Dictionnaire apologétique de la foi catholique/Grecque (Eglise)

Dictionnaire apologétique de la foi catholique
Texte établi par Adhémar d’AlèsG. Beauchesne (Tome 2 – de « Fin justifie les moyens » à « Loi divine »p. 178-204).

GRECQUE (ÉGLISE). —
I. Ce qu’on entend par l’Eglise grecque. — II. La préparation du schisme.

— III. La consommation du schisme. — IV. Les divergences dogmatiques entre l’Eglise catholique et l’Eglise grecque. — V. L’apologiste catholique et les divergences dogmatiques et autres. — VI. L’Eglise grecque et les notes de la véritable Eglise.

I. Ce qu’on entend par Eglise grecque. —

Quand Josejih de Maistre écrivait son livre Du Pape, il déclarait qu’il était iinpossil)le de réunir « sous un nom commun et positif » les divers groupes ecclésiastiques issus du schisme grec. Il passait successivement en revue les nnim d’Eglise orientale, d’Eglise grecque, d’Eglise orthodoxe el n’avait pas de peine à montrer qu’aucun d’eux n’était exact. Pour lui, il s’arrêtait à l’appellation d’Eglises photiennes, « non, disait-il, par un esprit de liaine et de ressentiment (Dieu nous préserve de pareilles bassesses.’), mais au contraire par un esprit de justice, d’amour, de bienveillance universelle ; afin que ces Eglises, continuellement rappelées à leur origine, y lisent constamment leur nullité », Du Pape, livre IV, chap. iv.

De nos jours, nous sommes encore plus embarrassés que Joseph de Maistre pour trouver à ces Eglises II ce nom commun qui exprime l’unité », car depuis l’apparition du livre Du Pape, le nombre des lilles du schisme pUotien s’est extraordinairement accru. Si l’on pouvait en distinguer cinq ou six, au début du siècle dernier, ou en compte aujourd’hui quinze ou seize. Les noms pour les désigner se sont aussi multipliés. On ne parle pas seulement de Eglise schismatique, deVEglise orientale, deV Eglise grecque, de l’Eglise orthodoxe, mais encore de l’Eglise gréco-russe ou gréco-slave, de l’Eglise des sept conciles œcuméniques, des Eglises autocéphales orthodoxes. De tous ces noms on ne sait lequel choisir, car ils sont tous plus ou moins inexacts, celui d’Eglise grecque t(uit le premier. On ne sera pas étonné dès lors de nous les voir employer tour à tour, au cours de cet article. Nous ne dédaignerons pas non plus le terme d’Eglise photienne, qui, tout bien considéré, paraît le plus satisfaisant.

Mais faut-il dire : l’Eglise photienne, l’Eglise orthodoxe, l’Eglise orientale, ou : les Jiglises photiennes, les Eglises orthodoxes, les Eglises orientales.^ C’est là une question délicate, qu’on ne peut résoudre sans faire quelques distinctions. Si une société visible est spccitice et distinguée des autres de même genre par l’autorité extérieure suprême qui la gouverne, il est clair que les diverses autocéphalies photiennes, qui s’administrent cliacune à part d’une manière autonome et n’obéissent en fait à aucune autorité visible commune, forment autant d’Eglises distinctes et séparées lesunes des autres. Nous « lisons que ces Eglises n’obéissent en fait à aucune autorité visible commune, car en théorie, elles reconnaissent au concile œcuinénique un droit de juridiction universelle sur toutes les Eglises particulières, semblable 345

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à celui que l’Eylise catholique reconnail à l’évêque de Rome. On sait ([ue il’aijrès les Pliotiens, le concile a’cuincniciue n’a jamais fonctionné dei)uis 787. Il est dès lors légitime d’allirmer qu’en Cuit il n’existe point d’autorité visible commune pour les diverses autocéplialies. Leur ensemble ne forme même pas une confédération, au sens propre du mot, car une confédération suppose une autorité centrale.

Au point de vue du gouvernement extérieur, il y a donc des Ei^lises pholieiines et non une Jîglise filiotienne. Chaque autocéphalie est indépendante. On remarque du reste une certaine uniformité, qui ne va pas sans des divergences notables, dans la forme de gouvernement en vigueur dans chacune d’elles. Cette forme est la forme synodale, dont le type achevé est le Saint-Synode de l’Eglise russe. Même dans les autocéphalies qui ont à leur tête un patriarclie, celui-ci est généralement assisté d’un synode, qui joue le rùle ife parlement et détient le pouvoir législatif.

On se tromperait si l’on croyait que les Saints-Synodes et les patriarches possèdent l’autorité souveraine administrative sur leur Eglise respective. En fait, sinon en droit, depuis la séparation, cette autorité souveraine dans le gouvernement extérieur est détenue par l’Etat dont chaque Eglise particulière fait partie. Les Eglises autocéphales sont essentiellement des Eglises nationales. Le rôle exercé par le pape dans le gouvernement de l’Eglise catholique est joué par le jiouvoir séculier dans chaque Eglise photicnne. Il y a sans doute des dilTérenccs dans la manière dont chaque Elat exerce la juridiction papale. Ici, c’est un pape des i)remiers siècles, là un pape tout à fait moderne, et quelquefois un pape autocrate conmie l’Eglise catholique n’en a jamais connu et n’en connaîtra jamais. Mais l’existence de ces diverses papautés est un fait indéniable ; il sutlit, pour le constater, d’ouvrir les yeux sur la vie intérieure de chaque Eglise autocéphale. Bien qu’elle ait rencontré au cours des siècles quelques rares adversaires, cette suprématie de l’Etat dans le gouvernement de l’Eglise a été reconnue à plusieurs reprises par les autorités religieuses. (}u’il novis sullise de citer ici un passage de l’encyclique que les quatre patriarches orientaux rédigèrent en 1848, en réponse à une encyclique de Pie IX les invitant à l’union :

« Dans les cas extraordinaires et difliciles, les

patriarches d’Alexandrie, d’Anti(jchc et de Jérusalem écrivent au patriarche de Constantinople, parce que cette ville est le siège de l’empire, et à cause de la préséance de ce siège dans les synodes ; et si le concours fraternel remédie à la perplexité, la chose en reste là ; sinon, on en réfère au gouvernement, suivant l’usage établi », Petit-Mansi, Amjitissima collectio concitiorum, t. XL, col. 402.

Si les Eglises photiennes n’obéissent à aucun chef visible unique, elles s’inclinent toutes devant un seul chef invisible. Jésus-Christ. Si l’on veut bien se placer à ce point de vue et considérer l’ensemble de ces Eglises comme ne formant qu’une seule société invisible, on peut alors parler d’une seule Eglise photienne, d’une seule Eglise orthodoxe. Le singulier sera encore de mise au point de vue liturgique. Toutes les Eglises autocéphales ont la même liturgie, qui est la liturgie byzantine.

On peut trouver aussi une certaine unité de foi entre ces Eglises, pourvu qu’on ait soin de réduire cette unité aux définitions solennelles des sept premiers conciles œcuméniques et à la négation de l’infaillibilité (non de la ])rimauté)de l’évêque de Rome. Sur tout le reste, ou à peu près, il a existé dans le passé, ou il existe encore dans le présent des divergences soit entre les diflférentes Eglises autocéphales

prises dans leur ensemble, soit entre leurs théologiens, sans qu’aucune autorité infaillible ait tranché délinitivcment les controverses.

L’unité de communion ecclésiastique, qui devrait exister en principe entre les diverses Eglises autocéphales, n’existe pas en fait, de nos jours. Il y a rupt )ire, depuis 1872, entre l’Eglise bulgare et les autocéphalies de langue grecque, (^ela n’emiiêche pas les autocéphalies de langue slave d’avoir des relations de fraternelle amitié tant avec la première qu’avec les secondes. Un schisme analogue a séparé, pendant une dizaine d’années, l’Eglise d’Antioche et les autres Eglises grecques, tandis que les Eglises slaves continuaient à être en communion avec les sœurs ennemies.

Ou voit dès lors dans quelle mesure et sous quels rapports l’emploi du singulier ou du pluriel est légitime pour désigner la collectivité des chrétiens qui se réclament de Photius.

Il n’entre point dans le cadre de cet article de faire connaître par le menu l’organisation intérieure des diverses autocéphalies ; aussi nous bornerons-nous à les passer rapidement en revue, en indiquant leurs limites géographiiiues et le nombre approximatif de fidèles qui revient à chacune d’elles.

Si l’on prend pour base la langue liturgique, les Eglises autocéphales se divisent en quatre groupes distincts : le groupe grec i>ur, le grouj)e gréco-arabe, le groupe slave et le groupe roumain.

I. Gkol’pe grec pur. — A ce groupe se rattachent trois centres autonomes : le patriarcat de Constantinople, l’Eglise du royaume hellénique et l’archevêché de Chypre.

Le patriarcat de Constantinople, appelé patriarcat œcuménique, patriarcal du Phanar, du nom du quartier de Stamboul où réside son titulaire, ou encore Grande Eglise du Christ, par allusion à Sainte-Sophie, commande à 3.500.ooo fidèles environ, dispersés dans l’Asie Mineure, la Turquie d’Eurojjc, la Crète, les iles turques de l’Archipel et la Bosnie-Herzégovine. Cette dernière contrée ne tient que par un lil au patriarcat œcuménique, depuis le concordai conclu en 1880 avec l’Autriche-Hongrie, et certains la considèrent dès maintenant connue une autocéphalie distincte, qui rentre de droit dans le groupe slave et par la nationalité et par la langue liturgique. L’autonomie conqilète sera sans doute sous peu un fait accompli, vu q>ie la Bosnie-Herzégovine a été récemment annexée à l’empire austro-hongrois.

L’Eglise du royaume hellénique, dirigée par un synode siégeant à Athènes, fut autonome en fait dès 1 833, mais elle ne fut reconnue comme telle par le patriarche de Constantinople qu’en 1850. Le nombre de ses adhérents doit être de près de 2.700.000, si l’on compte les imuiigrauls d’Amérique et d’ailleurs.

L’Eglise chypriote, déclarée autonome dès 431, au concile d’Ephèse, dans un sens bien dilTérent de l’autonomie actuelle, est limitée à l’ile dont elle porte le nom et compte 200.000 lidèles. La hiérarchie est constituée par l’archevêque de Constantia et par ses trois suffragants.

II. Groupe gréco-arabe. — Quati-e autocéphalies mêlenldans leur liturgie legrec et l’aralte. Ce sontles patriarcatsd’Antioche.de Jérusalem et d’Alexandrie, et l’archevêché du Sinaï.

L’Eglise orthodoxe d’.

tioche compte environ

260.000 âmes. Le patriarche, qui réside à Damas, gouverne avec un synode et un conseil mixte d’évêques et de laïques.

Le patriarche de Jérusalem et son synode n’ont pas plus de 50.ooo lidèles, presque tous de langue arabe. 347

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Le patriarche d’Alexandrie voit, augmenter tous les jours par l’imniiijration grecque le nombre des siens, qui ne dépasse pas actuellement 80.000.

Quant à l’archevêché du Sinaï, c’est l’autoccphalie la plus minuscule : tout son troupeau se compose d’une cinquantaine de bédouins. Reconnue en ib-^b par Constantinople, son indépendance a étéplusieurs (ois contestée par le patriarche de Jérusalem.

III. Groipe slavr. — A la tête de ce groupe, il faut placer l’Eglise russe, qui avec ses ^5. 000. 000 de fidèles l’emporte à elle seule de beaucoup sur toutes les autres aulocéphalies réunies. Autonome depuis 1089, elle fut d’aliord gouvernée par un patriarche résidant à Moscou. En i^ai, Pierre le Grand lui substitua un synode. On parle denos joursderétablirlepatriarcat. Cette église est étudiée plus loin en détail. Voir KussE (Eglise).

L’exarchat bulgare actuel date de 1870. Il étend sa juridiction sur 4.000.000 de fidèles environ, habitant non seulement la Bulgarie proprement dite, mais encore la Turquie d’Europe. L’exarque siège à Constantinople, et gouverne les fi<léles du royaume bulgare par l’intermédiaire du synode de Sophia. Les titres de l’Eglise bulgare à l’autonomie ne datent pas d’hier. Aux x’et xi’siècles, elle eut un patriarche à Okhrida, puis à Tirnovo, de 1204 à iSgS.

L’Eglise serbe, elle aussi, a un passé d’indépendance. En 1346, Uouchan établit le patriarcat de Petch ou Ipek, qui ne fut reconnu par Constantinople qu’en iâ-5. Supprimé en i^og, il fut restauré en 1557 pour de nouveau disparaître en 1767. Denos jours, on compte, la Bosnie-Herzégovine mise à part, quatre aulocéphalies serbes : l’Eglise serbe de Serbie, l’Eglise du Monténégro, le patriarcat de Ivarlovitz, en Hongrie, la métropolie serbo-roumaine de Tchernovitz, en Autriche.

L’Eglise serbe de Serbie est reconnue comme autoccphale depuis 1879. Elle a à sa tête un synode d’évêques présidé par l’archevêque de Belgrade, métropolitain de Serbie. Sa population était, en iC|03, de 2.450.000 âmes.

Le métro[)olitc de Cettinic gouverne avec l’évêque de Zakhoumsko-Ilasky les 260.000 orthodoxes du Monténégro. Il relève, pour l’ordination et le chrême, du synode de Saint-Pétersbourg.

En 1691, le patriarche d’Ipek, Arsène III, redoutant la vengeance des Turcs, passa en Hongrie avec 36.000 familles serbes et fixa son siège à Karlovitz. Ses successeurs n’eurent d’abord que le litre d’archevêques. Ils s’intitulent patriarches, depuis 1848, et commandent aux 1. 100.000 Serbes orthodoxes de Hongrie, avec le concours d’un synode et d’une assemblée iialionale de 76 membres, dont les deux tiers sont laïques.

Le diocèse slavo-roumain de Bukovine, les deux diocèses serbes de Dalmatie, la comnmnauté grécoserbe de Trieste et la colonie grecque de Vienne, c’est-à-dire tous les orthodoxes de l’Autriche proprement dite, constitiient, depuis 1873, une autocéphalie distincte dirigée parle mélropolitedc Tchernovitz et les deux évêques de Zara et de Gattaro, qui se réunissent en synode à Vienne, tous les ans. La population totale est d’environ 6ao.ooo ànies.

IV. Giiori’E ROUMAIN. — L’Eglise du royaume de Roumanie a été déclarée autocéphale par le Plianar. en 1885. Celte reconnaissance oMicielle n’a fait ([ue sanctionner un état de choses qui duraitdepuis1864. Le synode, qui gouverne les 4.800.000 orthodoxes roumains, est composé des huit évêquesdu royaume dont deux, celui de Bucarest et celui de lassi, jiortent le titre de métropolites.

Les Roumains de Transylvanie, au nombre de 1.700.000, forment, depuis 1864. une Eglise indépendante sous la juridiction du métropolitain de Sibiu ou IIermannstadt, qui est assistéd’une assemblée nationale de 90 membres, dont 30 ecclésiastiques et 60 laïques.

Cela fait donc en tout quinze églises autocéphales, et même seize, si l’on compte la Bosnie-Herzégovine. Le nombre total des lidèles est d’environ cent millions. S’il fallait s’en rapporter k certaines statistiques, il y aurait dans le monde entier 110 millions et plus d’orthodoxes ; mais c’est sans doute en oubliant qu’il existe en Russie plus de 20 millions de raskolniks séparés de l’Eglise ollicielle, ou en grossissant démesurément telle autocéphalie située dans l’empire turc, qu’on obtient un pareil résultat.

Pour quelles raisons et par quelles étapes successives l’ancienne Eglise byzantine, d’où sont sorties les aulocéphalies actuelles, est-elle arrivée à se séparer du centre de la catholicité ? Quelles sont les divergences dogmatiques ou réputées telles, qui ont servi de base au schisme au cours des siècles et par lesquelles il prétend se justifier encore ? Quelle conduite s’impose à l’apologiste catholique en présence de ces divergences et comment peut-il montrer que l’Eglise grecque ne porte pas les marques de la véritable Eglise ? Telles sont les questions auxquelles nous allons essayer de répondre dans la mesure que comportent les bornes étroites d’un article.

II. La préparation du schisme. — Les grands bouleversements religieux, comme les révolutions politiqueset sociales, ne se produisent point subitement, à la façon des tremblements de terre. La comparaison qui leur convient est celle du germe qui va se développant lentement sous l’influence favorable ou ennemie du milieu et des circonstances, jusqu’au moment où il peut enfin éclore et se produire au grand jour. Les germes des événements, ce sont les idées, et rien de plus vrai que cette sentence plus souvent répétée que comprise : a ce sont les idées qui mènent le monde ». Le schisme déplorable qui, par les intrigues de deux patriarches ambitieux, Photius et MiciiEi. Chrulaihe, a divisé l’Orient et l’Occident, a eu son idée directrice. Elle a commencé à se manifester dès le iv siècle, aussitôt après la conversion de Constantin, et, trouvant un milieu favorable, a marché rapidement vers la réalisation complète. Cette idée n’est autre que l’idée païenne de la confusion du pouvoir civil et du pouvoir spirituel avec subordination pleine et entière de celui-ci à celui-là, idée s’opposant directement au principe chrétien qui a libéré les consciences du joug du dieu-Etat et que le divinFondateur duchristianisme proclama par ces mots : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. » (Malth.. xxii, 21.) Ace point de vue, le schisme n’est qu’un épisode de cette grande lutte qui se poursuit à travers les siècles entre César et Jésus-Christ, entre l’i-nipire et II- sacerdoce, entre l’Eglise, royaume de Dieu, et l’Etat, royaume de la terre, entre l’idée catholique et l’idée particulariste et nationale.

L’histoire de l’Eglise orientale depuis Constantin jusqu’à Michel III l’h rogne, depuis Eusèbe de Nicomédie jusqu’à Photius, n’est guère que le récit d’une suite ininterrompue de confiits et de trêves entre l’idée catholique, représentée par l’évêque de Rome, successeur de saint Pierre, et l’idée païenne, incarnée dans deux personnages qui marchent presque toujours la main dans la main : l’empereur d’Orient et l’évêque de sa capitale, le maitre et le valet, le César-pape et l’antipape. C’est la période de préparation du schisme. Du côté de l’empereur. 349

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l’idée païenne se manifeste jiar une immixtion continue dans toutes les branches desatl’aires religieuses ; du côté de l'évéque Ijyzantin, par la substitution au principe liiérarchique posé par Jésus-Clirisl, du principe solennellement canonise à Clialcédoine en 451, et au concile /// Trtillu, er Oyi : « Lorsqu’une ville change de situation liiérarchique, par suite d’un ordre impérial, sa position ecclésiastique doit changer dans la même mesure. » (Canons 17 et 28deChalcédoine ; canons 36 et 38 du Quinisexle.)

LE CKSAROPAPISME

En se faisant chrétien, Constantin vit bien qu’il ne pouvait être le chef de la religion nouvelle, au même titre qu’il l'était de l’ancienne. N’ayant pas le pouvoir d’ordre que possédaient les évêques, les actes proprement sacerdotaux lui étaient interdits par h' fait même. Mais repoussé du sanctuaire par ce côté, il trouva un biais pour y pénétrer quand même. Lui-même, à ce que rapporte son historien cl panégyriste, EusÈBE, eut une expression heureuse pour caractériser sa position à l'égard du christianisme : il s’intitula « l'évéque du dehors », Vita Constant., IV, 2/1, P. G., t. XX, col. 11-J2. Comme évéque, il gardait quelque chose de sacerdotal et de sacré, et les cvéqucs du dedans, mus tantôt parla reconnaissance des services rendus à l’Eglise, tantôt par l’esprit de servilité, ne se tirent pas faute de mettre en relief ee caractère du basileus. On le nomma Visapostule (égal aux apôtres), l'élu, le vicaire, l’image de Dieu, prêtre et roi. Tout ce qui louchait à sa personne fut considéré comme sacré, et bientôt le cérémonial de I.i cour lui décerna des honneurs i)resque divins. Comme évêque du dehors, il se iilaçait, sans en avoir l’air, au-dessus de tous les évêques du dedans, qui devenaient ses sujets et à qui il se réservait de commander en maître.

Constantin et ses successeurs prirent tout à fait au sérieux leur fonction d'évéques du dehors, et ils montrèrent bientôt ce qu’ils entendaient parla. Leur ambition n’allait pas seulement à faire la police du culte ; ils prétendirent s’occuper personnellement de tout ce qui regardait la religion dont ils avaient pris la protection ollicielle. Aux évéqucs du dedans ils n’abandonnèrent complèlcminl que la sacristie et l’autel, sauf à s’approcher de celui-ci le plus près possible et à réclamer certaines privautés liturgiqvies. Pour tout le reste, dans les questions de dogmes comme dans celles de la discipline, ils s’arrogèrent un pouvoir décisif, qui en faisait de vrais papes. C’est ce qu’on a appelé le césaropapisme byzantin.

Voyez le césaropapisme à l'œuvre ; l’empereur se mêle de convoquer, de présider, de diriger, de coniirmcr les conciles. Les évêques appelés qui font la sourde oreille sont menacés des peines les plus sévères, et ces menaces ne sont pas de vains mots. Les hcrctiqiies, c’est-à-dire ceux que l’empereur juge tels, sont poursuivis sans merci. L’empereur légifère sur la vie des clercs et sur la vie des moines ; il surveille si étroitement les élections épiscopales, exerce sur les électeurs une telle pression, surtout lorsqu’il s’agit de nommer l'évéque de la capitale, que ces élections se réduisent à une pure formalité. Il n’est pas rare que des i)rélatsdéi)laisants soient destitués, persécutés et remplacés par des intrigants et des tlagorneurs.

Pas plus que les saints canons, le dogme n’est à l’abri des caprices et de la diplomatie de l’autocrate. C’est un fait que toutes les grandes hérésies qui ont désolé l’Eglise de 325 à "85 ont été patronnées, soutenues, quelquefois même inventées par les empe reurs. Six d’entre eux : Iîasilisque, Zenon, Jisti NIEN, HÉRACLICS, CONSTANT 11, LÉON l’IsAUUIEN, ont

promulgué chacun un ou plusieurs édits dogmatiques sur un ton de délinition ex cathedra, et le pire, c’est que presque tous ces édits ex[)riment une hérésie. Et pourquoi dogmatisent-ils ainsi ? C’est parfois pour goûter le plaisir délicat du théologien inventeur d’une théorie nouvelle, mais c’est la plupart du temps pour raison d’Etat. L’Encyclique (le Basilisque, l’Ilénotique de Zenon, les décrets (le Justinien sur la formule théopasehite, conti-e les Trois-Chapitres, pom' l’aphthartodocélisme, l’Ecthèse d’Héraclius, le Type de Constant ont pour but de rallier à l’Empire les populations monophysites, qui s’en sont détachées moins par conviction doctrinale que par manœuvre patriotique et par antipathie pour le christianisme olliciel trop grécisé qu’on professe à Byzanee. La politique n’est pas étrangère non plus à la proscription des images : il s’agit de plaire à une aruiée recrutée en grande partie parmi les populations asiatiques imbues d’idées manichéennes et pauliciennes. Et voilà la vérité révélée condamnée à faire les frais de la diplomatie impériale. Pouvait-on pousser plus loin la confusion sacrilège des deux pouvoirs ?

Qui va élever la voix pour défendre les droits de Dieu et de son Eglise ? Sera-ce l'épiscopat oriental ? Hélas 1 ce n’est pas le résultat le moins funeste des agissements du césaropapisme, ([ue de doter l’Eglise byzantine d’un corps de prélats courtisans. Les Orientaux n'étaient détjà que trop portés, par tempérament de race, à l’intrigue et à la servilité. Sous la main de fer de l’autocrate, les meilleurs font preuve d’une déplorable faiblesse de caractère, tandis que les intrigants et les valets vont au-devant des > olontés impériales. Sans parler des scandales des conciliabules ariens, qu’on se rappelle la défection de l'épiscopat devant Dioscore, ' au brigandage dEphèse, l’Encyclique de Basilisque signée par cinq cents évêques, l’Hénolitiue de Zenon promulgué dans tous les patriarcats orientaux, l’allaire des TroisChapitres, les conciles monothélites de 638 et GSg approuvant l’Eclhèse, celui de 712 pliant devant Philippique avec deux saints, André de Crète et Germain DE Cyzkjue ; enfin le grand synode iconoclaste (le 753, à Hiéria. A protester, à souffrir le martyre |)our la foi, il n’y a guère que des moines de la trempe de saint Maxime ou de saint Théodore StuDHE. Les théologiens byzantins préfèrent en général déclarer avec le patriarche Mennas, au synode de Constantinople en 536 : « que rien, dans la très sainte Eglise, ne doit se faire contre l’avis et les ordres de l’empereur », Mansi, Amplissima Collectio Cuncitiorum, t. "VllI, col. 970, ou avec le diacre Agapet : <( que l’empereur est prédestiné, dans les desseins de Dieu, pour gouverner le monde, comme l'œil est inné au corps pour le diriger ; que l’empereur a besoin de Dieu seul, qu’entre Dieu et lui, il n’y apas d’intermédiaire », Capit. admonit. ad Justin ianum, P. G., t. LXXXVI, col. II 78, I, 84.

