De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication/Tome I/11

De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication (The Variation of Animals and Plants under Domestication)
Traduction par Jean-Jacques Moulinié.
C. Reinwald (Tom. Ip. 396-437).

CHAPITRE XI.

SUR LA VARIATION PAR BOURGEONS,
ET SUR CERTAINS MODES ANORMAUX DE REPRODUCTION ET DE VARIATION.


Variations par bourgeon dans les Pêchers, Pruniers, Cerisiers, Vigne, Groseillers et Bananiers, manifestées par les modifications du fruit. — Fleurs ; Camellias, Azaleas, Chrysanthemums, Roses, etc. — Altération des couleurs chez les Œillets. — Variations par bourgeon dans les feuilles. — Variations par drageons, tubercules et bulbes. — Bigarrage des Tulipes. — Passage des variations par bourgeons à des modifications résultant de changements dans les conditions extérieures. — Cytisus Adami ; son origine et ses transformations. — Réunion de deux embryons différents dans une même graine. — L’orange trifaciale. — Retour par bourgeons dans les hybrides. — Production de bourgeons modifiés par la greffe d’une variété ou d’une espèce sur une autre. — Action immédiate d’un pollen étranger sur la plante fécondée. — Effets d’une première fécondation sur la progéniture ultérieure des femelles d’animaux. — Conclusion et Résumé.


Je consacrerai ce chapitre principalement à l’étude des faits de variation par bourgeons qui, sous plusieurs rapports, ont une certaine importance. Je comprends sous cette expression, tous les brusques changements de structure et d’aspect qui apparaissent occasionnellement sur les bourgeons foliifères ou floraux des plantes adultes. La différence entre la reproduction par semences ou par bourgeons n’est pas si considérable qu’elle peut le paraître d’abord ; car dans un sens le bourgeon est un individu nouveau et distinct, produit sans le concours d’un appareil spécial, tandis que les graines fertiles nécessitent pour leur formation le concours de deux éléments sexuels. Les modifications qui doivent leur origine à une variation de bourgeons, se propagent en général par greffes, boutures, bulbes, etc., quelquefois même par graine. Quelques-unes de nos productions les plus utiles et les plus belles sont nées de variations de bourgeons.

On ne les a encore observées que dans le règne végétal ; mais il est probable que si les animaux composés, tels que les coraux, etc., eussent été soumis à l’influence d’une domestication prolongée, ils eussent également varié par bourgeons ; car, sous beaucoup de rapports, ils ressemblent aux plantes. Ainsi tout caractère nouveau ou particulier, chez un animal composé, peut se propager par bourgeonnement, comme cela arrive chez les Hydres de diverses couleurs, et comme M. Gosse l’a démontré, sur une variété singulière de vrai corail. On a aussi greffé des variétés de l’Hydre sur d’autres, et elles ont conservé leurs caractères.

Après avoir exposé les cas de variations par bourgeons que j’ai pu recueillir, je discuterai leur importance. Ces cas prouvent que les auteurs qui, comme Pallas, attribuent toute variabilité au croisement soit de races distinctes, soit d’individus un peu différents entre eux, mais appartenant à la même race, sont dans l’erreur ainsi que ceux qui l’attribuent au fait unique de l’union sexuelle. Le principe du retour à des caractères perdus n’explique pas, dans tous les cas, l’apparition de caractères nouveaux par variation de bourgeons, et les faits qui vont suivre permettront de juger de l’influence que les conditions extérieures peuvent exercer sur chaque variation particulière.


Pêchers (Amygdalus Persica). — J’ai signalé, dans le chapitre précédent, deux cas de pêcher-amandier et d’un amandier à fleurs doubles, qui avaient subitement produit des fruits ressemblant à de vraies pêches. J’ai aussi rappelé quelques cas de pêchers ayant produit des bourgeons, qui, développés en rameaux, avaient donné des pêches lisses ; et nous avons vu que six variétés distinctes de pêcher, et quelques autres non dénommées, ont de la même manière, produit plusieurs variétés de pêches lisses. J’ai montré l’improbabilité que ces pêchers, dont quelques-uns sont d’anciennes variétés, qui ont été cultivées par millions, soient des métis de pêcher vrai et du lisse ; et qu’on ne peut attribuer cette production occasionnelle de pêches lisses à l’action directe d’un pollen provenant de quelque pêcher voisin de cette variété. Quelques cas sont fort remarquables, parce que, 1o, le fruit ainsi produit a été quelquefois partie pêche proprement dite et partie pêche lisse ; 2o, parce qu’il a pu se reproduire de graine ; et 3o, parce qu’on peut produire des pêches lisses aussi bien par la graine du pêcher proprement dit que par ses bourgeons. La graine de la pêche lisse, par contre, donne quelquefois des pêches, et nous avons vu un cas où un pêcher lisse a donné de vraies pêches par variation de bourgeons. La pêche étant certainement la variation la plus ancienne ou primaire, la production de pêches vraies par le pêcher lisse, tant par graine que par bourgeons, doit être considérée comme un cas de retour. Sur certains arbres qu’on a décrits comme portant indistinctement les deux sortes de pêches, il y a eu probablement une variation de bourgeons poussée à un degré extrême.

La pêche grosse mignonne de Montreuil a produit de cette manière sur une branche, la grosse mignonne tardive, une variété aussi excellente que la première, mais qui mûrit quinze jours plus tard[1]. Cette même pêche a aussi produit par variation de bourgeons la grosse mignonne précoce. La grosse pêche lisse fauve de Hunt est provenue également de la petite fauve de Hunt, mais non par reproduction séminale[2].

Pruniers. — M. Knight rapporte qu’un prunier de la variété magnum bonum jaune, qui avait toujours donné son fruit ordinaire, poussa à l’âge de quarante ans, une branche portant des prunes rouges[3]. M. Rivers m’apprend que, sur environ cinq cents arbres de la variété « Early Prolific » (Prolifique précoce) du prunier, qui descend d’une ancienne variété française à fruit pourpre, un seul a produit à l’âge de dix ans des prunes d’un jaune vif, qui ne différaient que par la couleur de celles des autres arbres de la même variété, mais ne ressemblaient à aucune des prunes jaunes connues[4].

Cerisiers (Prunus cerasus). — M. Knight a observé un cas d’une branche d’un cerisier « May Duke, » qui quoique n’ayant jamais été greffée, donnait toujours des fruits plus oblongs, et d’une maturation plus tardive que ceux des autres branches. On a aussi constaté en Écosse sur deux cerisiers de la même variété, la présence de branches portant de fort beaux fruits oblongs, qui arrivaient invariablement, comme dans le cas précédent, à maturité quinze jours plus tard que les autres cerises[5].

Raisins. (Vitis vinifera). — Le Frontignan noir a dans un cas produit pendant deux années consécutives (et sans doute d’une manière permanente), des pousses portant des Frontignans blancs. Dans un autre cas, sur la même grappe, les baies inférieures furent noires, celles près du pédoncule blanches, excepté une noire et une bigarrée ; ensemble quinze baies noires et douze blanches. Dans une autre variété, on a observé sur la même grappe des baies noires et des baies ambrées[6]. Le comte Odart a décrit une variété qui porte souvent sur la même grappe de petites baies arrondies et d’autres plus grandes et oblongues ; la forme de la baie est cependant généralement un caractère fixe[7]. Voici encore un cas frappant que je donne d’après M. Carrière[8] ; une souche de Hambourg noir (Frankenthal) après avoir été coupée, poussa trois rejetons, dont l’un ayant été marcotté, produisit plus tard des raisins beaucoup plus petits, et qui atteignaient leur maturité quinze jours plus tôt que les autres. Des deux autres rejetons, l’un donna chaque année de beaux raisins, et l’autre en produisit beaucoup, mais de qualité inférieure, et ne mûrissant que difficilement.

Groseilliers épineux (Ribes grossularia). — Le Dr Lindley[9] a signalé un cas remarquable d’un buisson qui portait à la fois quatre sortes de baies, — rouges et velues, — lisses, petites et rouges, — vertes, — et jaunes teintées de chamois. Ces deux dernières avaient les graines rouges, et une saveur différente de celle des baies de cette couleur. De trois rameaux qui poussaient près les uns des autres sur ce buisson, le premier portait trois baies jaunes et une rouge, le second quatre jaunes et une rouge, le troisième quatre rouges et une jaune. M. Laxton m’apprend aussi qu’il a eu occasion de voir un groseillier rouge « Warrington » qui portait sur la même branche des fruits rouges et des jaunes.

Groseillier à grappes (Ribes rubrum). — Un groseillier Champagne, variété qui porte un fruit pâle intermédiaire entre le rouge et le blanc, a, pendant quatorze ans, produit, soit sur des branches différentes, soit sur la même, des fruits rouges, blancs et champagnes[10]. On pourrait soupçonner que cette variété provienne d’un croisement entre une variété rouge et une blanche, auquel cas la transformation que nous venons de voir, s’expliquerait par un retour vers les deux formes parentes, mais le cas compliqué du groseillier épineux qui précède rend cette supposition douteuse. On a observé en France un groseillier à grappes rouges, âgé de dix ans, dont une branche portait à son sommet cinq baies blanches, et plus bas, parmi des rouges, une unique baie moitié blanche et moitié rouge[11]. Alexandre Braun[12] a aussi souvent vu des branches de groseilliers blancs portant des groseilles rouges.

Poiriers (Pyrus communis). — D’après Dureau de la Malle, les fleurs de quelques poiriers d’une ancienne variété, dite doyenné galeux, ayant péri par le gel, d’autres fleurs poussèrent en juillet et produisirent six poires qui, par leur goût et la nature de la peau ressemblèrent exactement au fruit d’une variété fort distincte, le gros doyenné blanc, et aux poires bon-chrétien par la forme ; on n’a pas vérifié si cette nouvelle variété pouvait se propager par greffe ou bouture. Le même auteur ayant enté un bon-chrétien sur un coignassier, la greffe produisit, outre son fruit ordinaire, une variété d’apparence nouvelle, d’une forme particulière, et ayant une peau épaisse et rugueuse[13].

Pommiers (Pyrus malus). — Un arbre de la variété « Pound Sweet, » au Canada[14], produisit entre deux de ses fruits habituels, une pomme bien rousse, petite, d’une forme différente et à pédoncule très-court. Aucun pommier à fruits de cette couleur ne croissant dans les environs, on ne peut attribuer le fait à l’action immédiate d’un pollen étranger. Je donnerai plus loin des cas de pommiers produisant régulièrement deux formes différentes de fruits, ou des fruits mixtes, c’est-à-dire moitié l’un moitié l’autre ; on suppose généralement, et probablement avec raison, que ces arbres sont le résultat d’un croisement, à la suite duquel leurs fruits font retour aux formes parentes.

Bananes (Musa sapientium). — Sir R. Schomburgk a observé à Saint-Domingue un racème de la figue banane qui portait vers la base cent vingt-cinq fruits normaux, auxquels succédaient plus haut, comme d’habitude, des fleurs stériles, puis quatre cent vingt fruits d’aspect fort différent, et mûrissant plus tôt que le fruit habituel. Ces fruits anormaux ressemblaient beaucoup, sauf leurs dimensions plus petites, à ceux de la Musa Chinensis ou Cavendishii, qu’on considère généralement comme étant une espèce distincte[15].

FLEURS.

On connaît beaucoup de cas de plantes entières, ou simplement de branches isolées ou de bourgeons ayant subitement produit des fleurs différant du type ordinaire, par la couleur, la forme, la grosseur, et d’autres caractères. Le changement de coloration peut porter sur une demi ou même sur une fraction moindre de la fleur.

Camellia. — L’espèce à feuilles de myrte (C. myrtifolia), et deux ou trois variétés de l’espèce commune, ont quelquefois produit des fleurs hexagonales et imparfaitement quadrangulaires, et on a pu propager par greffe des branches portant de pareilles fleurs[16]. La variété Pompone porte souvent quatre sortes de fleurs distinctes : les blanches pures et les tachées de rouge qui apparaissent mélangées ; les roses mouchetées et les roses qu’on peut conserver distinctes assez sûrement en greffant les rameaux qui les portent. Dans un vieil arbre de la variété rose, on a observé l’exemple d’une branche qui a fait retour à la couleur blanche pure, ce qui est moins fréquent que le cas inverse[17].

Cratægus oxyacantha. — Une aubépine d’un rose foncé a produit une touffe unique de fleurs blanches pures[18], et M. A. Clapham, pépiniériste de Bradford, m’apprend que son père avait eu une aubépine incarnat foncé, greffée sur une aubépine blanche, qui pendant plusieurs années donna toujours, passablement au-dessus de la greffe, des bouquets de fleurs blanches, roses, et d’un rouge cramoisi intense.

L’Azalea indica produit souvent de nouvelles variétés par bourgeons, et j’en ai moi-même observé plusieurs cas. On a exposé une plante d’Azalea Indica variegata, qui portait une touffe de fleurs de l’Azalea I. Gledstanesii aussi exacte que possible, montrant ainsi avec évidence l’origine de cette belle variété. Une plante d’A. Ind. variegata a, dans un autre cas, produit une fleur parfaite d’A. Ind. lateritia, de sorte que les deux variétés Gledstanesii et lateritia ont sans aucun doute dû surgir comme variations subites de l’A. Ind. variegata[19].

Cistus tricuspis. — Une de ces plantes, levée de graine, produisit après quelques années à Saharunpore[20], quelques branches portant des feuilles et des fleurs très-différentes de la forme normale. La feuille anormale est moins divisée et point acuminée. Les pétales sont plus grands et entiers, et à l’état frais on remarque sur la partie postérieure de chaque segment du calice, une grosse glande oblongue pleine d’une sécrétion visqueuse.

