Description historique et géographique de l’Indostan/Introduction/6

DIVISION
ACTUELLE DE L’INDOSTAN.

Après avoir donné une idée générale de l’ancienne division de l’Inde, je vais essayer de faire connaître sa division actuelle, sous le rapport des états principaux ou des puissances qui se sont montrées sur la scène politique, depuis que l’Angleterre a acquis son influence dans ces contrées.

Les Anglais possèdent en pleine souveraineté tout le Soubah du Bengale, et la plus grande partie du Bahar ; je dis la plus grande partie, parce qu’il paraît que quelques petits Purgunnahs au sud-ouest du petit Nagpour, appartenant autrefois au Bahar, sont aujourd’hui au pouvoir des Marattes[1]. Dans l’Orissa, ils ne possèdent que les districts de Midnapour, le reste étant entre les mains des Marattes et de leurs tributaires. Ces possessions contiennent environ 150,000 milles quarrés d’Angleterre. Si nous y ajoutons le district de Bénarès, nous formerons un total de 162,000 milles[2], c’est-à-dire un territoire de 30,000 milles de plus que n’en contiennent la Grande-Bretagne et l’Irlande, et près d’onze millions d’habitans. Le revenu total, y compris celui de Benarès, est aujourd’hui d’environ 287 lacks de roupies que l’on peut évaluer à 3,050,000 livres sterling. On a compris dans ce calcul toutes les branches de revenus, telles que les produits du sel, de l’opium, des douanes, etc. ; déduction faite des frais de perception, et du salaire donné au Nabab du Bengale, car le revenu brut est de 3,790,000 livres sterling. Le subside que l’on tire du Nabad d’Oude n’y est pas compris[3]. La situation naturelle du Bengale met ce pays à l’abri des attaques d’ennemis étrangers. Au nord et à l’est, il n’a point à craindre de voisins belliqueux, et d’ailleurs il est défendu de ce côté par une barrière formidable de montagnes, de rivières ou de landes immenses qui arrêteraient un ennemi. Au sud, il a pour boulevard, des côtes maritimes que des bas-fonds rendent inabordables, et où, dans une étendue de trois cents milles, ne se trouve qu’un port, d’un accès même très-difficile ; ajoutez que ces côtes sont encore bordées de forêts impénétrables. C’est du côté de l’ouest seulement que le Bengale pourrait craindre quelque attaque, et même sa barrière naturelle est-elle encore assez forte. Avec sa population, ses ressources et la proportion ordinaire de troupes anglaises[4] ajoutées aux Cipayes, le Bengale peut résister à toutes les puissances de cette partie de l’Indostan, qui voudraient l’attaquer. Dans le cas même d’une invasion, le pays au-delà du Gange n’aurait pas à redouter les ravages de la guerre, et pourrait contribuer à la défense générale. Mais avec nos revenus, il est probable que nous serons toujours maîtres de choisir le théâtre de la guerre.

Le dernier Nabab d’Oude, Sujah Dowlah, possédait tout le Soubah de ce nom, et la plus grande partie d’Allahabad, lorsqu’il devint pour la première fois un allié de la compagnie anglaise des Indes orientales. Il ajouta depuis à ses possessions, en 1774, la partie orientale de Delhi et d’Agra, jusqu’alors au pouvoir de la tribu des Rohillas Afghan, et des Jats. La Zemindarie de Bénarès qui comprend aussi les Circars de Gazypour et de Chunar, faisait partie des domaines d’Oude, jusqu’en l’année 1775, époque où son tribut de vingt-quatre lacks, porté depuis à quarante, fut cédé aux Anglais. Cette Zemindarie, possédée en dernier lieu par Cheet Sing, occupe la partie principale de l’espace qui se trouve entre Bahar et Oude, tellement que le territoire d’Oude n’est contigu au Bahar que par une portion très-peu étendue au nord-ouest.

Le territoire d’Oude s’étend des deux côtés du Gange, et occupe, à l’exception du district de Rampour que possède Fizoola Cawn, tout le plat-pays situé entre le fleuve et les montagnes du nord, ainsi que la partie principale de la fertile contrée de Dooab[5], entre le Gange et la Jumnah, jusqu’à quarante milles de Delhi. En un mot, l’Angleterre, ses alliés et ses tributaires sont en possession de tout le cours du Gange, depuis son entrée dans les plaines jusqu’à la mer ; ce qui, à raison des sinuosités, offre un cours de 1350 milles, mesure d’Angleterre.

On peut évaluer à 360 milles anglais Oude et ses dépendances, dans leur longueur de l’est à l’ouest, et en largeur à 150 ou 180 milles. Leur surface est un tiers de celle des provinces du Bengale. Elles sont l’une à l’autre dans la proportion de 53 à 162. En général, tout le territoire est une plaine continue qui fait suite à l’immense vallée au milieu de laquelle le Gange et ses branches prennent leur cours. C’est d’ailleurs le centre de l’ancien royaume ou empire des Prasii. La capitale est Lucknow, ville située sur la Goomty, à environ 650 milles de Calcutta.

Le Nabab d’Oude actuel, Azuph Dowlah, a succédé à son père, Sujah Dowlah, en 1775. C’est un allié de la puissance britannique. Une brigade de l’armée du Bengale est constatamment placée sur sa frontière occidentale, pour défendre Oude et le Bengale en même-temps, et tenir en respect les provinces de l’ouest. Cette brigade est à 100 milles au-delà de Lucknow. Le Nabab d’Oude en paie tous les frais, moyennant une somme convenue, sous le nom de subside.

On évalue à environ deux millions et demi sterling le revenu des domaines de la Nababie d’Oude ; mais il faut faire observer que les nouvelles acquisitions de Rohilcund, de Gorah, et d’autres parties du Dooab, entrent pour plus d’un million dans ce produit. L’état militaire, y compris les percepteurs des revenus, est formé de 50 à 60 mille hommes ; mais fort peu méritent le nom de troupes réglées.

Fizoolah Cawn, chef Rohilla, possède le district de Rampour, au pied des montagnes du nord, et quoique son territoire soit enclavé dans Rohilcund, le traité de Loldong, en 1774, lui en garantit la propriété. On en évalue le revenu annuel à 30 lacks de roupies[6] ; mais à proprement parler, ce Rohilla n’est qu’un tributaire d’Oude, puisqu’il est obligé de contribuer au paiement des troupes chargées de la défense commune.

Près de la rive occidentale du Gange, et au milieu du territoire d’Oude, est un petit district appartenant à un chef de la tribu des Rohillas-Patans. Le chef-lieu de ce district, Furruckabad, lui donne son nom ; et il a d’étendue un peu plus de trente milles.

Au sud-ouest de la Jumnah, et séparé de cette rivière par un espace étroit de pays-bas, est le territoire nommé Bundela, ou Bundelcund, habité par une tribu de Rajpoots que l’on regarde comme inférieurs à leurs frères d’Agimère. Bundelcund est environné des domaines d’Oude, de Benarès et des Marattes. Ce pays était autrefois soumis à un Rajah du nom d’Hindooput ; mais aujourd’hui il est partagé entre ses fils ou leurs descendans. C’est une contrée montagneuse de plus de 100 milles quarrés. On y trouve les fameuses mines de diamans de Panna[7] ou Purna, et quelques places fortes, dont Callinger est la principale. Les Marattes y font souvent des incursions. Madajee Sindia l’a attaquée dernièrement, et comme il n’a pu se rendre maître des principales forteresses, il a abandonné tout le pays ouvert. Les anciennes limites de Bundelcund étaient plus reculées que celles d’aujourd’hui ; elles s’étendaient beaucoup plus loin vers la Nerbuddah. Chatterpour en est la capitale.

