Derniers vers (Anna de Noailles)/Hommage à Costes et à Le Brix


HOMMAGE
À COSTES ET À LE BRIX


Victor Hugo, dont l’âme est l’azur mêlée,
Vous avait pressentis, calmes et purs héros :
« J’eus toujours de l’amour pour les choses ailées ! »
Chantait-il, ébloui par le vol de l’oiseau.

Il décrivit l’espace et nomma les étoiles ;
Ce que son œil sut voir, vous l’avez pu toucher,
Quand, forcenés, muets, dans vos ailes de toiles,
L’esprit net, le corps sûr, le cœur bien attaché,


Vous franchissiez les eaux, vous traversiez l’espace,
Et, ne pouvant trahir vos fermes volontés,
Vous poursuiviez l’exploit que rien d’humain ne passe,
Pénétrant les hivers, absorbant les étés.

Sans vous désaltérer, sans vous nourrir, sans somme,
Supportant le trop froid, le trop chaud, le trop sec,
Vous avez élevé la qualité d’être homme
Au delà du grand vœu que formulaient les Grecs !

L’univers, étonné, vous loue et vous exalte,
Des peuples ont, sur vous, touché l’honneur français,
Quand, avec l’infini céleste, à chaque halte,
L’éclat du sol natal dans vos yeux paraissait !

L’on songe, en ne pouvant interrompre ce rêve,
À votre solitude immense dans l’éther,
Et, tandis que l’Oiseau s’abaisse ou se relève,
On sait que, clair bijou qui vient décorer l’air,

La cocarde joyeuse aux trois couleurs vivaces,
Secrète Marseillaise unie à vos destins,
Donne un sens plus profond, plus grave et plus sagace,
À la fierté bretonne, à l’orgueil girondin !


Soyez bénis aussi dans la chance future,
Infatigables cœurs qui ne souhaitez rien
Que d’animer d’amour la hautaine nature,
Et d’inscrire la gloire au livre aérien !

— Même le triste esprit, hanté de solitude,
Qui croyait oublier tout but essentiel,
Sait quelle est sa raison, quelle est sa certitude,
Lorsqu’il s’écrie : « Un ange ! » et lorsqu’il dit : « Le ciel ! »