Althæa rosea. — Une rose-trémière jaune double changea subitement et devint blanche et simple, mais ultérieurement une branche, portant les fleurs jaunes et doubles primitives, reparut parmi les blanches simples[21].

Pelargonium. — Ces plantes semblent tout particulièrement susceptibles de variations par bourgeons, je vais en donner quelques exemples frappants. Gartner[22] a observé sur une plante du P. zonale, une branche à feuilles bordées de blanc, qui resta constante pendant des années, et portait des fleurs d’un rouge plus foncé qu’à l’ordinaire. En général, ces branches ne présentent que peu ou point de différences quant aux fleurs ; ainsi le jet principal d’une plante du P. zonale[23] ayant été pincé, il poussa trois branches qui différaient par la grandeur et la couleur des feuilles, mais les fleurs furent identiques dans les trois, un peu plus grandes dans la variété à tiges vertes, plus petites dans celle à feuillage panaché ; ces trois variétés ont été propagées depuis et répandues. On a observé sur une variété nommée compactum, dont les fleurs sont d’un rouge orangé vif, des branches ou même des plantes entières portant des fleurs roses[24]. La variété rouge pâle « Hill’s Hector » a produit une branche portant des fleurs lilas, et quelques touffes contenant des fleurs lilas et des fleurs rouges ; cette variété provenant du semis de la graine d’une variété lilas, il y a eu là probablement un cas de retour[25]. De tous les Pélargoniums, la variété « Rollisson’s Unique » paraît être la plus capricieuse ; son origine n’est pas bien connue, et on la regarde comme étant le résultat d’un croisement. M. Salter d’Hammersmith[26], assure qu’il a vu cette variété pourpre produire les variétés lilas, rose-incarnat ou conspicuum, et rouge ou coccineum ; cette dernière a aussi donné la rose d’amour ; de sorte que quatre variétés doivent ensemble leur origine à des variations par bourgeons de la seule Rollisson’s Unique. L’auteur fait remarquer que, bien qu’elles donnent encore quelquefois des fleurs de la couleur originelle, on peut regarder ces variétés comme fixes. La variété coccineum a « cette année fourni des fleurs de trois différentes couleurs, rouges, roses et lilas sur une même touffe, et des fleurs moitié rouges, moitié lilas sur d’autres. » Outre ces quatre variétés, on connaît deux autres « Uniques » écarlates, qui toutes deux produisent parfois des fleurs lilas, identiques à celles de la Rollisson[27] ; et dont l’une n’ayant pas pris naissance par variation de bourgeons, est regardée comme probablement le résultat du semis de graine de la Rollisson’s Unique[28]. Il existe encore dans le commerce[29] deux autres variétés de ce nom peu différentes, d’origine inconnue, de sorte que cette plante nous offre un cas complexe de variation tant par bourgeons que par graine[30]. Une plante sauvage anglaise, le Geranium pratense, a produit, cultivée dans un jardin, et sur la même plante, des fleurs tant bleues que blanches, et d’autres rayées de bleu et de blanc[31].

Chrysanthemum. — Cette plante offre souvent des variations soudaines, soit par ses branches latérales soit aussi par drageons. Une plante levée de graine par M. Salter, a produit par variation de bourgeons six variétés distinctes, dont cinq différant par la couleur, et une par le feuillage, et qui sont actuellement fixes[32]. Les variétés importées de Chine furent d’abord si excessivement variables, qu’il aurait été difficile de déterminer quelle avait dû être leur couleur originelle. Une même plante pouvait une année ne donner que des fleurs couleur chamois, et l’année suivante des fleurs roses ; puis ensuite changer encore, ou donner à la fois des fleurs des deux couleurs. Ces variétés flottantes sont maintenant perdues, et lorsqu’une branche offre quelque variété nouvelle, on peut généralement la conserver et la propager ; mais d’après l’observation de M. Salter, il faut essayer chaque variété dans divers sols avant de pouvoir la considérer comme fixe, car on en a vu revenir en arrière dans des sols richement fumés ; mais une fois les épreuves faites avec tous les soins et le temps nécessaires, on risque peu d’avoir des mécomptes. M. Salter m’apprend que, dans toutes les variétés, la variation par bourgeons la plus fréquente, est celle qui produit des fleurs jaunes, laquelle étant précisément la couleur primitive, doit être attribuée à un effet de retour. M. Salter m’a communiqué une liste de sept Chrysanthèmes de couleurs différentes, ayant tous produit des branches à fleurs jaunes ; trois d’entre eux ont donné aussi des fleurs d’autres couleurs. Lorsqu’il y a changement de coloration de la fleur, le feuillage change généralement d’une manière correspondante en clair ou foncé.

Une autre composée, la Centauria cyanus, cultivée en jardin, produit assez souvent sur le même tronc des fleurs de quatre différentes couleurs, bleues, blanches, pourpres et bicolores[33]. Les fleurs d’Anthémis varient aussi sur la même plante[34].

Roses. — On attribue à la variation par bourgeons l’origine d’un grand nombre de variétés de la rose[35]. La rose mousseuse double fut importée en 1735[36] d’Italie en Angleterre. Son origine est inconnue, mais on peut, par analogie, admettre qu’elle a probablement dû provenir par variation de bourgeons de la rose de Provence (R. centifolia) ; car on sait que des branches de la rose mousse commune ont plusieurs fois produit des roses de Provence, entièrement ou partiellement dépourvues de mousse, cas dont a consigné quelques exemples[37].

M. Rivers m’informe aussi qu’il a obtenu quelques roses du groupe des roses de Provence, de la graine de l’ancienne rose mousseuse[38] simple, qui elle-même fut produite en 1807 par variation de bourgeons de la rose mousseuse ordinaire. La rose mousseuse blanche a aussi été obtenue en 1788 par un rejeton de la rose mousseuse rouge commune ; elle fut d’abord pâle et rougeâtre, et devint par la suite blanche. Les jets qui avaient produit cette rose blanche ayant été coupés, deux rejets faibles poussèrent, dont les bourgeons donnèrent la magnifique rose mousseuse rayée. La rose mousseuse commune a produit par variation de bourgeons, outre l’ancienne rose mousseuse simple rouge, l’ancienne rose mousseuse demi-double écarlate, et celle à feuilles de sauge, qui est d’un beau rose pâle, et a une forme de coquille très-délicate ; elle est maintenant (1852) presque éteinte[39]. On a vu une rose mousseuse blanche porter une fleur moitié blanche et moitié rose[40]. Bien que quelques roses mousseuses doivent certainement, comme nous venons de le voir, leur origine à une variation de bourgeons, la plupart ont dû probablement provenir de graine. M. Rivers, en effet, m’apprend que ses semis de l’ancienne rose mousseuse simple lui ont presque toujours donné des roses de même nature ; or, nous l’avons déjà dit, l’ancienne rose mousseuse simple a été le résultat d’une variation de bourgeons de la rose mousseuse double importée d’Italie ; et il est probable que la rose mousseuse primitive est elle-même le produit d’une variation de bourgeons, d’après les faits que nous avons indiqués, et surtout d’après celui de l’apparition de la rose mousseuse de Meaux (aussi une variété de la R. centifolia[41]), sur un rameau de la rose commune du même nom.

Le professeur Caspary[42] a décrit avec soin un cas d’une rose mousseuse blanche âgée de six ans, qui poussa plusieurs rejetons, dont l’un, épineux, produisit des fleurs rouges, dépourvues de mousse, et semblables à la rose de Provence (R. centifolia) ; un autre rejeton produisit des fleurs des deux sortes, plus quelques autres rayées longitudinalement. Cette rose mousseuse ayant été greffée sur un rosier de Provence, le professeur Caspary attribue ces changements à une influence de la souche ; mais tant d’après les faits précédents que d’après d’autres que nous donnerons par la suite, ils sont suffisamment expliqués par la variation par bourgeons, avec retour.

On pourrait ajouter encore bien des cas de roses variant par bourgeons. La rose blanche de Provence est née de cette manière[43]. On a vu la rose Belladone[44] double, si richement colorée, donner naissance par rejetons à des roses blanches demi-doubles, ou même presque simples, tandis que des drageons de ces roses blanches demi-doubles sont revenus au véritable type des Belladones. Des variétés de la rose de Chine qu’on propage par boutures à Saint-Domingue, font retour, après un an ou deux, à l’ancienne rose de Chine[45]. On a enregistré beaucoup de cas de roses devenant soudainement rayées, ou changeant partiellement de couleur ; ainsi quelques plantes de la « Comtesse de Chabrillant », qui est normalement rose, exposées en 1862[46], présentaient des taches écarlates sur un fond rose. J’ai vu la « Beauty of Billiard » avec un quart ou la moitié de la fleur blanche. La ronce autrichienne (R. lutea[47]), produit fréquemment des branches portant des fleurs d’un jaune pur ; et le professeur Henslow a eu l’occasion d’en voir une fleur dont la moitié était jaune ; j’ai moi-même vu un pétale unique rayé de lignes jaunes très-étroites sur un fond cuivré ordinaire.

Les cas suivants sont très-remarquables. M. Rivers possédait une rose française nouvelle à tiges lisses et délicates, à feuilles d’un vert glauque pâle, et à fleurs demi-doubles de couleur chair pâle striées de rouge foncé ; à plusieurs reprises il vit apparaître sur les branches de ce rosier, et subitement, une ancienne rose célèbre connue sous le nom de la « Baronne Prevost, » à rameaux épineux et forts, et à fleurs doubles très-grandes, et d’une couleur riche et uniforme ; dans ce cas donc, les tiges, feuilles, et fleurs ont toutes à la fois changé de caractères par variation de bourgeons. D’après M. Verlot[48], la variété Rosa cannabifolia dont les folioles ont une forme particulière, et qui diffère du reste de tous les autres membres de la famille, en ce que chez elle ses feuilles sont opposées au lieu d’être alternes, a apparu subitement dans le jardin du Luxembourg, sur une plante de R. alba. Enfin M. H. Curtis[49] ayant greffé un rejeton de l’ancienne « Aimée Vibert Noisette, » sur la variété « Celine, » obtint une Aimée Vibert grimpante, qui fut ensuite propagée.

Dianthus. — On voit très-fréquemment chez le D. Barbatus, des fleurs de couleurs différentes sur le même pied, et j’en ai observé sur la même touffe de quatre couleurs et nuances diverses. Les œillets (D. caryophyllus, etc.) varient occasionnellement par marcottes ; et quelques formes sont si peu constantes par leurs caractères, que les horticulteurs les appellent des « attrapes[50]. » M. Dickson qui a fort bien discuté la confusion des teintes qui a souvent lieu chez les œillets rayés ou tachetés, dit qu’on ne saurait l’expliquer par le sol où elles croissent, car des marcottes de la même plante peuvent donner des fleurs altérées, et d’autres qui ne le sont pas, même lorsque toutes sont traitées d’une manière semblable ; une fleur seule peut souvent se trouver ainsi dégénérée, toutes les autres étant intactes[51]. Il y a là apparemment un cas de retour par bourgeons à la teinte primitivement uniforme de l’espèce.

Je mentionnerai encore quelques exemples de variation par bourgeons, pour montrer combien dans tous les ordres, il y a de plantes qui ont varié par leurs fleurs. J’ai vu sur une même plante de muflier, (Antirrhinum majus), des fleurs blanches, roses, et rayées, et chez une variété rouge, des branches portant des fleurs rayées. Sur une giroflée double (Matthiola incana), j’ai vu une branche portant des fleurs simples ; et sur une variété double pourpre foncé du violier (Cheiracanthus cheiri), une branche dont les fleurs avaient fait retour à la couleur primitive à reflets métalliques. Sur d’autres branches de la même plante, quelques fleurs étaient exactement pourpres et cuivrées par moitié ; mais quelques-uns des petits pétales du centre étaient pourpres et striés en long de raies cuivrées, ou cuivrés et striés de pourpre. On a observé chez un Cyclamen[52], des fleurs blanches et roses de deux formes, dont l’une ressemblait à la forme Persicum, l’autre à la forme Coum ; on a vu également des fleurs de trois colorations différentes sur l’Œnothera biennis[53]. Le Gladiolus colvillii hybride porte occasionnellement des fleurs de couleur uniforme, et on cite un cas[54] où toutes les fleurs d’une plante avaient ainsi changé de couleur. On a observé aussi deux sortes de fleurs chez un Fuchsia[55]. Le Mirabilis jalapa est extrêmement capricieux, et peut présenter sur un même pied des fleurs rouges, jaunes ou blanches, et d’autres diversement panachées de ces trois couleurs[56]. Il est probable que, ainsi que l’a montré le professeur Lecoq, les plantes de Mirabilis qui produisent des fleurs si extraordinairement variables, doivent leur origine à des croisements entre les variétés de diverses couleurs.

Feuilles et tiges. — En traitant des changements causés dans les fleurs et fruits par la variation de bourgeons, nous avons incidemment signalé quelques modifications dans les tiges et les feuilles des Roses et des Cistes, et dans le feuillage des Pélargoniums et Chrysanthèmes. J’ajouterai encore quelques cas de variations dans les bourgeons foliifères. Verlot[57] a constaté que chez l’Aralia trifoliata, dont les feuilles ont normalement trois folioles, il apparaît souvent des branches portant des feuilles simples de diverses formes, qui peuvent se propager par boutures ou par greffes, et qui, d’après cet auteur ont donné naissance à plusieurs espèces nominales.

