DES AGENS
DE
LA PRODUCTION AGRICOLE

II.
PREPARATION DU SOL.
DRAINAGE, IRRIGATIONS, COLMATAGE.
I. Drainage des terres arables, par M. Barral, 4 vol., 1854-1860. — II. Agricultural Drainage, by T. Gisborne. — III. Die Drainage, von professor Stockhardt, Leipzig. — IV. Manuel de l’Irrigateur, par Villeroy et Muller. — V. Traité pratique de l’Irrigation des prairies, par Keelhoff.



On a montré, dans une étude précédente, que le rôle des engrais consiste à fournir au sol les élémens qui lui manquent, ou qui ne s’y trouvent point assez complètement dissous pour passer rapidement dans les tissus de la plante. L’espèce et la quantité des engrais doivent aussi varier avec la composition des terres. Il nous reste donc à étudier cette composition, avant de nous occuper des engrais mixtes, ou formés de matières organiques et minérales. Ces engrais, plus ou moins riches en substances organiques azotées, en débris ou déjections des animaux, ne peuvent accomplir les transformations qui les rendent assimilables par les plantes sans emprunter à l’air et à l’eau, interposés dans les interstices du sol, une grande partie de l’oxygène nécessaire à la fermentation. Si donc l’eau est stagnante dans le sous-sol, si l’air ne se renouvelle que difficilement dans l’épaisseur de la couche arable, voici en résumé les influences désastreuses dont les plantes et surtout les radicelles ont à souffrir. D’abord l’eau, qui remplit les interstices de la terre, en exclut presque la totalité de l’air indispensable à la respiration de ces jeunes organismes. Ensuite l’évaporation qui s’opère à la superficie du sol refroidit à la fois les racines, les feuilles et les tiges, et affaiblit dès lors l’activité végétative dans tous les organes de la plante. Les délicates spongioles qui terminent les extrémités radicellaires, placées ainsi dans des conditions anomales qui ne pourraient convenir qu’à des plantes aquatiques, se désagrègent : les cellules, devenues turgescentes, se disloquent en partie, elles tombent dans le liquide qui les baigne de toutes parts. L’eau, dont l’excès et la stagnation produisent tous ces désordres, enlève en pure perte aux engrais les substances solubles qu’ils contiennent, et ces nouvelles solutions aqueuses, loin de se montrer utiles à la végétation, sont beaucoup plus nuisibles aux radicelles que ne le serait de l’eau pure. Enfin les plantes dont les racines superficielles ont échappé à une immersion complète n’offrent, malgré une végétation parfois active, qu’une structure trop faible pour résister au poids et au choc des eaux pluviales, qui bientôt les renversent sur le terrain et compromettent la récolte tout entière.

Tels sont les dangers que le drainage et le colmatage sont destinés à combattre. Les principaux effets du drainage peuvent se résumer ainsi : dégagement des eaux souterraines, aération du sol, élévation de la température moyenne et assainissement des localités humides, résultats directs qui ont eux-mêmes pour conséquences de favoriser la végétation des plantes, d’accroître et. d’améliorer les récoltes tout en les rendant plus hâtives, de préparer le sol à recevoir de riches engrais et des irrigations fécondantes. Quant au colmatage, il consiste, en des circonstances locales particulièrement défavorables, à changer, à l’aide de procédés très simples, la configuration des surfaces irrégulièrement ondulées, à transformer des vallées marécageuses, à combler les fonds bas, humides et malsains, au moyen d’un limon fertile ou de terres végétales, entraînées par des eaux courantes bien dirigées, à obtenu, ainsi une surface plane facile à cultiver, une couche arable parfaitement disposée à profiter de l’action des engrais mixtes[1]. Déjà nous avons signalé ici même quelques-uns des remarquables avantages du drainage tubulaire[2] ; mais, en indiquant alors cette méthode comme une des plus grandes inventions agricoles du XIXe siècle, nous nous sommes borné à décrire sommairement les résultats qui touchent à la production des céréales. L’utilité beaucoup plus générale de cette pratique, que nous envisageons ici au point de vue des engrais mixtes, dont elle favorise l’action, justifie les détails dans lesquels nous allons entrer.


I. — LE DRAINAGE.

L’utilité des pratiques relatives à l’assainissement des terres humides fut de très bonne heure reconnue. Les préceptes formulés du temps de Columelle remontent à l’année 42 de notre ère, et les conclusions si nettement déduites par Olivier de Serres de ses observations expérimentales, publiées depuis deux cent soixante ans dans son Théâtre d’Agriculture, ne peuvent laisser aucun doute à cet égard. On ne pouvait guère cependant généraliser l’application de ces traditions locales avant la découverte toute récente d’une méthode qui permît de mettre à la portée des propriétaires de terres argileuses en tout pays les élémens complets d’un drainage économique, d’établir ces manufactures de tubes en poterie moulés par l’action intermittente ou continue de machines dont on connaît aujourd’hui plus de cent modèles.

La cuisson à la température rouge des tubes argileux préalablement desséchés à l’air a pour effet de rendre l’union plus intime entre la silice (acide silicique) et l’alumine ; l’argile (silicate d’alumine) se contracte, et après cette sorte de retrait ses particules, fortement adhérentes entre elles, ne peuvent plus être désagrégées par l’eau. Pour cuire les tubes, on les place debout dans des fours construits avec des briques ordinaires. C’est ainsi que les Romains, à Famars[3] et sur tous leurs campemens dans les Gaules, ont su fabriquer des conduits en briques creuses très résistans et destinés à différens usages, entre autres à l’écoulement des eaux de leurs habitations et de leurs salles de bains. On en retrouve encore de nombreux vestiges aux environs de Valenciennes, comme dans les ruines de ces thermes gigantesques où les eaux minérales étaient si largement utilisées par les Romains.

Le premier essai du drainage tubulaire en France paraît avoir eu lieu en 1845 sur la propriété de M. Lupin, dans le département du Cher ; mais on devait cette innovation à l’Angleterre, et quelques années plus tard, vers 1850, nous reçûmes la mission d’aller étudier le drainage tubulaire dans les usines spéciales et dans les fermes des trois royaumes de la Grande-Bretagne, où il avait pris un développement considérable[4]. Les premières manufactures que nous visitâmes aux environs de Londres étaient encombrées de tuyaux en poterie qui offraient des embouchures larges de 10 à 30 et jusqu’à 36 centimètres. Ce n’étaient pas des engins agricoles ; ils étaient seulement destinés à être adaptés aux maçonneries des maisons pour faire descendre les eaux ménagères dans les égouts ou drainer les habitations. On avait étendu à cette ancienne pratique, connue du temps des Romains, le nom nouveau de la récente invention rurale. En un mot, c’était un système de drainage des villes que nous avions tout d’abord rencontré, lorsque nous cherchions un drainage des champs. Toutefois nos observations sur ce point ne furent pas dénuées d’intérêt. Nous vîmes fonctionner d’abord les malaxeurs mécaniques qui opèrent le mélange intime des sables ou des cimens avec l’argile plastique, ensuite les puissantes presses, soit hydrauliques, soit à vis, en fer, qui refoulent ces terres corroyées sur de fortes filières, et forment à l’instant un ou plusieurs gros tubes successivement coupés par un fil métallique à mesure qu’ils descendent de la filière, et enfin portés aux séchoirs. En voyant cette série d’opérations mécaniques, nous pûmes prendre une idée assez exacte des principes sur lesquels s’est établie depuis lors la fabrication des tubes du drainage rural.

