Dictionnaire apologétique de la foi catholique/Inquisition

Dictionnaire apologétique de la foi catholique
Texte établi par Adhémar d’AlèsG. Beauchesne (Tome 2 – de « Fin justifie les moyens » à « Loi divine »p. 418-452).

INQUISITION. — L’hérésie est aussi ancienne que l’Eglise : dans tous les siècles et dans tous les pays, elle a opposé à la doctrine catholique ses négations ou ses interprétations particulières du dogme chrétien. Il y eut cependant des époques où elle se montra i)lus dangereuse pour l’unité catholique et où l’Eglise crut nécessaire de prendre contre elle de plus grandes précautions. Au xii’et au xni* siècle par exemple, la dilTusion du calharisme dans l’Europe oceideiitale menaça d’enlever à l’Eglise des régions entières ; et une guerre à outrance, qui dura plusieurs générations, s’engagea entre elle et lui dans le Midi de la France et le Nord de l’Italie. Au xvi* siècle, le protestantisme la supplanta dans un grand nombre de pays el se tlatta même de la détruire.

Au cours de ces crises redoutables, elle décréta (les mesures de répression contre les hi’-rétiques, de concert avec les puissances temporelles, et c’est ainsi que naquit et se développa l’Inquisition. Cette institulioiv n’a pas été créée de toutes pièces et elle n’est pas demeurée identique à elle-même au cours de son histoire. Elle s’est adaptée aux paj’set aux siècles qui l’ont vue apparaître, aux circonstances qui l’ont provoquée. Née presque jiartout de la collaboration de l’Eglise et de l’Etat, elle a subi l’inlluence de ces deux

puissances, l’une et l’autre diversement responsables de sa marche et de son action. C’est ce que ne doit jamais oublier l’historien qui veut retracer et apprécier son rôle’.

Aussi distinguerons-nous dans cette étude plusieurs sortes d’Inquisition :

i" L’Inquisition du Moyen Age, qui s’est surtout exercée contre les Cathares et les Vaudois au xii’et au XIII’siècle, et contre les hérésies franciscaines au XIV’ ;

2° L’Inquisition espagnole, qui a pris un caractère plus national que politique le jour où elle a défendu contre les Maures et les Juifs l’intégrité de la race espagnole et est devenue, entre les mains des souverains, un instrument d’unification nationale et d’absolutisme royal ;

3 L’Inquisition romaine du xvi’siècle, réorganisée pour arrêter les progrès du protestantisme’-.

Origines. — L’Inquisition du Moyen Age n’atteignit son organisation définitive qu’après de longs tâtonnements, et ce fut progressivement que, sous des iniluences multiples, les papes finirent par l’établir. Aussi est il nécessaire de remonter aux lointaines origines de cette institution pour bien comprendre et apprécier les raisons qui l’ont fait créer.

On l’a maintes fois fait remarquer, jusqu’à l’an mil, l’hérésie a rarement été réprimée par la violence. Au dire de l’historien libre-penseur Lea (Histoire de Vinquisitinn, I, p. 130)les papes eux-nièuies la laissèrent à peu prés libre, malgré le nombre considérable d’adeptes quelle avait faits. Le pasteur ScHMiurdans son Histoire des Cathares albigeois et M. l’abbé Va-CANDAni ) dans son ouvrage sur V Inquisition font la même remarque.

Vers l’an mil, à cause des relations de plus en plus fréquentes de l’Occident avec l’Orient, les doctrines cathares se propagèrent avec rapidité dans l’Europe latine et germanique. On en signale simultanément l’apparition en France, en Aquitaine, en Italie, en Allemagne, en Flandre. En ggi, elles étaient déjà si répandues en F’rance qu’avant de prendre possession (le son archevêché de Reims, Gerueht crut nécessaire de les répudier par un serment solennel. Ces doctrines n’étaient ni originales, ni neuves ; par une tradition ininterrompue, elles |)rovenaient de ces sectes manichéennes qui avaient survécu aux persécutions dirigées contre elles par l’Empire romain et s’étaient perpétuées pendant tout le haut moyen âge dans les régions orientales, les provinces de l’Empire byzantin, el même dans certains pays de l’occident latin (Lba, op. cit., I. p. 121).

Leurs progrès ne semblent pas avoir modifié l’attitude tolérante de l’Eglise. Elle ne les combattit, au XI* el dans la première moitié du xii’siècle, que par la controverse et par des sanctions d’ordre spirituel. Vers joo/i, un laïque de Vertus, au diocèse deChâlons, nommé Leutahh, prêchait publiquement le manichéisme. Estimant, comme tous les Cathares, que le mariage est illicite et que nul ne saurait se sauver en dcmeuranl dans cet état de péché, il avait renvoyé sa femme ; pour prouver l’inanité du culte de la croix et des saints, il avait brisé lui-même, dans l’église de son pays, le Crucifix el les saintes images. Enfin, il niait l’autorité du clergé et excitait les paysans à refuser le paiement de la dime ecclésiasiique. De pareils actes avaient causé des désordres ; el nombreux

1. Pour les questions de principes ici engagées, voir l’article IIkki’ : sie.

2. Ici nous ne parlerons que do VInquisition au Moy^n .4 » e, réservant pour l’article Oifice (Saint) ce qui nous rester.’» à dire sur l’Inquisition espagnole et l’Inquisition romaine. 825

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étaient les paysans qui, les armes à la main, s’étaient groupés autour de Leutard. Il fut dénoncé à l’évêque de CÎiàlons comme hérétique el perturbateur de l’ordre ; l’évêque Gébuin le renvoya absous comme fou (Raocl Glabbu, lib. II. cliajK ii).

Grâce à cette indulgence, l’iiérésie continua à se propairer dans le diocèse de Cbàlons et, en io’|3, l’évêque Koger fut averti que de nombreuses assemblées de Cathares avaient lieu dans la région. Sur la conduite à tenir à leur endroit il consulta Wazos, évêque de Liège, quilui écrivit une lettre fort curieuse {Gesta episcoporum Leodiensium, ap. Pkrtz, Monumenta Germaniæ liiiturica. Scriptores, VII, 227).

« Dieu, disait Wazon, ne veut pas la mort du pécheur

mais sa conversion. Le Christ ne nous a-t-ii pas donné l’exemple de la douceur envers les hérétiques, alors que, tout-puissant, il a supporté les opprobres, les injures, les cruautés des Juifs el enfin le supplice de la croix ? Et lorsque, dans sa parabole, il a conseillé de laisser grandir l’ivraie avec le bon grain jusqu’à la moisson, ne nous a-t-il pas enseigné que les mauvais doivent vivre avec les bons jusqu’au Jugement de Dieu qui seul les séparera ? » Se montrant encore plus lolêranl, Wazon ajoutait : < Ceux que le monde considère aujourd’lmi comme de l’ivraie, peuvent être, quand viendra la moisson, engrangés par Dieu avec le froment… Ceux que nous regardons comme les ennemis de Dieu, peuvent être mis par lui au-dessus de nous dans le ciel. »

L’hérésie continuant à se développer, grâce à cette tolérance, la question de sa répression fut portée devant le concile qui se tint à Reims, les 3-5 octobre io49, sousla présidence du pape Léon IX. Cette fois, les Cathares furent frappés, mais de peines spirituelles. Le pape les excommunia ainsi que leurs défenseurs et leurs protecteurs (Maxsi, XIX, "3^). Une décision analogue fui prise par le concile qui se réunit à Toulouse, le 13 septembre io56, sur l’ordre du pape Victor II (Manst, XIX, 84y) EnCn, le pape.ALEXANDRE II écrivait à Guiffred, archevêque de Xarbonne, pour lui rappeler « qiiod leges tain ecclesiasticæ quant sæcutares effitaionem Itumani sanguinis prohibent », el à Bérenger, vicomte de Xarbonne, pour prendre la défense des Juifs. « Il ne faut pas les mettre à morl, lui disait-il, car Dieu ne prend pas plaisir à lelTusion du sang et il ne se réjouit pas de la perte des méchants » (Mansi, XIX, 980).

Dans la première moitié du xii « siècle, malgré les progrès de plus en plus menaçants de l’hérésie, l’Eglise resta tidèle à la même attitude. Vers l’an 1 1 1 2, le diocèse d’Utrecht fut profondément bouleversé par un hérétique ai)pelé par les doeumenls tantôt Tanchklm tantôt Ï-ynchelin ou même Faucbllin. II niait le pouvoir du pape, des archevêques, des évêques et de l’Eglise, les sacrements el en particulier l’Eucharistie. Il avait gagné à ses doctrines un si grand nombre de paysans et de marins qu’il était toujours escorté d’une troupe considérable et faisait porter devant lui les insignes de l’autorité. Une s’en tenait pas en elfet à de simples prédications, il soulevait les populations contre les pouvoirs établis el interdisait le paiement de la dîme. Il occupait de force les églises et en chassait les prêtres catholiques, avec son armée de 3000 hommes. Contre de pareils attentats, l’archevêque de Cologne et l’évêque d’Utrecht n’employèrent aucunement la violence. Ils se contentèrent de faire appel à S. Norbert et à ses Prémonlrés, qui furent établis par eux dans la collégiale de S. Michel d’.

vers, alin que les pieuses

prédications de S. Norbert et de ses disciples eussent raison des fausses doctrines de Tanchelm (Frede-RICQ. Corpus documentoruin inquisitionis hæreticae pravitatis yeerlandicae, I, pp. 15 el sqq.). Si, dans la

suite, Tanchelm fut poursuivi, ce fui par Godefroy le Barbu, duc de Lorraine, et non par les évêques {Ibid., p. 28) ; l’Eglise s’était contentée de l’excommunier.

Vers 11 44. les mêmes doctrines et les mêmes troubles étaient propagés à Liège par des hérétiques, venus dans ces pays du diocèse de Chàlons où l’hérésie s’était développée depuis un siècle, par suite de la tolérance des évêques. Ils y avaient organisé une communauté hérétique qui avait deux catégories d’adhérents comme l’Albigéisme, les Crojants qui avaient reçu l’initiation complète, les Auditeurs qui ne l’avaient pas encore reçue. Le peuple voulut leuifaire un mauvais parti ; mais ils furent sauvés à grand’peine par le clergé de Liège, plus désireux de leur conversion que de leur châtiment (Ibid., 1,

p. 32).

Contre les hérétiques, l’Eglise se contentait donc de laultiplier les prédications exceptionnelles, les missions et les traités de controverse. Vers j 1 40, un Calhare breton, Eldes de Stella, se donnait comme un éon issu de Dieu ; il rejetait l’organisation catholique, le baptême et surtout le mariage ; il soulevait les foules contre les églises et les monastères qu’il pillait el détruisait. « Erumpebat improvisus ecclesiarum et monasleriorum infestator… ecclesiis maxime monasteriisque infestus », dit de lui le chroniqueur GciLLAiMB de Newbury (BouQiET, Hecueil des historiens des Gaules et de la France, XIII. p. 97). Il ne fut arrêté el condamné à la prison paile concile de Reims que lorsqu’il eut commis un grand nombre de dévastations et de pillages. On commença par argumenter contre lui. En 11 45, le légat Albéric, cardinal-évêque d’Ostie, se rendit en Bretagne, prêcha contre Eudes à Nantes et commanda une réfutation de ses erreurs à Hugues, archevêque de Rouen (Boui^uet, op. cit., XII, p. 558). On connaît les missions dirigées par S. Bernard lui-même, dans le Midi de la France contre les Henriciens et les Petrobusiens, si puissants et si répandus dans ces régions.

Les prédications de Pierre de Bruys et de son disciple He.nhi avaient eu le plus grand succès dans les régions des Pyrénées, de la Garonne et de la Méditerranée ; elles avaient gagné la majeure partie de la population ; c’était une vraie déchristianisalion. Les sectaires mêlaient contre les catholiques l’insulte el la raillerie aux négations ; parfois même, ils usaient de violence. A la demande du légat Albéric, S. Bernard quitta son abbaye de Clairvaux poui’aller argumenter contre eux. En I145-1146, on l’entendit à Bordeaux, Bergerac, Périgueux, Sarlat, Cahors, Toulouse, ALbi, Verfeil ; mais son éloquence ne suûil pas pour arrêter les progrès du mal. « Qu’on prenne les hérétiques par les arguments et non par les armes, disait-il : t Capiantur non armis, sed argumenlis ! » (In Cantic. Sermo lxiv), et s’il envisageait la possibilité de mesures de rigueur à leur endroit, c’était pour répondre à leurs violences et proléger contre elles la foi du peuple chrétien (Vacandard, 5. Bernard, 11, p. 21 3). La conversion des sectaires et, à son défaut, des peines canoniques telles que l’excommunication, lui paraissaient préférables aux condamnations séculières.

C’est, disait-il, la volonté de Celui qui veut que tous les hommes soient sauvés et qu’ils parviennent à la connaissance delà vérité. » Ailleurs, en parlant de la foule qui avait traîné les hérétiques au supplice il s’écriait : « J’approuve le zèle, mais je ne conseille pas d’imiter le fait ; car il faut amener les hommes à la foi par la persuasion et non par la force. » D’aulres voix ecclésiastiques ou religieuses se Crenl entendre, au xu’siècle, pour protester contre la mise 827

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à mort des hérétiques. Sainte IIildegarui ! écrivait aux princes clirétiens : « Faites sortir lesbcrctiqiies hors de l’Eglise, mais ne les tuez point ; car ils sont faits comme nous à l’image de Dieu. » (Schmidt, Histoire et doctrine de la secte des Calh(iies, , p.^iij.)

Les princes et le peuple ne tirent pas preuve de la même longanimité que le clergé. Les premiers par leurs jugements, les seconds par leurs soulèvements usèrent, pour réprimer l’hérésie, de moyens violents et, dès le xi* siècle, les bùcliers s’allumèrent par leurs soins.

En 1017, nous raconte Raoul Glabeh, l’hérésie manichéenne avait été apportée à Orléans par une femme venue d’Italie ; elle avait gagné à ses croyances un grand nombre d’adhérents dans la noblesse, le peuple et même le clergé ; elle c<)m[)lait parmi ses adeptes la majeure partie du chapitre de Sainte-Croix et deux de ses membres les plus distingués, Lisoi et Héribert, ce dernier confesseur de la reine Constance. Non content de professer eux-mêmes l’hérésie, ils envoyaient de tous côtés leurs disciples pour la propager. Dès qu’il l’apprit, le roi de France, Rodert LB Pieux, en fut prol’ondémcnt allligé, parce qu’il voyait dans cette hérésie la ruine de la patrie et la mort des âmes, « ut autemcognovit rex Roljerlus, ut erat doctissimus ac christianus, tristis ac mærens nimium effectus quoniam et ruinain patriæ rêvera et animarum rætuebat interitum » (Raoul Glabeh, IU, 8). Ce qui effrayait le roi, c’étaient les doctrines antisociales et antichrélienues à la fois de ces hérétiques. Ils niaient la nécessité de l’action, rejetaient les œuvres de charité et de justice, condamnaient le mariage et la famille, bases de l’ordre social ; ils ne croyaient pas que les vilaines actions commises en cette vie fussent punies dans l’autre.

Robert ne se contenta pas de gémir Il vint à Orléans, convoqua lui-même une assemblée composée d’évéques, d’abbés et de laïques et lit rechercher soigneusement les chefs et les propagateurs de l’hérésie. Lorsqu’il les eut découverts et interrogés et qu’ils eurent montré une obstination inébranlable dans leurs erreurs, il condamna lui-même au bûcher treize d’entre eux. De ces faits unanimement rapportés par les chroniqueurs du temps, Raoul Glaueh, Haganon de Chartres, Ademar de Chauannhs (Mansi, Concilia, Xl/6-j’.i-'iiiC>).ii ressort : i" que le roi Robert eut l’initiative des poursuites, les dirigea lui-même, prononça la sentence linale et que, dès lors, le premier bûcher allumé en France contre les hérétiques l’a été par le pouvoir civil ; ï° que, dans toute cette affaire, le clergé n’a eu qu’une attitude passive, n’agissant que sous l’impulsion du roi ; 3’que Robert le Pieux était l’adversaire des héréliques autant comme roi que comme chrétien, et qu’en les condamnant, il prétendait sauver la patrie autant que les âmes ; 4° lue ses appréhensions lui étaient inspirées par les doctrines antisociales des Cathares sur l’activité humaine, le mariages et la famille.

Il trouva aussitôt un imitateur dans la personne de Guillaume, comte de Poitiers et duc d’Aquitaine. Ayant découvert des liérétiqics <lans ses états, il réunit d’urgence, à Charroux, en un concile, les évéques, les abbés et les représentants de la noblesse el des peines sévères furent portées contre l’hérésie. Bientôt après, par ses soins, plusieurs Cathares furent brûlés à Toulouse. « L’empereur IIenhi III, passa à Goslar les fêtes de Noël loSa. Il y lit pendre l)lusieurs héréti(iues qui professaient des doctrines manichéennes et s’abstenaient de toute nourriture animale. » La chronique d’IlBHMANNUs Conthactus, qui nous raconte ce fait, ajoute qu’il fut approuvé par tous, n consensu cunctorum » (Bouquet, op. cit., XI, p. 20).

L’auteur des Gesia episcoporum Leodiensium nous dit tout le contraire ; d’après lui, la condamnation des hérétiques de Goslar n’eut lieu qu’après une longue discussion, et il ne cache pas la répulsion qu’elle lui inspire ; il la compare à celle qui fut portée contre Priscillien par les évêques courtisans de l’empereur Maxime et il déclare que son évêque Wazon n’y aurait jamais souscrit, s’il avait été encore de ce monde. « Et nous le disons hautement, ajoutet-il, non que nous voulions défendre l’hérésie, mais parce que de pareilles condamnations ne sont pas d’accord avec la loi de Dieu. » (Mabtènb, Amplissiina collectio, IV, 902.) Les mesures violentes qui furent prises contre Tanehelui, dans les Pays-Bas, furent ordonnées parle duc de Lorraine Godkkhoy le Barbu ; il dut agirbcaucoup i)lutôlp()ur débarrasser le pays d’un fâcheux perturbateur que pour délivrer l’Eglise d’un de ses ennemis ; car les Annales de saint Jacques de Liège nous le représentent lui-même comme un persécuteur de l’Eglise catholique et un défenseur de la simonie (FREŒHicii, Corpus dociimcntorum inqiiisitiunis hæreticæ pravitalis Neertandicae, I. pp. a8-30).

Le plus souvent, l’opinion publique réclamait avec acharnement le supplice des hérétiques, parfois même la justice populaire le leur iniligeait elle-même, devançant celle des princes et des gouvernements, qui devaient prendre contre elle les plus minutieuses précautions. Lorsque Roljert le Pieux eut condamné les héréticpies d’Orléans, le peuple partageait tellement les sentiments du roi que, n’ayant pas la patience d’attendre leur supplice, il voulait les mettre à mort lui-même dans l’église de Sainte-Croix. Ce fut ])our empêcher un massacre qui, commis dans une église, se serait doublé d’un sacrilège, <iue le roi litgarder Sainte-Croix, par la reine Constance (Raoul. Glaber). En 1077, un hérétique ayant proclamé ses erreurs devant l’évè(pie de Cambrai, des gens de l’évêque et la foule se saisirent de lui sans attendre le jugement et l’enfermèrent dans une cabane à laquelle ils mirent le feu (Frkdehicq, I, p. 12). Vers 10^0, rarchevè<|uc de Milan, Héribert, découvrit un foyer d’hérésie à Monteforte, en Lombardie. Girard avait gagné la plupart des habitants de ce bourg et il leur faisait renier le mariage, les sacrements et l’autorité de l’Eglise ; la guerre éclata entre ce bourg, et l’archevêque qui, ayant emporté la victoire, emmena à Milan Girard et ])lusieurs de ses adeptes. L’archevêipie voulait leur laisser la vie ; mais le peuple de Milan ayant dressé un bûcher en face d’une croix, ordonna aux hérétiques de choisir l’un ou l’autre, la mort par le feu ou la rétractation. Comme ils nevoulurent pas se rétracter, ils furent brûlés malgré l’archevêque. Dans les circonstances, le chroniqueur Landulphus nous montre, d’une part l’archevêque Héribert désireux de sauver les hérétiques pour les convertir, et de l’autre les magistrats civils de Milan, cifitiilis Itnjus majores laici, élevant un niagnilique bûcher pour les brûler (Muhatohi, lieruni itulicarum scriptores, IV, p. 8y).

Guibert de Nogent nous raconte un fait du même genre qui se passa à Soissons, vers I114. L’évêque Lisiahi) avait fait arrêter des hérétiques « pii étaient manichéens, si nous en croyons ce que le chroni qucur nous rapporte de leurs doctrines. Après avoir instruit leur procès, il était embarrassé sur le traitement qu’il devait leur réserver et, les laissant en prison, il était allé consulter ses collègues réunis en concile à Beauvais ; il était accompagné de Guibert, l’auteur du récit. Or, pendant son absence, le peuple de Beauvais se porta à la prison épiscopale, en arracha les hérétiiiues, alluma un bûcher hors de la ville el les y brûla ; et la raison que donne Gui829

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bei-l de cet acte est significative. Le peuple a hriilé hii-nièiiie les liéréticpu-s parce qu’il apprélieiulait à leur égard riiululgeiue de l’Eglise : « SeJ fidelis intérim popiilus, clehicalk.m verkns mullitiem, cuncurrit iitl ergastulttm, rapit et suhjecto eis extra urhein ij ; ite, puriter coiicreinayd. » (BouiiUKT, op. cit., XII, p. 2bG.)

A Liège, le |)euple téinoignail de la même Laine contre les liéréliques. En I135, trois manichéens étaient arrêtés ; quand ils eurent proclamé leurs doctrines niant le mariage, approuvant la promiscuité des sexes, rejetant le baptême et les autres sacrements, le peuple voulut les lapider sans attendre le jugement. Dix ans plus tard, dans la même ville, après des aveux du même genre, la foule s’empara de quel(iues hérétiques, et les traîna au bûcher ; le clergé, qui voulait les convertir, eut la plus grande peine à les sauver : « Hos turba turbulenta raptos incendio tradere deputavit : sed nos, Dei favente misericordia, pêne omnes ab instanti supplicio, de ipsis meliora sperantes, vix lamen eripuimus. » (Freue-Hicg, iip. cit., p. 32.)

Les textes que nous venons de citer précisent les positions différentes que prirent en face de l’hérésie, de l’an mil à 1150 environ, la puissance civile et la hiérarchie ecclésiastique. Nous pouvons les délinir en ces trois propositions :

1° L’Eglise a répugné à la répression violente de l’hérésie. Parmi ses représentants les plus autorisés, les uns ne se sont pas reconnu le droit de châtier comme un crime l’hétérodoxie et ne l’ont combattue que par des discussions et des traités de controverse ; les autres n’ont employé contre elle que des peines spirituelles, telles que l’excommunication, destinées moins à frapper l’erreur qu’à en préserver les lidèles en leur interdisant tout contact avec elle ; enlin, ceux qui étaient sollicités de prononcer des peines temporelles contre des hérétiques, perturbateurs de l’ordre public, ne le faisaient que faiblement, invoquant l’irresponsabilité des hérétiques pour les relâcher.

a" Le pouvoir civil s’est au contraire montré de l>lus en ]dus rigoureux contre l’hérésie. C’est lui ipii, le premier, a allumé les bûchers, en France, eu.lleraagne, en Italie, en Flandre.

3" Les rigueurs du pouvoir civil ont été approuvées par l’opinion publique, du xi= et du xri’siècle, le peuple accusant de tiédeui’à 1 égard des hérétiques non seulement les évêques et les clercs, mais les princes eux-mêmes.

Etablissement de l’Inquisition. — Ces divergences entre le pouvoir civil et l’autorité religieuse allaient s’atténuer progressivement au xii° siècle, pour disparaître complètement au xiii*. Plus on avance, en effet, vers le xiii’siècle et plus disparaissent les répugnances de l’Eglise à réprimer par la force l’hérésie.

En 1131, elle fut émue par les progrès considérables que faisait dans le Midi la secte des Henriciens. .ussi son propagateur, le moine Henri, que l’on avait laisse prêcher ses erreurs en liberté pendant 18 ans (i 116-1 li), Unit-il par être arrêté sur ordre de l’archevêque d’.rles, et traduit au concile de Pise devant le pape Innocent U qui le condamna à la prison ; on le remit, il est vrai, en liberté peu de temps après, et il reprit ses prédications hérétiques ; la répression était encore bénigne.

Ce fut en iiSg que l’Eglise, ne s’en tenant plusaux sanctions spirituelles, ordonna au pouvoir civil de réprimer l’hérésie par des peines temporelles, a Les hérétiques qui rejettent le sacrement du corps et du sang du Seigneur, le baptême des enfants, le sacerdoce et les autres ordres, condamnent le mariage,

sont expulsés de l’Eglise de Dieu comme hérétiques ; nous les condamnons et nous ordonnons au pouvoir civil de les réprimer. Nous englobons dans la même sentence quiconque prendra leur défense… Ainsi s’exprime, dans son canon a3, le concile œcuménique du Latran qui se tint, en i 13g, sous la présidence du pape Innocent II (Mansi, XXI, p. 532). Au signalement qui est donné ici de l’hérésie condamnée, il est facile de reconnaître les Cathares. L’année suivante, Innocent II lit l’application de cette sentence à Abé-L. 4nD et Ahnaud de Biiescia. Par une lettre adressée, le 16 juillet I 140, aux archevêques de Reims et de Sens, ainsi qu’à saint Bernard, il ordonna d’enfermer ces deux personnages dans des couvents et de brûler leurs écrits (Mansi, XXI, p. 565). Cette sentence fut faiblement exécutée ; carsi Abélard se conQa à la garde bienveillante de Pierre le Vénérable, abbé de Cluny, Arnaud continua à prêcher en Suisse eten Italie et dut être condamné une fois de plus en 1 148. Livré en iiS^, il fut pendu avant d’être brûlé, lorsque le pape Adrien IV, devenu l’allié de Frédéric Barberousse, eut réprimé les révoltes suscitèesà Rome par Arnaud de Brescia. Le concile de Reims, présidé en 1 11J8 par Eugène 111, renouvela les sentences contre les Cathares, qui devenaient déplus en plus dangereux en Gascogne et en Languedoc. Nul ne devait les protéger ou les défendre ; aucun seigneur ne devait les accepter sur ses terres, sous peine d’interdit et d’anathème : «.utlu.s liere.tiarchas et eoruni set/iiaces manu teiieat vel defendat iiec aliquis eis in terra sua receptaculum præbeat. » (.ansi, XXI, p. 7 : 8.)

Celte législation ne suUit pas à l’ardeur des princes qui l’avaient provoquée. Il est curieux de les voir accuser le pape et l’Eglise de faiblesse envers l’hérésie et réclamer toujours de nouvelles mesures de rigueur. Parmi ces rois acharnés contre les hérétiques, il faut placer au premier rang Louis VU le Jeune. En 1 1^0, il assista au concile de Sens qui condamna Abélard. En 1 162, il écrivit une lettre curieuseaupape Alexandre III. L’archevêque de Reims, Henri frère du roi, s’était inquiété des progrès de l’hérésie manichéenne en France et il s’apprêtait, de concert avec le comte de Flandre, à poursuivre les Cathares, lorsque ceux-ci, conlianls dans la douceur du pape Alexandre 111, tirent appel au Saint-Siège. Leur espoir ne fut pas trompé. Le pape rappela en termes fort nets 1 archevêque et le comte de Flandre à la modération : n Mieux vaut, écrivait-il à l’archevêque, aljsoudredes coupables que de s’attaquer, par une excessive sévérité, à la vie d’innocents… l’indulgence sied mieux aux gens d’Eglise que la dureté.)i Et il lui rappelait le conseil de l’Ecriture : « A<ili nimiuni esse jiistiis. » (Martkne, Ainpl. Collectio, II, 683.) L’archevêque dut communiquer cette lettre à son frère Louis VH ; car celui-ci écrivit aussitôt après au pape une lettre où les reproches de tiédeur se dissimulaient à peine sous les formules de respect. « Notre frère l’archevêque de Reims, parcourant dernièrement la Flandre, y a trouvé des hommes égarés par les plus funestes doctrines, adeptes de l’hérésie des.Manichéens ; l’observation a prouvé quils sont bien plus mauvais qu’ils ne le paraissent. Si leur secte continue à se développer, ce sera un grand mal pour la foi… Que votre sagesse donne une attention toute particulière à cette peste et qu’elle la supprime avant qu’elle puisse grandir. Je vous en supplie pour l’honneur de la foi chrétienne, donnez toute liberté dans cette affaire à l’archevêque : il détruira ceux qui s’élèvent ainsi contre Dieu ; sa juste sévérité sera louée par tous ceux qui, dans ce pays, sont animés d’une vraie piété. Si vous agissiez autrement, les murmures ne s’apaiseraient pas facilement et vous déchaîneriez contre l’Eglise romaine les violents reproches de l’opinion. » 831

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En lisant ces lignes, il est facile de voii- qn’Alexandre m répugnait à la violence el que Louis VU, son frère l’arcbevèque de Reims, el le conile de Flandre exerçaient sur lui une forte pression pour obtenir son adhésion à une politique de répression. Or, à ce moment, Alexandre 111 était menacé par le scUisme d’un antipape : chasse de Rome, il s’était réfugié en France et avait hesoin de la protection du roi. Dans sa réponse datée du ii janvier 1163, il lui promit de ne rien faire, dans la question des hérétiques de Flandre, sans l’avis de l’arclievèquc (ihiJ., p. 084).

Cet échange de lettres nous explique aussi la décision du concile de Tours. Cette année-là en elfel se réunirentà Tours 12 cardinaux, ! 24 évêques, 314abljos et une foule considérable de clercs et de laïques, sous la présidence d’ALKXANouiî III. Le concile accentua les mesures de rigueur prises précédemment contre l’hérésie manichéenne, qui, a comme un chancre, s’était étendue à travers toute la Gascogne et dans d’autres provinces «. Il ordonna à tous les évêques et à tous les prêtres de la surveiller ; par leurs soins, les hérétiques devaient élre chassés des pays oii on les découvrirait ; on n’aurait avec eux aucune relation d’all’aires ; les princes devraient condamner à la prison et à la conliscation tous ceux qu’on surprendrait ; enlin, on rechercherait avec soin leurs assemblées secrètes (Mansi, XXI. p. 1178).

Bien que ces canons soient édictés par un concile et promulgués par le pape, il est facile de voir qui les avait provoqués : c’était le roi de France, et une fois de plus le pouvoir civil excitait contre l’hérésie le zèle et la vigilance de la hiérarchie ecclésiastique.

Le comte de Flandre et l’archevêque de Reims profitèrent de CCS décisions conciliaires pour brûler en Flandre un certain nombre d’héréliques (Lka, L’ist. de V Inquisition, I, p. 128), et leur exenq)le fut suivi à Cologne.

Il est curieux de constater que l’un des persécuteurs les plus cruels de l’hérésie fut alors un prince excommunie, en révolte ouverte contre Alexandre III, le roi d’Angleterre Hiînki II.

