans un abîme de feu (Hen., xc, 24), puis les soixante-dix pasteurs (lien., xo, 26), et les brebis aveuglées (//en., xc, 26, 27), * ! "' sont condamnées au même supplice du feu. Une nouvelle Jérusalem est substituée à l’ancienne (lien., xc, 28, 29) pour abriter, avec les Juifs, les Gentils qui se soumettent à eux et à leur Dieu ; vivants et défunts se trouvent réunis (//en., xc, 29-33) dans la paix universelle et le culte du Seigneur (lien., xc, 3/|, 3.0). C’est alors que, d’une façon un peu inattendue, surgit sous la forme d’un taureau blanc, qui devient un buflle aux

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grandes cornes noires, le Messie auquel tous, Juifs et Gentils, rendent hommage ; ils sont tous désormais dans la plus parl’aile égalité, pareils à des taureaux blancs (y/cH., xc, 37-39). — ô) Le iifre de l’Exhortation et de la Mulédiction (/{en., xci-c.v ; gS-^S, Martin), dans lequel on sent aussi l’inlluence d’une persécution violente (lien., xci, 5), présente encore le jugement linal au premier plan. Les signes précurseurs sont les commotions sociales et cosmiquesdéjà connues (lien., xcix, 4, 5 ; c, i, 2 ; cii, i-3). Lesanges alors rassemblent en un seul lieu les impies (lien., c, k^). Le Très Haut (le Grand, la Grande Gloire) se lève pour rendre contre eux la sentence (//? ; (., c, 4) que tout l’univers réclame (IJen., xcix, 3 ; c, 10) : sentence de confusion (lien., xcvij, 6), de destruction (lien., xci, 8 ; xciv, i ; xcv, 6 ; xcvii, i), prononcée sans pitié (xciv, 10). Les mécliants seront plongés dans les ténèbres (lien., xcii, 5 ; xciv, g) et dans le feu éternel (lien., xci, y ; xcvui, 3 ; c, 9) ; ils seront pour la revanche livrés au bon plaisir des justes (Heu., xcv, 3 ; xcviii, 12). Le bonheur des justes est d’ordre très spirituel : il consiste dans le repos, la lumière (//eH., xci, 3, 4 ; xcvi, 8), la sagesse (//eH., xci, 10), la justice et la vertu (// «  «., xcii, 3, 4). Mais déjà, en attendant la résurrection et le jugement, le sort des justes et des méchants n’est pas le même : au sclieol, les âmes des impies sont dans le malheur et l’allliction, dans les ténèbres, les liens, une llamme ardente (lien., cni, 7, 8) ; maisdes anges saints veillent sur le sommeil des justes (//e/i., c, 5). Il n’est pas question du Messie. — s) Le Livre des Paraboles {lien., xxxvn-LXxi ; 9.5-78, Martin) a une importance particulière. — «  « ) Le jugement est toujours imminent. Il est lié au rassemblement des Juifs ramenés par des chars aériens (//en., lvii, i-3)etàun suprême triomphe sur les nations (//e ; i., lvi, 5-8). Il est précédé de la résurrection universelle (lien., li, i), accompagné de la création de nouveaux cieux et d’une nouvelle terre (lien., xlv, 4.5). —, 3, 3) La scène est présidée par la Tète des Jours ou Seigneur des Esprits (lien., XLvr, 1).Mais le jugement est l'œuvre de l’Elu ou Fils de l’homme (lien., xi.vi, i-3), et l’on a vile reconnu que, loin d'être le sj’mbole de la petitesse de la créature, ce litre évoque ici l’idée d’une grandeur sans pareille ; c’est par essence un titre du Messie souverain juge. Cet Elu préexiste depuis l’origine (//.? «., xi.vni, 2, 3, 6). A lui la sagesse, la justice, la gloire éternelle, les dons de l’Esprit, la science des secrets (lien., xux, i-4), le pouvoir sur la nature {lien., LU, 1-6). Tous l’adorent avec le -Seigneur des Esprits (lien., xr.vin, 5). Il est la lumière des peuples, l’appui et le salut des justes (lien., xi-viii, 4, ")) A la prière que les vivants et les saints font au nom du sang versé (lien., xlvii, i, a), il pren<i place sur le trône du juge(//e «., xlv, 3) ; les livres sont ouverts (lien., xLvn, 3). Il rend la sentence des justes, au milieu de la joieuniverselle etdes louanges adressées au Seigneurdes Esprits (//e «., Li, 2-4 ; i.xi, 8-13) ; quant au jugement des méchants, il le i^rofère sans aucune place pour la miséricorde (lien., lxii, 1-12 ; cf. xi.vi 3-8). — vv) Le séjour des justes est dans la nouvelle Jérusalem, autour d’un nouveau Temple (lien., i.ni, 6 ; cf. xii, 1, 2) ; ils sont comme des anges dans le ciel {lien., LI, 4, 5) ; c’est pour une durée sans lin (lien., Lvni, 3). Leurs privilèges sont : la lumière (lien., xxxvin, a, 4 ; L, i ; Lvni, 3-6), la gloire et l’honneur {Hen., L, i), lapnix(//ert., XLv, 6), la sagesse(//e71., xLi[, I, a), la source de la justice (lien., XLvni, i), la société des saints (//en., xLvni, 1), surtout de l’Elu et du Seigneur des Esprits (//en., xlv, 4 ; lxii, 1 4). A noter la distinction établie entre les justes et les pénitents, qui sont seulement sauvés (//en., l, 2, 3). — cS) Séparés des. justes (Ihn., xxxviri, 3 ; xli, 2 ; xlv, 1-6), sans

espoir de miséricorde (Hen., xxxviii, 6 ; xxxix, 2 ; Lxm, i-ia), les impies sont humiliés (lien., xxxviii, 4 ; xLvni, 8), livrés aux justes (Hen., xxxvni, 5 ; xLviii, 9), couverts déchaînes (//en., Lxix, 28), abandonnésauxanges du chàtiment(//en., Liii, 3-5 ; Lrv, 3-, 5 ; Lvi, 1-4) et jetés dans la vallée de feu avec les mauvais esprits (lien., liv, 1-6 ; lvi, 3, 4). — £ ;) En attendant ce jugement final, les justes jouissent déjà d’une certaine rétribution ; ils ont des lits de repos au milieu des anges et des saints, ils participent à la justice et à la miséricorde, ils prient pour les hommes {lien., XXXIX, 5) ; surtout ils jouissent de la présence de l’Elu (//en., xxxix, 6, 7 ; xlviii, 7)et des 'Veilleurs {lien., XXXIX, 12) ; ils glorifient le Seigneur des Esprits, qui se tient au milieu des quatre archanges {lien., XXXIX, 7 ; xl, i-io). De ce séjour aussi les méchants sont exclus (lien., xxxviii, 3).

b) Dans le Livre des Jubilés (entre 135 et 96) les conceptions sont notablement dillérentes de celles qui précèdent. L’auteur, écrivant à une époque de tranquillité, n'éprouve pas le même besoin d’une catastrophe transformatrice. Aussi le royaume lui parait devoir se réaliser plutôt d’une manière progressive, avec l’exclusion du mal et une transformation parallèle de la nature. Le jugement prend place à la fin du royaume, qui paraît être temporaire. Le rôle du Messie, qui doit venir de la race de Juda, est effacé (cf. Charles, The LJook of Jubilees). Le point de vue d’ailleurs est strictement national.

c) Dans les Testaments des Douze Patriarches (10963), une grande place est faite aux païens dans le royaume, qui se présente sous des formes assez diverses ; ils seront sauvés par Israël. Quant au Messie, l’apocryphe, sous sa forme originale, le rattachait, semble-t-il, à Lévi et insistait avant tout sur sa fonction sacerdotale, mais en le déclarant en même temps prophète et roi. A l’abri de tout péché, il doit, comme i)rètre, fonder un nouveau sacerdoce et se faire médiateur pour les Gentils. Comme roi, il luttera contre les ennemis d’Israël et les pouvoirs du mal, et leur arrachera leurs victimes. C’est à lui qu’il appartient d’ouvrir le Paradis aux justes, de leur donner à manger de l’arbre de vie ; il leur assurera pouvoir sur Beliar qui sera jeté dans le feu, et c’est ainsi que le péché prendra lin. (Cf. Charles, Testaments of the Tvelve Patriarclis.)