Celui qui va, comme une digue infranchissable, s’opposer aux envahissements du césaropapisme et porter haut le dra])eau de l’idée catholique, c’est l'évéque de la ville abandonnée, l'évéque de Rome. C’est lui qui. pendant ces siècles d’hérésies et de schismes perpétuels, ne cesse de répéter au basileus qu’il n’a pas le domaine de la foi et des consciences, et (létrit, sans jamais faiblir, ses empiétements sacrilèges. Souvent, sans doute, il devra payer de son siège, de sa vie même, son obstination à faire son devoir. Libère, Silvère, A’igilk, Martin seront arrachés par la force brutale à l’amour de leurs lidèles ; d’autres, à la tin du vu' siècle et pendant la 351

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période icQnoclasle, n'échapperont à la fureur d’empereurs Lérétiques que grâce à l’impuissance de ceuxci. Mais en fin de compte, ce sont les papes qui sortent vainqueurs de la lutte. Non seulement ils font triompber la foi à Epliése, à Clialcédoine, à Constantinople, à Xicée, mais ces assemblées rendent un éclatant témoignage à leur primauté et à leur infaillibilité. Les empereurs sont les premiers à les reconnaître, à ces moments de trêve solennelle, et toutes les fois que les intérêts politiques leur font un devoir de l’union avec Rome. C’est Théodose qui clôt ies controverses ariennes par l'édit de 380, prescrivant à tous les sujets de l’empire « de suivre la religion qvie l’apùtre saint Pierre a enseignée aux Romains, qui s’est maintenue chez eux dans la suite des temps, que l’on voit suivre au pape Damase et à Pierre d’Alexandrie, Cud. Theod., lih. U. De fide cathulica. C’est Justi.mex qui, en 533, dans une constitution adressée à l'évêque de sa capitale, fait sienne la formule du pape Hormisdas, Cod. Justin., lih. I, cap. I, 7, et répète à plusieurs reprises, dans le code <ju les novelles, que l'évêque de Rome est le chef de toutes les Eglises. Cependant, ces victoires répétées de la papauté irritent secrètement les autocrates byzantins. Pour eux, le pape est un personnage gênant qu’ils voudraient bien pouvoir écarter. Ils trouvent du moins un habile moyen de contre-balancer son autorité, en lui opposant un rival redoutable, tout à leur discrétion, l'évêque de la nouvelle Rome.

l’ambition des PATRI.4.RCHKS DE CONSTANTINOPLE

Ce titre de iioin’elle Rome, donné à la capitale de Constantin, renferme à lui seul tout le programme <les ambitions byzantines, au point de vue religieux. Si, dans l’ordre civil, Constantinople est la nouvelle Rome, pourquoi ne le serait-elle pas aussi dans l’ordre ecclésiastique ? Tel est l’argument a pari que, dès le iv' siècle, commencent à mettre en avant les évêques byzantins, avec l’approbation des empereurs et à la grande satisfaction des prélats de cour. Mais cet argument sous-entend deux prémisses et engendre un important corollaire. Les deux prémisses sont 1° L’Eglise est subordonnée à l’Etat et, par suite, le rang ecclésiastique d’une ville varie avec son rang dans l’Etat. 2" La primauté reconnue, des les premiers siècles, à l'évêque de Rome, lui vient non d’une institution divine, mais delà qualité de capitale de la A ille où il a son siège. Le corollaire tout à fait légitime peut s’ex|)rimer ainsi : « Du moment qu’une ville a la primauté, dès qu’elle est capitale dans l’ordre civil, il doit y avoir dans l’Eglise autant de primautés qu’il y a au monde de capitales, d’Etats indépendants. » La première prémisse n’est qu’une forme de l’idée païenne de la confusion des deux pouvoirs. La seconde est la négation radicale de la primauté du pape comme institution divine. Le corollaire, qui a été tiré par l’histoire, explique l’existence des aulocéphalies actuelles. Tels sont les principes qui sont comme la clef de voûte de toute l’histoire du schisme, et qu’on retrouve aussi bien dans sa phase initiale que dans sa consommation et sa persistance à travers les siècles.

Occupons-nous, pour le moment, de la phase initiale. Le premier principe trouve son expression discrète dans le canon 3 du second concile œcuménique, premier de Constantinople (381) : a L'évêque de Constantinople doit avoir la prééminence d’honneur après l'évêque de Rome, parce que cette t’ille est la nouvelle Rome ». Le second principe, renforcé du premier, est inclus dans le canon 28 de Chalcédoine : C’est avec raison nue les Pères ont accordé la prééminence au sii-ge de l’ancienne Rome, parce

que cette ville était la ville impériale. S’inspirant de ce point de vue, les 150 évêques [du concile de Constantinople] ont accordé les mêmes privilèges (ri iW rcEîTÎïîx) au siège de la nouvelle Rome, agissant ainsi par ce juste motif que la ville qui est honorée de la présence de l’empereur et du sénat, et qui [au point de vue civil] jouit des mêmes privilèges que l’ancieune ville impériale, doit être également élevée an point de vue ecclésiastique, et venir la seconde après elle (z « i a Z'âç iex)r, 71y.7Ti-'.ùi, ii : £x£iïï ; v, tijr/y.'jMi’AjA. -cà-//iKj<, ii-j^iri-M ix-r' Iriivr.j jT.'J.pyr, , 7-ja).)i Tout le venin du schisme, on le voit, se cache sous ces mots. Les mêmes Pères qui ont déclaré que Pierre avait parlé par la bouche de Léon, oublient ici, pour le besoin d’une cause patronnée par l’empereur, que la primauté romaine dérive non de l’empereur et du sénat, non des Pères d’un concile introuvable, mais de Pierre lui-même et par lui de Jésus-Christ. Nous sommes en présence d’un mensonge ollicieux, qui se trahit du reste par un manque de logique ; car si la prééminence religieuse de Rome lui vient de son rang de capitale, cette prééminence n’a plus de raison d'être depuis que la nouvelle Rome est bâtie, et celle-ci doit occuper désormais non le second, mais le premier rang. Les Pères de Chalccdoine n’osèrent aller jusque-là, parce qu’ils croyaient à la primauté de droit divin, tout en s’exprimant comme s’ils n’y croyaient pas.

Les protestations des papes contre le 28* canon restèrent sans effet. Les empereurs le sanctionnèrent de leur autorité et le concile in Trullo le répéta en 691. Il ne se bornait pas d’ailleurs à accorder à l'évêque de Constantinople la primauté d’honneur sur les autres sièges orientau.'c ; il consacrait les usurpations de juridiction que, depuis 381, s'étaient permises les hiérarques byzantins, ces modestes sulTragants d’Héraclée, sur les diocèses de Thrace, de Pont et d'.sie. En même temps, les canons 9* et 17* de ce même concile de Chalccdoine établissaient le droit d’appel à l'évêque de la capitale, président-né du synode dit permanent (î-./ » î53 ; àJ/ ; uoOTa), pour tous les conllits ecclésiastiques qui surgiraient en Orient, dans les patriarcats aussi bien que dans les autres provinces ecclésiastiques. En fait, les trois patriarcats d’Antioche, d’Alexandrie et de Jérusalem ne tardèrent pas à être complètement subordonnés à celui de Constantinople, par suite des troubles monophjsites, puis de l’invasion persane et de la conquête musulmane, qui les réduisirent à n'être plus que l’ombre d’eux-mêmes. En peu de temps, l'évêque de la nouvelle Rome arriva à être le vrai pape de l’Orient, et il n’est pas étonnant que, sur la fln du vi'^ siècle, Jean IV le Jeûneur ait cru le moment venu de confisquer à son profit, en lui donnant une signification difficile à i)réciser, le titre prétentieux de patriarche œcuménique.

Non contents de s'élever au-dessus de leurs collègues orientaux, les évêques byzantins se posèrent bientôt en rivaux du i)riniat de l’Occident. Déjà, en 421, une loi de Théodose II avait rattaché à la juridiction de Constantinople les provinces de l’illyricum, soumises au Saint-Siège. Il fallut les protestations énergiques du pape RoNiFACK pour faire annuler cette usurpation Ce n'était d’ailleurs que partie remise, et l’illyricum devint byzantin, en ^32, par décret de LÉON l’Isaurien, qui se vengea ainsi de la condamnation lancée contre lui et son hérésie, au sjnode romain de y31. Les papes eurent beau réclamer contre cette spoliation. Les hiérarques byzantins, d’accord avec les empereurs, firent la sourde oreille. Obligés de reconnaître, en certaines circonstances solennelles, la primauté et l’infaillibilité du pontife romain, ils ne manquent pas une occasion de le rabaisser ou de 353

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lui créer des embarras. Leurs synipatliies vont .lUX métropoles qui manifestent des velléités de se soustraire à la juridiction romaine, comme Milan, A([uilée, et surtout Ra^ennc, qu’un décret de Constant II, en GG6, proclame autocépliale. Au concile œcunicnlquc de C80-O81, les prélats orientaux, inspirés parleur chef, réussissent à glisser dans la liste des liérétiqucs le nom du pape Ilonorius, coupable seulement de n’avoir pas percé la fourberie de SEUiiius. Quclques années plus tard, en 691, on va plus loin. Les Pères du concile Quinisexle s’arrogent le pouvoir de légiférer pour l’Eglise universelle et de l’aire la leçon à l’Eglise romaine elle-même :

Dans l’Eglise romaine, ceux qui veulent recevoir le diaconat ou la prêtrise promettent de n’avoirplus commerce avec leurs femmes. Ouant à nous, d’accord avec les canons apostoliques, nous permettrons la continuation de la vie conjugale. Qniconque veut dissovidre de pareilles unions sera déposé, et le clerc <|ui. sous prétexte de religion, abandonnera sa femme, sera excommunié ; s’il s’obstine dans sa résolution, il sera déposé (canon |3).

« On jcime, à Uome, tous les samedis de carême, 

contrairement à la coutume traditionnelle. Le saint concile décide que, même dans l’Eglise ronuiiiie, on doit observer inviolablement le canon qui dit : Si un clerc est surpris à jeûner le dimanche ou le samedi, qu’il soit déposé ; si c’est un laïque, qu’il soitexcommunié » (canon 55).

Cependant Rome a toujours sur Byzance une supériorité : elle est d’origine apostolique, et les papes, depuis saint Lkon le Grand, ne se l’ont pas faute de rappeler aux ambitieux prélats des bords du Bosphore que leur siège est tard venu dans l’Eglise. Mais qu'à cela ne tienne ! Si les titres historiques à l’aposlolicité manquent, on vu s’en fabriquer de faux. Dès le vi" siècle, commence à circuler la légende dite d’Ainlré-Stachys, empruntée à l’ouvrage du pseldoDoROTUKE DE Tvu : André, l’apôtre premier-appelé, le protoclite, comme disent les Grecs, a fondé l’Eglise de Byzance et lui a donné pour premier évoque son disciple Stachjs. Après cela, la nouvelle Home n’a plus rien à envier à l’ancienne, et à saint Pierre, on pourra désormais opposer le protoclite, son frère.

Contre cette ambition insatiable des évêques byzantins, les papes ne cessent de réclamer, mais ils sont impuissants à la contenir. Le souci de l’unité catholique leur fait souvent un devoir de fermer les yeux sur des questions de juridiction. Ils ne se résolvent à la rupture ouverte que lorsque la foi est en jeu. Ce dernier cas n’est malheureusement pas rare, car les hiérarques du Bosphore, créatures dociles du césaropapisme, sont presque toujours les coryphées ou les fauteurs de l’hérésie. C’est Eiskbe DB N1C0.MKDIK qui souille l’arianisme aux oreilles de Constantin et de Constance. C’est.cace qui rédige l’Hénotique, Skroius qui est le père de rEcthèse. Sur une soixantaine de titulaires qui se succèdent sur le siège de Constantinople entre les deux conciles de Nicée, ving-sept sont des hérétiques notoires, condamnés par les conciles œcuméniques, ou adversaires déclarés de leurs décisions. Il faudrait grossir ce nombre, si l’on comptait les patriarches qui, sans être formellement hérétiques, restèrent en dehors de la communion romaine, i)arce qu’ils refusèrent de rayer des diptyques les noms de leurs i)rcdécesseurs condamnés. Aussi, voyez le bilan des schismes préliminaires, depuis la mort de Constantin en 33^, jusqu'à la fêle de l’oithodoxie en 8/(3 :

1° Rupture occasionnée par l’arianisme, du concile de Sardique (3^3) à l’avcnejuent de saint Jean Chrysostome (3g8), soit 55 ans de schisme.

Tome II.

2° Schisme des Joanniles, à propos de la condamnation de Chrysostome (404-415), Il ans.

3° Schisme d’Acacc et de l’Hénotique (/(84-519), 35 ans.

4° Séparation à propos du monothélisme (640-681). 4 I ans.

5* Première querelle iconoclaste ('j26-'j87), 61 ans.

6° Affaire nKccliienne, à propos du mariage adultère de Constantin VI (795-811), 16 ans.

7" Seconde querelle iconoclaste (814-843), 29 ans.

Au total, cela fait ^48 années de rupture ouverte entre l’Eglise impériale et l’Eglise romaine, sur une période de 506 ans. Voilà certes des cliilfres éloquents, et voilà qui diminue singulièrement le rôle dePhotius et deCérulaire, ou plutôt voilà qui explique surabondamment le succès de leur entreprise.

LES AUTRES CAUSES DU SCHISME

Le césaropapisme des empereurs et l’ambition des patriarches de Constantinople, tels sont les deux facteurs principaux qui par leur action combinée préparent lentement le schismedétinitif. Les autres causes, que les historiens signalent ordinairement, ne viennent iju’au second plan et ne sont, pour la plupart, que des conséquences des conflits perpétuels, qui mettent aux prises Rome et Byzance. C’est ainsi que l’antagonisme de race entre les Orientaux et les Occidentaux, l’antipathie et le mépris réciproques entre Grecs et Romains, dont nous parlent les écrivains classiques, loin de disparaître ou de s’amortir sous l’influence du christianisme, ne firent que s accentuer, du jour où les enq>ereurs se laissèrent helléniser. Les Grecs cessèrent d’apprendre le latin, cette langue rude, pauvre, sans ampleur, les Latins d’apprendre le grec, ce véhicule de l’hérésie et de la sophistique. On arriva vite à ne plus se comprendre. A la Un du vi' siècle, saint Grkgoirb le Gr.vnd, apocrisiaireduSaint-Sicgc à Constantinople, ne connaissait pas le grec, et il se plaignait de la difficulté qu’il y avait de trouver dans la ville impériale des interprètes capables de traduire sans faute les documents latins. Un peu plus tard, saint Maxime demandait aux Romains de publier leurs lettres dans les deux langues, pour éviter tout danger de falsification de la part des traducteurs.

Cette ignorance des langues eut un contre-cou|) funeste dans le domaine de la théologie. Les Pères latins restèrent à peu prés inconnus aux Orientaux. Le plus grand de tous, saint Augustin leur échappa totalement. Les traductions d'œuvres latines en langue grecque furent d.es raretés. L’histoire ne signale guère que la traduction du J)e Cura pastorali de saint Grégoire le Grand, faite par An.vstase II o’ANTiocnE, et celle des Dialogues du même par le pape Zaciiarik, un Gi-ec d’origine. Les Occidentaux connurent un peu mieux les Pères grecs, grâce aux traductions de saint Jérôme, de Rufin et de Cassiooore ; mais ce fut une connaissance bien incomplète et bien superficielle, fendant cinq siècles, ils ignorèrent la Foi orthodoxe du Damasckne. On devine tous les malentendus doctrinaux qui pouvaient naiire de ce chef. Déjà, celui qui a trait à la procession du Saint-Esprit eommence à poindre à l’horizon. En pleine querelle monothélite, saint Maxime, dans sa lettre au prêtre Marin de Chypre, est obligé de légitimer devant les Orientaux la formule latine a Pâtre Filioque, P. G.. t. XCI, col. 136. et le pape Adrien I" doit défendre contre les Livres Carolins la formule grecque a Pâtre ner Filiiiiii, employée par saint Tar.iise, au septième concile, P. /-., t. XCVIII, eol. 1249. La discussion s’engage sur cette question au synode de Gentilly (76- ;) entre théologiens francs et envoyés de Constantin

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CoPRONYME. En 808, l’addition du Filioque au symliole, l’aile par les moines bénodiclins du inonl des Oliviers, soulève une tempête à Jérusalem, où les moines sabaïtes accusent les Francs d’hérésie. Le pape Lkon 1Il est ol)Iij ; é d’intervenir, et la prudence avec huiuelle il le fait témoijjne de la gravité de la situation. Au concile de Nicée en 78 ; , les évêques orientaux enseignent que la consécration s’opère exclusivement par les paroles de réj)iclèse, devant les légats du pape, qui ne protestent pas, parce qu’ils ne comprennent pas, Mansi, t. XIll, col. a64.

Si les malentendus dogmatiques n’existent encore qu'à l'état latent, les divergences disciplinaires sont nombreusef et connues de tous. Nous avons vu l’altitude prise par le concile in J’rutlu à l'égard de cerliiines de ces divergences. Ce concile, qui coditie le droit byzantin, a beau être rejeté par Home ; ce sont ses décisions qui vont désormais régir l’Eglise orientale. Sur ce terrain, le schisme est déjà consommé.

Un grand événement politique vint, à l’aurore du IX' siècle, aggraver singulièrement les relations déjà si tendues entre l’Orient et l’Occident. Le pape Léon 111 restaura sur de nouvelles bases l’empire romain d’Occident, au profit de la dynastie carolingienne. Ce fut un coup sensible porté à l’orgueil du liasileus byzantin, qui s’intitulait toujours, en dépit de la réalité, empereur des Romains. Cet événement, qui se préparait de|iiiis près d’un siècle, c'étaient lesempereurs grecs eux-mêmes qui l’avaient rendu nécessaire, tant par leur politique civile que par leur politique religieuse. L’Italie, reconquise par Juslinion, n’avait guère eu à se louer de l’administration impériale. On l’avait exploitée comme un pays étranger au reste de l’empire. Bientôt, les exarcjues de Ravenne furent impuissants à la défendrecontre l’invasion lombarde. Les papes avaient eu part iculièremen t à souffrir des entreprises du ccsaropapisme dans le domaine de la foi et de la discipline. Plusieurs d’entre eux avaient été violemment enlevés de leur siège ; beaucoup d’autres n’avaient dû qu'à l’amour des Romains et à l’impuissance des exarques d'échapper au même sort. La longue querelle iconoclaste avaitachevé de les convaincre qu’il n’y avait plus rien à espérer pour le bien de la religion de ces empereurs hérétiques et persécuteurs.

Cependant, tout légitime, tout nécessaire même qu’il fût, le geste du pape Léon III ne pouvait que contribuer à aigrir lesrapportsentre les deux Eglises. En consommant le scission politique entre l’Orient cl l’Occident, il préparait pour un avenir procliain la scission religieuse. Et cela, parce qu'à liyzance, l’idée de l’unilé catliolique planant au-dessus du particularisme national n’existait pour ainsi dire pas, l’Eglise s'était inféodée au basileus. Le même principe qui, au V siècle, avait jeté dans l’hérésie les Syi-iens, les Egyptiens et les Arméniens, allait précipiter les Grecs dans le schisme. Comment ces licrs Byzantins, enorgueillis de leur passé, de leur civilisation et de leur langue, pourraient-ils continuer d’obéir à un paj)e qui n’est plus des leurs et qui donne toutes ses faveurs aux barbares de l’Occident ?

Les Occidentaux, de leur côté, rendaient aux Grecs mépris pour mépris.IIsleurreprochaieut la multitude de leurs hérésies, leurs conlroverscs i)uériles, leur arrogance insupportable. L’opposition ipi’on fil, dans l’empire des Francs, aux décisions du septième concile, cette ardeur que mirent Chahlemagne et ses théologiens à alfirmer le dogme de la procession du .Saint-Esprit du Père et du Fils, et à faire adopter l’addition du Filiuque au symbole, étaient peut-être moins inspirées jiar le pur zèle de la vérité que par le besoin de manifester aux Orientaux celle aversion profonde qu’on ressentail pour eux, et de leur mon trer qu’ils n’avaient pas le monopole de la science théologique. Ces dispositions hostiles faisaient tout craindre pour l’unité même de la foi. Quand on est séparé par le cœur, on ne saurait rester longtemps uni par l’esprit.

III. La consommation du schisme. — Si bien préparé par cinq siècles de discordes, le schisme fut consommé par deux palriarches deConstantinople, PhoTius et Michel Ckrilaire. Malgré les nuances de caractère et la diversité d’atlitude que l’histoire signale entre eux, ces deux ])ersonnages ont suivi la même tactique pour rendre la rupture définitive. Cette tactique a consisté à rechercher minutieusement et à mettre en relief tout ce qui, dans le domaine de la théologie, de la discipline, delà liturgie et même des simples coutumes, était de nature à élever comme un mur de séparation entre les deux Eglises. Ils avaient sansdoute remarqué que, dans la période précédente, les papes avaient remporté tous leurs triomphes parce qu’ils s'étaient posés en défenseurs de l’orthodoxie, attaquée par les hérésies impériales. Le meilleur moyen de détruire leur prestige etdesecovier leur joug était de faire planer le S(Uipçon sur la pureté de leur foi. Avec une infernale habileté, ils allèrent chercher quelques points de doctrine encore mal éclaircis et prêtant par là même le fianc aux équivoques, et soulevèrent des questions insolubles, par exemple celle des azimes, capables d’alimenter des controverses sans fin. Les discussions Ihêologiques étaient pour les délicats, pour les savants. Les divergences canoniques, riluellesou coutumicres devaient lentem<nl gagner au schisme les masses populaires, en leur persuadant qu’entre la religion du Grec et celle du Latin, il y avait un abîme Pholius insista surtout sur la question dogmatique, Cérulairesurla question liturgique et disciplinaire.

LU RÔLE DE mOTIUS

A considérer les faits par la siu’face, il semble que Pholius ait misérablement échoué dans son entreprise. Loin de réussira séparer l’Eglise byzantine de l’Eglise romaine, il fournit aux papes de son temps l’occasion d’aflirmer solennellement leur primauté et de l’exercer à ses propres dépens. Lui-même rendit à plusieurs reprises hommage à cette primauté. A peine intronisé à la place d’IoNACE, qiii, chose presque iuouie à Byzance, refusait de démissionner siir un ordre du basileus. il envoya au pape Nicolas 1" une lettre dans laquelle il faisait profission de foi callioli(iue et, après avoir travesti les faits, sollicitait, sur un ton d’hypocrite humilité, la reconnaissance de son intrusion. Après le scandaleux concile de 861, tenu à Constantinople, dans l’Eglise des Apôtres, il sentit le besoin d’adresserau même pape une longue apologie pour écarter de sa tête les foudres qui le menaçaient. Dans cet écrit, l’intrus condamnait par avance sa conduite ultérieure, car :

1° Il reconnaissait explicitement la primauté du pape, soit en déclarant que le blâme que lui avait iniligé sainl Nicolas avait été inspiré par l’amour scrupuleux de la discipline ecclésiastique (Où fà.p i/jiVxOn’y. :

ryûTv. y.iv/ : /j.v.Tv. « 7T/ « ffTou 0£ fj-cfj/c-j Siff-6s7eoi : , y.y-i Tr, v

ixXJT.zty.^Tiy.VJ Ta^tv et ; vy.pov vy.piZrjjo-jOjTf^t., Epislol. lîh. /,

epist. II. J'. G., t. Cil, col. 5()6) ; soit en faisant connaître son empressement à accepter les décisions du pape et deses légats : « Siiifanl yoire recommandation, on a prescrit d’ol>serfer te canon en question…, et il n’a pas dépendu de nolrefolonté que toutes les décisions de votre ditiiie i>aterniti' fussent prises en considération ^i, ll/id., co.Ci’i : soit enfin en plaçant les papes au sommet de la hiérarchie : Observer les canons 3)7

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^ritahles est un devoir pour tout hou rhrélien ; cette n’ili^iilion est plus forte pour ceux que la Providence (j rluirgés de diriger les autres, et elle s’impose encore juus à ceux qui parmi ces derniers tiennent le premier

ions (^ « t T5>TWV ÉTt tJV.Jl77 « TO ? ; h « ÙtS ?? TCOTii : TTpotTiJEtV

, yyoj- : vj). C’est pourquoi otre oiinahle lléatitude, qui iherclie en tout à maintenir le lion ordre de la discil’Une et la rectitude canonique, fera bien de ne pas aciiicillir sans discernement ceux qui arrivent d’ici sans lettre de recommandation. » Iliid., col. 616-617.

2" Il distinguait, avec la sùrclé d’un llioologien inipiccable, le dogme de la discipline, et affirmait iiu’enlrc les Eglises particulières, l’uniformité ne s’imi>osait que sur la foi et les canons consentis d’un commun accord dans les conciles œcuméniques, que pour le reste la diversité n’avait rien de répréhensible :

« les choses communes à tous, avant tout les

dogmes de foi, sont nécessairement obligatoires. Quant aux observances propres à quelques-uns, leur violation rend coupables ceu.r-li’i seuls à qui elles ont été imposées… Si un Père établit une règle pour son diocèse ou si un synode particulier porte une loi, il n’y a point de superstition à l’observer : pourtant ceux qu ! ne l’ont pas reçue /leuvent la négliger sans danger. » Jbid., co. 60.’|. Et là-dessus, Pliotius énumérait quelques-uns de ces usages particuliers dont il allait bientôt faire des griefs contre les Latins : raser ou porter la barbe, jeûner le samedi ou ne pas jeûner ; pour un clerc, vivre dans le célibat ou prendre femme ; pour un diacre, être élevé à l’épiscopat sans recevoir la préliise ou passer par l’ordre intermédiaire.