Le territoire d’Adjidsing est contigu à Bundelcund à l’ouest ; il touche au pays des Marattes au sud et au sud-ouest, et à l’est à la province de Benarès. Son étendue, en y comprenant quelques Zemindaries tributaires au sud-ouest, est à-peu-près égale à celle de Bundelcund, et ces deux territoires sont également exposés aux incursions des Marattes. Rewah ou Rooah passe pour la capitale. Elle est située sur la grande route, entre Benarès et Nagpour. Nous n’avons qu’une connaissance très-imparfaite de la géographie de ce pays dont les limites ne sont pas bien déterminées. La rivière de Soane le traverse avant d’arriver à la province de Bahar.

Shah Aulum, le grand Mogol, ou empereur nominal, dont nous avons beaucoup parlé dans la partie historique de cette introduction, n’est aujourd’hui qu’un pensionnaire, entre les mains de Madajee Sindia qui, cependant, lui donne une résidence à Delhi.

Les Jats, Jates ou Jetes étaient une tribu d’Indous qui, long-temps après la mort d’Aureng-Zeb, érigèrent une souveraineté dans les provinces d’Agra et de Delhi. Agra fut enfin la capitale qu’ils choisirent. Il paraît qu’ils ont possédé une étendue de pays d’environ 160 milles de longueur, et 50 de largeur, des deux côtés de la Junmah, depuis les environs de Gwalior, jusqu’au voisinage de Delhi. Le colonel Dow, en 1770, estimait leur revenu, peut-être avec exagération, à 200 lacks de roupies, et leurs forces à 60 ou 70,000 hommes. P. Wendell fait venir cette nation des pays situés entre les frontières sud-est du Moultan et de Gohud. Il est certain que Tamerlan fit la guerre à un peuple appelé les Getes, dans sa marche de Batnir à Samanah. Nudjuff Cawn chassa, il y a environ 14 ans, les Jats de tout le pays qu’ils occupaient, à l’exception du territoire de Bhartpour. Madajee Sindia dépouilla ensuite les successeurs de Nudjuff Cawn de ces conquêtes. Quoique sous Soorage Mull, il y a 20 ou 21 ans, cet état ait été un des plus florissans de l’Indostan, on peut dire aujourd’hui que les Jats ne peuvent plus exister comme nation. Runjet Sing, fils de Soorage Mull, ne possède plus que le fort de Bhartpour ou Burratpour, situé à environ 45 milles à l’ouest d’Agra, avec un petit territoire de 4 à 5 lacks de roupies de revenu. Le Rajah de Gohud est de la tribu des Jats, sans être parent de Runjet Sing.

Nudjuff Cawn, dont nous venons de parler, offre un exemple frappant de l’élévation soudaine et de la chûte aussi rapide des états modernes de l’Indostan. De la condition de petit Jaghiredar, et de commandant en chef de l’armée impériale, après le retour du Mogol à Delhi, en 1771, il devint, dans l’espace de 7 à 8 ans, possesseur d’un domaine produisant un revenu de 150 lacks de roupies, et il eut un état militaire, de 80,000 hommes de troupes de toute dénomination, dont vingt-trois bataillons de Cipayes disciplinés. Ses conquêtes s’étendirent sur les Jats, le Rajah de Jyenagur et celui de Macherry qui venait de soumettre une partie considérable du Mewat ; et en 1774, il était maître de la ville d’Agra. Quelques années après, il ne restait aucune trace de sa grandeur passée. Son empira finit, en quelque sorte, avec lui ; et Madajee Sindia en possède aujourd’hui la plus grande partie.

Le Mewat dont nous venons de parler, est un pays montagneux et couvert de bois, situé au sud-ouest de Delhi, et à l’ouest d’Agra ; il est contigu au pays-bas, le long de la rive occidentale de la Jumnah. Son étendue vers l’ouest, est d’environ 130 milles, et du nord au sud, il peut en avoir 90. Quoique cette contrée soit située dans le cœur de l’Indostan, à vingt-cinq milles de l’ancienne capitale, Delhi, les habitans ont toujours eu un caractère sauvage et brutal ; le vol et le brigandage sont leur principale occupation. Nous avons déjà parlé de la sévérité que l’on exerçait à leur égard dans le treizième siècle. À présent même, le Mewat est une pépinière si fameuse de voleurs et de brigands, que les chefs du Haut-Indostan salarient des Mewatti pour désoler les pays où ils font la guerre. Dans la division d’Acbar, le Mewat fait partie des Soubahs de Delhi et d’Agra ; mais la portion la plus considérable était renfermée dans le Soubah d’Agra. Le Mewat renferme plusieurs places fortes sur des montagnes escarpées ou inaccessibles, entre autres Alwar, ou Alvar, la citadelle du Rajah de Macherry. Il a souvent changé de maîtres pendant les querelles suscitées entre les Rajahs du pays ou Kanzadeh et les Jats, entre le Rajah de Joinagur, Nudjuff Cawn, et Madajee Sindia, et successivement entre ces différentes puissances. Sindia en a soumis la plus grande partie.

Au nord du Mewat, et vers ses limites orientales, à vingt-quatre milles de Delhi, est un pays de 80 ou 90 milles de longueur, et de 30 à 40 de largeur, nommé le petit Ballogistan : son ancien nom indou était Nardeck. Dans le cours de ce siècle, et probablement depuis la chûte rapide de l’empire Mogol, ce territoire fut envahi par les Balloges ou Balloches qui habitent la rive occidentale de l’Indus, du côté opposé au Moultan. On en trouve aussi quelques tribus dans le Makran. Ils passent pour une race d’hommes sauvages et cruels, faits pour être les voisins des Mewatti. Leur territoire est coupé par des ravins, et d’un accès très-difficile ; cependant il a subi le sort des contrées voisines ; et ce peuple a été successivement tributaire de Nidjib Dowlah, chef Rohilla, des Jats et de Nudjuff Cawn. À l’ouest, ce pays est limitrophe de celui des Seiks.

Le territoire que possédait originairement Nidjib Dowlah, Rohilla Afghan, appartient aujourd’hui, en partie, à son petit-fils Golam Cawdir ; son fils Zabeta Cawn étant mort à la fin de 1784, ou au commencement de 1785. Ce territoire occupe la partie supérieure du Dooab, vers les monts Sewalick. Il formait principalement le Circar de Sehaurunpour, dans la division de l’empire par Acbar, et n’excédait pas 100 milles en longueur, et 75 en largeur. Les possessions primitives de Nidjib Dowlah comprenaient aussi le pays de Sirhind, à l’ouest de la Jumnah, et les districts qui environnent la ville de Delhi ; mais les Seiks ont non seulement morcelé la partie occidentale, et envahi les bords de la Jumnah ; ils étendent même leur pillage dans le Sehaurunpour, et jusqu’aux rives du Gange. Sindia s’étant aussi emparé d’une portion du territoire au sud, il est très-probable que ce pays ne formera pas encore long-temps un état séparé.