d) Les Psaumes de Salomon xvii et xviii(G9-47) nous ramènent à des idées plus pures, et plus près des prophètes. L’auteur attend le Messie pour un temps rapproché, mais qu’il ne précise pas (Ps. xvii, 3, 23, 50, 51 ; xviii, 6-10). C’est un Messie davidique (Ps. XVII, 5-8", 23). Comhié des dons de Dieu, des influences de son Esprit, il lui sera attaché, fidèle, entièrement dévoué (Ps. XVII, 24, 26, 27, 31, 35, 37-49). Sa mission consiste d’abord à délivrer le peujtle de Dieu de ses adversaires (Ps. xvii. 6-16, 24, 25, 27'*, 51), à ramener les pécheurs qui ont pactisé avec l’ennemi (Ps. XVII, 17-22, 271) ou à châtier leur obstination (Ps. XVII, 26), à rassembler ceux qui ont fui devant le danger (Ps. xvii, 28 ; cf. vers. 18-20), à réunir les tribus (Ps. XVII, 50). Son gouvernement leur assurera la prospérité dans leur pays (l’s. xvn 30, 31"), mais surtout leur procurera tous les [irivilèges spirituels (Ps. XVII, 28-30a, 33, 36, 481', 4y). Mais son autorité s'étend sur les nations qu’il juge (Ps. xvii, 31, 40 et qui le servent (Ps. xvii, 32, 35, 38), qu’il attire à Jérusalem sanctifiée (Ps. xvii, 34) pour leur faire contempler la gloire du Seigneur et la sienne propre (Ps. xvii, 34, 35). (Cf. J. Viteai', Les Psaumes de Snlomon.)

8") liésumé. — Il n’est pas inutile, à la fin de ces analyses, de résumer en quelipies mots l’espérance 1637

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d’Isriii’l. Elle a pour ohjct : c) la restauration nationale de l’an tique royaume, autour de Jérusalem comme capitale ; —, 3) la restauration du culte de Yaliweh ; — v) grâce à cette restauration et au concours d’Israël, la dill’usion du culte de Valiweh parmi les nationset la constitution d’un royaume universel de fidèles du Seigneur, tout pénétrés de l’esprit de sa religion, vivant dans une paix sans trouble ; — S) dans cette œuvre, l’iulluence unique d’un représentant de Vahweh qui, après lui avoir conquis le monde, devient le souverain de ce grand royaume ; — s) sa victoire d’ailleurs et son triomplie se réalisant comme en deux étapes, l’une terrestre, l’autre céleste à la (in des temps ; — ?) à l’origine de toute son œuvre et au début de la première étape, la conquête et le salut s’accomplissant d’une manière toute pacilique par la prédication et la mort de ce Serviteur île Valnveh ; — r, ) à la lin des temps, le triomphe se consommant par un grand jugement.

i)") Appendice : la doctrine de la Sagesse. — Les Livres Sapientiaux ne fournissent qu’une très mince contribution à l’histoire de l’espérance messianique. Toutefois le développement de la doctrine uièuie de la Sagesse divine, de la lloknuili (nr ;  ; n), peut être à bon droit considéré comme rentrant dans le cadre de la préparation messianiqin-, en particulier comme constituant une première ébauche de cette magnitiqiie doctrine du Verbe que développera saint Jean. Il faut, à ce sujet, mentionner les textes suivants : loh, xxviii ; Pruv., vm ; Eccli., xxiv ; Sap., vii-ix ; /iar., iii, 15-37. — a) La Sagesse pratique, qui permet à l’homme de faire face aux dillicullés et aux contingences de la vie, de mener une existence honnête et religieuse, est, en lui, un don de Dieu, une communication de la Sagesse divine elle-même.

— /*) Or, dans Proi’., vni, 22-3 1, la Sagesse divine explique sa propre origine et sa nature, et en des termes tels qu’on ne peut songer à une simple personnilication poétique, analogue à celles de Prof., vin, 1-3, 32-36 ; ix, i-ia. Yahweh a possédé laSagesse au commencement de ses voies, avant ses œuvres les plus anciennes (Prov., viii, aa). Elle a été fondée, formée, enfantée, dès l’éternité, avant la création (Piof., viii, 33-26). La Sagesse se place donc bien au-dessus des créatures, qu’elle domine par sa grandeur, (pi’elle précède par son éternité. Elle est même plus qu’un attribut de Dieu ; elle vient, elle procède de lui comme par une sorte de naissance. Mais à jamais elle demeure avec lui, en lui, prenant part à toutes ses opérations, se faisant son auxiliaire et s’égayant en sa présence (/’rof.. viii, 2^-30 ; cf. Joli, xxviii, 25-27). Toutefois, entretouteslesœuvres divines, celle qui davantage excite la sympathie de la Sagesse, c’est l’honnne (Proii., viir, 31). — c) On trouve aussi des indications fort importantes ilans Eccli., xxiv. La Sagesse y déclare qu’elle « est sortie de la bouche du Très Haut », comme une sorte de Verbe (Eccli., xxiv, 3). Elle signale sa grandeur, la place unique qu’elle occupe dans l’univers (ICccli., XXIV, 3-5), son éternité (Eccli, , xxiv, 9). Il est ici moins longuement question de la part

« pu- la Sagesse a prise dans la création que de son

action au milieu des hommes. La Sagesse exerce son empire sur tout peuple et sur toute nation ; à tous elle demande un lieu de repos (Eccli., xxiv, 6, 7). Il n’en est pas moins vrai qu’elle met toutes ses complaisances en Israël. C’est là que son créateur lui a donné un séjour stable et un héritage (Eccli., XXIV. 8). Ses principale » manifestations sont en rapport avec le Temple (A’cc/i., xxiv, 10-17) ; <^"ps ""t ]iour document la Loi (/Cccli., xxiv, 22-27 ; cf. Bar., IV, 1-4), bien qu’elle ne dédaigne pas de couler en de plus humbles canaux (Eccli., xxiv, 38-82). — d) Dans

la.Sagesse de Salomon, l’éloge est plus enthousiaste encore (Sap.^ vii, 29, 30) et insiste très particulièrement sur les propriétés si multiples de l’Esprit qui est en la Sagesse (Sap., vii, 22, 23). Elle habite en Dieu qui l’aime, et tire de lui son origine (Sap., viii, 3 ; IX, 4, 10^) ; elle a pris part à ses (euvres et à la création de l’univers (Sap., ix, 9^) ; aussi peut-elle transmettre ses enseignements (.Say ?., viii, 4, 9-11). Hien plus, la Sagesse est le souille de la puissance de Dieu, une pure émanation de sa gloire (So^j., vii, 25), le resplendissement delà lumière éternelle, le miroir sans tache de l’activité de Dieu et l’image de sa bonté (Sap., vit, 26). On reconnaît ici des expressions

« pie le Nouveau Testament a utilisées pour les

appliquer à Jésus.

III. Idée messianique et monotliéisme hébreu.

— L’idée messianique peut être considérée : dans ses rapports avec la doctrine fondamentale de la religion d’Israël, avec le monothéisme ; dans ses rapports avec le christianisme.

En tant qu’elle est née du monothéisme hébreu, cette espérance porte en elle-même un certain nombre de caractères très distinctifs, qui contribuent encore à accentuer la transcendance de la croyance juive. — a) En premier lieu, il faut mentionner cette suprême conséquence du Vahwisme moral, qui devient le point de défiart du messianisme prophétique : à savoir, que la sanction des inOdélités d’Israël irait jusqu’à sa ruine et sa destruction, comme peuple. D’une part, aucune autre religion antique ne témoigne d’une pareille susceptibilité morale ; d’autre part, aucune autre religion ne peut même faire l’hjpotlièse qu’un dieu puisse se priver de la nation qui seule lui rend hommage. C’est qu’en effet les autres dieux n’ont à leur disposition qu’un seul pays et qu’un seul groupe de sujets ; prononcer contre ceux-ci un arrêt de destruction, ce serait prononcer leur propre arrêt de mort. Si Yahweh peut rendre une pareille sentence sur le peuple qu’il s’est attaché depuis le Sinaï, c’est que, dans sa transcendance, il domine et possède toutes les nations de la terre. — b) Aux yeux des prophètes, nous l’avons dit, la phase présente de la religion juive n’est pas délinitive. Dieu de l’univers, Y’ahweh doit être un jour reconnu par tous les peuples. Des conquérants dévots ont pu rêver que le dieu auquel ils attribuaient leurs prodigieux succès deviendrait, lui aussi, le maître universel du monde, le chef incontesté de tous les autres dieux. Mais quand il s’agit de Yahweli, les prophètes ne songent pas à ce que son nom et son culte puissent être propagés par les armes. La conquête est ici essentiellement paciQque ; elle n’est en aucune connexion nécessaire avec l’empire universel des Juifs (/s., ii, 2-5 ; rx, 1-6 ; XI, 1-8). Ou bien Yahweh attire les nations à Jérusalem par le prestige de son nom, ou bien ses missionnaires le font connaître dans les quatre directions du monde : en tout cas, les peuples ne se convertissent que parce qu’ils subissent le charme et l’attrait du Dieu d’Israël. De telles conceptions supposent encore une haute idée de la transcendance et du souverain pouvoir du Dieu unique. — c) Dans cette conquête pacitique de l’univers, Israid a un rôle à remplir ; il en doit être l’instrument. Ce point de vue tient une place importante dans les prophéties relatives à la restauration. Déjà dans /s., xl-lxvi et dans Ez., xxxvi, le fait même de la délivrance du peuple de Y’aliweh prépare les voies à cet apostolat en manifestant la gloire du Dieu tout-puissant. Dans /.< ;., XL-Lxvi, et dans h.. 11, 2-5, etc., la restauration est le cadre dans lequel se développe comme tout naturellement la prophétie de la propagande. Si Apgée insiste tant sur la reconstruction du Temple, c’est 1639