Même après sa rupture ouverte avec le pape Nicolas, nième après l’encyclique de 867, adressée à tous les patriarches orientaux, où il soulèvela question du F/710que. el la lettre aux Bulgares, où il attaque la primauté, le révolté recourut au pape Jean VIII pour faire contiiiuer sa seconde élection au patriarcat, après la mort <rignace. Et sans doute, sa soumission aurait été parfaite, si Rome n’avait exigé de lui aucune réparation publique du scandale qu’il avait donné, si elle avait consenti à rayer de la liste des conciles œcuméniques le concile deSâg-S^o.qui l’avait déposé et condamné. Après le conciliabule de 87g, comme après celui de 861, il chercha à se justilier auprès du pape et se prévalut contre les Ignatiens de la prétendue ajqirobation qu’il avait reçue du Saint-Siège par l’intermédiaire de légats plus dupes qu’inlîdèles. Rien ne montre mieux que cette conduite comment les dix griefs relevés contre les Latins, en 867, cinq dans l’encyclique aux patriarches : jeûne du samedi, usage du laitage pendant la première semaine du carême, célibat des clercs, reconllrmation par les évèqucs de ceux qui ont été déjà confirmés par des prêtres, addition du Filinque au symbole et doctrine sur la procession du Saint-Esprit. P. G., t. Cil, col. jii-^^a ; et cinq autres dans la lettre aux Bulgares : immolation d’un agneau avec le corpsdc Jésus-Christ, le jour de Pâques, usage des clercs latins de se raser la barbe, préparation du chrême avec de l’eau de rivière, élévation immédiate desimples diacres à l’épiscopat, prétention des papes à la primauté, alors que celle-ci avait passéàl’évéquedeConstantinople depuis qiiecette ville était devenue la capitale de l’empire, Mcol.l, Ep’ist. Lxx, P. /.., CXIX, col. 1152 et suiv., rien, dis-je, ne montre mieux comment ce n’étaient là que des prétextes, destinés à couvrir la révolte de l’orgueil blessé et à satisfaire sa soif de vengeance. Aussi bien, les contemporains de Photius n’y virent pas autre chose. Le concile de 869 ne daigna pas même s’en occuper, si l’on excepte l’attaque dirigée contre la primauté romaine. Photius lui-même ne tarda pas à s’apercevoir que sa manœuvre n’avait eu aucune prise sur les esprits. Au conciliabule de 879, il se

contenta d’interdire toute addition au symbole, sans toucher directement la question dogmatique de la procession du Saint-Esprit. Cette interdiction n’avait d’ailleurs qu’un but : lui ménager le moyen de reprendre la lutte contre le Filioque, dans le cas, plus que probable, où Jean VIII refuserait de sanctionner ce qui s’était fait.

Ce fut en effet la nouvelle tactique adoptée par l’astucieux byzantin, a])rès sa condamnation par Jean VIII, en 881. Au lieu d’attaquer de front la primauté romaine, trop bien établie pour être niée sérieusement, au lieu de faire valoir de mesquines divergences de coutumes et de discipline, il concentra tous les cfl’orts de sa polémique sur le dogme de la procession du Saint-Esprit. Dans une lettre à Wal-PKRT, archevêque d’Aquilée, alors en désaccord avec le pape, et surtout dans la Mystagogie du Saint-Esprit, véritable traité sur la matière, il chercha à dénaturer la doctrine latine par toutes sortes d’arguments sophistiques, et à établir que leSaint-Esprit /jrocède du Père seulement, en jouant sur le terme grec c< Iz-i/îîùsTÔai », qui, à son époque, avait pris le sens technique de procéder du principe qui n’a pas de principe et qui, par suite, n’était pas l’équivalent exact du « prucedere » latin, mais bien du « procedere princijinliter » de saint Augustin.

Les Latins sont tour à tour accusés d’ignorance, d’erreur, de sottise, de folie, de démence, de fureur, de témérité, d’audace, d’imprudence, d’hérésie, de polythéisme, d’impiété, parce que, d’après notre poléndste, ils font procéder le Saint-Esprit du Père et du Fils comme de deux principes. C’est par des réticences calculées, d’habiles équivoques ou des interprétations arbitraires, qu’il se débarrasse des textes scripturaires et patristiques que les théologienslatins opposent à son innovation. D’après lui, le « De meo accipiet ii, de l’Evangile de saint Jean (xv, 14) signifie :

« // recevra de mon Père ». Des passages si clairs

et si nombreux où les Pères grecs aflirment que le Saint-Esprit procède du Père par le Fils, est, sort. jaillit du Fils, ou du Pêreetdu Fils, il ne souille mot ; mais il a fait une trouvaille. Il a découvert qu’aucun Père grec n’a dit expressément, xy.zi. /éçiv, que le Saint-Esprit procède (lvr.-.ptùtz’y.i) du Fils, et il prétend résumer toute la tradition grecque dans cette phrase qu’il lance aux Latins comme un défi : « Qui, parmi nos saints et très illustres Pères, a jamais dit que l’Esprit procède du Fils ? » (Mystag., cap. 5 ; cf. crt/). 91, P. G., t. Cil, col. 284 et 386.) En confondant à dessein la question liturgique de l’addition au symbole avec la ([uestion doctrinale, il en apiielle au témoignage de plusieurs papes anciens et même de papes contemporains, comme Léon III, Jean VIII, son Jean comme il l’appelle, Adrien III. Il récuse l’autorité des trois Pères Latins qu’on lui oppose, saint Ambroisb, saint Jérôme et saint Augustin, sous prétexte que leurs écrits ont dû être interpolés, et que d’ailleurs il n’y aurait rien d’étonnant à ce qu’ils se soient trompés, comme cela est arrivé à tant d’autres.

La Mystagogie du Saint-Esprit fut l’arsenal où les Grecs des siècles suivantsallèrentchercher desarmes pour combattre les Latins. Par cet ouvrage, Photius lit plus pour la cause du schisme que par sa révolte ouverte. Sa doctrine s’infiltra dans la théologie byzantine, d’autant plus librement que la Mystagogie ne fut pas connue en Occident avant le xn’siècle. L’empereur Léon VI qui, à son avènement, enleva à Pliotius le trône patriarcal, a tout un discours contre le Filioque. En 906, les envoyés du pape Srrgius III s’ai)erçurent que la doctrine photienne était soutenue par beaucoup de Grecs, et en 908 le pape demandait’aux théologiens francs de la réfuter. Au siècle suij0

vant, Pierre d’Antioche prend en pitié les barbares d’Occident, et demande à Michel Cérulaire de ne pas leur tenir rigueur de leur ignorance théologique :

« Il est déjà bien beau, ajoute-t-il, qu’ils acceptent,

avec nous le dogme de la Trinité et de l’Incarnation. » Cependant, il y a quelque chose qui lui paraît dépasser toule mesure, qui est le plus funeste de tous les maux : c’est l’addition au symbole : Will, Acla et Scripta quæ de coilroi’ersiis ecclesiæ ^ruec. et lat. sæc. A’/ fom/)Osifa ers^ «  « (, Leipzig, 1861, pp. 196, 198. On comprendra combien fut grande l’influence exercée par les écrits de Photius, si l’on se rappelle que des esprits éminents, comme Jean Veccos et Bessa-HION, dont la bonne foi est à l’abri de tout soupçon, eurent beaucoup de peine à rompre les mailles de la sophistique photienne et à retrouver la véritable conception des Pères grecs.

LA TACTIOIE DE MICHEL CÉBL’LAIRE

La controverse sur la procession du Saint-Esprit était trop transcendante jiour faire impression sur l’ensemble des esprits et déteriuiner immédiatement une rupture délînilive. Aussi voyons-nous les deux Eglises se réconcilier après la mort de Photius et, jusqu’en 1054, vivre dans cette union, bien lâche il est vrai, à laquelle, de part et d’autre, on s’était habitué depuis des siècles. Malgré l’acuité du conflit entre Rome et Constantinople ausujet de la juridiction sur la Bulgarie et l’Italie méridionale, malgré l’antipathie croissante des races, malgré la rancune toujours persistante des empereurs byzantins contre leurs rivaux d’Occident, les rapports des Orientaux avec le Saint-Siège ne furent, durant cette période, pas plus rares qu’autrefois. L’enqiereur Léon VI et le patriarche Nicolas le Mystique, en désaccord sur la (luestion des quatrièmes noces, demandent à Rome une solution. Le basileus se mêle même de l’élection des papes. TLimiscès soutient, contre Benoît VI et Benoît VII, l’antipape FRANCoN, et dépose le patriarche Basile 1°, dévoué au pape légitime. Nous savons par le téuioignage de Pierre d’Antioche qu’en 1009, le nom du pape était inscrit sur les diptyques de Sainte-Sophie, WiLL, op. cit., p. 192. Quelques années plus tard, le patriarche EusT.iTiiios (10 19-1025) essayait d’obtenir du pape Jean XIX une sorte de charted’autocéphalie pour l’Eglise orientale et la reconnaissance du titre de patriarche œcuménique. Quant aux relations des simples fldèles entre eux, elles étaient empreintes de la plus grande cordialité. Les pèlerins occidentaux qui se rendaient en Terre sainte passaient ordinairement par Constantinople et y étaient bien accueillis. Les moines des deux rites n’avaient aucune répugnance à fraterniser ensemble. Les monastères grecs n’étaient pas rares en Italie, et les Latins ne craignaient pas d’y entrer pour faire l’apprentissage de la vie religieuse.

L’invasion de l’Italie méridionale par les Xormands, au début du xi° siècle, détermina entre les papeset les empereurs byzantins un rapprochement qui, pour être politique, n’en devait pas moins contribuer à affermir l’uniim religieuse. Par les soins du Lombard Argyuos, une alliance entre le pape Léon IX et Cons-TANTi. N MoNo.M.VQi’B était à la veille de se conclure, lorsque le patriarche de Constantinople, Micuicl CÉaiiLAiHE, homme d’une ambition insatiableetd’une volonté de fer, rés ! >lut de rendre l’Eglise orientale complètement indépendante du pape, pour la mieux soumcltreà sa propre autorité. La riiptureæcRome n’était du reste, comme l’a démontré M. lîitÉuiEH dans son excellent ouvrage : le schismcorientiil du XI’aîècle, Paris. iSgg, qu’une étape dans la réalisation de son rêve de domination, car il n’aspirait à rien moins’qu’à concentrer dans ses mains le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel et à réduire le basileus au rôle de simplecoadjuteur du patriarche. S’il échoua misérablement dans sa lutte contre le pouvoir impérial, si, comme Photius, il tomba victime du cèsaiopapisme, son entreprise contre la papauté lut couronnée d’un plein succès, et c’est bien luiqui porte devant l’histoire la responsabilité du schisme définitif.

Dès son avènement au trône patriarcal, en 1043, il commença, nous dit l’historien Cédrenos, par rayer le nom du pape des diptyques sacrés, ce qui ne l’empêcha pas, quelques années plus tard, d’écrire à Pierre d’Antioche que le nom du pape n’était plus inscrit à Sainte-Sophie depuis le concile in Trullo, Will. op. cit., pp. i^S-i’jg Il médita ensuite un plan de campagne pour amener une rupture ouverte, et découvrit que le meilleur moyen de rendre le schisme durable était de lui donner une base dans l’esprit populaire. Reléguant à l’arrière-plan la question du Filioqiie et alTectant d’ignorer la primauté romaine, il porta la lutte sur le terrain des divergences liturgiques et disciplinaires, les plus capables d’impressionner la foule et de lui inspirer de l’aversion pour les Latins. Par son ordre, Léon d’Ocurida. ancien clerc de la Grande Eglise, ouvrit les hostilités en 1053, dansune lettre adresséeà Jean, évêque deTrani, o à tous les évêques des Francs et au très honorable pape lui-même’). Les Latins sont accusés de judaïser, parce « pi’ils emploient du pain azyme comme matière de l’Eucharistie et qu’ils jeiinent le jour du sabbat. On leur reproclie également de manger des viandes étoulïécs, et de ne pas chanter l’AUeluia pendant le carême.

Au même moment, à Constantinoiile, un moine de Stude, NicÉT.iis Stétatiios, instrument docile du patriarche, lance dans le public un tract dans lequel les très safies et très nobles Romains sont invités à ne plus vivre « sous l’ombre de la Loi, à ne plus participera la table des Hébreux’, en mangeant l’azyme, et à ne plus violer les canons des Apôtres et ceux du concile Quinisexte.en jeùnanlle samedi et en prohibant le mariage des clercs. Joignant les actes aux paroles, Michel Cérulaire ht fermer les églises latines de Constantinople, somma les clercs et les moines latins de suivre les coutumes grecques, et sur leur refus, les analhématisa, en les traitant d’azymites. Il y eut des scènes de violence, et l’on vit le chancelier du patriarche, Nicépliore, fouler aux pieds des hosties consacrées, sous prétexte que leur matière n’était pas du pain fermenté.

Par cette agression brutale, Cérulaire manifestait bien nettement son désir de séparation, et frappait en même temps ivement l’imagination d’un peuple formalisteà l’excès en lui montrant toute l’horreur qu’il fallait ressentir pour les abominables pratiquesjudaïques des Occidentaux. L’attitude du pape Léon IX fut des plus énergiques. Sans s’arrêter à discuter les mesquines accusations des Grecs, il porta immédiatement la question sur la primauté de l’Eglise romaine et mit Cérulaire en demeure de la reconnaître. L’ambitieux patriarche lit d’abord niinede céder et, reprenant le projet de son prédécesseur Eustathios, il liroposa au pape une sorte d’accord sur les bases de l’égalité : « Tu nous écris, lui répond Léon IX. ipie si nous faisons vénérer ton nom dans une seule église romaine, tu t’engages à faire respecter le nôtre dans tout l’univers. Quelle est cette pensée monstrueuse ? L’Eglise romaine, tête et mère des Eglises, connaitellcautrc chosequedesmembreset des lîlles ? » WiLL, op. cit., p. 91.

La lettre de Cérulaire convainquit le pape que tout accommodement pacilique était impossible, et il envoya à Constantinople trois légats, le cardinal Humbert, 361

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le chancelier Frédéric et Pierre d’Anialû. avec la mission d’excommunier le patriarche reljello, s’il ]>ersislait dans sa révolte. Malgré l’appui du faible Constantin IX, tout dévoué à l’union par raison politique, malgré la victoire remportée ])ar le cardinal Humbert dans une discussion publicpie sur le champion du pain fi-rnienté. Nicétas Stétathos.Cérulaire ^’arda jusqu’au bout son attitude hautaine et refusa d’avoir le nioinilrc colloque avec les envoyés du Saint-Siège, siir de l’appui moral des évêques d’Orient, dont aucun, de fait, n’éleva la voix en faveur de Rome. Les légats se décidérentalors à la rupture. Le 15 juillet io54, à la Iruisicme heure, ils se rendirent à Sainte-Sophie, au moment où tout le peuple était assemblé pour un ollice solennel, et déposèrent sur l’autel une bulle d’excommunication, qui atteignait le patriarche et tous SCS adliéi-enls..ucun des assistants ne se douta que l’heure du schisme délinitif venait de sonner. C’était bien cependant la triste réalité.

L’excommunication qui devait foudroj-er Michel Cérul.iire ne lit que hâter son triomphe. Après avoii’essayé d’attirer les légats dans un guet-apcns, qui leur aurait coiilc la vie, il sovileva une émeute contre l’empereur, qui avait pris leur parti. Pour conserver sa couronne, Constantin IX dut envoyer une lettre irexcuses au tout-puissant iiatriarche cl consentir à la réunion d’un synodede douze métropolitains etde deux archevêques qui anathcmatisèreut les Latins et retournèrent contre eux les griefs contenus dans la Inilled’excommunication. L’édit synodal empruntait texlucUemenl ses premières phrases à l’encyclique de Photius aux cvccpiesd’Orient, et reprochait auxOccident. inx de se raser la barbe, d’ajouler le Fitioque au symbole et d’enseigner que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils, d’interdire le mariage des clercs, de se servir de pain azyme pour la célébration de l’Eucharistie.

Celte question des azymes fut vraiment le grand cheval de bataille de Cérnlaire. Il y revient avec insistance dans ses deux lettres à Pierre d’Anlioehe et signale de nouvelles abominations latines : « Leurs luoii es se servent de la graisse de porc et se nourrissent de lard ; le fromage est permis pendant la première semaine de carènu". Us mangent de la viande le mercredi, du fromage et des œufs le vendredi, et le samedi ils jeûnent toute la sainte journée… Chez eux, deux frères peuvent épouser deux sœurs. A la messe, au moment de la communion, l’un des minis-Ires mange les azymes et donne aux autres le baiser de paix. Leurs cvéques portent un anneau au doigt ; c’est, disent-ils, un signe d’alliance avec leur Eglise. Ils ^ont à la guerre et souillent leurs mainsde sang… Quand ils administrent le baptême, ils ne font qu’une seule immersion et remplissent de sel la bouche des baptisés… Il ne veulent pas vénérer les reliques des saints. Certains d’entre eux refusent de rendre un culte aux saintes images. Ils ne mettent pas au nombre des saints nos illustres docteurs et hiérarques, Orégoire le théologien, le grand Basile et le divin < ; iirysostome et rejettent complètement leur doctrine. El ils font encore certaines autres choses qu’il serait trop long d’éuumérer. » F.pistol. i ad Pet. Antioch., NViLL, np. cit., pp. 180-183.

Ces autres choses doni Cérnlaire ne parle[>as, nous les trouvons sigiudées dans le fameux traité Sur les Francs et les autres l.alins, qu’on a faussement attribué à Photius et qui a toute chance d’avoir été inspiré parCérulaire lui-même. Les griefs relevés sont au nombre de trente-trois el témoignent d’une aussi grande largeur d’esprit que les précédents. En voici qneh|ucs échantillons : « En entranldans l’église, les Latins se prosternent à terre en marmottant ; puis ils tracent par terre avec le doigt une croix qu’ils bai sent, se relèvent el commencent leur prière. — Ils n’appellentpas la mère dcNotre-Seigneur « Théotocos » mais seulement sainte Marie. — Ils mangent des hérissons, des tortues, des corneilles, des corbeaux, des mouettes, des chacals, des souris. — Les habits sacerdotaux de leurs évcques et de leurs prêtres sont multicolores, el en soie, au lieu d’être en laine. — Les évêques portent des ganls. — Ils font le signe de la croix avec les cinq doigts, le pouce seul touchant le visage, etc., etc. »

APnÈS MICHEL ClhlULAIRE

Sans doute, si l’on prend une à une chacune de ces divergences, elles paraissent ridicules cl indignes de lixer l’altention ; mais leur gravité résultait de leur accumulation, llessassées par le clergé et les moines, elles eurent jiour effel de persuader au peuple qu’il existait une dilVérence profonde entre la religion des Grecs et celle des Latins, lîicntot surgirent de nouvelles causes de dissension et de haine. Loin de contribuer à un rapprochement entre l’Orient et l’Occident sur le terrain religieux, les croisades ne tirent qu’élargir le fossé de la séparation. En accaparant tout le commerce du Levant, en contraignant les enqiereurs bjzantins, à leur octroyer des privilèges exorbitants, les républiques italiennes, dont la politique fut toujours machiavélique, exaspérèrent au dernier point la population de Constanlinople, et en 1 182 eut lieu le massacre des Latins. La quatrième croisade, avec toutes ses atrocités, fut la digne réponse de’S'^enise à cet acte de sauvagerie. Après cela il ne faut pas s’étonner de voir échouer l’une après l’autre les nombreuses tentatives d’union, une vingtaine au moins, qui s’échelonnent entre le xi" et le xv « siècle. Elles ont du reste i)Our trait commun d’être inspirées ])ar des visées politiques. Les deux principales, celles de Lyon, en I2’j4. et celle de Florence, en i/jSS-i^Sg, ne font point exception à la règle. Pour amener les Grecs à reconnaître leur primauté, les papes recourent tour à tour, mais toujours sans résultat, à la douceur et à la menace. Le basileus ne fait plus comme autrefois la loi en matière de croyance. Un Michel VIII Paléologue a beau vouloir sérieusement l’union : ses elforts se brisent contre la résistance du clergé et du peuple, qui se iirennent à désirer l’avènement des Turcs j)Our n’avoir pas à se soumettre au i>ape.

Les Turcs arrivèrent en 143 et les tentatives d’union cessèrent. Les vainqueurs ne furent guère disjjosés à les favoriser, surtout à partir du moment oii le roi de France réclama la protection de tous les catholiques du Levant. Le haut clergé grec, malgré toutes les avanies qu’il dut subir, s’accommoda facilement d’un régime qui lui accordait une véritable juridiction civile sur son troupeau spirituel et des bachis-bouzouks pour lever la dîme. C’est surtout sous la domination turque, et jusqu’au xix* siècle, que le patriarche de Constantinople fut véritablement le pape de l’Orient.

Malgré les relations cordiales qui existèrent parfois, an xvii’siècle surtout, entre les missionnaires latins et le clergé grec, la haine de Rome ne lit que s’accroître en Orient. Excitée par la propagande catholique, elle atteignit son paroxysme, au milieu du xviii’siècle. En 17.^5, le patriarche Cyuu.le V décida que le baptême latin était invalide. Les théologiens grecs n’eurent pas de peine à découvrir de nouvelles divergences entre les deux Eglises, tout en subissant dans une large mesure rinfliience de la théologie occidentale.

Plusieurs papes se sont occupés particulièrement de ramener les Orientaux à l’uiulé catholique. Au xvi’siècle, Grégoire XIII fonda à Rome le collège 363

GRECQUE (ÉGLISE)

grec (iesainl AlUanase, deslinéà former un clergé grec catholique. La S. C. de la Propagande, cicée par Giiii-GoiRE XV au début du xvii’siècle, avait dans son programme de procurer l’union des Eglises orientales. Benoit XIV prit la défense des rites orientaux contre les missionnaires latinisants. Pie IX en 1848 et en 18 ; 0, Léon XIII en 1894, ont adressé aux schismatiques de chaleureuses invitations à la concorde, mais leur voix n’a guère trouvé d écho.

Ce n’est plus avec Rome, mais avec l’Eglise protestante que, depuis le xvi’siècle, les Grecs ont repris ces éternels essais d’union qui n’aboutissent jamais. Il y eut de longs pourparlers théologiques entre les docteurs luthériens de Wittenberg cl le i)atriarche JÉRÉMiE 11(1, 572-1579). Dans la première moitié du xvii » siècle, le calvinisme faillit s’implanter dans la grande Eglise par les soins de Cyhillb Lucar, et au début du xviii’, la secte anglicane des Non-Jiireins tenta vainement un rapprochement avec l’Eglise phanariote el l’Eglise russe. Depuis 1867, les relations amicales, avant-coureuses de l’union, entrepris entre Anglicans et Orthodoxes, auxquels sont venus se joindre, et non sans doute pour augmenter l’harmonie, les Vieux-Catholiques de DoUinger, Ilerzog et Michaud.

IV. Les divergences dogmatiques entre l’Eglise catholique et l’Eglise grecque. — Les trente-trois divergences signalées dans le traité « Uipi ra>fid-/-/m » ne furent pas les seules que les théologiens grecs relevèrent contre les Latins. A mesure que l’on se connut mieux, à mesure aussi que l’Eglise occidentale inodida certains de ses usages et donna une précision nouvelle à certaines vérités révélées, le nombre des griefs alla en augmentant. L’Eglise grecque, ligée dans sa stérilité et son impuissance, continua de crier à l’innovation, à chaque manifestation nouvelle de la vie catholique. Dès la fin du xiv- siècle, d’après le catalogue dressé par Hergenrôther, Photius, t. III, p. 820 et suiv., les polémistes grecs avaient déjà formulé cent trois griefs contre l’Eglise latine, et si l’on poursuivait l’addition, depuis le xiv" siècle jusqu’à nos jours, on arriverait facilement au chiffre total de cent soixante. Provoqués par ces attaques mesquines, certains théologiens occidentaux ne résistèrent pas à la tentation decritiquer les usages grecs et eux aussi dressèrent leurs listes de reproches, qui aujourd’hui nous font sourire.

Il va sans dire que les esprits sensés, dans les deux camps, ii’atlaclièrent pas une grande importance à cette polémique de sacristie. Dans les tentatives olTicielles d’union, la controverse fut limitée à quelques points principaux. Leur nombre, du reste, a varie avec les époques. C’est ainsi qu’au synode de Nyniphée, en 1234, on ne signala que deux obstacles à l’entente : l’addition du Filionue et l’usage du pain azyme.

Au concile de Lyon, en 1274, comme en témoigne la confession de Michel Paléologue, ce n’étaient plus seulement le Filioque et les azymes qui faisaient ditlicultè ; il y avait, en plus, la primauté pontilicale, l’indissolubilité du mariage, le purgatoire, la béatitude des saints.