L’utilité et l’importance du drainage ne pouvaient d’ailleurs paraitre nulle part aussi grandes peut-être que dans les terres de la Grande-Bretagne. En effet, presque partout, en traversant les cultures plus ou moins soignées, les friches et les bruyères des trois royaumes, on voyait les raies du sol cultivé en billons, de même que les parties déclives des terrains incultes, accuser la présence d’eaux stagnantes retenues par les argiles du sous-sol ou maintenues parle niveau des ruisseaux, mares et pièces d’eau environnantes. À ces indices certains de la nécessité du drainage, il faut encore ajouter la grande difficulté que l’on éprouve en face d’un terrain trop dur : si l’on s’y prend trop tôt, l’on perd son temps, ses ustensiles et ses forces ; si l’on attend trop tard, le sol détrempé est pâteux, les attelages s’y enfoncent, et dans les deux cas la terre reste en mottes qu’on ne peut briser. L’utilité du drainage est encore manifeste lorsque, les eaux stagnantes n’apparaissant pas à la superficie du sol, on peut, au moyen de sondages opérés à une faible profondeur, en reconnaître la présence sous l’épaisseur de la couche habituellement atteinte par la charrue.

Les résultats déjà obtenus en 1845 dans la Grande-Bretagne avaient permis d’observer que le drainage, en diminuant divers effets de l’humidité, rend certaines régions plus salubres, et qu’en élevant la température moyenne par la substitution même de l’écoulement souterrain à l’évaporation superficielle, il hâte les progrès de la végétation et la maturité des grains. À ces effets se joint l’action remarquable des argiles, qui, retenant les composés salins et ammoniacaux des eaux qui les traversent, cèdent plus tard à la végétation ces engrais solubles. Depuis l’époque où en 1850 M. Way démontrait expérimentalement la fixation des sels ammoniacaux et alcalins dans les argiles, les expériences de M. Barrai, puis celles de MM. Cloëtz, Mangon et Millon, ont mis en lumière deux résultats des plus importans : 1° par suite du drainage et sous l’influence de la température moyenne plus élevée de l’air introduit dans le sol et des eaux infiltrées, les matières organiques altérables se décomposent et forment de l’ammoniaque et de l’acide azotique que les plantes peuvent absorber ; 2° en raison de la porosité du sol, l’azote de l’air atmosphérique, introduit par les conduites souterraines, peut en partie s’unir à l’oxygène, former de l’acide azotique et du carbonate d’ammoniaque où les tissus des végétaux puisent une partie de leur alimentation, qui ne coûte rien au cultivateur.

Une fois l’utilité du drainage démontrée, quelles étaient les conditions les plus favorables à l’emploi du nouveau procédé agricole ? En ce qui regarde la forme des tubes, on avait admis généralement en Angleterre que des conduits cylindriques à section circulaire, posés bout à bout au fond des rigoles, étaient plus économiques que des tubes à section elliptique ou que les conduits primitivement en usage, formés de deux pièces : une tuile plate recouverte d’une tuile courbe. On avait aussi reconnu que, dans les terrains où des tassemens inégaux sont à craindre, il faut consolider les joints à l’aide de courts manchons également en poterie dans lesquels s’engagent les deux bouts en contact des tubes, ainsi rendus solidaires et protégés contre les déplacemens et la flexion.

Parmi les nombreuses machines inventées depuis 1850, on accorde aujourd’hui la préférence à celles qui font sortir, suivant une direction horizontale, les tubes cylindriques en argile pétrie mécaniquement, épurée en traversant une grille métallique, puis moulée à son passage dans les sections annulaires de filières spéciales. Afin d’éviter la déformation des tubes, on recommande toujours de mélanger une assez forte proportion de sable fin qui diminue le retrait de la pâte argileuse, d’opérer lentement et régulièrement la dessiccation à l’air, puis la cuisson dans les fours où les tubes sont verticalement rangés[5]. Quant aux diverses machines à mouler les tubes, toutes sont fondées sur l’emploi de filières semblables aux plaques des presses italiennes à macaroni.

La profondeur des rigoles au fond desquelles les tubes sont placés en lignes droites sous une inclinaison légère doit être telle que les ustensiles aratoires ne puissent l’atteindre, et que les racines des plantes cultivées ne puissent pénétrer entre les joints pour s’introduire dans les tubes, où elles occasionneraient des obstructions. Les tuyaux doivent être placés à une profondeur de 80 centimètres au moins, mais plus généralement de 1m10 à 1m30 ; dans quelques conditions exceptionnelles, on peut creuser les rigoles jusqu’à 1m50 et même 1m80. À mesure que la profondeur est plus grande, l’écartement entre ces rigoles s’accroît depuis 5 jusqu’à 20 mètres. Dans tous les cas, le diamètre intérieur des tubes varie de 30 à 35 millimètres. Les drains collecteurs qui reçoivent diagonalement ces tubes sont placés dans les petites vallées que forment entre elles les pentes du terrain. Ils doivent suffire à l’écoulement de toute l’eau amenée par les tubes et avoir un diamètre d’au moins 40 millimètres. Enfin plusieurs de ces premiers tuyaux collecteurs versent les liquides qu’ils contiennent dans une deuxième série de tuyaux collecteurs plus gros ayant de 50 à 60 millimètres de diamètre, et dont le nombre est proportionnel à la surface du terrain drainé. Un tuyau collecteur principal de 40 à 60 millimètres de diamètre suffit pour recevoir les eaux du drainage pratiqué sur une étendue maximum de 4 hectares. Pour drainer un hectare, en supposant des intervalles de 13 mètres et des rigoles à une profondeur de 1m15, il faut environ 770 mètres de drains, représentant 2,333 tubes longs chacun de 33 centimètres.

Les détails que nous venons de donner ne sauraient dispenser au surplus de s’adresser à un ingénieur spécial pour obtenir un plan définitif comprenant les nivellemens du terrain, les résultats des sondages, l’étendue, le nombre et la profondeur des rigoles à creuser, et la direction des eaux à verser au dehors de la propriété ; mais Ils permettront de se rendre approximativement compte de la dépense probable du drainage à établir sur une propriété d’une certaine étendue. D’ailleurs, en ayant recours aux ingénieurs de l’état, soit directement, soit par l’entremise du Crédit foncier, récemment chargé de subvenir aux frais du drainage sur le fonds commun de 100 millions affecté à des prêts spéciaux, les propriétaires seront gratuitement informés des conditions plus ou moins favorables sur lesquelles ils pourront compter pour réaliser sur leurs domaines de pareilles améliorations. Dans certaines circonstances locales, heureusement assez rares, ils sauront que le sous-sol imperméable, formé d’un tuf trop rapproché de la superficie et difficile à entamer, occasionnerait des dépenses de main-d’œuvre trop considérables pour que l’opération pût être entreprise avec profit. Dans d’autres occasions où les pentes naturelles n’offriraient pas d’issues aux eaux en dehors de la propriété, ils reconnaîtront peut-être qu’il serait plus économique de percer les couches imperméables et de faire infiltrer au-dessous même de ces couches les eaux superficielles à l’aide d’une sorte de drainage vertical.