On peut regarder les Seiks comme le peuple le plus occidental de l’Indostan ; car le roi de Candahar ne possède qu’un très-petit territoire à l’est de l’Indus. Nous avons déjà parlé des progrès des Seiks, comme nation ; et depuis la chute de l’empire Mogol, ils ont acquis d’immenses domaines. Il ne faut pas, cependant, évaluer leur pouvoir sur l’étendue de leurs possessions, puisqu’ils ne forment pas un état indivisible, mais que leur gouvernement intérieur se compose d’une infinité de petits états, indépendans les uns des autres, et liés entre eux seulement par un pacte fédératif. Les Seiks ont depuis peu étendu très-rapidement leur territoire au sud-ouest, c’est-à-dire, dans la province de Delhi ; et les Zemindars de cette contrée se sont mis sous leur protection pour se soustraire au gouvernement oppressif de leurs anciens maîtres. Il est certain que les Seiks ont reculé leurs limites orientales jusqu’à la Jumnah, au-dessus de Delhi, et jusque près de cette ville ; car nous avons déjà remarqué que le territoire de Sehaurunpeur qui en est voisin, se trouve exposé à leurs déprédations ; peut-être même est-il aujourd’hui entièrement leur tributaire. Ils font aussi des excursions jusqu’aux bords du Gange. Au sud, ils sont bornés par l’extrémité septentrionale du désert sablonneux de Registan ; et au sud-ouest, leurs domaines sont contigus à ceux de Sindi ou Tatta, à la ville de Behker ou Bhakor, sur l’Indus. À l’ouest, ils ont pour limites l’Indus, en remontant jusqu’à Attock, où commence le territoire du roi de Candahar. Les chaînes de montagnes situées vers le Thibet et Cachemire leur servent de bornes au nord. Ainsi ils possèdent tout le Soubah ou province de Lahore, la partie principale du Moultan et la partie occidentale de Delhi ; ce qui forme une étendue d’environ 400 milles du nord-ouest au sud-ouest, et de 150 à 200 milles de largeur, en général : quoique dans la partie située entre Attock et Behker (le long de l’Indus), l’étendue est au moins de 320 milles. La ville capitale des Seiks est Lahore. Nous connaissons fort peu leur gouvernement intérieur ; mais on assure qu’il est fort doux. Leur manière de faire la guerre est sans contredit sauvage et cruelle. Ils n’ont, pour ainsi dire, que de la cavalerie, et l’on dit qu’ils peuvent en mettre en campagne une armée de cent mille hommes. Il est heureux pour les habitans du pays d’Oude d’avoir le Gange pour barrière entre eux et cette armée de pillards. Abdalla avait coutume de traverser le territoire des Seiks, lorsque, pendant les années 1760 et 1761, il allait visiter Delhi : il en méditait même la conquête ; mais il est probable qu’aujourd’hui, vu la force qu’ont acquise les Seiks, un roi de Candahar n’essayerait ni de traverser ni de conquérir leur pays. On disait, il n’y a pas long-temps, que les Seiks vivaient en bonne intelligence avec Timur Shah de Candahar, et qu’ils étaient disposés à permettre à son armée de passer sur leurs terres. Ce bruit n’est pas probable, parce qu’une armée indienne, soit qu’elle pénètre dans une contrée, comme ennemie ou comme amie, n’y porte pas moins la désolation.

Timur Shah (le successeur d’Ahmed Abdalla, dernier roi de Candahar, Korasan, etc. mort vers l’année 1773) ne possède plus dans l’Indostan que le pays de Cachemire, et quelques autres districts peu considérables près de la rive orientale de l’Indus, au-dessus de la ville d’Attock. Nous parlerons de l’étendue du royaume de Candahar, dans la troisième section de cet Ouvrage ; mais nous pouvons dire ici que le fondateur de ce royaume, Ahmed Abdalla, était originairement le chef ou prince des Abdalli, tribu d’Afghans nommée Abdal. Nadir Shah le dépouilla de cette propriété, et il fut forcé de se joindre à l’armée des Perses, en 1739. À la mort de Nadir, il reparut tout-à-coup au milieu de ses anciens sujets, et en peu de temps il parvint à se former un royaume considérable dans la partie orientale de la Perse, en y ajoutant plusieurs provinces indiennes que le Mogol avait cédées à Nadir Shah. On assure qu’Abdalla était devenu un des premiers officiers de l’armée des Perses, et qu’en raison de son emploi, il avait entre ses mains des sommes immenses, et qu’à la mort de Nadir il se servit de ces trésors pour acheter une partie de l’armée. Il établit sa capitale à Cabul, au pied du Caucase indien. À en juger par la relation de monsieur Forster qui traversa les états de Timur Shah, en 1783, ses sujets vivent sous un gouvernement aussi doux que peut l’être un gouvernement asiatique. Je n’ai aucuns renseignemens certains sur les revenus et les forces militaires du Candahar. On prétend que son état militaire est de deux cents mille hommes. Ahmed Abdalla avait une infanterie disciplinée, portant des habits de la même étoffe que les Cipayes à la solde de l’Angleterre. C’étaient même les manufactures anglaises qui fournissaient le drap. On l’envoyait à Cabul par le Sindy, et en remontant l’Indus ; mais cette branche de commerce n’existe plus depuis long-temps.

La province de Sindy, ou le pays situé des deux côtés de l’Indus inférieur[8], est soumise à un prince Mahométan tributaire du roi de Candahar. Le Sindy était une des provinces cédées à Nadir Shah, en 1739, par Mahomed Shah. Quoique ce pays appartienne proprement à l’Indostan, il en est tellement détaché par de vastes déserts de sable, qu’il ne prend aucune part à ses affaires politiques. Nous renvoyons le lecteur à la Section IIIe. où nous parlerons, de cette province.

Le Cutch, au sud-est du Sindy, et la partie occidentale de la presqu’île de Guzerat, sont gouvernés par des Rajahs du pays, et ne paraissent pas avoir éprouvé beaucoup de changemens des dernières révolutions de l’Indostan. Le Cutch n’est pas seulement une contrée stérile, la nature l’a encore trop bien fortifiée, pour que l’attaque en soit facile. La partie occidentale du Guzerat est hérissée de montagnes, couverte de bois, et habitée par un peuple sauvage et guerrier. Sous ce double rapport, les armées des Marattes ne peuvent y faire de progrès.

Les Marattes, comme je l’ai déjà remarqué, forment deux empires ou états séparés ; celui du Poonah ou état occidental, et celui du Bérar, ou état oriental. Ces deux empires occupent toute la partie méridionale de l’Indostan-propre, avec une grande portion du Deccan. Le Malwa, Orissa, Candeish, Visiapour, les principales parties du Bérar, du Guzerat, d’Agimère, et une petite partie de Dowlatabad, d’Agra et d’Allahabad, sont compris dans ce vaste empire, qui s’étend d’une mer à l’autre, dans la plus grande largeur de la presqu’île, et des confins d’Agra au nord, jusqu’à la Kistnah, au sud ; ce qui forme un espace d’environ 1000 milles anglais de longueur sur 700 de largeur.

L’état occidental est partagé entre plusieurs chefs ou princes qui obéissent au Paishwah, à peu près comme les princes d’Allemagne sont dépendans de l’empereur. Quelquefois des intérêts opposés allument la guerre non seulement entre les membres de l’empire eux-mêmes, mais encore entre les membres et leur chef suprême. Il arrive rarement qu’ils se réunissent, à moins que ce ne soit pour leur défense mutuelle : des conquêtes étrangères, ou l’espoir du pillage ne suffiraient pas pour les déterminer à réunir leurs forces.

Je n’ai pu me procurer assez de renseignemens pour faire connaître d’une manière précise les possessions respectives des différens chefs qui composent l’empire des Marattes ; je me contenterai donc de parler des principaux, appelés communément Jaghiredars ou Teneurs de Jaghires[9].

Le Paishwah, ou chef nominal de l’état occidental, réside à Poonah, ville située à l’extrémité sud-ouest de l’Empire, et à 100 milles environ de Bombay. Il y a trois principaux Jaghiredars au nord de Poonah, et deux au sud ; les premiers sont Madajee Sindia, Tuckajee Holkar, et Futty Sing Gwicuai ; les autres, Purseram Bow, et Rastah. On connaît ce dernier sous le titre de Meritch Wallah (ou homme de Meritch) du nom de la capitale[10] où il résidait avant la conquête qu’en fit Hyder Ally.

Avant de faire connaître avec quelques détails les différentes sous-divisions des diverses provinces, je crois devoir faire observer que les propriétés des Marattes ont été partagées entre les chefs, dans quelques endroits, de la manière la plus confuse et la plus compliquée. Il est arrivé que les Purgunnahs ou grandes divisions de provinces, ont non seulement été soumis à trois puissances différentes, mais que les revenus des villages particuliers l’ont été de même : aussi voit-on chaque propriétaire y entretenir des officiers pour percevoir la portion des revenus qui lui appartient[11].

La province de Malwa, une des plus étendues, des plus élevées et des plus variées de l’Indostan, est divisée entre les Paishwah Sindia et Holkar. Il en est de même de la petite Soubabie de Candeish qui lui est contigue au sud, et qui contient la belle ville de Burhanpour dont est possesseur Sindia.