Quant aux discussions de Florence, elles roulèrent sur l’addition au symbole, la doctrine de la procession du Saint-Es])rit, les azymes, la i>rimauté pontilicale, le purgatoire et la béatitude des saints. De l’indissolubililé du mariage, il ne fut question qu’après la signature du décret d’union. Les réponses des Grecs sur ce point ne satisfirent pas Eugène IV ; mais il était trop tard pour engager un débat sur cette grave affaire. Un nouveau sujet de conllit avait surgi depuis le concile de Lyon, à propos de l’épi 364

clèse. Les déclarations nettement catholiques que BESSARioNlit sur ce point, au nom de ses compatriotes, empêchèrent qu’on en parlât dans le décret d’union.

.u XVIII’siècle, la confession de foi dite de Chry-SANTHE, approuvée par les patriarches orientaux au synode de Constantinople de 17-27 (voir Petit-Mansi Ampliss. Collect. ConciL, t. XXXVII, col. 887-910)’, reproche aux Latins d’admettre plus de sept conciles œcuméniques, de manger des viandes étouffées, de rejeter la lumière thaborique, et n’oublie pas les autres divergences habituelles : primauté, Filioque, pain azyme, èpiclèse, purgatoire, bèatitudedes saints, indissolubilité du mariage en cas d’adultère.

Dans leur réponse à l’encyclique de Pie IX adressée aux Eglises orientales, en 1848, les quatre patriarches orientaux semblent vouloir nous ramener au temps de Cérulaire, par la complaisance qu’ils mettent à relever les divergences liturgiques et disciplinaires, comme le baptême par infusion, la communion sous une seule espèce, l’usage de petites hosties pour la communion des fidèles, le célibat des clercs, etc.

On remarque la même tendance dans l’encyclique du patriarche Anthime VII de Constantinople, écrite en 1895, en réponse à l’encyclique du pape Léon XIII

« Piæclara gratultitionis » du 20 juin 1894. Procession

du Saint-Esprit du Père et duKils, addition du Filioque au symbole, baptême par infusion, usage du pain azyme, erreur sur l’épiclèse, communion des laïques sous une seule espèce, doctrine sur le purgatoire, les indulgences et la récompense immédiate des saints, immaculée conception, primauté et infaillibilité du pape, tels sont les griefs que le patriarche œcuménique fait valoir contre l’Eglise catholique, et qu’il considère comme les obstacles à l’union des Eglises.

Si maintenant nous consultons le programme de théologie polémique contre l’Eglise romaine, approuvé par le saint-synode de Saint-Pétersbourg, nous voyons que les Russes retiennent tous les griefs d’.

thime VII, sauf deux : celui qui regarde le baptême par infusion et celui qui a trait à la béatitude des saints. Par contre, ils en ajoutent plusieurs autres qui sont vraiment nouveaux. C’est ainsi qu’ils reprochent aux catholiques d’admettre que les deutérocanoniques de l’Ancien Testament sont des livres inspirés, que le péché originel consiste seulement dans la privation de la grâce, que la conliiiualion imprime un caractère ineffaçable, que la pénitence imposée au pénitent par le confesseur a un caractère satisfactoire.

Toutes ces énumérations disent trop et trop peu. Elles disent trop, parce que, suivant la tactique qui fut toujours chère aux théologiens du schisme, elles présentent sur le même plan les divergences dogmatiques et les divergences disciplinaires ou liturgiques. Elles disent trop peu, car elles passent sous silence plusieurs points importants sur lesquels, à l’heure actuelle du moins, il y a opposition réelle entre la théologie orthodoxe el le dogme catholique. Aussi, I>our lixer la situation respective des deux Eglises au point de vue doctrinal, croyons-nous nécessaire d’esquisser à grands traits ce qu’on peul appeler renseignement commun des théologiens orthodoxes, dans ce qu’il a de contraire à la doctrine catholique. A ceux qui s’étonneraient que nous leur parlions de l’enseignement commun des théologiens, au lieu de prendre pour base la doctrine officielle des Eglises aulocéphales, disons tout de suite que de doctrine ollicielle unanimement acceptée comme obligatoire, il n’en existe pas en dehors des définitions solennelles des sept premiers conciles œcuméniques. 365

GRECQUE (ÉGLISE)

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DOCTBINK SUR L LULISB

Nous avons tlt-jà dit que, d’après la conception orthodoxe, la véritable Efflise n’est pas une monarchie, luais une ajfglouxêration U’Eiclises nationales autonomes, n’obéissant à aucun clief visible commun, s’inclinant seulement devant le chef invisible qui est Jésus-Christ. Les Apôtres furent tous égaux et saint l’ierre ne reçut Je Notre-Seigneur qu’une sorte de préséance honorilique. Cette préséance est reconnue au patriarche de Constantinople, depuis l’époque de la séparation. Autrefois, c’était l’évéque de Rome qui était le primas inter pares, parce que Rome était la capitale, et non, ose nous dire AnruiMB VU ilans son encyclique, parceque saint Pierre aurait fondé l’Eglise romaine, ee que l’histoire ignore compléteiuent.

Théoriquement, et en vertu du droit divin, les évcques, successeurs des Apôtres, marchent sur le pied d’une parfaite égalité ; pratiquement, et en vertu du droit ecclésiastique, il y a entre eux une subordination hiérarchique, réglée par le 34’canon apostolique, qui dit que les « éi’èques de chaque nation doivent reconnaître te premier d’entre eux comme leur chef et ne rien faire sans son avis ». C’est sur ce fameux canon que les théologiens schismatiques basent en général leur théorie des Eglises nationales autocéphales.qui rappelle parcertains côtés la vieille concei>tion de la pentarchie, ou gouvernement de l’Eglise universelle par les cinq patriarches.

Les théologiens orthodoxes s’entendent à dire que l’Eglise est infaillible. Le sujet de l’infaillibilité est le corps épiscopal pris dans son ensemble et non tel ou tel évè(pie particulier. L’Eglise enseignante exerce ^etle infaillibilité, suit lorsqu’elle se réunit en concile œcuménique, soit lorsque lés évètpies dispersés dans les diocèses manifestent expressément ou é([uivalemment leur accord sur un point de doctrine. Il y a sept conciles œcuméniques. Le dernier est celui qui s’est tenu à Nieée, en 787. Le concile in Trullo ne fait qu’un avec le sixième concile œcuménique et l’approbation qu’il a donnée à certains synodes particuliers et aux 85 canons apostoliques est sans appel. Nous ferons remarquer, à ce propos, que le rôle joué par les canons apostoliques, non seulement dans la discipline mais encore dans la théologie de l’Eglise grecque, est considérable. On y recourt à temps et à contretemps, surtout lorsqu’il s’agit de batailler contre les catholiques.

Le conciliabule tenu par Photius en 879 est quelquefois considéré comme le huitième concile œcuménique. Ce titre se rencontre mêmedansdesdocumenls otnciels, par exemple dans l’encyclique des patriarches orientaux de 18^8. Quant au véritable huitième concile, tenu en 86g, les orthodoxes le rejettent avec horreur, et l’on ne voit vraiment pas pourquoi. Les prétextes qu’ils font valoir contre les deux conciles unionistes de Lyon et de Florence n’ont aucune raison d’être contre cette assemblée, dont 1^ seul tort est sans doute à leurs yeux d’avoir déposé Photius l’intrus et d’avoir proclamé hautement la primauté romaine.

Plusieurs questions sont soulevées à propos du concile œcuménique. On reconnaît généralement, tellement la chose est évidente, que la réunion d’une assemblée de ce genre est, dans les temps actuels, pratiquement irréalisable, n tout comme à l’époque des persécutions », disent certains théologiens. Dieu sait depuis combien de temps cette situation dure, et rien n’en fait prévoir la lin. Pour atténuer la portée d’une si troublante constatation, Macaire nous dit que les sept conciles ont délini tous les articles capitaux de la foi, et que les articles secondaires

sont suffisamment indiqués par Venseii ; nenienl unanime des Pères et des théologiens.

-Vndhoutsos est plus franc, et avovie que les sept conciles n’ont de délinitions précises que sur la Trinité et l’Incarnation et qu’il faut aller chercher les autres dogmes dans les monuments si noiubreux et si divers de la tradition, sans autre guide que l’esprit orthodoxe. Il estenell’et bien dillicilc de contester l’utilité d’un huitième concile, quand on sait combien de problèmes théologiques sont agités au sein de l’orthodoxie, « lui attendent encore une solution. Un de ces problèmes est par exemple de savoir ([uelles seraient les conditions d’œcuménicilé d’un futur concile. Plusieurs théologiens orthodoxes, et des meilleurs, comme Philarète, métropolite de Moscou, affirment « [ue tout concile œcuménique est impossible tant que dure la séparation entre l’Eglise romaine et l’Eglise orientale. D’autres, il est vrai, ne sont point de cet avis : « L’Eglise orthodoxe, disent-ils, est la seule véritable Eglise universelle, et elie se suffît pleinement à elle-même. » Mais qui mettra à l’unisson ces voix discordantes ?

Puisque le concile œcuménique estirapossihle, peut-être le magistère ordinaire, c’est-à-dire l’enseignement unanime des évêques dispersés dans leurs diocèses, pourrait-il le remplacer dans une certaine mesure ; mais les théologiens qui établissent si bien en théorie les conditions d’exercice de ce magistère, ne s’entendent plus, quand il s’agit de décider si, en fait, depuis le ix" siècle, l’infaillibilité de l’Eglise s’est manifestée par cette voie. Les uns, et c’est le petit nombre, conséquents avec les principes posés, voient dans les deux confessions de foi de Pierre MoGHiLA et de DosnnÉB des documents infaillibles, au même titre que les décisions des sept conciles, parce que cespièces furent acceptéesofliciellement aux xvii’et xviii’siècles par toutes les Eglises orthodoxes comme expression de leur foi commune. Les autres, et c’est la grande majorité, déclarent que la doctrine de ces confessions n’est recevable que dans la mesure où elle concorde avec les délinitions des conciles œcuméniques ; ce qui revient à dire que seules les vérités proclamées solennellement par ces conciles s’imposent absolument à la foi du croyant. Aussi bien, les théologiens contemporains ne se font pas faute de contredire ouvertement sur plusieurs points l’enseignement des confessions en question.

LE DÉVELOrPE.MEXT DU DOGME

La théorie du magistère ordinaire est visiblement un emprunt fait à la théologie catholique. Il faut dire la même chose de la notion du développement dogmatique q.ic Macaire et Axdroutsos exposentassezbien, sauf à accuser les Latins d’avoir inventé de nouveaux dogmes et d’aller contre la règle posée par Vi.nce.nt D8 LiiniNS : « Id teneamus quod ul/ique, qiiod semper, quod ah omnibus creditum est x, ou contre le critère qui sert à reconnaître la véritable Eglise et qui se formule ainsi : « La véritable Eglise est celle qui conserve réellement et sans variation, c’est-à-dire sans y rien ajouter ni retrancher, la doctrine infaillible de l’ancienne Eglise œcuménicpie », Macaire, Introduction à la théologie orthodoxe, Paris, 185^, p. 667, 572. On aperçoit sans peine l’énorme équivoque qui se cache sous ces mots.

.flirmant en théorie la possibilité du développement dogmatique, les théologiens orthodoxes le su[>priment en fait, à partir du ix’siècle. On en tievine la raison. Tout progrès dans la connaissance du dépôt révélé s’est arrêté dans l’Eglise orientale, depuis qu’elle a rompu avec l’Eglise catholique,.ucune détinition nouvelle n’est venue s’ajouter pour elle à 367

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celles (les sept premiers conciles œcuméniques, puisque, comme nous l’avons dit plus haut, l’autorilé des confessions de foi rédigées au xvii’siècle contre les Protestants est battue en brèche de nos jours et n’est unaniniemenl admise que dans la mesure où elle se confond avec l’autorité des anciens conciles.

Au fond, rien ne heurte plus l’esprit byzantin, qui est devenu l’esprit de l’Ortliodoxie orientale, que la notion du progrès dans le domaine religieux, sous quelque forme qu’il se présente. Cet esprit est caractérisé par un trailitionalisme exagéré et un formalisme étroit, qui répugne en principe à toute innovation, même purement verbale. La lutte contre le mot

« Purgatoire > en est un curieux exemple. L’admiration

que professent les théologiens contemporains pour le fameux canon de Vincent de Lérins, entendu en un sens qui exclut tout véritable développement, montre le peu de cas qu’il faut faire de certaines déclarations conformes à la théologie catholique, que l’on trouve ici et là dans les ouvrages russes ou grecs. Sur le progrés dogmatique d’après les théologiens orthodoxes, voir l’ouvrage de Palmieki, II progres $odommaticoiielconcettocattolico, ’PloTeBi : e, 1910, p. 67-fjO, 255-2-^.

I, F, XO.MBRE DES LIVRES SAINTS

Jusqu’au xviii’siècle, il y eut parfait accord entre li-s deux Eglises sur le nombre des Livres saints. Mais à partir de cette époque, sous l’inlluence du théologien favori dePierre leGrand, Théoph-^nk Pho-KOPOViTcn, l’inspiration des livres et fragments deutérocanoniques de l’Ancien Testament commença à être battue en brèche. Au xix" siècle, la doctrine dv. Prokopovilch est devenue la doctrine oUlcielIe de l’Eglise russe. On la trouve exprimée notamment dans le catéchisme de PiiiL.

ÉTE, approuvé par le

Saint-Synode qui, de ]ilus, a fait supprimer dans la confession de Dosithék le passage qui maintient contre Cyrille Lucar la canonicité des dcutérocanoniques. L’Eglise calliolique est accusée d’errer dans la foi par les polémistes russes, parce qu’elle admet l’origine divine de ces livres. Dans l’Eglise grecque proprement dite, les ùycr/ivujy.oy-.jv. — c’est ainsi qu’on appelle les deutérocanoniques — ont encore de nos jours quelques partisans de leur inspiration ; mais sous la poussée de la théologie russe, ils se font de plus en plus rares, et les autorités oflicielles, se désintéressant complètement de la question, ai>prouvent le pour elle contre avec une égale facilité.

Cette innovation doctrinale, quiest restée jusqu’ici à peu prés inaperçue en Occident, fournit une arme facile pour attaquer l’infaillibilité <le l’Eglise orthodoxe. En niant la canonicité des deutérocanoniques, cette Eglise ne contredit pas seulement ses anciennes confessions de foi, mais encore le concile in Trullo, regardé par elle comme œcuménique, et le second concile de Nicée, qui ont approuvé le 85’canon apostolique et le.’1^’canon du synode de Carthage. Sur cette divergence, voir Histoire du canon de l’Ancien l’estament dans l’Eglise grecque et l’Eglise riisse, par M. Jrc.iE, Paris, 1909.

DOCTRINE su » DIEU UN ET THINE

On ne parle plus guère aujourd’hui dans l’Eglise des sept conciles de la vieille erreur palamite, qui admettait l’existence d’une sorte de grâce divine, dite lumii^re tliahorifjue, incrcéf et cependant distincte de Dieu, et proclamait la distinction réelle entre l’essence divine et ses opérations., |qirou é au xiv siècle par plusieurs conciles de Constantinople, nolammenl en 1351 et en 1368, le palamisme conserva

toujours des partisans parmi les théologiens grecs. On le trouve encore exprimé dans la confession de CuRYSANTiiE, qui est de 1727 : « Tout Cdèle doit croire que la lumière du Thabor n’est pas une créature, mais n’est pas non plus absolument d’essence de Dieu. C’est un rayonnement incréé et physique, une énergie qui découle de l’essence divine elle-même ». PetitMansi, Collect. Concil., t. XXXVIl, col. 902. De nos jours, cet article est laissé dans l’ombre. On se contente de célébrer en grande pompe la fête de saint Grégoire Palamas, « ce docteur de l’Eglise dont les écrits sont la règle infaillible de la foi chrétienne », au dire du concile de 1368.

La doctrine photienne de la procession du Saint-Esprit est trop connue pour que nous ayons à y insister ici. Plusieurs apologistes catholiques ont dit que, sous cette fameuse controverse du Filioque, il n’y avait au fond qu’une équivoque basée sur le sens particulier attribué au terme grec éz711, î : ii-5fei. Si cette manière de voir est favorisée par les ouvrages de certains théologiens orthùdojes, en est d’autres qui excluent formcUenient toute participation du Fils dans la production du Saint-Esprit : « Le Fils n’est cause de l’existence du Saint-Esprit en aucune façon,

> « (/’ciîvÔ/ ; tivk T/jo77 ; v », déclare la confession de i^a’j. Petit-Mansi, ibid., col. 897. Ce qui prouve que c’est bien là la véritable doctrine des disciples de Photius, ce sont les interprétations aussi nombreuses que misérables qu’ils donnent des textes des Pères qu’on leur ojjpose. Veut-on savoir par exemple comment ils cherchent à se débarrasser de la formule la consubstantialité ; d’autres lui donnent le même sens qu’à « jw » ou à « u-zzy. », avec le génitif ; d’autres se prononcent pour « fii-y. » avec l’accusatif : « Le Saint-Esprit procède du Père après le Fils ». Quelques-uns enlin, poussés à bout par l’évidence des témoignages, ont inventé je ne sais quelle manifestation éternelle du Saint-Esprit i^f-t.vit ; , aiuvto-., distincte de l’ÈzTO’siuji ; , à lacpielle le Fils aurait part, conjointement avec le Père.

Fidèles à la tactique de Photius, les polémistes orthodoxes continuent à attacher une grande importance à l’addition du Filioque au symbole et à confondre la question liturgique avec la question dogmaticpu’. Onles voiteneore en appeler au témoignage du pape saint Léon III contre le dogme catholique et accuser les Latins d’avoir violé la défense portée par le concile d’Ephèse de composer un autre symbole (i-vipv.-j -i-rrij) que celui de Nicée. On peut à ce propos leur faire remarquer que cette défense, à supposer qu’elle eût un autre but que celui d’interdire un symbole contraire à la foi de Nicée, ne se ra|iporte pas au symbole de Nicée-Conslantinople, comme ils serimaginent, mais ausymbole primitif deNicée, ainsi qu’il ress^t des Actes du concile d’E|)hèse. Cf. HahyAVK, liealencyclopë’die fur protest, ’rhéologie, t. XI, p. 12-.- 7.

l’état o’iNNŒlîNCK. — LE PÉCHÉ ORIUIXEL LA GRACE. LA MARIOLOGIE

Sur l’état d’innocence, le péché originel et la grâce, la théologie orthodoxe, de nos jours du moins, est faite d’imi)récision et d incohérence. Les confessions de foi du xvii* siècle ne renferment rien sur ces j)oints ([ui puisse choquer des oreilles catholiques ; mais il n’en va pas de même de la doctrine qui tend de plus en plus à prévaloir, en Kussie surtout, sous l’inlluence des théologiens slavophiles, comme Kuomia369

GRECQUE ÉGLISE

370

KOF. Une sorte de baïanisme se dégage des ouvrages des Ihéologiens ton temporains, et le Grée Androi tsos s’en fait l’éeho dans sa Dogmalit/ue. Adam n’aurait pas re<, "u la grâce habituelle, l’élevant au-dessus de sa nature propre, mais seulement des grâces actuelles pour développer ses facultés natives et parvenir ainsi à la ressemblance divine (zixy.O’i ; /oicj71v). Ce que nos théologiens ai)pellent le préternaturel aurait été dû à la nature. Dès lors, le péché originel, s’il n’a pas vicié totalement les facultés de l’homnu’, leur a fait une blessure intime et profonde. La concupiscence revêt un caractère peccamineux, qui n’est pas imputé dans les baptisés en état de grâce.

On rejette, ou l’on comprend de travers, les distinctions scolastiques de la grâce, et l’on nie que le juste puisse mériter la gloire de coiicligiio. La gloire reste toujours de la part de Dieu une pure libéralité. Dans les théologien polémiques russes, aussi bienque dans les svm//o/ ! (/ » e5 grecques, l’Eglise catholique est accusée d’avoir erré sur ces divers articles et d’autres points secondaires, qu’il serait trop long designaler. Sans doute, ce ne sont là qu’opinions de théologiens, miis en fait d’Eglise enseignante, qu’j- a-t-il autre chose dans l’Ortliodoxie que des théologiens ? Ce qui aujourd’hui n’est soutenu que par quelques-uns, pourra devenir demain l’enseignement général, car aucun concile œcuméni<[ue ne vient arrêter les novateurs. Qu’on le remarque d’ailleurs, en Russie c’est le Saint-Synode qui a tracé le programme de théologie polémique que les manuels ne font que développer.

Grecs et Russes sont d’accord à l’heure actuelle pour reprocher à l’Eglise catholique la délinition du dogme de l’Immaculée Conception, comme une innovation doctrinale. D’après eux, la sainte Vierge n’a commis aucun péché personnel, mais elle a été soumise au péché originel, dont, d’après plusieurs théologiens, surtout grecs, elle n’a été délivrée qu’au jour de l’Annonciation Il va sans dire que cette doctrine ne fut pas celle de l’ancienne Eglise grecque, et quc, même depuis le schisme, les auteurs byzantins ne manquent pas qui ont enseigné explicitement le dogme en question, comme il sera montré à l’artiile Immaculkk CoNCErTioN.

C’est à partir du xvi" siècle que l’Immaculée Conception commence à être niée chez les Grecs, tandis qu’en Russie, l’académie de Kiev, fondée par Pierre Moghila, professe la doctrine latine pendant tout le xvii’siècle etla première moitié du xviii’. En 1651, un évêque de Moghilev, Josnpu Ko.nonovitch Goubatskii, approuve même les statuts d’une confrérie de l’immacidée Conception, dont les membres s’engagentpar serment à défendre toute leur vie le privilège de Marie. (Sur ce dernier détail, voir l’article du docteur Golol-BiEV, dans les Trouch de l’Académie de Kiev, année |cjo^, l. III, p. 464-4’67, Cf. Echos d’Orient, t. XII, iijoy. p. ^3-^5.) Les Starovières ou Raskolniks, qui se séparèrent cle l’Eglise ollicielle sous le patriarche de Moscou, Nicon, admettent l’Immaculée Conception et accusent les Mconiens d’errer dans la foi, parce qu’ils rejettent cette doctrine, nouvelle preuve que la croyance actuelle de l’Eglise orthoiloxe dilVère de sa croyance ancienne. A’t/ios d’Orient, Jlnd., i^. 121 et suiv.

DIVERGENCES SUR LE liAPTÊME

C’est surtout sur le terrain de la théologie sacramentaire fpie les divergences entre les deux Eglises se nuiltiplient. Même en laissant de côté les questions ]iropreiiient liturgiques, auxquelles cependant les (orthodoxes, dans un but polémique, continuent à attacher une grande importance : manière d’administrer le baptènu-, usage du pain azyme comme

matière de l’Eucharistie, communion des laïques sous une seule esi>èce, refus de la communion aux petits enfants, etc., il reste encore plusieurs points sur lesquels roi)position dognuitique est manifeste.

Tout d’abord, la controverse qui mit autrefois aux prises saint Cyprien et le pape saint Etienne n’est pas encore résolue dans l’Eglise grecque. Grecs et Russes ne s’entendent pas entre eux sur la valeur des sacrements administrés par les hétérodoxes en général et par les catholiques en particulier. Jusqu’au milieu du xviii" siècle, les Grecs se contentaient de renouveler la conlirniation aux Latins qui ])assaient au schisme. En lySS, le patriarche œcuménique, Cyrille V, aigri par les succès de la propagande catholique en Orient, décréta de sa propre autorité que les papistes n étaient que des inlklèles et qu’il fallait les rebaptiser. Il est aujourd’hui prouvé que la décision de C3rille V fut tout à fait anticanonique, les membres de son synode ayant refusé d’aj)prouver une pareille innovation, et ayant même rédigé une contre-délinition, Petit-Mansi, t. XXXVIII, col. 570-634. Mais par suite des circonstances et de la haine aveugle de quelques fanatiques, le décret patriarcal a fini par obtenir foice de loi dans les autocéphalies de langue grecque.

Comment les théologiens grecs légitiment-ils la pratique novatrice ? Les uns ne craignent pas de donner la vraie l’aison de la rebaptisation et d’avouer cyniquement que n l’Eglise orthodoxe rebaptise les Latins pour préserver ses enfanlsdes pièges du prosélytisme et pour marquer plus nettement la séparation qui existe entre les deux Eglises », Apostolos CuRisTonouLoc, Manuel de droit ecclésiastique, Con ?.tantinople, 18(j6, p. 407. Lesautres prennent la chose plus au sérieux et recourent à la curieuse théorie de {’économie. En vertu de l’économie, la véritable Eglise a le pouvoir de rendre valides ou invalides à volonté les sacrements administrés hors de son sein.

« L’Eglise, dit Anuroutsos, peut, en exerçant énergiquement

sa puissance, rendre valide ce qui est invalide de sa natm-e », Dogmatique, p. 308. C est en usant d’t’co/iomieque l’Eglise grec([ue ne reliaptisait pas les Latins avant 1705 et que, de nos jours encore, elle dispense de la triple immersion les prosélytes qui manifestent une trop grande répugnance pour la cérémonie.

Il va de soi que les ordinations catholiques ne trouvent pas grâce devant la Grande Eglise, et c’est la pratique courante du patriarcat œcuménique de réordonner les clercs latins ou uniates qui passent à l’orthodoxie.