Il venait de faire voter les Staluts clf Claiendon qui soumettaient l’Eglise d’Angleterre à lajuridiction royale, et, à ce propos, il était entré si violemment en condit avec Thomas liccket, primat de Ganlorhéry, que ce dernier avait dû quitter son siège el chercher un asili- en France. Alexandre III avait Jiris parti pour le primat et lancé contre Henri les censures Ai l’Eglise. Or voici ce que nous rapporte le ehroniipieur anglais, Guillaume uk Newbridge. Un certain nombre d’héréliques sétaiit réfugiés, en i iG5, d(^ Flandre en Angleterre, Henri II les lit arrêbr, marinier d’un fer rouge au front et exposer, ainsi déligurés, devant le peuple. Il défendit à ses sujels de leur donner asile et de leur rendre le moindre service. Ce fut en les mettant ainsi hors la loi qu’il « préserva totalement son royaume de la peste de l’hérésie » (Moniinienlci Geimaniæ liistoriru. Scriptures, XXVH, p. 131). Ce qu’il avait ainsi l’ail à l’assemblée d’Oxford présidée par Ini-méme, Henri II voulut l’élablir délinilivemenl par un texte de loi, et par l’arlicle 21 des Assises de Clarendon il défendit à jamais « de recevoir chez soi des hérétiipies, sous i)eine de voir sa maison détruite » ; en même temps, il obligea tous les shérilfs (odiciers civils des comtés) à jurer qu’ils observeraient cette loi et feraient prêter serment dans le même sens à tous les chevaliers et possesseurs de terres franches. C’était l’extermination complète et radicale de l’hcrcsie, et, comme le fait remarquer Lea, à qui nous empruntons ee passage, elle était ordonnée par une loi exclusivement civile, poursuivie par des odicicrs laïques et une juridiction séculière, au nom d’un prince excommunié par l’Eglise à cause du soin

jaloux qu’il prenait de la soumettre au pouvoir laïque (Lea, IJist. de l’Jne/uisilion, ! , p. 129).

Ou a voulu expliquer les rigueurs de Henri H par le désir qu’il aurait eu de se poser en farouche défenseur de l’orthodoxie au moment où il luttait contre Thomas Beeket cl Alexandre III, alin de prouver à son peuple que sa lulte contre le Saint-Siège ne diminuait ni sa foi ni son zèle chrétien. Pour montrer l’invraisemblance de cette hypothèse, il sullit de rappeler qu’en ii^’p, alors qu’il était réconcilié avec le .Sairkt-Siège, Henri II donna aux hérétiques de nouvelles preuves de sa haine. Alors que, pendant tout son règne, il avait été le rival de Louis VII, roi de France, celle année il se concerta avec lui contre les Cathares du Languedoc. « Ces deux princes, écrivait, au pape IIiînri, l’abbé de Clairvaux, viennent de coutirmer la paix qu’ils ont conclue et ils s’entendent à merveille dans le dessein de revêtir la cuirasse de la foi et de poursuivre la multilude des hérétiques. » El le chroniqueur anglais Bis.noit de PkïbrliouoUGH ajoute (année 1178) : « Henri II ne voulut pas passer la mer el rentrer en Angleterre avant de s’être entendu avec le roi de France pour envoyer de concert avec lui, dans le comté de Toulouse, des hommes d’Eglise et des laïques qui ramèneraient les hérétiques à la vraie foi par des prédications ou les réduiraient par les armes. » Ce fut à leur instigation que fut organisée, en ce sens, la mission du cardinal Pierre ijk SAiNT-CHitYsoGo.E (Boucjuet, Historiens di : t (Gaules et de France, XV, p. y60). C’était toujours le pouvoir civil qui inspirait à la hiérarchie eeclésiasticjue des mesures de répression contre l’hérésie.

Dès son avènement, Philippe - Auguste suivit l’exemple de son père Louis VII el de Henri II. Dans sa l’Iiilippide, Guillaume Le Breton le félicite d’avoir, dès les premières années de son règne, poursuivi énergiquement ces hérétiques appelés par le peuple Po/)elicani, « qui réprouvent le Jjonheur conjugal, déclarent défendre l’usage de la viande el répandent ]>lusi(Mirs autres superstitions n. Le roi les a fait sortir de leurs refuges el de leurs cachettes el, après les avoir fait juger par ses tribunaux, les a envoyés au bûcher « pour que le feu matériel leur soit un avantgoût des llammes de l’enfer ». Et ainsi, continue Guillaume, le royaume a été totalement purgé de l’hérésie, et nul ne peut y vivre s’il n’accepte tous les dogmes de la foi catholique, ou s’il nie les sacrements (Boui^uur, op. cit., XVII, p. 127, vers 408-435).

Les papes s’engagèrent de i)Ius en plus résolument dans cette voie répressive ((ue leur traçaient si bien les |irinces. Au concile de Lalran de 1179, Alkxanimu III, lout en rappelant que le clergé avait horreur du sang (i ; vie ; /(fli- e//u ! ^iunt nltiones), demandait à la ])uissanee séculière des sanctions pénales c< contre les Calhares, Pnlilic/mi ou Palureni qui, en Gascogne, dans l’Alliigeois el le comté de Toulouse, ne se eontentaient pas de professer leur erreur en secret, mais la manifeslaicnl publiquement ». Il lançait l’analhème contre eux, leurs prolecteurs el quiconque les recevrait dans sa maison ou sur ses terres ou ferait le commerce avec eux. Bien plus, il appelai ! aux armes contre eux les princes el les peuples, et, i)our la première fois, on voyait une croisade ordonnée non plus contre des inlidclcs, mais contre des hérétiques. Une indulgence de deux ans était accordée à tous les (idèles qui s’armeraient contre eux, à l’appel des évêques, qui avaient la faculté d’augmenter encore, selon le cas, l’élendue de l’indulgence. Ces croisés étaient placés sous la protec^lion de l’Eglise, comme ceux qui parlaient en Terre sainte ; les évêques étaient constitués les défenseurs de leurs droits et de leurs biens (Décret. Greg. IX ; V, vu).

Au lendemain de la paix de Constance, qui avait 833

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mis fin aux longues luttes du Saint-Siège et de Frédéric Barherousse, le pape Lucius III réunit à Vérone, en 1 18^, une nombreuse assemblée, comprenant, avec lui l’empereur, des patriarches, des arclievêques et un grand nombre de princes venus de toutes les régions de l’Kmpire. Avec leur concours et surtout avec celui de l’empereur FnÉDi’ : nic, « Fiiderici, illiis-Iris lidiiianoruin imperatoris, semper Augusti, piæsenlia puriler et vigore stiffulit », le pape Lucius 111 promulgua une constitution « contre les Cathares, les Putarins, ceux qui s’appelaient faussement les Humiliés et les Pauvres de Lyon, les l’iissu^ini, les Josei/hiiii, es.lriialdislæ ». Elle était beaucou|i plus précise « [ue toutes celles qu’avaient juscpi’alors éditées les papes et les conciles, et elle demeura longtemps en vigueur ; car Grégoirk IX la lit plus tard insérer dans ses Dccrétales.Elle excommuniait, avec les hérétiques, ceux qui les protégeaient, avaient reçu d’eux le Consolameiitum, se disaient Croyants ou Parfaits. Ceux d’entre eux qui seraient clercs, seraient dégradés, dépouillés de leurs charges et de leurs bénélices, et livrés à la puissance civile pour être punis par elle. Les laïques seraient livrés de la même manière et pour le même objet au bras séculier, surtout s’ils étaient relaps. Tout archevêque et évèipie devrait inspecter soigneusement, en personne ou par son archidiacre ou des personnes de eonliance, une ou deux fois l’an, les paroisses suspectes, et se faire désigner sous serment par les habitants les hérélifiues déclarés ou cachés. Ceux-ci devraient se purger par serment du soupçon et se montrer désormais bons catholiques. S’ils refusaient de prêter le serment ou retombaient ultérieurement dans l’erreur, l’évêque les punirait. Les comtes, barons, recteurs, consuls des villes et autres lieux devraient prêter serment d’aider l’Eglise dans cette œuvre de répression, sous peine de perdre leurs charges, d’être excommuniés et de voir l’interdit lancé sur leurs terres. Les villes qui résisteraient sur ces points aux ordres des évêques, seraient mises au ban de toutes les autres ; aucune ne pourrait commercer avec elles. Quiconque recevrait chez lui des hérétiques, serait déclaré infâme à jamais, incapable de plaider, de témoigner et d’exercer une fonction publique. Enlin, les archevêques et évêques devaient avoir toute juridiction en matière d’hérésie et être considérés comme délégués apostoliques par ceux qui, jouissant du privilège de l’exemption, étaient placés sous la juridiction immédiate du Saint-Siège.

Lea rcniarque avec raison que « cet édit était le plus sévère qui eût encore été fulminé contre l’hérésie >> (op. cil., I, p. 131). En effet, on ne se contentait pas de frapper les hérétiques qui étaient surpris et ceux qui leur assuraient la liberté ; o « Ifs reclierrliail. Bien plus, cette recherche était organisée et conliée au zèle des évêques, qui en étaient responsables. Tout liércliipic ainsi découvert devait abjurer, sous peine d’un ohàliment que l’autorité civile devait infliger. L’obstination dans l’hérésie, la complicité avec l’hérésie n’étaient plus seulement des fautes de conscience, tombant uniquement sous des sanctions spirituelles ; elles devenaient des crimes réprimés par des pénalités temporelles graduées.

A vrai dire, c’est l’Inquisition qui est établie par I elle constitution de 1184, non pas encore l’inquisition ponlilicale qu’exerceront, au nom du Saint-Siège, des inquisiteurs appartenant le plus souvent à des ordres religieux, mais l’inquisition épiscopale dont devra s’acquitter l’évêque dans chaque diocèse, en vertu de ses attributions ordinaires de défenseur et (le gardien de la foi.

Cette date de 1 184 marque donc une étape importante dans l’histoire de la répression de l’hérésie ; et

Tome II.

en jetant un coup d’oeil d’ensemble sur les mesures qui l’ont préparée, au cours du xii* siècle, nous pouvons allirmer :

1* Que, répugnant d’abord aux peines temporelles et s’en tenant aux spirituelles, l’Eglise n’a soumis qu’à la lin du xii’siècle l’hérésie à des châtiments matériels ;

2* Qu’elle a été amenée à cette recrudescence de sévérité par la pression qu’ont exercée sur elle non seulement des rois pieux et soumis à sa direction, tels que Louis VII, maisencore des princes en révolte fréquente contre elle, tels que Henri II roi d’Angleterre et l’emijcreur Frédéric Harberousse ;

3° Et que, dès lors, rin([uisition a été presque universellement pratiquée par l’autorité civile avant d’être établie dans le monde chrétien par une décision ecclésiastique.

Doctrine des hérétiques. — Comment se fait-il que le pouvoir civil ail montré pour la répression de l’hérésie, au xii’siècle, un zèle qui dépassait et excitait sans cesse celui de l’Eglise’.' Il ne sullit pas pour l’expliquer d’alléguer le faiiatisuie ; car comment admettre que les rois, même quand ils étaient en rupture déclarée avec le Saint-Siège, ou blasphémaient le dogme chrétien, comme le fera plus tard Frédéric II, aient été plus fanatiques que les gens d’Eglise ? f^omment surtout admettre qu’avant l’an mil, dans’Aes siècles de haut moyen âge qui n’ont pas connu lies bîichers, les princes aient été universellement tolérants et soient devenus aussi universellement intolérants, après l’an mil ? Le fanatisme peut avoir inspiré tel prince, telle exécution ; mais il ne saurait ex])liquer la création, à la lin du xii’siècle, d’une institution chargée de réprimer méthodiquement, et dans tout le monde chrétien, l’hérésie.

On pourrait alléguer aussi, qu’en ordonnant des supplices contre les hérétiques, les princes donnaient satisfaction à la haine dont l’opinion publique poursuivait les sectes hétérodoxes. Il est certain en effet que, sauf dans les pays où les Cathares étaient toutpuissants, comme en Languedoc et dans certaines villes d’Italie, le peuple réclamait partout leur extermination. Investi danssa ville du i)OUVoir temporel, l’abbé de Vézelay eut à juger, des hérétiques, en 1 167 ; embarrassé sur le traitement qu’il devait leur infliger, il eut l’idée de consulter la foule : « Brùlezles I » lui répondit-elle ; et ainsi fut fait (Lea, 0/). c17., i, p. 350). Des scènes du même genre se passèrent en beaucoup d’endroits. C’est qu’en efîet les bruits les plus étranges circulaient dans le ])euple sur les hérétiques. On racontait d’eux, comme on l’avait fait des premiers chrétiens, que dans leurs réunions secrètes ils se livraient aux débauches les plus honteuses, pratiquant non seulement l’union libre et la communauté des femmes, mais encore la jn-omiscuité des sexes avec les vices de Sodonie et de Goniorrhe. On disait encore que, lorsque des enfants naissaient de leurs unions honteuses, ils les mettaient à mort, réduisaient leurs corps en cendres avec lesquelles ils faisaient un pain dont ils se servaient pour parodier les rites augustes de la communion. On leur attribuait aussi des actes de sorcellerie et de magie.

Il est possible que certains de ces faits immoraux se soient produits ; mais l’imagination jjopulaire, excitée par le caractère mystérieux et secret des réunions hérétiques, les a probablement amplifiés ou même inventés. Quoi qu’il en soit, il ne semble pas que des faits de ce genre auraient sufli pour animer la plupart des princes et des gouvernements contre l’hérésie comme contre un danger public et universel. C’est plutôt dans la doctrine des hérétiques, et

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encore plus dans les conséquences sociales qui en découlaient logiquement et qu’on en tirait pratiquement, qu’il faut chercher la raison de cette répression des hérétiques par le pouvoir séculier.

Le néo manichéisme a été la grande hérésie, ou plutôt la doctrine antichrétienne des xi", XII’et xiir siècles. Ce sont toujours ses adhérents qui sont désignés, selon les pays, par les noms variés d’AriunI, de Passagii, de Poplicani, de Patareni, de Josephini, etc. ; c’est leur secte qui est visée quand on parle de ces hérétiques qui nient l’Eglise, le baptême, les sacrements et surtout le mariage, et déclarent criminel l’usage de la nourriture animale. Il est à croire que, si leurs docteurs avaient erré sur l’Eucharistie comme Bérenger de Tours, sur la grâce ou tel autre dogme particulier, l’émotion qu’ils auraient causée n’aurait pas dépassé le cercle des théologiens et l’enceinte des écoles.

Mais le calharisme n’a pas été, comme les hérésies qui l’ont précédé, l’interprétation hétérodoxe de tel ou tel dogme chrétien ; il a été un système religieux complet, avec sa conce[ition propre de la vie présente et de la vie future, du monde, de l’homme, de la divinité et de la destinée humaine, avec sa morale individuelle et sociale, avec ses idées politiques. Il n’est donc pas étonnant qu’il ait heurté de Iront l’ordre social du moyen âge, établi sur le christianisme. Bien plus, sa conception profondément pessimiste de la vie l’a dressé contre tout ordre social.

Quelles que soient les manières diiféi’entesdont les chrétiens ont essayé de mettre en pratique leur idéal, selon la diversité des tempéraments, des vocations et des circonstances, on peut cependant résumer en quelques propositions la tliéorie que l’Eglise nous présente de la vie, de sa valeur et du but vers lequel elle doit tendre. A ses yeux, l’homme est de passage sur cette terre ; le temps qu’il } vit est une épreuve. Incliné vers le mal par les mauvais instincts de sa nature viciée, les séductions et les inlirmités de la chair, les tentations du démon, il est appelé au bien par la loi divine, les bons instincts que la chute originelle n’a pas pu faire complètement disparaître en lui ; et dans cette lutte, il est soutenu [lar ce secours divin tpi’il sullit de demander pour l’avoir, cpii multiplie les forces de la volonté humaine sans détruire sa liberté et sa responsabilité, et qu’on nomme la grâce. La perfection consiste â triompher des mauvais instincts, de manière que le corps demeure ce qu’il doit être, lé serviteur de l’àme ; à subordonner tous les mouvements de l’âme â la charité, c’est-à-dire à l’amour de Dieu, de sorte que Dieu soit le principe et la (in de l’homme, de toutes ses énergies, de toutes ses actions. Pour cela, il faut accepter avec’résignation les épreuves de l.i vie et faire de toutes les circonstances au milieu desquelles on se trouve des occasions de perfectionnement et de salut. Qui ne voit, dès lors, (|ne [)onr le chrétien la U : a un prix inllni, puisipi’elle lui fournit le moyen d’acquérir la sainteté et la vie éternelle qui en est la conséquence ?


Tout autre était l’idée de la vie que le Manichéen tirait de sa conceplicm de Dieu et de l’Univers. Procédant à la fois des ilcux jirincipes éternels, le Bien et le Mal, par une double création, l’homme est une contradiction vivante : l’âme et le corps ne peuvent jamais se concilier, cl prétendre les mettre en harmonie est aussi absurde que île vouloir unir des contraires, la nuit et le jour, le Bien et le Mal, Dieu et Satan. Dans le corjis, l’àme n’est i|u’une ca])tive, et son supplice est aussi grand (|nc celui de ces malheureux qu’on altachnil jadis à des cadavres ! Elle ne retrouve la paix <iu’en repnuianl possession de sa vie spirituelle, et elle ne peut le faire que par sa sépara tion d’avec le corps. Le divorce de ces deux natures inconciliables, c’est-à-dire la mort, la mort non seulement subie et acceptée avec résignation mais embrassée, mais provoquée connue une délivrance, est le premier pas vers le bonheur. Tout ce ijui la précède et la retarde n’est que misère et tyrannie.

Avançant l’heure de la liberté et faisant disparaître au ])liis tôt le cauchemar aussi vide qu’odieux de l’existence, le suicide était la conséquence directe de pareils principes ; le grand devoir de la vie, et à vrai dire le seul, était de la détruire Chez les Cathares, dit Mgr Douais (Les Albigeois^ p. 203), le suicide était, pour ainsi dire, à l’ordre du jour. On en vit qui se faisaient ouvrir les veines et mouraient dans un bain ; d’autres prenaient des potions empoisonnées ; ceux-ci se frappaient eux-mêmes. VEndura semble avoir été Je mode de suicide le plus répandu chez les Albigeois. Nous en avons cité un certain nombre de cas, dans notre préface du Cartutaire de Prouille, d’après les documents publiés par Dôllin-GKn. Ils étaient assez fréquents pour que la Practica de l’inquisiteur Bernard Gri contint une sentence p, articulière de condamnation contre les hérétiques qui avaient tenté de se tuer et d’ajouter ainsi au crime d’hérésie, le crime de suicide. L’Endura n’en resta pas moins une exception. Dans le catalogue des erreurs cathares dressé par les Inquisiteurs, la pratique du suicide n’est pas même mentionnée ; d’autre part, elle est rarement citée dans les dépositions, et nous devons en conclure que les docteurs cathares, tout en proclamant la beauté du suicide, n’osaient pas en prêcher à tous l’usage. L’instinct de la conservation, cl peut être aussi une certaine conception fataliste de la vie, tempéraient chez la j)lupart de leurs adeptes la brutale logique qui les aurait portés à la mort.

Si tous les Cathares ne se tuaient pas, ils n’en croyaient pas moins de leur devoir de tarir le plus possible en eux et dans l’humanité tout entière les sources et les manifestations de la vie.

Le fakir de l’Inde qui, par l’intensité de sa contemplation, tombe ilans le nirvana, perd la conscience de sa propre existence. Si son âme est encore unie à un corps, du moins elle ne le sent pas. Elle a un avantgoiit des jouissances purement spirituelles qu’elle goûtera lorsque, redevenue esprit, elle sera séparée de lui. Les Cathares ne pensaient pas autrement : s’abstraire de la vie corporelle au point d’en perdre la notion, et ainsi, consommer déjà sur cette terre le divorce de l’àme et du corps, pousser jusqu’à l’insensibilité l’abstention déjà prêchée par les Sto’iciens, arrêter en tpielque sorte la vie physique, voilà le dernier tcrnii^ de la doctrine cathare, doctrine de mort s’il en fut ; car, si elle s’était généralisée, le principe même de la vie humaine aurait été détruit.

Assurément, tous les Cathares n’en arrivaient pas à un aussi haut degré de perfection manichéenne ; ils vivaient et même s’agitaient. Mais c’c’Iait i)ar une contradiction due à leur faiblesse. Ils n’en regardaient l)as moins comme leurs modèles et leurs saints ceux i)ui avaient touché les profondeurs du nirvana. Il s’en trouvait en Languedoc. Berbeguera, feiunie du seigneur de Puylaurens. alla voir par curiosité un de CCS Parfaits. « Il lui apparut, racontait-elle, comme la merveille la plus étrange. Depuis fort longliinps, il était assis sur sa chaise, immobile connue un tronc d’arbre, insensible à ce qui l’entourait. » (Douais, op. cil., p. 10.)

Piéprouvaut la vie de l’humanité, les Cathares la détruisaient, en condamnant le mariage, la famille et la génération.

Ce sont ces articles de leur doctrine que les documents signalaient unanimement : légitima cuniiidiii : 83 :

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damnant, lisons-nous toujours dans la définition qu’ils nous donnent de leurs croyances. La négation de la famille était en elïel la conséquence logique et nettement civouée par eux de leur conception pessimiste de la destinée humaine. Si, en ellet, la vie était, comme ils l’enseignaient, le plus grand des maux, il ue fallait pas se contenter de la détruire en soimême par le suicide ou tout au moins par le nirvana ; il fallait encore plus se garder de la conmiuniqucr à de nouveaux êtres qu’on ferait participer au malheur commun de l’humanité, en les appelant à l’existence. Etait-il possible d imaginer un acte plus coupable dans ses conséquences que la procréation d’un enfant ? Une àme vivait heureuse dans le royaume de Dieu, et voilà que, pour satisfaire sa passion, un homme la faisait descendre sur terre, dans le royaume de Satan, l’emprisonnait dans un corps impur et la condamnait à se dégager perpétuellement, par un effort constant et douloureux, de cette étreinte écœurante de la chair ! Ne continuait-on pas ainsi la création malfaisante de Satan ?

Les Albigeois ne faisaient aucune différence essentielle entre la débauche et le mariage. Le contrat et le sacrement de mariage n’étaient, à leurs yeux, que la régularisation et la législation de la débauche. Dans l’intransigeance farouche de leur chasteté, les Purs du xiii* siècle trouvèrent la formule que, pour d’autres raisons, ont adoptée de nos jours les tenants de l’union libre et du droit au plaisir sexuel : « matiimonium est nieretricium, matrimonium est lupanar, le mariage est un concubinat légal » (Bibl. de Toulouse, ms. 609, fol. ^i V" et 64). L’inquisiteur Bkknard Gii résumait ainsi la doctrine des Cathares sur le mariage :

« Us condamnent absolument le mariage qui

unit l’homme etia femme ; ils prétendent qu’on y est en jierpéluel état de péché ; ils nient que le Dieu bon l’ail jamais institué. Ils déclarent que connaître charnellement sa femme, n’est pas une moindre faute qu’un commerce incestueux avec une mère, une lille, une srenr. » (Practica inquisitionis, p. i’60.)

Aussi, toute personne qui demandait aux hérétiques l’initiation complète à leur secte, le Cvnsotamentum, s’engageait-elle à se séparer à jamais de son conjoint. Vers l’an 1218, Bernard Pons de Laure étant gravement malade à Roquefére-Cabardès, en Languedoc, sa femme Bermonde demanda à deux Cathares de venir lui donner le Consolamentum : mais, avant de procéder à cet acte, ceux-ci exigèrent de Bermonde qu’elle renonçât à jamais à son mari ; et ce ne fut qu’après avoir reçu cet engagement qu’ils procédèrent à la cérémonie : « posimodum consolati stint dicluni in/innum ». Revenu à la santé, Pons abandonna l’hérésie, revint au monde et, par la même occasion, reprit sa femme, oublieuse elle-même de sa promesse »..Mais bientôt, ce fut au tour de Bermonde d’être malade et de demander le ConsnUunenliini. Les deux hérétiques qui accoururent à son appel n’agirent pas autrement que les premiers,.vant de commencer leurs rites, ils exigèrent que Pons renonçât à jamais à sa femme et ce ne fut qu’.iprès en avoir reçu la promesse formelle, qu’ils la consolèrent (Hibl. nat., UoAT, XXllI, pp. 81-83).

Les Registres de l’Inquisition toulousaine nous montrent un grand nombre d’hérétiques revenant à la fois à l’Eglise et au mariage. Arnalde Frémiac avait été engagée, dès sa jeunesse, dans la secte cathare par son oncle Isarn Bola. Mais plus tard, saint Dominique reçut son abjuration et lui imposa une pénitence quoiisqne duccrel marittim, c’est-à-dire jusiju’au jour où. par son mariage, elle prouverait, d’une manière indiscutable, la sincérité de sa conversion (1211) (fiibt. de Toulouse, nis. 609, f" 160). P. Covi nens, de Fanjeaux au diocèse de Toulouse*, avait été remise aux hérétiques par Pierre Colonia, son frère ; regagnée à l’orthodoxie par saint Dominique, a elle abandonna ses erreurs et se maria » (Itid., p. 161). Pendant plus de trois ans, une certaine Bernarde avait vécu dans l’albigéisme ; « mais ensuite, elle prit un mari et eut deux enfants » (I)oat, X.I, p. 1). Vers l’an 1229, vivaient à Xarbonne deux sœurs, Hay monde et Florence. Originaires du Mas-SaintesPuelles, elles avaient quitté leur pays pour vivre plus librement dans l’hérésie ; Raymonde avait, en même temps, abandonné son mari qui était resté au Mas. Arrêtées par le baile archiépiscopal, elles comparurent devant l’ollicialité diocésaine. Le dominicain Ferrier, « qui exerçait les fonctions d’inquisiteur au nom de l’archevêque », reçut leur abjuration, les lit mettre en liberté, les ramena dans leur pays et « rendit Raymonde à son mari, et redd dit eain vira sua » (Ililil. de Toulouse, ms. 609, f 23-24). Tolsanus Bertrand racontait aux inquisiteurs de 1245 une histoire semblable qui était arrivée, quinze auparavant, à sa mère Guillelmine Gleize. a Elle fut hérétique pendant trois ans, à Auriac ; convertie ensuite à la foi calholiciue, elle reprit son mari. Elle vécut encore plus de huit ans avec lui ; et quand il mourut, elle alla habiter avec son fils, dans sa maison des Cassés. » (Und., f 220.)

Dans leur aversion pour le mariage, les hérétiques allaient jusqu’à déclarer que le concubinage lui était préférable et qu’il était plus grave « facere cuni uxore sua qiiam cum alla mu//ere i>{Dollinger. Dokumente, p. 23). Ce n’était pas là une boutade ; car ils donnaient de cette opinion une raison en ra[>port avec leurs i)rincipes. Il peut arriver, disaient-ils, que l’on ait honte de son inconduite ; dans ce cas, si on s’y livre, on le fait en cachette. H est alors toujours possible qu’on s’en repente et que l’on cesse ; et ainsi, souvent le libertinage est passager et caché ; d’ailleurs, aucun lien durable n’unit l’homme et la femme vivant ainsi dans la débauche. Ce qu’il y a, au contraire, de particulièrement grave dans l’état de mariage, c’est qu’on n’en a pas honte, qu’on se croit engagé complètement avec son complice et qu’on ne se doute même pas du mal qu’on commet avec lui « quia ma^is publice et sine verecnndia peccatunt /lebat » (Ibidem).

C’est là ce qui explique la condescendance vraiment étrange que les Parfaits montraient pour les désordres des Croyants ou auditeurs, c’est-à-dire de ceux de leurs adhérents qui n’avaient pas reçu l’initiation complète du Consolamentum. Ils faisaient eux-mêmes ])rofession de chasteté perpétuelle, fuyant avec horreur les moindres occasions d’impureté ; et cependant, ils admettaient dans leur société les concubines des Croyants et les faisaient particiiier à leurs rites les plus sacrés, même lorsqu’elles n’avaient aucun dessein de s’amender. Les Croyants eux-mêmes ne se faisaient aucun scrupule de conserver leurs maîtresses, tout en acceptant l’influence des Parfaits. Guillelma Campanha était, au su de t<mt le monde, la concubine d’Arnaud Maistre, et cependant Parfaits et Parfaites descendaient chez elle quand ils passaient au Mas-Saintes-Puelles. Raymond de.a Amélia logeait chez sa concubine, Na Barona, les hérétiques qu’il protégeait (Bibl. de Toulouse, ms. C09. f° 150). Parmi les Croyants qui se pressaient, en 1240, aux prédications de Bertrand IVlarty, nous distinguons plusieurs faux ménages : Guillelma Cahela, amasiu Pétri Vitalis ; Willelmus Itaymundiis de lioqua et Arnauda, amasia ejus : Petrus Aura et Bonela, amasia uror ejns : Harmiinda. amasia Otiionis de Massahrac (Doat, XXIV, p. Sg). Plusieurs fois, les textes

1..aujourd’hui, dyns le départenienl de r.^ude et le diocèse de Garcassonne.

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nous signalent des bâtards de Croyants. La famille de Villeneuve, à Lasbordes près de Caslelnaudary, protégeait ouvertement l’hérésie ; or il y avait chez elle un spuritis, Ademar, frater iicitiiralis Poncii de VillaiiOi’a : et on peut en dire autant de plusieurs autres maisons seigneuriales du Languedoc, gagnées à l’hérésie, les Hunaud de Lanta, les sires du Vilar, les Mazeroles de Gaja, etc. (lind., XXIII, p. 18y, ici, io3, Bibl.de Toulouse, ms. Cog, fj 122).

Ces concubines et ces bâtards, qui paraissent si souvent dans les assemblées cathares, ont fait accuser les hérétiques des plus vilaines turpitudes. On a dit que leurs doctrines rigoristes n’étaient qu’un masque sous lequel se dissimulaient les pires excès ; et c’est ce que croyaient les foules qui racontaient sur leurs réunions les plus abominables détails. Mais d’autre part, certains louaient leurs austérités. Parlant d’eux, un catholique d’Albi s’exprimait ainsi : « Tenehant magnam castiiatem et faciebunt magiiam poenitentiam… et erant magne sanclilalis et magne abstinencie. » (Docais, Annales du Midi Les manuscrits du château de Menille, p. 185.)

Il est facile de résoudre cette apparente contradiction en se rappelant qu’il y avait deux sortes d’hérétiques, les Croj’ants, qui donnaient leur sympathie à la doctrine cathare, mais la pratiquaient incomplètement, et les Parfaits, qui devaient rigoureusement la suivre. Du moment que les premiers n’avaient pas reçu l’initiation entière du Consolamentum, ils n’étaient pas astreints à la stricte chasteté et ils pouvaient vivre avec une femme ; mais il y avait avantage que ce fût avec une concubine plutôt qu’avec une épouse légitime, parce que le lien qui l’unissait au Croyant pouvait plus facilement se rompre le jour où le Croyant, pour devenir Parfait, devrait renoncer à jamais aux plaisirs de la chair. Cela n’empêchait pas les Parfaits eux-mêmes de pratiquer la plus rigoureuse chasteté.