Les Marattes ne possèdent qu’une partie de la province d’Agimère, et cette partie est aujourd’hui toute entière entre les mains de Sindia. On ne parle ici que de l’Agimère-propre, et non de toute la Soubabie de ce nom, telle qu’on en trouve la description géographique dans l’Ayin Acbaree, puisque les trois grandes principautés des Rajpoots, Oudipour, Joodpour et Joinagur, ainsi que Rantampour y sont renfermées. Ces principautés rajpootes dont nous parlerons plus en détail, ont été long-temps tributaires des Marattes ; et aujourd’hui, par l’ascendant de Sindia et l’excellence de leur situation, elles emploient à leur propre usage tout le tribut qu’elles payaient aux Marattes.

La partie la plus belle et la plus étendue du Guzerat appartient au Paishwah et à Futty Sing Gwicuar ou Gwicker ; celui-ci possède principalement la portion la plus septentrionale.

Les provinces au sud de Poonah sont divisées entre le Paishwah et les Jaghiredars Purseram Bow et Rastah. Cette partie de la contrée est si peu connue en Europe, que la place qu’elle occupe sur la carte géographique est en blanc. Il me serait difficile de déterminer les frontières communes aux Marattes et à Tippoo dans ce pays.

Le Paishwah, ou ses représentans, possède aussi quelques autres districts dans la partie nord-est et est du Malwa, etc. ; car le territoire du Poonah, ou celui de ses Jaghiredars se termine à la rivière de Jumnah, vis-à-vis Calpy, et s’étend aussi le long de la rive septentrionale de la Nerbudda, presque jusqu’à sa source, en gagnant sur le sud-ouest de Bundelcund, selon ses anciennes limites. C’est aussi dans cette partie que sont situés les districts de Sagur et de Mundella. Il paraît que les territoires dépendans du Poonah sont séparés, ou plutôt isolés, d’une manière extraordinaire. Cette circonstance seule doit influer sur la politique intérieure et extérieure de cet état, puisque les Jaghiredars puissans ont la facilité de convertir à leur usage particulier la portion de revenus appartenant au gouvernement.

Il résulte de ce que l’on vient de dire, qu’il est impossible de distinguer sur la carte les différentes possessions du Paishwah, et celles de ses Jaghiredars. Tout ce que l’on peut faire, c’est de désigner chaque pays que possèdent en commun le Paishwah et les Jaghiredars particuliers. On sait que le Paishwah possède plus de domaines dans la partie occidentale du Deccan, que par-tout ailleurs. Ce pays est naturellement fortifié, sur-tout du côté occidental, vers la mer. Là est placée une étonnante chaîne de montagnes appelées les Gauts. Elle s’élève tout-à-coup du pays-bas nommé le Concan ou Cockun ; elle est disposée en forme de terrasses qui supportent des plaines fertiles et populeuses. Ces montagnes sont si hautes qu’elles rafraîchissent l’air qu’on respire dans cette contrée. Ce pays élevé ne se borne pas au territoire des Marattes ; il s’étend à travers la presqu’île jusqu’à l’extrémité méridionale de Mysore, et on l’appelle dans toute son étendue, Balla-Gaut, ce qui signifie littéralement les Gauts supérieurs, ou peut-être, pays situé au-dessus ou au-dessous des Gauts[12]. Dans la presqu’île on le nomme par opposition Payen-Gaut, ou Gauts inférieurs ; mais dans le Deccan, ce n’est qu’un nom propre qui n’a rien de corrélatif. Jamais dans le Deccan, je ne l’ai entendu nommer Payen-Gaut.

Il serait aussi difficile de déterminer la somme des revenus de cet état, que de fixer l’étendue des districts d’où on les tire. Les personnes les plus instruites et les mieux informées que j’ai eu occasion de consulter, n’osent prononcer. Un Indien a porté ce revenu à 12 crores de roupies, ou 12 millions sterling, et le produit net des recettes, déduction faite de celui des Jaghires, à cinq crores. Le même porte l’état militaire à deux cent mille hommes en campagne, tant infanterie que cavalerie, et à un nombre égal dans les garnisons. Un Européen qui a écrit sur cette matière ne porte le revenu net qu’à 7 crores. Si les provinces comprises dans cet état étaient taxées dans la même proportion que du temps d’Aureng-Zeb, le revenu net excéderait huit crores de roupies ou 8 millions sterling.

Sindia est sans contredit le plus puissant Jaghiredar du Poonah, et on doit le regarder comme un prince souverain. Depuis la paix des Marattes, en 1783, il a reculé ses frontières du Malwa vers la Jumnah, en envahissant tous les petits états, et notament celui de Gohad qui renferme la célèbre forteresse de Gwalior. Il a aussi porté ses armes au nord de Delhi, et dans les provinces de Mewat et de Jyenagur, soumettant à sa domination quelques forteresses et une vaste étendue de pays successivement occupé par les Jats et Nudjuff Cawn. Enfin, il possède la personne de l’empereur nominal du Mogol, et il jouit de tout ce que peut faire obtenir le nom seul de ce prince. Il paraît que les plans de Sindia embrassent trop d’objets à-la-fois ; car dernièrement ses troupes furent forcées de se retirer de Bundelcund où il était maître de la plus grande partie du pays découvert qu’il avait conquis récemment. Son but semble être d’étendre ses conquêtes au nord et à l’ouest ; mais le temps seul peut faire connaître s’il réussira à établir de ce côté un empire permanent. Les revenus de ses domaines héréditaires dans le Malwa ont été estimés un crore de roupies. On ne peut fixer la valeur de ses nouvelles acquisitions dans leur état actuel ; car les portions d’Agra, de Delhi, etc. dont il est maître, aujourd’hui, ont été si long-temps exposées au pillage des armées ennemies, que le revenu doit en être presque nul[13]. On évalue à 20 ou 30 lacks par an les revenus de Gohud, une de ces acquisitions. On croit que la partie du Malwa possédée par Holkar lui produit 80 lacks par an. La ville capitale de Sindia est Ougein, près de l’ancienne ville de Mundu, la capitale des rois Chilligi de Malwa ; et celle d’Holkar est Indore située à environ 20 coss sud ou sud-est d’Ougein.

Moodajee Boonslah ou Bonsola possède la partie principale du Bérar, avec la province d’Orissa[14]. Le reste du Bérar est au pouvoir du Nizam ou Soubah du Deccan qui paye à Moodajee le droit de Chout, ou le quart de son revenu. À l’ouest et au sud, les domaines du Bérar sont contigus ou mêlés à ceux du Nizam. Au nord-ouest et au nord, sont les provinces de Bopal, de Gurry-Mundella, etc. tributaires du Poonah, avec les territoires d’Adjid Sing. À l’est, le territoire de Nagpour est enfermé entre les possessions anglaises du Bengale et les Circars septentrionaux, de manière qu’il occupe environ 180 milles d’étendue près de la mer, et interrompt la continuité des possessions anglaises le long des côtes. Les domaines de Moodajee sont très-étendus ; ils ont de l’est à l’ouest 550 milles de longueur, mesure anglaise, et en quelques places, 200 du nord au sud. Il ne possède pas tout en pleine souveraineté ; Buttunpour et Sumbulpour ne sont, pour ainsi dire, que tributaires ; et c’est son frère Bembajee qui les gouverne. L’intérieur du Bérar nous est moins connu que beaucoup d’autres contrées de l’Indostan ; mais ce que nous en connaissons suffit pour nous faire conjecturer qu’il n’est ni riche ni peuplé. Nagpour en est la capitale actuelle, et la résidence de Moodajee. Cette ville est située à une égale distance du Bengale et de Bombay.

Cattack ou Cuttack, la capitale d’Orissa, est une place importante sur la rivière de Mahanuddy. Elle est sur la seule route qui conduise du Bengale aux Circars septentrionaux. Aux yeux du gouvernement du Bengale, la possession de cette ville et de ses dépendances donne au Rajah du Bérar plus d’importance, que la vaste étendue de ses domaines et sa position centrale dans l’Indostan ne pourraient lui en donner.