La théorie de l’économie est ignorée des théologiens russes. Elle leur serait cependant bien nécessaire pour justifier les variations de leur Eglise à l’endroit de la réception des catholiques convertis à l’Orthodoxie. Jusqu’en 1620, on suivit la ])ratique grecque de les reconfirmer. Au concile de Moscou de 1620, on décida de les rebaptiser. C’était l’époque où la haine contre les Polonais ballaitson plein. En 1667, un nouveau concile, auquel prirent part les deux patriarches d’Alexandrie et d’Antioche, blâma l’ignorance des Pères de 1620 et rétablit l’ancienne discipline. Cela dura jusqu’en 1757. A cette date, le Saint-Synode fit publier le rituel de Pierre Moghila, qui ne prescrit la clirismation que pour ceux des catholiques romains <pii ne l’ont pas reçue de leurs évêques, au moment de leur incorporation à l’Eglise orthodoxe. Telle est la i)rati(pie actuellement en vigueur.

l.X RECONFIHMATIO.N DES APOSTATS

Une divergence qui est restée jusqu’ici à peu près inaperçue en Occident est celle qui a trait à ! a 371

GRECQUE (ÉGLISE)

372

reconfirmation des apostats. L’Eglise orthodoxe lenouvelle le sdcrfinent de eonllriiiation à ceux de ses enfants qui, après l’avoir reçu une première l’ois de la main de ses ministres et avoir apostasie, reviennent à résipiscence. Mais il y a cette dilTérenee entre l’Eglise russe et l’Eglise du Plianar que la première ne considère comme apostats proprement dits rpie ceux <[ui ont renoncé complètement au cliristianisme en embrassant soit le judaïsme, soit le mahométisuie ou le paganisme, tandis que le seconde n’hésite point à oindre de nouveau avec le chrême, même les orthodoxes, tomljès seulement dans’évé%’e papique.

Réitérer la confirmation équivaut à nier que ce sacrement imprime un caractère inelTaçable. C’est bien là en effet la doctrine ollicielle de l’Eglise grecque, consignée dans la confession de Pierre Mogiiila et plusieurs de ses théologiens reprochent aux catholiques d’enseigner le contraire. La reconfirmation des apostats est pratiquée depuis longtemps. Un oflice composé par le patriarche saint Mktiiode (843847) pour la réconciliation des renégats, et mal interprété dans la suite, semble y avoir donné occasion. Il est difficile d’indii|uer l’époque précise où l’on a transformé le rite pénitentiel en sacrement,.uxiii’siècle, cette transformation était déjà opérée et au xiv’, Nicolas Cabasil.4.s cherchait à expliquer pourquoi on réitérait la conlirmation et non le baptême à ceux qui avaient renié leur foi, P. G., t. CL, col. 545. Sur cette divergence, voir M. Jugie, La recon/innalioii des apostats dans l’Eglise gréco-russe, Eclios d’Orient, t. ÏX (1906), p. 67-76.

l’ispiclèsb eucharistique

Vient ensuite la délicate question de l’épiclèse. D’après la doctrine de l’Eglise grecque. le changementdu pain et du vin au corps et au sangde Jésus-Christ se produit au moment où le prêtre prononce l’invocation au Saint-Esprit, qui, dans la liturgie grecque, vient après les paroles de l’institution. Cellesci n’ont qu’un caractère narratif, et si certains théologiens aflirment qu’elles concourent à la consécration, ils veulentsimplement dire que, prononcéesune seule fois par Notre-Seigneur, elles ont conféré d’une manière générale et une fois pour toutes au pain et au vin le pouvoir d’être changés au corps et au sang de Jésus-Christ, ou que leur récitation par le prêtre conditionne l’effet ])roduit au moment de l’épiclèse.

Ce n’est pas à Nicolas Cabasilas, comme on le dit conimunémenl, que revient la paternité de cette théorie. On la trouve déjà dans les auteurs byzantins qui ont combatlu les Iconoclastes. Ces derniers disaient qu’il n’y avait qu’une seule image de Jésus-Christ vraiment digne de notre vénération, l’Eucliaristie, etpour justilier cette a ppellat ion d’image, ap]>liquée au Saint-Sacrement, ils se basaient sur une expression employée dans la messe desaint Basile. Dans uneprièrc placée après le récit de la cène mais avant l’épiclèse, les olilats sont appelés « anlitypes » du corps et du sang du Christ. Visiblement gênés par cette objection, les défenseurs de la foi s’en débarrassèrent, en déclarant qu’au moment où les oblats sont appelés antitypes dans la messe de saint Basile, la consécration n’est pas encore faite et qu’elle ne se [)roduit que lorsipie le prêtre récite l’invocation au Saint-Esprit. Telle est rexi>lication qu’on peut lire dans saint Jeax Dam.vscène, /’. 6’., t. XCIV, col. 1 148, dans les Actes du second concile de Nicce, Mansi, t. XIII, col. 264, dans saint Nicépliore, P. I-., t. C, col. 336, dans saint’I’ukodouh.Studite, t. XCIX, col. 340. Le vieux mol antitype, employé par les anciens Pères dans le sens de signe sensible, avait jx-rdu peu à peu sa signilication, et les adversaires des Iconoclastes,

sans doute [)our le besoin de leur cause, feignirent d’y voir un danger pour la foi en la présence réelle. Voir l’article EuciivnisTiquE(Ei"icLÉSE), 1. 1, col. 1585 1597.

OIVl : l(GE.CES SUB LA PÉNITENCE, l’exTUÈME-ONCTIO-V ET l’ordre

1° Il y aurait à signaler bien des divergences de détails entre les théologies des deux Eglises sur le sacrement de pénitence. Arrètous-nous seulement à la principale et à la plus nettement caractérisée, celle ipii regarde la satisfaction. C’est aujourd’hui l’enseignement unanime des Eglises autocéphales, que l’absolution sacramentelle, lorsqu’elle est valide, délivre toujours le [)énitent non seulement de la peine éternelle, mais aussi de toute peine temporelle, de sorte que les épitiiiiies ou pénitences imposées par le confesseur ont uniquement un caractère médicinal. Le prêtre peut en dispenser à volonté sans nuire à linlégrilé du sacrement La raison invoquée par les théologiens pour appuyer cette doctrine est toute protestante : Jésus-Christ a surabondamment satisfaitpour le péché et n’a que faire de nos satisfactions personnelles. Il est d’ailleurs facile de démontrer que la doctrine elle-même est un emprunt fait à la théologie réformée et qu’elle s’oppose directement à la doctrine traditionnelle de l’Eglise grecque, telle qu’elle s’exprime dans les ouvrages des théologiens du xvi’et du XVII" siècle et dans la confession de Dositiiée. Mélèce Pigas, patriarche d’.41exandrie (-J- 1603) semble avoir été le premier théologien grée qui ait patronné le dogmenouveau ; mais c’est surtout la confession de foi (le Pierre Moghila qui lit sa fortune, en niant, à propos du purgatoire, l’existence de la peine temporelle (cf. Confession orthodoxe. 1’" partie, réponse 66).

Il }’a beau temps que les Grecs attaquent les indulgences papales. Déjà au xv’siècle, Si.méon de Thks-SALOMQUE les dénonçait comme une cause de relâchement dans la vie chrétienne, P. G., t. CLV, col. 108, et depuis lors, les polémistes latinophobcs n’ont cessé de répéter cette accusation. Mais il y a cette différence entre les théologiens d’autrefois et ceux d’aujourd’hui, que les premiers |)roteslaienl moins contre les indulgences elles-mêmes que contre leur multiplication et la prétention du pape à se réserver le pouvoir de les concéder, tandis que les seconds, niant l’existence d’une peine temporelle quelconque, heurtent de front le dogme catholique. Ce qui les choque surtout, c’est le trésor des satisfactions surabondantes des saints. Ici encore, la doctrine actuelle est opposée à la croyance traditionnelle de l’Eglise grecqvie, qui non seulement avait l’habitude de délivrer aux vivants des brefs d’indulgence, appelés’jny/oipaycr.prtu (voir la confession de Ciirysantiie, Petil-Mansi, t. XXXVII, col. 903), mais qui allait jusqu’à accorder directement aux morts une absolution plénière de tout péché et de toute peine (voir une formule d’indulgence pro mortuo, dans la Revue auguslinienne, l. X (1907), p. 31 i ; voir aussi p. 43j). Du reste, l’usage des m-/x’, if.’ ; -/y.f^r : iv. n’a par eomplètemedt disparu de nos jours, bien qu’il soit ditlicilc d’y voir, dans tous les cas du moins, l’équivalent de nos indulgences.

2° L’Exlrème-Onction, ce mot seul provoque infailliblement de la part d’un théologien orthodoxe une sortie contre l’Eglise latine, comme si celle-ci ordonnait de n’administrer ce sacrement que lorsque le moribond est arrivé à la dernière extrémité. En réalité, il n’y a de divergence sérieuse que sur un ])oint : l’Eglise grecque proprement dite donne V lùiclielaion non seulement aux malades, mais aux personnes bien portantes, pour tes préparer à la communion. Au 373

GRECQUE (ÉGLISE)

374

contraire, l’Eglise russe est d’accord avec l’Eglise callioliquc pour ne considérer comme sujets du sacrementqueccuxquisont atleintsd’une maladie sérieuse. La pratique grecque est très ancienne et remonte au moins au xiv’siècle, mais |cela ne la légitime nullement.

3° L’enseignement dogmatique des deux Eglises sur le sacrement de l’Ordre n’est pas de tous points concordant. D’après la doctrine qui est quasi officielle en Russie et qui tend de plus en plus à prévaloir ailleurs, l’Ordre n’imprime point de caractère ineffaçable. C’est là une innovation assez récente. Auxvn’et au xviii’siècle, les théologiens grecs enseignaient courauimentla doctrinecatliolique, et Dositiike n’était que l’interprète de la crojance commune, quand il disait dans sa Confession de foi : le baiitcme imprime un caractère indélébile tout comme le sacerdoce,

itpu^ùrr, (cap. lO).

Cependant, ladoctrinedu caractère indélébile était gênante pour l’Eglise russe, qui voyait la secte des iiopotsy ou raskolniks conservant lesæerdoce, recruter son clergé parmi les prêtres transfuges ou dégradés. Un excellent moj’en de combattre la propagande de ces Vicux-cruyants et de délourner d’eux les masses populaires toujours prêtes à les suivre, était d’allirmer qu’un prêtre ou un évéque déposés perdent tout pouvoir sacerdotal, ne sont plus prêtre ou évcque. C’est sans doute sous l’empire de cette préoccupation que le Saint-Synode supprima l’incidente

« ô, 7r.€fi y.’A ri iip’jiiwn » dans la traduction russe

de la Con/e15(((ndeDosithce qu’ilpubliæn 1838.Deux ans plus tard, le nicu)e Saint-Synode lit paraître le texte grec de la Confession mutilé de la même manière.

Depuis ce temps, on ne parle plus en Russie du caractère indélébile de l’Ordre. Les théologiens allirment sans doute que ce sacrement ne se renouvelle pas ; mais il estentendu que ladéposition (laxai^KipsTi ; des Grecs) prive de tout pouvoir sacerdotal, que les clercs déposés ne peuvent exercer validement aucune de leurs anciennes fonctions, et qu’ils sont mis au rang de laïques. Dès lors, les prêtres et les évêques Vieux-croyants, déposés par l’Eglise officielle ou issus de la hiérarchie dite île BÉLOKnixiTSA, qui a eu pour père un métropolite déposé par le patriarche de Constantinople. ne sont pas considérés comme de vrais prêtres ni de vrais évêques. On en arrive ainsi peu à peu à considérer le sacerdoce comme une sorte de délégation de l’autorité ecclésiastique, susceptible d’être retiréeen certains cas. Un article du Statut des consistores ecclésiastiques, accordant aux clercs la permission de demander leur destitution de l’étal ecclésiastique et leur réintégration dans le rang des simples laïques, conlirme cette manière de voir.

Cette doctrine n’empêche point l’Eglise russe d’accci )(or la validité des ordinations catholiques. Le métropolite Puilauèti : , auteur de la traduction russe de la Confession de Dosithée, dont nous avons parlé ci-dessus, a pris soin de dire que l’excommunication du pape de Rome par l’Eglise orientale n’était point une déposition proprement dite, une y.y/jytpsyi ; , mais une simple rupture de communion, niolivée par un désaccord sur la foi. <)uant aux ordinations anglicanes, malgré de récentes tentatives d’union, elles sont considérées comme invalides à Saint-Pétersbourg et ailleurs.

Les théologiens grecs continuent à lire dans le texte original delà Confession de foi de Dosithée que l’Ordre imprime un caractère inelfaçable, et plusieurs conservent cette doctrine traditionnelle ; mais d’autres ne se font pas faute de la rejeter, comme ne reposant sur aucune base dogmatique et comme pernicieuse. Pourquoi pernicieuse ? Parce qu’elle enlève

à la déposition canonique son efficacité. La théorie russe sur la perte du pouvoir d’ordre par la déposition est en elfet de plus en plus acceptée.

La coniluite du patriarcat œcuménique à l’égard des ordinations catholiciues subit les mêmes lluctuations que la con<luile tenue à l’égard du Ijaptême. Tantôt on réordonne et tantôt ou ne réordonne pas, suivant qu’on n’use pas ou qu’on use d’économie. En iSliù, un certain Macairb de Diar-DKKiR fut rebaptisé et réordonné, et le patriarche Grk-GomE VI déclara qu’il fallait le considérer comme ne portant en lui aucune trace de sacerdoce : « oMé

t’/^JOt UpU7JvrjÇ’6/.tii^ i-j ky.UTf~> ^ipOi-J)>, GkDÉON, K « v5Vlzy.t

ôt « rK ; =is, t. II, p. S’jS-S ; ^. En 186o, des prêtres melchites furent reçus par la seule onction du chrême. Les mêmes alternatives de rigueur et d’indulgence continuent à se manifester.

DIVERGENCE SUR l’iNDISSULUUILITÉ DU.MAHIAGB

L’indissoluliililé du mariage, enseignée par l’Evangile et par saint Paul, et défendue parles l’èrcs grecs du IV’siècle contre la législation païenne, a été en fait constamment violée dans l’Eglise grecque, surtout à partir de Justinicn. L’adultère n’est pas, comme on le croit communément, la seule cause de divorce admise par le droit canoniriue oriental. Celui-ci a adopté la législation des empereurs byzantins, et noudjreux sont les cas où il autorise la rnijture du lien niatrinumial. Voici les principales causes de divorce reconnues par la législation acluellenicnt en vigueur dans le patriarcat œcuménique :

i" L’adultère, c’est-à-dire, pour l’homme, le commerce illicite avec une personne mariée, pour la femme, l’union avec un individu quelconque. X l’adultère se rattachent plusieurs autres causes qui peuvent motiver une action en divorce, par exemple, pour la femme, banqueter ou se baigner avec des étrangers contre la volonté du mari, fréquenter les théâtres à son insu ; pour l’homme, vivre en concubinage habituel avec une personne quelconque, se livrer à des vices contre nature, accuser faussementsa compagne d’adultère.

2" La conjuration contre le souverain, lorsque le conjoint qui a trempé dans le complot est exilé.

3" La tentative d’assassinat de la part d’un des conjoints.

4" L’avortement procuré par la femme.

5° La folie persistante il’un des conjoints, ou une maladie contagieuse.

(>" L’absence prolongée du mari ou de la femme, ou l’abandon ostensible et méprisant. Une encyclique du G juin 188’2 lixc la durée de l’absence à trois ans.

7° Le changement de religion survenant après le mariage, même lorsqu’il s’agit d’embrasser le catholicisme ou le protestantisme.

8" La condamnation du mari à une peine infamante, etc.

(I L’Eglise, dit Mi’xkce S.vKFi.LAUorouLos dans son manuel de droit canon,.Mlicncs. 18<j8, p. 5 : ^0, n’avait aucune raison de s’en tenir à la lettre de la sainte Ecriture, d’après laquelle la mort seule ou l’adultère dirimcnt le mariage, c’est pourquoi elle a adopté les prescriptions de la loi civile, en rejetant toutefois le divorce par consentement mutuel. »

L’Eglise russe ne prononce la dissolution du mariage qu’en cas d’adultère, d’absence prolongée et de la perte de tous les drois civils, mais il y a actuellement un fort mouvement d’opinion qui demande le retour à l’ancienne discipline byzantine. Des i)rojets sont à l’étude, et l’on a fait un premier i)as dans la voie du laxisme en igo^, en permettant au conjoint 37ô

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coupable d’adultère de contracter un nouveau mariage, ce qui n’était accordé jusqu’ici qu’à la partie innocente. On voit combien radicale est l’opposition entre les deux Eglises sur cette question de l’indissolubilité matrimoniale. Ajoutons que les théologiens ortliodoxes ne partagent pas l’opinion communément reçue en Occident sur la forme, la matière et le ministre du sacrement. Pour eux, le ministre est le prêtre ; la forme, la bénédiction qu’il prononce ; la matière, le consentement des époux.

DOCTRI.NE SUR LES FINS DERNIÈRES

Rien de plus confus que l’enseignement des théologiens orthodoxes sur les fins dernières, llsne s’entendent guère que sur un point : rejeter le purgatoire latin avec son feu purificateur, et cela : i" parce que le mol « purgatoire « est nouveau et ne se trouve pas dans l’Ecriture ; 2° parce que le purgatoire, en tant que lieu distinct du ciel et de l’enfer, est une invention scolastique, dont on ne trouve pas trace dans les sources de la révélation ; S" parce que le feu du purgatoire ne repose sur aucun fondement. Les âmes, après la mort, nesoulTrentque des douleurs morales ; le feu est réservé aux damnés après le Jugement dernier ; 4° parce qu’après la mort, toute purification par la soufl’rance est impossible. Par elles-mêmes, les soidfrances éprouvées par les ànies ne leur servent absolument de rien. S’il y en a de délivrées, cette délivrance est due uniquement aux prières de l’Eglise.

Si maintenant nous voulons définir la doctrine orthodoxe non plus par son côté négatif mais par son côté positif, nous rencontrons deux courants opposés, l’un qui serapproclie de la doctrine catholique au point de s’en distinguer à peine : il trouve son expression dans la confession de Dosithée ; l’autre ciui frise le protestantisme : il est représenté, en partie du moins, par la confession de Moghil.*.. D’après la confession de Dosithée, il y a trois catégories de défunts dont le sort est irrévocablement fixé aussitôt après la mort : i’Les élus, qui contemplent clairement et face à face la sainte Trinité {-Cy l-or-fM-j /.uOévz(/}v^ zy.^a^cij ; irroTrTsùovfft zr, v v : /iy : j’X ai.vxty-, cap. 8) ; leur béatiludeest incomplète, en tant que le corps n’a pas encore sa part de félicité (cap. 18). 2" Les damnés, qui sont dans la tristesse et les gémissements, en attendant le ehàliment complet après la résurrection, Ibid. 3° a Ceux qui sont tombés dans des péchés mortels, mais qui. au lieu de s’abandonner au désespoir, se sont repentis étant encore en vie, sans néanmoins avoir fait aucun fruit de pénitence. >> Ceux-là vont en enfer pour y suliir la peine due à leurs péchés. Mais ils ont l’espoir d’être délivrés un jour. Cette délivrance, due à la miséricorde de Dieu par l’intermédiaire du sacrifice de la messe, des prières et des bonnes œuvres des vivants, aura lieu avant le jugement dernier.

On le voit, il y a là tout l’essentiel du dogme catholique. Sans doute, l’idée de la satispassio est al)sente ; la délivrance des âmes du troisième groupe n’est attribuée qu’aux prières de l’Eglise ; mais en fait, il est certain que ces prières délivreront tous ceux qui peuvent l’être. Dosithée ne dit pas d’ailleurs positivement que les soulfrances des défunts ne contribuent en rien à leur délivrance.

La confession de Pierre Mogliila nie catégoriquement qu’il existe une catégorie de défunts intermédiaire entre les sauvés et les damnés (1" p., rép. 6’i) ; elle rejette tout châtiment temporel destine à purifier les âmes (y.y.v fxiv. T : p07y.v.tp^i /.à/y.^t^ y.y.ôv.p^ty.v : T’MV 6-j’//Siv, Ibid., rép. 06). Le sort des damnés n’est pas irrévocablement fixé avant le jugement dernier, et les prières de l’Eglise peuvent en délivrer quelques-uns

(rép. 6.j). Quant aux élus, ils sont entre les mains de Dieu, c’est-à-dire, aupr(r(u/(s, dans lesein d’Abraham, dans le royaume des ciea : r, toutes expressions qui ne déterminent pas clairement l’objet de la béatitude avant le jugement dernier.

Les théologiens contemporains devraient logiquement accepter la théorie de la délivrance des damnés, puisqu’ils nient l’existence de la peine temporelle ; mais la logique n’est pas toujours leur fait. Certains combinent ensemble laconfession deDosithée et celle de Moghila ; le résultat, on le devine, est un produit chaotique auquel un cerveau occidental ne comprend rien. D’autres, comme Androutsos, posent en principe que le jugement particulier, qui a lieu aussitôt après la mort, sé])are pour toujours les bons et les mauvais, et quand ils arrivent à la question de la prière pour les défunts, il avouent qu’il est dillicile de lui trouver un objet autre que la consolation des vivants ; Dogmatique, p. 434-435.

Quant à l’objet de la béatitude des saints avant le jugement dernier, si les théologiens russes en général se prononcent pour la vision intuitive de Dieu, la plupart des théologiens grecs enseignent encore que cette vision ne sera accordée aux élus qu’après le jugement dernier, et qu’en attendant, ils jouissent d’un bonheur naturel assez semblable à celui des patriarches dans les limbes, avant la visite du Sauveur. Un professeurdel’universitéd Athènes, M. DyovouMOTis. a récemment logé les saints dans un compartiment de l’enfer qu’il appelle le paradis d’en bas (5 z « rw-y-o « Ô£i-oç), par opposition au paradis d’en haut (î icv’jj-aoKÔriTî ;), qui deviendra leur séjour après la résurrection, v : ui^r, r.y-y.7Tv.7t : t<ûï /u/fû-’, Athènes, 1904, p. 70-71.

Au xvn" siècle, plusieurs théologiens grecs défendaient encore la théorie palamite. qui faisait consister le bonheur du ciel dans la contemplation delà lumière thaborique, émanation de la divinité. Nous ne connaissons pas de contemporains partisans de cette rêverie ; mais aucune barrière doctrinale n’interdit à un théologien schismatique de la reprendre pour son compte, si bon lui semble.

On voit par ce rapide aperçu sur la doctrine communément reçue dans les Eglisesphotiennes, combien nous avions raison de dire qu’il ne faut point se fier à certaines listes de divergences, publiées par les représentants de telle ou telle autocéphalie. Ces énumérations sont, la plupart du temps, dressées à la légère et ne reposent point sur unexamen approfondi des deux théologies. L’histoire montre qu’en général on produit, à Constantinople ou ailleurs, une liste de Kainotomies latines, lorsque la propagande catholique se fait plus active en Orient, ou quand un pape s’avise de convier à l’union les frères séparés. C’est un procédé de pure polémique, destiné à écarter pour le moment le loup pai)iste de la bergerie orthodoxe. Comme les divergences sont innoudwables et qu’il est facile d’en trouver toujoursde nouvelles, on choisit dans le tas. sans trop regarder à la quantité, ni surtout à la qualité.

De ce procédé les théologiens catholiques ne paraissent pas s’être toujours aperçus. Ils se sont généralement tenus sur la défensive, acceptant bénévolement le terrain de l’adversaire, au lieu de porter l’attaque dans son camp. On les a vus s’attacher à réfuter les douze divergences signalées dans l’encycliipie du patriarche œcuménique, Anthime VII, en 1890, et ne point pousser plus loin. Or cette encyclique, qui s’appesantit à plaisir sur certaines querelles purement liturgiques, passesous silence des questions dogmatiques d’une importance capitale, par exemple, celle qui a trait à l’indissolubilité du lii n matriuionial. 377

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Nous avons écarté systéiuatiquenienl de notre eiKiuclc les difTércnces liturgiques et diseiplinaires, parce qu’en Soi, elles ne sauraient être une cause de séparation entre les Eglises. Maison se tromperait si Ton croyait qu’elles sont sans importance dans le domaine de la pratique. Elles constituent un obstacle sérieux à l’union, car si le peuple se désintéresse des querelles spéculatives, il est très attaché à ses rites et à ses coutumes. En Russie surtout, on s’est tellement habitué à ne point distinguer entre le dogme et la liturgie, qu’il sullit d’un changement rituel insignitiant pour occasionnerun schisme. L’histoire du raskotcn est la preuve. Ondit communément que l’adoption du calendrier grégorien en Russie risquerait dedonner naissance à quelque nouvelle secte. Le clergé schismatique connaît bien cet état d’esprit de ses ouailles, qu’il a lui-même créé et entretenu au cours des siècles. Voilà pourquoi il ne manque pas d’insister, à l’occasion, siu- les divergences rituelles, au risque de paraître ridicule aux yeux des gens sensés.