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qu’à ses yeux le rétablissement de l’antique économie religieuse est un prélude nécessaire avant l’ieuvre de la conquête. Bref, pour que le régne de Dieu s’établisse, il faut qu’Israël renaisse et que son culte soit restauré. Or cette idée ne fut pas seulement une idée spéculative ; ce l’ut une idée-force. Si Israël a survécu à l’exil, la cause principale en est à chercher dans l’idée messianique. De telles catastrophes furent fatales non seulement à de petits Etats, mais aux plus grands empires. Si Israël fait exception à la règle ; si, après l’exil, il a tenté de se reconstituer comme nation, voire de recouvrer son indépendance ; si, après que ces enlreprises ont abouti à des échecs, il a réussi, envers et contre tout, à se maintenir comme peuple, c’est à raison de sa foi religieuse, de sa foi aux destinées universelles de sa religion. L’cdit de Cjtus (Esdr., I, 2-4 ; VI, 3-5), sa ralilication par Darius (Csrfr., VI, 6-12), le lirmand’Artaxerxès(£’s(/r., vii, i 1-26) sont sollicités et libellés en vue d’une œuvre de restauration religieuse. Dès que les premiers rapatriés — les plus fervents des exilés — sont revenus à Jérusalem, leur premier soin a été de rétablir le culte de Yahweli (Esdr., m). En toutes ces circonstances, la foi en Yahweh a eu une force et a réalisé des résultats qu’aucune aiitre foi religieuse n’a su promouvoir. — cl) Le messianisme, surtout dans les temps postexiliens, témoigne d’une foi invincible dans le lriom[)hc du droit contre la force et, par contre-coup, dans la puissance et la justice de Yalnveh. A pai’lir de 586, Israël n’a presque jamais connu l’indépendance et, à maintes reprises, le joug de ses niaitres s’est appesanti très lourdement sur ses épaules. Mais jamais il n’a renoncé à ses revendications. Il n’a jamais cessé de croire que Yalnveh régnerait un jour sur le monde, en se servant d’Israi’l pour pro[)ager sou nom. Si les iniquités dont le peuple choisi se rendait sans cesse coupable leur ont fourni l’explication des retards divins, les prophètes ont quand même toujours cru ijue les justes participeraient à ce roj’aume. Le monde entier avait beau paraître ligué contre eux, ils n’ont jamais été ébranlés dans la certitude que leur foi leur donnait touchant le triomphe délinitif de la justice. — (Test ainsi que l’idée messianique contribue à son tour à fortifier les conclusions que nous avons tirées louchant l’origine surnaturelle du monothéisme hébreu.

IV. Idée messianique et Christianisme. — I") liemarques préliminaires. — A. Il est un fait évident et incontesté : c’est que le Christianisme plonge ses racines dans le Judaïsme ; il est né du Judaïsme ; il n’est autre chose que le Judaïsme, débarrassé de certaines servitudes, enrichi de nombreux éléments nouveaux et, de religion nationale qu’il était, devenu religion universelle. Mais il y a plus. Lorsque Jésus a fondé le Christianisme, il s’est présenté comme le Messie annoncé par les prophètes ; c’est même à cause de cette prétention qu’il a été condamné à mort. Puis, quand ses disciples se sont mis à propager sa religion, ils ont été unanimes à montrer dans sa vie et dans son œuvre la réalisation de la grande espérance d’Israël ; en sorte que, par un contraste étrange, le Christianisme s’est posé comme la continuation authentique du Judaïsme ancien ; il a traité le Judaïsme qui subsistait à ses côtés comme une déviation de la religion des Pères ; il a prétendu être le véritable héritier des Pères. La question qui se pose est ainsi îles plus simples : Le Clirislianisme, cpii a le monothéisme en commun avec le Judaïsme, est-il véritablement la réalisation de l’attente des Juifs ? Avant de répondre à cette question, quelques remarcpies sont nécessaires.

U. —.insi que nous l’avons remarqué, lesprophètes

n’ont eu de l’avenir messianique que des vues partielles ; ils ont spécialement ignoré les rapports et distances chronologiques qui devaient exister entre les divers tableaux qu’ils esquissaient. Ce n’est pas à dire que l’introduction de divisions entre ces plans et ces perspectives soit exclusivement notre fait, que pour les établir novis bénéUciions uniquement des leçons de l’expérience. Sans doute, lesprophètes n’ont BU ni plus ni moins qu’ils ne disent. Mais Dieu a veillé à écarter les méprises. Si, en eiîet, il n’a révélé à chaque voyant qu’une partie seulement — tantôt l’une, tantôt l’autre — de ce qu’il se proposait d’accomplir, c’est que ces divers éléments se devaient en réalité distinguer, qu’ils n’étaient, ni logiquement ni chronologiquement, inséparables les uns des autres.

C. — Les divers éléments de l’espérance messianique ont prévalu à des époques dillérentes et en des mesures inégales. Le rétablissement national a toujours compté parmi les données les plus populaires de l’attente. D’une pari, en elTet, Dieu paraît se faire une règle d’accommoder la révélation aux contingences et à la mentalité de ses premiers destinataires ; d’autre part, les Juifs ne pouvaient, à ces é|)oques lointaines, concevoir, en dehors du contexte de leur restauration nationale, le rôle qu’ils devaient jouer pour ladiffusion de la connaissance de Yahweh. Mais ces perspectives temporelles n’absorbent jamais toute l’attention des voyants : la restauration religieuse et spirituelle est toujours, elle aussi, une idée de tout premier plan. Quant aux diverses mo-’dalitcs de ces conceptions fondamentales, elles sont loin d’occuper une place aussi constante et aussi universelle. Le royaume messianique terrestre est l’objet le plus ordinaire de la prédiction prophétique ; en revanche, le royaume eschatologique, si cher aux auteurs d’apocalypses, n’est guère représenté, dans la prophétie, que par Kz., xxxviii, xxxix et y.ach., xiv ; d’ailleurs la distinction des deux phases ne s’allirme que dans Ez., xxxviii.xxxix et, au livre d’Ilénoch, dans l’Apocalypse des Semaines. Le Messie personnel tient une place secondaire relativement au royaume ; encore n’est-il d’ordinaire question que du Messie glorieux (/s., i-xxxix, Mi., Jer., Ez., Zach., i-viii et ix-xiv, diverses sections de Hénoch, l’s. Sal.. xvii, xviii). La vision du Serviteur de’Yahweh, conlinée dans /s., xl-lxvi (cf. Zach. xii, 9, io[ ?|)et l’s. XXII, ne paraît avoir trouve aucun écho dans la littérature apocalyptique ; le Targum d’Isaïe (in loc.) ne s’y est attaché que d’une manière fugitive.