Pour ce qui concerne les arbres, on ne connaît l’histoire que de peu des nombreuses variétés d’arbres d’ornement, ou curieux par leur feuillage, mais il est probable que plusieurs doivent leur origine à la variation par bourgeons. En voici un cas : un vieux frêne (Fraxinus excelsior), raconte M. Mason, a eu, pendant bien des années, une branche ayant un caractère tout différent de toutes celles de l’arbre, ainsi que de tout autre arbre de la même espèce ; elle était court-jointée et couverte d’un feuillage épais. On s’est assuré que la variété pouvait se propager par greffe[58]. Les variétés de quelques arbres à feuilles découpées, tels que le Cytise à feuilles de chêne, la vigne à feuilles de persil, et surtout le hêtre à feuilles de fougère, peuvent revenir par bourgeons à la forme ordinaire[59]. Les feuilles à forme de fougère du hêtre ne reviennent quelquefois que partiellement, et çà et là les branches poussent des rameaux portant des feuilles ordinaires, des feuilles fougères, ou de formes variées. Ces cas diffèrent peu des variétés dites hétérophylles, dans lesquelles l’arbre porte habituellement des feuilles de diverses formes, mais il est probable que la plupart des arbres hétérophylles sont provenus de semis de graine. Il existe une sous-variété de saule pleureur dont les feuilles sont enroulées en spirale, et M. Masters a eu dans son jardin un arbre semblable qui, après avoir gardé ce caractère pendant vingt-cinq ans, poussa tout à coup une tige droite portant des feuilles plates[60].

J’ai souvent remarqué sur des hêtres et quelques autres arbres, des rameaux dont les feuilles étaient complétement étalées, avant que celles des autres branches fussent ouvertes ; et comme rien dans leur exposition ne pouvait rendre compte de cette différence, je présume qu’elle était due à une variation de bourgeons, analogue aux variétés précoces ou tardives des pêchers ordinaires et des pêchers lisses.

Les Cryptogames peuvent présenter la variation par bourgeons, car on constate souvent des déviations singulières de structure dans les frondes des fougères. Les spores, qui sont de la nature des bourgeons, provenant de ces frondes anormales, reproduisent avec une constance remarquable la même variété, après avoir passé par la phase sexuelle[61].

En ce qui concerne la couleur, les feuilles peuvent fréquemment, par variation de bourgeons, devenir zonées, tachées ou piquetées de blanc, de jaune et de rouge, ce qui s’observe quelquefois même dans les plantes à l’état de nature. Les panachures apparaissent toutefois plus souvent chez les plantes venues de graine, et même leur cotylédons peuvent être ainsi affectés[62]. Il y a eu des discussions interminables pour savoir si la panachure devait être regardée comme une maladie. Nous verrons plus tard que, tant pour les jeunes plantes levées de graine que pour les adultes, elle est fortement influencée par la nature du sol. Les plantes venant de semis qui sont panachées, transmettent généralement par graine leur caractère à la plus grande partie de leurs descendants ; je dois à M. Salter la liste de huit genres chez lesquels cela est arrivé[63]. Sir F. Pollock m’a fourni quelques renseignements plus précis ; ayant semé la graine d’une Ballola nigra panachée, qu’il avait trouvée sauvage, trente pour cent des plantes levées de ce semis furent panachées, et des graines de celles-ci donnèrent ultérieurement soixante pour cent de produits panachés. Lorsque les branches panachées viennent d’une variation de bourgeons, et qu’on cherche à propager la variété par graine, les produits levés de semis sont rarement panachés. M. Salter a constaté ce fait sur des plantes appartenant à onze genres, et chez lesquelles la majeure partie des jeunes plantes eurent les feuilles vertes ; un petit nombre furent légèrement panachées ou toutes blanches, et ne valaient pas la peine d’être conservées. Que les plantes panachées proviennent de graine ou de bourgeons, elles peuvent généralement se reproduire par bourgeons et greffes, etc. ; mais toutes sont aptes à faire retour par variation de bourgeons au feuillage ordinaire. Cette tendance peut toutefois différer beaucoup dans les variétés d’une même espèce ; ainsi la variété à raies dorées du Euonymus Japonicus, revient facilement à la variété à feuilles vertes, tandis que celle à raies argentées ne change presque jamais[64]. J’ai vu une variété de houx, dont les feuilles avaient une tache jaune centrale, qui était partout, mais partiellement, revenue au feuillage ordinaire, de sorte que chaque branche portait des rameaux de deux sortes. Dans le Pélargonium et quelques autres plantes, la panachure est généralement accompagnée d’un rapetissement, fait dont le Pélargonium « Dandy » est un exemple. Lorsque ces variétés naines retournent par bourgeons ou par rejets au feuillage ordinaire, les nouvelles plantes conservent quelquefois leur petite taille[65]. Il est remarquable que les plantes propagées de branches ayant fait retour du feuillage panaché au feuillage uni, ne ressemblent pas toujours[66] (d’après un observateur, jamais), à la plante primitive à feuillage simple, dont est provenue la branche panachée ; et il semblerait qu’une plante, passant par variation de bourgeons de feuilles unies à feuilles panachées, et revenant de feuilles panachées aux feuilles unies, soit généralement et à quelque degré, affectée de manière à revêtir un aspect un peu différent.

Variations de Bourgeons par Drageons, Tubercules et Bulbes. — Les cas que nous avons jusqu’à présent signalés de variations par bourgeons dans les fruits, fleurs, feuilles et tiges, n’ont porté que sur les bourgeons de branches, et ce n’est qu’incidemment que nous avons mentionné la variation de drageons dans les Roses, Pélargoniums et Chrysanthèmes. Je vais maintenant indiquer quelques exemples de variation dans les bourgeons souterrains, c’est-à-dire dans les tubercules et les bulbes, bien qu’il n’y ait aucune différence essentielle entre les bourgeons, qu’ils soient au-dessus ou au-dessous du sol. M. Salter m’apprend que deux variétés panachées de Phlox sont provenues de drageons, et qu’il a en vain essayé de les propager par division de racines, ce qui se fait très-facilement pour le Tussilago farfara panaché[67] ; mais il est possible que cette dernière plante dérive originairement d’un produit de semis panaché, ce qui expliquerait la plus grande fixité de ses caractères. L’épine-vinette (Berberis vulgaris) offre un cas analogue ; il en existe une variété dont le fruit est dépourvu de graines, et qu’on peut propager par boutures ou marcottes, mais les drageons retournent toujours à la forme commune, dont les fruits contiennent des graines[68] ; ces essais ont été souvent répétés par mon père, et toujours avec le même résultat.

Pour en venir aux tubercules, dans la pomme de terre commune (Solanum tuberosum), un seul bourgeon ou œil peut varier et produire une nouvelle variété ; ou occasionnellement, et ce qui est bien plus remarquable, tous les yeux d’un tubercule peuvent varier de la même manière et en même temps, de sorte que le tubercule tout entier acquiert un nouveau caractère. Par exemple, un seul œil d’un tubercule de l’ancienne variété pourpre de la Pomme de terre Forty-Fold étant devenu blanc[69], fut découpé et planté séparément, et donna une variété qui a été depuis largement répandue. Une plante de la pomme de terre Kemp, qui est blanche, produisit une fois, dans le Lancashire, deux tubercules rouges et deux blancs ; les rouges furent propagés à la manière habituelle par yeux et conservèrent leur nouvelle couleur, et la variété, ayant été reconnue plus productive, fut bientôt recherchée et répandue sous le nom de Taylor’s Forty-fold[70]. La variété ancienne, comme nous l’avons dit, était pourpre, mais une plante cultivée depuis longtemps dans le même sol a produit, non pas comme dans le cas précédent, un seul œil blanc, mais un tubercule tout entier de cette couleur, qu’on a depuis propagé et qui est resté constant[71]. On a signalé encore plusieurs cas de fortes portions de rangs entiers de pommes de terre ayant légèrement changé de caractères[72].

Sous l’influence du climat très-chaud de Saint-Domingue, les Dahlias propagés par tubercules varient beaucoup. Sir R. Schomburgk signale le cas de la variété « Papillon », qui, dès la seconde année, portait sur la même plante des fleurs doubles et simples, ici des pétales blanches bordées de marron, à des pétales uniformément marron foncé[73]. M. Bree mentionne aussi une plante qui portait deux sortes de fleurs de couleurs différentes, et une troisième qui réunissait les deux admirablement mélangées[74]. On a encore décrit un Dahlia à fleurs pourpres qui portait une fleur blanche rayée de pourpre[75].

Quoiqu’un grand nombre de plantes bulbeuses aient été cultivées sur une grande échelle et depuis longtemps, et aient produit une grande quantité de variétés de graine, elles n’ont pas varié autant qu’on aurait pu le croire par rejetons, c’est-à-dire par production de nouveaux bulbes. On cite le cas d’une jacinthe bleue qui, pendant trois années consécutives, a donné des rejetons qui ont produit des fleurs blanches à centre rouge[76]. On en a aussi décrit une autre qui portait sur la même grappe une fleur rose et une bleue[77], toutes deux parfaites.

M. John Scott m’informe que, en 1862, un Imatophyllum miniatum poussa, au jardin botanique d’Édimbourg, un drageon différant de la forme normale par ses feuilles, qui étaient à deux rangs au lieu de quatre, plus petites, et avaient leur surface supérieure saillante au lieu d’être creuse.

Dans la culture des Tulipes, on lève de semis des plantes dont les fleurs offrent une couleur unique sur fond blanc ou jaune. Celles-ci, cultivées dans un sol sec et peu riche, deviennent panachées ou « se brisent » et produisent de nouvelles variétés ; ce changement peut se faire dans un temps qui varie de un à vingt ans, et n’a quelquefois jamais lieu[78]. Les diverses couleurs ainsi panachées qui font la valeur des tulipes, sont dues à une variation de bourgeons, car, bien que quelques variétés soient sorties de plusieurs plantes de semis distinctes, on dit que tous les « Baguets » sont provenus exclusivement d’une seule. Cette variation de bourgeons est, d’après l’opinion de MM. Vilmorin et Verlot[79], un commencement de retour vers la couleur uniforme qui est naturelle à l’espèce. Une tulipe peut toutefois, lorsqu’elle a commencé à varier ses couleurs, perdre, par un second acte de retour, sa panachure et s’uniformiser sous l’action d’une fumure trop énergique ; cela arrive surtout à quelques variétés plus facilement qu’à d’autres, par exemple à l’Imperatrix florum. M. Dickson[80] croit qu’on ne peut pas plus expliquer ce fait qu’on ne peut le faire pour les variations d’autres plantes, et pense que les horticulteurs anglais ont quelque peu diminué la tendance qu’ont les fleurs panachées à redevenir unicolores et à perdre leurs caractères, par le fait qu’ils ont eu le soin de choisir de leur graine plutôt que celle des fleurs simples. Pendant deux ans de suite, toutes les fleurs précoces dans une plantation de Tigridia conchiflora[81] ressemblaient à celles de l’ancien T. pavonia ; mais les fleurs tardives reprenaient leur couleur normale d’un beau jaune tacheté de cramoisi. On a signalé un cas qui paraît authentique, de deux formes d’Hemerocallis[82] universellement regardées comme étant spécifiquement distinctes, et qui ont passé de l’une à l’autre, car les racines de l’espèce à grandes fleurs H. fulva, ayant été divisées et plantées dans un sol différent, ont produit la H. flava à petites feuilles jaunes, avec quelques formes intermédiaires. J’en suis à me demander si les cas de cette nature, ainsi que ceux de la décoloration ou du coulage des tulipes et des œillets panachés, — c’est-à-dire leur retour plus ou moins complet vers une teinte uniforme, — doivent être rattachés à la variation par bourgeons, ou réservés pour le chapitre où je traiterai de l’action directe des conditions extérieures sur les êtres organisés ; mais, dans tous les cas, ils ont ceci de commun avec les variations de bourgeons, que les changements s’effectuent par des bourgeons et non par reproduction séminale, avec la différence que dans les cas ordinaires de variation par bourgeons, un seul d’entre eux est affecté, tandis que dans les exemples précédents, tous les bourgeons de la plante sont modifiés à la fois. Nous avons cependant un cas intermédiaire dans celui de la pomme de terre, où les yeux d’un seul tubercule ont ensemble changé de caractère.

Je terminerai par quelques faits analogues, qu’on peut regarder comme dus, soit à une variation de bourgeons, soit à l’action directe des conditions extérieures. Lorsqu’on sort l’Hépatique commune de ses bois pour la transplanter dans un jardin, ses fleurs changent de couleur dès la première année[83]. Il est bien connu que lorsqu’on transplante les variétés améliorées de la Pensée (Viola tricolor), elles produisent des fleurs fort différentes par leur forme, leur taille et leur couleur ; ainsi ayant transplanté une grosse variété pourpre foncé d’une nuance uniforme pendant qu’elle était en fleur, elle me donna des fleurs beaucoup plus petites, plus allongées, avec les pétales inférieurs jaunes ; auxquelles succédèrent des fleurs marquées de larges taches pourpres, et finalement, à la fin de l’été, les grandes fleurs pourpres primitives. André Knight[84] regardait comme très-analogues aux variations de bourgeons, les légers changements qu’éprouvent quelques arbres fruitiers, lorsqu’on les greffe sur différentes souches[85]. Nous avons encore le cas de jeunes arbres fruitiers, qui, en vieillissant changent de caractères ; ainsi des poiriers provenant de graine, qui, avec l’âge, perdent leurs épines, et donnent des fruits de meilleur goût. Les bouleaux pleureurs, greffés sur la variété commune, ne deviennent tout à fait pendants que lorsqu’ils sont vieux ; je donnerai plus tard par contre l’exemple de quelques frênes pleureurs, qui ont peu à peu et lentement, acquis un port relevé. On peut comparer ces changements résultant de l’âge à ceux dont nous avons parlé dans le précédent chapitre, et qui ont lieu naturellement dans certains arbres, comme le cèdre du Liban et le Deodora qui, dissemblables dans leur jeunesse, se ressemblent à un âge plus avancé ; et aussi dans quelques chênes, et certaines variétés de tilleul et d’épine[86].


