Des hommes sauvages nus féroces et anthropophages/Relation/21

Traduction par Henri Ternaux.
Arthus Bertrand (p. 99-101).


CHAPITRE XXI.


Comment je fus traité par les sauvages le jour où ils arrivèrent à leur village.


Le lendemain vers le soir nous arrivâmes à leur village, à peu près à l’heure des vêpres, car cet endroit est situé à trente milles de Brikioka, où j’avais été pris. Ce village, qui se nommait Uwattibi, n’était composé que de sept cabanes[1]. Nous abordâmes sur une pointe de terre, près de laquelle leurs femmes étaient occupées à travailler dans des champs de racines qu’ils nomment, mandioka et elles en arrachaient ; on me força de leur crier : A Junesche been ermi pramme : Voici votre nourriture qui vous arrive.

Quand nous fûmes à terre, tous, jeunes et vieux, quittèrent les cabanes qui sont situées sur une colline, pour venir me regarder. Puis les hommes s’en allèrent dans leurs demeures avec leurs arcs et leurs flèches, me laissant à la garde des femmes, qui me prirent au milieu d’elles. Quelques-unes marchèrent devant et d’autres derrière, en dansant et en chantant la chanson qu’ils ont l’habitude de chanter à leurs prisonniers quand ils veulent les dévorer.

Quand je fus arrivé à l’Ywara, ou à l’espèce de retranchement qu’ils font autour de leurs cabanes, qui consiste en fortes pièces de bois et ressemble à une palissade, ces femmes tombèrent sur moi, m’accablèrent de coups, m’arrachèrent la barbe, en disant dans leur langue : Sche innamme pepike a e. Je te bats au nom de mon ami qui a été tué par les tiens.

Ils me conduisirent ensuite dans une cabane, et me couchèrent dans un Inni, où les femmes recommencèrent à me battre et à me maltraiter, disant qu’elles me mangeraient bientôt.

Pendant ce temps, les hommes étaient rassemblés dans une autre cabane, et buvaient leur boisson, nommée Kawi, en présence de leurs idoles, qu’ils appellent Tamerka[2], et ils chantaient en action de grâce de ce qu’ils m’avaient fait prisonnier, comme elles le leur avaient promis.

  1. Il faut remarquer qu’il s’agit de grandes cabanes communes, dont chacune contenait plusieurs familles, de sorte qu’un village de sept cabanes était assez populeux.
  2. Hans Staden écrit aussi Tammerka, Tammaraka et Maraka.