Nous avons déja dit que Moodajee est un des descendans de Sevajee, fondateur de l’empire maratte. On ne s’accorde pas sur le total de ses revenus. Les uns évaluent ce qu’il retire du Bérar à 80 lacks de roupies, et de Cattack à 24 ; d’autres prétendent qu’il n’a que 60 lacks de revenus en totalité. En supposant même qu’il ait un revenu de 108 lacks, c’est une puissance qui ne doit pas paraître formidable à l’Angleterre. Mais en portant même au-delà de la somme actuelle de son revenu, ses domaines sont trop étendus, en proportion de leur valeur, pour former un état puissant. Cattack est à une distance de 480 milles de Nagpour, la capitale. Il est bien prouvé que les causes de jalousie entre des états voisins, n’existent pas entre le Bengale et le Bérar. La partie du territoire du Bérar contiguë au Bengale, est, en général, un pays couvert de bois, et inhabité. Il en résulte que les limites des deux états sont réellement séparées par un espace qui ne peut être un objet d’ambition ni de querelles.

Tels sont les principaux pays auxquels les chefs des Marattes ont donné une forme de gouvernement ; mais ces peuples sont si habitués au pillage et à la rapine, que tous les états voisins ont successivement senti et reconnu leur pouvoir. Le Bengale et le Bahar furent soumis, pendant quelque temps, à un tribut régulier. Le Carnate, Mysore, les provinces du Nizam, le Dooab, Bundelcund et les parties méridionales de Delhi, ont été souvent dévastés. Plusieurs fois la soif du pillage les a conduits dans leurs excursions jusqu’à 1200 milles de leur capitale. Mais la perte de la bataille de Panniput, en 1761, a ralenti leurs entreprises militaires. Ils sont devenus plus circonspects ; et depuis cette époque, leur puissance semble sur son déclin. Chassés du Bengale, d’Oude, et du Carnate par les Anglais, et de Mysore, par Hyder-Ally, ils furent forcés de circonscrire le théâtre de leurs expéditions ; et leur dernière guerre avec la puissance Britannique a découvert leur faiblesse à tout l’Indostan.

Je n’ai pas recueilli des renseignemens assez certains pour entrer dans des détails sur les différentes provinces ou districts tributaires des Marattes. J’ai déjà parlé de quelques-unes, et, entre autres, des principautés Rajpootes du Soubah d’Agimère. Leur prépondérance dans la politique intérieure de l’Empire mogol, exige une attention particulière.

Au commencement du dix-huitième siècle, ces états, en les considérant collectivement, parurent si formidables au successeur d’Aureng-Zeb, qu’il fut forcé de les laisser jouir tranquillement de leur indépendance, pendant la sédition des Seiks dans la province de Lahore. Il est arrivé depuis ce temps de grands changemens ; car ce que les armées disciplinées d’Aureng-Zeb et de ses fils n’avaient pu faire, les Marattes, amis du pillage, l’ont exécuté, parce qu’il est plus facile de dévaster un pays que d’en faire la conquête. L’histoire de la chûte des principautés Rajpootes est étrangère à cet Ouvrage ; il suffit d’observer qu’elles sont réduites à un état d’abjection qu’elles doivent aux déprédations des Marattes. Ceux-ci, dont les forces consistent en cavalerie légère, accoutumés à se partager en une infinité de détachemens, se dispersent avec une rapidité surprenante, portent par-tout la désolation, et échappent aux attaques des habitans. Il faut convenir cependant que les ravages qu’ils exercent n’ont lieu que dans le plat pays, de la Rajpootana : les contrées montueuses sont encore à l’abri de leurs incursions.

La Rajpootana était divisée en trois grandes principautés, sous les dénominations d’Oudipour, Joodpour, et Ambeer ou Amere, que l’on connaît mieux aujourd’hui sous le nom de Joinagur ou Jyenagur. On nommait aussi Oudipour, Maywar ou Midwar, et Joodpour, Marwar. La division d’Acbar classait ces principautés dans la dépendance d’Agimère, appelé quelquefois Marwar. Les notions géographiques recueillies jusqu’à présent, ne permettent pas d’assigner avec précision les limites et les dimensions de ces principautés. Elles occupent l’espace qui se trouve entre les bornes occidentales d’Agra et la partie nord-est du Guzerat ; et entre le désert de sable (ou Régistan) et Malwa ; c’est-à-dire, une étendue de 330 milles d’Angleterre du nord-est au sud-ouest, et de 200 milles de largeur. On peut voir sur la carte leurs positions respectives et leurs dimensions comparatives. Jyenagur ou Jyepour est situé au nord-est ; Oudipour au sud-ouest, et Joodpour au nord-ouest, contigu aux deux autres par un angle. La notice manuscrite du père Wendel, d’où j’ai tiré quelques-unes des particularités que je viens de rapporter, évalue les revenus d’Oudipour à 10 lacks de roupies, ceux de Marwar à 40, et de Jyenagur à 40, en l’année 1779[15]. Les deux premiers états sont très-montueux, et le sol des vallées est sablonneux. Le troisième est le plus fertile. Au milieu de ce siècle, ce pays était très-florissant, sous le gouvernement du célèbre Rajah Jyesing ou Jessing, qui fonda la nouvelle capitale de Jyepour. Contre l’usage de l’Indostan, cette capitale a donné son nom à la province, au lieu de recevoir le sien. Le père Wendel parle de Jyepour comme d’une place riche et commerçante, en 1779. Elle était alors l’entrepôt des marchandises que l’on y portait des différentes parties de l’Inde. Le Rajah y avait fait bâtir un observatoire, et en 1734, il invita le père Boudier à y faire des observations astronomiques. Il est à craindre que les troubles qui désolèrent si long-temps cette province, n’aient fait perdre à la capitale de sa richesse et de son importance. Nous avons vu que Sindia reçoit les tributs des trois provinces Rajpootes, qu’il les emploie à son usage particulier, et qu’il fait dans ce pays des conquêtes considérables, sur-tout dans le Jyenagur.

Il est probable qu’autrefois la Rajpootana formait un seul royaume ou empire, sous le Rana ou prince d’Oudipour, qui de tout temps a été considéré comme le chef des états Rajpoots. Un hommage rendu à un prince de temps immémorial, par d’autres qui d’ailleurs ne reconnaissent en lui aucune supériorité, semble prouver l’existence d’un pouvoir réel dans les mains de ses ancêtres. Il semble que dans les temps modernes on ait considéré, sous quelques rapports, le Rana d’Oudipour comme l’était le chef des Amphyctions dans la Grèce. Cheitore était l’ancienne capitale du Rana, place très-célèbre par sa force, ses richesses et son antiquité, lorsqu’elle fut prise et pillée par Acbar, en 1567. Oudipour est la capitale actuelle.

Ce n’est pas seulement dans le pays dont nous venons de parler, ni même dans la soubabie d’Agimère, que se trouvent exclusivement des Rajpoots ; quelques-unes de leurs tribus inférieures sont établies dans Bundelcund et dans Gurry-Mundella. D’autres, selon Thevenot, sont dans le Moultan : il est vrai qu’il regarde le Moultan comme le pays originaire des Kuttries dont les Rajpoots sont descendans.

Nous ne connaissons des contrées de Nagore, Bickaneer, Jasselmère et autres contigues au pays-bas qu’arrose la Puddar, et au désert de sable, sinon que ces pays forment de petits états habités par des Rajpoots.

On divise ordinairement les Rajpoots en deux tribus ou classes ; celle de Rathore et celle de Chohan ou Seesodya. La première occupe le Marwar, ou la division nord-ouest d’Agimère ; et la seconde, le Meywar ou Oudipour. Le lecteur voudra bien observer que Cheitore est aussi synonyme d’Oudipour ou Meywar. La tribu Rathore était originairement la plus nombreuse des deux. On a souvent assuré, et le colonel Dow, entre autres, a avancé que les chefs des Marattes tiraient leur origine de la tribu Rathore. On appuyait cette opinion sur l’étymologie du mot Mahratta que l’on faisait venir de Rathore, en mettant devant Maha, ou grand. Nous avons vu le contraire ; et des monumens historiques nous apprennent que le mot Mahratta est dérivé de Marhat ou Marheyt, nom de la province où Sevajee établit d’abord son indépendance. Cette étymologie paraît très-naturelle. Il est probable aussi que Sevajee sortait de la tribu Seesodya, et non de celle de Rathore, comme on a eu tort de l’avancer.