Quelle doit être la conduite de l’apologiste catholique en présence de toutes ces divergences, quelles qu’elles soient’.' Comment défendra-t-il l’Eglise catholique contre les attaques dont elle est l’objet de la part des théologiens schismati<iues ? Quelle méthode convient-il d’employer pour ramener à la vérité intégrale du catholicisme les âmes de lionne foi qui croient que l’Eglise photienne est la véritable Eglise établie par Jésus-Christ ? C’est à ces questions que nous allons essayer de répondre en peu de mots. La tâche est relativement facile, après ce que nous avons déjà dit.

V. L’Apologiste catholique et les divergences dogmatiques et autres. — « C’est une vérité fondamentale dans toutes les questions de religion, dit Josejili Diî Maistue, que toute Eglise qui n’est pas catholique esl prutestaiite. C’est en vain qu’on a voulu mettre une distinction entre les Eglises schismatiques et hérétiques… Qu’est-cequ’un prolestant ? C’est un homme qui proteste. Or qu’importe qu’il proteste contre un ou plusieurs dogmes ? contre celui-ci ou contre celui-là ? Ilpeut être plus ou moins protestant, mais toujours il proteste. « Du Pape, livre IV, chap. i. Rien n’est plus vrai que ces paroles du grand penseur catholique, et l’histoire de l’Eglise photienne en conlirme la justesse d’une manière éclatante. Depuis sa séparaticm d’avec l’Eglise catholique, cette Eglise n’a cessé de protester, elle a vécu et elle vit encore de ses protestations, et elle aura cessé de vivre, le jour (1Il elle ne protestera plus. Il est remarcpiable que ilepuis Michel Cérulaire l’elVort principal de ses théologiens est tourné vers la polémique antilatine. Ils enfantent surtout des diatribes sur la procession du Saint-Esprit, les azymes, la primauté du pajie et autres points controversés. A partir du xv’siècle, tout Grec qui se respecte écrit sur les An/zio/oHues latines un ou plusieurs ouvrages. Quand on parcourt quelques-unes de ces innombrables et fastidieuses productions (il n’est point nécessaire de les lire toutes, car elles ne dînèrent guère), on s’apervoit vite qu’elles présentent certains traits communs, qui permettent de juger de leur valeur. Ces traits communs, l’apologiste catholique doit bien les connaître pour régler en consé<pience sa méthode de défense et d’attaque et ne point consumer en disputes stériles le meilleur de ses forces.

CAnACTÈRKS GliNIiRAUX DE LA POLÉMIQUE DES THÉOLOGIENS SCHISMATIQL’ES

Un prêtre égyptien dit un jour à Platon : « Vous autres Grecs, vous n’êtes que des enfants ». Ces

paroles ont la valeur d’un oracle, si on les applique aux polémistes grecs qui ont attaqué les Latins. Leurs œuvres portent tous les caractères de l’enfance, d’une enfance sénile et maladive, à l’humeur acariâtre et parfois furieuse. On y remarque tout d’abord une grande petitesse d’esprit. Le polémiste byzantin s’attache de préférence aux divergences rituelles et leur accorde une importance égale, sinon supérieure, à celle des dillcrends vraiment dogmatiques. Là où il déploie toutes ses ressources, c’est en discutant sur les azymes ou sur l’addition du Filiuque au symbole. On sait que quatorze sessions du concile de Florence furent consacrées à cette dernière question. Marc d’Ephése et Bessarion soutinrent, au nom de leurs compatriotes, que, même dans l’hypothèse de la vérité dogmatique du Filioque, ni l’Eglise universelle, ni un concile ocuménique n’avaient le droit d’ajouter ce mot au symbole, à cause du décret du concile d’Ephése : « Xosse volumus Itet’erentinin testrani a iiobis faciiltatem haiic iicgari uiiiversae Ecclesiæ et synodo etiam oecumeniciie ; iiegaiiius aiitem non ipsi a nohis, sed arhilramur hoc Pairum decrelia iief^iiri » Mansi, Ainplissinia Coll. Concil., t. XXXI, col. 610. Cf. col., 51Q, 534, 583, 603, Oo ; , 626, G’jS, 679. Il serait dillicile de pousser jîIus loin l’enfantillage théologique.

Enfantillage, ce mot vient souvent aux lèvres, en lisant les polémistes grecs ; mais il est parfois inexact et il convient de lui substituer en maints endroits celui de bouffonnerie méchante et sacrilège. L’enfant n’est pas seulement petitd’esprit ; il manque de sérieux et s’amuse de tout. Cette absence de sérieux ne se remarque pas seulement dans les écrits des simples théologiens. On la constate aussi dans des documents émanés des autorités officielles, dans des pratiques sanctionnées par les chefs des Eglises autocéphales. L’histoire de la rebaptisation des Latins n’est-ellc pas l’histoire d’une comédie grotesque autant qu’impie ? Et quand, pour couvrir cette honte, des théologiens viennent nous exposer la théorie de Véconomle (voir plus haut, col. 3^0), pouvons-nous ne pas sourire, surtout lorsque d’autres théologiens avouent candidement et écrivent sans vergogne « qu’on rebaptise les Latins pour préserver les Orthodoxes des pièges de la propagande « ?En i)lein xix" siècle, une encyclique, signée des patriarches de Constantinople et de Jérusalem, de onze métropolites et agréée par les patriarches d’Antioche et d’Alexandrie, a accusé les catholiques’ ! de violer- les canons apostoliques, parce qu’ils maniicnl des viandes étouffées et du sang, èaOtouaL 7ïvt/Tà xv.i « <*] «  « , 7 : « ^aoKT « t tw à7 : 17Tî/(/^jy xkvc’vuv

« juviiâ/iTM ; /iJtiij.cioi. Synode de Constantinople du mois

de septembre 1838, Petit-Mansi, Ampliss. Collect. Concil, t. XL, col. 292. Voilà donc qu’on nous interdit les boudins, au nom des canons apostoliques. Est-ce sérieux ? Cela rappelle le fromage de la première semaine de carême et les barbes rasées de Photius, ainsi que le lard reproché aux moines occidentaux ])ar Michel Cérulaire : Etranges raisons pour brouiller l’Occident et l’Orient ! disait Voltaire, Essai sur les mœurs, t. I, chap. xxxi.

Le même manque de sérieux s’accuse dans un autre procédé, qui fut toujours cher aux polémistes photicns et qui n’est pas encore abandonné de nos jours. Il consiste à rejeter comme interpolés par les Latins tous les textes patristiques favorables à la procession du Saint-Esprit fl/^ utroque. ou à toutautre point controversé. Ou bien l’on propose des interprétations absurdes, dans le genre de celles que nous avons signalées plus haut, col. 368, à propos de la formule u ôtà T5Û 1 tîy »,

La polémique anlilatine ne porte pas seulement les marques de l’élroitesse d’esprit et de la puérilité ; 379

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elle est encore et avant tout une œuvre de Laine et de mauvaise foi. L’injure basse, la calomnie perfide, le travestissement des faits et des doctrines, voilà ce qu’on rencontre trop souvent, aussi liicn dans les documents olliciels que dans les écrits des particuliers. Dans l’encyclique patriarcale de 18l58 citée ci-dessus, les catholiques sont désignes par le terme de w.-n’ijKt. (= cent loups ; il y a aussi le substantif rM- : ’jjjr.- : u.iÇ) ; le pape est appelé Trarna ; (^ grand-père ^ radoteur) ; des missionnaires catholiques de Syrie il est dit : « Us cherchent à vous entraîner dans leur hérésie insensée et satanique ; pour cela tout moyen leur est bon : la dispense déraisonnable des jeûnes, la licence elfrénée des passions et des plaisirs charnels, l’absolution illégale et impie des péchés passés et futurs (allusion aux indulgences) et autres choses semblables que l’homme charnel désire avidement et accueille avec empressement », Petit-Mansi, Collecl. Concil., t. XL, col. 275. Entre ces libelles et les appels à l’union que nos papes adressent de temps en temps aux Orientaux, quelle dilTérence !

Il existe en pays grec un recueil presque oITiciel d’insanités contre les catholiques. C’est le Pédalion {-rfiàj ivj ^^ gouvernail), qui est comme le Corpus jur /s des Grecs. Le texte des canons approuvés par le concile in Triillo y est accompagné de longues notes, dans lesquelles deux moines athonites, Ac.apios et NicoDÈME, ont déversé toute leur bile latinoi)hobe. Cet ouvrage parut à Leipzig, en 1800, avec l’approbation du patriarche œcuménique et de son synode. Il a eu plusieurs rééditions depuis.Cellequi a été publiée à Athènes, en 1886, est précédée d’une lettre élogieuse du saint-synode hellène. L’espace nous manque pour faire des citations. Une seule suflira à édilier le lecteur sur le ton de la polémique des bons moines. Ceux-ci, pour justifier la rebaptisation ordonnée par le patriarche Cyrille V, cherchent à montrer que les Latins sont des hérétiques et ils en apportent cette preuve admirable : « Pour établir que les Latins sont des hérétiques, point n’est besoin d’une longue démonstration. Le fait même que nous éprouvons pour eux, depuis tantde siècles, une haine si forte et une si grande aversion, prouve d’une manièreéclatante que nous les détestons comme hérétiques, au même titre que les Ariens, les Sal>elliens et les Pneumatomaques ». Ur, ûy.)i’yj, édit. d’Athènes, 1886, p. 56. Ce sont les notes du Pédalion qui ont fait dire à un écrivain orthodoxe, leRusse A. P. Lebedev, « que la haine des Grecs contre les Latins est cette haine insensée que les barbares nourrissent à 1 égard des hommes civilisés. La méthode polémique des auteurs du Pédalioti est telle, ajoute-t-il, qu’ellenous fait rougir des Grecs et que nous les plaignons du fond du cœur ». Histoire de t’J.’^lise gréco-orientale sons la domination turque, du xx" au xix’siècle (en russe), S. Pétersbourg, 190^, p. 067, 668.

Plût au ciel que tous les Russes parlassent comme Lebedev ! Il s’en faut malheureusement qu’il en soit ainsi. Ils n’ont été dans le passé et ils ne restent encore aujourd’hui, sauf exception, que les trop lidèles disciples des Grecs. Le libelle dillamatoire contre le catholicisme, assaisonné des plus grossières injures, n’est pas chose inconnue chez eux. On l’a bien vu en ces dernières années, quand il s’est agi d’enrayer le mouvement de retour vers Rome des anciens Uniates. laissés libres pour un instant de suivre la voix de leur conscience. Toute In Russie occidentale a été inondée de tracts calomnieux, infâmes, partis de Minsk, de Kamenetz-Podolsk, de Vilna et de la Inure de Potehïaev. On lisait dans ces libelles que le concile du Vatican avait défini Vimpercaliilile du Pape, que toute l’histoire de la papauté était une série d’infamies et d’assassinats, que les confessionnaux des

églises catholiques étaient des mauvais lieux, que les |irêtres catholiques ne se distinguaient pas des Mormons, que l’Eglise romaine avait substitué le concubinage au mariage légitime ; on y affirmait que la fable de la papesse Jeanne était une pure vérité, que les indulgences jjour pardonner les péchés sont accessibles seulement aux riches, parce que le Pape les vend à très haut prix, etc., etc. La note comique n’était I)as absente : « Les prêtres catholiques se rasent la barbe, se l’ont la tonsure et portent des habits étriqués, disait un tract de la laure de Potehïaev. Au contraire, Jésus, les saints Apôtres et saint Nicolas portaient la barbe ; leurs cheveux étaient longs, et amples leurs vêtements. Les évoques et les prêtresorthodoxes ont conservé sur ce point la tradition du Seigneur ». Voir les détails dans le Bessarione, série III, t. V (1908), p. 151-175. Et dire que, si certains organes indépendants se sont honorés en flétrissant cette littérature, le Saint-Synode l’a recommandée et qu’elle a défrayé les semaines religieuses de certains diocèses !

Les Russes ne sont pas seulement tributaires des Grecs dans leur polémique anlicatholique. Ils empruntent aussi beaucoup aux auteurs protestants. C’est auprès de ces derniers qii’ils vont chercher souvent leur connaissance du catholicisme et des armes pour le combattre. Nos doctrines leur arrivent ainsi déformées, et il y a jjarfois plus d’ignorance que de mauvaise foi dans certaines de leurs allirmations. L’influence protestante se trahit en particulier dans maints articles de rjF/icrc/o^eVic théologique ortliodojce, en voie de publication. Le tome IX de cette encyclopédie, paru en 1908, contient un article sur l’Eglise catholique, émaillé d’erreurs grossières et d’accusations injustifiées. On y lit entre autres choses la phrase suivante : « L’Eglise catholique idolâtre l’humanité en la personne de la Mère de Dieu, de certains saints et particulièrement en la personne de l’évêque de Rome » (col. 234).

Un autre caractère de la polémique sehismatique est l’illogisme et l’incohérence. Il semble qu’avant d’attaquer la doctrine catholique, les théologiens I>liotiens devraient d’abord s’entendre entre eux sur les questions qui moti ent leurs griefs. Or il n’en est rien. Les brèves indications données plus haut à propos des divergences le prouvent suflisamment. Il n’est pas de point controversé entre eux cl nous sur lequel ils n’aient varié, et de nos jours encore il est difficile de trouver une question sur laquelle ils soient tous complètement d’accord. La primauté de saint Pierre et dupapenefait pas exception. Au xiv’siècle, un archevêque de Thessalonique, Nil Cabasilas, reconnaissait que l’évêque de Rome était le successeur de saint Pierre, mais il niait sa primauté de droit divin et son infaillibilité, Ti uh rccà t ; 0 ILtcs-j iyit jyZw ri EÔyi IWv ;  ; è-i(7xoro4. De primulu papae, P. G., t. CXLIX, col. 70 iD. Au début du XV’siècle, un autre archevêque de Thessalonique, Siméon. se contentait de nier l’infaillibilité du pape. Il écrivait : « Que les Latins nous montrent que l’évêque de Rome est fidèle à la foi de Pierre et des successeurs de Pierre, et nous ne lui contesterons pas les privilèges de Pierre ; il sera le premier, le chef et la tête de tous et le Pontife suprême. Car ces titres ont été reconnus aux patriarclies de Rome à travers les siècles ; ce siège est apostolique, le pontife qui l’occupe, s’il est orthodoxe, est dit successeur de Pierre ; aucun de reur qui pensent et parlent selon la vérité ne me contredira sur ce point… Que l’évêque de Rome soit seulement le successeur de l’orthodoxie de Sylvestre et d’.gatlion, de Léon et de Libère, de Martinet de Grégoire, et nous le proclamerons apostolique et primat des autres Pontifes, et nous nous soumettrons à lui, non seulement comme à 381

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Pierre, mais comme an Christ lui-même, xv.i rr.v ii : o-r « Yr, -j Kvrii 5&J7î ; jt : v, ’/jy iii Tw II-T&o) /j-oviv, « y/* éti « ùrû rot 2wtï ; ^(, Dialogus contra hæreses, cap. xxiil, P. G., t. CLV, col. 120 B, D. A la lin du xix’siècle, un patriarche de Conslanliiiople, AntuiaMe VU, met en doute, dans une encyeli(iue, la venue de saint Pierre à Rome.

Ces A-arialions et ces conlradielions perpétuelles ne doivent point nous svirprendre. Elles sont la suite lopi (pie et nécessaire de l’absence de magistère enseignant infaillible dans l’Eglise ])liotienne. Le concile œcunu’niipie est la seule autorité infaillible devant laquelle tous les Ortliodoxes s’inclinent. Or ]iour eux, il n’y a pas eu de concile œcuménique depuis la séparation, et les sept iireniiers, qu’ils reconnaissent, n’ont tranche d’une manière expresse et directe aucune des questions controversées. Le résultat est que les théologiens sont livrés à leur propre jugement pour tout ce qui n’a pas été strictement délini par le magistère solennel de l’Eglise, durant les huit premiers siècles. Les premiers l’auteurs du schisme ont cherché à légitimer leur rupture par des prétextes d’ordre doctrinal, qu’ils ont expli(|nés à letir manière. Les héritiers de leur schisme, tout en conservant ces prétextes, ne les ont pas toujours entendus de la même façon. Ils ont eux-mêmes trouvé de nouveaux griefs ; mais, pas plus ie leurs aines, ils n’ont réussi à imposer leur manière de voir à tous et pour toujours.

Nous achèverons de caractériser la polémique anticatholique des tliéologiens du schisme en faisant remar(pier qu’elle emprunte ses arguments aussi bien au raisonnement philosophique qu’à la tradition ])atristique. On dit sans doute beaucoup de mal, de nos jours, en Russie et même en Grèce, de la seolastique latine ; mais cela n’empêche pas qu’on oppose seolastique à seolastique et qu’on cherche par toute sorte de sophismes et de déclamations à montrerque les dogmes catholiques sont déraisonnables. Que de pages n’écrit-on pas, par exemple, pour prouver l’absurdité du dogme de la primauté et de l’infalliljilité du pape, l’impossibilité de l’Immaculée Conception ? Sur la question des azymes, les polémistes moyenâgeux nous ont laissé de délicieux arguments de raison etl’on sait le rùlejoué par la sophistique dansia question de la procession du Saint-Esprit. Les disciples de Pliotius se sentent au fond mal à l’aise sur le terrain de la théologie positive. Ils mettent tout leur soin à passer sous silence les textes des Pères qui contredisent ou vertement leurs doctrines. L’un d’entre eux écrivait récemment dans un manuel de théologie cette phrase, qui fera sourire le dernier de nos séminaristes :

« Historiquement parlant, tout le chœur

des Pères a enseigné la procession du Saint-Esprit du

Père seul ». AndROUTSOS, ^v/iiy.ztyjr, t ?, i op/Joùd^Vj vyy.zoMy ?, i/Mr, 71v. : , Athènes, 1907, p. 80.

Après avoir dévoilé la tactique des théologiens du schisme et fait connaître la valeur de leurs procédés polémiques, essayons de déterminer le rôle de l’apologiste appelé à défendre l’Eglise eatliolique contre leurs attaques.

RÔI.E DE l’apologiste CATHOLIQUE

On a dit bien souvent et l’on répète encore que les griefs élevés par les auteurs du schisme et par leurs disciples, au cours des siècles, contre l’Eglise romaine n’ont été que des prétextes pour donner une apparence de légitimité à la rupture et la faire durer. Ce que nous venons de dire des caractères de la polémique anlicatholiqucdes théologiens schismaliques confirme trop cette manière de voir pour que nous songions à en contester la justesse. Riais une question préalable se présente ici tout naturellement à l’esprit.

Si le schisme ne s’abrite que derrière des prétextes, -si ses défenseurs ne font valoir que des raisons auxquelles ils ne croient pas, à quoi bon s’arrêter à les réfuter ? La meilleure méthode n’est-elle |K)int, en pareil cas, un silence dédaigneux ? Certains actes du clergé schismatique conseilleraient cette coiuluite. Ne voit-on pas le synode athénien ou le synode phanariote faire fléchir la loi de la rebaptisation en faveur de tel conveiti du catholicisme qui répugne trop au baptême par immersion ? En 1839, lorsque des évêques et des clercs uniates réunis à Polotsk demandèrent à être incorporés à l’Eglise russe, le saintsynode de Pétersbourg n’exigea d’eux que la renonciation à la juridiction romaine et garda le silence surtout le reste (voir I article du R. P. Tondini : Une étrange profession de foi russe, dans le Bessarioiie, t. IX, 2’série (1905), p. 2 4 1-2/(6). Pobiedo.notsef, le haut procureur bien connu du même synode russe, ne faisait pas dilliculté d’avouer que le seul obstacle sérieux à l’union des Eglises était la primauté du jiape.

Il se peut que pour certains dignitaires haut placés des Eglises aulocéphales, qui ont étudie sérieusement l’histoire du schisme et savent à quoi s’en tenir sur la doctrine de l’ancienne Eglise, les points controverses ne soient que des prétextes commodes pour maintenir une séparation toute ]>rolitable à leurs intérêts ; mais ce serait, selon nous, une erreur de croire que la mauvaise foi est le fait de tous les membres du clergé <h7/io(/oj’( ? et des laïques au courant des questions théologiques. On ne parle pas de l’ensemble du peuple ni même d’une bonne partie du clergé inférieur ; l’ignorance assure en général la bonne foi de l’un et l’autre. Ce n’est pas impunément qu’on répète pendant des siècles, au sein d’une Eglise nombreuse, des erreurs sur la Trinité, sur l’Eglise, sur les sacrements, sur les tins dernières. Sous l’inlluence de l’enseignement reçu et des préjugés transmis de génération en génération, les meilleurs esprits se laissent persuader. La position doctrinale du Protestantisme est bien plus intenable que celle de l’Eglise gréco-russe. Et cependant n’y a-t-il pas, même parmi les gens les plus instruits, des prolestants de bonne foi ? Le cas d’un Newman ou celui d’un Pusey en disent long à ce sujet.

Une des principales bases sur lesquelles repose le schisme à l’heure présente est certainement l’ignorance où sont un grand nombre d’Orientaux, tant de l’enseignement de l’Eglise des huit premiers siècles sur les principales questions controversées, que de la doctrine actuelle de l’Eglise catholique, souvent altérée, nous l’avons déjà dit, dans les ouvrages de théologie ortliodoxe. Voilà pourquoi, en présence des divergences, le silence ne saurait être une méthode. La mission de l’apologiste doit être au contraire de répandre la lumière à flots sur ces fameuses questions, que les controverses du passé sont loin d’avoir épuisées. Le schisme, qui aime trop souvent à se dissimuler sous un masque de mensonge et de fourberie, ne pourra soutenir longtemps l’éclat de la vérité. C’est Joseph dk Maistre qui disait que « si l’on exposait les Eglises photiennes à l’action du catholicisme avec un feu de science suflisant, elles disparaîtraient presque subitement », Du Pape, livre IV, chapitre m. Remarquablesaussi sont les paroles qu’écrivait récemment le directeur de YKncxclopédietliéolDgiijue orthodoxe, M. N. Gloibokovskii, en rendant compte d’un ouvrage catholique : « Le schisme est né de dissensions humaines ; il se maintient par une obstination humaine, que nourrit une défiance réciproque ; c’est pourquoi une science profonde, loyale et impartiale est le meilleur mojen d’écarter cette lamentable barrière », Strannik, igo4, t. I, p. ig6 et sq.

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L’apologiste ne peut d’ailleurs se contenter d’examiner les seules divergences mises en avant par les lliéologicns schismatiques. En dehors de celles-là, il en est d’autres, sou^ent très importantes, sur lesquelles ils ont l’habitude de faire le silence. Signalons la recontirniation des apostats, les nombreuses causes de divorce admises dans les Eglises autocéphales, la perte du pouvoir d’ordre par la déposition, etc. On ne peut pas dire que ce sont là de purs prétextes. Ce sont des doctrines pour ainsi dire vécues par la pratique courante.

Il est donc entendu qu’une œuvre doctrinale s’impose à l’égard du schisme oriental. Comment la mener ? La méthode à sui^Te ne saurait être la même à l’égard de toutes les divergences. Contrairement à la tactique habituelle des polémistes pholicns, qui attribuent une importance égale aux diiîérences rituelles et aux divergences d’ordre dogmatique, il importe extrêmement d’étaijlir une distinction très nette entre les premières et les secondes.

A. Méthode à suivre à l’égard des divergences rituelles. — Les divergences liturgiques étant le principal soutien du schisme parmi les masses populaires, l’apologiste s’attachera à montrer que la diversité des rites et des usages ne saui’ait être une cause de séparation entre les chrétiens. Il rappellera l’exemple de l’ancienne Eglise, une et indivise dans la foi. malgré la variété des liturgies et des coutumes locales. Par le témoignage vivant des Eglises orientales unies à Rome, conservant intégralement, dans tout ce qui n’est pas contraire à la foi, la liturgie et les usages des Eglises séparées, il cherchera à persuader à un peuple formaliste à l’excès et idenlitiant trop souvent son rite avec sa nationalité, qu’on peut être à la fois catholique romain par le dogme et la soumission au pape, et grec ou slave par la liturgie.

Aux innovations liturgiques reprochées par les polémistes schismatiques à l’Eglise occidentale, sur un ton de véhémence presque comique, il sera de bonne guerre d’opposer les innovations de même genre qui se sont produites dans la liturgie byzantine, depuis la séparation. Ce serait une erreur de croire que l’Eglise orientale n’a modifié en rien ses rites et ses prières, depuis le ix’siècle. Il ne faut point se laisser impressionner par certaines déclarations des théologiens orthodoxes sur l’immutabilité liturgique de leur Eglise. Ces déclarations sont aussi sujettes à caution, lorsqu’il s’agit des rites ou de la discipline, que lorsqu’il s’agit du dogme. Montrons-le par quelques exemples.

Autrefois, les fidèles orientaux communiaient sous les deux espèces de la même manière que communièrent les.-apôtres, à la dernière Ccne : ils recevaient le pain consacré sur la main et buvaient au calice. Vers le x’siècle, s’introduisit la coutuiue de mélanger l’hostie consacrée au précieux sang et de la distribuer ainsi aux comuiuniants à l’aide d’une cuiller. C’est une modification assez sensible du rite de la coujmunion. tel qu’il se pratiqua à la dernière Cène. On ne peut pas dire que les lidêles boivent le sang du Seigneur, dans le sens naturel du mot. Pourquoi, dès lors, accuser l’Eglise latine de violer le précepte du Sauveur : « Jiuvez-en tous », parce qvi’elle ne communie plus ses fidèles que sous l’espèce du pain’? On sait d’ailleurs que la communion sous une seule espèce était en usage en maintes circonstances dans l’ancienne Eglise.