En 1850, le prix du drainage dans la Grande-Bretagne revenait de 3 à 4 livres sterling l’acre (de 185 à 246 francs l’hectare), en supposant les rigoles espacées à seize pieds (5 mètres). On estimait déjà que, dans des circonstances favorables, le prix de l’établissement du drainage peut être payé par l’accroissement de valeur du produit net d’une seule récolte obtenue sur un sol qui ne donnait jusque-là que de mauvaises plantes herbacées. En tout cas, les frais de premier établissement du drainage sont largement compensés par un intérêt annuel à la charge du fermier, qui de son côté gagne à cette amélioration un accroissement notable dans son revenu net. De pareils avantages, dès lors admis dans la Grande-Bretagne, fournirent les bases d’après lesquelles des prêts importans furent offerts aux agriculteurs et acceptés par eux avant que des sommes bien plus considérables encore fussent consacrées à de semblables opérations par des spéculations privées. Sur les 100 millions que le gouvernement anglais avait mis à la disposition des agriculteurs, 63 reçurent cette destination au bout de quelques mois, tandis que d’une somme égale consacrée en France par l’état et le Crédit foncier à la propagation du drainage, 100,000 francs à peine (moins de la six-centième partie) purent être consacrés à un pareil emploi ! La raison principale d’une aussi grande différence entre la conduite des agriculteurs français et celle des agriculteurs anglais, c’est que ceux-ci ne furent astreints à fournir d’autres sûretés au trésor national que la garantie résultant de l’accroissement de valeur produit par l’amélioration agricole elle-même, tandis qu’en France l’hypothèque devait frapper sur la valeur foncière totale : or, parmi les propriétaires disposés à profiter de ces avances, il s’en trouva bien peu qui fussent en mesure d’offrir de telles garanties, exemptes de toute obligation légale antérieure. Il semble donc résulter de cette double épreuve que le seul moyen de donner dans une pareille voie la plus vive impulsion à l’agriculture, ce serait de l’autoriser à offrir en garantie des sommes empruntées par elle la plus-value calculée sur des améliorations de toute nature, — drainage, irrigations, colmatage, — et d’avance appréciée par des ingénieurs compétens.

Outre les raisons financières, le drainage peut rencontrer des causes toutes naturelles d’insuccès. Dans certaines terres où l’oxyde de fer abonde, les eaux égouttées dans les drains y portent parfois des dépôts ocracés qui les engorgent ; cet accident se manifeste surtout pour le drainage exécuté avec des tubes de faible diamètre. Un autre accident arrête quelquefois assez promptement l’écoulement de l’eau dans les drains, c’est l’introduction des racines entre les joints ; il se forme alors dans le tube un amas chevelu de radicelles vulgairement désigné sous le nom de queue de renard, et tellement volumineux qu’il intercepte bientôt le passage. On doit donc éloigner les rigoles des arbres qui sont en bordure, ou arracher ceux-ci lorsqu’ils avancent dans l’intérieur du champ à drainer.

Les causes principales des dépôts ocracés ont été reconnues par M. Mangon dans l’action de l’air atmosphérique, qui rend l’oxyde de fer insoluble, et dans le dégagement du gaz acide carbonique entraîné par les courans d’air. Pour supprimer ce double effet défavorable, M. Mangon fit arriver toutes les embouchures des petits tubes au-dessous du niveau de l’eau dans les tubes collecteurs ; on obtiendrait le même résultat sans doute en faisant déboucher ces derniers tubes seulement, au-dessous du niveau du liquide, dans les petits réservoirs ou regards interposés sur leur parcours, car alors le libre passage de l’air serait également intercepté. — Quant aux obstructions occasionnées par les racines des arbres en bordure ou des haies qui séparent certains héritages, on les combat d’ordinaire en interposant, entre les drains et ces arbres, des fossés profonds de 2 mètres au moins et remplis de pierraille. On suppose que les racines ne pourront traverser une couche de pierres qui n’offre pas sensiblement de substances assimilables par la végétation. Cependant il arrive encore souvent que peu à peu la terre végétale, venant à s’introduire entre les interstices des pierres ou des cailloux, y attire naturellement les radicelles, et que celles-ci, une fois engagées, continuent à se développer et traversent bientôt l’obstacle. Le mieux serait de maçonner ces fossés, au moins sur une de leurs faces, d’un mince ciment de chaux et de sable ; la dépense serait médiocre, et ce moyen offrirait en tout cas les plus sûres garanties contre le passage des racines.

Le prix courant du drainage tubulaire dans les diverses contrées où de grands travaux de ce genre ont été entrepris a varié beaucoup, suivant que les circonstances locales (nature des terres, écartement des drains, débouché des eaux, etc.) se sont trouvées exceptionnellement favorables ou défavorables ; il a flotté entre les limites extrêmes de 85 francs à 1,500 francs pour l’assainissement complet d’un hectare. Toutefois, dans les conditions qui se rencontrent le plus généralement en Belgique, en France, en Angleterre et dans les différentes localités de la Saxe, de la Bohême et de la Prusse, les prix du drainage ne varient qu’entre des limites peu étendues ; on en pourra juger d’après les résultats pratiques suivans, qui comprennent des opérations dirigées sur des terres argileuses et argilo-siliceuses plus ou moins compactes, les unes homogènes, les autres chargées de pierres dont il a fallu déblayer le terrain, d’autres enfin portant sur un sous-sol de tuf que l’on a été obligé d’entamer avec le pic.

En Belgique, la moyenne générale des prix est évaluée, dans un rapport officiel de M. Leclerc, à 201 francs 12 centimes l’hectare. Dans ce royaume, les travaux de drainage réalisés jusqu’au commencement de l’année 1858 s’appliquaient à 37,000 hectares. En France, à la même époque, on comptait déjà 69,000 hectares de terrains drainés. Les opérations d’un drainage tubulaire très soigneusement exécuté par M. Dufour, de 1850 à 1852, dans le département de Seine-et-Marne, sur 140 hectares de terres argilo-siliceuses à sous-sol argilo-calcaire de la ferme des Corbins, propriété des hospices, ont coûté en totalité 12,000 francs, ce qui représente un prix moyen de 85 francs 71 centimes par hectare. M. Dufour avait adopté pour les drains une profondeur moyenne de 1m10 à 1m20 ; les rigoles étaient creusées à des distances de 15 à 20 mètres les unes des autres. Un drainage exécuté de 1854 à 1856, sous la direction de M. Jacquemart, dans le département de l’Aisne, sur 109 hectares de terres argileuses plus ou moins compactes et difficiles à travailler, a présenté un prix coûtant moyen de 243 francs 18 centimes par hectare, la dépense la plus forte ayant été de 309 francs 66 centimes, et la plus faible de 198 francs 50 centimes seulement. — Chez M. Vandercolme, cultivateur dans l’arrondissement de Dunkerque, où l’on a substitué avec succès le drainage tubulaire à l’ancien système des fossés, sur seize pièces de terre argileuse composant une ferme de 31 hectares, le prix du drainage a été de 161 francs par hectare, et de 167 francs en y ajoutant les frais du nivellement et de la confection d’un plan spécial. M. Alby, ingénieur expérimenté, commença en 1850 un drainage dans le département du Tarn, qu’il continua sur une-étendue de 17 hectares autour du château de Parisot, près de Dourgue. Le compte détaillé du prix auquel s’élevèrent les travaux dans l’une des terres où opéra M. Alby est cité par M. Barral comme l’un des exemples des prix d’établissement du drainage en France. Il en résulte que sur cette pièce, de 1 hectare 55, où les drains furent espacés de 10 mètres et creusés à une profondeur minimum de lm25, le prix de toute l’opération a été de 210 francs pour un hectare. La fabrication des tuyaux avait eu lieu près du terrain, avec une machine prêtée au fabricant. Sans cette circonstance, le prix de revient se fût élevé à 219 francs. Enfin, si la fabrique eût été plus ou moins éloignée, il aurait fallu tenir compte des frais du transport des tubes et manchons, employés au nombre de 6,350.