Avant de résumer les variations par bourgeons, je veux discuter quelques cas singuliers et anormaux, qui tiennent de plus ou moins près au même sujet. Je commencerai par le cas du fameux Cytisus Adami, forme métis ou intermédiaire entre deux espèces fort distinctes, les C. laburnum et purpureus.


Dans toute l’Europe dans des sols et sous des climats divers, cet arbre a souvent et subitement fait retour par ses feuilles et ses fleurs vers ses deux formes parentes. C’est en effet assez surprenant de voir, mélangées sur le même arbre, des touffes de fleurs rouge foncé, jaunes, et pourpres, portées sur des branches ayant des feuilles et un facies fort différents. La même grappe renferme quelquefois deux sortes de fleurs, et j’ai eu occasion de voir une fleur dont un côté était d’un jaune vif, et l’autre pourpre, de sorte que l’étendard était partagé en deux zones inégales, dont la plus grande était jaune et l’autre pourpre. La corolle était tout entière jaune dans une autre fleur, et la moitié du calice était pourpre ; dans une troisième, un des pétales de l’aile était d’un rouge sombre traversé d’une raie étroite et d’un jaune vif ; et enfin dans une dernière, une des étamines devenue un peu foliacée, était moitié jaune et moitié pourpre, ce qui montre que la tendance au retour peut affecter des organes isolés, et même des parties d’organes[87]. Cet arbre présente la particularité remarquable que, dans son état intermédiaire, même lorsqu’il croît dans le voisinage de ses deux espèces parentes, il est complètement stérile, tandis que quand ses fleurs sont ou d’un jaune ou d’un pourpre pur, elles donnent des graines, et les siliques provenant des fleurs jaunes en produisent beaucoup. Deux plantes levées de cette graine par M. Herbert[88] ont présenté une teinte pourpre sur les pédoncules des fleurs ; mais j’en ai obtenu moi-même qui ressemblaient exactement à l’espèce ordinaire (C. laburnum), à l’exception des grappes qui étaient plus longues, et qui furent tout à fait fertiles. Il est étonnant qu’une telle fécondité et une telle pureté de caractères aient pu être si promptement réacquises dans des plantes provenant d’une forme hybride et stérile. Les branches à fleurs pourpres paraissaient d’abord exactement semblables à celles du C. purpureus, mais en les examinant de plus près, j’ai trouvé qu’elles différaient de l’espèce pure par des tiges plus épaisses, des feuilles plus larges et des fleurs plus petites, à corolle et calice d’une couleur pourpré moins brillante ; la partie basilaire de l’étendard portait aussi une trace de la tache jaune. Les fleurs n’avaient donc pas, dans ce cas, repris leurs caractères exacts, elles n’étaient pas non plus très-fertiles, car plusieurs siliques ne renfermaient pas de graines, quelques-unes en contenaient une, et un très-petit nombre deux ; tandis que sur un C. purpureus pur de mon jardin, les siliques contenaient trois, quatre et même cinq graines. Le pollen était en outre très-imparfait, un grand nombre de ses grains étaient petits et ridés, fait d’autant plus singulier que, sur l’arbre parent aux fleurs rouges et stériles, les grains de pollen étaient en apparence en un bien meilleur état, et il n’y en avait que fort peu de racornis. Quoi qu’il en soit de l’apparence chétive des grains de pollen de la plante à fleurs pourpres, les ovules furent bien formés, et après leur maturation, germèrent facilement. M. Herbert ayant semé des graines de cette plante, obtint des produits ne différant que très-peu du C. purpureus ordinaire, mais ce terme même montre qu’ils n’avaient pas complètement repris leurs caractères propres.

Le professeur Caspary a trouvé que les ovules des fleurs rouge foncé et stériles du C. Adami qu’il a examinées sur le continent[89], étaient généralement monstrueux. J’ai observé le même fait sur trois plantes que j’ai vues en Angleterre, le nucléus variait beaucoup dans sa forme, et faisait irrégulièrement saillie au delà de ses enveloppes. Les grains de pollen, d’autre part, semblaient bons, et projetaient bien leurs tubes polliniques. En comptant sous le microscope le nombre proportionnel de mauvais grains, le professeur Caspary a constaté qu’il n’y en avait que 2,5 pour cent, proportion qui est plus faible qu’elle n’est pour les pollens des trois espèces de cytises cultivées, et qui sont les C. purpureus, laburnum, et alpinus. Malgré la bonne apparence du pollen du C. Adami, les observations de M. Naudin[90] sur les Mirabilis, montrent qu’on ne peut pas en conclure à son efficacité fonctionnelle. Le fait de la monstruosité des ovules du C. Adami, et de l’état sain de son pollen, est d’autant plus remarquable, que c’est l’inverse de ce qui arrive, non-seulement dans les autres hybrides[91], mais aussi dans deux hybrides du même genre, les C. purpureo-elongatus, et le C. Alpino-laburnum. Dans tous deux, ainsi que le professeur Caspary et moi-même l’avons vu, les ovules étaient bien constitués, tandis que beaucoup de grains de pollen étaient difformes, et la proportion des mauvais se montait à 84,8 pour cent dans le premier hybride, et à 20,3 pour cent dans le second. Le professeur Caspary a invoqué cette condition peu ordinaire des éléments reproducteurs mâles et femelles du C. Adami, comme un argument contre l’opinion que cette plante soit un hybride ordinaire provenant de graine ; mais nous ne devons pas oublier qu’on n’a jamais examiné chez les hybrides aussi attentivement ni aussi souvent les ovules que le pollen, et qu’ils peuvent être plus fréquemment imparfaits qu’on ne le suppose. Le Dr E. Bornet d’Antibes, (par l’entremise de M. J. Traherne Moggridge), m’apprend que dans les hybrides de Cistes, l’ovaire est souvent difforme, que les ovules manquent quelquefois, et que, dans d’autres cas ils ne peuvent être fécondés.

On a proposé plusieurs théories pour expliquer l’origine du C. Adami, et les transformations dont il est l’objet. Quelques auteurs les ont attribuées à une simple variation de bourgeons, mais on peut écarter sommairement cette manière de voir, d’après les différences qui existent entre les C. laburnum et purpureus, qui sont deux espèces naturelles, et d’après la stérilité de la forme intermédiaire. Nous verrons bientôt que dans les plantes hybrides, deux embryons différents peuvent se développer dans une même graine et se souder, on a supposé que c’était peut-être l’origine du C. Adami. On sait que lorsqu’on ente sur une plante à feuilles uniformes une plante à feuilles panachées, la première est quelquefois affectée, et plusieurs personnes pensent que c’est ce qui est arrivé au C. Adami. Ainsi M. Purser[92] assure qu’un Cytise ordinaire de son jardin, revêtit graduellement les caractères du C. Adami, après avoir reçu trois greffes de C. purpureus ; mais il faudrait plus de détails et de preuves pour rendre croyable une assertion aussi extraordinaire.

Plusieurs auteurs soutiennent que le C. Adami est un hybride, produit de la manière ordinaire par graine, et qui, par bourgeons, a fait retour à ses deux formes mères. Les résultats négatifs ont peu de valeur, il est vrai, mais des essais de croisement des C. laburnum et purpureus, ont été vainement tentés par MM. Reisseck, Caspary et moi ; j’ai cru un moment avoir réussi en fécondant le premier par le pollen du second, car il se forma des siliques, mais treize jours après la chute de la fleur, ils tombèrent aussi. Néanmoins la supposition que le C. Adami soit un hybride provenant des deux espèces susmentionnées, est fortement appuyée par le fait que des hybrides, entre ces espèces et deux autres, ont spontanément pris naissance. Ainsi le métis stérile C. purpureo-elongatus[93] a apparu au milieu d’un semis de la graine de C. elongatus, près duquel croissait un C. purpureus, qui avait probablement fécondé le premier par l’intermédiaire d’insectes, lesquels, comme je le sais par expérience, jouent un grand rôle dans la fécondation du Cytise commun. Ainsi encore, à ce que m’apprend M. Waterer, un hybride, le C. alpino-laburnum[94], a spontanément surgi d’au milieu d’un semis.

Nous avons d’autre part un récit très-clair de M. Adam, qui a élevé la plante[95], et qui montre qu’elle n’est pas un hybride ordinaire. M. Adam avait, de la manière habituelle, enté sur un C. laburnum, un écusson de l’écorce du C. purpureus ; le bourgeon resta dormant pendant une année, comme cela arrive souvent ; il poussa ensuite plusieurs bourgeons et des jets, dont l’un plus droit, plus vigoureux et à feuilles plus grandes que le C. purpureus, fut propagé. Il faut noter que M. Adam vendit ces plantes avant leur floraison, comme une variété du C. purpureus, et le récit en fut publié par M. Poiteau après la floraison, mais avant qu’elles eussent manifesté leur tendance remarquable à revenir aux formes mères. Il n’y a donc là aucun motif de falsification supposable, et il semble difficile qu’il ait pu y avoir matière à erreur. Si nous acceptons la vérité du récit de M. Adam, il nous faut admettre le fait extraordinaire que deux espèces peuvent se réunir par leur tissu cellulaire, et produire ultérieurement une plante portant des feuilles et des fleurs stériles, intermédiaires entre la greffe et le sujet, et des bourgeons susceptibles de retour ; en un mot ressemblant par tous les points importants, à un hybride formé comme à l’ordinaire par reproduction séminale. Ces plantes, si elles se forment réellement de cette manière, pourraient être nommées des métis par greffe.

Je donnerai maintenant tous les faits que j’ai pu recueillir propres à éclairer les théories avancées ci-dessus, non-seulement pour élucider l’origine du C. Adami, mais pour montrer par combien de moyens extraordinaires et complexes une plante peut en affecter une autre. La supposition que les C. laburnum ou purpureus aient l’un ou l’autre produit par variation de bourgeons la forme intermédiaire, peut, comme nous l’avons vu, être immédiatement écartée, par le manque de preuves, par la stérilité de la forme nouvelle, et par les grands changements qu’elle a éprouvés. Cependant des cas comme la brusque apparition de pêches lisses sur des pêchers proprement dits, et de fruits participant à la fois des deux formes, — l’apparition de roses mousseuses sur d’autres rosiers, avec des fleurs divisées en deux, ou rayées de diverses couleurs, — et d’autres cas semblables, sont, quant au résultat, produit, sinon par leur origine, très-analogues à celui du C. Adami.

M. G. H. Thwaites[96], botaniste distingué, a rapporté un cas remarquable d’une graine du Fuchsia coccinea, fécondé par le F. fulgens, qui contenait deux embryons, et constituait ainsi un véritable jumeau végétal. Les deux plantes qui provinrent de ces deux embryons furent fort différentes par leurs caractères et leur aspect, quoique ressemblant à d’autres hybrides de même origine produits en même temps. Ces plantes jumelles étaient adhérentes au-dessous des deux paires de cotylédons, et formaient là une tige unique, cylindrique, de façon à ressembler plus tard à deux branches sortant d’un même tronc. Si les deux réunies avaient pu croître et atteindre leur hauteur complète, au lieu de périr, on eût eu là un hybride curieux ; mais, même si quelques bourgeons eussent ultérieurement fait retour aux formes parentes, le cas, quoique plus complexe, n’eût pas encore été tout à fait analogue à celui du C. Adami. D’autre part, un melon hybride décrit par Sageret[97], a peut-être eu une origine semblable, car ses deux branches principales, qui partaient de deux cotylédons, produisirent des fruits très-différents, — l’une portant des melons comme ceux de la variété paternelle, tandis que les fruits de l’autre ressemblaient à ceux de la maternelle, le melon de Chine.

La fameuse orange Bizarria offre un cas parallèle à celui du C. Adami. Le jardinier qui a produit cet arbre en 1644 à Florence, a déclaré que c’était un individu levé de graine et qui avait été greffé. La greffe ayant péri, la souche avait poussé des rejetons qui ont produit la Bizarria. Galesio qui en a examiné plusieurs échantillons vivants, et les a comparés à la description donnée par P. Nato[98], assure que l’arbre produit en même temps des feuilles, fleurs et fruits, identiques à ceux de l’orange amère, et du citron de Florence, et également des fruits mixtes, où les deux sortes sont fondues ensemble, tant extérieurement qu’intérieurement, ou séparées de diverses manières. Cet arbre se propage par boutures en conservant ses caractères mixtes. L’orange trifaciale d’Alexandrie et de Smyrne[99] ressemble d’une manière générale à la Bizarria, mais en diffère en ce qu’elle réunit sur le même fruit, le citron et l’orange douce, ou les produit séparément sur le même arbre ; on ne sait rien de son origine. Plusieurs auteurs regardent la Bizarria comme un métis de greffe ; Gallesio croit que c’est un hybride ordinaire, qui fait facilement retour aux formes parentes par bourgeons ; nous avons vu dans le précédent chapitre que les espèces du genre se croisent souvent d’une manière spontanée.