Que n’ont pas écrit les polémistes latinophobes contre le baptême par infusion ? Sait-on cependant que ce baptéuie fut longtemps pratiqué en certaines régions de la Russie ? On baptisait par infusion à Pskof, au XIV* siècle, à Novgorod, au xv*. o Le rituel

de Pierre Moghila conseille de baptiser les enfants par infusion pour éviter tout danger. En beaucoup d’endroits de la Russie occidentale, conquise jadis par la Pologne et longtemps dominée par elle, les prêtres orthodoxes continuent à baptiser par infusion, malgré les timides avis du Saint-Synode. Du reste, il arrive que, même dans la grande Russie, le baptême n’est plus un bain. J’ai vii, dit le P. Baur.vi>% à qui nous empruntons ces détails, baptiser à Xotre-Dame de Kazan, à Saint-Pétersboiug. Le prêtre, de la main droite tenait le corps de l’enfant ; de la main gauche, il lui fermait les yeux, le nez et la bouche, et lui plongeait ensuite la face dans l’eau, si peu que la nuque n’était mouillée que par l’eau dont le prêtre l’arrosait ensuite de la main gauche en relevant l’enfant, et qu’aucune autre partie du corps ne participait à l’immersion » (ia vie chrétienne en /{ussie. Autour du berceau, dans la lievue Augustinienne, t. XIV (1909). p. 16-1-). Entre ce baptême à la russe et notre triple infusion, on avouera que la dilTérence n’est pas très grande.

Il n’est pas rare d’entendre les théologiens schismatiques accuser l’Eglise romaine d’avoir supprimé l’épichse (ce qu’ils n’arrivent pas à prouver), et d’avoir fait d’autres modifications et innovations dans la liturgie de la messe. Mais songent-ils alors aux additions et aux suppressions que leur Eglise a pratiquées tant dans les prières de la messe que dans celles de l’otlice ? Au ix « siècle, la messe dite de saint Jean Chrysostome portait, à son début, une épiclèse au Christ ainsi conçue : « Seigneur, notre Dieu, qui t’es otïert comme un agneau immaculé pour le salut du monde, jette les yeux sur nous, sur ce pain et sur ce calice, et fais de ceux-ci ton corps sans tache et ton sang précieux pour la réfection de nos âmes et de nos corps ! >, BniGHT.MAx, Liturgies Eastern and Western, Oxford, 1896, p, 809. Cette épiclèse a disparu depuis longtemps du missel byzantin. La cérémonie de la préparation des oblats ou ttî^ziucÔ/-. a été aussi notablement compliquée depuis le ix* siècle. L’habitude de découper des parcelles en l’honneur de la Vierge et des saints et de les rangerautour de l’hostie principale date du xii’siècle. Cf. S. Pétri-DÈs, La préparation des oblats dans le rite » rec, dans les Echos d’Orient, t. III (1900), p. 65 et sq.

Le clergé grec a supprimé plusieurs passages de l’ollice liturgique, où la primauté de saint Pierre et de son successeur l’évêque de Rome était clairement allirmée. On ne trouve plus dans les éditions actuelles des Menées le beau canon en l’honneur de saint Grégoire le Grand, qui s’y lisait autrefois et qui saluait ce pape comme le successeur du Coryphée (saint Pierre) et l’Eglise romaine comme la première des Eglises, inondant toute la terre des ruisseaux de la doctrine très orthodoxe de son chef, Ey^.Jr, 7tïij

zl -/.WTZfjizv.tiVyc Y, TZpOiTT, TZv.zvrj jyf, j.tr, ’j y.y.ry.pcn tsT^ crj^ttart

z-M £^711’j} ! ijTtuy S’y/aùT’M icv, XiLLEs, Kulendarium manuale utriustjue Ecclesiae, Inspruck, 1896, 1. I, p. 121. Les Grecs ont aussi fait disparaître de l’olUce de saint Léon le Grand le titre de chef de l’Eglise ortho doxe du Christ, yiyjùr, tk ; ifvciiX’yj’i/v’ir/zi-/A X, oirrîJ, donné à ce pape. Ce titre se lit encore dans les éditions slaves de Russie.

L’édition des Menées parue à Venise en 1896 a supprimé, à la fête des saints Ajiôtres Pierre et Paul, le 29 juin, deux passages allirinant la venue à Rome des deux.pôtres. Dans l’office du lendemain. 30juin, la même édition a changé la phrase suivante, adressée à saint Pierre : 1. Vous avez été le premier évéque de Home, la plus grande de toutes les c/V/e.ç i> en celle-ci : Pierre, vous avez été le docteur de l’uni> ers, le héraut et la [lierre de la foi ». Une édition oflicielle du Iliératicon ou missel, faite au Phanar, en 1896, près385

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cril au inètrc cl an Jiacre île faire trois génuflexions (yovujtJijnï ;), à la lin (le l’citiclése, pour bien marquer que la consécration n’est faite qu’après la prononciation (le cette invocation, et non après les paroles dominicales. C’est une cérémonie toute nouvelle, qui ne par iendra sans doute pas à s’imposer à toutes les Ey^lises autocéphales. Cf. G. Cuaron, l.e quinzième centenaire de saint Jean Chnsostome, llome, 1909, I>. 228-^34 ; Cli.Ai’NEH, Les i’ersions roumaines de ta liturgie de saint Jean Clirysostonie, dans le recueil des Xoj « 7Tîi/tzà, fascicule II, Rome, 1908, p. ^(tù Ces quelques exemples, qu’il serait facile de multiplier, montrent que les Orthodoxes n’éprouvent yuère de scrupiile à innover en matière rituelle. On voit même que telle suppression ou modilication n’est pas toujours innocente. Les Grecs sont en général plus hardis dans cette voie que les Russes. Ceux-ci sont arrivés à se convaincre, par l’élude des anciens rites, que plusieurs des divergences constatées, au XVII siècle, par le patriarche Nicox entre les livres liturgiques slaves et les éditions grecques, élaienl dues, non à des altérations de la [jart des Russes, mais à des innovations introduites par la Grande Eglise de Coffistanlinople. Cf. l’article de Kapterev :

« Les réformes rituelles Je Nicon » dans le Bogoslovskii

r(es/H(/, octobre 1908, p. 289-245. Les Slarolières n’avaient pas tout à fait tort sur tous les points.

Ces Staro^’ières, par leur attachement obstiné à leurs anciens rites, ont forcé l’Eglise russe à faire olliciellement la distinction entre l’unité de foi el de juridiction et l’unité de rites. Pour ramener les Vieuxcroyants dans son sein, elle a levé l’anathème porte au synode de Moscou, en 1O67, contre les partisans des vieux rites et leur a permis de se servir des anciens livres liturgiques privés des corrections de Nicon. La seule condition qu’elle a mise à leur reconnaissance comme membres de l’Eglise orthodoxe a été la soumission à la hiérarchie officielle et l’acceptation des mêmes croyances ; d’où le nom d’Edinovertsy ou Cnicroyants qu’on leur a donné. Ces L^dinofcrtsy occupent dans l’Eglise oflicielle une situation analogue à celle des Uniates orientaux dans l’Eglise catholique. L’apologiste ne manquera pas d’utiliser cette ressemblance entre nos Uniates el ceux de l’Eglise russe pour faire voir l’inconséquence des Orthodoxes, lorsqu’ils mettent en avant des divergences rituelles comme motif de séparation. Il pourra rappelerque le Saint-Synode a déclaré, en 1886, que l’Eglise orthodoxe n’avait condamné les anciens rites et les anciens textes qu’autant qu’ils servaient de symbole à des doctrines hérétiques, et qu’elle n’avait poursuivi les raskolniks que pour leur désobéissance à la hiérarchie légitime.

Mais c’est assez parler des divergences dans les rites et les usages. Venons-en à celles qui touchent à la foi.

B. Méthode à suivre pour les divergences doctrinales. — Si le peuple se laisse impressionner par la diversité des rites et des coutumes, il reste en général assez indiirérent aux controverses dogmatiques, qui le dépassent. Celles-ci sont pour les théologiens de profession. Elles ont fourni matière, depuis la séparation, à des discussions interminables. Nous avons dit pourquoi l’ère de ces discussions ne saurait être close ; mais il y a manière de les conduire. Ayant affaire à un théologien orthodoxe, poiiT qui les divergences dogmatiques entre les deux Eglises ne sont jioint de purs prétextes, mais constituent un sérieux obstacle à l’union, l’apologiste catholique pourra procéder de la manière suivante :

Tome II.

i") !  ! demandera à ce théologien s’il reconnaît aux confessions de foi de Moghila el de Dosithée, ou à quelque autre document ou décision postérieure à la séparation, une autorité égale, en matière de foi, au concile œcuménique. Nous avons dit en efl’et que, sur la valeur doctrinale de ces confessions et sur la question de savoir si, d’une manière oude l’autre, l’infaillibilité de l’Eglise orllwdoxe était entrée en exercice, depuis le schisme, lesavis étaient partagés parmi les théologiens orientaux. Les uns, comme Puilahète, Dam.vl.vs, BiÎLAiEF, Androutsos, Bolotov, Curysos TOME PaPADOTOULOS, KlUliEF, DiOMÈDE KvRIAKOS,

SviETLOv, Bala.nos, Anthime VII dans son encyclique de 1895, n’admettent comme autorité infaillible que les sept conciles oecuméniques et ne voient dans les confessions de foi du xvii* siècle que des documents d’une autorité relative, de la doctrine desquels on peut s’écarter et dont on s’écarte en efTet. Les autres, comme Macaire, Mésoloras, Milach, Zikos Rosis, GoussEF, J. SoKOLOF, l’évêque Serge de P’inlande, déclarent que la doctrine des confessions de foi s’impose à la croyance des Orthodoxes, au même titre (pie les délinitions des conciles œcuméniques. Remar (iuons que les partisans de la première opinion tout comme ceux de la seconde sont de vrais Orthodoxes et se considèrent comme tels.

2°) Si le théologien interrogé admet l’infaillibilité des confessions de foi, il faudra tout d’abord lui faire constater que sa conviction n’est pas partagée par tous ceux de son Eglise et que dès lors son opinion a lui est une opinion de théologien privé et non l’expression d’un enseignement officiel et obligatoire.

On pourra ensuite l’inviter discrètement à confronter la confession de Moghila et celle de Dosithée sur la question des lins dernières. II s’apercevra vite que la i)remière nie l’existence d’un châtiment temporel après la mort, rcsVzKi^î ; y.oj.u.iiz, et d’une catégorie de défunts intermédiaire entre les élus el les damnés, tandis que la seconde enseigne clairement qu’il y a une satisfaction, une peine temporelle proportionnée aux péchés commis durant la vie, pour les âmes de ceux qui se sont repentis de leurs fautes graves avant de mourir, mais qui n’ont pas eu le temps de satisfaire à laJQslice divine. Cette contradiction flagrante ébranlera sans doute la foi du théologien à l’infaillibilité des deux confessions. S’il hésite encore sur la valeur œcuménique deeespièces, qu’on lui fasse constater que la confession de DosilhcedesGrecs ne concordepas avec la confession de Dosithée des Russes, le Saint Sjnode de Pétersbourg ayant, en 1838, fait ]ilusieurs suppressions importantes dans le texte original, et cela, de sa propreautorilé, el sansavertirles Eglises-sœurs.

3°) Une fois qu’il aura fait admettre à son interlocuteur que dans l’Eglise orthodoxe, de nos jours du moins, il n’y a pas d’autorité doctrinale infaillible unanimement reconnue, en dehors des sept conciles œcuméniques, l’apologiste catholi(]ue passera en revue avec lui les définitions solennelles de ces sept conciles. Tous les deux arriveront sans doute assez facilement à tomber d’accord sur ce fait évident : qu’aucune des questions dogmatiques controversées entre les deux Eglises n’a fait l’objet direct cl précis de ces définitions solennelles.

l") La conclusion logique qui s’imposera au théologien orthodoxe sera de reconnaître que l’Eglise catholique, du [loint de vue o/7/îOc/oj’e, ne peut être traitée d’héréti<|ue, puisqu’elle admet toutes les définitions solennelles des sept premiers conciles œcuméniques. Elle a sans doute tranché définitivement la plupart des questions controversées et en a fait des dogmes obligatoires pour tous ses fidèles ; mais rien n’autorise le théologien orthodoxe à qualifier ces dogmes d’hérésie. S’il est logique avec ses principes, il n’y

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peul voir que des opinions théologiques, dont la valeur reste jiour lui à être déterminée par l’autorité infaillible de son Eglise.

Cette conclusion est d’autant plus légitime que, sur la plupart des points discutés de nos jours, des théologiens orthodoxes de marque, quelquefois les confessions de foi elles-mêmes, ont cté d’accord dans le passé ou s’accordent encore dans le présent avec l’Eglise catholique, pour ce qui loucheau fond même de ladoctrine. Comment traiter d’hérésies lesdogmes catholiques suivants : l’inspiration des deutérocanoniques de l’Ancien Testament, l’Imniaculte conception de la Sainte Vierge, la validité du baptême par infusion, la consécration de l’Eucharistie par les seules paroles dominicales, l’existence d’une peine tenqjorclle due au péché effacé par l’absolution, le pouvoir de l’Eglise d’accorder des indulgences relativement à cette peine, le caractère inefl’açable du sacrement de l’Ordre, l’inamissibilité du pouvoir sacerdotal, l’existence après la mort d’un état intermédiaire entre l’étal de béatitude et l’état de damnation, la lixation délinitive du sort de chaque âme par le jugement particulier, la béatitude immédiate des âmes saintes, la venue de saint Pierre à Rome, sa primauté de juridiction sur les autres Apôtres, la primauté du pape sur l’Eglise universelle, alors qu’on peut dresserde longues listes de tliéologienscélèbres, lils soumis de l’Eglise orthodoxe et souvent ennemis acharnés des Latins, qui ont enseigné sur chacun de ces points une doctrine identique dans le fond, sinon toujours dans l’expression, à la doctrine de l’Eglise catholique ? alors que sur plusieurs de ces points, on peut faire valoir dans le même sens le témoignage des confessions de foi et d’autres documents revêtus d’un caractère olïïciel ? Le court aperçu donné plus liant sur les divergences dogmatiques montre que ce ne sont pas là de vaines allirniations. Une histoire détaillée des variations de la théologie orthodoxe depuis Michel Cérulaire en ferait éclater l’évidence à tous les yeux.

L’apologiste dispose d’une autre ressource pour fermer la bouche à l’Orthodoxe qui accuse l’Eglise catholique d’hérésie. Cette ressource, ce sont les livres liturgiques eux-mêmes dont se servent les Eglises autocéphales*. Sur les principales questions controversées : primauté et infaillibilité de saint Pierre et du pape, procession du Saint-Esprit per Fitium, Immaculée conception. Purgatoire, béatitude immédiate des saints, la liturgie grecque fournit des témoignages suffisamment clairs, favorables à la doctrine catholique. Ce n’est pas ici le lieu d’entrer dans les détails. Sur la primauté de saint Pierre et du Pape, d’après la liturgie grecque, on peut consulter l’ouvrage du P. ToNDiNi : La primauté de saint Pierre, prouvée parles titres que lui donne l’Eglise russe dans sa liturgie, Pavis, 186’ ;  ; et le Kalendarium utriusque Ecclesiæ du P. Nillks, 1. 1, pp.51, lo’ ; , 121, li-j, 138, igS-ujô. Sur la procession du Saint-Esprit, je relève les deux passages suivants empruntés, l’un à l’oflice du dimanche de la Pentecôte et l’autre à celui du jeudi de la même fête :

« Tu es le fleuve de la divinité, procédant du Père

par le Fils : « Su yor^ -’y-v.ii.ii d^c’rr-’ji ix Yly.zoii Si’l’i’iù

« Le Saint-Esprit est reconnu Dieu, ayant la même

nature et assis sur le même trône que le Père et le Fils, lumière supraparfaite dérivant de la lumière, procédant du Père parfait et sans-principe par le

Fils : « Tô n>£yaa TÔ ér/iiv 0Ecr, Vj^iyA^ y.o.t TJvdp’yjo-j OaT^t

1. D’oprcs ce que nous.Tvons dit jiliis hniit, col. 384, il est clair qu’il faut se délier des éditions récentes et recourir aux auciennes.

Kf>'L Ac*/o », yjùiptl^zry.i t^j^ u~tpTéyît^v ty. ^&J7îi szyyladavj £5"

Il s’agit bien dans ces deux passages de la procession éternelle du Saint-Esprit. La fin de non-recevoir opposée par les disciples de Photius à tout texte indiquant une allusion à la mission temiiorelle de la troisième Personne de la Trinité, ne peut trouver place ici. Il ne reste qu’à torturer, malgré les protestations du bon sens, le ôi’l’ijO, pour lui faire signilier autre chose que le dogme catholique. Inutile de faire des citations se rapportant à l’Immaculée conception, à la prière efficace jiour les morts, à la béatitude immédiate des justes. On en trouve dans tous les manuels, bien que souvent le choix laisse à désirer. On voit donc que pour défendre le dogme catholique contre les attaques des théologiens du schisme, point n’est besoin de recourir à la tradition de l’ancienne Eglise. Eux-mêmes fournissent le^ armes qui servent à les combattre. Le difficile est de les amener à être logiques. Tel théologien qui ne jure que par les sept conciles et fait U des confessions de foi, qu’il trouve entachées de latinisme, s’insurge quand même, pris d’une colère de commande, contre les hérésies papiques. Il ne faut point désespérer cependant de trouver des âmes sincères, pour lesquelles dire non, même quand leur esprit dit oui, n’est pas une habitude, et qui n’auront pas trop de peine à convenir qu’en effet, en vertu des principes de l’Eglise orf/iO</o. « e, l’Eglise catholique ne saurait être considérée comme hérétique.

Les tentatives d’union qui se sont produites dernièrement entre les Vieux-catholiques et l’Eglise russe ont eu ce résultat heureux d’ouvrir les yeux à plusieius théologiens russes sur la véritable situation doctrinale de leur Eglise. Poussés sans trêve ni relâche par la vigoureuse logique de M. Michaud, ils ont été obligés d’accepter purement et simplement comme base d’entente les définitions des sept conciles, ni plus, ni moins. On les a vus distinguer entre ces définitions et les opinions théologiques, désignées sous le nom de f/iéoîogo « /nènes. La doctrine diiFtliûque a été rangée expressément au nombre des théologoumènes par Bolotof, Kibhihf, Sviiîtlof et plusieurs autres. Répondant à l’évêque Siîrge, qui n’admet i)oint cette distinction entre dogmes et théologouniènes, KmEiKF a écrit : « Le seul organe infaillible est le concile œcuménique, dont les décisions ont besoin d’être sanctionnées par le consentement du peuple chrétien… Rien, en deliors des sept conciles œcuméniques, n’est obligatoire ni même utile. Il y a assez de dogmes 1), Itevue internationale de théologie, t. Xll (1904). p- 600-601. Voir dans la même revue, t. VI (1898), p. 681-712, l’article de Bolotof sur le Fitioque. On sait qu’aux fameuses conférences de Bonn (1874- 1875), présidées par Dôllinger, les re])réscntants des Églises séparées, parmi lesquels on comptait plusieurs théologiens orthodoxes, convinrent que l’union devait se faire sur la base des sept conciles oecuméniques.

Mallieureusemeiit ces beaux essais de logique ni’sont point poussés jusqu’au bout. Si l’on met le Filiuque au nombre des théologoumènes.on se gard. bien d’y ranger la primauté et l’infaillibilité du pape. Un partisan des théologoumènes.rarcliiprétre Yanychef, se permet d’écrire que la primauté et l’infaillibilité du pape constituent un faux ilogiiie, lievue Internationale de théologie, t. XI (1903), p. 6. Qu’en sait-il, s’il est faux, et qu’en savent les Vieux-catholiques, eux qui ne vivent que de la négation de ce dogme’.' iMais il faut bien que l’eiTCur se trahisse par quelque endroit.

5c) L’apologiste catholique a fait admettre à son interlocuteur orthodoxe (

t l’Eglise romaine ne sau

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rail êlre considérée coiiiiiie hérétique, en vertu des principes universellement admis dans les Eglises autocéplialcs. Lorsque ce point important est acquis, on peut <lire (m’il a satisfait à sa tache de défenseur (le kl foi. Il a interdit aux théologiens du schisme, s’ils veulent ne point violer la plus élémentaire iogique, d’attaquer comme des hérésies les dogmes <lélinis par l’Eglise catholique, depuis le ix* siècle. Mais ce n’est là que le cùté négatif de son rùle. Le cùtc positif consistera à démontrer à VOrllwdoxe cpie les dogmes catholiques ne sont que l’expression lie la vérité révélée, consignée dans l’Ecriture et la tradition des huit premiers siècles.

Certes la tâche sera encore longue et délicate ; mais il est un moyen de l’abréger. Au lieu d’examiner toutes les questions controversées, on peut ne faire porter son ell’ort que sur la principale de toutes : la primauté et l’infaillibilité du pape. Ce dogme une l’ois admis, lerestene présentera i)lus dedilliculté sérieuse. Or il est relativement facile d’établir que l’Eglise des sept conciles reconnaissait la primauté de droit divin de l’évéque de Rome, successeur de Pierre, et son inerrance dans les matières de foi. Si le cas du pape llonorius est, à première vue, un peu embarrassant, il n’est pas insoluble. Même en jjrenant les choses au pire, on n’arrive pas à y trouver une objection sérieuse contre l’infaillibilité du ]>ape, telle qu’elle a été délinie par le concile du’Vatican. L’histoire des conciles œcuméniques, les actes et les écrits des Pères orientaux, jusqu’au ix’siècle, rendent un témoignage si éclatant aux privilèges du successeiu" de Pierre qu’une àme de bonne foi ne peut pas ne pas en être impressionnée. La grâce de Dieu aidant, elle ne peut tarder d’ouvrir les yeux à la lumière, à l’exemple de Wi.ADiMin SoLoviKF, ce Newman russe que l’étude de la tradition des huit premiers siècles a amené à faire cette belle profession de foi :

« Comme membre de la vraie et vénérable Eglise

orthodoxe orientale ou gréco-russe, qui ne parle pas par un synode anticanonique, ni par des employés du pouvoii’séculier, mais par la voix de ses grands Pères et Docteurs, je reconnais pour juge suprême en matière de religion celui qui a été reconnu comme tel par saint Irénée, saint Denis le Grand, saint Athanase le Grand, saint Jean Chrysostome, saint Cyrille, saint Flavien, le bienheureux ïhéodoret, saint Maxime le Confesseur, saint Théodore le Studite, saint Ignace, etc. — à savoir l’apôtre Pierre, qui vit dans ses successeurs et qui n’a pas entendu en vain les paroles du Seigneur : « Tu es Pierre et sur cette pierre j’éditierai mon Eglise. — Goniirme tes frères. — Pais mes brebis, pais mes

: r, ’neaux ». La Russie et l’Eglise universelle, Paris, 

1 S81j, p. Lxvi.

Solovief avait aussi remarqué l’illogisme dans lequel se meut la polémique anticalholique des théologiens schisraatiques : il écrivait : « Aucun concile œcuménicpie n’a condamné ni même jugé les doctrines catlioliques anatlicmatisées parnos polémiste,

; et quand on nous présente ce nouveau genre de

théologie négative comme la vraie doctrine de l’Eglise universelle, nous ne pouvons y voir qu’une prétention exorbitante, provenant de l’ignorance ou de la mauvaise foi ». Ibid., Tp. ig.

VI. L’Eglise grecque et les notes de la véritable Eglise. — Pour amener les Ortiwdoxes de bonne foi àreccnnaitie que leur Eglise n’est pas la véritable Eglise fondée par Jésus-Christ, l’apologiste <a-Iholique dispose encore d’une autre métliode tout aussi efficace, mais plus compliquée et d’un maniement plus délicat que la précédente. Elle consiste à établir un parallèle entre l’Eglise gréco-russe et

l’Eglise catholicpie et à recherclier quelle est celle de ces deux sociétés religieuses qui répond le mieux, depuis la séparation délinitive jusqu’à nos jours, au plan divin de l’Eglise exprimé dans les Livres saints, synthétisé dans le syndjole nicéno-constantinopolitain par les mots : n Je crois à l’Eglise une, sainte, ciillwlujiie etiijioslulif/iie », et réalisé par l’ancienne Eglise des huit premiers siècles. Ce procédé, qui est classique, paraît suranné à certains théologiens contemporains, qui le déclarent inellicace à l’égard de l’Eglise grecque. Des quatre notes de la véritable Eglise, le II. P. A. Palmieui n’en trouve qu’une, celle d’unité, qui puisse être utilisée avec succès par l’apologiste catholique dans la controverse avec les Orthodoxes :

« Les arguments l)ascs sur l’apostolicité

entendue au sens strict, sur la catholicité ou sur la sainteté, pour prouver la transcendance de l’Eglise romaine sur les autres, sont, dit-il, sans ellicacité dans la théologie polémique orientale ». De motit’is pulemicae iitler cnlkolicos et orlliodoxos, ilansles Slaiorum Litteræ theologicae, t. III (1907), p. 268. De son côté, le R. P. J. Urban", dans un article qui a fait sensation, sans refuser toute valeur à la démonstration basée sur les quatre notes, trouve ((u’elle n’est pas à la portée de tous ; il la déclare peu ellicace, superlUie même, en présence des arguments directs par lesquels on peut établir l’institution divine de la primauté. La raison qu’il en donne est que l’Eglise orthodoxe possède dans une certaine mesure les quatre notes indiquées dans le symbole. On découvie chez elle une certaine unité dans la foi et dans le gouvernement, une certaine sainteté, une certaine catholicité, une certaine apostolicité, De lis quæ tlieologi catholici præstare possint ac deheant erga Ecolesiam russicam, dans les Acta primiconventus Velehradensis, Prague, 1908, p. 26-29.