D. — On est enclin à estimer que la diffusion des idées constitutives de l’espérance messianique n’est pas toujours en raison de leur importance. Parmi ces idées, en elTet, il en est qui nous paraissent essentielles, tandis que nous traiterions volontiers les autres comme secondaires, comme caduques, les considérant comme une sorte d’enveloppe et de gaine provisoires destinées à tomber quand la graine sera mfire ; or, à nos yeux, les éléments secondaires sont ceux qui se rattachent à l’attente de la rcslauration nationale. — a) Il va de soi qu’une telle distinction n’est pas formulée dans l’.Ancien Testa ment ; la ision du Serviteur de Yahweh elle-même n’est pas débarrassée de toute perspective matérielle (cf. /.>., Mil, 1 2). Jusqvi’au bout, les Juifs ont étroitement uni l’attente messianique à celle de leur rétablissement terrestre ; l’Evangile porte souvent l’écho de cette double espérance, et elle se manifeste encore d.ins la dernière question que les Apôtres adressent ici-bas à leur Maître (.-iit., i, 6). — h) Toutefois serait-il téméraire de chercher à relever, dans les prophéties elles-mêmes, des indices attestant le caractère secondaire des espérances temporelles ? Elles ne tiennent aucune 1641

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ou presque aucune place dans les oracles les plus beaux et les plus céK’brcs (/s., ii, 2-5 ; xi, i-8 [g^ ; même ts., ix, i-6 ; elc) ; elles paraissentà peine dans les oracles du Serviteur (/s., xiii, t-^ ; xlix, i-7 ; l/, -ii ; LU, 13-Lni, lî). liien plus : certaines idées, (ondaïucntales dans la propUctie, aboutissent à faire regarder comme caducs plusieurs des éléments qui tiennent le plus étroitement à la restauration nationale. La place faite par Ezéchiel à la justice individuelle, en vue de In participation aux espérances, ne s’adapte plus qu’imparfaitement aucontextedu rclabiissement du peuple : un royaume terrestre qui ne compterait que des justes est une chimère. Aussi, après l’exil, les âmes pieuses qui désirèrent travailler plus efficacement à la préparation des desseins de Oieu, se constituèrent-elles en une communauté distincte de la nation, au moins en principe. De même et plus encore, la participation universelle des peuples au royaume messianique entraîne l’abrogation de tout ce qui constitue le particularisme juif, non seulement dans le domaine politique, mais encore dans le domaine religieux ; elle entraîne, par exemple, l’abrogation des observances légales. Si pareille distinction entre les éléments essentiels de l’espérance et ses éléments secondaires est fondée, une conséquence en découle. On peut et on doit parler d’une véritable réalisation de ces espérances, alors même que les promesses matérielles ne se sont pas accomplies.

E. — Il est juste pareillement d’insister sur le caractère conditionnel des promesses matérielles.

— a) Les prophètes préexiliens avaient constamment lié l’avenir temporel du peuple Israélite à sa (idélité à Yahweh ; ils n’avaient pas craint d’affirmer que ses désobéissances attireraient sur lui les Iléaux et la ruine ; il ne survivrait que dans la mesure nécessaire à l’accomplissement des desseins fout spirituels de son Dieu. Sans doute les prophètes parlaient d’une restauration matérielle et, estimant que les châtiments de l’exil suffiraient à mettre pour jamais Israël dans la bonne voie, ils annonçaient ce retour de la prospérité sans poser de conditions. — b) Mais leurs successeurs d’après l’exil ne s’y méprirent pas ; la prospe’rilé des jours antiques ne revint jamais ; ils déclarèrent sans hésitation que la persévérance du peuple dans le péché relardait seule l'œuvre de la miséricorde divine ; il restait d’Israël ce qui était nécessaire pour la poursuite de la haute fin spirituelle que Dieu se proposait ; mais, par sa propre faute, ce reste était voué à la pauvreté et à la misère.

— c)ll en devait être ainsi jusqu'à ce que la venue du Messie eût assuré à tout jamais la réalisation de l’oeuvre spirituelle. A cette date, les Juifs, persévérant dans leurs fautes traditionnelles, se refusant d’ailleurs à reconnaître l’envoyé de Dieu, ne pouv.Tient qu'être, non seulement privés du bénéfice des promesses matérielles qui servaient de cadre à la sainte espérance, mais encore exclus, en tant que nation, de toute part à son accomplissement. Ce sont donc les Juifs eux-mêmes qui ont rendu vaines les promesses glorieuses dont les prophètes subordonnaient la réalisation à la fidélité à Yahweh (cf. Rom., ix-xi).

F. — Il est enfin possible que l’on doive faire intervenir, au moins à titre d’explication partielle, diverses considérations qui dégageraient daantage l<a réalisation des espérances messianiques de la lettre même des promesses temporelles. — a) Ces remarques seraient facilement suggérées, nousserablet-il, parcequ’onlit ilans les apocalypsesapocryphes. Une très grande place y est faite aux perspectives de la ruine, puis de la restitution du monde physique et des sociétés terrestres : — « ) Or, en lisant ces

développements, on est frappé par les traits extraordinaires, et parfois contradictoires, que l’on y découvre. S’agit-il du châtiment ? Les Iléaux les plus épouvantables se succèdent. On remarque tout d’abord la puissance des descriptions qui semblent nous transporter hors du domaine des réalités terrestres. Mais, en analysant <le plus près ces tableaux, on voit que les éléments qui les constituent se laissent ramener, malgré les grossissements les plus caractéristiques, à ces phénomènes qui, dans le monde actuel, apparaissent comme les manifestations les plus sensibles de la puissance et de la justice divines : Iléaux qui jettent la désolation dans les régions sur lesquelles ils s’abattent (épidémies, sécheresses, guerres cruelles, etc.) ; soubresauts qui semblent mettre en péril le monde lui-même (tremblements de terre) ; phénomènes qui, à raison de leur caractère insolite et mystérieux, provoquent la terreur dans les âmes encore primitives (comètes, éclipses, etc.). Bien plus : il n’est pas rare qu’on voie se succéder, en vue de la destruction du genre humain, une série de calamités terribles, dont chacune se présente comme devant aboutira un résultat définitif (cf. lien., xc, 18, ly). Alors même qu’il faudrait faire intervenir la pluralité des sources, ou supposer des interpolations, une chose resterait certaine : c’est qu'à un moment donné, de telles juxtapositions n’avaient rien qui choquât. Les descriptions, qui ont pour objet la reconstitution des choses, suggèrent des réflexions analogues. La manière dont surgissent les nouveaux cieux, la nouvelle terre, la nouvelle Jérusalem ; la fertilité prodigieuse du sol et la longévité phénoménale des hommes, lorsqu’il s’agit du messianisme terrestre ; les changements qui rendent le ciel plus splendide et les astres plus lumineux : beaucoup d’autres traits encore nous transportent dans un monde de rêve, loin du réel et, semble-t-il, du réalisable. — :) L’impression devient plus vive encore si, au lieu de se borner à l'étude d’une apocalypse, on prend une connaissance tant soit peu sérieuse de tout l’ensemble de cette littérature. En comparant et en groupant les divers traits des tableaux, on voit que les auteurs xililisent, chacun dans leur sens, selon leur goùl ou les idées qu’ils veulent faire prévaloir, une série de lieux communs qui se présentent comme traditionnels ou au moins comme suffisamment reçus dans les milieux où ils vivent, où ils écrivent. — /) En conséquence une question se pose : Les auteurs d’apocalypses regardent-ils leurs descriptions du jugement de Dieu et du règne messianique comme étant d’une exacte vérité, comme représentant d’une façon tout à fait objective ce qui doit arriver ? Pour résoudre ce problème d’une façon indépendante, nous avons à réagir contre l’exégèse rabbinique qui non seulement a pris ces exposés à la lettre, mais qui a encore forcé les traits à l’aide de synthèses qui tendaient à rapprocher et à concilier les éléments les plus contradictoires. En réalité, on pourrait avoir des hésitations si. dans chacune de ces œuvres, on remarquait une unité de vue, un enchaînement assez constants. De fait, tel n’est pas le cas, autant qu’on en peut juger à un moment où les problèmes qui se posent à la critique littéraire sont loin d'être tous résolus. On est ainsi amené à penser que lesauteurs d’apocalypses n’ont pas eu, à proprement parler, l’idée qu’ils décrivaient avec exactitude et précision ce qui devait arriver à la fin des jours. Ils avaient des vues très hautes sur la justice et la miséricorde divines, et ce n'était pas en vain qu’ils s'étaient nourris de la lecture des proi)hètPS. Ils avaient des certitudes inébranlables concernant les interventions par lesquelles Dieu rétablirait dans le monde l’ordre troublé par les péchés des hommes. 1643