Voici encore un cas analogue mais douteux. Un Æsculus rubicunda[100] a produit annuellement dans un jardin, sur une de ses branches, des épis de fleurs d’un jaune pâle, semblables par la couleur à celles de l’Æ. flava, mais plus petites. Si, comme le croit l’auteur de l’observation, l’Æ. rubicunda est un hybride dont l’Æ. flava soit un des parents, nous avons un cas de retour partiel vers une des formes souches. Si comme le soutiennent quelques botanistes, l’Æ. rubicunda n’est pas un hybride, mais une espèce naturelle, ce n’est alors qu’un cas de variation de bourgeons.

Voici quelques faits qui montrent que les hybrides produits de graine font quelquefois retour par bourgeons aux formes parentes. Ainsi, des métis entre les Tropæolum minus et majus[101] ont produit d’abord des fleurs intermédiaires par leur grosseur, leur couleur et leur structure, à celles des deux parents, mais plus tard dans la saison, quelques plantes donnèrent des fleurs ressemblant, sous tous les rapports, à celles de la forme maternelle, mélangées d’autres conservant leur état intermédiaire. Un hybride entre le Cereus speciosissimus et le C. phyllanthus[102], plantes qui diffèrent beaucoup par leur apparence, a donné pendant ses trois premières années des tiges anguleuses et pentagonales, puis ensuite des tiges plates comme celles du C. phyllanthus. Kölreuter cite aussi des cas de Lobelias et de Verbascums qui ont produit d’abord des fleurs d’une couleur, puis plus tard dans la saison d’autres de couleur différente[103]. Naudin[104] a obtenu du Datura lævis fécondé par le D. stramonium, quarante hybrides ; dont trois produisirent des capsules, ayant une moitié ou un quart ou un segment moindre, lisse et plus petit, comme la capsule du D. lævis, le reste de la capsule étant épineux et plus grand, comme dans le D. stramonium ; on a obtenu de ces capsules composées des plantes ressemblant parfaitement aux deux formes parentes.

Passons aux variétés. Un pommier provenant de graine, et qu’on croit être d’origine croisée, a été décrit en France[105] comme portant des fruits ayant un côté plus grand que l’autre, rouge, à goût acide, et odeur spéciale, le petit étant d’un jaune verdâtre et très-doux, il paraît ne renfermer que rarement de la graine complètement développée. Je pense que ce n’est pas le même arbre que Gaudichaud[106] a montré à l’institut de France, portant sur la même branche deux espèces distinctes de pommes, dont l’une était une reinette rouge, l’autre une reinette canada jaunâtre.

Cette variété à double fruit peut être propagée par greffe, et continue à produire les deux sortes de pommes ; son origine est inconnue. Le Rév. J. D. La Touche m’a envoyé un dessin colorié d’une pomme du Canada, dont la moitié correspondante au calice et à l’insertion du pédoncule, est verte, tandis que l’autre est brune et de la nature de la pomme grise ; les deux moitiés étant très-nettement limitées par une ligne de séparation très-apparente. L’arbre avait été greffé, et M. La Touche croit que la branche qui portait cette pomme curieuse, partait du point de jonction de la greffe et de la souche ; si ce point eût été vérifié, le cas aurait probablement dû rentrer dans celui des métis par greffe que nous allons donner. La branche peut aussi avoir poussé sur la souche, qui était sans doute levée de semis.

Le professeur Lecoq[107], qui a entrepris un grand nombre de croisements sur les diverses variétés colorées de Mirabilis Jalapa, a observé que, dans les plantes levées de graine, les couleurs se combinent rarement, mais forment des bandes distinctes, ou se partagent par moitié sur les fleurs. Quelques variétés portent régulièrement des fleurs striées de jaune, de blanc, et de rouge, mais des plantes de ces variétés produisent parfois sur mêmes racines, des branches à fleurs uniformément colorées de ces trois teintes, d’autres dont les fleurs sont à deux couleurs, d’autres enfin panachées. Gallesio[108] a croisé ensemble des œillets blancs et rouges, les produits de la graine furent en général marbrés, mais on y voyait encore des fleurs toutes rouges ou toutes blanches. Quelques plantes n’ont donné une année que des fleurs rouges, l’année suivante des fleurs rayées, ou inversement, après n’avoir donné pendant deux ou trois ans que des fleurs rayées, certaines plantes sont revenues à la fleur rouge. J’ai fécondé le pois de senteur pourpre (Lathyrus odoratus) avec du pollen de la variété claire de la Dame Peinte, et les plantes obtenues du semis des grains d’une même gousse, au lieu d’être intermédiaires par leurs caractères, se trouvèrent ressembler aux parents. Plus tard dans la saison, les plantes qui avaient d’abord fourni des fleurs identiques à celles de la deuxième variété, donnèrent ensuite des fleurs rayées et tachetées de pourpre, marques qui dénotaient une tendance au retour vers la variété maternelle. A. Knight[109] a fécondé deux raisins blancs avec du pollen du raisin d’Alep, qui a le fruit et les feuilles panachés de teintes foncées. Les jeunes plantes qui en résultèrent ne furent pas d’abord panachées, mais elles le devinrent toutes l’été suivant ; de plus, plusieurs produisirent sur la même plante des grappes toutes noires ou toutes blanches, ou de couleur plombée striée de blanc, ou blanches marquées de petites raies noires, et on pouvait rencontrer sur la même grappe des raisins de toutes ces nuances.


Dans la plupart de ces cas de variétés croisées, et aussi dans quelques cas de croisements d’espèces, les couleurs propres à chacun des parents, ont apparu chez leurs produits de graine, dès leur première floraison, sous la forme de bandes, ou par le développement de fleurs ou fruits des deux sortes sur la même plante ; on ne peut, dans ce cas, attribuer l’apparition des deux couleurs à un effet de retour, mais plutôt à quelque obstacle s’opposant à leur mélange intime. Mais lorsque les fleurs ou fruits produits ultérieurement, soit dans la même saison, soit dans une génération suivante, deviennent rayés ou moitié d’une des couleurs et moitié de l’autre, etc., la séparation complète des deux couleurs qui se manifeste quelquefois, est alors un cas de retour par variation de bourgeons. Je montrerai, dans un chapitre futur, que chez des animaux provenant de croisements, on a vu des cas d’individus qui, pendant leur croissance, ont changé de caractères, et sont revenus vers ceux d’un des parents auxquels ils ne ressemblaient pas d’abord. Les faits que nous avons signalés ici montrent, à n’en pas douter, qu’une plante hybride, peut, par ses feuilles, ses fleurs ou ses fruits, en tout ou partie, faire retour à l’une ou l’autre de ses formes parentes, comme le Cytisus Adami, ou l’orange Bizarria.

Examinons maintenant les quelques cas qu’on a observés, et qui sont favorables à l’opinion qu’une variété greffée sur une autre peut quelquefois affecter la souche entière, ou donner à son point d’insertion, naissance à un bourgeon, ou à un métis de greffe, participant à la fois des caractères tant du sujet que de la greffe.


On sait que lorsqu’on ente la variété panachée du Jasmin sur la forme ordinaire, celle-ci produit quelquefois des bourgeons portant des feuilles panachées ; M. Rivers me dit en avoir observé plusieurs exemples. Le même cas s’est présenté chez le Laurier-rose[110]. M. Rivers rapporte un cas de bourgeons de la variété panachée dorée d’un frêne, qui, entés sur le frêne commun, périrent tous à l’exception d’un seul ; la souche n’en fut pas moins affectée[111], et poussa, tant en dessus qu’en dessous du point d’insertion des lames d’écorce portant les bourgeons morts, des rameaux à feuilles panachées. J’ai reçu communication par M. J. Anderson Henry, d’un cas semblable, et M. Brown de Perth, a observé il y a bien des années dans les Highlands, un frêne à feuilles jaunes, dont des bourgeons entés sur le frêne commun, modifièrent ce dernier qui produisit le frêne Breadalbane tacheté. Cette variété a été propagée, et a depuis cinquante ans conservé ses caractères. Le frêne pleureur, enté sur le même sujet, est devenu également panaché. Plusieurs auteurs considèrent les panachures comme une maladie ; et d’après cette manière de voir, qui est douteuse, puisqu’un grand nombre de plantes panachées sont très-fortes et robustes, on pourrait regarder les faits qui précèdent comme le résultat d’une inoculation directe de la maladie. La panachure est, comme nous le verrons plus loin, fortement influencée par la nature du sol dans lequel croissent les plantes, et il ne serait pas impossible que les modifications que certains sols peuvent apporter à la sève et aux tissus, qu’on les appelle maladie ou non, pussent s’étendre du fragment de l’écorce de la greffe au sujet. Mais un changement de cette nature ne saurait être considéré comme analogue à un métis de greffe.

Il y a une variété du noisetier à feuilles pourpres foncées ; personne n’a jamais regardé cette coloration comme une maladie, car elle n’est apparemment qu’une exagération d’une teinte qui s’observe très-fréquemment sur les feuilles du noisetier commun. Lorsqu’on ente cette variété sur ce dernier[112], on a prétendu que les feuilles situées au-dessous de la greffe prenaient la même couleur, je dois toutefois ajouter que M. Rivers qui a eu en sa possession des centaines d’arbres ainsi greffés, n’a jamais vu d’exemple de ce fait.

Gärtner[113] rapporte deux cas différents de branches de vigne à raisins foncés et blancs qui avaient été réunies de diverses manières, en les fendant en long et rejoignant ensemble les sections fraîches, etc., et qui produisirent parmi des grappes de raisins des deux couleurs, d’autres grappes panachées ou ayant une couleur intermédiaire nouvelle. Dans un des cas, les feuilles mêmes furent panachées. Ces faits sont d’autant plus remarquables, que A. Knight n’a jamais pu réussir à produire des raisins panachés par la fécondation des variétés blanches au moyen du pollen des variétés foncées, bien que, comme nous l’avons vu, il ait obtenu de graine des plantes à fruits et à feuilles panachés, en fécondant une vigne blanche par le raisin foncé et panaché d’Alep. Gärtner attribue les cas ci-dessus signalés à une simple variation de bourgeons ; mais il est étrange que les branches seules greffées d’une manière particulière aient ainsi varié ; et M. Adorne de Tscharner affirme positivement qu’il a obtenu plus d’une fois le résultat indiqué, et qu’il pouvait l’atteindre à volonté, en fendant les branches et en les réunissant de la manière décrite.

Je n’aurais pas cité le cas suivant sans la conviction que j’ai pu me faire des vastes connaissances et de la véracité de l’auteur des Jacinthes[114] ; il rapporte qu’on peut couper en deux les bulbes des jacinthes bleues et rouges, et que, plantées, elles poussent une tige unique (ce que j’ai moi-même observé), portant sur les côtés opposés des fleurs des deux couleurs. Mais le point le plus important est qu’il se produit quelquefois ainsi des fleurs sur lesquelles les deux couleurs sont mélangées, ce qui rend le cas tout à fait analogue à celui des couleurs mixtes des raisins produits par deux branches réunies de la vigne.

M. R. Trail a communiqué en 1867, à la Société botanique d’Édimbourg, le fait suivant, sur lequel il m’a depuis donné des renseignements plus complets. Ayant partagé par le milieu des yeux, et par moitiés une soixantaine de pommes de terre bleues et blanches, il les planta en les réunissant deux à deux avec soin, et après avoir détruit tous les autres yeux. Quelques-uns de ces tubercules rejoints, produisirent des pommes de terre blanches, d’autres des bleues ; il est à présumer que, dans ces cas, une seule des deux moitiés a dû pousser. Quelques-uns donnèrent des tubercules en partie blancs et en partie bleus, et sur quatre ou cinq d’entre eux, les tubercules furent régulièrement marbrés des deux couleurs. Nous devons conclure de ces derniers cas, que la réunion des deux bourgeons coupés en deux avait produit une tige, et les tubercules étant le résultat du développement et du renflement des branches souterraines qui partent de la tige principale, leur couleur marbrée semble prouver assez clairement un mélange intime des deux variétés. J’ai essayé de répéter ces expériences sur une grande échelle tant sur la pomme de terre que sur les jacinthes, mais sans succès ; mais le Dr Hildebrand vient de m’informer par lettre du 2 janvier 1868, que les essais tentés par lui sur la pomme de terre viennent d’être couronnés de succès. Après avoir enlevé tous les yeux d’une pomme de terre blanche à peau lisse, ainsi que ceux d’une pomme de terre rouge écailleuse, il les inséra réciproquement les uns dans les autres, et réussit à faire lever deux plantes. Parmi les tubercules produits par ces deux plantes, il s’en trouva deux qui, rouges et écailleux à une de leurs extrémités, furent blancs et lisses à l’autre, leur portion intermédiaire étant blanche et marquée de stries rouges. La possibilité de la production d’un métis de greffe peut donc être considérée comme bien établie.

Le cas le plus authentique que je connaisse de la formation d’un métis de greffe, après celui que nous venons de rapporter, a été publié par M. Poynter[115], qui m’a confirmé par lettre l’exactitude du fait. Une Rosa Devoniensis avait quelques années auparavant été entée sur une rose de Banks blanche. Du point de jonction assez étendu, outre les roses des deux variétés qui continuèrent à pousser comme à l’ordinaire, surgit une troisième branche, qui n’était identique à aucune des deux variétés, mais tenait un peu des deux. Ses fleurs ressemblaient à celles de la variété Lamarque, tout en leur étant un peu supérieures, et ses rameaux étaient analogues à ceux de la rose de Banks, sauf que les tiges les plus fortes étaient pourvues de piquants. Cette rose fut présentée au Comité floral de la Société d’Horticulture de Londres, et fut examinée par le Dr Lindley, qui conclut qu’elle devait certainement être produite par le mélange de la R. Banksiæ avec une rose semblable à la R. Devoniensis, car tout en étant plus vigoureuse et plus forte dans toutes ses parties, ses feuilles se trouvaient intermédiaires entre celles de la rose de Banks et de la rose Thé. Il paraît aussi que les cultivateurs de roses savaient déjà que la rose de Banks affecte quelquefois les autres variétés. Sans ce renseignement, on aurait pu supposer que cette nouvelle variété était due simplement à une variation de bourgeons, et ne s’était qu’accidentellement manifestée au point de jonction des deux anciennes.