Il est inutile d’insister longuement sur les conséquences antisociales de pareilles doctrines. Elles ne tendaient à rien moins qu’à supprimer l’un des éléments essentiels de toute la société, la famille, en faisant progressivement de l’humanité une vaste congrégation religieuse sans lendemain. Enattendant l’avènement de cet ordre nouveau, les Parfaits brisaient peu à peu, par suite des progrès de leur apostolat, les liens familiaux déjà formés ; et ainsi, disparaissait, avec la famille, sa raison d’être, toute la morale du foyer.

Sans doute, on a fait au christianisme un reproche semblable. Lui aussi, àen croire cerlainsde ses ennemis, tendrait à la ruine de la famille et del’humanilé, par l’idéal de virginité monastique qu’il offre à chacun. Il y a cependant, sur ce point, une dilférence essentielle entre le christianisme et lecatharisme. Ce dernier faisait de la chasteté absolue la condition sine qua non du salut que tout homme doit rechercher ; l’Eglise au conlraire ne la présente que comme un idéal particulier, capable de séduire seulement une élite et nullement nécessaire pour parvenir au ciel. Dès lors, tandis que les Cathares proscrivaient absolument tout mariage, les chrétiens en font la loi de la grande masse, la virginité perpétuelle n’étant réservée qu’à de rares exceptions, et ils le proclament non seulement licite, mais encore juste et saint, mntrimonium temporale sanctum et justuni, comme le prêchaient, à rencontre des Cathares, les inquisiteurs catholiques (Sunima contra hereticos, pp. 96, gg).

A la haine de la famille, s’ajoutait, chez ces sectaires, la haine de la société. Ils s’interdisaient toute relation avec quiconque ne pensait pas comme eux, si ce n’est lorsqu’ils croyaient possible de le gagner à leur foi, et ils faisaient la même recommandation à

leurs Croyants. Au jour de l’examen de conscience ou apparelhumentum, qui se présentait tous les mois, les Parfaits leur demandaient un compte sévère des rapports qu’ils avaient pu avoir avec les inlidèles. Et cela se comprend : ils ne considéraient comme leursemblablequeceluiqui, comme eux, était devenu, par le Consolamentum, un fils de Dieu ; quant aux autres, qui étaient restés dans le monde diabolique, ils appartenaient, en quelque sorte, aune autre race ; ils étaient des inconnus, pour ne pas dire des ennemis.

Les engagements que prenaient les hérétiques en entrant dans la secte allaient à l’encontre des principes sociaux sur lesquels reposent toute nation et tout gouvernement.

Au jour de leur initiation, ils promettaient de ne prêter aucun serment : quod non jururent (formule du Consolamentum) ; car, enseignaient toutes les sectes cathares, y » ran ! en ?iim non débet fieri (Somme contre les hérétiques). Tout serment est illicite, disait le Parfait Pierre Garsias, qu’il soit faux ouqu’ilsoit sincère (DoAT, XXll, p. g6). L’inquisiteur Bkrnard Gri nous apprend que l’abstention de tout serment était un précepte général de la morale cathare (Practica. p. 289). Entre toutes les pratiques de la secte, la plus importante était l’acte solennel par lequel le converti s’engageait à observer, toute sa vie, lespratiques de sa nouvelle croyance ; c’était comme une profession de foi, accompagnée de vœux religieux. Or. même dans ce cas, le serment n’était pas admis ; on faisait une sinyile promesse, sans prendre Dieu pour garant de son exécution.

Il existe de nos jours des sectes religieuses ou philosophiques qui rejettent, avec la même énergie, le serment ; et l’on sait toutes les difficultés auxquelles elles donnent lieu dans une société qui, malgré sa « laïcisation », fait encore intervenir le serment dans les actes les plus importants de la vie sociale. Quels troubles autrement profonds de pareilles doctrines ne devaient-elles pas apporter dans les sociétés du moyeu âge, oii les relations des hommes entre eux, des sujets avec leurs souverains, des vassaux avec leurs suzerains, des bourgeois d’une même ville et des membres d’une même corporation ou d’une même confrérie les uns avec les autres, étaient garanties par le serment, où enCn, toute autorité tirait du serment sa force et même sa légitimité ! C’était l’un des soutiens les plus solides de l’éditice social que détruisaient les Manichéens, et en le faisant, ils avaient l’apparence de vrais anarchistes.

Us l’étaient vraiment quand ils déniaient à la société le droit déverser le sang pour se défendre contre les ennemis du dedans et du dehors, les malfaiteurs et les envahisseurs. Les Cathares en effet prenaient à la lettre et dans son sens le plus rigoureux la parole du Christ déclarant que quiconque tue par l’épée périra par l’épée ; et ils en déduisaient la prohibition absolue, non seulement de l’assassinat, mais de toute mise à mort, pour quelque raison que ce fût. nulto casu occidendum (Doat, XCII, p. 100 ; Somme contre les hérétiques, p. 133).

De cette thèse découlaient les plus graves conséquences sociales et, avec leur redoutable logique, les Albigeois les tiraient hardiment. Toute guerre, même juste dans ses causes, devenait criminelle par les meurtres qu’elle nécessitait. Le soldat défendant sa vie sur le champ de bataille, après s’être armé jjour la défense de son pays, était un assassin au même titre que le plus vulgaire des malfaiteurs ; car rien ne pouvait l’autoriser à verser le sang Ce n’était pas une aversion particulière pour la Croisade, mais bien leur haine de toute guerre qui faisait dire aux CaihareA quod prædicatores Crucis sunt omnes homicide (Do AT, XCII, p. 89).

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Pas plus que le soldat, dans l’ardeur de la bataille, le juge et les autres dépositaires de l’autorité, sur leurs sièges, n’avaient le droit de prononcer des sentences capitales, n Dieu n’a pas voulu, disait Pierre Gahsias, que la justice des hommes pût condamner quelqu’un à mort (ibid.), et lorsque l’un des ade|)tes de l’hérésie devint consul de Toulouse, il lui rappela la rigueur de ce principe en lui recommandant quod nullo modo consentiret in judicando in iiiurtem alterius (Ihid., p. loo). Les hérétiques allaient-ils encore plus loin et refusaient-ils à la société tout droit de répression’? Il est dillicile de l’allirmer ; car si la plupart d’entre eux semblent le dire en proclamant quod nullo modo facienda Juslitia, quod Deus non voluit juslitiam, d’autres ne manquaient pas de restreindre cette négation aux sentences capitales. Ces derniers, toutefois, nous apparaissent comme des politiques atténuant par d’habiles restrictions la rigueur du précepte. La Somme contre riiérésie nous dit en elfet que toutes les sectes enseignaient quod iindicla non débet fieri, quod justitia non débet péri per hominem ; ce qui semble bien indiquer que la pure doctrine cathare ne reconnaissait pas à la société le droit de répression (Somme, p. 133).

En tout cas, par la prohibition absolue du serment et de la guerre, par la restriction ou même la négation du droit de justice, les Cathares rendaient diflicile l’existence et la conservation non seulement de la société du moyen âge, mais encore de toute société. ( Il faut l’avouer, dit l’auteur des Additions à l’histoire du Languedoc, les principes du manichéisuxe et ceux des hérétiques du xii’et du xiii* siècles, attaquant les bases mêmes de la société, devaient produire les plus étranges, les plus dangereuses perturbations et ébranler pour toujours les lois et la société politiques. »

Ce qui augmentait encore le zèle antisocial du catharisme, c’est le rôle considérable, prépondérant même, que jouait l’Eglise dans la société du moyen âge. L’Eglise, les hérétiques la niaient, la combattaient. Ils rejetaient le sacerdoce, les sacrements ; dans la hiérarchie ecclésiastique, ils voyaient une institution satanique ; le pape, les évêques, les prêtres, les moines étaient les suppôts du démon. Les cérémonies apparaissaient aux uns comme des rites vides de sens, aux autres comme le culte du Dieu mauvais en opposition avec le culte en esprit et en vérité, rendu par le Parfait au Dieu bon. On s’explique, dès lors, que les Cathares aient tourné en ridicule les institutions de l’Eglise et demandé la suppression des privilèges dont elle jouissait, des prérogatives, des principautés temporelles, des propriétés, des redevances qui lui appartenaient.

L’un des historiens qui a le mieux étudié l’Inquisition, M. Vidal, aboutit aux mêmes conclusions après avoir exposé Ir.s doctrines des derniers ministres catliarcs (/feti/e des questions historiques, avril et juillet 1909). « Nul ne saurait dire, écrit-il, les graves dangers auxquels eussent été exposées la société et l’Eglise par la ditfusion et la victoire de semblables doctrines. Non seulement l’Eglise et la société devaient se tenir en garde contre elles, mais on comprend qu’elles les aient attaquées et poursuivies ; et sans aller jusqu’à trouver excellentes toutes les armes employées contre leurs propagateurs, on doit reconnaître que les deux sociétés ne pouvaient guère, en ces temps et dans ces circonstances, s’empêcher d’user de rigueur à l’endroit de tels adversaires de la religion et de l’ordre social. Aujourd’hui encore, tout homme sensé jugerait digne de réprobation une doctrine, une morale qui conduiraient à l’indilférence de l’esprit à l’égard de

toute vérité, à l’émancipation totale de la liberté à l’endroit de toute contrainte, à la prédominance de la chair et de ses appétits sur la raison. C’était à quoi aboutissait le Catharisme » (pp. 47-48). On ne saurait mieux dire.

Le Manichéisme n’a pas été la seule hérésie des xi’, xii’et XIII* siècles. A côté d’elle et de ses nombreuses ramilications, on en voit naître et se développer plusieurs autres qui ont des traits de ressemblance avec elle, au point qu’on a parfois de la peine à les en distinguer. Telle est par exemple l’hérésie des Pauvres de Lyon ou Vaudois, appelés aussi Insabbatati ou Zaptati, qui sortit, après 1150, des prédications de Pierre Valdo, de Lyon, Après avoir, pendant plusieurs années, excité les méliances de l’Eglise, ils furent délinilivement condamnés par Lucios III, à l’assemblée de Vérone de 1184. Ils ne croyaient pas, comme les Cathares, au dualisme du bien et du mal, à la prédominance du démon sur cette terre, et à la création diabolique de l’iiomme. Ils semblent plutôt avoir nié la hiérarchie ecclésiastique, la plupart des sacrements, des rites et des pratiques de l’Eglise, qu’ils prétendaient ainsi ramener à la pureté évangélique, et ils nous apparaissent comme les précurseurs des puritains et des quakers plutôt que comme les continuateurs des Manichéens. Au cours d’une controverse qu’ils eurent, vers 1 190, dans la cathédrale de Narbonne, avec des docteurs catholiques, ils précisèrent leurs doctrines. Les six points sur lesquels porta la discussion étaient les suivants : 1° que le pape et les prélats n’ont pas droit à l’obéissance des chrétiens ; -2" que tout le monde, même laïque, a le droit de prêcher ; 3" que Dieu doit être obéi plutôt que l’homme ; 4" que les femmes peuvent prêcher ; 5° que les messes, les prières et les aumônes pour les morts ne servent de rien, le Purgatoire n’existant pas ; 6° que les églises ne sont d’aucune utilité. » (Lea, Hist. de l’Inquisition, I, p. 88.)

De pareilles doctrines et les conséquences qu’ils en tiraient devaient dresser les Vaudois contre l’organisation féodale de l’Eglise et, à ce titre, ils allaient passer pour des révolutionnaires voulant bouleverser l’état politique et social de leur temps. Mais de plus, le développement de leur système théologique, ou peut-être les influences cathares qui ne tardèrent pas à s’exercer chez eux, leur firent adopter des thèses antisociales, contraires à la conservation de n’importe quel Etat. Comme les Cathares, ils exagéraient l’ascétisme, séparant les femmes des maris et les maris des femmes, quand ils entraient dans leur secte. Ils proscrivaient le serment, même devant les princes, les magistrats et les tribunaux, et ils croyaient que Dieu le punissait aussitôt des peines les plus sévères. En iSai, un Vaudois et une Vaudoise furent amenés devant l’Inquisition de Toulouse et ils refusèrent l’un et l’autre de prêter serment ; ils donnèrent comme motif, non seulement que le serment est un péché par lui-même, mais que l’homme en le prêtant risquerait de tomber malade et la femme de faire une fausse couche » (Limborcb, Liber sententiarum iw/uisitionis Tolosanae, p. 289, cité par Lea, op. ci/., i, p. 90, notes). Enfin les Vaudois avaient pour les sanctions sociales et la guerre la même répulsion que les Cathares : ils les condamnaient absolument. Ces différentes sectes ne s’en tenaient pas à des rêveries individuelles et inoffensives. Leurs chefs prêchaient leurs doctrines aux foules, ils essayaient de toutes manières de les leur faire pratiquer ; et leur enseignement passait immédiatement de la spéculation à l’action, se transformait en actes violents et révolutionnaires. Lorsque, de 1108 à 1 1 26, T.a.nchelm propageait les doctrines cathares dans les lies de la 843

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Zélande, à Anvers et en Flandre, il ne se contentait pas de développer ses théories dans des ])rédioations ; il faisait porter devant lui ime lianiiicre et un glaive, symboles de la puissance temporelle, et pour montrer qu’elle lui avait été donnée par Dieu, il leva une armée de 3.ooo hommes qui appuya ses ar<rumenls par la violence. Marchant à sa tête, revètti d’un manteau royal et le front ceint de la couronne, il s’empara de force de la ville de Bruges et s’étal>lil en maître dans celle d’Anvers, et lorsque, en 1 1 1 a, l’arclievcque de Cologne le lit arrêter, la population remercia l’archevêque d’avoir délivre le pays de ces bandes de perturbateurs. Après avoir déclaré ecclesias Dei litpanaria esse repittandas, il les faisait profaner par ses partisans ; il empêchait par force la levée des dîmes et faisait tuer quiconque s’opposait à lui : resistentes sihi cædibits sæviehut (Sigeiîert dk Gembloux, Continunlio Præmonstratensis, ait, Prrt/,. M. G., Scriptores.Xl. 449)- Abi’ ; lard lui-même nous le représente comme un fauteur de guerres civiles ; car il dit de lui et des autres hérétiques de son temps :

« Ci^’ilihiis lipilis ecclexiam inquielare non restant. » 

{Itiirod. ad theologiam, éd. Cousin, II, 83.) L’hérétique breton Eudes dk Stella, dit Eon, marchait à la tête de bandes de fanatiques et mettait à sac les églises et les monastères : « freins seqtienliiim numéro per dit’ersa loca formidahilis oberrabat, ecclesiis maxime monasteri’sque infesltis… erumpebat improvisus ecclesiarnm ac monasterinrum infestator », dit de lui le chroniqueur contemporain Guillaume de Newbi’hy (ap. BouiiUKT, XIII, p. g’^). Au commencement du xii" siècle, dans le midi de la France, l’hérésiarque Pierre de Bruys s’était livré aux pires violences

« Pour témoigner son mépris aux objets que vénéraient

les prêtres, il Ut empiler une quantité de croix consacrées, y mil le feu et Ot cuire de la viande sur le brasier, u (Lea, op. cit., I, p. 76.) Comme son disciple, le moine apostat Henri, il appelait à la révolte ceux qui devaient à des seigneurs ecclésiastiques des dîmes ou d’autres redevances, et les excitait à saccager églises et couvents.

Ces excitations avaient produit dans tout le midi de la France des elTets que Pierre le Vkniîrable décrivait ainsi dans une lettre à l’archevêque d’Embrun et aux évêques de Die et de Gap : « Dans vos pays, les églises ont été profanées, les autels renversés, les crucifix brûlés, les prêtres flagelles, les moines emprisonnés ; on les a soumis aux supplices les plus elïroyables pour les forcer à se marier. » (Ap. BorcjUBT, XV, p. 638-63g, année 1142-11/43.) Pierre de Bruys et Henri faisaient un devoir à leurs disciples de détruire les églises, de briser et de brûler les croix. Ainsi, les scènes de violence, de vandalisme et de carnage que les bandes huguenotes du sire des Adrets devaient déchaîner, au xvi’siècle, en Provence et en Dauphiné, avaient eu comme lointains préludes celles qui avaient suivi les prédications des hérétiques Henri et Pierre de Bruys.

Vers la même époque, les prédications d’AiiNAUD DR Brkscia jetaient le trouble dans l’Italie et surtout à Rome. Les clercs qui ont des propriétés, les évêqiu’s qui tiennent des régales, les moines qui possèdent des biens ne sauraient être sauvés. Tous ces biens appartiennent au prince et le prince ne peut en disposer qu’en faveur des laïques. ».insi jiarlait cet hérétique (Otto de Frrisinoen, II, chap. 30), et ces paroles sonnaient la curée des biens ecclésiastiques par les laïques, la révolte des sujets des jirincipautés ecclésiastiques, et déchaînaient la Uévolution dans un grand nombre de terres. Ce fiitce qui arriva à Brescia, où l’évêque fut dépouillé de ses biens et chassé par les amis d’.Vrnaud. En 1 i/|6. cet hérétique prêcha les mêmes doctrines à Home et provoqua

ainsi, contre Eugène III, l’insurrection du peuple romain : le pape fut chassé et la Rcpubliciue proclamée sous la suprématie de l’empereur allemand. Arnaud fut ainsi responsable de la guerre civile qui désola, pendant plusieurs années, Rome et son territoire. Ce qui faisait dire à son contemporain S. Ber-N. RD que « tous ses pas étaient marqués par des troubles et des désastres » (Vacindabd, Arnaud de Jlrescia, dans la lietue des Questions historiques,

XXXV, p. 1, 4).

A mesure que se propagèrent les prédications hérétiques, on vit se mulliplierles bandes qui, au nom de ces nouvelles doctrines, promenèrent la dévastation dans un ijrand nombre de régions de l’Europe chrétienne. Dans les premières années du règne do Philippe-Auguste, le centre de la France fut dévasté par des forcenés que l’on nommait, selon le pays, Colereaux, Routiers, Paliarii, Catapliryges, Arriens et Patarins. Le chroniqueur contemporain Rigord nous les montre saccageant et brûlant les églises, soumettant les prêtres à des traitements sacrilèges et cruels et les faisant parfois mourir dans les plu ? ; atrocestourments.profanantl’Eucharistie et les vases sacrés. Ils foulaient aux pieds les hosties consacrées et faisaient avec les corporaux des objets de toilette pour leurs maîtresses (Bouquet, XVII, p. 12. Voir aussi (//((/., 6 ; , le récit de Guillaume le Breton et p. 354, celui de la Chronique de S. Denis). Epouvantées par ces excès, les populations du Limousin et du Berry appelèrent à leur aide Philippe-. guste, dont

les armées exterminèrent, à Dun, près de 7.000 de ces forcenés. L’importance de cette répression prouve combien avait été considérable ce soulèvement anarchique et antichrétien. Quelques années auparavant, toute r.Xuvergne avait été ])arcourue l)ar ces hérétiques pillards. « Les Brabançons ou Cotereaux, écrit Bernard Gui, parcoururent tous ces pays, le dévastant, saccageant les églises. » L’évêque de Limoges dut marcher contre eux dans le territoire de Brive, à la tête des milices qui s’étaient placées sous son commandement ; plus de 2.000 de ces l)rigands furent massacrés (Labbe, /iibtiotlieca, II, 269 ; cf. aussi Bouquet, XVIII, p. 706). Ces événements se passaient en 1 177.

.vant de se porter en.Vi ! vcrgne, les routiers a valent parcouru et dévasté le comté de Toulouse. « En i 181, l’évêque Etienne de Tournai décrivait, en termes saisissants, la terreur qu’il avait éprouvée lorsr|ue, chargé d’une mission par le roi (Louis VII), il avait traversé le Toulousain… Au milieu de vastes solitudes, il ne vit qwe des églises ruinées, des villages abanilonnés oiï il craignait sans cesse d’être attaqué par des brigands, et pis encore par les bandes redoutées des Cotereaux. i> (Lea, op. cit., I, p. 142.) Ce fut à la suite de ces tragiques événements que le comte de Toulouse, Raymond V de Saint-Gilles, adressa au chapitre de Cluny un appel désespéré contre l’hérésie, cause première de tousces maux. Il suppliait son suzerain Louis Vit d’intervenir à la tête d’une armée dans les pajs infectes de ces doctrines subversives.

« Les églises, écrivait-il, sont abandonnées et tombent

en ruines… Comme le glaive spirituel est absolument impuissant, il est nécessaire d’employer le matériel ; c’est pourquoi j’insiste auprès du roi de France pour l’engager à venir sur les lieux, persuade que sa présence pourra contribuer pour beaucou]) à déraciner l’hérésie. » (Histoire du Languedoc, VI, p. 78.)

Tous les princes du Midi ne raisonnèrent pas de la même manière ; en haine ducatholicisme, plusieurs ne craignirent pas de faire appel aux Cotereaux et aux routiers et de lancer <le nouveau leurs bandes contre leurs sujets et contre les églises. De ce nombre fut RAYMOND-RoGfin, qui était comte de Foix, « u 845

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moment de la croisade. Il pouvait s’entendre avec les routiers, car il était lui-même un ennemi déclaré de l’Eglise et de ses ministres. « Au cours de ses nombreux démêlés avec l’abbé et les moines de Pamiers, il lui était souvent arrivé de manquer de respect aux reliques de S. Antonin, que gardait précieusement l’église de ce monastère. Pendant une guerre contre le comte d’Urgel, il assiégea dans leur cathédrale les chanoines de cette ville et les força à se rendre ; il profana et pilla l’église, n’en laissant que les quatre raurs. On achève son portrait, dit Vllistoire du Languedoc en assurant « qu’il pillait les monastères, détruisait les églises et eut toute sa vie une soif inaltérable du sang des chrétiens « (Guiraud, Carlulaire de otre-Dame de Pronille, I, p. ccxlix). Gaston de Bkarn eut, lui aussi, partie liée avec les routiers. En 1212, le concile de Lavaur lui reprocha de les avoir appelés et gardés longtemps dans ses états, ruplarins diu tenait atque tenet..vec eux, il saccagea les églises et persécuta les membres du clergé, ecclesiarum et ecclesiusticanini personarum manifesthsimus et gravissimus per.iecutiir.En I21 i, il les lâcha sur la cathédrale d’OIoron, où ils se livrèrent à des saturnales sacrilèges, foulant aux pieds les saintes Hosties, parodiant, revêtus d’ornements sacerdotaux, les cérémonies de la messe et faisant subir aux clercs de oruels tourments (Pieruk de Vaux-Ci’.rnay, Ilistoria Albigensium, ap. Bouquet, XIX, p. ^3). Le successeur de ce même Raj’mond V, qui déplorait, en 1177, les ravages de l’hérésie, Raymond VI, ne craignit pas, lui aussi, de faire appel aux routiers et de déchaîner sur les catholiques leurs bandes sanguinaires (Lka, op. cit.. p. 141). C’est en pensant à tous ces excès et aux doctrines fanatiques qui les avaient inspirés, que dans un moment de sincérité, l’un des ennemis de l’Inquisition, Lea a fait cet aveu intéressant : « Quelque horreur que puissent novis inspirer les moyens employés pour les combattre, quelque pitié que nous devions ressentir pour ceux qui moururent victimes de leurs convictions, nous reconnaissons, sans hésiter, que la cause de l’orthodoxie n’était autre que cette de la cii’ilisation et du progrès. Si le Calharisme était devenu dominant ou même seulement l’égal du catholicisme, il n’est pas douteux que son iniluence n’eût été désastreuse. » (Lea, op. cit., I. p. 120.) Ce n’est donc pas par une simple coïncidence que l’Eglise organisa, au concile de Latran de 1179 et à l’assemblée de Vérone de 1 183, un système de répression matérielle contre les liérétiques, au moment où ceux-ci commettaient contre la société les pires attentats. La répression de l’hérésie par l’Inquisition a été la

« onséquence des troubles anarehiques provoqués par

les doctrines antisociales et les prédications fanatiques de l’hérésie.

D’excellents esprits ont essayé, il est vrai, de le nier. C’est après coup, disent-ils, que l’apologétique catholique a essayé d’excuser et de justifier par des raisons de défense sociale la création et le ride de l’Inquisition ; mais en réalité l’Eglise n’a poursuivi dans l’hérésie que l’ennemie de l’orthodoxie ; si la société a profité de ces attaques, c’est par suite de conséquences que l’Eglise n’a ni prévues, ni recherchées. Les textes se chargent de répondre à ces aflirniations. Ce fut au concile de Latran de 1179 qu’Alexandre III, abandonnant ses dispositions tolérantes envers l’hérésie, promulgua le premier système complet de répression que l’Eglise ait imaginé contre elle. Or les mesures qui furent alors édictées visent avant tout les hérétiques qui, non contents de professer des opinions hétérodoxes, bouleversaient la société par leurs violences et leurs révoltes. Avec les Cathares, Patarins, Publicains répandus en Gascogne et dans l’Albigeois, le pape condamne les Bra bançons, les Aragonais, les Busculi, les Cotereaux

« qui tantam in christianos inhumanitatem exercent, 

ut nec ecclesiis nec monasteriis déférant, non iiduis et puellis, non senihuf et pueris, nec cuililiet parcant aetati aut sexui, sed more paganurnm omnia perdant et vastent » et il les accuse d’exercer leurs ravages dans les pays qu’ils occupent, regiones in quibu.<s de-Oacchantur. Si Alexandre 1Il ordonne contre ces hérétiques une croisade c’est, dit-il, pour remédier à de grands désastres « ut tanti.^ cladibus se yiriliter opponant » (Décret., Greg. IX ; V, vii, 8).

On s’explique maintenant pourquoi les princes du XI* et du XII* siècle ont été plus énergiques que les évcques et les papes dans la répression de l’hérésie, pourquoi ils n’ont cessé d’activer sur ce point le zèle de la hiérarchie ecclésiastique et pourquoi enfin celle-ci a fini, après beaucoup d’hésitations, par s’unir aux princes temporels pour décréter contre les hétérodoxes des châtiments matériels. L’examen des doctrines hétérodoxes du, vi « et du xu’siècle et le récit des troubles qu’elles ont provoqués, nous ont en effet proiivé :

1° Qu’après l’an mil, l’hérésie cesse d’être une opinion purement tliéologique destinée à être discutée dans l’enceinte des écoles ; mais qu’elle se double de plus en plus de doctrines antisociales et anarchistes, en opposition non seulement avec l’ordre social du moyen âge, niais encore avec celui de tous les temps ;

2* Que ces doctrines anarchistes ont provoqué des mouvementsrévolulionnairesetdes troubles profonds au sein des masses, et qu’ainsi l’hérésie qui les enseignait est devenue un danger public ;

3* Que, dès lors, l’autorité temporelle a eu intérêt autant que l’autorité spirituelle à combattre et à détruire l’hérésie ;

4° Que ces deux autorités, après avoir agi pendant longtemps séparément, la première par les condamnations de ses tribunaux, la pendaison et le bûcher ; la seconde par l’excommunication et les censures ecclésiastiques, ont fini par unir leurs efforts dans une action commune contre l’hérésie ;

5° Que cette action combinée a inspiré les décisions du concile de Latran de 1178 et du concile de Vérone de i iS^.

Ces constatations précisent le caractère de l’Iniiuisition telle que l’ont établie les décrétales d’Alexandre 1Il au concile de Latran et de Lucius III au concile de Vérone. Nous pouvons la définir un système de mesures répressii’es, les unes d’ordre spirituel, les autres d’ordre temporel, édictées simultanément par la puissance ecclésiastique et par le pouvoir civil pour la défense de l’orthodoxie religieuse et de l’ordre social, que menaçaient également les doctrines théologiques et sociales de l’hérésie. S’il en est ainsi, on voit ce qu’il faut penser des accusations violentes qui sont si souvent dirigées à ce propos contre l’Eglise. Ce sont de pures déclamations, et elles ne prouvent qu’une chose, l’ignorance et la passion de leurs auteurs. Négligeant en effet de préciser les conditions au milieu desquelles l’Inquisition s’est créée, ils n’ont pas saisi la raison d’être de cette institution, et par là même, n’en ont eu qu’une idée vague et superficielle. Oubliant que les princes ont présidé autant que les papes à sa naissance, ils se trompent en l’attribuant uniquement au sectarisme religieux ; enfin, transformant en martyrs de la pensée libre des hérétiques qui déchaînèrent par leur fanatisme les pires désordres dans la société de leur temps, il les rendent beaucoup plus intéressants qu’ils ne le furent, et ainsi, ils font subir à l’histoire une succession de déformations. Sur cette question de l’origine de l’In(luisition, l’apologiste chrétien n’a qu’à rétablir les faits dans leur pureté et dans leurs rapports rccipro847

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ques pour expliquer et légilimer le rôle et l’action de l’Eglise.

Organisation de l’Inquisition. — EtaMie progressivement à la lin du xii’siècle, l’Inquisition s’organisa et se développa au cours du xiir siècle.

A l’origine, les évêques étaient seuls chargés de la recherche des hérétiques et de leur jugement, d’accord avec la puissance séculière. C’est ce que nous voyons dans les décrotales d’ÂLEXANORE III et de Lucios III. Les évêques en effet étaient, par leur dignité, les juges naturels do l’iiérésie et les défenseurs nés de l’orthodoxie dans leurs diocèses respectifs et, en leur conliant l’inquisition des hérétiques, les papes les rappelaient à un exercice plus rigoureux de leurs attributions, beaucoup plutôt qu’ils ne leur en donnaient de nouvelles.

Mais bientôt le Saint-Siège vit l’insuffisance de cette inquisition de l’Ordinaire. Tous les évêques en elTet ne ressemblaient pas à ce terrible arclievèque de Reims, Guillaume aux Blanches-mains, qui traqua avec tant de sévérité les hérétiques de sa province. Beaucoup d’entre eux étaient animés d’une large tolérance pour des erreurs qui étaient parfois professées par leurs proches et leurs connaissances. Cela se vit surtout dans le midi de la France, oii une noblesse imprégnée de catharisme fournissait à l’Eglise catho. lique ses prélats. On s’explique que, pendant la croisade des Albigeois, Ber.n.vrd i>ii Roquefort, évéque de Carcassonne, ait répugne à la répression violente, lorsqu’il savait sa mère et son frère parmi les hérétiques qui défendaient, contre l’armée de Simon de Moutfort, le château de Termes. Son cas n’était pas isolé ; plusieurs de ses collègues furent accusés par les croisés de pactiser avec l’hérésie, déposés par le Saint-Siège, et remplacés par des prélats choisis dans les rangs des croisés. Le métropolitain du Midi, BÉRENGER, archevêque de Narbonne, dut ainsi’céder son siège au légat Arnaud, l’évêque de Carcassonne Bernard DE Roquefort à Gui.abbé deVaux-Cernay ; l’évoque de Toulouse Fulorand au cistercien Foulques, etc.

Même lorsque les évêques étaient de zélés défenseurs de la foi. leur action pouvait manquer d’efficacité ; elle était limitée à leurs diocèses respectifs, et lorsqu’ils voulaient l’étendre dans une région tout entière, ils devaient prendre des accords avec leurs collègues ; ce qui supposait des réunions, des délibérations et par conséquent des lenteurs. Or l’hérésie exerçait ses ravages sur de nombreux diocèses. Il fallait donc que la lutte contre ses adeptes pût être dirigée par des hommes dont la compétence s’étendit sur de vastes régions.