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Se sentant impuissants à représenter ces sublimes réalités, ils s’elTorçaienl, en empruntant au monde et à riiisloire ce qu’ils renfermaient de plus terrible ou au contraire de plus délicieux, d’en donner des idées suflisanles pour inspirer la terreur aux mccliants et pour aviver les espérances des justes. Une tradition se formait ainsi dans laquelle cliacun pouvait puiser les éléments de ses descriptions. Mais, en y clioisissant les traits matériels dont ils comi)osaient le tableau du bonheur attendu, ils se rendaient compte qu’ils parlaient par figure pour exprimer des réalités qu’ils ne pouvaient atteindre. Ils faisaient un peu ce que nous faisons nous-mêmes lorsque, dans un langage dont nous ne nous dissimulons pas le caractère ligure, nous cherchons à rendre sensiljles les châtiments, de l’enfer et le bonheur du ciel. — L) Si maintenant on veut remonter jusqu’aux origines et aux premières traces de ces manières de parler, on est amené à les trouver dans les livres prophétiques de la Bible elle-même. — k) Sans aucun doute, on ne relève pas dans nos prophètes des descriptions aussi compliquées, des groupements de traits extraordinaires aussi abondants que dans les apocryphes. Maison ne saurailméconnaîtreque beaucoup des éléments, qui ont été plus lard synthétisés et agrandis, se rencontrent, à l'état isolé et sporadique, soit dans les apocalypses canoniques, soit dans les oracles à proprement parler prophétiques. On peut citer, à titre d’exemples : pour les bouleversements cosmiques, /.v., xxiv, 18-20 ; £ :., xxxii, 7, S ; XXXVIII, 19-22 ; XXXIX, g-20 ;./o., ii, 10 ; iii, 4 ; iv, 15 ;.^m., viii, 8, 9 ; ix. 5, 6 ; Mi., I, 4 ; Aa., i, ^ G ; ^oplt., i, 2, 3, iD ; Zach., XI V, 3-5, 0, 7, 12-15 ; pour les splendeurs des temps messianiques, 7s., XXX, 23-26 (surtout 26) ; xxv, 6 ; Ez., XLVII, M 2 ; Os., II, 20 ; ^ m., IX, I 3 ; Zach., xiv, 8, 16-21. — /S) On peut penser sans témérité que, dans ces passages des écrits prophétiques, tout comme dans ceux des apocalypses ai)ocr}'phes, ces traits ont un caractère métaphorique, ou au plus une valeur typique et spirituelle ; en grandissant, en transformant les phénomènes qu’ils empruntaient au monde actuel, les voyants avaient pour but d’inculquer que, si les réalités présentes pouvaient suggérer qm-Ique chose de ce que Dieu produirait aux jours de ses interventions les plus solennelles, ee n'était que d’une manière approximative, dans la mesure où ce qui est terrestre et imparfait peut figurer ce qui est divin et parfait. — y) Mais faut-il restreindre cette remarque aux seuls traits des descriptions iirophéliqucs (lui nous déconcertent par leur caractère insolite ? îs’e serait-il pas tout indiqué de l'étendre à l’ensemble de ces descriptions de bonheur matériel, de prospérité temporelle, par exemple, dont les éléments, pour magnifiques qu’ils soient, ne sortent pourtant pas des limites de ce qui est normalement réalisable ? Ne serait-on pas amené à penser qu’en élaborant ces tableaux de prosiiérité temporelle les prophètes songeaient à des biens supérieurs dont ceux qu’ils incitaient en avant, ])arce que seuls ils étaient susceptibles d'être compris, n'étaient que le tjpc et la figure ? — 5) Une remarque serait de nature à appuyer une réponse adirmative. On saisit à plusieurs reprises dans les livres prophétiques que l’expression a jour de Vahweli » est une expression courante et reçue (/i., xiii, 6 ;.S’o., i, iiî-18 ; J<i., i, 15 ; II, i ; etc.). Amos (v, 18-20) laisse elairenient entendre que la formule était connue, non seulement dans les cercles prophétiques, mais encore dans les milieux populaires. I.a différence entre les voyants et leurs auditeurs venait surtout de la manière dont les uns et les autres entendaient ce langage ; pour le peuple, les terreurs et le châtiment étaient le partage des étrangers, les béncdiclions étaient l’héritage

d’Israël ; pour les censeurs de ses désordres, Israël devait connaître les horreurs de ia punition avant de participer aux faveurs. Mais, cette réserve faite, qui est fort importante, on peut i)enser d’abord qu’il y avait une manière commune, jjopulaire, de traduire les espérances et les phases successives du jugement divin ; on peut penser ensuite que les prophètes ont utilisé ce langage, tout en faisant les transiiositions A oulues, tout en lui attribuant une portée en relation avec les idées supérieures qu’ils prêchaient. A notre tour, quand il s’agit de parler de l’au-delà, nous ne reculons pas devant les descriptions capables de frapper la foule, tout en n’ignorant pas ce qu’elles ont d’inadéquat. — c) Mais il faut aller plus loin. On ne saurait garantir qu’en ])arlant du jour de Yahweh le peuple ne^prit pas à la lettre les descriptions qui nous semblent les plus fantastiques. Est-on fondé à admettre qu’en faisant parmi ces images un choix discret les prophètes aient toujours eu conscience de parler par métaphores, ou encore d’exprimer par des types et des figures des réalités qu’ils ne pouvaient représenter directement ? Est-on fondé à dire que, parlant de promesses temporelles, ils savaient qu’ils se bornaient à donner un revêtement sensible à des perspectives avant tout spirituelles ? La question est délicate. Nous ne sommes pas décidés, nous l’avons montre, à dire, avec certains apologistes, que l’espérance et les prophéties messianicpies se sont réalisées tout autrement que les voyants les avaient conçues ; autant vaudrait dire, à notre sens, que les prophéties ne se sont pas accomplies, qu’il n’y a pas eu autre cliose dans l’Ancien Testament qu’une orientation générale des âmes vers le Christ. Mais, d’autre part, nous admettons, avec toute la tradition chrétienne, l’existence de prophéties spirituelles à c6té des prédictions littérales (fid. infin). Or personnelle songe à dire qu’en posant les actes, en mettant en scène les personnages, en décrivant les institutions qui avaient une valeur et un rôle figuratifs, les auteurs sacrés aient eu une conscience toujours claire de ce deuxième sens de leurs écrits, beaucoup plus important souvent que le sens littéral. Ne pourrait-on pas appliquer cette manière de voir au cas qui nous occupe ? Ne pourrait-on pas croire que, tout en ayant l’impression générale de décrire des choses qui les dépassaient, les prophètes, en traçant le tableau de la prospérité matérielle aux temps messianiques, n’ont pas toujours vu plus loin qu’ils ne le laissent entendre, n’ont pas toujours découvert, jiar delà le sens littéral de leurs ]iaroles, les richesses du sens spirituel qu’elles renfermaient ? Il y aurait peut-être lieu de rappeler ici une distinction opportune et qui, par son ampleur, dépasse le point concret qui nous occupe : c’est la distinction entre l’idée révélée et son expression. Dieu donnait aux prophètes l’idée des biens messianiques. Cette idée pouvait être et était souvent de fait très précise, nettement orientée vers les réalités spirituelles : le langage du prophète l’exprimait alors d’une façon aussi adéquate que possible. Mais, en d’autres cas, l’idée restait ]ilus ou moins vague, plus ou moins indéterminée ; sans doute elle n'était pas explicitement, ni surtout exclusivement, dirigée dans le sens des biens temporels ; mais elle n'é oquait pas clairement les disions d’ordre spirituel ; elle restait neutre, pourrait-on dire. C’est cette idée un peu imjiréeise ipie, sans se prononcer sur la valeur objective (les images, les jiropliètcs ont crprimée en figure de biens temporels. — rf) A l’appui de cette interprétation spirituelle des promesses temporelles, on (lourrait faire valoir quelques textes du Nouvcau Testament (cf. Luc, x, 20, llt’hr., xii, 23 et /s., iv, 3 ; Act., XV, 16 el.im., ix, I 1, 12 ; etc.) et de nombreux 1645

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textes des Pères, dans lesquels ou est plus souvent porté à voir des ap|)lientions accouuuodatices.

G. — D’ailleurs certains éléments, utiles à la solution de la dilliculté qui nous occupe appartiennent à la théorie générale de la prophétie (cf. article PaopuÉTii.).

2" Jiéalisalion de l’espérance mos ! <l<iiu(jiie. — Après ces remarques, il est aisé de constater que l’argument apolo^’étique de l’espérance nu-ssianique, de l’accomplissemeut des iirophéties, garde toujours sa ijlcinc valeur.