Le prix moyen pour l’Angleterre et l’Ecosse n’a pas dépassé 136 francs 10 centimes par hectare, tandis qu’en Irlande, où généralement la profondeur des rigoles est plus grande et l’écartement moindre, le drainage est revenu en moyenne à 296 fr. 50 c. — En Saxe, d’après le professeur Stockhardt, le prix moyen du drainage ne s’est élevé qu’à 153 francs 63 centimes par hectare, bien que les drains aient été rapprochés à 8m50 de distance et creusés à une profondeur moyenne de 1m13. Ce prix, si peu élevé dans de telles conditions, s’explique par le coût de la main-d’œuvre et du combustible, qui sont à très bon marché en Saxe. — Suivant M. Kreuter, les grands travaux de drainage exécutés en Bohème, dans les terres du prince Schwarzenberg, ont coûté de 158 francs à 223 francs l’hectare, l’écartement des drains étant compris entre 11 et 15 mètres, et la profondeur moyenne atteignant 1m26. — Les prix du drainage en Prusse, d’après le même savant, ne dépasseraient pas en moyenne 228 fr. l’hectare.

De ces divers relevés, on peut déduire une moyenne générale de 264 francs, moyenne presque deux fois plus élevée que celle de l’Angleterre, où cependant le nombre des tubes employés par hectare est à peu près le même que chez nous : la différence tient surtout au prix du combustible et par conséquent des tubes en chaque localité, prix bien moindre en Angleterre qu’en France. Quant au résultat financier définitif ou au produit net d’une pareille amélioration agricole, on peut dire que dans toutes les circonstances favorables où les saisons ne s’opposent pas à l’accroissement normal des récoltes, et lorsqu’en même temps les cours commerciaux des grains et fourrages se trouvent convenablement rémunérateurs, l’excédant de production dans le cours d’une seule année suffit pour compenser les frais de premier établissement du drainage. Enfin, sauf d’exceptionnels insuccès qu’il eût été facile de prévoir, l’accroissement des produits annuels suffit pour payer l’intérêt et en quelques années l’amortissement complet des sommes avancées. À plus forte raison, ces résultats sont-ils rapidement acquis lorsqu’il est possible d’employer les eaux surabondantes du sol, écoulées par les drains, à l’arrosage des terres en culture situées à un niveau inférieur. Ces terres profitent ainsi des substances nutritives entraînées en solution dans les liquides filtrés au travers des couches de terre végétale et des argiles du sous-sol. Et, chose remarquable, la pensée de cette utile application accessoire remonte encore au temps d’Olivier de Serres, qui l’exprima en termes formels et précis, alors que le nom du drainage moderne n’était pas inventé et qu’on y suppléait incomplètement à l’aide de fossés d’écoulement empierrés ou maintenus par des fascines alignées au fond des rigoles et recouvertes de terre. Voici ce que publiait Olivier de Serres sur l’irrigation des sols inférieurs par les eaux des terres assainies : « La terre est d’autant meilleure que, longtemps reposée sans pouvoir rien produire, en-gardée par les eaux, elle a fait amas de fertilité, outre lequel revenu, des eaux nuisibles éparses ramassées en un lieu se pourra former une source de fontaine telle grande et abondante qu’elle suffira pour l’arrosement des prairies. »

Si dans le cours de l’année 1860, exceptionnellement froide et humide, l’utilité de l’assainissement, de l’aération et de réchauffement du sol par la voie économique du drainage a été manifeste à tous les yeux, l’année 1861, au milieu de ses alternatives extraordinaires d’un hiver rigoureux, de pluies diluviales, de grande chaleur et de longue sécheresse, excitant tour à tour des craintes et des espérances exagérées, aura pour les agriculteurs expérimentés les mêmes enseignemens, et doit conduire à de semblables conclusions. D’abord les blés, surpris par les fortes gelées dans le sol détrempé, dépourvus d’ailleurs du manteau de neige qui d’ordinaire les protège en cette saison, souffrirent plus oui moins dans leurs organes aériens et dans leurs racines çà et là dénudées. En quelques endroits, il fallut retourner à la charrue ces semences d’automne, afin d’y substituer les céréales moins productives du printemps. Dans le plus grand nombre des localités, les espaces vides purent se remplir, grâce au tallage des blés ou pousses nouvelles, entourant les premières touffes : les tiges se dressèrent nombreuses, serrées, surmontées bientôt de volumineux épis, et l’on crut pouvoir compter sur une abondante moisson. Cependant on n’était pas au bout des déceptions : des chaleurs tropicales, succédant tout à coup aux pluies surabondantes, amenèrent ce concours de l’humidité extrême et de la température élevée si favorable au développement des végétations cryptogamiques. En quelques jours, dans un grand nombre de régions agricoles, la végétation, luxuriante jusque-là, s’affaiblissait sous les étreintes d’un champignon d’une extrême ténuité, mais doué d’une faculté si prodigieuse de multiplication, qu’on ne pouvait traverser un champ de blé sans que les vêtemens fussent tachés et tout couverts de la poussière rouge orangé du rubigo vera, vulgairement nommé rouille du froment.

L’habile directeur de la ferme de Grignon reconnut dans cette affection spéciale la principale cause qui réduisait à 20 ou 22 hectolitres de grain par hectare la récolte que dans les derniers jours de juin il avait évaluée, d’après la belle apparence des blés, à 35 hectolitres. Bien qu’un certain nombre de grandes exploitations aient été à l’abri des atteintes du mal, tout annonce maintenant que le déficit sur l’ensemble des récoltes de 1861 abaissera le rendement total au niveau des années moyennes, probablement même un peu au-dessous, au lieu de l’abondante production sur laquelle d’abord on avait cru pouvoir compter[6]. Une certaine compensation nous est du moins acquise aujourd’hui que nous savons, à n’en pouvoir douter, depuis la rentrée totale de la moisson, combien le blé de 1861, récolté heureusement dans d’excellentes conditions, sera plus sec, plus pesant et de plus facile conservation que les produits obtenus en 1860[7].

En exposant ces faits, nous ne croyons pas sortir de notre sujet, car nous voulions surtout faire remarquer qu’en certaines localités les influences du drainage auraient pu prévenir en grande partie les préjudiciables effets des intempéries de l’année 1861, si l’assainissement des terres se fût généralisé en France, où, sur 12 millions d’hectares, on en compte à peine 150,000 assainis. Le drainage eût égoutté le terrain avant les gelées intenses, et mis ainsi obstacle au rapide abaissement de la température comme au soulèvement de la terre par la congélation de l’eau. Plus tard il eût empêché le fendillement des terres argileuses par la sécheresse, et prévenu en dernier lieu la coïncidence de l’humidité extrême avec les fortes chaleurs estivales, coïncidence fâcheuse qui provoque le développement extraordinaire des cryptogames parasites. Cette dernière cause n’a pu d’ailleurs étendre que tardivement sa funeste influence sur les champs de pommes de terre et sur les vignobles, et l’on n’a aucune diminution notable à signaler dans la production de nos vignes et de notre solanée féculente.