Enfin, dans les siècles du Moj’en Age, le Sainl-Sicge avait largement distribué le i)ri vilège de l’exomption, grâce auquel un grand nombre d’individus et même de personnes morales étaient soustraits à la juridiction ordinaire de l’évêque i)Our être placés sous l’autorité immédiate du Saint-Siège. A la diète de Vérone, le pape Lucius III avait bien stipulé que le privilège de l’exemption no vaudrait pas on matière d’hérésie ; il avait investi les évoques de la délégation apostolique, afin que nul hérétique ne pût, sous prétexte d’exemption, se soustraire à leur jugement ; mais il y avait là matière à discussion et pour rendre plus ellicacc la répression, il fallait la confier à une autorité participant à l’universalité et à la toute-puissance de la papauté.

Aussi les papes en cliargèrenl-ils leurs légats qui agirent contre l’hérésie à côté et au-dessus des évêques ; et l’on vit, dès la fin du xii’siècle, fonctionner simultanément deux inquisitions, l’inquisition épiscopale exercée par les évêques dans leurs diocèses

respectifs, en vertu de leur pouvoir ordinaire, et l’inquisition légatine exercée par leslégats dans toute l’étendue de leur légation en vertu d’une délégation du Saint-Siège. Lorsque l’archevêque de Reims, Guillaume AUX Blanches MAINS poursuivait, en 1183, les hérétiques de Flandre, envoyant beaucoup d’entre eux au bûcher (Ge.s/d Plulij/fJi Aiiguati de Rigoro, ap. Bouquet, XVII, p. ii), il agissait non seulement comme métropolitain, mais surtout comme légat apostolique. En 1178, Alexandre III, à la demande de Raymond V, comte de Toulouse, et des rois de France et d’Angleterre, envoya le cardinal do S. Clirysogone, comme légat en Languedoc avec pleins pouvoirs pour réprimer l’hérésie ; « en vertu de cette délégation, le légat et les cisterciens qui l’accompagnaient liront promettre par serment à l’évêque de Toulouse, à une partie du clergé, aux consuls et à tous les citoyens dont la foi n’était pas suspecte, de leur déclarer par écrit tous les hérétiques et leurs fauteurs » (Hist. du Languedoc, Yl, 79). A la suite de cette démarche, le légat instruisit lui-même le procès de Pierre Maurand, l’un des principaux bourgeois de la cité.etaprès l’avoir convaincu d’hérésie, il lui imposa une pénitence publique, le condamna à une amende et au pèlerinage en Terre sainte et à plusieurs autres pénalités (/iiVem). En 11 98, Innocent III donna tous pouvoirs auxreligieuxcisterciens qu’il envoyait dans le comté de Toulouse comme légats apostoliques, leur confiant spécialement la répression de l’hérésie dans ces régions. Les princes avaient ordre du pape « de proscrire ceux que frère Raynier aurait excommuniés, de confisquer leurs biens et d’userenvers eux d’une plus grande rigueur, s’ils persistaient à vouloir demeurer dans le pays après l’excommunication. Nous lui avons donné plein pouvoir, ajoutait-il, de contraindre les seigneurs à agir do la sorte soit par l’excommunication, soit en jetant l’inlerdit sur leurs terres. Nous enjoignons €iussi à tous les peuples de s’armer contre les hérétiques, lorsque frère Raynier et frère Gui jugeront à i)ropos de le leur ordonner… Enfin, nous avons chargé frère Raynier d’excommunier solennellement tous ceux qui favoriseront les hérétiques dénoncés, qui leur procureront le moindre secours ou habiteront avec eux, et de leur infiiger les mêmes peines. » (//ist. du Languedoc, VI, p. 222, Potthast, Uegesla lioiilificuni lionianorum, n" 96.)

Ce texte nous prouve que les légats du Saint-Siège étaient chargés d’exécuter dans leur légation toutes les sanctions édictées contre les hérétiques par les conciles du xii= siècle, et en particulier par ceux de Latran et de Vérone. Ils avaient, en un mot, tous les pouvoirs d’inquisition.

Certains historiens dominicains ont prétendu que le fondateur de leur ordre avait été le |iremier inquisiteur, et Sixte-Quint lui-même s’est fait l’écho de cotte opinion dans sa bulle de canonisation de S.Pierre de Vérone (158(j) (Manrique, Annales Cisiercienses, III, an laoi). En réalité, les fonctions d’inquisiteur avaient été exercées, dès la fin du xii’siècle, par les légats cisterciens, et quand S.Dominkjur s’en acquitta, ce fut en vertu d’une délégation qu’il tenait de la légation cistercienne dirigée par Arnaud de Citeaux et Pierre de Castelnau. Lorsque, au cours de ses prédications, il imposa une pénitence et délivra des lettres d’absolution à l’hérétique Pons Roger, il déclara agir auctoi itale doniini ahhalis Cislerciensis, Apostolicæ Sedis legati, qui hoc. nohis in~ junxit officium. La pénitence du converti devait durer tant que le légat n’aurait pas donné de nouveaux ordres à Dominique donec alias sujicr liis <loniinus legatus suam nohis exprimai l’iitunlaleni. Dans un autre acte du même genre, saint Dominique secouvre 849

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toujours (le l’aulorilé du légat : ce qui prouve bien qu’il n’était pas inquisiteur lui-même, mais simple (li’légué lies léfçats qui, seuls, avaient été chargés par le Saint-Siège de rincpiisilion dans les pays du midi de la France (Bollandistes, Acta sanciorum

flH^H.Si/, I, pp. 4’0-4’')

Il ne faudrait pas s’imaginer que l’inquisition légatiiie ne se soit exercée que dans le Midi avec les religieux cisterciens qui prii-onl pai-l à la croisade contre les Albigeois. Nous la retrouvons aussi, à la même époque, dans les pays du nord de la France. En 1200, la chronique de Saint-Marien d’Auxerre signale les progrès, dans la province de Sens, de l’hérésie manichéenne, liæresis populicana, ominnin hæreseon felidi’ntissima. Pour y avoir adhéré, l’abbé de Saint-Martin et le doyen delà cathédrale de Nevcrs furent déposés par le concile de Sens. Le cardinal Piehre, du titre UB saint Marcel, se rendit dans ces pays comme légat apostolique chargé de la répression de l’hérésie ; il convoqua un concile à Paris, où il cita le chevalier Evrard, auquel le comte de Nevers avait confié le gouvernement de ses terres, et Evrard aj’anl été accusé d’hérésie par l’évécpie d’.uxerre et convaincu de catharisme par de nombreux témoignages, le légal le condamna et le livra au bras séculier ; amené à Nevers, Evrard y fut brûlé (BouyuBT, XVlIl, p. 264).

On a dit (Luciiairb, Innocent III. La croisade des Albigeois) que Innocent III a substitué l’inquisition extraordinaire des légats à l’inquisition ordinaire des évècpies, lorsqu’on 1204, il enleva aux prélats du Midi la direction de la poursuite des hérétiques, pour la conlier à ses envoyés, les missionnaires cisterciens. En réalité, cette mesure ne concerna que le Midi ; elle ne suspendit les pouvoirs que des évêques du Midi dont le pape suspectait le zèle, et laissa intact le pouvoir des autres. La preuve en est dans les condamnations qui furent demandées, en 1209, par l’évèi |ue de Paris au roi Philippe-Auguste contreplusieurs hérétiques, disciples d’.Vmaury de Beynes (UouoiiKT, XVII, p.83-81). L’inquisition légaline ne lit donc que se juxtaposer à l’inquisition épiscopale.

Comme au xii" siècle, au commencement du xiu’, le pouvoir civil rivalisa de zèle avec l’Eglise contre les hérétiques, et ce fut toujours lui qui édicta contre eux les mesures de répression les plus sévères. Les chroniqueurs du règne de Philippe-Auguste, (ioiLLAUMB LE Breton, et lliooHD, Sont unanimes à signaler l’ardeur avec laquelle ce prince extermina les hérétiques ; à Paris, la place des(]hanipcaux, aux portes du Louvre, fut désignée par lui comme le lieu de leur supplice (l’hilippeis /, vers 407-^10 ; Boiqubt, XVII, 83). En 1197, Pierre I’^', roi d’Aragon — celui-là même qui devait mourir à la bataille de Muret en combattant contre Simon de Montfort — promulguait, à Girone, une constitution fort sévère contre les hérétiques. Il la présentait comme une mesure de salut public : « Dignum et justuni est, disait-il, ni de sdlvalione et defensione e/iisdem popiiti continuani pro viribus geramus soUicitudinera. n En consé((uence, à la suite de l’Eglise, il condamnait les Vau(lois, Sahalati, Pauvres de Lyon et en général tous les hérétiques quorum non est nnmerus nec noniina sunt nota. Il ordonnait leur expulsion immédiate ; ceux qui seraient pris dans le royaume après le dimanche de la Passion, seraient ïirûlés, et leurs biens partagés entre le lise pour les deux tiers et un tiers pour celui qui les aurait découverts. Ceux qui protégeraient les hérétiques ou les recevraient chez eux ou sur leurs terres, seraient coupables de lèsemajesté et punis de mort comme tels ; la même peine attendait les magistrats qui n’exécuteraient pas l’orilonnance (^Marca Ilispanica, p. 1384).

L’un des pires adversaires qu’ait eus l’Eglise, au XIII* siècle, cet empereur qui semble avoir été l’ennemi du christianisme autant que de la papauté, Frédéric II, s’est particulièrement signalé par sa sévérité contre les hérétiques. Le 22 novembre 1220, il prononçait le bannissement des Cathares, Patarins, Speronistes, Leonistes, Arnaldisles, en un mot <i de tous les hérétiques des deux sexes », et ordonnait la confiscation de leurs biens ; il exigeait des podestats, consuls, recteurs de provinces la promesse par serment qu’ils expulseraient de leurs terres liereticos uh ecclesia dénotâtes (IIuillard-Brkholles, /listoria diplomatica Frederici secundi, II, p. 4-5)- Quatre ans plus tard, en mai 1224, il édicta contre les hérétiques une nouvelle constitution jikis sévère encore que toutes celles qui avaient été auparavant établies par les princes et les papes. Il ordonnait aux podestats, consuls et cités de Lombardie, non seulement d’envoyer au bûcher quiconque aurait été condamné pour hérésie par l’évêque, mais encore de couper la langue à ceux auxquels, pour une raison particulière, on déciderait de laisser la vie (IIuillard-Brehollhs, op. cit., II, p. 422).

Ainsi se poursuivait, au commencement du xiii" siècle, l’accord du pouvoir civil et du pouvoir religieux pour la répression matérielle de l’hérésie.

La croisade des Albigeois fit faire un pas de plus à l’organisation de llnquisition. Cette expédition avait déterminé, dans les pays du midi de la France, une lutte continue contre les hérétiques. Pour en finir avec eux et leur enlever à jamais la puissance considérable qu’ils avaient eue dans ces régions, au xii’siècle, on appliqua rigoureusement les prescriptions édictées au Latran, en 1 178, à Vérone, en 1 1 84, et renouvelées par Innocent III, au quatrième concile de Latran de I215 (Décret. Greg. IX, V, vii, |3). Dès que la victoire avait fait tomber un pays entre les mains des croisés, les hérétiques en étaient bannis (ou, selon l’expression méridionale, /"<nV/(71), et leurs biens confisqués, sauf si, par une sincère abjuration, ils se soumettaient à une pénitence canonique et obtenaient des légats et de leurs représentants des lettres de rémission, comme celles qui furent délivrées par saint Dominique à plusieurs convertis (cf. plus haut).

Les révoltes si fréquentes qui soulevèrent contre les croisésdes pays qu’ils croyaient conquis, en remettant sans cesse en question les résultats de la croisade, signalèrent à ses chefs etauxlégats un nouveau danger. Vaincue par les armes, l’hérésie se dissimula, attendant une occasion favorable pour soulever de nouveau les populations. Au lieu de « tenir publiquement maison », c’est-à-dire de pratiquer ouvertement leur culte et leurs assemblées, comme ils le faisaient au xii" siècle, les Parfaits se cachèrent. Ce fut la nuit, dans les lieux reculés, parfois dans les bois ou les solitudes des montagnes, qu’ils réunirent leurs Croyants ; ils les voyaient individuellement ou les faisaient visiter par leurs adidés ; le catharisme écrasé se transformait en société secrète. Il en était plus dangereux, parce que son action devenait insaisissable et de plus en plus difficile à combattre. Il fallut donc remettre en vigueur l’une des dispositions de la constitution de Vérone de 1 184, celle qui ordonnait aux évêques, non seulement de faire arrêter et bannir les hérétiques manifestes, mais encore d’inspecter, personnellement ou par des délégués, leurs diocèses, pour découvrir les hérétiques et se les faire signaler par les fidèles. Cette recherche, cette inquisition des hérétiques était une alfaire importante et compliquée, en un pays qui avait été si profondément pénétré decatharisme. Aussi leslégats du Saint-Siège lui donnèrent-ils une attention toute 85 i

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particulière pendant la guerre et surtout lorsque la résistance méridionale sembla définitivement vaincue.

En 1 228, le comte de Toulouse, Ka^mond VII, nég : ocia à Meaux avec Blanchb db Castille et Louis IX la paix qui devait être définitivement conclue à Paris l’année suivante. GnKGoinE IX donna alors pouvoir à son légal, le cardinal Romain de Saint-Ange de régler, à la conclusion du traité, les questions religieuses intéressant le Languedoc (Auvbay, liegistres de Grégoire I.V, n" 229-230, 232-23^).

Le cardinal Uomain avait une inlluence considérable sur Blanche de Castille auquel il avait rendu les plus grands services pendant les difficultés de la régence. Il n’eut donc aucune peine à obtenir d’elle une constitution, datée du 28 avril 1228, ordonnant l’exécution des décrets du Latran et de Vérone dans les anciennes terres du comté de Toulouse cédées à la France par le traité de Meaux Dans son article 2, elle portait condamnation contre les hérétiques reconnus tels par l’autorité religieuse, postquam fiieriril de hæresi per episcopum toci el pcr alinni ecclesinstiram personam qiiæ potestaiem liaheat, cundemnati (LACRiÈnE, Les ordonnances des rois de France de la troisième riice, I, p. 50).

Ce fut sous l’inlluence du cardinal légat que, par le traité de Meaux-Paris, Raymond VII s’engagea à réprimer l’hérésie dans les états qui lui restaient. Sur l’ordre de Romain, cardinal-diacre de Saint-Ange et légat du Saint-Siège, il promettait de combattre de toutes SOS forces les hérétiques, Parfaits et Croyants, leurs partisans et quiconque leur donnerait asile, et de les chasser de toutes sesterres.il ajoutait qu’il ne se contenterait pas de punir les hérétiques manifestes, mais qu’il ferait rechercher les autres, assurant une prime à ceux qui les lui signaleraient :

« Inquiret etiinn diligenter et inqurri faciet de inveniendis

luirreticis, credentihus, fautorihus et receptatoritms eorumdem » ; et pour cette recherche ou inquisition, il s’engageait à agir selon les règlements que ferait ultérieurement le cardinal légat, secundiim ordinationem quant super hoc fiiciel dominas tegatus, et à condamnerquiconqueauraitété déclaré hérétique

« per episcopum vei alium qui potesintem hnbeat », 

c’est-à-dire par la juridiction ordinaire de l’évêque et de ses délégués ou la juridiction extraordinaire du légat et de ses représentants. En un mot, Raymond VII ouvrait ses états aux inquisitions épiscopale et légatine, faisait serment de les seconder de toute manière, et en réservait l’organisation au cardinal Romain de Saint-Ange (Mansi, Concilia, XXIII, p. 163).

Cette réglementation de l’Inquisition, que prévoyait le traité de Paris, fut promulguée, en novembre 122g, par le cardinal légat, aueoncile de Toulouse. A cette assemblée prirent part Raymond VII et un grand nombre de seigneurs du Midi, le sénéchal royal de Carcassonne, deux consuls de Toulouse, les archevêques de Narbonne, de Bordeaux et d’Auch et beaucoup d’évêques et de prélats. On y décida une inquisition générale des hérétiques ; les archevêques et évéques devraient la faire faire, dans toutes les paroisses de leurs diocèses tant rurales qu’urbaines, par un prêtre ou deux ou trois laïques ou plus encore ; s’il le fallait, on devrait fouiller tontes les maisons, même les caves, domns singuliis et rameras suhterraiieas et toutes les cachettes possibles, scu quæcumque alia lalihula, et remettre aux Ordinaires, aux seigneurs et à leurs baillis les hérétiques, Parfaits ou Croyants, leurs adhérents et leurs hôtes, pour être immédiatement punis ; les abbés devaient faire les mêmes recherches dans les terres exemples de leurs monastères. Quant aux seigneurs, ils devaient battre les campagnes, les bois, les repaires souterrains. Le seigneur qui sciemment donnait asile

à des hérétiques devait être dépouillé de ses biens et remis au jugement de son suzerain, amittat in perpetuum terram et corpus suum sit in manu domini ad fuciendum inde quod dehebit. Le bailli négligent dans l’inquisition devait être révoqué et déclaré inhabile à jamais exercer les mêmes fonctions ; toute maison dans laquelle un hérétique aurait été trouve serait détruite. Enfin, l’inquisition devait être faite même par des juridictions étrangères, i’a quod hailivus régis in terra comitis Tolosuni et atiorum hoc facere possit et comes Tolosanus et alii in terra régis. Le règlement stipulait ensuite comment il fallait traiter les hérétiques qui se convertissaient de leur plein gré, ceux qui se convertissaient par crainte ou pour toute autre cause, enfin les malades suspects d’hérésie. Il déclarait incapables d’exercer des fonctions publiques les hérétiques, les Crojants et les suspects ; et étaient déclarés suspects non seulement ceux qui avaient pactisé avec les Cathares, mais encore ceux qui ne se confessaient ou ne communiaient pas au moins trois fois l’an, à Noél, à Pâques et à la Pentecôte (Mansi, XXIII, pp. igi-198). L’article 8 avait soin de stipuler que nul ne pouvait être condamné par le pouvoir civil comme hérétique avant d’avoir été déclaré tel par l’évêque ou un autre juge ecclésiastique qualifié, « ne innocentes pro iiorentilnis puniantur aut quibusiihet per aliqunrum catumniam hæretica prafitas impingatur ».

Cet acte, conséquence directe du traité de Meaux-Paris, établissait l’Inquisition dans tout le raidi de la France. A vrai dire, il ne présentait aucune disposition nouvelle et ses articles n’étaient que la répétition, plus précise peut-être, de décisions antérieures prises par les conciles et par les papes. Il n’organisait pas une inquisition perpétuelle, il se contentait d’en ordonner une, dans tout le Midi, au lendemain de la paix qui avait mis les hérétiques à la merci de l’Eglise. Il n’investissait pas de cette redoutable fonction des juges spécialement créés pour l’exercer ; il la confiait aux Ordinaires ou aux légats, eoniine l’avaient fait les règlements antérieurs. On ne peut donc pas dire, comme l’ont fait certains, que l’Inquisition a été créée au concile de Toulouse par le cardinal Romain. Elle était antérieure d’un demisiècle, si on entend par ce mot la recherche et la répression de l’hérésie par les soins des évéques, des légats et du pouvoir civil ; elle fut postérieure, si on ne donne ce nom d’inquisition qu’aux tribunaux de plus en plus fixes qui s’établirent, au cours du xiii’siècle, sous l’action prépondérante, mais non exclusive, des ordres mendiants.

Les règlements du cardinal de Saint-Ange furent confirmés et complétés, dans les années qui suivirent leur promulgation. Comme il s’y était engagé à l’avance, Raymond VII les accepta et leur donna force de loi dans ses terres, par un acte daté du 18 février 1232 (Mansi, Concilia. XXIII, pp. 265-268) qui, le plus souvent, répète mot à mot le règlement de 122g. Le pape GnicooiuK IX approuva sans réserve les actes du cardinal de Saint-Ange ; le 13 janvier i : z31, il félicita le comte de Toulouse du zèle avec lequel il les faisait observer (.rvBAY, liegistres de Grégoire J.Y, n" 17 19). Sa décision la plus importante fut celle par laquelle, le 20 avril I233, il donna commission au prieur pro incial des Dominicains de Provence (Provence-Languedoc ) de désigner des religieux qui feraient dans tout le midi de la France une prædicntio generalis contre l’hérésie. Cette bulle ne donnait pas aux Frères Prêcheurs le monopole de l’Imiuisition dans le Midi ; elle ne les chargeait pas même de collaborer à la recherche de l’hérésie, puisqu’il n’est question que de la prédication ; mais en leur confiant d’une manière plus spéciale « l’alTaire de la foi », 853

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comme il récii ait au eomlc et aux consuls de Toulouse, en les leur reconiniandant, Grégoire IX i^rcparait le rôle considérable qu’ont joué les Prêcheurs dans la marclie de l’Inquisition, et c’est avec raison que l’un des inquisiteurs iloniinicains, Bernard Gui,

« voyait dans cette lettre le premier titre de son

ordre à exercer l’Inquisition, in parlihus Tulusanis, Alhij ; ensiliiis et Carcasioiiensihus alque A’^ennensibus II (Mgr Douais, Documents pour servir à l’histoire de l’Inquisition dans le / anguedoc, I, p. x). Le personnel <pii devait le pins alimenter les tribunaux de la foi était Ircnivé ; il allait être fourni parles ordres mendiants des Dominicains et Franciscains, qui, par leur zèle pour l’orthodoxie et par leur dévotion particulière pour la papauté, nu>ritaicnt la coiillance spéciale du Saint-Siège. Quant à la procédure inf|uisitoriale, elle fut lixée par une série de bulles pontilicales, de décisions de conciles, d’ordonnances seigneuriales, qui donnèrent, peu après, à l’Inquisition du midi de la France un fonctionnement continu et régulier.

Si elle s’est tout d’abord développée dans le comté de Toulouse, à cause du péril plus grand que le catliarisiue y faisait courir à l’Eglise et à la société, l’Inquisition n’y resta pas conlinée, et dès la première moitié du xiu’siècle, elle s’étendit progressivement à tous les pays où il y avait des hérésies à réprimer, c’est-à-dire dans presque tout le monde chrétien. On y appliqua, en la précisant de plus en plus, la législation des conciles de Latran et de Vérone.

En 1232-123/), l’Inquisition s’établit en France. Elle commence par le comté de Bourgogne, où dès 1282, une bulle de Grégoire IX charge de la lutte contre l’hérésie le prieur des dominicains de Besançon et les Pères Gautier et RoniiRT. Ces religieux recevaient des instructions auxquelles se reportent les bulles des années suJA’antes. Cette mission, limitée d’abord à)ine région bien déterminée, fut étendue bientôt à la France entière. Le 13 avril I233, Grégoire IX faisait savoir aux évêques de France qu’il avait chargé les Dominicains des fonctions d’inquisiteurs dans ce pays parce que « les soucis de leurs multiples occupations permettent à peine aux évccpies de respirer II. Enlin, par une autre bulle datée du 21 août I235, le pape nommait inquisiteur général du royaume de France ( per universuni regnum Franciae) frère KoBEUT, que l’on avait surnommé lr Bougre parce que, avant d’entrer dans l’ordre des Dominicains, il avait été lui-même hérétiqiie cathare et que le peuple désignait sous les noms de llulgari. Hongres, les Cathares. Il était recommandé à Robert d’agir avec le conseil des évêques et des religieux (Frkdericq, lioliert le Bougre, premier inquisiteur général de France, p. 13). Saint Louis exécuta fidèlement les décisions de Latran et de Vérone, qui ordonnaient au pouvoir civil de se mettre à la disposition des clercs chargés de la poursuite des hérétiques. Dans sa Chronique rimée, Philippe Mouskkt dit que l’inquisiteur général Robert le Bougre agissait à la fois au nom du pape et du roi.

Far le commant de l’apostole

Qui li et enjoint par eslole

Et par la volonté dou roi

De France, ki l’en list otroi.

(BouQUBT, XXII, p. 55, vers 28879-28882.)

Le eoutumier appelé Elalilissements de saint Louis elles Coutumes du Beauvaisis de Beaiimanoir constatent cet accord de la juridiction e(( ! ésiastique et (|e la juridiction séculière : « Quand le juge (ecclésiastique ) aurait examiné (l’accusé), se il trouvait qu’il fut bougre (hérétique), si le devait faire envoler à la

justice laïque et la justice laïque le doit faire ardoir (brûler). » (Lauhikkk, Ordonnances des rois de Franco, I, p. 2Il et i^û.) « En tel cas, doit aider la laïque justice à sainte Eglise ; car quand quelqu’un est condamné comme bougre par l’examinât ion de sainte Eglise, sainte Eglise le doit abandonner à la laïque justice et la justice laïque le doit ardoir, parce que la justice spirituelle ne doit nul mettre à mort. » (Coutumes du Heauvaisis, éd. Société de l’Histoire de France, 1, 167 et 4’3.)

Ainsi reconnue par le pouvoir civil qui lui prêtait main-forte, l’Inquisition avait une existence olficielle et régulière dans le royaume de France.

La défaite des Albigeois en Languedoc et leur proscrii )tion avaient fait refluer un grand nomlire d’entre eux au delà des Pyrénées dans le comté de Barcelone et les royaumes d’Aragon et de Navarre. Depuis plusieurs siècles, des relations fort étroites avaient uni le midi de la France et le nord de la péninsule ibéri((ue : l’archevêque de Narbonne avait été longtemps métropolitain de plusieurs diocèses espagnols ; la maison royale d’Aragon possédait, au commencement du XIII’siècle, les villes de Carcassonne et de Montpellier ; des alliances de famillel’unissaienl aux maisons de Foix, de Toulouse, de Comminges ; enfin, des seigneurs, teisquele vicomte deCastelbon, le comte de Roussillon, avaient des terres et des vassaux sur les deux versants. Aussi les registres de l’Inquisition toulousaine et carcassonnaise nous montrent-ils, à tout instant, les Cathares allant cherclier asile chez leurs coreligionnaires catalans ou aragonais. L’orthodoxie des rois et des prélats espagnols s’en effraya. En 1226, le roi d’Aragon Jayme défendit à tout hérétique l’entrée de son royaume et renouvela contren les hérétiques, leurs hôtes, leurs fauteurs et défenseurs » les mesures édictées, en 1 198, par son père, le roi Pierre (1228). Sur les conseils de son confesseur, le dominicain Raymond de Pennafort, il demanda à Grégoire IX de lui envoj’er des inquisiteurs, et par une bulle du 26 mai I232, le pape invita l’archevêque de Tarragone et ses suffraganls à faire dans leurs diocèses, soit personnellement, soit avec l’aide des Prêcheurs ou d’autres auxiliaires, une inquisition générale. L’année suivante, Jayme édicta, à Tarragone, contre les hérétiques, une ordonnance qui reproduisait à peu près les statuts promulgués au c(incile de Toulouse de 1229 par le légat Romain, cardinal de Saint-Ange ; enfin, le 30 avril i-.135. pour répondre à quelques questions que le roi d’.ragon lui avait posées, Grégoire IX lui envoya tout un code de procédure inquisitoriale qui avait été rédige par Rajmond de Pennafort. Dès lors, l’inquisition fonctionna régulièrement en Aragon, avec le concours des Dominicains et des Franciscains, et elle étendit son action en Navarre (Lea, Hist. de l’Inquisition, II, p. 198 et suiv.).

Le manichéisme avait fait aussi de nombreux adeptes en Castille. lue, évêque de Tuy, raconte que, au commencement du xnr siècle, la religion catholique était tournée en dérision par les populations, et que, parfois, les membres du clergé eux-mêmes joignaient leurs railleries à celles des hérétiques. Le roi S. Ferdinand voulut en finir avec ces insultes. Aj’ant découvert des Cathares dans la ville de Palencia, il les lit marquer au fer rouge sur le visage (Raynai. di. Annales ecclesiastici, an. 1286, n" 61). Un écrivain castillan de la fin du xiii’siècle, Gilde Zamoba, écrivait que, sous le roi Ferdinand, les hérétiques étaient mis à mort : hærelica pravilas trucidutur. II est dillicile dédire si ces condamnations ju’ovenaient du zèle particulier du roi ou de l’Inquisition. Ce qui est sûr, c’est que la répression de l’hérésie par des tribunaux ecclésiastiques servis par le bras séculier 855

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était organisée vers le milieu du siècle. Le Fiiero leal, code promulgué par Alphonse le Sage en 1255, et las Hiete l’arlidas de 1205 reproduisent les prescriptions insérées contre l’hérésie dans les décrétales de Grégoire IX et celles qui, édictées par les papes du xiii’siècle, figurèrent plus tard dans le Texte de Boniface VIll (Sielc Paiiidas, i, 6, 58 ; vii, 21J, 7 ; VII, 20. El Fuero rciil, iv, 1).

C’était d’Italie que les premiers Cathares étalent venus en France, vers l’an mil ; c’est avec l’Italie que les Albigeois se tenaient en communications constantes au cours du xii’siècle et c’est en Lombardie, comme en Aragon, que les faidits se portèrent on masse après la victoire de la Croisade. Les registres de l’Inquisition toulousaine et carcassonnaise mentionnent souvent l’établissement dans les villes lombardes de colonies d’hérétiques languedociens. Ces faits nous prouvent que le manichéisme fut de bonne heure fort répandu en Italie et que sa puissance fut accrue par les coups qui lui étaient portés au sud de la France. EriENNs dk Bourbon rapporte qu’au dire d’un hérétique converti, il n’y avait pas à Milan moins de dtji-sepl sectes hétérodoxes, luttant avec acharnement entre elles. On peut cependant, comme en France, les réduire à deux sectes principales, les Cathares ou Patarins et les Vaudois. Vers le milieu du xm’siècle, Rainerio Sacconi énumère leurs églises. En Lombardie et dans les Marches, il y avait environ cinq cents Parfaits cathares de la secte des Alhaiioiises, plus de quinze cents Concorrezenses et quelque deux cents liajulenses. Il s’en trouvait un nombre égal à Florence et à Spolèle, plus, en Lombardie, un appoint d’environ 150 réfugiés venus de France. Rainerio Sacconi estime le nombre total des Cathares, de Constantinople aux Pyrénées, à quatre mille, sans compter l’incalculable foule des Croyants, On voit donc que près des deux tiers de ces hérétiques étaient concentrés dans l’Italie se])leiitrionale, surtout en Lombardie, et qu’ils y constituaient une notable partie de la population (Lea, IIlsl. de rinqiiisilion, II, p. 231). Aussi, dans la plupart des villes de la vallée du Pô, l’hérésie était-elle i)rofesséc au grand jour, comme en Languedoc avant la Croisade.