A. — Avant l’exil, les prophètes avaient prédit que la restauration nationale aurait avant tout une lin religieuse. Or nous avons vu que les différentes caravanes de rapatriés, <|ui se sont succédé depuis 538 jusqu’à Esdras, ont eu pour premier et principal dessein le rétablissement et le i)rogrès du culte de Yahweli. Avec Esdras, leurs ell’orts ont fini par aboutira la fondation du Judaïsme, institution éminemment religieuse. Jamais d’ailleurs, même aux heures où le Judaïsme se montra le plus rigide, ses fauteurs ne renoncèrent à cette espérance que la religion de Yahweh deviendrait un jour la religion de l’humanité.

B. — Renoncer à cette espérance, eut été renoncer à une idée sur laquelle tous les proiihètes s’étaient montrés d’accord. Or, sur ce point encore, l’événement leur a complètement donné raison. Aujourd’hui le monothéisme est le trait qui distingue les pénibles civilisés des nations barbares. Et le monothéisme que le christianisme a projiagé n’est pas le monothéisme de la philosophie, celui de Platon oud’Aristote ; c’est le monothéisme de la révélation. La philosophie peut intervenir pour en rendre la conception plus précise, mais elle ne travaille qu’en se mettant au service et sous le contrôle de la révélation ; il s’agit pour elle, non de trouver, mais seulement d’exposer le donné de la foi. Sans doute le nom de Yahweh est peu connu des chrétiens. Lorsque le Christianisme a reçu les Ecritures juives, il y avait longtemps déjà que ce nom divin était traité comme ineffable et rem|dacc dans les lectures par Adonay, le Seigneur. C’est sous ce nom que le Dieu d’Israël a fait son entrée dans le Christianisme. Mais c’est bien lui que l’univers chrétien adore. Non seulement l’Eglise a reçu comme canonique l’Ancien Testament aussi bien que le Nouveau ; mais la prédication des Apôtres et de tous leurs successeurs, mais les formules de la prière liturgique chrétienne sont perpétuellement remplies du souvenir de ce r|ue le Seigneïir a fait pour Israël et ses ancêtres. On pourrait même dire que, dans certaines perspectives religieuses, le Dieu d’Isracl a gardé plus d’un caractère que la révélation du Christ semblait davantage atténuer ; le Dieu Père n’a pas toujours prévalu sur le Dieu des armées, des orages et des terreurs. Mais, laissant de côté ces tendances particulières, un point reste établi : aux jeux du chrétien, la révélation de l’.

cien Testament apparaît comme l’une des phases initiales de la révélation qui est devenue définitive en la personne de Jésus.

G. — D’après les prophètes, la diffusion du culte de Yahweh au milieu du monde devait être l’œuvre d’Isracl. Or l’on sait que le Chrislianisme, fondé par Jésus, dont les origines terrestres étaient juives, a été propagé au milieu du monde par douze iils d’Israël, que la source du fleuve chrétien est essentiellement israélite. Ces Juifs sans doute, pour accomi)lir leur œuvre, ont dû se débarrasser de toute une partie du joug que la Loi faisait peser sur eux. En cela l’on peut dire, abstraction faite des huuières supérieures qui éclairaient leurs âmes, c|u’ils ont eu l’intuition des eUangenienls qiie réclamait l’universali sation delà religion d’Isracl. Les observances légales, surtout sous la forme compliquée qu’elles revêlaient à réi>o(iue de Notre-Seigneur, pouvaient servir à rendre plus compacte l’unité juive, au milieu des assauts qu’elle subissait sans cesse. Mais elles aboutissaient essentiellement à river la foi antique à une seuleracc, à un seul ])euple. Aussi, tandis que le Judaïsme proprement dit allait se replier de plus en plus siu’lui-même, les Apôtres chrétiens, en supprimant les barrières de la Loi, devaient rendre le nouveau judaïsme, s’il est ainsi permis de parler, accessible à tous les hommes. Les prophètes, il est vrai, ne s’étaient pas bornés à annoncer que le culte de Yahweh se ré[>andrail par toute la terre ; ils avaient déterminé quel serait ce culte. N’y a til pas à craindre, dès lors, qu’en débarrassant le Christianisme des observances légales, ses premiers apôtres n’aient dévié de la voie que les pr()|)liètes avaient tracée ? Il n’est pas besoin d’une longue réflexion pour dissiper cette crainte. S’il est un thème sur lequel les proj )hètes soient unanimes, c’est celui de l’importance prépondérante de ce culte intérieur qui consiste dans le res|)ect, l’amovir, le service de Yahweh, mais aussi et surtout peut-être dans Pobservation de ces lois morales qu’il a écrites au fond des consciences. Il est des inspirés qui ne s’occupent pas du culte extérieur qui peut plaire à Dieu ; mais ceux-là même qui en parleni davantage ne se taisent pas sur l’importance du culte intérieur. C’est ilone que celui-ci tient la place essentielle, quc les formes liturgiqiu^s du judaïsme sont secondaires et peuvent devenir cadu([ues. De fait, les iirophètes antérieurs à l’exil se bornent à condamner les rites dépravés dont ils sont les témoins ; ils ne donnent aucune place aux observances dans leurs iierspcctives d avenir. Bien plus, il en est qui renoncent aux objets les plus sacrés du culte israélite de Yahweh. Jérémie sait, et ne s’en met pas autrement en peine, que le jour viendra où on ne dira plus : « L’arche de l’alliance de Yahweh I », où on n’y pensera plus, où on ne la regrettera plus, où on ne songera pas à en faire une autre (Jcr., iii, 16). Il entrevoit même, sans plus d’inquiétude, que le Temple de Jérusalem puisse disparaître comme celui de Silo (/er., vii, 12-15). On peut donc dire que saint Paul, en supprimant les observances légales, entrait pleinement dans les vues de ces prophètes. Quant à Ezéchiel, si son attitude est autre par rapport à la liturgie, c’est que, malgré le caractère très idéalisé <le certains traits de sa grande vision (cf. /^c, xlvu XMiii), il se place surtout en présence de cette restauration israélite du culte de Yahweh qui doit précéder la grande diffusion religieuse et le royaume universel. — L’on peut donc dire que le Christianisme réalise pleinement le programme de religion intérieure cher aux prophètes ; que ceux ci autorisaient pleinement les propagateurs de l’ordre nou^ eau à renoncer aux observances sj>éciiiqxicment juives et à les remplacer — car il faut toujours un culte extérieur — par des pratiques mieux en rapjjort avec le caractère universel de cet ordre nouveau.

D. — Des prophètes avaient prédit que, pour la formation et le gouvernement du royaume futur, Yahweh aurait un représentant, véritable roi, descendant de David, tout pénétré d’influences divines, tout envahi par l’Esprit i)Our accomplir l’œuvre merveilleuse à laquelle il était destiné. Or ce fut un descendant de David qui, à un moment où les espérances étaient les j)lus vives, annonça que la plénitude des temps était arrivée. On l’entendit déclarer qu’il était le représentant de Yahweh pour la réalisation dis anti<(ues promesses, qu’il était rempli de l’Esprit de Dieu pour porter j)artout la bonne nouvelle du salut. Il se mit à l’œuvre, entouré d’un 1647

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groupe de disciples qu’il avait choisis. On sait quel l’ut son succès. En dehors de ce qui reste du judaïsme lige dans ses observances, en dehors de cette régression lamentable qu’a marquée l’islamisme, le monothéisme s’appelle christianisme. Parlout où le Dieu des Juifs a clé prêché, on salue Jésus de Nazarelli comme le libérateur, le sauveiir, le roi éternel des siècles. — Entin l’on sait quelle altitude Jésus a prise vis-à-vis des formes diverses de la grande espérance. Il a résolument renoncé aux rêves de restauration nationale qui séduisaient alors un si grand nombre de Juifs ; il a déclaré que son royaume n’était pas de ce monde Ç/uan., xviii, 36). Il a rerais à son second avènement la consommation de l’œuvre divine, ce triomphe et ce règne eschatologiques dont l’annonce tenait une si grande place dans les apocalypses. Pour sa vie terrestre, le programme qu’il a adopté a été celui du Serviteur de Yaliweh, si admirablement décrit dans /s., XLii, i-4 ; XLix, 1-7 ; Lii, l3-Liii, 12. C’est en apùlre, en missionnaire qu’il a entrepris la conquête du monde. C’est dans la mort sur la croix qu’il a vu et accepté le suprême moyen de procurer le racliat de l’humanité. Et c’est la folie de la croix qui a vraiment rallié le monde à Yahweh ; partout où on offre aujourd’hui des sacriûces au Dieu d’Israël, c’est sur un autel surmonté d’une croix. Et tandis qu’à Jérusalem le vieux Temple de Yahweh a été profané et détruit jusqu’aux fondements c’est, à quelques pas de là, vers le sanctuaire qui abrite le Calvaire et le Sépulcre, que se donnent rendez-vous les foules avides de connaître le vrai Dieu.