Des cinq Circars septentrionaux, quatre appartiennent aux Anglais. Ce sont Cicacole, Rajamundry, Ellore et Condapilly. Le cinquième, nommé Guntoor, est une propriété du Nizam. Les quatre premiers occupent la côte maritime depuis le lac Chilka sur les frontières de Cattack, jusqu’à la rive septentrionale de la Kistnah. Ils forment une langue de terre longue et étroite, de 350 milles de longueur, sur 20 à 75 de largeur. Ce pays est de nature à pouvoir facilement se défendre contre les Indiens, ayant d’un côté pour boulevard une chaîne de montagnes et de vastes forêts, et de l’autre la mer. Ses extrémités seules sont accessibles. Les Circars n’auraient à redouter aucune attaque, s’ils n’étaient pas à une si grande distance du Bengale et de Madras. Ils sont à 350 milles de l’un et 250 milles de l’autre ; de sorte que les troupes destinées à les protéger, ne peuvent être d’aucune utilité, si l’on en avait besoin tout-à-coup soit dans le Bengale, soit à Madras. Les Circars, à proprement parler, appartiennent en partie à Golconde, ou le Deccan, et en partie à Orissa. L’Angleterre les tient du Nizam, à condition de lui payer une redevance convenue. Lorsque les Français prirent possession des cinq Circars, en 1753, on les évaluait à environ quarante-trois lacks de roupies de revenu annuel. Jamais les Anglais n’ont possédé Guntoor dont le produit compris dans la somme ci-dessus, était de sept lacks ; de manière que l’on peut estimer à trente-six lacks (360,000 liv. st.) le produit des Circars pour la compagnie anglaise. Elle en retira cette somme en 1784. Le Peshcush ou tribut que s’est réservé le Nizam, étant de cinq lacks par an, il jouit d’un dédommagement au moins égal, en gardant le Guntoor[16].

Les possessions du Nizam, ou Soubah du Deccan (un fils puisné du fameux Nizam-al-Muluck) comprennent la province de Golconde, c’est-à-dire, l’ancienne province de Tellingana ou Tilling, située entre les rivières de Kistnah et de Godavery, et la partie principale de Dowlatabad. Il possède aussi la partie occidentale du Bérar soumise, comme on l’a déjà vu, au droit de chout, ou au quart de son revenu net, qu’il paye aux Marattes du Bérar. Le Nizam a pour voisins, à l’ouest et au nord-ouest le Paishwah ou les Marattes du Poonah, au nord les Marattes du Bérar, à l’est les Circars septentrionaux, et au sud le Carnate et Hyder-Ally. Je ne pourrais déterminer d’une manière précise ses limites occidentales, parce qu’elles ont été sujettes à de continuelles variations, durant les guerres avec les Marattes ; mais je pense en général qu’elles s’étendent à plus de quarante milles au-delà de la ville d’Aurungabad, à l’ouest, qu’elles se rapprochent à la distance de quatre-vingt milles de la ville de Poonah, et qu’au sud-ouest elles s’avancent beaucoup au-delà de la rivière de Beemah, et jusqu’à Sanore-Bancapour. Sa capitale est Hydrabad ou Bagnagur, ville située sur la Moussi, près de la fameuse forteresse de Golconde.

Les districts d’Adoni et de Rachore, qui étaient entre les mains de Bazalet-Jung (frère du Nizam) pendant sa vie, appartiennent aujourd’hui au Nizam. Le Rajah de Sourapour ou Sollapour, à l’ouest de la Beemah, et quelques autres Rajahs sont ses tributaires.

Il est probable, que les domaines du Nizam, en y comprenant ses tributaires et ses feudataires, ont au moins une étendue, de 430 milles en longueur du nord-ouest au sud-ouest, sur 300 de largeur. Avant qu’il eût pris possession du Circar de Guntoor, en 1780, son territoire ne s’étendait pas jusqu’à la mer.

Le Circar de Guntoor, appelé aussi Mortizanagur et Condavir, occupe l’espace entre Condapilly, le plus méridional de nos quatre Circars, et la partie septentrionale du Carnate. Il s’étend dans une longueur de plus de trente milles sur la côte de la baie du Bengale. Ce district convenait parfaitement aux Anglais, soit pour fermer aux Français l’entrée du Deccan, soit pour conserver une communication avec les Circars septentrionaux, et maintenir la contiguité de nos possessions et de celles de nos alliés. Quoique les parties maritimes de ce Circar soient ouvertes et d’un abord facile, on trouve dans l’intérieur des postes et des positions très-fortifiés. Le Nizam en prit possession à la mort de son frère Bazalet Jung, et il est resté entre ses mains.

Il ne m’a pas été possible de me procurer des renseignemens, même inexacts, sur les revenus du Nizam, et sur son établissement militaire. Sous le rapport de la discipline, son armée est loin d’être respectable. Quant à ses revenus, ils ont toujours varié, et ils diminuent chaque jour, à raison des empiétement des Marattes du Poonah et des Mysoriens. On prétend qu’ils sont réduits à cent trente lacks de roupies. Outre ce revenu, il est suzerain de quelques Jaghiredars qui tiennent leurs terres de lui, et lui doivent le service militaire.

Les domaines de Mahomed Ally, Nabab du Carnate, et allié de la compagnie des Indes orientales, commencent au sud du Circar de Guntoor, et s’étendent le long de la côte de Coromandel jusqu’au cap Comorin. Il est à propos d’observer que je comprends ici Tanjore, Marawar, Tritchinopoly, Madura et Tinevelly, qui sont des dépendances du Carnate. Avec ces additions, le Carnate n’a pas moins de 570 milles du nord au sud, 120 dans sa plus grande largeur, et communément 75. Un gouvernement dont le territoire si long et si étroit est limitrophe d’un ennemi puissant et actif, dont les possessions sont d’ailleurs rassemblées, est exposé à se voir enlever ses provinces éloignées, sans pouvoir les secourir ; ou s’il divise ses forces pour défendre quelque partie séparée, il court les risques de tout perdre.

Le Carnate comprenait autrefois toute la partie de la presqu’île située au sud des rivières de Gondegama et de Toombuddra ou Tungebadra, depuis la côte orientale de Coromandel jusqu’aux montagnes des Gauts à l’ouest, et on le divisait en Balla-Gaut et Payen-Gaut, ou hauts et bas Gauts. Le Balla-Gaut étant la partie occidentale, comprenait les districts qui forment aujourd’hui les états de Tippoo ; et le Payen-Gaut, la partie orientale, ou le Carnarte tel qu’il est à présent.

Les revenus annuels du Nabab sont évalués à environ un million et demi sterling, sur quoi il paye un subside de 160,000 livres à la compagnie des Indes orientales, pour les dépenses de l’état militaire. L’imprévoyance du Nabab dans la dernière guerre, eut pour la compagnie les effets les plus fâcheux : il faut espérer qu’à l’avenir elle saura prendre de sures précautions.

Les possessions anglaises au Carnate sont renfermées dans l’espace appelé le Jaghire, qui s’étend le long de la côte dans une longueur de 108 milles, sur quarante-sept dans sa plus grande largeur. Le revenu du Jaghire est de 150,000 liv. sterling. Outre le Jaghire, les Anglais possèdent encore des terres dépendantes de Cuddalore ; mais le revenu n’en est pas considérable. Le total du revenu territorial dépendant de Madras, en y comprenant les Circars, a été porté à 725,000 livres sterling par an.