Non contente de la liberté qu’elle j- trouvait, elle s’était faite persécutrice et, de toutes manières, elle attaquait l’Eglise catholique, ses prêtres et ses fidèles. En voici quelques preuves empruntéesà Lea, dont les sympathies pour les hérétiques et la haine pour l’Eglise éclatent cependant dans plusieurs pages de son livre. En 1204, les Cathares déchaincrent la guerre civile à Plaisance et firent chasser de la ville l’évêque et son clergé. Ces derniers s’étant réfugiés à Crémone, la haine des sectaires les y poursuivit ; à leur instigation, les Palarins de Crémone se soulevèrent et expulsèrent, avec les catholiques réfugiés de Plaisance, l’cvêque et les orthodoxes de leur propre cité. Ce ne fut qu’en 1207, après trois ans d’exil, que les catholiques purent rentrer à Plaisance et y rétablir liniidcment leur culte. Des faits du même genre se déroulaient dans un grand nombre des villes où dominaient des municipalités ou des tyrans gibelins tels que Ezzelin de Roinano, le plus puissant seigneur de la Marche de Trévise. Gibelins et hérétiques s’entendaient souvent pour porter les mêmes coups aux orthodoxeset aux allies politiques du Saint-Siège. Aussi les Patarins célébraient-ils déjà leur triomphe définitif et l’écrasement du catholicisme, tandis que les catholi(]ues s’attendaient à la ruine en Italie de leur Eglise. C’était le sentiment de l’abbé Joachim de Flore « qui, dans son Commentaire de l’Apocalypse, voj’ail dans les hérétiques les sauterelles armées du venin des scorpions, surgissant.

au son de la cinquième trompette, des profondeurs de l’abinie sans fond. Ces hérétiques étaient, à ses yeux, l’Antéchrist lui-même. Leur pouvoir ne fera que croître ; leur roi est déjà choisi… Contre eux toute résistance est vaine. Ils s’uniront aux Sarrasins, avec lesquels, dit-il, ils sont, dès 1195, entrés en négociations » (Lea, op. cj/., II, p. 234).

Ce fut pour tenir tête aux hérétiques que les évêques, dans leurs diocèses, établirent l’inquisition épiscopale, et que, couronnant leurs elTorts par une organisation d’ensemble, les papes confièrent à des délégués du Saint-Siège, choisis de préférence parmi les Prêcheurs et les Mineurs, X’iiifjuisilio generalis dans les différentes régions de l’Italie. Dès 1224, HoNORius III chargea les évêques de Brescia, de Modène et de Rimini du soin de poursuivre les hérétiques dans l’Italie du Nord. En 1228, Goffhedus, cardinal deSaint-Marcetlégatdu Saint-Siège en Lombardie, rendait obligatoire à Milan la loi qui ordonnait la destruction des maisons d’hérétiques, et faisait un devoir à l’autorité civile tie mettre à mort, dans les dix jours, les hérétiques condamnes comme tels par les triliunaux ecclésiastiques. En i-jSo, le dominicain Guala, évéque de Brescia, promulguait et faisait exécuter dans sa ville épiscopale le sévère décret rendu par Frédéric II contre les hérétiques en I2a4) Pt son exemple fut suivi dans plusieurs villes du nord de l’Italie. Coordonnant ces elTorts isolés, Grégoire IX nomma le dominicain Aldlhic inf|nisiteur en Lombardie (1282), le dominicain l’iunuE de Vkronk (saint PieiTe martyr), inquisiteur à Milan (1233), les dominicains.li>oiuiandim Calvai.c.ante et Ruggibri Calcagni, iniquisiteurs à Florence, le premier en 1230, le second vers 1241 (Lea, op. cil., Il, p 237204 piissim). L’empereur FRÉoicnic II seconda de tout son pouvoir l’œuvre du pape et de ses légats ; en I231. il publia une loi qui rendait exécutoires dans tout rcuq)ire et en Italie les mesures édictées, en 1 229, à Toulouse contre les hérétiques ; en août de la même année, à Amalli, il promulgua un nouvel édil qui déclarait l’hérésie crime de lèse-majesté, passible de mort, et ordonnait de rechercher les hérétiques. Tout suspect devait être traduit devant un tribunal ecclésiastique et brûlé vif si le tribunal le reconnaissait coupable (cité par VACANOAno, l’Inquisition, p. 135). L’ordonnance de Ravenne de 1282 étendait à l’empire tout entier l’application de celle d’AmalU ; et c’est ce que répétaient les ordonnances ultérieures du 14 mai 1238, du 26 juin 1288, du 22 février 1289 (Pebt/., f.eges, II, p. ig6, 281 cl sqq.).

A Rome, le sénateur Annibaldi fit, en 1281, un règlement pour le fonctionnement régulier de la répression de l’hérésie dans la cité f>ontificale(BoRHMER, Acta impcrii selecta, XllI, p. 3^8). Gki’.goire IX rappela, dans ses lettres, les constitutions et règlements de Frédéric II et d’Annibaldi, et en les communiquant à ses légats et aux évêques, il ordonna de les faire insérer dans les lois municipales et de les appliquer partout.

En Allemagne, ce fut le dominicain Conrad de Maudouhg qui fut chargé de faire exécuter les ordonnances impériales et les bulles |iontificales qui établissaient l’inipiisition. Une lettre de Grégoire IX, en date du Il octobre 1281, lui expliquait comment elle devait fonctionner. « Lorsque vous arriverez dans une ville, lui disait le pape, vous convoquerez les prélats, le clergé et le peuple et aous ferez une solennelle prédication ; puis, vous vous adjoindrez quelques discrètes personnes et ferez avec un soin diligent votre eiuiucte sur les hérétiques et les suspects. Ceux qui, après examen, seront reconnus coupables ou suspects d’hérésie, devront promettre d’obéir absolument aux ordres de l’Eglise ; sinon. bSl

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vous aurez à procéder contre eux suivant les statuts que nous avons réccninient promulgués contre les hérétiques. » (Cité par Vacandard, L’Inquisition^ p. 14 ;.)

D’Allemagne, l’inciuisilion s’étendit en Bohème, Hongrie, et jusque dans les pays slaves et Scandinaves ; quanta la Flandre et aux Pays-Bas, ils furent soumis, dos ia33, à l’action du grand inquisiteur de France Robert le Iîouc.re (voir Corpus documentorum inqiiisiliunis neeilanàicæ de FaEnFRici), t. I, pass.).

Ce rapide aperçu nous a prouvé que, de I2’25 à 12^0 environ, et plus particulièrement de 1239 à I23/|, la recherche des hérétiques et leur répression a été organisée d’un commun accord par le Saint-Siège, les évoques et les princes dans la chrétienté tout entière (à l’exception, semblet-il, de l’Angleterre), et que partout ont été établies les mêmes règles générales qui étaient contenues en germe dans les constitutions ilu ni’concile de Lalran de 11-9, de l’assemblée de Vérone de I184 et du IV’concile de Latran de I215. On peut les résumer ainsi :

i’La recherche des hérétiques était faite par les évêques, les légats ou leurs délégués ainsi que par les seigneurs et leurs baillis ;

2" Les suspects, dénoncés ou découverts par Vinquisitio, étaient examinés par le tribunal ecclésiastique de l’Ordinaire, du légat, ou de l’inquisiteur, qui pouvait leur infliger des peines spirituelles et des pénitences matérielles en vue de l’absolution ;

3" S’ils étaient reconnus coupables d’hérésie et indignes de pardon, ils étaient livrés à la justice séculière, qui leur infligeait les peines portées par le droit canon et par les ordonnances des princes.

Procédure de l’Inquisition. — La procédure in((uisitoriale nous est parfaitement connue, grâce aux nombreux documents qui nous la décrivent ou nous la montrent en action. Ce sont d’abord les bulles pontificales et les décisions des évêques, des légats, des conciles qui, au cours du xnr siècle, ont apporté des précisions de plus en plus grandes à cette institution. Grégoire IX, Boniface Vlll, Jean XXII tirent insérer le premier dans les Dccrétales, le second dans leSexte, le troisième dans les Clémentines les dispositions les plus importantes prises par leurs prédécesseurs ou par eux-mêmes pour la répression de l’hérésie. C’est ainsi que figurent dans les Dccrétales, le décret de Lucius III édicté à Vérone en 1184, celui par lequel Innocent III ordonna, en 1 igy.la conliscationdes biens des hérétiques, même si leurs lils étaient catholiques, celui du même pape qui déclarait infâmes et suspendait de leurs fonctions les avocats et notaires favorables aux hérétiques ou leur offrant leurs services (1205), enfin la constitution générale promulguée au l’concile de Latran(1215) et qui était déjà un code pénal abrégé contre les hérétiques (Carpiis juvis canonici, éd. Friedberg, II, p. 7’ ; 8-790. Décrétoles, V, titre vil). Le Sexte renferme 20 décisions de Grégoire IX, d’.LBXANDRii IV, d’I’KiiviN IV, de Clément IV, de BoNiFACE VIII, concernant la dégradation des eleres hérétiques, e consulamentiim des Cathares, les relaps, les abjurations, les pouvoirs des inquisiteurs, la confiscation desbiens, etc. (Corpus juris canonici, II, pp. 1069-1078 ; Se.rti decretalium, lib. V, tit. II). Les Clémentines nous donnent la constitution promulguée par Clément V au concile oecuménique de Vienne (1311), qui réglemente le pouvoir des inquisiteurs et la tenue de leurs prisons (Corpus juris canonici, H, pp. 1 181-1 iS^, lib. V, lit. m).

Les actes des conciles nous ont conservé les décisions que les évêques prirent dans leurs réunions provinciales pour lever certains doutes, résoudre cer taines diflîcultés qui surgissaient dans la procédure contre l’hérésie. Auconcile deNarbonne de 1235, par exemple (Labbe, Concilia, VII, 261) les évèipies du Languedoc, fixèrent des règles contenues en 29 articles. Le 21 stipulait que le prévenu ne réi)ondrait qu’à un seul juge et que celui-ci lui communiquerait toutes les charges pesant sur lui ; le 23= exigeait qu’une condamnation ne pût être portée qu’à la suite d’un aveu formel ou de preuves décisives ; car il valait mieux, disait-il, relâcher un coupable que condamner un innocent. En la^jô, à Béziers, les évêques de la même province se réunirent en concile sous la présidence de leur métropolitain Guillaume de la BiioUE, archevêque de Narbonne, et ils rédigèrent 37 articles relatifs à la procédure, a ijualiter sit in intjiiisilione procedeiiduni contra liereticos » (Lahbk, Concilia, VII, /tiî>-lf2’i). « Tempsde grâce rendu obligatoire, confessions reçues par les inquisiteurs, citation contre les prévenus, examen des hérétiques « parfaits et revêtus » avec le concours de personnes discrètes, bonté à l’égard de ceux qui se convertissent, retard dans le prononcé de la sentence pour amener les prévenus à se convertir et leur en donner le temps, situation juridique des héritiers du criminel mort avant sa réconciliation… cautions, pèlerinages, service en Terre sainte, tels furent les principaux points que le concile traita. « (Mgr Douais, Documents pour servira l’Iiisloire de l’Inquisition dans le Languedoc, l, p. 21). Beaucoup d’autres conciles légiférèrent ainsi en Languedoc, en Espagne, en F’rance et dans toute la chrétienté. Individuellement, les évêques publièrent parfois des consultations qui, sur tel point particulier de procédure, interprétaient les décisions des papes et des conciles. Tel fut le cas de Guillaume de la Broue, archevêque de Narbonne, répondant, le 1" octobre 12/(8, à des questions des inquisiteurs sur l’exhumation des hérétiquesmorls dans leurs erreurs (publiée par Mgr Douais, op. cit., I, p. lxix).

Enfin, |)lusieurs inquisiteurs ont rédigé pour leur usage et celui de leurs successeurs, des formulaires et des manuels qui indiquent la manière dont ils procédaient contre les hérétiques. Ces textes sont particulièrement précieux ; car ils nous viennent de ceux qui par profession connaissaient le mieux l’Inquisition et sa procédure, et (]uiles décrivaient d’après leur propre pratique. Le plus ancien de ces formulaires doit être daté entre 12^/1 et 126/1 et a été rédigé par deux dominicains inquisiteurs en Languedoc, Guillaume Kaymoni) et Pierre Durand, ou Bernard de Caux et Jean de Saint-Piebre. Il contient des formules de letties de citation collectives ou individuelles, d’abjuration avant l’interrogatoire, de réconciliation et depénilence pourlesconvertis, de sentence livrant riiéréti(]ue au bras séculier, de sentence contre ceux qui sont morts dans l’hérésie. Le tout se termine jiar un avertissement sur la nature des preuves admises et la conduite à tenir par les juges qui entendent ne s’écarler en rien de la ligne tracée par les constitutions apostoliques. » (Douais, op. cit., I, ccxxxiv.)

On peut ranger dans la même classe de documents un direidoire à l’usage des inquisiteurs aragonais qui fut préparé, en 12Îi-124^, dans une conférence que présida, à Barcelone, Pihiihe de Albalat, arche-A’éque de Tarragone et au])araant Frère Prêcheur ; il fut sans doute rédigé par S. U.*.imond de Pennafort, de l’ordre des Prêcheurs, pénitencier du pape Grégoire IX. L’un et l’autre de ces personnages n’étaient pas inquisiteurs délégués du Saint-Siège ; mais l’un, Pierre de Albalat, exerçait l’inquisition, en vertu de sa juridiction é|iisco]>ale et métropolitaine ; et l’autre, S. Rayinonil, avait contribué à l’introduire en Aragon ; d’ailleurs, comme canoniste du 859

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pape et compilateur du Corpus jiiris, il avait plus que personne contribué à en Uxer la législation. Ce furent donc des hommes de métier qui rédigèrent ce Directoire, et leurs qualités lui communiquèrent un tel crédit qu’il fut adopté par les inquisiteurs du Languedoc eu même temps que par ceux d’Espagne ; on le trouve dans leurs recueils spéciaux, et c’est dans leurs archives qu’il a été copié, pour le fonds Doat de la Bibliothèque nationale (Douais,.S. Jtarmond de Peiinnfort et les héréliques dans le Moyen Age, 1899, pp. 305-315). Mgr Douais l’a édité dans le Moyen Age. C’est un code fort intéressant de procédure inquisitoriale, comme l’indiquent les titres de ses chapitres : (I Queritiir gui dicantur heretici, qui suspecti, et sic de singulis. — Queiitur de liereticis dogmatizantibtis et relapsis in credentiain quid sit agendiim. — Ouerilur de furina ahjurationis. — Querilur de forma purgationis. — Qualiter compurgatores jurare delieant. — Qualiter sacerdos del/eat inqnirere m con/’essiouilius de fado heresis. » Au tome V de leur Ttiesaurus no^us anecdotorum, Marlène et Durand ont édité deux autres de ces manuels inquisitoriaux, contenant à la fois des résumés des doctrines hérétiques, des formules de procédure et des instructions à l’usage des inquisiteurs. Le premier concerne surtout les Vaudois ou les Pauvres de Lyon. Après plusieurs chapitres sur les doctrines et les mœurs de ces sectaires, ainsi reconnaissables d’après ce signalement, l’auteur examine la manière de les découvrir et de les arrêter, de les ramener à la foi par la crainte de la mort ou de la prison, de les intei-roger. Il simule même un interrogatoire en mettant eu scène les échappatoires et les stratagèmes auxquels ont recours les héréliques et ({u’il faut prévoir pour les déjouer.

Comme l’indiquent ses premières lignes, le second traité, publié dans le Thésaurus et intitulé f)e modo prucedendi contra lierelicos, a pour objet d’indiquer comment on procède contre les Cathares in partihus Carcassonensihus et Tlwlosanis. La première partie est la reproduction du Directoire de S. Raymond de l’ennafort qui n’était donc pas inédit, comme l’allirmait, en le publiant, Mgr Douais, puisque Martène et Durand l’ont publié en 1717, soit 172 ansavant l’édition parue dans le Moyen Age. La seconde partie est un recueil de sentences des inquisiteurs de France et de Languedoc, que l’auteur présente comme des modèles aux autres inqidsileurs. Il y a aussi des formules de réconciliation des Parfaits et des Cro3’anls, de condamnation pour contumace, de condamnation de relaps, d’excommunication contre des rela|is contumaces, de pénitence et d’absolution, de comnuitation lie la peine de prison en une antre peine, de ((unocation du clergé et du peuple i)Our un auto-dafé, des réquisitions pour faire arrêter des prévenus en fuite ou liabitant d’autres pays, etc. Ç/’liesauriis noyus, V, pp. i ; 77-1814).

Beuxard Gi I eut, <le son temps, une compétence toute particulière en matière incpusitoriale. Il avait vécu, dés sa jeunesse, dans l’ordre dominicain, qui lui avait confié de hautes fonctions en Languedoc : pendant dix-huit ans, de 1303 à 1328, il fut lui-même inquisiteur à Toulouse. Il était donc bien qualilié pour faire part à ses successeurs de son expérience en leur laissant un manuel ou Practica de l’Inquisition. Cet ouvrage, dit avec raison son éditeur, doit être regardé comme un des documents les plus imporlants de rinfpiisilion méridionale ; il nous donne i’enscudile desacles successifs du tribunal, dei>uis le moment où il commence à informer jusqu’à celui oii il prononce la sentence ; il émane d’une main habile, honnête et sûre "(Mgr Douais, f.e.i sources de l’histoire de l’Inquisition, p. 78).

On peut se rendre compte de l’intérêt de ce manuel

d’après le résumé succinct que donne MgT Douais de son contenu : « i"^" partie : Formules de lettres ayant trait soit à la citation ou à l’arrestation des personnes suspectes d’hérésie, soit à l’appel des témoins ou conseillers dont l’intervention était nécessaire ; 2" partie : Formules des lettres principalement relatives aux actes gracieux qui d’ordinaire se faisaient au commencement des sermons des inquisiteurs, tels que l’enlèvement des eroix et l’élargissement des emmurés ou prisonniers, l’imposition des pénitences arbitraires, comme pèlerinages et port de croix, l’octroi des grâces en dehors du sermon ; 3’partie : Formules des actes qui se faisaient aux sermons : prestation de serments, excommunication de ceux qui suscitaient des ditDcultés aux inquisitions, enlèvement des eroix, exposé des fautes, abjurations, condamnations, sentences, dégradations, emprisonnement, absolutions, etc. ;  ! ’partie : Constitutions apostoliques, qui avaient dclini le pouvoir et les prérogatives des inquisiteurs ; 5’partie : Instruction pour l’examen et l’interrogatoire des dilTérentes classes d’hérétiques, les Manichéens, les Vaudois, les Faux.pôtres, les Béguins, les Juifs, les sorciers et les devins. A ces cinq parties est joint un appendice qui comprend : 1° le texte des constitutions apostoliques ; 2° des formules d’abjuration ; 3’des mémoi-I res sur la secte des faux apôtres. » (/hidem, pp. 78-74, note.)

Quelques années après Bernard Gui, un autre inquisiteur. Frère Prêcheur comme lui, Nicolas Eymb-Ric, composait un nouveau Manuel à l’usage de l’Inquisition. Lui aussi était qualilié pour l’écrire. Né en 1320, il était entré dès l’âge de 14 ans dans l’ordre de S. Dominique. |En 1307, il remi>laçait comme inquisiteur général d’Aragon, Nicol.vs Hoselli, j)romu au cardinalat. Il exerça ces fonctions slrenue ac intrépide, disent (JuÉTif et EcHAHn (ScripCores ordinis Prædicutorum, , p. 709). Son épitaphe assure qu’il fut inquisitor intrepidus et qu’il combattit ifO ans pour la foi catholique. Lorsque, à cause de la haine que sa rigueur lui avait attirée, il dut se retirer à Avignon auprès de Grégoire XI, puis de Clément VII, il continua sa lutte contre les hérétiques, et sesécrits indiquent la manière de les poursuivre. C’est ainsi qu il composa un traité De jurisdictionc ecclesiæ et inquisitorum contra infidèles denioncs invocantes ; un second De jurisdiclione inquisitorum cuntra infidèles agente.i contra nostram sanctam fidem : et enfin son J)ireclorium inquisitorum. Ecrit à Avignon en 1376, ce traité a une importance capitale. Non seulement il ]>rovient d’un praticien aussi expérimenté que Bernard Gui, mais écrit à la cour pontilicale dans l’intimité du pape Grégt)ire XI. dont Eymeric était le chapel.iin, il semble avoir un caractère encore plus oUiciel. Il est aussi le plus méthodique et le mieux composé des ouvrages de ce genre. « Il comprend trois parties. La première donne un exposé large de la foi catholiqtie et pré|)are la seconde qui fournit un ra|)ide aperçvi des hérésies et spécilie les délits relevant de l’Inquisition ; dans la troisième, sont dévelo|ipées des instructions très précises sur l’ollice des inijuisiteurs, sur les règles de la procédure et la pénalité ; une connaissance profonde du droit éclate ]>artout dans cette œuvre : c’est un avantage dont elle jouit sur toute autre. i> (Douais, /.es sources de l’histoire de l’Inquisilion, p. 75.)

Les actes de l’Inquisition nous font passer de la théorie à la pratii|ue. Par les procès-verbaux des enquêtes, des interrogatoires et des dépositions de témoins, par les actes d’accusation et les sentences d’acquittement ou de condamnation, ils nous font saisir sur le fait le fonctionnement des triluinau.x inquisitoriaux. Dans sa savante introduction à ses 861

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Documents pour senir à riiiituire de l’Inquisition ilans te Languedoc, Mgr Douais a dressé la liste de ces procès-verbaux de l"Inquisilion luéridionale, et lui-nièiue en a publié uu certain nombre dans le tome II de ce même ouvrajje. C’est d’après lui que nous en donnons la liste. Une série d’actes allant de 1287 à 1245 et contenus dans le fonds Doal de la Bibliothèque nationale(loiuesXXI. XXII, XXlll, XXIV). <laus le manuscrit 609 de laBibliotlièque municipale de Toulouse et dans l’Histoire du Languedoc de dom "Vaissète, sont dus à Frère Fbruier, des Prêcheurs, qui fut tout d’abord inquisiteur de l’archevêque de Xarbonne, puis inquisiteur pontilical. Dans les mêmes collections (Doat, XXI-XXIII, XXV, XXVI ; Bibl. foulouse 609, Histoire du Languedoc) se trouvent les actes des dominicains Guillaume Arnaud et ses compagnons, inquisiteurs qui furent tués, en ii^^, à Avignonet. Ils eurent sans doute, pour successeurs, leurs confrères Bernard de Caux et Jean de Saint-Pierre qui exercèrent leurs fonctions le premier jusqu’en 1248, le second jusqu’en 1206. Leurs actes se trouvent dans Doat, XXU-XXVl, XXXI, XXXVl et surtout dans le ms 609 de Toulouse. Dans l’ouvrage auquel nous empruntons ces renseignements, Mgr Douais a publié les actes de Rodolphe et Raymo.nd David, inquisiteurs diocésains de Carcassonne, et étudié le manuscrit qui nous les a conservés. Signalons aussi, parmi les autres inquisiteurs dont nous avons les actes, maître Ahn.ud de Gouzens. délégué diocésain de Toulouse,.mibl, curé du Saint-Etienne de Toulouse et Raymond Rbsplandi, délégué de Jean de Saint-Pierre 1366 (ms 609. Doal, XXV, Archives de la Haute-Garonne H 85) ; les dominicains Renaud de Chartres et Guillaume Bernard de D.*.x (laôS et ia63) (ms 609, Doat, XXV, XXVI) ; Pons du Pouget (1262-1264) dans Doat, XXVI, XXXI-XXXHl ; Etienne de GASTiNE(ia64-12 ; 6) dans Doat, CLX.XII-CLXXni, XXV ; Ranulphe de Plass.ac et Pons (1273-1279) dans Doat, XXV ; Hugues de Bormols, Pibrrh.rsin, Hugues Amiel (1276-1280) dans Doat, XXV-XXVI. XXXII ; Jean Galand (1278-1293) dans Doat, XXVI et XXXII et au ms. 12856 de la Bibliothèque nationale ; Guillaume de Saint-Seine (1286-1292) dans Doal, XXVI et XXXII ; Bertrand de ClermontcI Nicolas d’.bbeville (1298-1302) dans Doat, XXVI. XXXII-XXXV et au ms 118^7 de la Bibliothèque nationale ; Geoffroy d’Abluses et ses lieutenants Géraud de Blom.c et Jean du Faugoux (1308-1309) dans le ms 4269 de la Bibliothèque nationale et dans Doat. XXXIV ; Behnahd Gui (1308-1323) dans le ms iiS^S de la Bibliothèque nationale (édité par Limborch, en appendice à son Ilisiuria I)tqui^itionis (Amsterdam 1692), sous ce titre : l.iher scntenlitirum inquisitionis Tulosanæ ; Jean de IJkaune. Jean du Prat, Henri Chamayou et Pierre Brun (1318-1330) dans Doat, XXXII et XXXV.

Comme le prouvent ceslonguesénumérations.nous sommes abondamment documentés sur la procédure de rinquisilion telle qu’elle se forma au cours du xiii’siècle et dans la première moitié du xiv’pour demeurer à peu près la même jusqu’au xvi’siècle. Aussi les historiens récents tels que M. Tanon, M. FKRnERicii, M. Lba.M. Vacandard, M. de Cauzons, Mgr Douais, ont-ils pu l’étudier avec précision. Nous renvoyons à leurs ouvrages ceux de nos lecteurs qui voudraient connaître, jusque dans les détails les plus minutieux, le fonctionnement de l’Inquisition ; nous nous contentons d’en donner ici, d’après ces savants ouvra ;  ; es, un rapide aperçu.

M. Vacandard distingue ainsi les différentes étapes des procès de rinquisitioi> : a temps de grâce ; appel et déposition des témoins ; - interrogatoire des accusés ; sentence de réconciliation des licréliques repen tants ; sentence de condamnation des hérétiques obstinés ».

Quand on avait décidé de faire une enquête ou Intiuisition dans un pays suspecté d’hérésie, l’inquisiteur, assisté le plus souvent de ses auxiliaires et de ses familiers, serviteurs et notaires, arrivait solennellement dans le paj-s. Il promulguait aussitôt deux édils : par le premier, l’édit de foi, il ordonnait, sous peined’excommunication, à quiconque connaitrailsoit un hérétique notoire, soit une personne suspecled’hérésie, de les lui déclarer ; par le second, l’édit de grâce, il indiquait un laps de temps, allant de quinze à trente jours, pendant lequel tout hérétique où suspect d’hérésie obtenait son pardon, s’il venait accuser ses erreurs, les abjm-er et recevoir, s’il y avait lieu, une pénitence canonique (Eymeric, Diiectorium, ni" partie, n" 52, 53-56).

Les hérétiques qui ne s’étaient pas dénoncés eux-mêmes a pouvaient être signalés à l’inquisiteur par la rumeur publique, avec l’enquête d’oflice et secrète qui lui servait de complément, la dénonciation toujours admise dans le droit, les dépositions des témoins ou même des prévenus u (Douais, L’Inquisition, p. 165). Le droit canon et les manuels des inquisiteurs indiquaient les précautions que l’on devait prendre à l’égard des dénonciateurs et des témoins à charge. Lorsque l’inquisiteur avait retenu une dénonciation, celui qu’elle visait devenait suspect ; il pouvait, dès lors, soit être arrêté et soumis à la prison préventive, soit rester libre en présentant des cautions et en s’engageant à répondre à toute convocation. Il restait au prévenu la faculté de récuser l’inquisiteur ou ses assesseurs, ou de démontrer que les dénonciateurs et les témoins à charge étaient ses ennemis personnels (Eymeric, IU" partie, n° 67). Ce dernier moyen était, il est vrai, bien incertain ; car les noms des dénonciateurs et des témoins n’étaient pas toujours communiqués au prévenu.

Devant les charges accumulées par les dénonciateurs et les témoins, au coius de l’enquête préliminaire, le prévenu pouvait choisir entre deux partis. Il pouvait nier son hérésie ou bien l’avouer et s’en repentir. Dans ce second cas, l’inquisileui’devenait son confesseur et cessait d’être son juge, et au lieu de lui infliger un châtiment temporel ou de le livrer au bras séculier, il lui imposait une des pénitences canoniques. Elles étaient ainsi délinies par le concile de Narbonne de 1243 : « Les hérétiques, leurs partisans et leurs fauteurs qui se soumettront volontairement, montreront du repentir, diront sur eux et sur les autres la vérité entière, obtiendront ainsi grâce de la prison. Ils devront porter des croix (cousues sur leurs vêtements), se présenter tous les dimanches, entre l’épilre et l’évangile, devant le prêtre avec une verge et recevoir la discipline. Ils le feront encore dans toutes les processions solennelles. Le premie : ’dimanche de chaque mois, après la procession ou la messe, ils visiteront, eu habit de pénitence, une verge à la main, les maisons de la ville et du bourg qui les a connus hérétiques. Ils assisteront, tous les dimanches, à la messe, aux vêpres et aux sermons et feront des pèlerinages (Labbe, Concilia, XI, 488). Les pénitences ainsi énuiuérées n’étaient pas imposées simultanément ; il faut voir dans ce canon du concile de Narbonne uu code pénitentiel dans lequel riniquisiteur choisissait la pénitence à infliger dans chaque cas particulier. Cliacune d’entre elles a été étudiée par les historiens de l’Inquisition. On trouvera dans V Histoire des triliunniix de l’Inquisition de France de M. Tanon, et dans l’Histoire de l’Inquisition en France àe M. de Cauzons. des renseignements très précis sur les croix que les convertis devaient porter cousues à leurs vêlements, sur les flagellations qu’ils 863

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devaient subir, les cérémonies auxquelles ils devaient assister, les pèlerinages qu’ils devaient accomplir.

Si le prévenu ne faisait pas spontanément la confession de son hérésie, on essayait de lui en arracher l’aveu par des interrogatoires. L’inquisiteur David d’Aigsbouhg indique les quatre moyens principaux que l’on employait pour cela : « i" La crainte de la mort. On faisait entrevoir au prévenu, s’il n’avouait pas, la condamnation suprême et le bûcher ; au contraire, s’il consentait à parler, il recevait la promesse qu’on lui épargnerait un pareil supplice ; 2" le cachot, plus ou moins rigoureux, aggravé par une nourriture parcimonieuse, la menace que des témoins déposeraient contre lui et qu’alors il ne pourrait plus se sauver, réloignement de tout complice capable de l’encourager dans ses dénégations ; 3° la visite de deux hommes siirs, jugés aptes à l’amener par de bonnes paroles à faire des aveux ; 4° la torture. » (. alyse

par U011.4.IS, /.’Inquisition, p. 170.)

David d’Augshourg omet un autre moyen fort puissant pour obtenir des aveux, l’habileté de l’Inquisiteur. Grâce aux tionimes contre les hérésies que plusieurs d’entre eux avaient composées et qui contenaient le résumé des croyances et la description des mœurs et des habitudes des hérétiques, les inquisiteurs savaient fort bien les interroger, démasquer leurs fauxfuyants, déjouer leurs stratagèmes elles acculer à des questions précises, ne permettant pas d’échappatoire. Ils connaissaient aussi les actes qu’un hérétique ne consentait, en aucun cas, à accomplir. Sachant par exemple que la croj-ance à la métempsycose interdisait aux Cathares de tuer un animal, ils lui ordonnaient de saigner un poulet ; et ainsi, le mettaient dans l’alternative ou de trahir sa croyance par un acte qui lui était contraire, ou de l’avouer. L’un des manuels de l’Inquisiteur publié par Martkne (7"Aeraiirus noi’us aiiecdotorum, V, p. 1792) met en scène les subterfuges qu’employaient les hérétiques au cours de l’interrogatoire et la manière dont l’inquisiteur devait les déjouer. Bernard Gui trouva l’idée si juste et si bien rendue qu’il reproduisit ce passage dans sa Practica.