3° Prophéties littérales et Prophéties spirituelles.

— A. Il est (loue facile, en s’en tenant à ces grandes lignes, de montrer dans la religion chrétienne la réalisation des espérances prêchées aux Juifs par les prophètes. Mais les premiers propagateurs du Christianisme et beaucoup de ceux qui les ont suivis ont poussé plus loin l’argumentation. Ils ont établi un parallélisme entre nombre de faits appartenant à la vie de Jésus ou se rattachant à son œuvre, d’une part, et, d’autre part, nombre de textes précis de l’Ancien Testament. Parmi les passages cités, il en est à la vérité qui, au sens littéral, sont réellement ræssianiipu’s et concourent à exprimer et à documenter la grande espérance dont nous avons esquissé l’histoire ; il est tout natiu’el que la première apologétique chrétienne ait mis ces textes en présence des laits qui en étaient l’accomplissement (cf., à titre d’exemples : Malth., i, 20-a3 avec /s., vii, 14 | ?) ; m. 17, avec Ps. II, 7, et Is., xlii. i ; xii, 17-21 avec /s., xi.ii, 1-4 ; XXII, /|4 avec Ps., c.k, 1 ; xxvi, 31 aec Ziicli.. xiii, 7 ; xxvii, 46 avec Vs. xxii, 2). Mais, en une foule d’autres cas, les rapprochements des faits et des doctrines évangéliqiies ont lieu avec des textes qui, au sens littéral, ne serapporlentni au Messie ni à son œuvre, ou qui, du moins, ne s’y rapportent pas selon la signification indiquée par le Nouveau Testament. Tantôt on allribue à un détail du texte une précision qu’à l’origine il ne comportait pas (cf. Matth., XXI, /(-5 avec’/.ach.. ix, 9. à propos de lànesse et de l’ànon). Tantôt le texte n’est en rapport avec le fait que grâce à une leçon particulière aux Septante {cf.Mallh., iii, 3 avec /s., xi„ 3 ; xiir, 3j avec Ps. i.xxviii, 2 ; XXI, iG avec P.s. viii, 3). On ^ oit encore : des textes d’une portée générale restreints à une signilication très particulière (cf. Matth., iv, G avec /’.v. xr.i, 11, 12) ; des textes ridalifs à Yalnveh qui sont appliqués au Messie (cf. Matth., iii, 3, avec Is., xl, 3) ; des textes relatifs à Israël <|ui sont interprétés du Messie (cf. Matth., II, 13-15 avec Os., xi, i) ; des rapprochements beaucoup plus artiticiels (cf. Matth., xxvii y, 10 avec /rtc/i., XI, 13 ; c’est surtout dans saint Paul

que de telles explications abondent). (Cf., pour certaines des particularités de détail que nous venons de signaler, dom Galmet, Commentaire littéral sur saint Matthieu, 11, 13-15 ; iv, 6 ; xxi, 4.5, iG ; pour le principe même du sens typique, dom Galmet, Commentaire littéral sur Isaie, préface générale, article V, Clarté et obscurité respecli^’e des prophéties ; leurs dierssens ; Jésus-Christ objet général des prophéties.)

B. — On peut voir se reiléter en de pareilles interprétations les procédés subtils d’exégèse en vigueur chez les rabbins aux abords de l’ère chrétienne. Elles témoignent certainement de deux choses en tout cas.

— a) D’abord, qu’à l’époque où Xolre-Seigneur est venu sur la terre, le monde juif était dominé jjar la grande espérance du Messie. L’argumentation des Apôtres n’aurait eu aucun sens si les Juifs n’avaient été dans l’attente du Sauveur et n’avaient basé cette attente sur leurs prophéties. — b) Les citations évangèliques et apostoliciues témoignent, en outre, du lien que très généralement on établissait entre le présent et l’avenir. On ne se bornait pas à entendre de cet envoyé de Dieu les textes qui en parlaient explicitement. Mais on était persuadé que tout l’Ancien Testament recevrait un accomplissement dans l’œuvre niessiani(]ue et, de cette persuasion, l’on tirait des conséquences : d’une part, que tous les détails de l’Ancienne Loi trouveraient leur réalisation dans la vie et l’œuvre du grand Libérateur ; d’autre part, iiiie, pour avoir la connaissance et l’intelligence de ce que ferait le Messie, il sullisait de scruter les Ecritures antiques ; la manière dont Hérode reçoit les Mages et consulte les prêtres et les scribes (Matth., 11, 4-G) est instructive à cet égard.

C. — Or, si beaucoup de textes de l’Ancien Testament se rapportaient littéralement à l’espérance messianicpie, un plus grand nombre encore lui étaient en cette manière complètement étrangers. De ces derniers, l’exégèse était dominée par ce principe que toute l’économie de la Loi était ligurative de l’ordre futur, que les personnages, les institutions, les usages d’antan étaient des symboles, des types, des ombres de ce qui devait se réaliser dans l’avenir. Ce principe, cher à l’exégèse juive, a été adopté par l’apologétique chrétienne. Saint Paul l’a consacré (I Cor., X, 6). Il tient une grande place dans les écrits apostoliques. Même cette prophétie « typique »,

« figurative », est en si haute estime qu’on ne songe

nullement à lui attribuer une valeur moindre qu’à la projihétie littérale : l’une et l’autre se présentent simplement comme la prophétie qui doit être réalisée par le Christ. Aussi bien, quand une fois la tradition s’est prononcée sur le sens messiani<iue d’un texte, on ne s’inquiète plus des niolii’s qui ont pu l’innuenccr ; en beaucoup de cas d’ailleurs, on ne serait jias en mesure de les découvrir.

D. — Il n’y a pas à justilier toutes les déviations que l’exégèse inessiani(iue des Juifs a fait subir au sens littéral des textes. De même l’on doit regarder. comme purement accommodatices les applications i que, peut-être sous l’influence du milieu ambiant, i les apôtres font à Notre-Seigneur et à son œuvre de paroles qui ne se rapportent à ce sujet, ni au sens littéral ni au sens s|)irituel. Quant aux applications basées sur le sens typique ou figuratif, rien de plus facilement justifiable. — a) L’étude de l’idée luessianiiiue et de sa réalisation aboutit en effet à nous faire voir dans l’ordre ancien et dans ror<lre nouveau les deux parties d’un tout organique d’une parfaite unité. Il devient dès lors comme très naturel de penser que, non content de i)ré(lire en des formules expresses son ivuvre future. Dieu a fait converger vers elle tout le dévelo])pcnient de l’ancienne économie. — /’) Or, quand on jette un coup d’œil 1649

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sur l’histoire de la religion cl du peuple juifs, on arrive bien vite à se convaincre que cette lijpotliése correspond strictement à la réalité : — a) L’on pourrait remonter jusqu’aux ancêtres d’Israël, aux patriarches, pour trouver, dans ce qui nous reste de leur histoire, des traces frappantes de ce plan divin. Kn faisant commencer ces remarques avec les origines pro-Iirement dites de la nation Israélite, on constate que, par le ministère île Moïse, c’est le nom de Valnveh, le nom du Dieu qui sera un jour honoré i)ar tout l’univers, (]ui groupe, pour les séparer du reste <lu monde, en queli|ue sorte abandonné au paganisme, les tribus qui vont constituer le peuple d’Israël. C’est ce même nom qui sert de mot d’ordre pour toute l’œuvre de la conquête de la Terre Promise. — / ?) C’est ce même nom qui, pendant la période si tourmentée des Juges, maintient l’esprit national dans les àmcs qui savent le garder ; c’est lui qui, aux heures particulièrement critiques, a assez de force pour assembler à nouveau les tribus et leur faire réaliser contre de redoutables ennemis des elforls décisifs. L’on saisit en toute vérité, à ces origines de l’histoire juive, que c’est Yahweh lui-même qui se forme un peuple pour en recevoir les honneurs auxquels il a droit et qui prépare à ce peuple des destinées uniques. — /) La période de la royauté est marquée par d’étranges vicissitudes, au point de vue religieux plus encore qu’au point de vtie politique et social. A plusieurs reprises, on a l’impression que la religion mosaïque va sombrer au milieu des cultes idolâtriques. Mais toujours se manifeste la Providence très particulière de Dieu ; toujours il se réserve un groupe de lidèles ; pour les soutenir et pour faire triompher la juste idée de sa religion, il fait surgir une série d’àmes inspirées qui deviennent ses représentants et ses champions. C’est ainsique le yahwisnie survit aux assauts qui semblaient devoir l’anéantir. Bien plus : c’estaumomentoù cesassautsdeviennent plus redoutables que les représentants de Yahweh proclament avec plus de force les destinées futures de sa religion ; c’est à partir de ce moment que les événements se précipitent, avec plus de rapidité et d’une manière plus caracléristique, en vue de les réaliser. — c) Le coup qui semblait devoir être fatal à Israël fut des plus ellicaces pour préparer l’avenir du monothéisme :