II. — LES IRRIGATIONS.

L’application accessoire des eaux évacuées par les drains à un arrosage utile nous conduit naturellement à décrire la méthode générale d’irrigation en grand des cultures. La tradition comme la théorie s’accordent à montrer les remarquables influences des eaux naturelles de bonne qualité sur la production agricole dans toutes les régions où, durant les sécheresses des saisons chaudes, la végétation devient stationnaire ou languissante faute d’une humidité suffisante dans l’air ambiant ou dans le terrain. Cependant toutes les eaux ne sont point également bonnes pour les irrigations. Il se rencontre parfois certaines sources dont il serait plus nuisible qu’utile de répandre les eaux sur les terres en culture, du moins directement ; telles sont les eaux incrustantes, capables d’envelopper bientôt les racines de l’enduit minéral qu’elles déposent au contact de l’air. Lorsqu’elles doivent cette propriété malfaisante au carbonate calcaire, on peut les en débarrasser par un séjour assez prolongé dans de vastes bassins plats d’où s’exhale facilement le gaz acide carbonique qui tenait en dissolution le carbonate de chaux ; dès lors celui-ci se dépose dans le bassin et peut être ultérieurement utilisé pour l’amendement des terres argileuses. Si la qualité incrustante dépend du gypse ou sulfate de chaux, dont les eaux contiennent parfois jusqu’à 2 millièmes, il faut, avant de les répandre en irrigation, soit y ajouter une masse assez considérable (trois ou quatre fois leur volume) d’eau douce, soit les mélanger avec des urines fermentées qui, en de faibles proportions (10 ou 15 centièmes), suffisent souvent pour décomposer le sel calcaire et faire déposer le carbonate de chaux produit de cette réaction. Le même composé ammoniacal (carbonate d’ammoniaque) que contiennent les urines putréfiées peut rendre propres aux arrosages les eaux ferrugineuses à réaction acide, qui sont plus ou moins chargées de sulfate de fer. Les eaux acides peuvent encore être améliorées en les faisant filtrer sur des marnes crayeuses. Enfin les sources trop froides, qui arrêteraient la végétation, s’améliorent lorsqu’on les fait préalablement séjourner dans de larges fossés ou dans des réservoirs où elles peuvent acquérir une température plus douce.

L’analyse constate la présence de 75 à 90 centièmes d’eau dans l’ensemble de toutes les plantes annuelles en pleine croissance, et même de plus fortes proportions de sucs aqueux dans les plus jeunes organes comme dans les pousses nouvelles en voie de développement. Or, pour peu que les qualités de l’air ambiant deviennent desséchantes, une partie de l’eau, qui seule pouvait introduire dans la plante les substances nutritives du sol et qui rendait les tissus organiques turgescens et fermes, vient à s’évaporer, et laisse ces jeunes organismes amollis et fanés[8]. Il est donc nécessaire de pouvoir disposer d’irrigations abondantes, ou mieux encore de prévenir les sécheresses par une submersion momentanée du terrain. Alors tout devient propice à une rapide végétation ; l’élévation même de la température, si nuisible dans le premier cas, vient imprimer une activité plus grande à la vie des plantes. Quant aux moyens de réussir, dans un intervalle de temps peu considérable, à doter la France d’un système plus complet d’irrigation des terres arables, ils reposent évidemment sur l’emploi de grands capitaux. Le premier établissement exige en général de vastes emplacemens, des mouvemens de terrains très dispendieux, souvent des constructions massives, soit pour soutenir les terres en remblais, les parois des bassins ou les digues de retenue, soit pour construire les canaux de dérivation amenant à proximité des domaines irrigables les eaux des rivières prises à un niveau supérieur, soit enfin pour obtenir les eaux d’irrigation en les faisant surgir des profondeurs du sol par des puits forés qui vont atteindre les nappes d’eau, véritables rivières souterraines, interposées dans les sables entre les couches inclinées du terrain[9]. Parfois aussi l’eau courante des fleuves ou des rivières doit être empruntée à un niveau inférieur, et dans ce cas il faut l’élever, soit au moyen de machines hydrauliques que fait mouvoir le cours d’eau lui-même, soit à l’aide des machines à vapeur. Ces conditions plus ou moins onéreuses, que les récentes institutions de crédit agricole permettront de surmonter, étaient également imposées aux peuples anciens, qui nous ont légué de beaux spécimens de leurs importans travaux dans ce genre. En admirant dans nos provinces méridionales ces remarquables effets des irrigations, Arago, préoccupé de l’aménagement des eaux de la France, s’écriait qu’on ne devrait pas laisser écouler à la mer une seule goutte d’eau douce sans la faire servir à la nutrition des plantes.

Jusqu’à présent, l’effet des irrigations s’est plus particulièrement manifesté dans l’arrosage des prairies et des diverses plantes fourragères : or l’accroissement de la production des fourrages est en rapport direct avec la production et la consommation de la viande ; il doit en même temps amoindrir les chances de disette des grains en réduisant à de plus justes limites l’emploi, généralement exagéré dans nos campagnes, des nourritures farineuses. Les irrigations ouvrent donc une double voie à l’élévation de la puissance du sol : elles permettent de restreindre la culture des céréales qui l’épuisent et d’étendre la culture des plantes herbacées ou fourragères qui le fécondent.

Au reste ce ne sont pas seulement les eaux torrentielles des pluies écoulées par les vallons, les eaux des fleuves, des rivières lentes ou rapides, des sources naturelles, artificiellement jaillissantes ou recherchées dans les flancs des collines, qu’il s’agit d’aménager et de faire parvenir dans des canaux qui les distribuent en irrigations fécondantes. Il est encore d’autres ressources dont on devra tirer parti. Citons par exemple les eaux soutirées des terrains humides par la voie du drainage, et qui pourront servir, comme toutes les eaux douces, au dessalage des terrains chargés du résidu de l’évaporation des eaux de la mer, — puis celles qui, plus ou moins riches en substances minérales ou organiques assimilables par les plantes, s’écoulent en pure perte des usines, ou même vont répandre au loin l’insalubrité par les produits de leur fermentation putride et de leur évaporation spontanée. Enfin on peut utiliser les déjections animales liquides, qui de nos jours encore répandent des germes d’infection et de maladie dans certains grands cours d’eaux potables. En un mot on pourrait appliquer à l’arrosage et simultanément même à l’engrais des terres, suivant la nouvelle méthode Kennedy ou l’ancienne pratique flamande, toutes les eaux négligées ou actuellement nuisibles.

Une description succincte des moyens d’opérer ces irrigations spéciales mérite de fixer quelques instans notre attention. Tous les terrains que la mer, dans ses flux et reflux, dans les hautes marées ou les tempêtes, a périodiquement envahis retiennent de telles doses de sel marin, que toute végétation de nos plantes alimentaires ou fourragères y est devenue impossible. Les plantes marines seules peuvent y prospérer ; mais les faibles produits qu’on en tire se bornent aux résidus de leur complète incinération ; on obtient ainsi dans nos départemens méridionaux diverses soudes brutes, dites naturelles. À cette industrie peu lucrative, qui ne peut même en général offrir des soudes comparables à celles d’Alicante et de Ténériffe, on a substitué avec un grand avantage les cultures usuelles toutes les fois que l’on a pu dessaler économiquement le terrain[10]. On y réussit lorsque l’on dispose d’eaux douces provenant de cours d’eau, de bassins spéciaux, de canaux d’irrigation, ou même de l’égouttage de terrains drainés. Dans plusieurs de nos départemens méridionaux, on a recours à ces procédés ; le mode d’opérer varie suivant les circonstances locales : si le sol à dessaler est en pente, il suffit de faire arriver l’eau douce en nappe superficielle ou par des rigoles parallèles à la surface[11] ; si le terrain est horizontal et le sous-sol imperméable à l’eau, on laisse séjourner celle-ci pendant plusieurs jours, puis on la fait écouler, afin qu’elle emporte avec elle la plus grande partie de la solution saline. Dans le cas où le terrain immergé peut laisser infiltrer l’eau jusqu’à une profondeur plus grande que la couche de terre arable, elle entraîne ou refoule dans les couches inférieures la solution salée, qui est plus pesante, et permet à la végétation de parcourir toutes ses phases. Il est vrai que, sous les influences ultérieurement réunies de l’évaporation spontanée et de la capillarité du sol, les liquides remontent à la surface et y ramènent une surabondante salure. Tels sont en effet les phénomènes qui se succèdent en de telles conditions, et qui nécessitent le renouvellement des mêmes opérations à des intervalles plus ou moins rapprochés.