En face de l’inquisiteur ainsi armé, le prévenu était seul ; les témoins à décharge devaient être rares ; ne pouvaient-ils pas craindre de passer eux-mêmes pour hérétiques en venant aider de leur déposition un suspect ? D’autre part, le juévenu ne pouvait pas se faire assister d’un avocat. La bulle Si adt’ersus no5, signée par Innocent III en 1205et insérée par Grégoire IX dans les Décrétales (liv. V, titre vil), faisait expresse défense aux avocats et notaires d’assister des hérétiques : Vohis, adocatis et scriniariis, firmiter inhihernus ne liiiereticis, credentihus, fautorihus vel defensorihus eornmdem in aliquo prestetis aiixilitim, consiliiim vel favorem, nec eis in causis vel in factis, vtl aliqiiibus litigantibus snh eorum examine lestrum patrociiiinm præbeatis, et pro ipsis publica instrumenta vel scripta facere inillatenus attentetis. Enfin, les interrogatoires des témoins et des prévenus, et en général toute laprocédure de l’Inquisition était secrète. C’est ce que précisait Boniface VIII dans une bulle insérée au Se.rte Concedimus quod in inquisitiunis hæreticae pravitatis negotio procedi possit simpliciter et de piano et absque advocatorum ac j’idiciorum strepitu ac figura (Se.rte, Y, ii, 20), et le Directoriuni d’Eymeric spécilie bien qu’il en était ainsi. L’accusé n’avait donc pas la garantie des débats publics et de l’appel à l’opinion.

Lorsque la procédure était terminée, l’inquisiteur et ses assesseurs prononçaient la sentence. Ils le faisaient généralement avec la plus grande solennité, au milieu d’une assemblée publique convoquée

à cet effet, et appelée le Sermo generalis. Bernard Gui a décrit, en termes fort précis, dans sa Practica, ce Sermo generalis qu’il eut à présider souvent lui-même en sa qualité d’inquisiteur. Il commençait par une brève instruction à la foule et des concessions d’indulgences, se poursuivait par le serment prèle par les officiers de la juridiction temporelle d’obéir à l’inquisiteur pour tout ce qui concernerait la foi. On relevait ensuite certains condamnés de leurs pénitences ; on en imposait à d’autres. Entin, on donnait lecture des fautes commises par ceux qui allaient être jugés. « Cette lecture se faisait en langue vulgaire, dans l’ordre suivant : 1* ceux à qui les croix et les pèlerinages étaient imposés ; 2° ceux qui étaient condamnés à la prison ; 3* les faux témoins qui, comme tels, se voyaient infliger la double peine de la pénitence et de la prison ; 4° les prêtres et les clercs soumis à la dégradation et à la prison ; 5* les morts qui, vivants, auraient été condamnés à la prison ; 6" les morts dont les cadavres devraient être exhumés pour impénitence ; 7° les fugitifs ayant, connue tels, mérité d’être condamnés comme hérétiques ; 8" les relaps devant être aban donnés au bras séculier : d’abord les laïques, ensuite les clercs ; 9° les hérétiques Parfaits ; 10° enfin ceux qui, ayant révoqué leurs aveux, ou qui, convaincus, n’ayant rien avoué ni n’ajant pu se défendre, devaient, comme impénitents, être livrés au bras séculier. » (Douais, L Inquisition, p. 260.) Après cette lecture, les coupables repentants ou tout simplement effrayés par la crainte de la mort abjuraient, et ils étaient relevés de l’excommunication. On lisait ensuite les sentences et on remettait au bras séculier les condamnés qui devaient être frappés de Vanimadversio débita, c’est-à-dire de mort.

Les peines inlligées par l’Inquisition étaient fort variées. Certaines étaient des pénitences canoniques beaucoup plus que des châtiments et recherchaient l’amendement de l’individu plutôt que son affliction ; au Sermo generalis en effet, on imposait des croix, on ordonnait des flagellations, des pèlerinages ou le service en Terre sainte, comme au cours de la procédure. D’autres peines atteignaient la fortune du condamné ; on le déclarait frappé d’incapacité civile et on étendait cette peine à ses enfants ; ou bien on jjrononçait la confiscation de ses biens, ou l’on ordonnait la démolition de sa maison ; quelquefois, on s’en tenait à une simple amende.

Une autre série de peines afflictives pouvait l’atteindre dans sa personne. C’était d’abord l’emprisonnement temporaire ou perpétuel. « Il y avait deux régimes pour les prisonniers : le régime strict (n}nrus strictus, duras ou arctus), et le régime adouci (murus largus)… Les i)ersonnes soumises à ce dernier pouvaient, si elles se conduisaient bien, prendre un peu d’exercice dans les corridors, où elles avaient quelquefois la facilité d’échanger quelques paroles ctde reprendre contact avec le dehors. Les cardinaux qui visitèrent la prison de Carcassonne et prescrivirent des mesures pour en atténuer les rigueurs, ordonnèrent que ce privilège fût accordé aux captifs âgés ou infirmes Le condamné au murus strictus était jeté, les pieds enchainés, dans une cellule étroite et obscure ; parfois il était enchaîné au mur. Cette pénitence était indigce à ceux dont les offenses avaient été scandaleuses ou qui s’étaient parjurés par des confessions incomplètes, le tout à la discrétion de l’inquisiteur. J’ai rencontré un cas, en 1328, où un hérétique fauxtémoin fut condamné au murus strictissimus avec des chaînes tant aux mains qu’aux pieds. Lorsque le coupable appartenait à un ordre religieux, la punition était généralement tenue secrète et le 865

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conJamné était emprisonné dans un couvent de son ordre. Les couvents étaient d’ordinaire pourvus de cellules à cet elîel, où le régrinie n’était pas meilleur que dans les prisons épiscopales… C’était la tombe des vivants, connue sous le nom d’in paie. Dans ces fjeôles misérables, la nourriture était parcimonieusement servie. Cependant, bien que le réjjime normal des prisonniers lut le pain el l’eau, l’Inquisition permettait aux siens de recevoir d’autres aliments, du viii, de l’argent ; il est si souvent fait allusion à cette tolérance qu’on peut la regarder comme un usage établi. » (Lea, Histoire de l’Inquisition, I, pp. /, 8/, , 486, 492-)

Enlin, la pénalité la plus grave était la mort par le bûcher. Elle était prononcée non par l’Inquisition, mais par les juges civils lorsque les juges ecclésiasti <iui’S avaient convaincu un prévenu d’hérésie et, selon la formule consacrée, l’avaient abandonné au bras séculier. En laissant ainsi à l’autorité temporelle le soin de prononcer Vanimadfersio débita c’est-à-dire la peine de mort (Ev.meric, 11’partie, p. i^g). l’Eglise entendait rester lidèle au principe qui interdisait à ses ministres de verser le sang : Ecclesia ahhurret a sanguine.

Les sentences de l’Inquisition allaient frapper les morts jusque dans leurs tombes. « Les Romains avaient connu les jugements après la mort ; ils atteignaient certains criminels de lèse-majesté dont les procès pouvaient s instruire et se juger après le décès, entraînant en cas de condamnation la contisation des biens avec la spoliation des héritiers. L’analogie établie entre l’hérésie et le crime de lèsemajesté (analogie que nous trouvons dans la bulle d’Innocent III du a5 mars 1199, insérée dans les [)écrétales, , vii, 10) lit adopter pour la première les mesures rigoureuses de la loi romaine contre le second » (de Cauzons, Histoire de l’Inquisition en France, II, p. 354). Par conséquent, lorscpie des dénonciations ou les incidents d’un procès déjà

« ngagé semblaient indiquer que telle personne déjà

morte avait été hérétique, on instruisait son procès, conune si elle était vivante, on la jugeait et on prononçait contre elle les peines qu’elle aurait méritées si elle avait réellement comparu. Si la peine était la conliscation des biens, on les prenait à ses héritiers. Si la peine était la mort, on exhumait le corps du condamné devenu indigne de demeurer dans la terre sainte des cimetières chrétiens et on l’inhumait en un autre endroit. Les registres de l’Inquisition nous décrivent plusieurs de ces opérations macabres, et donnent le détail des frais qu’elles ont causés. Parfois même, pour frapper l’imagination des vivants, on promenait ces cadavres dans les rues des cités avant de les rendre à la terre. « Et ossa eoruni et corpiira felentia per villain tracta et voce tiliicinaloris fier vicos priiclamata el nominata dicentis : qui utal l’ara, atal périra (((ui fera ainsi, ainsi périra) », raconte le chroniqueur toulousain G. Peluisso cité par DE Cauzons (op. cit., 363).

Telle fut l’Inquisition dans l’Europe du moyen âge el en parlievilier dans le midi de la France. C’est en toute sincérité et d’après les textes que nous en avons décrit le fonctionnement, nous gardant bien de laisser dans l’ombre ou d’atténuer ce qui peut blesser ou étonner notre mentalité moderne. Il nous reste une dernière tâche à remplir, celle d’expliquer les faits que nous avons exposés, de les placer dans leur vraie lumière et de leur donner leur juste signilication. nous gardant à la fois des exagérations et des atténuations qui, en faisant perdreaux événements leur valeur exacte, faussent l’histoire.

Puisque nous ne faisons œuvre ni de tliéologien ni de casuisle, nous laisserons de côté la thèse sur

Tume II.

laquelle s’appuie le principe de l’Inquisition ; d’autres examineront si l’Eglise a le pouvoir coercitif et s’il est légitime de poursuivre pour cause d’hérésie [voir article HiinÉsiE]. Nous plaçant sur le terrain de l’histoire, nous nous contenterons d’étudier commenf l’Inquisition s’est acquittée de son rôle.

Que des abus, des irrégularités, des violences se rencontrent dans l’histoire de rin(]uisition, c est ce que nul historien ne niera, et ce qui d’ailleurs ne doit étonner personne. L’Inquisition a été une institution humaine, servie par des hommes ayant leurs haines, leurs passions, leurs vulgaires intérêts auxquels ils sacrifiaient, en même temps qu’ils défendaient les intérêts supérieurs de l’Eglise et de la société. Lea fait remarquer que parfois la peine de la confiscation, en excitant les convoitises, a i)u déterminerdes jugements iniques ; il est probable aussi que des haines personnelles ont pu dicter des dénonciations, peut-être même des condamnations. Il en est ainsi devant toutes les juridictions de ce monde. Celle des inquisiteurs s’est exercée dans des circonstances particulièrement dilliciles, en pleine bataille, si l’on peut s’exprimer ainsi, et sous la pression violente <les événements et de l’opinion. Là où l’hérésie était puissante, il fallait lutter contre l’opinion, arrêter de force les prévenus el c’est en tenant tête ainsi aux princes et aux populations hérétiques que les juges ecclésiastiques exerçaient leurs fonctions. Ailleurs, ils avaient pour eux les foules fanatisées contre l’hérésie et qui attendaient avec une impatience cruelle le jour où le Serma f^enernlis livrerait au bras séculier de nouvelles victimes, et au bûcher de nouvelles proies. C’est au milieu des cris de haine el de malédiction proférés contre les prévenus que les inquisiteurs jugeaient. II leur était didicile dans ces conditions de garder une parfaite sérénité ; qu’ils y aient parfois manqué et qu’eux aussi se soient laissé entraîner ])ar les passions violentes qui s’agitaient autour de leur tribunal, c’est naturel, el l’histoire le constate. Enlin, plusieurs d’entre eux avaient passé une partie de leur vie à discuter avec l’hérésie, à la combattre ; certains, tels que Robert le Bougre, inquisiteur de France, et Reynier Sacchoni, inquisiteur de Lombardie, avaient été eux-mêmes hérétiques et même Parfaits ; revenus à l’orthodoxie catholique, ils avaient poursuivi leurs anciens coreligionnaires avec une haine toute particulière, que la psychologie explique si la morale la condamne. Qu’inquisiteurs ils aient montré une passion qui ne sied pas à des juges el que plusieurs fois les évcquts el les pajies aient dû les rappeler à la modération, c’est encore ce qui n’étonnera personne. Ces considérations suflisenl déjà pour expliquer — sans les excuser — beaucoup d’abus el de rigueurs.

Mais à côté de ces juges violents ou cruels, il y en avait vm grand nombre qui, ayant sans cesse Dieu devant les yeux, huhentes Di-iiin præ oculis comme le disaient certaines sentences, se rendaient parfaitement compte de la gravité el des lourdes responsabilités de leur ministère. Prêtres ou moines, agissant pour la gloire de Dieu et la défense de la vérité, mus par des raisons d’ordre surnaturel, ils délestaient l’hérésie, mais étaient pleins de miséricorde poiu- les prévenus. Condamner un innocent leur paraissait une monstruosité et, comme le leur recommandaient les papes, ils ne prononçaient une seutence de condamnation que lorsque la culpabilité ne laissait dans leur esprit aucun doute. Ramener à l’orthodoxie un hérétique était pour eux une grande joie cl, au lieu de le livrer au bras séculier et à une mort qui coupait court à tout espoir de conversion, ils aimaient mieux viser de pénitences canonirpics el de pénalités temporaires, permettant au coupable de s’amender.

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Ces sentiments sont souvent exprimés dans les manuels des inquisiteurs et nous i)ermettent d’apprécier la bonne foi, la conscience, la droiture et même la charité de plusieurs d’entre eux.

Bernard Gui a passé, dans son temps, pour un inquisiteur sévère, et cependant quel lieau portrait il trace de l’inquisiteur tel qu’il le comprend et tel évidemment qu’il s’ell’orça de le réaliser lui-même 1 a Il doit être, dit-il dans sa Practica, diligent et fervent dans son zèle pour la vérité religieuse, pour le salut des âmes et pour l’extirpation de l’hérésie. Parmi les dillicullés et les incidents contraires, il doit rester calme, ne jamais céder à la colère ni à l’indignation. Il doit être intrépide, braver le danger jusqu’à la mort, mais tout en ne reculant pas devant le péril, ne pointleprécipiter parune audace irrélléchic. il doit être insensible aux prières et aux avances de ceux qui essaient de le gagner ; cependant il ne doit pas endurcir son cœur au point de refuser des délais ou des adoucissements de peine suivant les circonstances et les lieux… Dans les questions douteuses, il doit être circonspect, ne pas donner facilement créance à ce qui paraît ])robable et souvent n’est pas vrai ; il ne doit pas non plus rejeter obstinément l’opinion contraire ; car ce qui paraît im[)robable linit souvent par être la vérité. Il doit écouter discuter et examiner avec tout son zèle, alin d’arriver patiemment à la lumière… (Jue l’amour de la vérité et la pitié, qui doivent toujours résider dans le cœur d’un juge, brillent dans ses regards, afin que ses décisions ne puissent jamais paraître dictées par la convoitise et la cruauté. » (URiiNAnD Gui, Practica, VI’partie, éd. Douais, pp. a3a-233 ; trad. VACANUAnn, op. cit., p. 156.)

Ces conseils sont ceux de la sagesse même et indiquent un sens délicat de la justice ; magistrats et historiens peuvent en tout temps les prendre pour règle de leurs jugements. Dans son Hirectvrium (111’partie, quest. I, De cunditione inqiiisitoris), Evmeiuc trace de l’iuquisiteur le même portrait que Bernard Gui. Les papes multiplièrent les précautions pour que cet idéal fût poursuivi le plus possible et ils entourèrent de garanties la nomination des inquisiteurs. Garanties d’âge : conlirmant des décisions déjà prises par ses prédécesseurs et en faisant une décrétale. Clément V, au concile de Vienne, décida que nul ne pourrait exercer les fonctions inquisiloriales avant làge de qviaranle ans (Cleiiientiii., V, iii, 2). Garanties d’intelligence et d’Iionorabilité : Alex.4^n-DUE IV (ia55), Uruain IV (1 26a), Clément IV (i 260), Ghégoikiî X (1273). Nicolas IV (1290) ont insisté sur les qualités d’esprit, la pureté des mœurs, l’honnêteté scrupuleuse que l’on devait exiger de ces juges redoutables (Pottuast, 16182, 16611, 18387, 18368, 19872, 19924, 20720, 2072/), 28297, 33298). Garanties de science : Evmbiiic déclare que la connaissance approfondie de la théologie et du droit canon était exigée des inquisiteurs (Eymkhic, III" part., quest. 1), et M. DE Cau/.ons, cependant fort sévère à leur endroit, reconnaît que « généralement ils furent de fait, sous ce rapport, des hommes remarquables » (Histoire de ilnquisilioii, II. p. 61). La manière dont ils cxeri.’aient leurs fondions était sans cesse contrôlée. Ils deuieuraient en e’.l’et sous l’autorité du pape et le Saint-Siège intervint paifois pour moilérer leur zèle et punir leur excès (Evmeric, IIP part., quest. 9). Inno< ; bnt IV, le 13 janvier 124C, et Alexandre IV, le 18 mai 1256, ordonnèrent aux provinciaux et aux généraux des Dominicains et des Mineurs de déposer les inquisiteurs de leurs ordres qui, par leur cruauté, soulèveraient l’opinion publique (Pottuast, 11993 ; DoAT, XXXI, 198). Au concile de Vienne, Clément V frappa d’une sentence d’excommunication, ne pou vant être levée qu’à l’article de la mort, sous réserve de la réparation du dommage, l’inquisiteur qui aurait profité de ses fonctions pour faire des gains illicites et extorquer aux accusés des sommes d’argent (ne, prétexta o/ficii iiiquisitioni.s, quihiisi’is modis illicitis ah aliquibiis pecuniam ettorqueant (Cleiitentin., V, III, 2). Dans ces cas, comme dans tous ceux de faute grave, les inquisiteurs étaient révo(iués soit par leurs supérieurs religieux, soit par les légats apostoliques, soit directement par le Saint-Siège (Douais, Documents, p. xxiv). Enlin, les évéques avaient le devoir de signaler au pape tous les abus qui se pouvaient commettre dans la procédure inquisitoriale et de dénoncer les coupables. La même obligation était imposée à tous ceux, notarii et officiales dicti ofjicii, nec non fratres et socii inqiiisitorum et eommissariorum ipsorum, qui, prêtant leur concours aux inquisiteurs, étaient à tout instant témoins de leurs actes (Clément., V, iii, 2). Après avoir signalé toutes ces prescriptions, M. db Cauzons conclut : « On peut croire qu’après les années de tâtonnement et d’expériences. .. il resta peu d’abus personnels dans l’Inquisition, devenue, au xiv* siècle, une des machines judiciaires les rnieur organisées qui fiis.’ient. >i Comme le plus souvent la Clémentine de 13Il ne fait que confirmer des décisions remontant à la première moitié du xiii* siècle, nous pouvons a]>pliquer à l’Inquisition du xiii’siècle l’appréciation qui est ainsi fornmlée sur celle du xiv’, et allirnier « lue si, dès le début, elle fut investie d’un pouvoir redoutable, elle fut aussi entourée des plus grandes garanties dans le choix de ses juges et du contrôle le plus minutieux dans son fonctionnement.

Les détracteurs systématiques de l’Iiiipiisition ont insisté sur l’extension presque indéfinie de l’.-iction inquisitoriale. Nul, disent-ils, n’était assuré d’échapper à ses poursuites : ses tribunaux et ses sentences étaient une menace perpétuelle pesant sur tout être humain. Certes, nous ne nions pas le caractère redoutable de l’Inquisition et l’étendue de sa juridiction, mais encore devons-nous nous garder soigneusement, sur cette question, de toute exagération.

Lorsque l’Inquisition fut organisée, dans la première moitié du xiii" siècle, elle eut pour mission de combattre les dilTérentes sectes qui provenaient du Manichéisme : elle étendit son action aux autres hérésies ([ui eurent, comme celle des Vaudois, des allinités avec elles ; enllii, elle frap]>a non seulement ceux qui prêchaient et pratiquaient ouvertement ces doctrines antichréliennes et antisociales, mais aussi ceux qui en favorisaient la diffusion, de quelque manière que ce fut.

Une première remarque s’impose, c’est que l’Inquisition, ne visant que les hérétiques, laissait hors de son action répressive les non-chrétiens qui, n’ayant jamais admis les dogmes du christianisme, ne pouvaient pas avoir professé à leur endroit des opinions contrairesà l’orthodoxie. Dès lors, lespaïens et les musulmans échappaient à sa juridiction ; el si, plus tard, en Espagne par exemple, elle prononça contre eux des sentences, ce fut par une contradiction avec ses |irincipes, que lui imposa la politique des princes, |)hitôt que le souci de l’orthodoxie.

Les Juifs <mt bénéficié d’une plus grande tolérance encore. M. Salomon Heinach l’a parfaitement démontré dans une conférence faite à la Société des Etudes juives, le 1" mars 1900 et publiée dans la ^^e^ue des Jùiides jnifcs de cette même année. Il cite avec raison le texte bien connu de saint Thomas d’Aquin :

« Les juifs observent leurs rites, sous lesquels la

vérité de la foi i|ue nous gardons éUiit autrefois préfigurée ; il en résulte cet avantage que nous avons le témoignage de nos ennemis, en faveur de notre foi. 869

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et que l’objet de notre croyance nous est, pour ainsi dire, représente en image. » Pour cette raison, conclut saint Tliomas, le judaïsme « mérite tolérance ». C’est une même pensée qu’exprime Eymbric dans son nirectorium : « Uitiis Judeorum ab Ecclesia toterantur quia in illis Inihemiis testimonium fidei cliristianilatis. o Des lors, dit M. Salomon Reinacli, a il ne jtouvait être question de contraindre les Juifs à se convertir, ni de baptiser de force leurs enfants, encore moins de les exterminer ».

Il est cependant deux cas, où l’Inquisition a eu à s’occuper du judaïsme. En lîSg, Ghkgoirh IX lui ordonna de saisir partout les exemplaires du Talmud et de les brûler. « Tandis qu’on brûlait les chrétiens hérétiques, on se mit à brûler avec non moins de zèle les livres juifs. En la^S, il y eut deux exécutions de ce genre à Paris, l’une portant sur quatorze charretées de manuscrits, l’autre sur six… Eu 1267, Clkmbnt IV prescrit à l’archevêque de Tarragone de se faire livrer tous les Talmuds… En iSig, à Toulouse, Bernard Gui en réunit deux charretées, les fait traîner à travers les rues de la ville et brûler solennellement. Le même inquisiteur somma leschrétiens, sous peine d’excommunication, de livrer les livres hébraïques qu’ils détenaient. » (S. Reinacu, ibidem.) Ainsi, au témoignage de M. Reinach, ce sont les livres et non les fidèles du judaïsme, qui ont eu à subir les rigueurs de l’Inquisition. Cet acharnement contre le Talmud s’explique d’ailleurs par les excitations qu’il renferme contre les chrétiens et les actes malhonnêtes et immoraux qu’il permet et recommande même à leur détriment. C’est la raison que donnait Grégoire IX dans la bulle par laquelle il condamnait le Talmud et le livrait à l’Inquisition. S’appuyant sur des citations de ce livre, que le rabbin Isidore Loeb reconnaît authentiques, traduites d’une manière a exacte, précise, très scientilique « , et saisissant fort bien « le sens des passages », le pape signalait à l’indignation des chrétiens des enseignements talmudiques que toutes les lois, même nos lois II laïques » punissent. En voici quelques exemples : u Un serment ou un vœu peuvent être annulés par la permission de trois personnes ou d’un seul docteur… Un serment ou un vœu faits dans l’année sont nuls si, au commencement de l’année, on a pris la précaution de dire : Je veux que tous les serments et vœux que je ferai dans l’année soient nuls et non avenus… On peut et on doit tuer le meilleur des goyim (non-Juifs). Un gor (non-Juif) qui se repose le samedi mérite la mort. Un goy qui s’occupe de l’étude de la loi mérite la mort. L’argent des goyim est dévolu aux Juifs, donc il est permis de les voler ou de les tromper… Il est défendu de rendre à un goy un objet qu’il a perdu. » (Isidore Loeb, /.a controi’erse sur le Talmud sous sailli Louis, p. 8.) Pour défendre le Talmud, qu’il déclare « un des monuments les plus curieux de la pensée humaine » et « un livre profondément religieux », M. le rabbin Loeb nous allirme que ces passages vraiment immoraux contre les goyim ne visaient que les païens du temps d’Adrien ; mais le fait qu’au xiu" siècle le Talmud était enseigné dans toutes les écoles juives, que ses exemplaires étaient répandus tellement à profusion dans le monde juif que l’Inquisition ne put les épuiser, nous prouve que ses prescriptions et ses conseils étaient observés aussi au xiii" siècle et que le pape, les princes chrétiens et les fidèles avaient bien raison de faire réprimer ces excitations au vol, au pillage et à la haine des chrétiens. On trouvera même qu’en se contentant de punir le livre, l’Inquisition se montra bien douce ; de nos jours, ceux qui excitent au pillage répondent personnellement devant les tribunaux de leurs odieuses doctrines.

Il est un second cas où l’Inquisition eut à s’occuper des Juifs. Elle voulut préserver de leur lente infiltration la pureté du christianisme et, pour cela, elle poursuivit les faux convertis qui n’adoptaient la forme extérieure du christianisme que pour mieux dissimuler leur origine et leur ijualilé. En un temps où l’ordre social était établi sur la distinction des races et des religions, et où juifs et chrétiens avaient leur statut particulier et leurs privilèges propres, on comprend que l’Inquisition, agissant dans l’intérêt de la société autant que dans celui de l’Eglise, ait poursuivi les Juifs hypocritement convertis au christianisme, tandis qu’elle respectait, d’une part, les Juifs qui restaient fidèles à leur religion et, d’autre part, ceux qui, sans arrière-pensée, recevaient le baptême.

« L’Eglise, dit fort bien M. Reinach, ne défendait pas

aux Juifs d’être juifs ; mais elle interdisait aux chrétiens de judaïser et aux Juifs de les pousser dans cette voie. » (Ihid.) Ce fut l’Inquisition d’Espagne qui, au XV’et au xvi* siècle, organisa les persécutions antisémites ; mais ce fut pour des raisons politiques, sous la pression des souverains, plutôt que pour des raisons religieuses et sous l’impulsion du catholicisme ; de sorte que les Juifs, dit M. Reinach, « eurent d’autant plus à souffrir de l’Inquisition qu’elle s’écarta davantage de son objet propre et du rôle que lui avait tracé l’Eglise ». En un mot, l’Inquisition religieuse du Moyen Age a respecté les Juifs quand eux-mêmes respectaient les chrétiens ; l’Inquisition politique de la Renaissance les a poursuivis et durement condamnés.

Limitant leur action répressive à l’hérésie, les inquisiteurs ne punissaient pas tous les hérétiques. ce Le rejet des définitions ecclésiastiques, s’il reste interne strictement, ne relère, en cas de culpabilité, que de la justice divine ; car les actes purement internes échappent forcément à toute coercition humaine. Aussi très sagement, l’adage scolastique disait : Ecclesia de inlernis non judicat. Restée interne, l’hérésie n’aurait pas ému la société ecclésiastique du Moyen Age. La cause de son émotion d’abord, ensuite des mesures de répression qu’elle crut devoir prendre, fut la manifestation de l’hérésie interne par des discussions ou des controverses publiques, surtout par des groupements de sectaires annonçant ouvertement leur intention de transformer la société, d’abolir ou du moins de réformer l’Eglise de fond en comble. » (De Cauzons, Histoire de l’Inquisition en France, II, p. 134.)

On ne saurait mieux définir la position de l’Inquisition en face de l’hérésie ; elle respecta les opinions individuelles, personnelles ; elle ne les punit que lorsque, passant de la spéculation à l’action, elles menacèrent l’ordre social et religieux ; elle ne poursuivit que les hérétiques mani/esles.

S’il en est ainsi, pourquoi l’Eglise a-t-elle ordonné la recherche, Vinquisitio d’hérétiques manifestes ? S’ils étaient manifestes, était-il besoin de les rechercher, et si on les a recherchés, souvent au prix de mille dilUcultés, n’est-ce pas la preuve qu’ils n’étaient pas manifestes, et que par conséquent les affirmations que nous venonsd’énoncer vont à rencontre des faits ?

L’objection vaudrait s’il y avait eu une distinction bien tranchée entre les hérétiques manifestes et les autres. Mais, à dater du jour où l’Inquisition fonctionna régulièrement, il se forma une troisième catégorie d’hérétiques, bientôt la plus nombreuse. Elle comprenait ceux qui faisaient acte d’hérétiques, mais en cachette. Ils se livraient à leur propagande antichrétienne et antisociale, ils recrulaient des adhérents, préparaient des complots contre l’orthodoxie, mais dans le mystère des bois et de la nuit, dans le 871

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secret de réunions occultes. Ils étaient hérétiques manifestes ; car ils manifestaient leur hérésie par des actes chaque fois qu’ils en avaient l’occasion ; mais le plus souvent, ils dissimulaient ces manifestations par crainte de poursuites et ainsi, tout en étant des hérétiques manifestes, ils devaient être recherchés et convaincus lorsqu’ils niaient les faits relevés contre eux.

Ainsi reste vraie la distinction établie par M. de Cauzons à la suite de la plupart des historiens de l’Inquisition : la pensée hérétique restait libre ; mais la manifestation de l’hérésie dans le domaine religieux et social était punie, parce qu’elle constituait un danger public.

On s’est élevé avec indignation contre l’Inquisition parce qu’elle refusait de livrer les noms des dénonciateurs et des témoins à charge, et de les confronter avec l’accusé. i< L’accusé, écrit Lea, était jugé sur des pièces qu’il n’avait pas vues, émanant de témoins dont il ignorait l’existence… L’inquisitem- pouvait se permettre sans scrupule tout ce qui lui semblait conforme aux intérêts de la foi. i- (Ilisloire de l’In<j ! iisitiuii, I, p. iyS. Voir aussi l’indignation deM.Cu. V. L.^^NGLOis, dans L’Inquisition d’après des traïaiijrécents. )

< Celte coutume, observe avec raison M. de Cadzons, n’avait pas été imaginée pour entraver la défense des prévenus ; elle était née des circonstances spéciales où l’Inquisition s’était fondée. Les témoins, les dénonciateurs des hérétiques avaient eu à souffrir de leurs dépositions devant les juges ; beaucoup avaient disparu, poignardés ou jetés dans les ravins des montagnes par les parents, les amis, les coreligionnaires des accusés. Ce fut ce danger de représailles sanglantes qui lit imposer la loi dont nous nous occupons. Sans elle, ni dénonciateurs ni témoins n’eussent voulu risquer leur vie et déposer à ce prix devant le tribunal. » Quand on pense aux nombreuses vendettas que les dépositions en justice amènent en Corse et en Italie, à la difficulté que les tribunaux rencontrent parfois à obtenir des dépositions de témoins oculaires refusant de parler par crainte de la vengeance des accusés, de leurs amis et de leurs parents, on s’explique, dans une certaine mesure, cette pratique de l’Inquisition ; cars’il est bon de respecter les droits de la défense, il n’est ni moins bon ni moins juste de sauvegarder la sécurité des témoins dont les dépositions permettent à la justice de s’éclairer. Il y a, dans ces cas, conflit entre deux inlcrcts également graves ; notre législation sacrilie l’un à l’autre, en livrant à la défense les noms des accusateurs et des témoins à charge ; l’Inquisition a essayé de les concilier.