Pour résumer les faits précédents : les renseignements relatifs à l’origine du Cytisus Adami sont assez précis pour qu’on puisse difficilement ne pas admettre qu’il ne soit un métis de greffe, surtout après d’autres faits analogues que nous venons de voir et qui rendent celui-là probable. L’état particulier et monstrueux des ovules, celui du pollen qui paraît normal, appuient l’idée qu’il ne doit pas être un hybride ordinaire résultant d’une reproduction séminale. D’autre part, il y a dans le fait que les deux mêmes espèces, les C. laburnum et purpureus, ont produit spontanément et par graine des hybrides, un puissant argument en faveur d’une origine analogue pour le C. Adami ; et quant à la tendance remarquable qu’il manifeste à revenir complètement ou partiellement aux formes qui lui ont donné naissance, nous l’avons également retrouvée chez des hybrides incontestablement provenus de graine. En somme, je suis disposé à accepter les affirmations de M. Adam, et si on venait à en démontrer la vérité, on aurait à étendre la même explication aux oranges Bizarria et Trifaciales, ainsi qu’aux pommes que nous avons décrites ; mais avant qu’on puisse admettre complétement la possibilité de la production de métis par greffe, des preuves plus décisives sont nécessaires. Pour qu’il soit actuellement possible d’arriver à une conclusion certaine sur l’origine de ces arbres remarquables, les divers faits dont nous avons eu à nous occuper me paraissent, à plusieurs points de vue, dignes d’attention, surtout en tant que montrant que la propriété du retour au type, ou la réversion, est inhérente aux bourgeons.

De l’action directe et immédiate de l’élément mâle sur la forme maternelle. — Nous avons maintenant à examiner une autre catégorie de faits remarquables, et qui doivent prendre place ici, parce qu’on les a invoqués pour expliquer quelques cas de variations par bourgeons ; je veux parler de l’action directe que peut exercer l’élément mâle, non sur les ovules, mais sur certaines parties de la plante femelle, ou dans le cas des animaux, sur la progéniture ultérieure de la femelle fécondée par un second mâle. Je peux rappeler que chez les plantes, l’ovaire et les enveloppes des ovules sont évidemment des parties de la femelle, et on ne pouvait prévoir qu’elles dussent être affectées par le pollen d’une variété ou d’une espèce étrangère, bien que le développement de l’embryon dans son sac embryonnaire, dans l’ovule, et dans l’ovaire dépendent incontestablement de l’élément mâle.


Déjà, en 1729, on avait observé[116] que les variétés blanches et bleues du Pois se croisaient mutuellement, lorsqu’elles se trouvaient rapprochées l’une de l’autre (et cela sans doute par l’intermédiaire des abeilles), de sorte qu’en automne on trouvait dans les mêmes cosses des pois bleus et des blancs. La même observation a été faite dans ce siècle par Wiegmann, et le même résultat a été fréquemment obtenu lorsqu’on a tenté des croisements entre des variétés de pois de couleurs différentes[117]. Ces données déterminèrent Gärtner, fort sceptique à cet endroit, à entreprendre une longue série d’expériences soignées. Il choisit les variétés les plus constantes et obtint des résultats décisifs, qui montrèrent que la couleur de la pellicule du pois est modifiée lorsqu’on emploie pour sa fécondation le pollen d’une variété autrement colorée. De nouvelles expériences faites par le Rév. J. M. Berkeley[118] ont confirmé cette conclusion.

M. Laxton, de Stamford, occupé aussi d’expériences sur les pois pour déterminer l’action d’un pollen étranger sur la plante mère, a récemment observé un fait nouveau et important[119]. Il avait fécondé le grand Pois sucré, dont les cosses sont vertes, très-minces, et deviennent d’un blanc brunâtre lorsqu’elles sont sèches, avec du pollen du Pois à cosses pourpres, dont les cosses colorées, comme l’indique son nom, sont très-épaisses, et deviennent d’un rouge-pourpre pâle à l’état de dessiccation. M. Laxton a cultivé depuis vingt ans le grand Pois sucré sans lui avoir vu produire une seule cosse pourpre, et sans jamais avoir entendu dire que cela lui soit arrivé ; et cependant une fleur fécondée par le pollen de la variété pourpre donna une cosse nuancée de rouge pourpré, qu’il m’a obligeamment communiquée. Cette couleur occupait une longueur d’environ deux pouces vers l’extrémité de la cosse, et un espace plus petit près de sa base. Cette cosse, comparée à celle du Pois pourpré, toutes deux ayant été séchées, puis ramollies dans l’eau, se trouvèrent identiques par la couleur, qui, dans l’une comme dans l’autre, était limitée aux cellules placées immédiatement sous la membrane extérieure de la cosse. Les valves de celle-ci, dans le produit croisé, étaient décidément plus épaisses et plus fortes que celles de la plante mère, circonstance qui était peut-être accidentelle, car je ne sais jusqu’à quel point leur épaisseur peut être variable dans le grand Pois sucré.

Les Pois de cette dernière variété desséchés sont d’un brun verdâtre pâle, couverts de points foncés pourpres assez petits pour n’être visibles qu’à la loupe, et jamais on n’a eu connaissance que cette variété ait produit un pois pourpre ; mais dans la cosse croisée, un des grains était d’une teinte pourpre violacée magnifique, et un second était irrégulièrement tacheté de pourpre pâle. La couleur réside dans l’enveloppe extérieure du pois. Comme les pois de la variété à cosses pourprées sont d’une couleur chamois verdâtre pâle à l’état sec, il semblerait que ce changement remarquable dans la coloration du pois croisé ne puisse pas avoir été causé par l’action directe du pollen de la variété à cosses pourprées ; mais si nous remarquons que cette dernière variété a des fleurs pourpres, des marques sur ses stipules et ses cosses de cette couleur, et que le grand Pois sucré a aussi ses fleurs, ses stipules et des points microscopiques pourpres sur ses grains, nous ne pouvons presque pas douter que la tendance à la production de cette couleur chez les deux formes parentes n’ait, par sa combinaison, modifié la coloration du pois de la cosse croisée. Après avoir examiné ces échantillons, je croisai les deux mêmes variétés, et les pois d’une cosse, mais pas les cosses elles-mêmes, se trouvèrent teintés de rouge pourpré d’une manière plus apparente que ceux contenus dans les cosses non croisées produites en même temps par les mêmes plantes. Je dois faire remarquer que j’ai reçu de M. Laxton divers autres pois croisés, plus ou moins modifiés quant à la couleur ; mais ce changement était, dans ce cas, dû à une altération de la teinte des cotylédons, visible au travers de l’enveloppe transparente des pois ; or, les cotylédons étant une partie de l’embryon, il n’y avait rien là de remarquable.

Passons au genre Matthiola. Le pollen d’une variété peut affecter quelquefois la couleur des graines d’une autre plante employée comme plante mère. Je cite d’autant plus volontiers le cas suivant, que Gärtner a mis en doute des résultats analogues signalés antérieurement par d’autres observateurs. Le major Trevor Clarke, horticulteur fort connu[120], m’apprend que les graines de la souche de la Matthiola annua, ou Cocardeau, plante bisannuelle à fleurs rouges, sont d’un brun clair, tandis que celles de la M. incana sont d’un violet noirâtre ; et il a trouvé que, lorsqu’on féconde des fleurs de la plante rouge par du pollen de la seconde, elles donnent environ cinquante pour cent de graines noires. Il m’envoya quatre siliques de la plante à fleurs rouges, dont deux fécondées par leur propre pollen, renfermaient des graines d’un brun pâle ; et deux, qui avaient été fécondées par du pollen de la variété violette, contenaient des graines fortement teintées de noir. Ces dernières produisirent des plantes à fleurs violettes, comme la plante paternelle, tandis que les graines brunes donnèrent des plantes à fleurs rouges normales ; le major Clarke a obtenu sur une plus grande échelle les mêmes résultats. Il y a donc là une démonstration concluante de l’action directe du pollen d’une espèce sur la couleur des graines d’une autre espèce.


Dans les cas que nous venons d’examiner, à l’exception de celui du pois à cosses pourprées, il n’y a que les enveloppes de la graine dont la couleur ait été affectée. Nous allons maintenant voir que l’ovaire lui-même, soit qu’il forme un gros fruit charnu, soit qu’il reste à l’état d’enveloppe mince, peut être modifié dans sa couleur, sa texture, son goût, sa grosseur et sa forme, par un pollen étranger.


Le cas le plus remarquable, constaté par des autorités des plus compétentes est celui rapporté dans une lettre écrite en 1866, par M. Naudin au Dr  Hooker. M. Naudin raconte qu’il a vu croissant sur le Chamærops humilis des fruits que M. Denis avait fécondés avec du pollen du Dattier. La drupe produite était deux fois aussi grande et plus allongée que celle du Chamærops, et se trouvait sous ce rapport aussi bien que sous celui de sa texture, intermédiaire entre les fruits des deux parents. Ces graines hybrides ont germé et ont également produit des plantes intermédiaires par leurs caractères. Ce cas est d’autant plus remarquable que le Chamærops et le Phœnix appartiennent non-seulement à des genres distincts, mais, selon quelques botanistes, à des sections différentes de la famille.

Gallesio[121] a fécondé les fleurs d’un oranger par le pollen d’un citronnier ; un des fruits ainsi obtenus portait une bande longitudinale d’écorce ayant la couleur, le goût et tous les caractères du citron. M. Anderson[122] a fécondé un melon à pulpe verte par le pollen d’un autre melon à chair rouge, et dans deux des fruits obtenus il y eut un changement appréciable ; quatre autres furent quelque peu altérés tant à l’extérieur qu’à l’intérieur. Les graines des deux premiers fruits ont donné des plantes qui participaient des propriétés des deux formes parentes. Dans les États-Unis, où on cultive, sur une grande échelle, les Cucurbitacées, l’affectation directe du fruit par le pollen étranger est un fait populaire[123], et il en est de même en Angleterre pour les concombres. On sait que des raisins ont été ainsi modifiés en couleur, grosseur et forme ; une variété pâle a eu en France son jus teinté par le pollen de la variété foncée Teinturier ; une autre variété en Allemagne a donné des baies modifiées par le pollen de deux variétés voisines ; quelques baies n’étaient que partiellement affectées et marbrées[124]. On a déjà, dès 1751[125], observé que lorsque des variétés de maïs de couleurs diverses croissent à proximité les unes des autres, elles affectent mutuellement leurs graines respectives, et ce fait constitue une croyance populaire aux États-Unis. Le Dr Savi[126] a fait des expériences précises à ce sujet ; il sema ensemble des maïs à grains jaunes et à grains noirs, et obtint sur le même épi des grains jaunes, des noirs, quelques grains marbrés[127], les grains de couleurs différentes pouvant être rangés en lignes ou d’une manière irrégulière. M. Sabine raconte[128] qu’il a vu la forme presque globulaire de la capsule des graines de l’Amaryllis vittata s’altérer à la suite de la fécondation de cette plante, par le pollen d’une autre espèce dont la capsule était anguleuse. M. J. Anderson Henry[129] a fécondé le Rhododendron Dalhousiæ par le pollen du R. Nuttallii, qui est une des espèces du genre ayant les plus grandes et les plus belles fleurs. La plus grande gousse produite par la première espèce fécondée par son propre pollen, mesurait 1 1/4 de pouce en longueur et 1 1/2 de circonférence, tandis que trois des gousses, qui avaient été fécondées par le pollen du R. Nuttallii, mesuraient 1 5/8 de pouce de longueur, et 2 pouces de circonférence. Dans ce cas, nous voyons que l’action du pollen étranger paraît s’être bornée à augmenter les dimensions de l’ovaire ; mais comme le montre le cas suivant, ce n’est qu’avec circonspection qu’on peut affirmer que, dans ce cas, l’augmentation de grosseur a été directement transférée du parent mâle à la capsule de la plante femelle. M. Henry ayant fécondé l’Arabis blepharophylla par le pollen de l’A. Soyeri, en obtint des gousses dont il m’a communiqué les dimensions et les croquis, et qui se trouvaient beaucoup plus grandes que celles produites naturellement par les espèces parentes mâle ou femelle. Nous verrons, dans un chapitre futur, que dans les plantes hybrides, et indépendamment des caractères des parents, les organes de la végétation sont quelquefois développés à un degré monstrueux, et il est possible que l’augmentation de grosseur des gousses dont nous venons de parler, soit un cas analogue.