C’est ici que le drainage tubulaire, établi à la profondeur où l’infiltration pénètre, enlève les plus fortes proportions du sel en dissolution et augmente les effets réels du dessalage. Cette action permanente du drainage peut prévenir le retour des efflorescences salines qui obligent à réitérer les irrigations d’eaux douces. Déjà l’on peut citer un assez grand nombre d’exemples d’assainissement des localités environnant les sucreries indigènes, les féculeries, les distilleries agricoles, et où naguère les eaux de lavage de ces usines s’accumulaient, chargées de substances putrescibles, en stagnation dans des fossés et des mares graduellement plus étendues et infectant l’air à de grandes distances. Cette fermentation putride elle-même, si nuisible dans de telles conditions, était un signe certain de la présence dans ces eaux de substances organiques assimilables par les plantes sous la forme de produits ammoniacaux, de gaz acide carbonique, et toujours accompagnées de sels minéraux non moins utiles à la végétation. Toutes ces eaux des usines agricoles peuvent donc être utilisées au profit des cultures environnantes, à la condition qu’elles y seront dirigées au fur et à mesure de. leur sortie des ateliers, et distribuées à l’aide de simples fossés munis de vannes, soit en nappes immergeant les terres avant les labours, soit par des rigoles d’écoulement continu pratiquées dans les champs, facilement entretenues et variées dans la direction. Il existe d’ailleurs d’ingénieux procédés, adoptés dans le plus grand nombre des distilleries agricoles, tels par exemple que le système Champonnois, qui, loin de laisser écouler et perdre ces résidus liquides, les retient au contraire engagés dans les pulpes, afin de rendre celles-ci plus nutritives. Les dispositions principales et les remarquables avantages de cette ingénieuse méthode de distillation au point de vue agricole ont été ici même précédemment exposés[12].


III. — LE COLMATAGE.

Il est enfin une troisième méthode à l’aide de laquelle on peut renouveler la surface du sol, la préparer à recevoir les labours et les engrais, et fertiliser ainsi des terres jusque-là improductives, qui même constituaient des centres d’émanations ou d’effluves paludéennes préjudiciables à la santé publique. L’assainissement et la mise en culture des marais, des vallées et de certaines contrées humides où se développent périodiquement des fièvres endémiques, peuvent être quelquefois économiquement opérés, de même que l’amélioration des terres sableuses en d’autre localités, par des voies différentes de celles du drainage et des simples irrigations. C’est à l’aide d’une ancienne pratique agricole, le colmatage, que l’on obtient ces importans résultats, dont l’Italie nous offrit les premiers et les meilleurs modèles.

Avant d’exposer les ingénieuses et faciles méthodes usitées dans l’établissement des colmates (terrains exhaussés et amendés par le colmatage), nous nous arrêterons un instant à définir les causes de ces affections sporadiques particulières qui, sur divers points du globe et dans quelques-unes de nos campagnes, déciment les populations. Ce n’est pas l’eau elle-même, ce ne sont pas non plus les vapeurs aqueuses seules, quelque abondantes qu’on les puisse rencontrer dans l’atmosphère autour des habitations, qui occasionnent de semblables maladies : en effet, les terrains marécageux, tant que dure la submersion totale et quelle que soit l’étendue des nappes d’eau qui les recouvrent, n’occasionnent aucune affection endémiquement régnante. Ce n’est qu’à l’instant précis où, chaque année, l’évaporation superficielle met graduellement le sol à découvert que commencent aussi à se manifester les affections périodiques printanières, estivales ou plus ordinairement automnales, qui disparaissent en hiver.

Quelle est donc la véritable nature de ces émanations malfaisantes ? Les uns y croient reconnaître l’influence de ces myriades d’êtres microscopiques vivans, qui naissent presque instantanément des terres chargées de matières organiques au moment même où, l’eau surnageante disparaissant, le libre accès de l’air permet à tous les germes flottant dans l’atmosphère ou latens jusque-là de se développer et de se multiplier. Dans leur ténuité prodigieuse, ces êtres sont entraînés çà et là par les vents, disséminés au hasard, et ils vont agir sur des populations plus ou moins bien disposées à souffrir de leurs atteintes. En présence des faits chaque jour plus nombreux que la science enregistre sur les réactions énergiques des fermens impondérables, de certaines végétations microscopiques ou de leurs imperceptibles séminules, cette opinion n’offre rien que de rationnel. Il est logiquement permis de se laisser guider par les analogies qu’offrent ces réactions morbides avec la funeste influence exercée par des parasites infimes sur les espèces animales et végétales vivantes. Les récens travaux de M. Pasteur donnent à cette théorie une nouvelle force en démontrant que les spores ou séminules répandus en nombres immenses dans notre atmosphère jusqu’à une grande hauteur produisent, suivant les milieux favorables, humides ou liquides, qu’ils rencontrent, les diverses mucédinées vaguement désignées sous le nom de moisissures, une foule de champignons vénéneux ou délétères, les êtres microscopiques végétaux et animaux qui constituent les fermens alcoogènes et les fermens qui déterminent la formation des acides acétique, lactique, butyrique, etc.

Il est une seconde opinion qui attribue la cause des affections paludéennes aux émanations gazéiformes, et plus particulièrement à l’hydrogène sulfuré (acide sulfhydrique) dégagé pendant la fermentation spontanée des débris organiques. Pour en juger, il ne sera pas inutile de citer ici le curieux exemple d’une sorte d’expérience comparative qui met en présence les deux opinions, et qui permet au moins de ranger la seconde au rang des préjugés dénués de preuves et même de vraisemblance. Chacun connaît la réputation d’insalubrité trop justement acquise des maremmes de la Toscane. Il suffit parfois de rester quelques instans après le coucher du soleil, durant la belle saison, dans ces vallées humides, pour contracter une de ces fièvres paludéennes dont les sels de quinine n’enraient pas toujours à temps les accès. On comprend sans peine qu’à ce moment de la soirée où règne le mauvais air dans les maremmes, où sous le ciel pur de l’Italie le rayonnement terrestre abaisse si vite la température atmosphérique, les vapeurs aqueuses subitement condensées puissent précipiter vers le sol les corps légers enlevés pendant le jour par les courans ascensionnels de l’air échauffé ; on comprend que les personnes exposées à recevoir ces corpuscules y rencontrent certains germes de maladie, de même que plusieurs fermens et les spores des champignons délétères déterminent des affections particulières sur les espèces végétales et animales ; on s’explique enfin que l’homme soit plus vite affecté en raison même du refroidissement qui l’affaiblit, et dont il se défend moins bien en général que la plupart des autres animaux.