Ce n’était pas enelîel en toute circonstance, comme semble l’indiquer l’affirmation absolue de Lea, que l’Inquisition gardait secrets les noms des dénonciateurs et des témoins : c’était seulement lorsque, à le faire, il y aurait eu danger pour eux ; et c’est ce que reconnaît Lea lui-même, quelques lignes plus loin.

« Lorsque Boniface VIII incorpora dans le droit canonique

la règle de taire les noms, il exhorta expressément les évêques et les inquisiteurs à agira cet égard avec des intentions pures, à ne point taire les noms quand il n’y avait point de péril à les communiquer, et à les révéler si le péril venait à disparaître. En i ^gg, les Juifs de Rome se plaignirent à Boniface que les inquisiteurs leur dissimulaient les noms des accusateurs et des témoins. Le pape répliqua que les Juifs, bien que fort riches, étaient sans défense et ne devaient pas être exposés à ropi)ression el à l’injustice résultant des procédés dont ils se plaignaient… en lin de compte, ils obtinrent ce qu’ils demandaient, n (Lka, op. cit., p. 494-) Il en était de même des confroutations ; elles étaient supprimées quand il j- avait,

à les faire, péril pour les témoins j on y procédait lorsque le danger n’existait pas ou avait disparu. C’est ce qui explique que, dans le procès de Bernard Délicieux, en 131 g, seize témoins sur quarante furent mis en présence de l’accusé (Ihid.).

Même pour les cas où il n’y avait ni confrontation des témoins ni communication de leurs noms, il est injuste de dire, avec Lea, que « l’inquisiteur pouvait se permettre sans scrupule tout ce qui lui paraissait conforme aux intérêts de la foi ». D’abord, l’inquisiteur n’était pas seul à connaître les noms, même quand il ne les livrait pas aux accusés. U les communiquait forcément aux notaires, aux assesseurs, en un mot, à tous les auxiliaires qui avaient le devoir de contrôler les actes de l’inquisiteur et de les dénoncer, s’ils étaient coupables ou irréguliers, au pape, aux évêques, aux dignitaires des ordres mendiants. Dans sa bulle Licei ex omnibus, du 16 mars 1261, Urbain IV faisait un devoir de donner ces noms à un certain nombre de personnes qui devaient assister le juge dans la procédure et le jugement : ipsoi um nomina non publice sed secrète, coram aliqiiibus personis providis et honestis, religiosis et aliis ad hue tocatis, de quorum consilio ad sententiam vel condemnationem procedi ohimus, exprimentur (Corpus juris canonici ; Sexte, , il, io). Ces personnes honnêtes et discrètes formaient une sorte de jury qui appréciait la valeur des témoins el de leurs témoignages ; leur appréciation suppléait, dans une certaine mesure, au contrôle de la publicité. Enfin, Mgr Douais fait remarquer, d’après les documents qu’il a lui-même publiés, « que le prévenu était invité à faire connaître s’il avait des ennemis mortels ; si oui, il devait le prouver, dire pourquoi et les désigner par leur nom ; ils étaient aussitôt récusés et écartés de la cause » par l’inquisiteur ou a les personnes honnêtes et discrètes » qui l’assistaient (L’Inquisition, p lyS). Afin d’enlever aux témoins la tentation de profiter du m38tère où on les tenait pour chargerdes innocents, de graves pénalités frappaient les fausses dépositions, a Quand on démasquait un faux témoin, dit Lea, on le traitait avec autant de sévérité qu’un hérétique. » Après toutes sortes de cérémonies humiliantes, a il était généralement jeté en prison pour le reste de sa vie… Les quatre faussaires de Narbonne, en 13a8. furent considérés comme particulièrement coupables parce qu’ils avaient été subornés par des ennemis personnels de l’accusé ; on les condamna à l’emprisonnement perpétuel, au pain et à l’eau, avec des chaînes aux mains et aux pieds. L’assemblée d’experts tenue à Pamiers, lors de Yauto de janvier iSag, décida que les faux témoins de raient non seulement subir la prison, mais réparer les dommages qu’ils avaient fait subir aux accusés » (Lea, op. cit., 1, P- 499).

Pour ameuter contre l’Inquisition les fureurs de l’opinion publique, on a insisté de toutes manières sur la torlure qu’elle infligeait aux prévenus ; les romanciers, les historiens anticléricaux, les artistes eux-mêmes nous ont montré les bourreaux s’acharnant avec des raffinements de cruauté contre les malheureux prévenus, sous les regards haineux de prêtres et de moines. II faut nous garder à ce sujet de toute exagération, et pour cela, il nous suflit de laisser parler les textes.

Il est certain que la procédure inqiiisitoriale a fait appel à la torture pour arracher des aveux aux accusés. Elle fut ordonnée par la bulle ^4d extirpandu du pape Innocent IV, en date du 15 mai ia5a. « Le podestat ou le recteur de la cité, disait-elle, sera tenu de contraindre les hérétiques qu’il aura capturés à faire des aveux el à dénoncer leurs complices sans 873

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toutefois leur faire perdre un membre ou mettre leur vie en danger. » (HuUarum amplissima tullectio, III, p. 3-26.) Celle conslitulion promulsfuanl plusieurs règles de l’Inquisition en Homagne, Loiubardie et dans la Marche de Trévise, fut conlirniée par Albxan-DRB IV, le 30 novembre 1269, et Clkmknt IV, le 3 novembre 1265 (PoTTiiAST, 1-714 et ir)433). Les inquisiteurs, d’ailleurs, n’avaient pas allendu ces décisions pontiticales pour faire usage de la torture, puisque nous en avons des exemples dans le midi de la France dès 12^3 (Douais, Ducnments, p. ccxi.).

L’emploi de la torture dans les procès d’hcrcsie est d’autant plus étonnant que jusqu’alors l’Eglise s’était efforcée de faire disparaître de toute procédure criminelle cet usage barbare. Dès le ix" siècle, le pape Nicolas 1=, répondante une consultation des Bulgares, avait réprouvé ce moyen cruel d’enquête (Labbk, Concilia, VIII, 5/|4) qui. disait-il, » n’était admis ni par les lois divines ni par les lois humaines ; car l’aveu doit être spontané et non arraché par la violence » ; et reprenant cette formule, le Décret de Gralien, code de la procédure canonique du xii" siècle, disait : « Confe.isio non eitorqueri deliet scd potins sponte profiteri. »

Deux raisons expliquent historiquement la réapparition de la torture dans le droit canonique. Elle était déjà d’un usage courant dans les tribunaux séculiers. .Vvec la renaissancedu droit romain, dit Lk.i, " les légistes commencèrent à sentir le besoin de recourir à la torture comme à un moyen expéditif il’informalion. Les plus anciens exemples que j’ai rencontres se trouvent dans le Code Véronais de 1228 et les Constitutions siciliennes de Frédéric II en I231 » (Histoire de l’Inquisition, 1, p. 4j’)- L’Inquisition du xiu" siècle ne lit donc qu’emprunter la torture aux juridictions laïques ; elle subit sur ce point l’induence de son temps. Ce qui l’y poussa, ce fut la gravité du péril que l’hérésie faisait courir à l’Eglise et à la société, et la nécessité d’y remédier avec eflicacité et rapidité. Sans prétendre le moins du monde justifier ce cruel usage, rappelons que des siècles fort civilisés, tels que le xvii’et le xviii’, l’ont trouvé naturel, et qu’il a fallu arriver jusqu’à Louis XVI pour le voir enfin disparaître de nos lois françaises.

A la décharge de l’Inquisition il faut dire qu’elle employa la torture, non pas avec cette cruauté rallinée que lui prêtent ses adversaires, mais avec les plus grandes précautions et dans des cas tout à fait exceptionnels. Les papes répétèrent à plusieurs rejirises que la torture ne serait jamais poussée jusc)u’à la perte d’un membre et encore moins jusqu’à la mort, citra membri diminntionem et mortis periculum, et ainsi ils fixaient une limite à ses rigueurs.

D’autre part, les manuels des inquisiteurs faisaient tous remarquer que la question ne devait être inlligcc que dans des cas fort graves et lorsque les présomptions de culpabilité étaient déjà fort sérieuses. i< D’une manière générale, pour mettre quelqu’un à la torture, il était nécessaire d’avoir déjà sur son crime ce qu’on appelait une demi-preuve, par exemple deux indices sérieux, deux indices véhéments, selon le langage inquisitorial, comme la déposition d’un témoin grave, d’une part, et, d’autre part, la mauvaise réputation, les mauvaises mœurs ou encore les tentatives de fuite (de Cadzons, op. cit., II, p. 287, d’aprèse Dircdoriuni d’EYMFRTc). Elle n’était infligée que lorsque tous les autres moyens d’investigation étaient épuisés. Enfin on ne laissait pas à l’arbitraire de l’inquisiteur, excité peut-être par la recherche de la vérité, le soin de l’ordonner. Le concile de Vienne de 13Il décida qu’un jugement devrait intervenir pour cela et que l’évêque diocésain participerait à la

sentence qui serait rendue dans ce cas (Clément. V, m, 1) et aurait à lui donner son consentement.

Dans ces conditions, l’Inquisition n’eut recours que fort rarement à la torture. Dans le midi de la France où elle fut si active au xiii* et au commencement du XIV’siècle, elle l’employa si peu que les historiens ses ennemis en ont été désagréablement surpris, et ont dû supposer — sans en fournir la moindre preuve

— que l’emploi de la torture était mentionné dans des registres spéciaux aujourd’hui perdus. « Il est digne de remarque, déclare Lea, que dans les fragments de procédure inquisitoriale qui nous sont parvenus, les allusions à la torture sont singulièrement rares… v DAnsles s i.r cent trente-si j-senlences inscrites au registre de Toulouse, de 130y à 1323, la seule mention qui en soit faite est dans le récit d’un seul cas. Il est possible que des cas de torture aient été omis dans ces procès-verbaux ; car quoi qu’en dise Mgr Douais (Documents, p. ccxi.) Bernard Gui parle de la question dans sa Practica, et s’il conseille d’y avoir parfois recours (talis potest questionari… ut t’eritas eruatur), c’est apparemment qu’il a dû lui-même s’en servir de iSog à 1323. Mais le laconisme des documents nous est un indice fort sérieux du caractère tout à fait exceptionnel de l’emploi de la torture en Languedoc. On a fait les mêmes constatations en Provence, en France et dans les pays du Nord. Que deviennent alors les déclamations traditionnelles et les gravures sensationnelles sur les tortionnaires de l’Inquisition ?

On a vivement reproché à la procédure inquisitoriale l’interdiction qui était faite aux avocats de prêter leur ministère aux hérétiques, et on en a pris prétexte pour s’apitoyer sur ces prévenus qui étaient seuls sans défense, en face d’inquisiteurs retors et de tortionnaires ratlinés. Là encore, une mise au point est nécessaire. Quelles qu’aient été les raisons qui ont fait interdire aux avocats d’assister les hérétiques, nous n’hésitons pas à déclarer qu’elles constituaient une atteinte au droit sacré de la défense, et par cela même un grave abus. C’est aussi ce que l’on ne tarda pas à comprendre, et peu à peu dans la pratique, en fait sinon en droit, les avocats parurent à côté des accusés, devant les tribunaux de l’Inquisition. C’est ce que déclare Eymeric dans son Directorium en parlant de l’accusé : Dejensiones juris sunt ei concedendae et nultatenus denegandae. Et sic concedentur sibi adxocatus. probus tamen et de legalitate non suspectas, c/r utriusque juris peritus et fidei zelator, et procurator pari forma (Directorium, p. 446). Ce passage est précieux : car Il nous prouve qu’au xivc siècle, les prohibitions faites par Boniface VIII et le droit inquisitorial du xiii* siècle aux avocats et aux procureurs (avoués), étaient tombées en désuétude et qu’ils pouvaient assister les prévenus accusés d’hérésie. Les registres de l’Inquisition nous montrent des procès où figurent des avocats. Dans un procès fait à un moine de Saint-Polycarpe, Raymond Amiel, par Guillaume Lombard, inquisiteur délégué par le pape Benoît XII, le prévenu demanda un avocat et le juge le lui accorda ; et c’était quelques années à peine après la prohibition portée par Boniface VIII ! (de Cauzons, III. p. 190 note.) Dans les comptes de procès d’Arnaud Assaillit, se trouve la mention des honoraires dus aux défenseurs de l’accusé : ».Magistris Guillelmo de Pomaribus et Francisco Dnminici adi’ocatis, pro labore el patrocinio ipsorum (Doat, XXXIV, f 217). Ces textes nous prouvent qu’il ne faut pas prendre toujours à la lettre les prescriptions rigoureuses du Code et que l’équité naturelle des inquisiteurs sut souvent atténuer, dans la pratique, les articles qui heurtaient le bon sens et l’humanité.

Ils y furent entraînés par les assesseurs qui les « 75

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assistaient dans tout le cours de la procédure et donnaient leur avis sur la sentence à émettre. Une bulle d’iNNOCENT IV, du II juillet 126^, ordonnait au prieur des Dominicains de Paris, inquisiteur du Poitou et du Languedoc, de n’interroger les témoins qu’en présence de deux personnes « parce que, dit-il, pour une accusation si grave, il faut procéder avec les plus grandes précautions » ; et de ne prononcer une sentence de condamnation que sur l’avis conforme île l’évêque diocésain, ou, en son absence, de son vicaire, ut in tante animadversionis judicio, non postjjonenda punti/icnm auctoritas intercédai (de Labordf, Layettes du Trésor des Chartes, 111, p. 215-21C). Le nombre de ces assesseurs s’accrut dans de grandes proportions et comprit, à côté des Ordinaires, des religieux, des magistrats, des hommes de loi. Même avant la bulle de 126^, les inquisiteurs Bernard de Caux et Jean de Saint-Pierre jugeaient « après avoir pris l’avis de beaucoup de prud’hommes, de prélats, et de plusieurs discrets religieux », communicuto multorum prelatoruni et alioruin bonorum virorum consilio. Mgr Douais cite des jugements qui ont été ainsi rendus en présence de 25, 27, 82, ^5 et même 51 conseillers. Dans un procès de iSag, parmi ces 51 conseillers nous distinguons des représentants des évêques, des religieux, des docteurs et licenciés en droit civil, des jurisconsultes, le sénéchal, le juge mage, le juge ordinaire de la ville. « La tenue de cette sorte de conseil est assez digne d’attention. D’abord le serment est déféré à chacun des membres qui le composent ; ils s’inspireront de leur conscience et répondront d’après leurs propres lumières… communication leur est faite des charges qui pèsent sur le prévenu ou le coupable… les inquisiteurs font lire les aveux ou dépositions précédemment recueillis par les notaires… Puis, le conseil est appelé à délibérer sur chaque cas. Il répond au moins à deux questions : Y a-t-il faute et quelle faute ? Quelle sera la peine ? C’est à la majorité, ce semble, que la chose se décide. » (Mgr Douais, L’Inquisition, p. 252.)

Ces conseils plus ou moins nombreux selon les circonstances et les pays, mais toujours obligatoires, étaient un vrai jury, fonctionnant à peu près comme celui de nos jours et, comme lui, se prononçant sur la culpabilité et l’application de la peine. Or, — on ne l’a pas fait remarquer suflisamrænl et même certains historiens, ennemis de l’Inquisition, l’ont tu de parti pris, — sur ce point la procédure inquisitoriale était beaucoup plus libérale que celle de son temps ; elle a devancé les siècles et fait bénélicier ses justiciables d’une institution dontnous nous croyons redevables à la Révolution. Disons-le hautement : le jury a fonctionné sur notre sol français, comme d’ailleurs dans toute la chrétienté, cinq cents ans avant les réformes de 1789… et ce fut dans les tribunaux de l’Inquisition !

Le fonctionnement de ces conseils de jurés (consiliarii jurati) était pour les accusés d’hérésie une garantie de premier ordre. Quand, à la suite de Lea, on parle du pouvoir arbitraire des inquisiteurs, on oublie qu’ils étaient contrôlés par ces conseillers et ces assesseurs. Quand on se plaint du caractère secret de la procédure, on oublie que ces mêmes conseillers en suivaient les différentes phases. Quand on se lamente sur la situation des accusés qui ne pouvaient pas connaître les noms des témoins à charge, on oublie que tous les témoignages étaient entendus et discutés par ces conseillers, et qu’avant le prononcé de la sentence on leur faisait relire les procès-verbaux desdépositions. Ilscorrigeaient donc, dans une large mesure, les défauts, qui peuvent se remarquer dans la procédure inquisitoriale, ils ré- 1 duisaientaux plus minimes proportions l’arbitraire’des inquisiteurs, et offraient aux accusés des garanties que ne présentaient pas à leurs prévenus les juridictions civiles.

Ajoutons enfin que leur intervention devait s’exercer dans le sens de l’indulgence ; car c’est la tendance générale de tous les jurés. De plus, des influences de famille, des recommandations de toutes sortes ne manquaient pas de se produire auprès de ces prud’hommes, les amenant à tempérer la sentence que le zèle de l’orthodoxie et le respect superstitieux des textes juridiques auraient pu inspirer aux inquisiteurs. En tout cas, comme le voulait Innocent, le fonctionnement de ces conseils constituait une précaution dont l’importance était en rapport avec celle du procès : in tant gra’i crimine cum niulta oportet cauteta procedi.

Après cela, que devons-nous penser de ces historiens de l’Inquisition qui prétendent que, devant ce redoutable tribunal tout accusé était condamne d’avance ? < Pratiquement allirnie Lea, celui qui tombait entre les mains de l’Inquisition n’avait aucune chance de salut… La victime élait enveloppée dans un réseau d’où elle ne pouvait échapper et chaque effort qu’elle faisait ne servait qu’à l’y impli<]uer davantage. » (llist. de l’Inquisition, 1, p. 507508.) « Tous les moyens ordinaires de justification étaient à peu près interdits à l’accusé, dit de son côté M. Tano.v… Saint Pierre et saint Paul, s’ils avaient vécu de son temps et avaient été accusés d’hérésie, se seraient vus, atnrmait lîcrnard Délicieux, dans l’impossibilité de se défendre, et auraient été infailliblement condamnes. » (IJisloire des tribunaux de l’Inquisition en France, p. SgS-Syg.) Si, au lieu de nous en tenir à cette boutade lancée par Bernard Délicieux à ses juges, nous dépouillons les nombreuses sentences de l’Inquisition qui nous ont été conservées, nous emportons une tout autre impression. Il est faux de prétendre, comme le font MM. Lea et Tanon, que, devant les inquisiteurs, tout accusé était un condamné.

En effet, dans son Directnrinm (p. 47^, Eymeric prévoit le cas où le prévenu n’est convaincu par aucun moyen de droit, et où, après examen, on reconnaît n’avoir rien contre lui. « Il est renvoyé soit par l’inquisiteur, soit par l’évêque, qui peuvent agir séparément ; car on ne peut faire attendre l’innocent, qui bénéficie sans retard de la décision favorable de l’un ou de l’autre de ses deux juges. » (Douais, L’Inquisition, p. 197) Si l’accusé a contre lui l’opinion publique, sans que toutefois on puisse prouver que sa réputation d’hérétique est méritée, il n’a qu’à produire des témoins à décharge, des compurgalorcs, de sa condition et de sa résidence habituelle, qui, le connaissant de longue date, viendront jurer qu’il n’est pas hérétique. Si leur nombre correspond au minimum exigé, il est acquitté (Eymeric, Directoriuni, ibid.). Même s’il y a des charges contre l’accusé, il sullil qu’elles ne soient ni graves ni péremptoires, pour que l’inquisiteur se contente de son abjuration ; dans ce cas, le prévenu est soumis à des pénitences canoniques, mais non à des peines allliclives. Eymeric prévoit ainsi six cas sur treize où les accusés étaient ou bien relaxés simplement, ou bien soumis à des sanctions d’ordre purement spirituel.

Même dans les cas où les prévenus étaient reconnus coupables, par suite soit de leurs aveux, soit de l’enquête, il ne faut pas croire qu’on leur appliquàl toujours les peines les plus rigoureuses et que tout condamné fût livré au bras séculier. Mgr Douais a publié le registre du gretlier de l’infjuisilion de (’arcassonne de 12^9 à 1258 ; sur les 278 sentences qu’il nous donne, on ne relève que fort rarement la peine delà prison ; la condamnation qui revient le plus 877

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soiivciil est le service temporaire en Terre sainte. Beunard Ciii exerça avec une certaine sévérité les fonctions d’inquisiteur à Toulouse, de 1308 à l’iïi, et dans dix-huit sermories générales, il prononça f)30 sentences. Or voici comment se répartissent 1rs pénalités : < 182 impositions de croix, 9 pèlerinages, iiJ3 ser^ ices en Terre sainte, 307 emprisonnements, 17 emprisonnements prononcés platouiquement contre des défunts, ^2 remises au bras séculier, 3 remises théoriques de décédés, 69 exhumations, 40 sentences de contumaces, 2 expositions au pilori, 3 dégradations, 1 exil, 22 destructions de maisons, I Talmud brûlé. Entin 189 sentences ordonnaient l’élargissement de prisonniers. » (Douais, Dnciimeiils, I, ccv.) Ce tableau nous prouve que l^s peines rigoureuses, telles que l’emprisonnement et la remise au bras séculier, étaient les moins fréquentes et que, d’antre part, les prisonniers n’étaient pas oubliés dans les prisons, puisqu’un j<ige aussi sévère que lîernard Gui en a mis en liberté 139. C’est la même impression que nous donne l’Inquisition <le Pamiers pour le comte de Foix, d’après les savantes études de M. Vu>Ai. (f.e Irihuiial d’Inquisition de Pamiers, Toulouse, 1906, in-8°) : « De 1318 à 131/i, elle jugea 98 inculpes ; deux furent renvoyés purement et simplement ; tout renseignement nous fait défaut pour 21 et on peut l’expliquer en admettant qu’on ne donne I)as suite aux poursuites. Sur les 76 qui restent, 35 sont condamnes à la prison, 5 remis au bras séculier. M. Vacandard prétend que ces 35 sentences infligeaient la prison perpétuelle ; mais iloublie que cettedurée indéfinie de la captivité n’est mentionnée expressément que dans 16 sentences et, d’autre part, il cite lui-même huit libérations au Sermo gencralis du 4 juillet 1822 (Vacandard, iip. cit., p. 233).

I.a peine la plus rigoureuse inliigée aux hérétiques, la peine de la mort par le bûcher, a soulevé les plus violentes diatribes contre l’Inquisition ; c’est l’une des objections les plus courantes qui sont lancées par les polémistes de bas étage pour aviver le fanatisme anticlérical des foules aveugles et ignorantes. L’a])ologiste catholique n’a pas à se dissimuler la gravité de cette dilliculté et il doit la résoudre avec la plus entière bonne foi. Il estimera vaine la tentative faite par certains pour rejeter sur le pouvoir civil l’entière responsabilité de ces cruelles condamnations sous prétexte que c’est lui qui les prononçait. Cette explication a été tentée, dès le xiii’siècle, par un maladroit apologiste de l’Inquisition. « Notre pape, disait-il, ne tue ni n’ordonne qu’on tue personne ; o’esl la loi qui tue ceux que le pape permet de tuer, et ce sont eux-mêmes qui se tuent en faisant des choses pour lesquelles ils doivent être tués. » (Dispntalio iiiter Catholiciim et Paterinum hæreticiim, dans Martiînf, Thesaiirasnoi’us aneLdotoriim, Y, co. fj^i.) Sans doute, mais il faut ajouter, pour être exact, que le pouvoir civil n’était pas libre de relaxer les hérétiques qu’on lui abandonnait et qu’il était tenu de prononcer contre eux Vaniniadiersio débita. C’est ce que déclarait formellement, dès 118^, au concile de Vérone, le pape Lucius III, dans sa bulle Ad abolendam ; l’hérétique livré au juge séculier devait être puni par lui : dehitam recepttirus pro qualitate facinoris ultionem (Décret, V, vii, 9). Le pape IxNO-OHNT III répétait la même chose au concile général du Latran, en I215, damnati vero præsentilnis sæculariliiis pnteslatihus aut coram halli’is relinquantur. animadversione débita puniendi. (Ibid., V, VII, 13). Dans sa fameuse bulle Ad extirpandn, Innocfnt IV disait expressément : « quand des individus auront été condamnés pour hérésie, soit par l’évêque, soit par son vicaire, soit par les inquisiteurs, et livrés au bras séculier, le podestat ou rec teur de la cité devra les recevoir aussitôt et, dans les cinq jours au moins, leur appliquer les lois qui ont été portées contre eux » (cité par Eymeuic dans son Directorinni). Des sanctions ecclésiastiques fort sévères furent portées contre les magistrats civils et les princes qui montraient, dans ce cas, de la négligence ou de la mauvaise volonté. L’Inquisition savait fort bien qu’en livrant l’hérétique au bras séculier, elle le livrait à des peines qui d’abord ne lurent que l’emprisonnement ou l’exil, mais qui bientôt furent la mort par le bûcher. Le raisonnement de l’apologiste qui argumentait contre le Patarin nous semble donc procéder d’une casuistique tout au moins contestable. N’ayons aucune diiriculté à le reconnaître, puisque les textes nous le prouvent : l’Inquisition a endossé la responsabilité des sentences que prononçait le pouvoir civil. Ce que l’on peut ajouter cependant, c’est que cette peine du bûcher, qui révolte notre sensibilité, n’a pas été inventée par l’Eglise, mais bien par le pouvoir civil. Ce fut l’empereur Frkdkric II, qui, dans sa constitution de 122^, édicta le premier que l’hérétique, déclaré tel par un jugement de l’autorité religieuse, devait être brûlé au nom de l’autorité civile, auctoritate nostra ignis jiidicio concremandns. L’Eglise, avec Grégoire I et I.n.nocknt IV, se contenta de ratifier cette pénalité rigoureuse, d’origine laïque.

Après avoir ainsi déterminé la part des responsabilités, il n’est que juste de déclarer que la peine de mort prononcée par l’intermédiaire des juges civils ne fut qu’une sanction exceptionnelle ; et ceux qui nous ont montré les inquisiteurs acharnés à approvisionnerle bûcher, les ont calomniés. Sur les 76 sentences portées par le tribunal de Pamiers, de 1318 à 1324, ciHiy seulement livrent les hérétiques au bras séculier. Dans les gSo sentences de Bernard Gui, nous n’en trouvons que 42 portant cette redoutable mention relicti ciiriæ seculari, elainsi, à Pamiers, la proportion des condamnés à mort a été de i sur 15, à Toulouse de i sur 28 (Vacandard, op. cit., p. 286). A ceux qui la trouveront cependant excessive, nous rappellerons que le code pénal du moyen âge était en général beaucoup plus rigoureux que le nôtre et que les inquisiteurs furent des hommes de leur temps ; mais surtout, nous leur ferons remarquer (ci^ que trop souvent on a oublié), que l’Inquisition punissait aussi des crimes de droit commun, commis par des hérétiques ou à l’occasion des procès d’hérésie. En 1824, à Pamiers, Pierre d’en Ilugol, Pierre Peyre et plus tard Guillaume Gautier furent poursuivis et les deux derniers condamnés à la prison pour faux témoignage ; ils s’étaient prêtés à une machination ourdie par Pierre de Gaillac, notaire de Tarascon, contre son confrère Guillem Trou. Pour se venger de ce dernier, qui attirait à lui tous les clients, Gaillac avait résolu de le charger du crime d’hérésie, et Pierre d’en Hugol et Peyre lui avaient servi de faux témoins (Vidal, /.e tribunal d’Inquisition de Pamiers, p. 55-56). Guillem Agasse, chef de la léproserie de Lestang, fut condamne pour avoir empoisonné les fontaines et les puits delà ville ; Arnaud de Verniolle de Pamiers et Arnaud de Berdeilhac pour avoir commis des crimes contre nature (Vidal, ibid., pp. 127128).

Les peines de l’Inquisition étaient souvent, dans la pratique, atténuées ou même elTacées. II ne faudrait ])as croire, par exemple, que tout hérétique qui figure dans les Registres comme condamné « au mur perpétuel » ait passé en prison le reste de ses jours. On n’a pas assez relevé, à côté des sentences de condamnation qui étaient prononcées dans les sermones générales, les grâces totales ou partielles qui y étaient aussi promulguées. Les prisonniers 879

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obtenaient des congés qu’ils allaient passer chez eux. A Carcassonne, le 13 septembre 1250, l’évéque donnait à une certaine AlazaïsSicrela permission exeiindi carcerem, iil/i erat immurata pro crimine lieretice prat’ilatis, et jus(]u’à la Toussaint, c’est-à-dire pendant sept semaines, d’aller où elle voudrait en toute liberté, qiiud possit esse extra carcerem uhiciimrjue ioluerit (Douais, Documents, II, p. 13a, n" 29). Une permission de même genre était donnée, pour cinq semaines, à un certain Guillaume Sabatier, de Capendu, à l’occasion de la Pentecôte, le 9 mai I251 (Ihid., p. 152, n" 6^) Raymond Volguier de Villar-en-Val, qui avait obtenu un congé expirant le 20 mai 1251, se le lit proroger jusqu au 2’j (Ihid., p. 153, n" 66). Pagane, veuve de Pons Arnaud de Preixan, fut ainsi mise en vacances du 15 juin au 15 août I251 (Ihid., 153, n° 67). Les congés de maladie étaient de droit : l’Inquisition mettait en liberté jirovisoire les détenus dont les soins étaient utiles à leurs parents ou à leurs enfants, et quelquefois cette atténuation de la peine pouvait aller jusqu’à une commutation en une I)eine |>lus bénigne ; c’est ce qu’avaient décidé, en I244> l’archevêque de Narbonne, les évêques de Carcassonne, d’Elue, de Maguelonne, de Lodève, d’Agde, de Ximes, d’Albi, de Béziers, et les abbés de Saint-Gilles, de Saint-Aphrodise de Béziers, de Saint-Benoit d’Agde : ^’i forte per incarcerandi ahsentiam evidens morlis periculiim immineret liheris lel purentilnis, ohi’iare curetis pericuto, provideri talihus fiicieiido, si potestis aliunde, aiit carceris penitentiaiu prudenler in aliam commiitetis ; opurtet enim in tali articulii rigorem mansuetudine miiigari (Doat, XXXI, 1 55-1 08). Même les inquisiteurs les plus sévères, tels que Bernard dbCaux, observèrent cette prescription. En 1240, Bernard condamna à la prison peri>étuelle un hérétique relaps, Bernard Sabatier, mais, dans la sentence même, il ajouta que le père du coupable étant un bon catholique vieux et malade, son fils pourrait rester auprès de lui, sa vie durant, pour le soigner (Vacanuaud, L’Inquisition, p. 234).