L’action directe du pollen d’une variété sur une autre, n’est nulle part plus remarquable ni mieux démontrée que dans le cas du pommier ordinaire. Chez cet arbre, le fruit est formé de la partie inférieure du calice, et de la partie supérieure du pédoncule floral[130] métamorphosé, de sorte que l’influence du pollen étranger se fait sentir au delà des limites de l’ovaire. Bradley a enregistré des cas de pommes ainsi affectées, au commencement du siècle dernier, et on en trouve d’autres dans d’anciens volumes des Transactions philosophiques[131] ; l’un est relatif à deux variétés de Reinettes qui avaient réciproquement modifié leurs fruits respectifs ; l’autre à une variété lisse qui avait affecté la surface d’une variété à peau rugueuse. On a encore signalé[132] un cas de deux pommiers fort différents, croissant à peu de distance l’un de l’autre, et qui portèrent tous deux des fruits semblables, mais seulement sur les branches qui étaient les plus rapprochées. Mais il est superflu de rappeler de pareils cas, après celui du pommier de Saint-Valery qui, ne produisant pas de pollen par suite de l’avortement de ses étamines, doit être chaque année artificiellement fécondé, opération s’exécutant par les filles de l’endroit, au moyen de pollens de différentes variétés. Il en résulte des fruits différents de grosseur, couleur et saveur, et ressemblant à ceux des variétés qui ont fourni l’élément fécondant[133].


Nous venons de montrer, d’après l’autorité de plusieurs bons observateurs que, dans des plantes appartenant à des ordres fort différents, le pollen d’une variété ou espèce, appliqué sur une forme distincte, peut occasionnellement modifier les enveloppes des graines, l’ovaire ou le fruit, et même dans un cas, le calice et la partie supérieure du pédoncule de la plante mère. Cette action peut s’exercer sur l’ensemble de l’ovaire et sur toutes les graines, ou parfois sur un certain nombre de ces dernières, comme dans le pois, ou sur une partie seulement de l’ovaire, comme dans les cas de l’orange segmentée, du maïs, et des raisins tachetés. On ne doit pas admettre qu’un effet direct et immédiat doive invariablement et toujours résulter de l’emploi d’un pollen étranger ; cela n’est pas le cas, et on ignore complètement les conditions dont dépend cet effet. M. Knight[134] affirme que, bien qu’il ait opéré des milliers de croisements de pommiers et d’autres arbres fruitiers, il n’a jamais eu occasion d’observer un cas d’une modification pareille dans leurs fruits. Il n’y a aucune raison pour croire qu’une branche qui a porté des fruits affectés par du pollen étranger, doive elle-même l’être, de manière à produire ultérieurement des bourgeons modifiés ; un pareil fait semble presque impossible, vu le peu de durée des connexions qui n’existent que passagèrement entre la fleur et la tige. On ne peut donc expliquer, par l’action d’un pollen étranger, que bien peu, pour ne pas dire point, des modifications subitement apparues sur les fruits, dont nous avons parlé au commencement de ce chapitre, car elles ont ensuite été généralement propagées par greffes. Il est également évident que les changements de coloration qui se manifestent dans les fleurs longtemps avant qu’elles soient prêtes à être fécondées, ou dans la forme ou la couleur des feuilles, ne peuvent aucunement être rattachés à l’action d’un pollen étranger : tous ces cas doivent être attribués à une simple variation de bourgeons.

Nous avons donné, avec quelques détails, les preuves de l’action du pollen étranger sur la plante mère, à cause de sa grande importance théorique, comme nous le verrons par la suite, et parce qu’en elle-même cette action est un fait singulier et même anormal en apparence. Elle est remarquable, au point de vue physiologique, car, en vertu de ses fonctions spéciales, l’élément mâle doit affecter non-seulement le germe, mais les tissus voisins de la plante mère. Quant à son anomalie, elle n’est qu’apparente, car en fait l’élément mâle joue un rôle analogue dans la fécondation ordinaire d’un grand nombre de fleurs. Gärtner a montré[135] en augmentant graduellement le nombre de grains de pollen pour arriver à féconder une Mauve, qu’un grand nombre de grains sont nécessaires pour développer, ou plutôt pour rassasier le pistil et l’ovaire. Quand une plante est fécondée par une espèce très-distincte, il arrive souvent que l’ovaire se développe complètement et rapidement sans qu’il s’y forme aucune graine, ou que les enveloppes de ces dernières s’achèvent sans qu’aucun embryon se montre dans leur intérieur. Le Dr  Hildebrand a aussi montré, dans un travail récent[136], que chez plusieurs Orchidées, l’action du pollen propre de la plante lui est nécessaire pour le développement de l’ovaire, et que ce développement se fait, non-seulement avant que les tubes polliniques aient atteint les ovules, mais même avant que le placenta et les ovules soient formés ; dans ces orchidées, le pollen paraît donc agir directement sur l’ovaire. Il ne faut pas d’autre part, surévaluer, sous ce rapport, l’efficacité du pollen, car on pourrait, dans le cas de plantes croisées, objecter qu’un embryon formé aurait pu affecter les tissus voisins de la plante mère avant de périr à un âge très-jeune. On sait encore que l’ovaire peut, dans un grand nombre de plantes, se développer complètement, même en l’absence totale de pollen. Enfin, M. Smith (ancien administrateur de Kew) a observé sur un orchidée, Bonatea speciosa, le fait curieux qu’on pouvait déterminer le développement de l’ovaire par une irritation mécanique du stigmate. Toutefois, d’après le nombre de grains de pollen employés pour la saturation du pistil et de l’ovaire, — la formation générale de ce dernier et des enveloppes des graines dans les plantes hybrides et stériles, — et les observations du Dr  Hildebrand sur les Orchis, nous pouvons admettre que, dans la plupart des cas, l’action directe du pollen facilite, si elle n’en est la seule cause, le gonflement de l’ovaire et la formation des enveloppes des graines, indépendamment de son action fécondante. Nous n’avons donc, pour les cas ci-dessus énoncés, qu’à accorder au pollen, outre sa propriété de favoriser le développement de l’ovaire et des enveloppes des graines de sa propre plante, celle d’influencer la forme, la grosseur, la couleur, texture, etc. de ces mêmes parties, lorsqu’il est mis en contact avec la fleur d’une autre espèce ou variété.

Venons-en maintenant au règne animal. Si une même fleur pouvait donner des graines pendant plusieurs années consécutives, il n’y aurait rien d’étonnant à ce qu’une fleur, dont l’ovaire aurait été modifié par un pollen étranger, donnât ensuite, fécondée par elle-même, naissance à des produits modifiés par l’action de l’élément mâle antérieur. Or, c’est ce qui a été effectivement observé sur les animaux. Un cas souvent cité est celui de lord Morton[137] ; une jument alezane, de race arabe presque pure, après avoir été croisée avec un quagga, et mis bas un métis, fut remise à sir Gore Ousely, qui, ultérieurement, en obtint deux poulains par un cheval arabe noir. Ces poulains furent partiellement isabelles, et avaient les jambes plus nettement rayées que le métis, et même que le quagga. Les deux avaient aussi le cou et quelques autres parties du corps portant des raies bien marquées. Les raies sur le corps, et la couleur isabelle sont très-rares chez nos chevaux d’Europe, et inconnues chez les Arabes. Mais ce qui rend le cas très-frappant, c’est que chez les deux poulains, les poils de la crinière étaient courts, roides et dressés, exactement comme chez le quagga. Il n’y a donc aucun doute sur le fait que ce dernier a nettement affecté les caractères de la progéniture ultérieurement procréée par le cheval arabe noir[138]. On a publié un grand nombre de faits analogues et parfaitement authentiques, sur nos variétés d’animaux domestiques, et on m’en a communiqué plusieurs autres, qui tous démontrent avec évidence l’action qu’exerce le premier mâle sur les portées subséquentes d’une femelle fécondée par d’autres mâles. Il suffit d’en donner un seul cas qui se trouve consigné dans les Transactions philosophiques, dans une notice qui suit celle de lord Morton : M. Giles ayant livré à un sanglier sauvage de manteau marron foncé, une truie de la race d’Essex noire et blanche, les produits de la portée participèrent des caractères tant de la truie que du sanglier ; mais, dans quelques-uns, la couleur du père prédomina fortement. Longtemps après, la même truie rendue à un verrat de sa même race noire et blanche, — race qui se reproduit avec une constance parfaite, et chez laquelle jamais la moindre trace de marron n’a été signalée, — fit une portée dans laquelle quelques petits se trouvèrent avoir le même manteau marron que ceux de la première. Ces faits sont si fréquents et connus des éleveurs soigneux, qu’ils évitent toujours de donner une femelle de choix à un mâle inférieur, précisément à cause du préjudice qui peut en résulter pour les produits de ses portées subséquentes.

Quelques physiologistes ont tenté d’expliquer ces résultats remarquables d’une première fécondation, par l’attachement intime et par la communication libre des vaisseaux sanguins entre l’embryon modifié et la mère. Mais cette hypothèse d’une modification des organes reproducteurs d’un individu par le sang d’un autre, de façon à modifier la progéniture subséquente, est au plus haut point improbable. L’action directe d’un pollen étranger sur l’ovaire et l’enveloppe des graines de la plante mère doivent, par analogie, appuyer l’idée que c’est l’élément mâle qui exerce une action directe sur les organes reproducteurs de la femelle, si étonnante qu’elle soit, et non l’embryon croisé. Chez les oiseaux, où il ne peut y avoir, comme pour les mammifères, aucune connexion entre l’embryon et la mère, un observateur consciencieux, le Dr  Chapuis[139], a constaté que dans le pigeon, l’influence d’un premier mâle se manifeste quelquefois dans les couvées subséquentes ; cependant le fait mériterait confirmation.

Conclusions et résumé du chapitre. — Les faits que nous venons d’exposer méritent d’être pris en considération, car ils nous montrent qu’une forme organique peut entraîner la modification d’une autre, par plusieurs modèles extraordinaires, et même sans l’intervention de la reproduction séminale. Nous venons de voir qu’il y a évidence que l’élément mâle peut affecter directement la conformation de la femelle, et dans les animaux déterminer même une modification de sa progéniture. Nous avons donné des preuves nombreuses, montrant que les tissus de deux plantes peuvent s’unir et former un bourgeon ayant un caractère mixte, ou encore que des bourgeons entés sur une souche peuvent affecter tous les bourgeons ultérieurement produits par cette souche. Deux embryons différents contenus dans une même graine, peuvent se souder et donner naissance à une seule plante. Les produits du croisement de deux espèces ou variétés peuvent, dans la première génération ou dans les suivantes, faire retour par variation de bourgeons, et à des degrés divers, aux formes parentes ; ce retour peut porter sur l’ensemble de la fleur, du fruit, du bourgeon foliifère, ou seulement sur la moitié ou une fraction plus petite, ou sur un organe isolé. Il semble que, dans quelques cas, cette séparation de caractères soit plutôt due à un défaut de combinaison qu’à un retour, car les fleurs et les fruits d’abord produits portent par places les caractères séparés des deux parents. Quelle qu’ait pu être l’origine du Cytisus Adami et de l’Orange Bizarria, les deux espèces parentes se trouvent ou mélangées sous la forme d’un hybride stérile, ou reparaissent avec tous leurs caractères propres et leurs organes reproducteur, et ces arbres, conservant leurs caractères capricieux, peuvent se propager par bourgeons. Tous ces faits doivent être pris en considération pour permettre d’envisager à un point de vue général les divers modes de reproduction par germination, division, ou par sexes, la restauration de parties perdues, la variation, l’hérédité, le retour et autres phénomènes semblables. J’essayerai, vers la fin du présent ouvrage, de relier ces différents ordres de faits par une hypothèse provisoire.

Nous avons, dans la première moitié de ce chapitre, donné une longue liste de plantes chez lesquelles, par variation de bourgeons, c’est-à-dire, indépendamment de toute reproduction par graine, les fruits se sont brusquement modifiés quant à leur grosseur, couleur, saveur, forme, et époque de maturation ; les fleurs ont de même changé de forme, de couleur, sont devenues doubles, et ont présenté de grandes différences dans le calice ; les jeunes branches ont changé de couleur, pris des épines, modifié leur facies, sont devenues grimpantes ou pendantes ; les feuilles ont aussi présenté des changements dans leur couleur, leur forme, l’époque de leur épanouissement, et dans leur disposition autour de l’axe. Les bourgeons de toute nature, qu’ils se trouvent sur des branches aériennes ou souterraines, qu’ils soient simples, ou comme dans les bulbes et tubercules, modifiés et entourés d’une provision de nourriture, sont tous susceptibles d’éprouver des variations subites de même nature.

Dans le nombre, plusieurs cas sont certainement dus à un retour à des caractères non acquis par un croisement, mais qui ont existé autrefois et ont été perdus depuis plus ou moins longtemps ; ainsi, lorsqu’un bourgeon d’une plante panachée produit des feuilles uniformes, ou lorsque les fleurs, diversement colorées des Chrysanthèmes, font retour à la couleur primitive jaune. D’autres cas sont probablement dus à ce que les plantes ayant une origine croisée, font retour par bourgeons à l’une ou à l’autre des formes parentes. Pour élucider l’origine du Cytisus Adami, nous avons cité plusieurs cas de retour partiel ou total chez des plantes hybrides, et de là nous pouvons supposer que la tendance prononcée qu’a, par exemple, le Chrysanthème à produire, par variation de bourgeons, des fleurs de diverses couleurs, doit provenir de ce que ses variétés ayant été autrefois accidentellement ou intentionnellement croisées, les descendants actuels de ces croisements font encore parfois, et par bourgeons, retour aux couleurs des variétés parentes plus persistantes. C’est certainement ce qui est arrivé pour le Pélargonium « Rollisson’s Unique, » et il peut en avoir été de même pour les variétés de bourgeons des Dahlias et pour les Tulipes. Il est cependant des cas de variations de bourgeons, qui ne sont point attribuables à un effet de retour, et ne sont qu’un fait de variabilité spontanée ; c’est ce qui a lieu ordinairement pour les plantes cultivées levées de graines. Comme une seule variété de Chrysanthème a produit par bourgeons six autres variétés, et qu’une variété du Groseiller épineux a pu donner en même temps quatre variétés distinctes de fruits, il n’est guère possible d’admettre que toutes ces variations soient des retours à des formes parentes antérieures. Ainsi que nous l’avons déjà fait remarquer, on ne peut croire que tous les pêchers qui ont fourni des bourgeons de pêches lisses aient eu une origine croisée. Enfin, dans les cas comme celui de la rose mousseuse avec son calice particulier, de la rose à feuilles opposées, dans celui de l’Imatophyllum, etc., on ne connaît aucune espèce naturelle, ou variété de graine, d’où ces caractères aient pu dériver par croisement. Tous ces cas sont donc attribuables à une variabilité propre des bourgeons. Les variétés ainsi formées ne se distinguent par aucun caractère extérieur des plantes levées de graine, ce qui est très-manifeste chez les Roses, Azaleas, et quelques autres. Notons encore que les plantes qui ont fourni beaucoup de variations par bourgeons, ont également beaucoup varié par graine.