Nous ne sommes pas complètement de l’avis du P. Urban, encore moins de celui du P. Palraieri. Xous croyons au contraire que, même pour les lidèles de l’Eglise gréco-russe, « l’Eglise catholique, par elle-même, est un grand, un perpétuel motif de crédibilité, un témoignage irréfragable de sa propre légation di’ine, à cause de son admirable propagation (note de catholicité), de son éminente sainteté et de son inépuisable fécondité en toutes sortes de bienfaits (note de sainteté), à cause de son unité catholique (note d’unité), et de son invincible stabilité (note d’apostolicilé) », Concile du "Vatican, Constitution Dei Filius, cap. 3. Un Orlliodoxe de bonne foi, en comparant attentivement son Eglise avec l’Eglise catholique, sera facilement amené à reconnaître Ja transcendance de celle-ci sur celle-là au quadruple point de vue de l’unité, de la sainteté, de la catholicité et de l’apostolicité, et à conclure que l’Eglise catholique, rèalisantincomparablement mieux le plan divin de l’Eglise tracé dans la sainte Ecriture, est la véritable Eglise fondée par Jésus-Christ, celle qui répond pleinement à ses desseins et qu’il marque visiblement de son sceau.

Cet Orthodoxe découvrira aussi sans peine que la cause de l’infériorité de son Eglise lui vient principalement de ce qui la dislingue essentiellement de l’Eglise catholique, c’est-à-dire de l’absence d’une autorité suprême permanente. Il constatera que la papauté, loin d’être un principe de décadence et de mort pour le catholicisme, est au contraire un principe de vie et de progrès. Appliquant le principe qu’on juge l’arbre à ses fruits, il conclura que la papauté est voulue de Jésus-Christ et qu’elle est un élément essentiel de l’Eglise qu’il a foiulée. L’interprétation donnée par l’Eglise catholique des passages scripturaires relatifs à la primauté de Pierre, lui paraîtra la seule vraie, parce que l’expérience 391

GRECQUE (ÉGLISE, !

392

lui aura montré que sans une autorité suprême, visible et pcrniancnle, l’Eglise est une société mal organisée, incapable de remplir d’une manière convenable et vraiment ellicace sa mission surnaturelle, et par conséquent une société indigne d’avoir un Dieu pour fondateur. Sa conviction sera augmentée par les signes visibles de l’approbation divine qu’il découvrira dans le catholicisme et qu’il ne trouvcrapas dans VOrlliucloxie.

Voilà l’idée générale de la démonstration que peut établir l’apologiste catholique à l’adresse des scliismatiques orientaux pour leur prouver que leur Eglise n’est pas la véritable Eglise fondée par JésusChrist. Toute la force de cette démonstration réside dans la comparaison avec l’Eglise catholique. Mise en face de celle-ci, l’Eglise orthodoxe se trouve en délicit sur toute la ligne, qu’il s’agisse de l’unité, de la sainteté, de la catholicité ou de l’apostolicité. Qu’un Orthodoxe donne à ces termes le sens qu’il voudra (et certains sens arbitraires lui sont interdits, en vertu même de ses principes), pourvu qu’il leur en donne un qui exprime quelque chose qu’il soit mieux pour une société chrétienne d’avoir que de ne pas avoir ; qu’il minimise cette signification jusqu'à ce qu’elle cadre parfaitement avec l'état de l’Eglise orthodoxe, il sera obligé de convenir, en jetant sur l’Eglise catholique un regard attentif, que cette Eglise possède en fait d’unité, de sainteté, de catholicité et d’apostolicité. tout ce que possède l’Eglise orthodoxe, et qu’en plus elle possède quelque chose de mieux, déplus parfait, de plus divin, dans le même ordre d’idées. Et cette supériorité ne sera point légère ; on la verra écrasante ; elle n’apparaitra point transitoire ; on constatera par l’histoire qu’elle dure depuis la séparation.

Par ailleurs, l’Eglise orthodoxe n’aura rien à faire valoir qui compense son déficit et lui donne l’avantage sur l’Eglise catholique. Ses théologiens en seront réduits à chicaner sur l’apostolicité de doctrine. Ils se rabattront sur l’addition du Filioque au symbole, pour accuser l’Eglise catholiqiie d’avoir altéré par addition le dépôt doctrinal des sept conciles, accusation sans portée, tant qu’on ne prouve pas que les conciles œcuméniques ont condamné comme une erreur la doctrine exprimée par le Filioque. Ils invoqueront contre la primauté de droit divin de l'évéquede Rome descanons au sens ambigu, comme le troisième canon du concile de Constanlinople en 38 1, le vingt-huitième canon de Chalcédoine, plusieurs canons du concile in Trullo, comme si ces canons avaient eu dans l’ancienne Eglise une valeur œcuménique et comme si l’Eglise d’Occident ne les avait pas constaranienl rcjctés. L’addition du Filioque, des canons considérés faussement comme œcuméniques, voilà tout ce que le théologien russe MaCAiRE produit pour convaincre l’Eglise romaine de n'être pas la véritable Eglise, conformément au critère qu’il a posé : a La véritable Eglise est celle qui conserve réellement et sans variation la doctrine infaillible de l’ancienne Eglise œcuménique et lui reste fidèle en tous points i, Indroduction à la théologie orthodoxe, traduite par un flusse, Paris, iSô^.p.ôGô-ô ; ^. Nous concédons volontiers au P. L’rban que l’Eglise orthodoxe possède une certaine unité, une certaine sainteté, une certaine catholicité, une certaine apostolicité ; et cela n’a rien d'étonnant, puisque cette Eglise conserve la plupart des éléments essentiels de l’Eglise fondée par Jésus-Christ et que Dieu ne refuse point sa grâce aux âmes de bonne foi qui usent des moyens de salut institués par lui. L’apologiste catholique ne niera point de parti pris l’existence d’un certain degré de surnaturel et de divin dans l’Eglise gréco-russe. Sa méthode consistera

à montrer que ce minimum est insuflisant pour faire de cette Eglise l’héritière authentique de l’Eglise des huit premiers siècles et que seule l’Eglise catholique peut revendiquer légitimement ce titre.

Xous ne pouvons développer ici les détails de la démonstration dont nous venons de donner le plan général. Ce que nous avons dit de l’histoire du schisme et de ses causes, des divergences dogmatiques et des caractères de la polémique des théologiens photiens, peut fournir plusieurs éléments de cette démonstration relativement aux notes d’unité et d’apostolicité. Pour ce qui regarde les notes de catholicité et de sainteté, il en sera parlé fort à propos à l’article Russe (Eglise).

BiBLioGHAPaiE. — l. Sun l’organisation intériedrb ET l'état actuel des Eglises autocéphales. — On trouvera tous les renseignements désirables dans la Revue des Echos d’Orient, passim (parait depuis 1897). 'Voir un aperçu sommaire par R.Janin : Les groupements chrétiens en Orient, i. IX (190fi), p. 330 ; t. X(190 ;), p. 43, lO". 136. Voir aussi les articles sur chaque Eglise particulière parus dans le Dictionnaire de théologie Vacant-ilangenot : Alexandrie, par J. Pargoire, t. I, col. 986-801 ;.4ntioche, par S. Vailhé, ibid., col. 1 399-1 433 ' BosnieHerzégovine, par X. Palmieri, t. II, col. io35-io/19 ; ^n/o-Arie, par S. Vailhé, ibid., col, I174-'a36 ; Carloxiiz, par J.Bois, ibid., col. 1554-1776 ; Chypre, par A. Palmieri, ibid., col. 2424-2472 ; Constantinopte, par S. Vailhé, t. III, col. 1307-1619. Ce dernier article renferme un aperçu sur toute l’histoire du schisme et met particulièrement en lumière l’ambition des patriarches de Constantinopte. Sur la Serbie et la Bulgarie chrétiennes, voir les articles du baron d’Avril dans la Revue de l’Orient chrétien, t. I et U (1896-1897). Voir aussi les Chroniques du Bessarione (parait depuis 1896) et de la Hevue catholique des î'^/ises (1904-1908).

II. Sur l’histoire du schisme et ses causes. — L. AUatius, De Ecclesiæ occidentalis atque orientalis perpétua consensione libri très, Cologne, 1648 ; Maimliourg, Histoire du schisme grec, Paris, 1677, 2 vol ; Tosti, Storia deW origine dello scisma græco, Florence, 1856, 2 vol. ; Pitzipios, L’Eglise orientale, Rome, 1855 ; Pichler, Gescbichte der Kirchl. Trennung ztvischen Orient und Occident, Munich, 1864-1865, a vol. (à l’index) ; Hergenrœther, Photius, Patriarch von Constantinopel, sein Lehen, seine Schriften und das griechische Schisma, Ratisbonne, 1867-1869, 3 vol., ouvrage capital sur la préparation du schisme à partir de Constantin et sur sa consommation avec Photius et Michel Cérulaire. La question théologique est touchée en plusieurs endroits.. Lebedev. Histoire de la séparation des Eglises aux IX’XI" siècles, Moscou, 1900 (en russe) ; K. Demetrako poulos, 'Irro^e’a TCJ fTyisuy.TC : T< ; >aTivi/v ; i bu/r, 7ty, : Sf.Tri ri ; ^ ip6< : icXoj iJjryirf.i, Leipzig, 1867 ; J. Pargoire, L’Eglise byzantine de 5'J7 à S’il, Paris, 1906 ; A. Fortescuc, fhe orthodox eastern Churcli, Londres, 1907, aperçu général sur toute l’histoire du schisme et sur l'état présent de l’Eglise orthodoxe ; F.Tourncbize, L’Eglise grecque-orthodoxe et l’union, ("partie, Paris, 1900 (collection Science et religion) ; Jager, Histoire de l’holius. Paris, 1845 ; A. Lapôtre, L’Europe et le Saint-Siège à l'époque carolingienne, 1" partie : Le pape Jean VIII, Paris, iSgS ; L. Bréhier, Le schisme oriental du XI' siècle, Paris, 1899, ouvrage excellent qui peut dispenser des au très sur la même question ; N.Souvorov, £e/)<7/)evi : an ?(n, Moscou, 1902, ouvrage russe consacré à Michel 393

GRECQUE (ÉGLISE)

39’^

CiTulaire ; W. Noiilcn, Das Papstum tind Byzanz, Berlin, igoS, clmlic les rai)ports des deux Églises de io54 à 1453 ; G. Markovich, Gli Slayi ed i papi, 2 vol., Agram, 1897, éludie les rapports des diverses nations slaves avec le Saint-Siège depuis les origines jusqu’à nos jours.

Sur les causes du schisme en particulier : llergenrollier, Phntius, l. I, p. 3y5-312 ; Vlad. Solovief, la Jlussie et l’Eglise uniierselle, Paris, 188y, p.i-L.KVii ; L. Ducliesne, Ei^lises séparées, Paris, 1896. p. 1632 » 7 ; E. Beurlier, Sur les vestiges du culte impérial à Hyzauce, dans la Revue des Questions historiques, l LI (iSya), p. 5-56 ;.. Gasquet, L’autorité impériale en mat : ère religieuse à Brzance, Paris, 1879 (exagéré et hostile à la papauté). Pour une bibliographie plus complète, voir l’article de S. Vailhé dans le Dictionnaire de théologie catholique sur l’Eglise de Constantinople, t. III, col. iSo^-iSig.

III. Sin LA TUBOLOGIE DB l’EGLISE GRECQUE ET LES DIVERGENCES DOC.MATKjrKS E-NTUE LES UEUX EGLISES.

— I. Théologie symbolique. — Schelstrate, Acta orientalis ICcclesiæ contra Lutheri hæresim, Rome, 1 739 ; J. Kinimel, /.ihri symtjolici Ecclesiæ orientalis, léna, 1843 (texte grec avec traduction latine) ; E. Me Soloras, ^jyto/ur, rr, i àpOzSc^OJ ÔyOfTc’My.Ki’E^y/r.7lV-i,

Athènes, 1883, t. I, avec supplément ; J. Michalcescu, Die Bekenntnisse und die nichtigsten Glaul’iiiszeugnisse der griechisch-orientalischen Kirche. Leipzig, 1904. On trouvera des commentaires sur les confessions de foi dans les livres suivants : V. Gass, Symiiolili der griechischen Kirche, Berlin, 1872 ; F. Kaltenbuscli, Lehrbuch der vergleichenden Confessionskunde, Fribourg en-Brisgau, 1892. 1. 1 ; S. Nikitskii, /.a foi de l’iiglise orthodoxe orientale gréco-russe d’après ses livres symboliques. Moscou, 1899-1900, 2 vol. (en russe). La confession de foi de Chrysanthe, approuvée par le synode de Constantinople, en 172^, 3 été publiée par le P. L. Petit, dans la collection des conciles de Mausi, t. XXXVII, col. 887-910 (texte grec et traduction latine). Voir dans le même tome, col. 369-624, d’autres professions de foi otlicielles émises à l’occasion des tentatives d’union avec la secte anglicane des jVohjureurs. de 1716a 1726. Cf. l’article du P. L. Petit, Entre Anglicans et Orthodo.res, Echos d’Orient, t. VIII (1905), p. 321 et suiv.

2. Dogmatique. — Macaire, Introduction à la théologie orthodo.re (traduite en français par un russe), Paris, 1867 ; du même. Théologie dogmatique orthodo.re, Paris, iS.’ig, 2 vol. On trouve dans le premier volume un aperçu historique sur la théologieorthodoxe.Sil’on veutdes renseignements détaillés sur les productions théologiques des Russes durant le xix* siècle, on peut consulter l’Index des livres et brochures russes sur les sciences théologiques publiés de 1801 à 188S, Moscou, 1891, ou le Catalogue annuel des livres ecclésiastiques et autres de la Librairie Touzov, à Pétersbourg. On trouvera aussi d’amples renseignements bibliographiques dans Palmieri, /.a Chiesa russa, le sue l’dierne condizionie il suo riformismo dottrinale, Florence, 1908, chap. viii, p. 541-671, dans la Tlicologia dogmatica orthodoxa ad lumen catholicæ doctrinae examinata et d iscussa, t.I, Florence, 191 i, du même auteur. Ce dernier ouvrage étudie, entre autres choses, l’histoire et la valeur des confessions de foi or//io(/oj ; ps et parle des divers manuels de théologie orthodoxe : C..

droutsos, Ai/, a-/-i^^ -r, i

îjîfls’îîlov’i'-j-rwinvii if/’ir.zC-j :.,.-Vlhènes, 1907. Sur cet ouvrage, voir Echos d’Orient, t. XI, mai et juillet 1908, Une nouvelle dogmatique orthodoxe, par M. Jugie ; Zikos Rosis, S-.>Tr/ ; , ua ù’y/u.y.- : af, i t^ ; « * ; Ôo ;  ; j

za.Sî/izi ;  ; i/y’ir, 71yi, Athènes, I go3 (incomplet) ; D. P. de Meester, Etudes sur la théologie orthodoxe, série d’articles parus dans la Kevue bénédictine depuis 1906 et publiés à part en 191 1.

La revue Slavorum litteræ tlieologicae, Prague (depuis 1905), est une mine de renseignements précieux sur la théologie orthodoxe. Elle rend compte de tous les travaux thcidogiques des Slaves et publie des articles sur les questions controversées. D. Kyriakos, Das System der autokephalen, selbstiindigen orthodoxen Kirchen, dans Revue Internationale de Théologie, t. X, 1902, p. 90-115, 278-286. // concetto délia costituzione delta Chiesa, seconda gli orthodossi, dans le Bessarione, Vll’année, 1902, vol. II de la seconde série, p. 1-18 ; V.Ouspenskij, La question de l’évolution du dogme, ia.niila Lecture chrétienne (revue russe), 1904, t. II, p. 597-C12, 757-786 ; M. Jugie, Histoire du canon de l’Ancien, Testament dans l Eglise grecque et l’Eglise russe, Paris, 1909 ; B. Matulewicz, Doctrina liussorum de statu justitiæ originalis, Cracovie, 1908 ; Gagarin, L’Eglise russe et l’Immaculée Conception, Paris, 1876 ; S. Pétridès. L’Immaculée Conception et les Grecs modernes, dans Echos d’Orient, t. VIII (1905), p. 257-270 ;.. V. Maltzew, Die Sacramente der orlhodox-halholisclien Kirche des Morgenlandes, Berlin, 1898 ; L. Petit, L’entrée des catholiques dans l’Eglise orthodoxe, dans Echos d’Orient, t. II (1898), p. 129 et suiv. ; du wièiue. Abjuration pour entrer dans l’Eglise ortliodoxe, dans le Dictionnaire de tliéologie catholique, t. I, col. 76-go ; A. Palmieri, La rebaplisation des Latins chez les Grecs, dans la Revue de l’Orient chrétien, t. VII (1902), p. 618-646, t. Vin, p. 111-182 (travail resté inachevé) ; L. Petit, Documents sur la rebnptisation, dans Mansi, t. XXXVIII, col. 575-684 ; M. Jugie, La reconfirmation des apostats dans l’Eglise gréco-russe, dans Echos d’Orient, t. IX (1906), p. 65-76 ; du même, La peine temporelle due au péché d’apri^s les théologiens orthodo.res, ibid., p. 821-880 ; G. Jacquemier, L’Extrême-Onction chez les Grecs, dans Echos d’Orient, t. II (1898), p. 198 et suiv. ; J.Kern, Zur Controverse der kathoUschen und griechiscli-ortliodoxen Theologcn itberdas Subjecl der heiligen Œlung, Inspruck, igo6 ; Theotokas, ’Scuo’/cyiv. zcO 5/’5^ « £vt)îij ::y.zpiv.py_u^’j, Constantinople, 1897, p. 249-296 (sur les causes de divorce) ; E. Evrard, Mariage mi.vte et divorce en Russie, dans la Revue Augustinienne, t. VI (1906), p. 869886 ; V. Loch, Das Dognia der griechischen Kirche vom Purgatorium, Ratisbonne, 1842 ; C. Dyovouniotis, H tn^r, /j-’j.z-zv.zn, rSiv’W/Cn,.thènes, 1904 ; Perpétuité de la foide l’Eglise catholique sur l Eucharistie, éd. Migne, 184 ! , t. III, col. 657-1 160 (sur les sacrements et les lins dernières, d’après les théologiens orthodoxes").

3. Polémique orthodoxe. ~- Les ouvrages grecs sur les questions controversées sont innombrables. On trouvera des indications suflisantes pour la période byzantine dans Krumbaclier, Geschichte der byzantinischen Litleratur, 2* édit., Munich, 1897, et pour la période suivante, dans Ph. Meyer, Die theotogische Litteratur der griechischen Kirche im tljJahrhundert, Leijjzig, 1899 ; dans E. Legrand, Liibliographie hellénique aux XV’et XVI" siècles, 3 vol., Paris, 1885-1908 ; Hibliographic hellénique au XVH’siècle, 5 vol., Paris, 1894-1908, dans P. Vretos, ’Ss^O/rrjtf.r, fùoioy’y, 2 vol., Athènes, 18541867 ; K. Sathas, Ss’.ty/r.jtxr, -.ù’^y/iv., Athènes, 1868 ; A. Demetrakopoulos, O^Scôîfî ; ’E/vy ; , Leipzig, 1868. De nos jours, les divergences entre les deux Eglises sont étudiées dans des ouvrages spéciaux que les Grecs appellent Symboliques et les Russes ThéoSSô

GRECS RELIGION DES)

396

logies polémiques. En voici quelques-uns : E.Meso loras, — jyCi/i// ; -r ?, ^ ir/J^^o^cu « varc/ix-^^ ïy : /./r.- : iv.z. Atliè nes, igoi-1904 (deuxième partie) ; C. Androutsos, "Zjuiwi/f. i- ir.iiv^i ocôîâsliv, Athènes, 1901 ; E. Ouspenskij, Théologie polémique, 3’édit., Péleisbourg, 1895 (en russe) ; J. Trouskovskij, Manuel de théologie polémique, 1’cdit., Mogliilev sur le Dnieper, 1 889 (en russe) ;

4. Apologétique catholique. — Sur eliacun des dogmes attaqués parles Orthodoxes, voir les divers traités de théologie et les dictionnaires de tliéologie catholique. Nous indiquons seulement ici quelques ouvrages se plaçant directement au point de vue de la controverse avec les schismatiques. J. B. Franzelin, Examen doctiinæ Macarii Bulga/.oii’de processione Spiritus Sancti, 2’éd., Prati, 189^ ; Th.de Hégnon, Eludes de théologie positii-e sur la sainte Trinité, t. IV, Dogmatique grecque du Saint-Esprit, PaTU, <^8. Ces belles études utilisent d’une manière originale les textes patristiques réunis par Petau, De tlieolugicis dogmatihus, t. II, De Trinitate, lib. VU et VIII, pp. 262-486 de l’édition d’Anvers, 1 "oo : V. de Buck, Essai de conciliation sur le dogme de la procession du Saint-Esprit.’[larn dans les Etudes de théologie. 185^, n" 2. Sur l’origine du Filioque, voir l’article d’E. Mangenot : Origine espagnole du Filioque dans la Haue de l’Orient chrétien, l. X(1906). p. 92-101 ; C. Tondini, /.e pape de Rome et les papes de l’Eglise orthodoxe, Paris, 1876 ; du même, la primauté de saint Pierre prouvée par les titres que lui donne l’Eglise russe dans sa liturgie, Paris, 18C7 ; J. Gagarin, /, (( primauté de saint Pierre et les livres liturgiques de l’Eglise russe, Paris. 1863 : Vl.Solovief. /.a liussie et l’Eglise universelle ; liv. II : /.a monarchie ecclésiastique fondée par Jésus-Christ, pp. 8--202, Paris, 1889 ; P. de Meester, Le dogme de l’Immaculée conception et la doctrine de l’Eglise grecque, Paris, 1^06 ; X.Marini, l.’Immacolata concezione di Maria J’ergine et la Chicsa ortliodossa dissidente, Katne, 1908 ; P. Areudius. De concordia Ecclesiæ orientalis et occidentalis in septem sacra mentorum ad ministratione, Paris, 1672. Sur les Azymes se référer à l’article de J. Parisot, Azyme, dans le Dictionnaire de Vacant-Mangenot. t. I, col. 2653-2064 ; V. de Buck, Essai de conciliation sur le dogme de la vie future, paru dans les Etudes de théologie, 1858 ; M. Lequien, Dissertationes Damascenicæ : I, De processione Spiritus sancti ; Y, De Purgntorio : VI, De Azymis, dans Migne, P. C, t. XCIV.eol. igî. 350, 367.

Les divergences dogmatiques sont encore étudiées dans les ouvrages suivants : J. Rozaven, l’Eglise catholique justifiée contre tes attaques d’un écrivain qui se dit orthodoxc(Stourdza), Paris, 1822 ; nomelle édition abrégée et remaniée par le prince Augustin Galitzin, sous ce titre : De la réunion de l’Eglise russe avec l’Eglise catholique. Paris, 1864 ; f.a question religieuse en Orient, réfutation d’un écrit intitulé : Paroles de l’orthodoxie catholique au catholicisme romain (Extrait de la Civilta cattolica). Paris, 1854 ; A. Tilloy, l.esEglises orientales dissidentes et l’Eglise romaine, Paris. 1889 : J. B.Rliom, Controverse d’un théologien catholique romain avec un théologien orthodo.re schisinatique (traduit de l’allemand par E. Ommer). Bruxelles, 1896. L’encyclique du patriarche. thimeVII.

publiée en 1895, a été réfutée par plusieurs théologiens catholiques, entre autres par S. Brandi, De l’union des Eglises, Rome 1896 ; par J. B. Bauer, Argumenta contra orientalem Ecclesiam ejusque synodicam encyclicam, Inspruck, 1897 ; le même ouvrage en grec, Syra, 1899 ; par M. Malatakis. Dépense à la lettre patriarcale et synodale de

l’Eglise de Conslantinople sur les divergences qui divisent les deux Eglises. Gonstantinople, 1890(traduit par l’auteur de l’original grec. Conslantinople, 18y5) ; j)ar F. Tournebize, L’Eglise grecque-orthodoxe et l’union, 2" partie. Paris, 1900 (coll. , ’<cience et religion). Le problème de l’union est étudié par le P. Michel (des Pères Blancs) dans J.’Orient et Home, Paris, iSg.’i, et surtout par les Acta prinii conventus Velehradensis Tlieologorum commerça studiorum inter Occidentem et Orientent ciipidorum, Prague. 1908 ; C. Charon, l.e quinzième centenaire de saint Jeun Chrysostome, Rome, 190g.

M. JUGIB.