— xy)Ce fut, nous l’avons dit, la foi en Yahweh, comjilélée par la perspective des plus glorieuses destinées, qui empêcha le peuple Israélite de sombrer pour jamais sous le coup de la tempête ; ce furent cette foi etees perspectives qui maintinrent et excitèrent dans lésâmes (idèlesle désir de la restauration. — 53) Mais, en même temps, des transformations s’opéraient dans la vie religieuse des Juifs, qui devaient être extrêmement signifleatives en vue des propagandes futures. En Palestine, la religion était étroitement liée aux sanctuaires et aux institutions liturgiques dont ils étaient les centres. Depuis la réforme de Josias, le culte authentique des lidèles de Yahweh était le culte du Temple, à telle enseigne qu’en dehors de ses parvis aucun acte spécifiquement religieux ne pouvait s’accomplir. Le séjour en Chaldée allait avoir pour effet de faire comprendre, non seulement que la religion de Yahweh n’était pas liée à un paj’s et à une ville, mais qu’elle devait subsister en dehors du système d’institutions qui, à un grand nombre, avait paru essentiel ; c’était comme un premier pas vers l’abrogation des observances légales que saint Paul devait prononcer. — //) Sur la terre d’exil toutefois, il était absolument nécessaire de se prémunir contre des intluences à ce point délétères qu’elles eurent raison des attitudes religieuses d’un grand nombre de déportés ; il fallait se défendre contre le prestige éminemment séducteur des dieux étrangers. Loin du

Temple et de ses cérémonies, on ne pouvait le faiie qu’en développant ces éléments constitutifs du culte intérieur — le seul qui dût par la suite subsister — qui sont la foi, l’amour, le souci de la justice et de la vie morale. — ôS) Cependant l’attention se concentrait sur cette littérature du passé que les scribes recueillaient, ordonnaient, étudiaient, enseignaient ; on s’accoutumait à aller y chercher l’inspiration de ses sentiments religieux et la règle de sa foi ; de la sorte, se préparait la juxtai)osition, puis la substitution de la religion du Livre Saint à la religion du Temple : nouvelle transformation des plus importantes en vue de l’avenir. — £) A partir de l’édit de Cyrus, on vit se dessiner un double courant dans la religion juive. En Palestine, le terme du mouvement fut l’organisation de plus en i)lus stricte du Judaïsme. On peut n’avoir qu’une sjnipathie restreinte pour ces tendances, surtout pour les excès qui devaient aboutir aux étroitesses du pharisaïsnic. Mais on ne saurait méconnaître le caractère hautement providentiel de l’institution fondée par Esdras. A une éjiociue où Israël allait se trouver perpétuellement mêlé aux nations, où un si grand nombre de ses lils allaient subir l’ascendant des civilisations étrangères, il ne fallait, pour préserver la religion authentique de Yahweh, rien moins que les barrières étroites du Judaïsme : l’on peut se demander ce que seraient devenus, humainement parlant, ces trésors, futures richesses des nations, s’ils n’avaient été gardés par une austèreetvigilante orthodoxie. C’estau Judaïsme aussi que nous devons la conservation de nos Ecritures ; c’est son intransigeance qui a préservé le saint recueil contre l’invasion detant de productions apocryphes, indignes d’y figurer. — ;) Il n’en est pas moins vrai que nous nous tournons plus volontiers vers ces colonies de la dispersion, vers celles-là surtout qui, après l’exil et sous l’influence des circonstances politiques, se multiplièrent dans le monde grec. Par elles, en effet, la foi religieuse, soigneusement gardée dans le Judaïsme palestinien, commença à se répandre parmi le monde païen ; par elles les nations entendirent pour la première fois parler de Yahweh et, après l’avoir d’abord considéré avec toutes sortes de suspicions, s’accoutumèrent à le respecter. Par elles furent posés, en toute vérité, les premiers jalons sur la route que devaient suivre les missionnaires du ro3aume messianique. — r, ) Un dernier signe enfin permettait de s’apercevoir que l’on allait à grands pas vers la plénitude des temps. Les persécutions dont les Juifs avaient été les victimes avaient exaspéré en leurs âmes le sentiment de l’attente messianique. De là ces multiples productions qui, en reprenant le thème de l’antique espérance, en altéraient les données par de multiples corruptions : si jamais l’œuvre de Dieu devait se réaliser, le moment était venu où, en les accomplissant, ! e Messie dégagerait les promesses authentiques de tous les éléments étrangers qui risquaient de les dénaturer. — S) Il est donc aisé de constater, l’histoire en main, l’unité profonde de l’action divine mettant tout en œuvre pour conserver ce monothéisme qui doit être la religion de toute la terre, et pour en [)réparer la diffusion. Il est aisé de saisir les liens qui unissent les deux Testaments comme les deux parts d’un seul et même tableau.

E. — S’il en est ainsi, on est amené naturellement à admettre qu’un même Esprit agit d’un bout à l’aulre de la grande œuvre judéo-chrétienne. — o) Sons le nom d’esprit prophétirpie, il domine toute l’économie ancienne ; la religion de Yahweh est surtout la religion prophétique. Or l’Esprit qui l’inspire ne se manifeste pas seulement en annonçant, de temps à autre et par des déclarations expresses, ce qui doit 1651

JUIFS ET CHRÉTIENS

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arriver dans les temps futurs. Il pénètre entièrement l’antique institution. C’est lui qui bannit du culte de Yaliweh les pratiques qui déshonoraient tant de religions antiques. C’est lui qui donne à des rites, pareils bien souvent à ceux des sanctuaires étrangers, ces hautes signilications que vainement l’on chercherait ailleurs. C’est lui qui guide les auteurs sacrés dans la rédaction de l’histoire d’Israël et dans l’appréciation des événements qui en constituent la trame. Mais doit-on s’arrêter à ces lignes générales ? … N’est-il pasplusjuste devoir cet Esprit intervenir dans le détail des événements et des institutions ? — II) Or s’il est un principe sacre, quand il s’agit de l’action de Dieu, c’est qu’elle se produit rarement par coups de théâtre : Dieu prépare par degrés les grandes choses qu’il a résolu d’accomplir ; il procède, avant le dessin définitif, à des ébauches et à de premiers essais. Comment n’en serait-il pas ainsi quand il s’agit de son œuvre par excellence ? L’Ecriture elle-même nous invite à rechcrclier de pareilles relations entre les événements qui se succèdent : les prophètes ne signalent-ils pas la sortie d’Egypte comme une figure de la délivrance de l’exil (Jer., xvi, i^, 15 ; XXIII, 7, 8, cf. Is., xliii, 18, ig »). N’est-ce pas nous inviter à voir à notre tour dans la délivrance de l’exil la figure de la grande rédemption messianique ? N’est-ce pas justifier tous les apologistes qui sont allés chercher dans l’ancienne religion les figures et les types de la nouvelle ? — c) lis n’étaient pas dans l’erreur quand les interventions de Dieu, au cours de l’histoire juive, leur apparaissaient comme le prélude des splendides interventions qui devaient marquer l’inauguration et le progrès du royaume me3sianique ; quand les grandes âmes de l’ancienne Loi leur semblaient être les premières esquisses des nobles âmes qui devaient présider à la diffusion de la religion de Yahweh dans le monde, de celle-là surtout qui devait dominer toutes les autres et demeurer à jamais l’idéal vivant auquel elles chercheraient à se conformer ; quand ils voyaient dans les vieux rites mosaïques eux-mêmes l’ombre des augustes réalités de l’ordre nouveau. Ils n’étaient pas dans l’erreur quand ils résumaient leur pensée dans la vieille formule : yoium Tcstameutiim in Veteri laiet, J’cliis in iVoi’O patet. Elle n’était d’ailleurs qu’une transposition de celle qui inaugure si magistralement l’Epitre aux Hébreux : MiiUifariam mulliaqtie modis otim Deiis hirjuens paliibus in prophclis, notissime diebiis islis loctitus est nobisin Filio {juem constituil Itercdem uni^ersorum (IJebr., i, i, 2).

J. TOUZAUD.