Lorsque les détenus étaient malades eux-mêmes, ils obtenaient la permission d’aller se faire soigner hors de la prison ou dans leurs familles. Le 16 avril 1250, Bernard Raymond, clerc de Conques, était autorisé à sortir de sa cellule de Carcassonne propler infirmilatem (l)iiciim., n" 14). Le 9 août suivant, même permission était donnée à Bernard Mourgues de Villarzel-en-Razès, à condition qu’il rentrerait huit jours après sa guérison (ll)id., n* 22) ; la même faveur aux mêmes conditions était faite, le l4 mai, à Armand Bruncl de CoulToulens, et le 15 août, à Arnaud Miraud de Cannes (Ihid., n" 24 et 25). Le 1 3 mars 1253, l’emmuré Bernard Borrel était mis en liberté provisoire propler iii/irmilatem, et ne devait rentrer en prison que quinze jours après sa guérison (Douais, np. cit.. ii, p. 200, n" 167). Le 17 août suivant. Raine, femme d’.dalbert de Coulfoulens, était autorisée à demeurer hors de prison quousqiie convaliterit de egritudine sua (llnd., n" 179). Même permission est donnée, !e 5 août 1253, à P. Bonnafou de Canecauile ; le }) août, à Guillelme GaCère de Villemoustaussou ; les septembre, à P.-G. deCaillavel de Montréal (Ihid., n" l’jS, 180, 181) ; le 15 novembre 1256, à Guillaume clerc de Labaslide-Erparbairenque ; le 9 septembre, à Bar. Guilabert (Documents, p. 238, n" 252 et 253). Le 18 novembre 1254, c’est une certaine Rixende, femme de Guillelm Hualgnier, qui obtient de sortir pour faire ses couches et de ne rentrer qu’un mois après qu’elles auront eu lieu{/hid., n" 21 1). La répétition de ces cas à « les intervalles fort courts et parfois le même jour prouve que nous sommes en présence, non d’exceptions, mais d’une coutume établie.

Souvent aussi, les inquisiteurs accordaient des

adoucissements et des commutations de peine. Dans sa Practica (pp. 36, 39, 49-50), Bernard Gui cite des cas où la prison était remplacée par une amende. Le 3 septembre 1252, P. Brice de Montréal obtenait de l’Inquisition de Carcassonne la commutation de sa captivité en un pèlerinage en Terre sainte (Documents, p. 193, n" iSa). Le 25 juin 1206, c’est le pèlerinage en Terre sainte qui est remplacé par une amende de 50 sous, parce que le condamné ne pouvait pas voyager propler senectutem (Ihid., p. 237, n° 250). Dans d’autres cas, le port de croix apparentes sur le vêtement était commué en un pèlerinage : c’est la grâce que lit l’Inquisition de Carcassonne, le 5 octobre 1261, à un grand nombre d’habitants de Preixan, de CoulToulens, de Cavanac, de Cornèze, de Leuc et de Villefloure (Ihid., p. 169, n* 81). Malgré sa haine anticléricale, Lea reconnaît que « ce pouvoir d’atténuer les sentences était fréquemment exercé » et il en cite, à son tour, un certain nombre de cas. « En 1328, par une seule sentence, 23 prisonniers de Carcassonne furent relâchés, leur pénitence étant commuée en port de croix, pèlerinages et autres travaux. En 1829, une autre sentence de commutation, rendue à Carcassonne, remit en liberté dix pénitents, parmi lesquels la baronne de Montréal. « (Histoire de l’Inquisition, I, p. 558.) Après avoir cité d’autres cas empruntés aux sentences de Bernard Gui, Lea fait remarquer que « cette indulgence n’était pas particulière à l’Inquisition de Toulouse ». Nous en avons trouvé de nombreuses traces dans les registres de l’Inquisition de Carcassonne et il est fort à présumer, ces tribunaux n’ayant pas un régime particulier, « |u’il en était de même devant toutes les cours inquisitoriales.

Malgré la bulle d’Innocent IV, qui avait réservé au Saint-Siège la remise complète de la peine, on vit des inquisiteurs faire entièrement grâce à des condamnés. Bernard Gui, dans sa Practica, donne même la formule usitée en pareil cas, bien iju’il recommande de ne s’en servir que rareiucnt(P ; « t/(cn, p.5C). Lui-même réintégra au moins une fois un condanmé dans le droit de remplir une charge publique. Une fois aussi, il rendit au lilsd’un condamné, qui avait pleinement satisfait, la faculté d’occui)er le consulat ou de remplir une autre fonction publique (Douais, L’Inquisition, p. 227).

Ces atténuations et ces commutations de peines n’étaient pas des actes isolés de prélats ou d’inquisiteurs particulièrement indulgents ; car elles furent souvent dues à des juges sévères tels que Bernard de Caux et Bernard Gui, dont le zèle contre l’hérésie demeura longtemps légendaire. Elles étaient plutôt la conséquence de l’idée que se faisait l’Inquisition de l’objet qu’elle devait poursuivre en réprimant l’hérésie.

Les criminalistes modernes insistent sur celle pensée généreuse, que par les sanctions sociales on doit viser avant tout l’amendement du condamné et ils. font passer au second plan l’idée surannée du châtiment expiatoire. Savent-ils qu’avant Beccaria et lesphilosophes du xviii" siècle, au.xquels on attribue généralement le mérite de cette conception, l’Inquisition du Moyen Age a pensé de incme ? « Elle ne punissait pas pour punir, dit Mgr Douais. Elle se préoccupait de corriger, d’amender, de convertir le coupable que tout d’abord elle voyait loin du devoir. Elle avait l’ambition de le ramener à la foi… Qu’il reconnût son erreur, qu’il y rcnonvàt, qu’il reprit lidèlement le symbole de son baptême, c’est tout ce qu’on voulait… la pénalité devait aider ce retour… Moins rigoureuse que la justice séculière, la justice d’Eglise a toujours cherché le bien moral de celui qui comparaissait à sa barre ou qui subissait sa juridir881

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lion. » (Douais, l' Inquisition, pp. 22/1-225.) C’est ce qui explifiue qu’elle ait donné des pcnitenees d’ordre spiritviel pouvant incliner le condamne vers la piélc, qu’elle ait atténué les peines plus graves quand elle trouvait en lui des indices d’un amendement moral, et qu’elle ait abandonné au bras séculier, e"esl-àdire à la mort, les relaps qui, étant retournés à leurs erreurs, faisaient douter à jamais de leur conversion et de leur sincérité. Les adoucissements, les commutations et les remises de peines proviennent donc du principe de l’Inquisition même, et non du caractère particulier de tel de ses juges.

Tous les inquisiteurs, sans doute, n’eurent pas assez d'élévation d’esprit ou de modération de caractère pour conformer à cet idéal tous leurs actes, et il y en eut qui poursuivirent cruellement l’iiérésie, donnant libre cours à leur cupidité ou à leur haine contre ses adhérents, se livrant à des excès que tout liomuie doit réprouver. C’est ce qui a permis à Lka d’agrémenter son Histoire de V Inquisition de soustitres tendancieux tels que ceux-ci : Insolence des inquisiteurs, Conseils infâmes des inquisiteurs : Cruauté des inquisiteurs ; £jctorsions des inquisiteurs : A’idité des inquisiteurs ; Goût du pilluf ; e, eU-. Mais Lea, et après lui ses nombreux disciples et imitateurs, n’ont pas dit ou ont dit d’une manière insullisante que le Saint-Siège a continuellement surveillé le fonctionnement de l’Inquisition et enasouventrépriraé lesabus. Les excès qu’ils décrivent et qui, en elTet, sont coujjables, ont été le plus souvent blâmés et punis par les papes, les légats et les évéques ; et à maintes reprises, des conseils de modération ont été envoyés par les Souverains Pontifes et inscrit s par eux dans les décrétâtes C’est l’une des pensées qui a inspiré à Cli'î.ment V, la dccrétale sur l’Inquisition qu’il promulgua au concile de Vienne etque Jean XXII Ut insérer dans les Clémentines du Corpus juris canonici. Dèslef, débuts de l’Inquisition dominicaine (1234), le comte de Toulouse, Raymond VII, dénonça ses excès à Grégoire IX et celuici aussitôt manda à l’archevêque de Vienne, son légat, de les réprimer. Il lui donnait, le 18 novembre 128^, des conseils de sagesse, de prudence et de modération, qu’il adressait en même temps aux évéques de Toulouse, d’Albi, de Rodez, d’Agen et de Cahors. II leur recommandait instamment « la pureté d’intention », la vertu de discrétion ». Il s'élevait même contre l’admission de témoignages secrets non communiqués à l’accusé et le refus de leur accorder le secours d’avocats, ce qui, ajoutait-il, risquait de faire condamner des innocents, a Quidam ad inquirendum super dicto crimine procedentes, juris ordiue prueterniisso, testes super hoc recipiunt in occulta et, nominibus vel dictis testi/icantium minime puhlicatis, omnem defensionis copiam et adiocatorum suffragium eis contra quos inquiritur, pro sua suhtrahunt voluntate. Il leur ordonnait enfin de cesser toute poursuite pour hérésie contre ceux qui, pendant la croisade des Albigeois, avaient combattu pour Raymond VII (.uvRAY, Registres de Grégoire IX, n" 2218).

La modération et l’esprit de justice dont témoigne cette lettre nous inclinent à penser ((ue Gricooiri ; IX ignorait alors les actes de cruauté dont se rendait coupable, dans ces mêmes années, l’inquisiteur de France, Robert le Bougre, qu’il félicitait de son zèle et qu’il recommandait lui-même aux archevêques de Sens et de Reims, et au prieur provincial des Dominicains (liullarium ordinis Prædiciitorum, I, n" 70, 189). Lors(pi’il en fut avisé, il ordonna une enquête sur la conduite de l’inquisiteur et quand elle eut révélé ses procédés violents et injustes, non seulement il le révoqua de ses fonctions, mais encore il le condamna à la détention perpétuelle. C’est ce que nous

rapporte le chroniqueur contemporain Mathieu Paris. Tandem vero, liohertus ahutens potestnte sihi concessa et fines modestiæ transpediens et justitiae, elatus, potens et formidahilis, honos cum malis confundens invoUit et insontes et sinipliccs punit’it. Auc toritate igitar papali jussus est præcise ne amplius in illo ojpcio fulminando desæviret. Qui postea. manifestius claresrentihus culpis suis, quas melius aestinio reticere quant explicare, ndjudicatns est perpetuo carceri mancipan (Matliæi j’arisiensis, monachi Alhanensis Angli, liistoria major, éd. Londres, 1640, p. 482. Cf. aussi Raynalui, Annales ecclesiastici,

XIII, p. 4 ; 0 Grégoire IX usait de la même modération en Espagne : il recommandait une indulgente équité, en février 1237, au roi d’Aragon Jayme et à l'évêque d’Elne. Se trouvant en effet en conflit pour des dîmes et des terres avec Robert, comte de Roussillon, ce prélat avait accusé ce seigneur d'être le chef des hérétiques de la région et de leur donner asile dans ses châteaux ; Lea reconnaît lui-même que « ces accusations élaient vraisemblablement fondées 1) (llist. de l’Inquisition, II, 194). Jayme ût arrêter Robert et commencer contre lui un procès ; mais Grégoire IX arrêta la procédure et ce fut en vain que l'évêque d’Elne lit le voyage de Rome pour lui faire révoquer sa décision (Lloukntr, llist. de l’Inquisition, III, i, 5). La même année, en Italie, Grégoire IX recommandait la douceur envers les hérétiques que Frédéric II poursuivait avec la plus grande cruauté. Onallait même jusqu'à dire en Allemagne que le pape « s'était laissé corrompre par l’or des ennemis de la foi ». Lea ne donne aucune créance à cette calomnie, mais il explique cette indulgence du pape par son antagonisme contre Frédéric II « et le désir de servir ainsi, en Lombardie, les intérêts de la politique pontificale >i (Lea, op. cit., II, p. 24^). C’est encore là une explication malveillante que rien ne justifie. L’attitude de Grégoire IX envers les hérétiques d’Italie était conforme à celle qu’il avait adoptée envers ceux de Languedoc, de France et d'.ragon ; elle était inspirée par le désir de concilier, avec les nécessités de la répression, la justice et la charité.

Innocent n (1243-1254) suivit la même ligne de conduite à l'égard de l’Inquisition. S’il veilla à la poursuite de l’hérésie, au point de permettre contre les prévenus l’emploi delà torture, et s’il promulgua contre elle plusieurs bulles fort sévères, il chercha aussi à réprimer tous les excès de rigueur. II ordonna lui-même aux inquisiteurs du Languedoc de prononcer des remises cl des commutations de peines, et même révoqua plusieurs de leurs sentences qu’il estimait trop rigoureuses. Le 2^ juin 1245 par exemple, il mandait aux inquisiteurs Guillaume Durand et Pierre Raymond, d’absoudre Guillaume Fort, bourgeois de Pamiers(DoAT, XXXI, io3) ; le 24 décembre, 1248, « il faisait mettre en liberté des hérétiques dont il estimait le châtiment suflisanl ; le 5 août 1249, il chargeait l'évêque d'.VIbi de réintégrer dans la communion de l’Eglise Jean Fenassa d’Albi et Arsinde sa femme, condamnés par l’inquisiteur Ferrier » (Douais, Documents, l. p. xvi). « Le.'.o janvier 1245, il permit aux inquisiteurs delà provincedominicaine de Provence, qui comprenait le comté de Toulouse dans ses limites, de commuer, du consentement des prélats, les pénitences infligées aux hérétiques, n {lliid., XIX.) Le 9 décembre 1247, il écrivait à l’archevêque d’Aucb pour lui donner la faculté decommuer le port des croix ou la prison en la croisade ou voyage d’outre-mer (Berger, Registres d’Innocent IV, n" 35087) ; ^^ <^^ n’est pas le seul acte de ce genre que nous ont conservé ses Registres. Il veilla à ce que les prisonniers fussent traités avec humanité, et fît 883

INOUISniON

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servir à leur entretien les biens qui leur avaient été conlisqués (Doat, XXXI, p. ;  !). Il atténua la peine de la conliscalion des biens en exceptant de cette mesure rigoureuse les dots des femmes des condamnés, et il ordonna aux archevêques de Bordeaux, de Narbonne et d’Arles, auxévêquesde Toulouse, de Cabors, du Puy, de Mendc, d’Albi et de Rodez, de faire rendre les dots qui auraient été ainsi confisquées (Berger, Registres d’Innocent I V, n" 3422). Il apporta aussi des adoucissements à la procédure inquisiloriale. Quand les noms des témoins devaient être cachés au prévenu, il voulut au moins qu’ils fussent communiqués aux personnes qui formaient le jury de l’inquisiteur, pour que les témoignages fussent rigoureusement examinés et appréciés par eux ; c’est ce qu’il écrivit à l’Inquisition des comtés de Toulouse et de Poitiers, le 13 juillet 125/4 (I.ayeites du Trésor des Chartes, Ill.n" 4’12). Après avoir cité tous ces actes, Mgr Douais apprécie en termes très exacts les relations d’Innocent IV avec l’Inquisition et les hérétiques du midi de la France : « Surveiller l’hérésie, mettre à l’abri des poursuites ceux qui voulaient faire acte d’orthodoxie, contenir le zèle des inquisiteurs en précisant et réglant minutieusement la procédure, et par là même préparer la pacification du Languedoc, de la Garonne jusqu’au Khône, telle fut la politique d’Innocent IV (Documents, p. xxii). Nous retrouvons ce jugement sous la plume de M. ElieBERGFR : n Surveiller l’hérésie, mais empêcher qu’elle servît de prétexte à des persécutions exagérées, rétablir enfin la tranquillité dans le midi de la France, en facilitant dans une certaine mesure le retour à ceux qui voulaient se réconcilier avec l’Eglise, telle paraît avoir été, en 1243, l’une des préoccupations d’Innocent IV. » (Registres d’Innocent IV, >. xLix.) Il n’agit pas autrement en Espagne ; car le 25 mai 1248, il ordonnait à l’évêque île Lérida d’absoudre purement et simplement tous les hérétiques qui voudraient rentrer dans le giron de l’Eglise (Ibid., n° 3904).

Dans un passage de son livre, intitulé Mansuétude du Saint-Siège, Lea lui-même rend hommage à la modération de plusieurs papes. Il cite la décision par laquelle, en février 1286, « Honorrs IV relevait les habitants de la Toscane, individuellement et collectivement, des pénalités encourues pour hérésie, ainsi que de toutes les incapacités décrétées par les précédents pontifes et par Frédéric Un. Il faisait encore plus : il abrogeait, pour la Toscane, les terrihles constitutions édictées par Frédéric II contre les hérétiques, a Il semble, ajoute Lea, que cet extraordinaire privilège ait été respecté pendant un certain temps. Il (Histoire de V Inquisition, II, p. 290.) « A côté de cette manifestation d’indulgence pontificale, notons que le Saint-Siège intervint à l’occasion, pour atténuer la sévérité des canons ou réprimer le zèle déplacé des inquisiteurs. » (Ibid., II, 291.) Ces constatations feraient honneur à Lea et démontreraient sa propre loyauté, s’il ne les faisait suivre d’explications inspirées par l’animosité, attribuant, — sans en donner la moindre preuve, — la générosité d’Honorius IV à son peu de confiance dans les lois draconiennes, et celle des autres papes aux influences politiques et pécuniaires. Il est intéressant de constater que l’un des papes qui réprimèrent le plus les excès de l’Inquisition fut celui dont on blâme davantage le caractère hautain et dur, BoNirACE Vlll. Il ordonna la revision de plusieurs condamnations pour cause d’hérésie. Trois mois après son avènement, le 29 mars 1 296, il confia celle du procès du franciscain Paganus de Pietrasanta aux provinciaux franciscain et dominicain de Lombardie et au prévôt de Saint-Ambroisc de Milan (Sdaralea, liuUarium franciscanum, IV, n* 7). Le 13 février 1297, il cassait une

condamnation pour hérésie portée par l’Inquisition contre Raynier Gatti de Viterbe et ses deux fils, parce qu’elle avait été déterminée par un témoignage entaché de parjure (Registres de honifuce Vlll, II* 1673). En 1298, Il fit rendre aux enfants innocents d un hérétique les biens confisques par l’Inquisition ; enlin, il invita l’inquisiteur de la province de Rome, Adam de Corne, à cesser de molester un citoyen d’Orvieto déjà absous par deux inquisiteurs et qu’il persistait à poursuivre (Lea, op. cit., II. 191).

En 1305, l’inquisiteur de Carcassonne souleva par ses rigueurs, l’opinion publique, et les habitants de Carcassonne, d’Albi et de Cordes adressèrent des réclamations au Saint-Siège. Elles furent accueillies avec bienveillance par le pape Clément V, qui en confia l’examen, le 13 mars 1306, à Pierre Taillefer de la Chapelle, cardinal prêtre de Saint-Vital, et à Bcrenger Frédol, cardinal prêtre des Saints Nérée et .cliillce, l’un et l’autre particulièrement aptes à cette mission, puisque le premier avait été cvèque de Carcassonne, de 1291 à 1298, puis de Toulouse, de 1298 a 1303, et le second évêque de Béziers de i 2g4 à 1305. Us devaient, en attendant la conclusion de leur enquête, suspendre toute poursuite contre les hérétiques et inspecter les prisons de l’Inquisition (Douais, Documents, II, p. 306). Us se mirent aussitôt à l’œuvre, et dès les derniers jours d’avril, ils visitèrent les prisons de Carcassonne. Us y trouvèrent quarante prisonniers dont ils admirent les griefs contre leurs geôliers. Des gardiens plus humains leur furent donnés ; on leur assigna des chambres meilleures et réparées à neuf, on leur permit de se promener per carrerias mûri largi, enfin on recommanda formellement de leur donner tout ce qui leur était assigné par le roi ou envoyé pas leurs amis, leurs parents ou toute autre personne, pour leur entretien (Documents, II, pp. 322-327). ^^ visite des prisons d’Albi eut lieu de la même manière, le 4 mai 1306 ; le cardinal de Taillefer fit enlever les ihaines des prisonniers, nomma de nouveaux gardiens et Ut assainir les chambres, en y ménageant pour le jour et la lumière, de nouvelles ouvertures (Ihid., pp. 331-332).

L’Inquisition réussit à élouffer le Catliarisme. Le nombre de ses adeptes poursuivis se ralentit considérablement dans le premier quart du XIV’siècle ; après 1340, on ne rencontre guère quedes cas isolés. M. ScHMiDT déclare que, au xiv’siècle, a la secte disparut sans laisser de traces dans nos provinces méridionales » (Histoire et doctrine des Cathares, I, p. 360). Même constatation pour l’Espagne. « En 1292, écrit-il, on trouve les dernières traces de l’hérésie cathare en ces provinces, le roi Jacques II, les évcques assemblés à Tarragone et les inquisiteurs se réunirent pour les faire disparaître : depuis ce temps on n’en entend plus parler en Espagne. « (Ibid.. p. 374.) En Italie, l’Inquisition découvrit encore des Cathares jusqu’à la fin du xiv siècle ; ils s’étaient réfugiés dans les vallées reculées des.li>es et dans les massifs inextricables de la Corse ; dans cette lie,

« les réfugiés habitaient pour la plupart dans les

forêts et les montagnes ; pour les réduire, on établit une ligne deforteresses ecclésiastiques sous laforme de résidences de franciscains » (Lea, op. cit., II, p. 304). Ainsi refoulé, le catliarisme ne constituait plusun danger ; il finit d’ailleurs parseconfondre u^ec les hérésies des Vaudois et des fralicrlli. Il ne persista que dans la péninsule des Balkans, où l’Inquisition fut faiblement organisée et ne fonctionna que d’une manière intermittente.

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BIDLIOGRAPIIIB

Nous estimons superflu de donner une bililiograpliie complèle de l’Inquisition. S’il fallait indiquer tout ce cjui a été écrit sur ses tribunaux, les doctrines et les hérétiques qu’elle a jugés, les causes imporlanles qui lui ont été déférées, c’est une succession de bibliographies qu’il faudrait composer. Il y aurait lieu dans ce cas d’énumérer tout ce qui a ëlééeritsur les Albigeois, les Vaudois.lesFraticelli, les Ilussites, parce qu’ils ont été poursuivis par les Inquisilcurs, d’énumérer la littératvire abondante qu’ont provoquée les procès des Templiers, de Jean Hus, de Jeanne d’Arc, parce que, dans une certaine mesure, l’Inquisition s’en est occupée ; enlin il faudrait mentionner toutes les dissertations qui ont été écrites sur la question si controversée du droit de répression de l’hérésie. Ainsi comprise, une bibliographie de l’Inquisition dépasserait les cadres de la présente publication et ferait double emploi avec celles qui figurent à la suite d’articles déjà parus ou à paraître dans ce Uictiounaire. Nous nous sommes contenté de signaler les ouvrages, sinon les plus récents, du moins les plus corai)lets qui ont paru sur les diflcrentes questions étudiées dans cet article.

Sources originales, I. Controverses contre les

HÉRÉTIQUES ET LES DOCTRINES HÉRÉTIQUES.

Marlène et Durand. Thesciurus not’iis anecdotortim. Paris, 1717, 5 vol. inf". — Veterum scriptoriim et monumentorum… amplissiniu collectio. Paris, 1724 et suiv., g vol. in-f. — Alain de Lille. Advevsus hæreticos et U’iildeiises. Paris, 1612, in-8*. — Disputatio inter Calhulicum et Fatureimni (dans Martène : Thésaurus iioi’us anecdotorum, tome V). — Bonnacorsi..’idfersus hæreticos qui Passagii niinciipaiitur (dans d’Achery, Spicilegium I). — Eckbert. Sermones adi’rrsus pesliferorum foedissimorumque Catharorum daiunntos errores ac hæreses (dansMigne. Patrolo^ie latine, t. XCV). — Ermengardus. Contra Waldensium sectam (dans la Bililiotheca maxima veterum l’airtim et antiquorum scriptorum ecclesiasticorum, Lyon, 1677, 1. XXn’). — Evrard de Béthune. Liber contra Waldenses (dans la liihliolheca maxima J’atruni, t. XXIV). — Rainier Sacchoni. Contra IValdenses hæreticos liber (dans la Bililiotheca maxima Pairum). — Summa de Catharis et l.eonistis seu l’auperihus a f.ngduno (dans Martène et Durand. Thésaurus novus anecdotorum, tome V). Tractalas de Pauperibus de l.ngduno (dans Martène. Thésaurus nofus anecdotorum, t. V). — Luc de Tuy. De altéra vita fideique controversiis adyersus AUiigensium errores libri III (dans Bililiotheca maxima Patrum). — Monela. Adiersus Ciitharos et U’aldenses libri quinijue. Rome, 17^3, f".

— D’Argentré (du Plessis). Collectio judiçiorum de iiovis erroribiis qui ab initio XII sæculi pvst Incarnationem Verbi usque ad annum lljol in Ecclesia proscripti snnt et nolati. Paris, 1728, 3 vol. f*. — Doellinger. Beitriige fiir Seldengeschichte im Mittelalter(2 vol. in-8° dont un de documents). Municli. iSf)o.

Sources originalks, II. Procès inquisitoriaux.

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SoUnCKS originales, 111. ClIRONKiUKS SUR L’nÉRÉSIB

ET l’Inquisition.

lli’cueil des historiens des Gaules et de France, par Dom Bouquet (Chroniques parlant de l’hérésie et de sa répression au Moyen Age). — Pelhisso (Guilleni). Chronicon (éd. Molinier) dans son élude De Fratre Guillelmo Pelisso. Paris, 1880, in-8'>.

— Autre édition par Douais. Paris, 1881, in-8*.

— Perein. Monumenta conveiitus Tolosani ordinis Prædicatorum. Toulouse, iGgS, in-f*.

Sources originales, IV. Manuels et formulaires d’inquisiteurs ou de riiÉDiCATEUns contre les hérétiques.

Bernard de Fontcaude (Beriiardus abbas Fontiscalidi). Contra Valdenses et contra Arianos (dans Migne, Patrologie latine, f.CIV). — Bernard Gui. Practica inquisitionis heretice pravitatis (éd. Douais). Paris, Picard, 1886, in-ij*. — Douais (Mgr), Saint Itaymond de PenaforI et les hérétiques, directoire à l’usage des inquisiteurs aragonais. Paris, 1899, in-8*. — David d’Augsbourg. Tractatus de inquisitionc hereticoruni (cd. Preger). Mayence, 1876, in 8". — Doctrina de modo procedendi contra hereticos (dans Martène. Thésaurus novus anecdotorum, t. V). — Grégoire de Berganie. Contra Catharos et Passagianos (dans Muratori, Antiquitates Italiae, t. V). — Guidonis Fulcodii (Clément IV). Qunestiones quindecim ad inquisitores, cum annotationibus Cæsaris Carenae. Lyon, 1669.

— Nicolas Eynieric. Direclorium inquisitorum cum commentariis F. l’eiiae. Rome, 1678, iii-4". — La Somme des Autorités à l’usage des prédicateurs méridionaux du xiii’siècle (éd. Douais). Paris, 1896, in-8. — Balme et Lelaidier (RR. PP.), des Prêcheurs, Cartulaire ou Histoire diplomatique de saint Dominique. Paris, 1892 et suiv., 3 vol. in-S" (Formules de réconciliation des hérétiques). — Sprenger. Maliens maleficorum. Cologne, 1489.

Sources originales, V. Législation canonique bt CIVILE contre l’hérésie au Moyen Age.

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INQUISITION

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Innocenta III papæ epistolae, dans Mig^ne, Patrologie laline, t. CGXIV, CCXVII ; éd. Baluze. Paris, 1782, 2 vol. in-f°. — Registres des papes au 27//=. « /éc/e (Grégoire IX, Innocent IV,.lexandreIV, Urbain IV. Clément IV, Grégoire X, Nicolas III, Martin IV, Nicolas IV, Boniface VIII. Benoît XI), édités par l’Ecole française de Rome. Paris, plusieurs volumes in-4’(en cours de publication). — Regesta démentis papæ I’, éd. des Bénédictins, Rome, 1885, 9 vol. in-f’J. — Registres des papes du xiv" siècle (Jean XXII, Benoit XII, Clément VI, Innocent V ! , Urbain V, Grégoire XI), édités par l’Ecole française de Rome. Paris, plusieurs volumes in-^" (en cours de publication). — Haillard-BréboUes. Ilistoria diplomutica Frederici secundi. Paris, 1802-1861, 6 vol. in-4°. — Laurière. Ordonnances des rois de France de la troisième race, recueillies par ordre chronologique, Paris, 1828 et suiv. 18 vol. in-f. — De Laborde. Layettes du trésor des Chartes, tome III. Paris, in-V^ — Etablissements de saint Louis, éd. Viollct. Paris, 1881 et suiv. 4 vol. in-8°. — Beaumanoir. Coutumes du Beauvaisis (éd. Beugnot). Paris, 18^2, in-8°.

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— Havet (.lulien). L hérésie et le bras séculier au Moyen.ige jusqu’au xiii’siècle. Paris, 1881, brocli. in-S". — Crespin. Histoire des Martyrs (1619), rééditée. Paris, 1 885-1 88g, 3 vol. in- 4°. — Luchaire (A), Innocent III. Paris, 1905-1907, 5 vol. in-16.

Ouvrages, II. PnocÉDuns de l’Inquisition.

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INQUISITION

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Tiibinger theologische Quartalschrifl, 18^5). — Sleck (R.)- / « Akten des Ketzerprozesses itebst dein Œfensorium. Bàle, 1904, in-8°. — Robert (Ulysse). Les signes d’infamie au Moyen Age. Paris, iSy/i » in- ta.

Ouvrages, III. L’Inquisition dans lhs différentes

NATIONS.

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Ouvrages, IV. Les Hiiiu’ ; TH>ui ; s au Moyen Age.

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— Schmidt. Histoire et doctrine de la secte des Cathares ou Albigeois. Paris, 1849, ^ ^" i""8°. — Benoist (J.), O. P. Histoire des Albigeois et des Vaudois ou Barbets. Paris, 1691, 2 vol. in-12. — Guiraud (Jean). Cartulaire de A’.-D. de l’rouille, précédé d’une étude sur l’Alhigéisme languedocien aux xii" et xiii*.s ; <’c/c." :. Paris, 1907, 2 vol. in-4°. — Saint Dominique. Paris, 1899, in-12. — Questions d’histoire. Paris, 1906, in-12. — Vidal (abl)é). les derniers ministres de l’Alhigéisme (dans la Itevue des Questions historiques, janvier 1906). — Moshcim. De Beghardis et Beguinabiis commenlarius. Leipzig, 1790, in-8*. — Wattenbach. Ueber die Sekte der Briider vont freien Geisle. Berlin, 1887, in-8°. — Preger (W.). Beitræge zur Geschichte der U’aldenser im.Mittelatter. Munich, 1875, in-8*. — Muston. Histoire des Vaudois. Paris, 1880, 4 vol. in-12. — Montet (E.). Histoire littéraire des Vaudois en Piémont. Paris, 1885, in-S". — Bérard (.lex.). les Vaudois, leur histoire sur les deux versants des Alpes du iv" au xviii" siècle. Paris, 1892, in-8°. — DieckholT. Pie U’aldenser im .Miltelalter. Gifttingen, 1851, in-S*. — Duverger. I.a Vauderie dans les Etats de Philippe le Bon. .rras, 1885. in-8°. — Charvaz. Origine dei Valilesi. Turin, 1838, in-80. — Ilaupt (Ilermann). ^e.srvi’c/i/e der religiijsen Sekien in Fraiikcn, 1882, in-8°.

Jean GuinAUi).


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