La seconde hypothèse, qui attribue aux gaz sulfurés la cause du mal, ne saurait, nous l’avons dit, aussi bien se soutenir : elle trouve en effet dans la même contrée une éclatante contradiction. C’est encore au milieu de ces maremmes, dans quelques vallées et sur les flancs des collines, que des émanations volcaniques lancées dans l’atmosphère par d’innombrables suffioni ou fumarolles répandent sur une étendue de plusieurs lieues un mélange de gaz, d’abondantes vapeurs aqueuses et d’argile délayée, — mélange à la température de 100 degrés et dans lequel l’hydrogène sulfuré domine au point d’attaquer en quelques instans l’argenterie, de noircir même jusque dans la poche du voyageur les cartes de visites glacées au blanc d’argent. Il y a là des quantités mille fois plus grandes peut-être de ce gaz dans un égal volume d’air respirable que dans les fiévreuses localités voisines[13], où l’analyse chimique en découvre à peine les traces ; il y en a cent fois plus sans doute que dans certaines prairies insalubres de la verte Irlande, et cependant, — j’ai pu le constater moi-même durant un séjour de deux mois en automne dans les vastes usines établies[14] par M. le comte de Larderel, un de nos compatriotes, — les contre-maîtres, les ouvriers et leurs familles, vivent au milieu de ces émanations humides, et n’en éprouvent pas la moindre influence défavorable à leur santé. C’est que, dans ces vastes terrains où les roches sont graduellement désagrégées par les vapeurs chaudes et acides qui sans cesse les traversent, celles-ci ne laissent sur ces grandes surfaces dénudées aucune prise à la végétation, et détruisent sur leur passage tous les êtres organisés microscopiques qui foisonnent dans les terres moins tourmentées. Les gaz et les vapeurs, au lieu de constituer dans ce cas les agens d’insalubrité que redoutait la population ouvrière, apportent leur puissante influence antiseptique sur le théâtre de cette vaste exploitation manufacturière unique encore dans son genre.

Sans doute on ne saurait proposer des moyens semblables, ou seulement analogues, pour l’assainissement des vallées et des bas-fonds humides ; mais du moins le procédé que nous allons décrire a-t-il pour résultat de supprimer les alternatives de submersion par les eaux, puis d’assèchement spontané, sous l’influence desquelles se développent certainement une foule de germes vivans, causes graves d’altérations morbides.

Durant les inondations périodiques des fleuves qui charrient des eaux troubles, les effets des irrigations se produisent naturellement, et il s’opère en outre une sorte de colmatage spontané qui parfois assure l’avenir des récoltes annuelles, soit par les eaux infiltrées dans le sol, soit par le limon fertile qui se dépose à la superficie ; mais dans ces circonstances le sol ne s’exhausse que très lentement, car l’eau conserve toujours une vitesse qui maintient une grande partie de l’argile en suspension[15]. On obtient des effets bien plus sensibles en maintenant à l’état de repos les eaux troubles pendant plusieurs jours, ou en augmentant les quantités d’argile en suspension. C’est en Italie que l’on rencontre les meilleurs et les plus nombreux exemples des applications du colmatage à l’assainissement comme à la fertilisation du sol. On doit citer au premier rang parmi ces grandes opérations celles qui ont définitivement assaini le val de Chiana, en Toscane. Des travaux non moins utiles ont permis d’exhausser et de niveler le fond des vallées de Sienne à l’aide des eaux pluviales rassemblées dans des réservoirs, chargées à bras d’hommes de matières argileuses, puis écoulées successivement dans les bas-fonds où leur dépôt terreux devait s’accumuler. En général, le colmatage s’effectue économiquement, lorsqu’on dispose d’un cours d’eau plus ou moins chargé d’argile en certaines saisons. La quantité de limon dans les eaux troubles, le nombre et la durée des crues annuelles forment les bases du calcul nécessaire pour évaluer la dépense et les effets du colmatage[16]. Le terrain à colmater est préalablement entouré d’une digue en terre dépassant de un ou deux décimètres la hauteur de la couche qui doit exhausser le terrain. Si le sol était en pente, on devrait établir de nombreuses digues transversales, afin de retenir le dépôt sur toutes les parties du champ. Le colmatage produira d’autant plus vite les effets qu’on en attend que l’eau s’élèvera à une plus grande hauteur. Aussi élève-t-on les digues ou levées jusqu’à 1 et même 2 mètres.

Dans le midi de la France, on sépare le terrain que l’on se propose de colmater en espaces graduellement rétrécis, à l’aide de petites chaussées hautes de 70 ou 75 centimètres, et dont l’élévation diminue de 8 ou 10 centimètres à mesure que l’on s’éloigne davantage du point d’entrée de l’eau, afin que celle-ci remplisse successivement les intervalles ou bassins formés ainsi, et se déverse uniformément en nappes débordant l’une après l’autre toutes les chaussées[17]. De quelque façon que l’on s’y prenne pour submerger le terrain à combler, soit par l’eau stagnante, soit par un courant continuel très ralenti, on doit se préoccuper des moyens de faire plusieurs fois, pendant la durée d’un colmatage complet, changer les points d’arrivée et de sortie des eaux, car sur les premiers ce sont toujours les parties les plus chargées de sable qui se déposent, et les plus ténues se dirigent vers la sortie ; les changemens de direction compensent ces effets, et régularisent l’épaisseur ainsi que les propriétés de la couche de limon.

On voit qu’en définitive l’industrie bien entendue du colmatage consiste à profiter de toutes les circonstances locales pour faire transporter économiquement par les eaux troubles le limon qui doit améliorer les terres, en s’interposant dans les sables ou recouvrant les graviers d’une couche végétale fertile, qui souvent peut assainir la contrée en la débarrassant des bas-fonds où le séjour périodique des eaux stagnantes et les alternances de la dessiccation du sol occasionnaient des maladies endémiques.

C’est encore une sorte de colmatage et d’un haut intérêt pour l’agriculture, mais un colmatage naturel, qui s’opère lorsque les eaux, dans leur cours irrégulier ou par leurs vagues poussées au gré des vents, amènent ou abandonnent les alluvions des fleuves, lais ou relais de la mer, et par degrés exhaussent le sol, ouvrant ainsi de nouveaux horizons à la culture. Lorsque l’homme parvient à maintenir et consolider ces conquêtes à l’aide des endiguemens, il établit à demeure de riches cultures comme on en voit en Hollande, sur les bords de l’Escaut, où l’on désigne sous le nom de polders ces terrains conquis sur la mer ; tels sont encore les terrains émergés qui portent aujourd’hui les belles cultures des comtés de Lincoln et d’York en Angleterre. On trouve un autre exemple de colmatage, et des plus remarquables, dans la formation de la couche arable d’une portion de l’île de Noirmoutiers, renommée parmi nos populations de l’ouest pour sa fertilité extrême. Là en effet, les terrains, retenus par des endiguemens, ont conservé leur puissance végétative depuis plusieurs siècles, à la seule condition de recevoir pour tout engrais, soit, à de longs intervalles, les tangues ou sables marins incrustés de sels calcaires et définis ici même[18], soit, à des intervalles de temps plus rapprochés, les algues marines abondantes sur ces côtes, et dont nous parlerons plus tard en traitant des engrais organiques et mixtes. Déjà la France possède plusieurs autres spécimens de terres conquises par des endiguemens sur les plages maritimes ; les cultures, quoique peu étendues, que l’on a pu y établir montrent par leur végétation luxuriante que l’établissement des polders en France est, comme l’a fait remarquer dernièrement M. Hervé-Mangon au nombre des entreprises les plus intéressantes et les plus lucratives que puisse entreprendre le génie rural.