Les domaines du sultan Tippoo, qui prend le titre de Régent de Mysore, commencent à l’ouest de la chaîne des montagnes au-delà de Dalmacherry, Sautgud et Attore, et s’étend au sud jusqu’à Travancore et Madura ; au nord, jusqu’à Soonda et Visiapour (enveloppant Adoni, territoire de feu Bazalet Jung) ; au nord-est, jusqu’à Guntoor et Ongole, et à l’ouest, jusqu’à la mer. Ils comprennent, en général, les provinces de Mysore, Bednore, Coimbettore, Canara et Dindigul ; outre les conquêtes que son père fit au nord, qui sont Merritch, Soonda, Chitteldroog, Harponelly, Sanore-Bancapour, Roydroog, Gooty, Condanore, Canoul et Cuddapah.

Les possessions actuelles de Tippoo surpassent de beaucoup en étendue et en revenus celles de son rival le Nabab d’Arcot ; mais si cet état, composé de parties si discordantes, n’est pas gouverné long-temps par un prince doué de grands talens, sa chûte et sa dissolution sont inévitables. Il existe encore un descendant du roi Indou de Mysore détrôné par Hyder. On le garde comme prisonnier d’état à Seringapatam, capitale de Tippoo. Quelquefois on le montre au peuple ; et l’existence qu’on lui laisse est la preuve la plus forte du préjugé populaire en faveur de la famille des anciens rois. Il entrait dans les plans du colonel Fullarton qui commandait l’armée du midi, en 1783, de marcher de Coimbettore à Seringapatam, pour délivrer ce prince, et déterminer le peuple de Mysore à se soustraire à la domination de Tippoo. Plusieurs personnes instruites pensent que le colonel Fullarton eût réussi, si les circonstances eussent permis cette opération. Le caractère général de Tippoo est celui d’un ambitieux. Il a de grands talens pour la guerre et les finances ; il est cruel à l’excès, et attaché à ses projets avec opiniâtreté. C’est sans contredit le plus puissant des princes natifs de l’Indostan ; mais l’horreur qu’il inspire à ses sujets donne lieu de croire que son règne ne sera pas long. Ses domaines sont très-étendus ; et quoique l’état imparfait de la géographie de la partie occidentale de la presqu’île, ne me permette pas de fixer les limites septentrionales de ses possessions, je puis en quelque sorte assurer qu’elles touchent à la Kistnah, au sud de la ville de Visiapour ; et par conséquent, que l’étendue du territoire ou royaume de Tippoo, depuis la vallée d’Ootampalian au sud, jusqu’à la Kistnah au nord, ou plutôt au nord-nord-ouest, comprend au moins 550 milles d’Angleterre. Sa largeur est inégale ; dans la partie septentrionale de la presqu’île, elle est au moins de 330 milles, et à la hauteur de Tritchinopoly, elle n’a pas 150 milles, et plus loin vers le sud, elle se termine en un point. J’ai déjà comparé sa surface à celle de la Grande-Bretagne, qui est évaluée à 96,400 milles. Le pays de Tippoo est supposé comprendre 21 degrés quarrés qui, au 14e. parallèle, produisent environ 97,650 milles. Par le traité de paix, en 1782, Hyder ne devait conserver que ses anciennes possessions : j’ignore comment son successeur a rempli cette condition du traité ; mais il était difficile de restreindre dans une acception particulière ce terme trop général, ou plutôt trop vague, d’anciennes possessions.

On a évalué à quatre crores de roupies, ou autant de millions sterling, les revenus de Tippoo. Son état militaire est considérable ; il entretient une armée de 72,800 hommes de troupes réglées, y compris 740 Européens commandés par des officiers français. Il a en outre, dans les garnisons des frontières, 49,000 hommes. Le reste de ses forces consiste en 33,000 hommes de milices non réglées, réunies sous diverses dénominations. Les forces de Tippoo montent donc à 155,000 hommes, dont près de 73,000 sont supérieurs à toutes les troupes qui furent jamais levées et disciplinées par des princes du pays[17]. Son désir d’étendre ses possessions le tiendra continuellement en querelle avec les Marattes du Poonah, ou avec le Nizam, ou même avec ces deux puissances, parce qu’il ne peut s’agrandir que de leur côté, sans se brouiller avec l’Angleterre. Hyder avait long-temps médité la conquête de Travancore, pays situé à l’extrémité de la presqu’île ; mais les Anglais l’ont prévenu. On dit que Tippoo a le même projet. Il suffit au lecteur de jeter un coup d’œil rapide sur la carte pour se convaincre combien une telle révolution serait funeste au Carnate, puisqu’il en résulterait aussi la perte du territoire de Cochin, et de tout le pays situé à l’ouest des Gauts.


TABLE CHRONOLOGIQUE
Des Empereurs qui ont régné dans l’Indostan, depuis la conquête faite par les Ghizniens.
Empereurs
Ghizniens.
    Commencement de règne
l’an de l’ère chrétienne
 
Mahmood I
  
1000
Mahomed I
  
1028
Musaood I
Moodood
  
1041
Musaood II
  
1051
Ali
Reschid
  
1052
Feroch-Zaad
Ibrahim I
  
1056
Musaood III
  
1098
Arsilla
  
1115
Byram I
  
1118
Chusero I
  
1152
Chusero II
  
1159
Empereur Ghorian
ou Gaurian.
 
   
Mahomed II, ou Mahomed Ghori 
1184
Empereurs Patans
ou Afghans.
    Commencement de règne
l’an de l’ère chrétienne
 
Cuttub
  
1205
Eldoze
  
1210
Aram
Altumsh ou Iltumsh
Ferose I
  
1235
Sultana Rizia, Impératrice
  
1236
Byram II
  
1239
Musaood IV
  
1242
Mahmood II
  
1245
Balin
  
1265
Keikobad
  
1286
Ferose II
  
1289
Alla I
  
1295
Omar
  
1316
Mubarick I
  
1317
Tuglick
  
1321
Mahomed III
  
1325
Ferose III
  
1351
Tuglick II
  
1388
Mahomed IV
  
1389
Abu-Bicker
[18]Mahomed III
  
1393
Dynastie des Seids.     Commencement de règne
l’an de l’ère chrétienne
 
Chizer
  
1414
Mubarick II
  
1422
Mahomed V
  
1433
Alla II
  
1447
Dynastie de Lodi.    
Beloli
  
1450
Secunder I
  
1488
Ibrahim II
  
1516
Empereurs Mogols.    
Baber
  
1525
Humaioon
  
1530
Seconde Dynastie Patane.    
Shere
  
1542
Selim
  
1545
Mahomed VI
  
1552
Ibrahim III
Dynastie Mogole rétablie.    
Humaioon
  
1554
Acbar
  
1555
Jehanguire
  
1605
Shah Jehan
  
1628
Aureng-Zeb ou Allumguire I
  
1659
Bahader Shah
  
1707
Jahaunder Shah
  
1712
Feroksere
  
1713
Ruffieh-ul-Dirjat
  
1717
Ruffieh-ul-Dowlah
[19]Mahomed Shah
  
1718
Ahmed Shah
  
1748
Allumguire II
  
1753
Shah Aulum
  
1760






  1. Ce fait est constaté par le témoignage de feu le colonel Camac.
  2. Voici à-peu-près la quantité de terres contenues dans les pays sujets de l’Angleterre ou de ses alliés dans l’Indostan.

    Possessions anglaises.
      Milles carrés,
    mesure anglaise.
    Bengale, Bahar, et partie d’Orissa 
    149,217
    Benarès, etc. 
    12,761
    Circars septentrionaux 
    17,508
    Jaghire dans le Carnate 
    2,436
    Bombay et Salsette 
    200
      ________
     
    Total 
    182,122

      Milles carrés,
    mesure anglaise.
     
    Total des possessions anglaises 
    182,122
    Alliés de l’Angleterre.
    Oude, Allahabad et Corah 
    33,770
    Rohilcund, et le pays de Fyzoolah Cawn 
    11,036
    Dooab 
    8,480
    Carnate en général 
    41,650
    Tanjore 
    4,350
      ________
     
    Total général 
    281,408
  3. Le tableau suivant présente les recettes et les dépenses actuelles de la compagnie, réduites en monnaie sterling ; la roupie évaluée deux schellings 1¼ denier.