On a vu, par cet exposé rapide de ces trois grandes opérations agricoles, le drainage, les irrigations et le colmatage, quelles immenses ressources elles peuvent offrir pour développer la production agricole en assurant l’action des engrais et la fertilité du sol. Deux d’entre elles contribueront aussi à détruire dans certaines régions assujetties aux développemens spontanés des affections périodiques les causes de cette insalubrité locale. Quant aux principaux moyens de réalisation, jamais les circonstances n’ont été plus favorables qu’en ce moment, au triple point de vue de l’abondance des capitaux, du personnel nombreux et exercé de nos ingénieurs tout prêts à diriger les travaux, enfin des débouchés largement ouverts aux diverses productions de la terre par l’accroissement des voies rapides et par le mouvement récemment imprimé aux échanges internationaux. Nous avons mentionné aussi certains procédés anciens d’assainissement du sol comparables dans leurs effets avec le drainage et qui sont de nature à offrir encore une économie réelle, grâce surtout à plusieurs perfectionnemens dans l’établissement des rigoles, la confection des fascines et la direction des eaux. C’est ainsi que M. Becquerel, dans sa propriété de Châtillon-sur-Loing, en employant au lieu de tubes en poteries, des fascines formées de cotrets de saule marceau (substitués aux brindilles), est parvenu à établir en 1860 un système complet de drainage sur 25 hectares, au prix de 100 francs l’hectare, tandis qu’avec des tubes en argile la dépense, à superficie égale, se serait élevée à 200 ou 300 francs.

Ajoutons ici, en ce qui concerne le rôle des irrigations, que ce ne sont pas seulement les nombreuses usines, — multipliant dans nos campagnes diverses industries productives telles que les sucreries et les distilleries, les féculeries et les amidonneries, le rouissage perfectionné du chanvre et du lin, — qui peuvent fournir l’occasion de transformer en irrigations fécondantes les résidus liquides de ces opérations, résidus putrescibles, qui, chaque jour mieux utilisés, cesseraient de répandre l’insalubrité autour des usines rurales. Ce sont encore, et à un point de vue bien plus général, toutes les habitations agglomérées, depuis le plus humble hameau jusqu’à la plus grande métropole. Ainsi les projets d’assainissement des villes feront servir aux progrès de l’agriculture les liquides chargés de détritus organiques, qui, détournés des rivières et répandus sur les terres en irrigations fécondantes, rendront à plusieurs grands cours d’eau leur salubrité primitive. Cette question intéressante, qui se lie intimement à la grande question des engrais organiques et mixtes, est très digne à tous égards de fixer notre attention ; elle nous offrira l’occasion de montrer en quel état sont les choses sur ce point en France et en Angleterre, soit dans les exploitations agricoles du high farming et de nos fermes, soit dans les villes, particulièrement à Paris et à Londres.


PAYEN, de l'Institut.

  1. Le mot colmatage tire son origine du verbe italien colmare, combler, d’où dérive encore le nom de colmates, qui désignent les terres nivelées et assainies par ce procédé.
  2. Voyez la Revue du 15 octobre 1855.
  3. Village du département du Nord, dont le nom vient de Fanum Martis, lieu consacré à Mars.
  4. À cette époque, bien que l’on désignât depuis très longtemps sous le nom de drains les canaux, tranchées, rigoles, que l’on creuse au milieu des marais pour faire écouler l’excès des eaux, le mot, drainage n’était pas créé. Il ne se trouve pus dans le grand dictionnaire de Wilson, en 1833. On le rencontre pour la première fois dans le dictionnaire anglais-français de Léon Smith, publié en 1850.
  5. Il n’est pas nécessaire d’ailleurs d’employer une argile réfractaire ou résistante à une température très élevée ; il suffit qu’elle ait une qualité plastique telle qu’on la puisse mouler facilement, et qu’après la cuisson les objets obtenus soient compactes, sonores et résistans à l’eau autant que les tuiles usuelles.
  6. Déjà, supputant les chances probables d’une élévation dans le cours des grains, le commerce, débarrassé d’ailleurs des entraves qu’opposait naguère à son action l’instabilité des tarifs dits de l’échelle mobile, s’est fort activement occupé de combler le déficit, et dans le cours d’un seul mois, en août 1861, les quantités de blés et de farines importés en excédant des exportations dépassent pour la France 103 millions de kilogrammes. Aussi sous cette influence une baisse notable a-t-elle eu lieu sur la plupart de nos marchés après une première hausse, due sans doute à des appréciations exagérées.
  7. Nous aurions à noter encore une compensation importante d’un autre ordre, si nous entreprenions d’établir ici combien les chaleurs prolongées de la dernière saison estivale et les pluies douces survenues à temps ont été favorables à la maturité du raisin et ont préparé une juste réputation aux vins de France qui dateront de l’année des comètes de 1861.
  8. Un très grand nombre de faits ont prouvé que la dessiccation suffit pour suspendre ou anéantir la vie de tous les végétaux et de tous les animaux, sans même qu’il y ait la moindre lésion, la moindre déchirure dans les tissus.
  9. Les puits forés, remis en honneur chez nous sous le nom de puits artésiens ou sources artésiennes, et creusés en si grand nombre dans notre province de l’Artois, étaient en usage dès la plus haute antiquité : ce sont eux qui alimentent les sources superficielles qui coulent dans les oasis de l’Égypte.
  10. Les terrains autrefois assujettis aux envahissemens de la mer, sur les plages de la Belgique et de la France dans les arrondissemens de Dunkerque, Calais, Boulogne et Saint-Omer, ont été définitivement débarrassés de l’excès de salure et conquis à la culture sur une étendue de 75,000 hectares, grâce aux persévérons travaux des puissantes associations des Moëres et des Watringues.
  11. Telle est en général la méthode d’arrosage au moyen de l’eau élevée mécaniquement ou par de simples ustensiles à bras, usitée en Égypte, dans l’Inde et en Chine, pour tous les terrains soumis à des irrigations périodiques.
  12. Voyez la Revue du 1er novembre 1857 : Sucreries et Distilleries agricoles.
  13. Aux environs de Pommerance, comme dans les autres contrées italiennes de mal’ aria des campagnes de Sienne, de Rome et de Naples.
  14. Au nombre de dix, dans les lieux appelés Monte-Cerboli, Larderello, San-Fredorigo, Castelnuovo, Sasso, Monterotondo, Lustignano, Serrazzano, Lago, San-Edvardo. L’ingénieux fondateur de cette industrie toute locale, qui produit annuellement plut d’un million de kilogrammes d’acide borique cristallisé, supprima tout emploi de combustible en empruntant la chaleur nécessaire pour l’évaporation des eaux acides aux vapeurs, perdues jusque-là, des suffioni. Il parvint ainsi à réaliser une brillante fortune. Décoré de l’ordre de la Légion d’honneur en France, il fut anobli en Toscane pour les services qu’il avait rendus au pays en y créant une source de richesses qui semble inépuisable.
  15. On a trouvé dans le Nil, pendant la submersion des terres, 13 millièmes de son volume de limon, et cependant la valide du fleuve ne s’exhausse que d’environ 132 millimètres par siècle, ou d’un mètre en huit cents ans. Le Gange, qui renferme en moyenne moitié moins de limon, ou 60 dix-millièmes, a produit un exhaussement égal dans le même temps.
  16. Il est d’ailleurs facile de s’assurer expérimentalement des quantités de limon que les eaux peuvent apporter sur les terres : il suffit de puiser quelques litres au milieu du courant, puis de laisser déposer dans un vase l’argile que le liquide renferme.
  17. La Durance, pendant la durée de ses eaux troubles, tient en suspension jusqu’à 21 millièmes de son volume de limon ; le Rhin en a donné près de 6 millièmes à Bonn, la Seine 14 dix-millièmes ; après plusieurs jours de pluie, en novembre, la Marne y apporte de fortes doses d’argiles ferrugineuses par suite du lavage des minerais de fer de la Champagne.
  18. Voyez la Revue du 1er octobre 1860.