    Bengale      
      Liv. Ster.    
    Revenu territorial du Bengale et du Bahar en 1786 
    2,800,000    
    Revenu net de Bénarès 
    380,000    
    Subside d’Oude 
    420,000    
    Douanes, Monnaies, etc. 
    120,000    
    Produit du sel 
    430,000    
    Opium 
    60,000    
     
    Total 
    4,210,000  
    Charges à déduire du montant des revenus du Bengale et du Bahar. Frais de perception, salaire payé au Nabab, etc. 
    740,000    
    Dépenses militaires à la charge de la compagnie, et pour le Nabab 
    1,410,000    
    Établissemens civils, marine et fortifications 
    390,000    
     
    Total 
    2,540,000  
     
    Revenu net 
    1,670,000


          Liv. Ster.
     
    Revenu net du Bengale 
    1,670,000
    Madras      
    Revenu territorial, y compris les Circars septentrionaux 
    725,000    
    Subside du Carnate 
    160,000    
    Subside de Tanjore 
    160,000    
    Douanes, etc. 
    25,000    
        1,070,000  
    Dépenses militaires à la charge de la compagnie, et pour le Nabab 
    770,000    
    Frais de perception 
    85,000    
    Établissemens civils, fortifications, etc. 
    130,000    
        985,000  
     
    Revenu net 
    85,000
    Total du revenu net du Bengale et de Madras 
    1,755,000
    À Bombay, les dépenses excèdent les recettes d’environ 
    300,000  
    À Bencoolen, (île de Sumatra), les charges sont d’environ 
    50,000  
      350,000
    Total du revenu net de l’Inde 
    1,405,000

    Il paraît que le produit annuel des revenus territoriaux de la compagnie des Indes orientales, y compris les douanes, les salines, etc. est de 4,640,000 l. st. On ne comprend pas dans cette somme les subsides que l’on reçoit des Nababs d’Oude et du Carnate, et du Rajah de Tanjore. L’état militaire de la compagnie dans l’Inde, en temps de paix, est de dix mille Européens, et de 52,000 hommes d’infanterie Cipaye. Il paraît aussi que la somme totale du produit des marchandises des Indes orientales et de la Chine, importées en Angleterre pendant un an, ont monté à cinq millions et un quart sterling. En considérant les sommes énormes qu’offre le tableau ci-dessus, on est porté à croire qu’il n’avait jamais existé auparavant une puissance telle que la compagnie anglaise des Indes orientales, que l’on peut regarder comme un empire dans un empire.

  4. Ceci peut paraître paradoxal à plusieurs personnes. Quant à moi, je suis persuadé que, dans nos établissemens de l’Inde, il est possible de proportionner les troupes européennes aux Cipayes.
  5. Dooab ou Doabah signifie un espace de terre formé par le rapprochement et la jonction de deux rivières. Ici, on a appelé par excellence, le Dooab, ce terrein formé par le Gange et la Jumnah.
  6. On peut facilement réduire les roupies en monnaie sterling. Un lack vaut, en nombre rond, dix mille livres sterling.
  7. Il semble que le Panassa de Ptolémée soit ce Panna.
  8. Le célèbre Sir William Jones remarque fort ingénieusement que les Asiatiques ont coutume de ne donner qu’un seul et même nom à deux contrées situées sur les deux rives d’une grande rivière. Ainsi la province de Sindy est divisée par l’Indus ; le Bengale, par le Gange, et le Pégu par l’Irabatty. L’Égypte est également coupée par le Nil. Il est probable que la facilité d’aborder sur l’une et l’autre rive, par le moyen d’une rivière navigable et des inondations, exposait autrefois chacune de ces divisions aux invasions fréquentes des voisins de la rive opposée ; et qu’ils sentirent enfin le besoin de ne former qu’un état, pour se garantir réciproquement leurs possessions, en faisant cause commune, et n’ayant plus qu’un même intérêt.
  9. Ces Jaghires ou fiefs accordés par le souverain à un sujet, pouvaient être repris à volonté ; mais en général, et presque toujours, on les obtenait moyennant une rente viagère ; et depuis long-temps ils sont devenus héréditaires.
  10. Je ne puis déterminer l’exacte position géographique de cette forteresse ou ville importante ; mais on peut la supposer la même que Mirje ou Merdji, sur la rive septentrionale de la Kistnah, à 170 milles sud-ouest de Visiapour, et à 130 de Poonah. C’est aussi la même place que Merrick, ville considérable, pendant les guerres d’Aureng-Zeb et de Sambajee. Les commissaires dans leurs rapports la nomment indifféremment Merrick et Meritz. On peut conclure de ces rapports et des fragmens historiques de monsieur Orme, que cette place est située sur la rive septentrionale de la Kistnah, au nord-ouest de Sanore-Bancapour, et au sud-ouest de Visiapour. Sa distance de la première de ces deux villes doit être fort considérable, puisqu’entre les Circars de Bancapour et de Meritz se trouvent ceux de Nourgal, d’Azimabad, et de Raibaug. C’est pour cette raison que sur la Carte, Mirje est environ à 108 milles géographiques de Bancapour. Il y a aussi une forteresse nommée Darwar, très-connue durant les guerres d’Aureng-Zeb et d’Hyder Ally.
  11. Il est probable que cette division irrégulière provient de quelques circonstances qui eurent lieu au moment de la conquête, et dont on ne peut rendre compte aujourd’hui ; mais comme par l’effet qu’elle produit, il semble qu’elle ait été calculée pour restreindre le pouvoir des différens Jaghiredars, on suppose qu’elle a été faite à dessein et par politique.
  12. Gaut ou Ghaut signifie, ou passage dans des montagnes, ou lieu propre à prendre terre sur le bord d’une rivière. C’est dans le premier sens qu’on l’applique à la presqu’île ou se trouvent des chaînes de montagnes coupées par des passages et des défilés.
  13. Ces divers territoires donnaient autrefois un revenu de trois ou quatre crores par an ; mais ils sont aujourd’hui dans un tel état de désolation, qu’on ne peut le concevoir sans avoir été le témoin. (Cette note est d’un homme qui a voyagé dans ce pays).
  14. Orissa est comptée au nombre des provinces anglaises ; mais nous avons déjà fait observer ailleurs que le gouvernement du Bengale n’en possède qu’une très faible portion.
  15. Tout le revenu d’Agimère, du temps d’Acbar, paraît n’avoir été que d’environ 75 lacks. On dit que Aureng-Zeb doubla l’impôt territorial sur les Rajpoots ; et en conséquence M. Fraser évalue les revenus d’Agimère à 163 lacks de roupies.
  16. Le Guntoor a depuis été cédé à la Compagnie anglaise des Indes.
  17. J’ai été assez heureux pour me procurer les détails suivans sur l’état militaire du sultan Tippoo.

    Troupes réglées.
    Cavalerie 
    27,400 70,700
    Infanterie cipaye, Indous et Mahométans 
    36,000
    Topasses (ou Hatmen, hommes à chapeaux) c’est-à-dire, les descendans des Portugais et autres Européens. Infanterie 
    7,300

    Troupes réglées (d’autre part) 70,700
    Européens. Cavalerie 200
      
    740
    2,130
    ————— Infanterie 540
    Artillerie, composée d’Européens, Topasses, etc. 
    1,390
    Canons attachés aux bataillons 110
    Garnisons aux frontières. Cavalerie. 21,000
    49,000
    ——————————— Infanterie. 28,000
    Milices armées de différentes manières 
    7,000
    Auxiliaires des Rajahs de Rydroog, Darwar, Harponelly, Sanore, etc.
    Cavalerie 
    13,300 26,300
    Milices non réglées 
    13,000
       
      TOTAL. 155,130
  18. Ce fut sous son règne que Tamerlan fit son invasion.
  19. Invasion de Nadir Shah, sous son règne.