Nous avons constaté ces variations chez des plantes appartenant aux ordres les plus divers, d’où nous pouvons admettre que probablement toute plante placée dans les conditions convenables doit être susceptible de variation par bourgeons. Ces conditions, autant que nous pouvons en juger, sont surtout une culture soignée et longtemps prolongée ; car presque toutes les plantes dont nous avons parlé sont vivaces, et ont été largement propagées dans différents sols et climats, par boutures, rejetons, bulbes, tubercules et surtout par greffe. Les cas de plantes annuelles variant par bourgeons, ou présentant des fleurs de diverses couleurs sur une même plante, sont relativement rares : Hopkirk[140] l’a observé sur le Convolvulus tricolor ; et il se présente quelquefois chez la Balsamine et la Dauphinelle annuelle. D’après R. Schomburgk, les plantes des régions tempérées chaudes, cultivées sous le climat brûlant de Saint-Domingue, sont éminemment susceptibles de variations par bourgeons, mais un changement de climat n’est toutefois pas une condition absolument indispensable, comme nous le prouvent le groseiller et quelques autres végétaux. Dans leurs conditions naturelles, les plantes paraissent beaucoup moins aptes à varier par bourgeons ; on a cependant observé parfois des feuilles panachées et colorées ; j’ai indiqué un cas de variation des bourgeons d’un frêne, mais il est douteux qu’on puisse considérer un arbre, planté dans une propriété d’agrément, comme vivant rigoureusement dans des conditions naturelles. Gärtner a observé sur une même racine de l’Achillea millefolium sauvage, des fleurs blanches et des fleurs rouge foncé ; et le professeur Caspary a vu la Viola lutea, complétement sauvage, porter des fleurs de grosseurs et de couleurs différentes[141].

Les plantes sauvages ne présentant que rarement des variations par bourgeons, tandis que les plantes cultivées, longtemps propagées par des moyens artificiels, ont par cette forme de reproduction, fourni beaucoup de variétés ; si nous considérons la série suivante, — la variation simultanée et semblable de tous les yeux d’une pomme de terre, — la coloration brusque en jaune de tous les fruits d’un prunier pourpre, — la transformation en pêches de tous les fruits d’un amandier à fleurs doubles, — la modification légère exercée par le sujet sur tous les bourgeons qui ont été greffés sur lui, — le changement temporaire qui se manifeste dans la couleur, la dimension et la forme des fleurs de la Pensée après leur transplantation, — tous ces faits nous portent à considérer les cas de variation par bourgeons comme le résultat direct des conditions extérieures auxquelles la plante a été exposée. Mais, d’autre part, si nous envisageons les cas comme celui du pêcher qui, après avoir, pendant bien des années, été cultivé par milliers dans divers pays et avoir annuellement produit des millions de bourgeons, qui tous paraissent avoir été soumis aux mêmes conditions, — pousse subitement un bourgeon unique, dont tous les caractères sont fortement modifiés, nous nous trouvons conduits à une tout autre conclusion. En effet, des cas comme ce dernier sembleraient impliquer que la transformation n’est aucunement en relation directe avec les conditions extérieures.

Nous avons vu que les variétés provenant de graines ressemblent, par leur apparence générale, à celles produites par bourgeons, au point qu’il n’est presque pas possible de les distinguer. Il en est de certaines variétés de bourgeons comme de quelques espèces ou groupes d’espèces qui, lorsqu’on les propage par graines, se montrent plus variables que d’autres. Ainsi la Chrysanthème « Reine d’Angleterre » a donné de cette manière pas moins de six, et le Pélargonium « Rollisson’s Unique, » quatre variétés distinctes ; les Roses mousseuses en ont aussi produit d’autres. Les Rosacées ont varié par bourgeons plus qu’aucun autre groupe de plantes, ce qui peut tenir au grand nombre des plantes de cette famille qui ont été depuis fort longtemps cultivées. Dans ce même groupe, le pêcher a souvent varié par bourgeons, tandis que les pommiers et les poiriers, tous deux arbres greffés et très-cultivés, n’ont, autant que j’ai pu m’en assurer, présenté que peu de variations de ce genre.

La loi des variations analogiques se vérifie aussi bien pour les variétés produites de bourgeons, que pour celles provenant de graine ; ainsi on a vu plus d’un rosier donner naissance à des roses mousseuses ; plusieurs Camellias acquérir une forme hexagonale, et au moins sept ou huit variétés de pêcher produire des pêches lisses.

Les lois de l’hérédité paraissent être les mêmes chez les variétés de semence et de bourgeons. Nous savons combien les phénomènes du retour s’observent souvent chez toutes deux, affectant soit l’ensemble, soit des parties des feuilles, fleurs, ou fruits. Quand la tendance au retour se manifeste sur beaucoup de bourgeons d’un même arbre, celui-ci porte des feuilles, fleurs, ou fruits de différentes sortes, mais on a des raisons de croire que des variétés flottantes de ce genre sont généralement provenues de graine. Il est bien connu que sur un certain nombre de variétés de semis, il en est qui transmettent leurs caractères plus exactement que d’autres ; nous en avons vu des exemples chez deux formes panachées de Euonymus et chez quelques Tulipes. Malgré la brusquerie de l’apparition des variétés de bourgeons, leurs caractères peuvent quelquefois se transmettre par reproduction séminale, et c’est ainsi que, d’après M. Rivers, les roses mousseuses se reproduisent généralement ; le caractère mousseux a aussi été transféré par croisement, d’une espèce de rosier à une autre. La pêche lisse de Boston, qui apparut par variation de bourgeon, a produit de graine une pêche lisse voisine. Nous avons cependant vu que, d’après M. Salter, la graine prise sur une branche devenue panachée par variation de bourgeons, n’a transmis que faiblement ce caractère, tandis que plusieurs plantes panachées provenant de graine, ont transmis leur panachure à une forte proportion de leurs descendants.

Bien que j’aie pu recueillir un bon nombre de cas de variations de bourgeons, et que j’en eusse probablement trouvé beaucoup d’autres en dépouillant des ouvrages d’horticulture étrangers, leur nombre est cependant très-faible en comparaison des variétés produites de graine. Dans les plantes cultivées les plus changeantes, le nombre des variations est presque infini, mais leurs différences sont généralement faibles ; ce n’est qu’à de longs intervalles qu’il surgit une modification marquée. D’autre part, il est singulier que, lorsque les plantes viennent de bourgeons, leurs variations, qui sont, relativement aux autres, plus rares, soient souvent et même ordinairement très-fortement prononcées. J’ai pensé que ce n’était peut-être qu’une illusion, et qu’il se pouvait que de légères modifications de bourgeons fussent encore fréquentes, mais étaient négligées ou passaient inaperçues à cause de leur peu de valeur. Je m’adressai donc à deux autorités d’une haute compétence en ces matières, M. Rivers pour les arbres fruitiers et M. Salter pour les fleurs. Le premier ne se rappelle pas d’avoir remarqué de légères modifications dans les bourgeons à fruits. M. Salter m’a appris qu’il s’en présente effectivement chez les fleurs, mais que, si on les propage, elles perdent leurs caractères dès l’année suivante ; il est cependant d’accord avec moi pour reconnaître que les variations de bourgeons prennent d’emblée des caractères permanents et bien accusés. Nous ne pouvons guère douter que ce ne soit la règle, quand nous réfléchissons à des cas comme ceux du pêcher, qui a été suivi et observé avec tant de soin, et chez lequel on a propagé de graine tant de variétés insignifiantes ; et cependant cet arbre a, à maintes reprises, donné par variation de bourgeons, des pêches lisses ; tandis qu’il n’a produit (d’après ce que j’ai pu savoir), que deux variétés de vrais pêchers, les Grosse mignonne tardive et précoce, qui ne diffèrent d’ailleurs de la forme souche que presque uniquement par leur période de maturation.

M. Salter m’a appris, à ma grande surprise, qu’il applique la sélection aux plantes panachées propagées de bourgeons, et que, par ce moyen, il a pu améliorer et fixer plusieurs variétés. Ainsi une branche peut d’abord ne présenter de feuilles panachées que d’un seul côté, feuilles imparfaites, et n’étant qu’irrégulièrement bordées de jaune ou de blanc, ou marquées seulement de quelques lignes de ces mêmes couleurs. Pour améliorer et fixer ces variations, il faut favoriser le développement des bourgeons qui se trouvent à la base des feuilles les mieux marquées, et ne propager que ceux-là. En suivant avec persévérance cette marche, pendant trois ou quatre saisons consécutives, on peut obtenir de cette manière une variété fixe et distincte.

Finalement, les faits que nous avons donnés dans ce chapitre, démontrent combien le germe d’une graine fécondée, et la petite masse cellulaire qui constitue le bourgeon, se ressemblent d’une manière remarquable, par leurs fonctions, — par leur force d’hérédité, avec retour occasionnel, — et par leur aptitude à présenter des variations de nature semblable, et soumises aux mêmes lois. Cette analogie, ou plutôt cette identité, est encore plus frappante si on peut avoir confiance dans les faits qui semblent indiquer que le tissu cellulaire d’une espèce ou variété, greffé sur une autre, peut donner naissance à un bourgeon ayant des caractères intermédiaires.

Nous avons vu dans ce chapitre que la variabilité n’est pas nécessairement liée à la génération sexuelle, quoiqu’elle paraisse l’accompagner beaucoup plus souvent que la reproduction par bourgeons. Nous voyons aussi que la variabilité des bourgeons ne dépend pas uniquement de l’atavisme ou du retour à des caractères depuis longtemps perdus, ou acquis à la suite d’un croisement, mais qu’elle est souvent spontanée. Mais, lorsque nous cherchons la cause d’une variation de bourgeons donnée, nous tombons dans le doute, car, dans certains cas, nous sommes conduits à admettre comme suffisante une action directe des conditions extérieures, et dans d’autres, nous éprouvons la conviction profonde que celles-ci n’ont dû prendre qu’une part très-accessoire au résultat, part dont l’importance n’est pas plus grande que celle de l’étincelle qui enflamme une masse de matière combustible.


FIN DU PREMIER VOLUME.

  1. Gardener’s Chronicle, 1854, p. 821.
  2. Lindley, Guide to Orchard, Gard. Chron. 1852, p. 821. — Pour la pêche mignonne précoce, voir Gard. Chron. 1864, p. 1251.
  3. Transact. Hort. Soc., vol. II, p. 160.
  4. Gardener’s Chronicle 1863, p. 27.
  5. Ibid. 1852, p. 821.
  6. Ibid. 1852, p. 629. — 1856, p. 648. — 1864, p. 986. — Braun, Ray Soc. Bot. Mem. 1853, p. 314.
  7. Ampélographie, etc., 1849, p. 71.
  8. Gardener’s Chronicle, 1866, p. 970.
  9. Gardener’s Chronicle, 1855, pp. 597, 612.
  10. Ibid. 1842, p. 873 ; 1855, p. 646. — Mr Mackenzie (Gard. Chron., 1866, p. 876) annonce que le même buisson continue à fournir les trois sortes de fruit, bien qu’elles n’aient pas été identiques toutes les années.
  11. Revue Horticole, citée dans Gard. Chron. 1844, p. 87.
  12. Rejuvenescence in Nature ; Bot. Mem. Ray Society, 1853, p. 314.
  13. Comptes rendus tome XLI, 1855, p. 804. Le second cas est emprunté à Gaudichaud, Comptes rendus, tome XXXIV, 1852, p. 748.
  14. Garden. Chronicle 1867, p. 403.
  15. Journ. of Proc. Linn. Soc., vol. II, Botany, p. 131.
  16. Gardener’s Chronicle, 1847, p. 207.
  17. Herbert, Amaryllidaceæ, 1838, p. 369.
  18. Gardener’s Chronicle, 1843, p. 391.
  19. Exposée à la Société d’Hort. de Londres, Gard. Chron., 1844, p. 337.
  20. W. Bell. Bot. Soc, of Edinburgh, mai 1863.
  21. Revue horticole, cité dans Gard. Chron., 1845, p. 475.
  22. Bastarderzeugung, 1849, p. 76.
  23. Journ. of Horticulture, 1861, p. 336.
  24. W. P. Ayres, Gardener’s Chronicle, 1842, p. 791.
  25. Id., ibid.
  26. Ibid., 1861, p. 968.
  27. Gardener’s Chronicle, 1861, p. 945.
  28. W. Paul, ibid., 1861, p. 968.
  29. Ibid., p. 945.
  30. Pour d’autres cas de variations par bourgeons, voir Gard. Chron. 1861, p. 578, 600, 925. — Pour des cas distincts de même nature dans le genre Pélargonium, voir Cottage Gardener, 1860, p. 194.
  31. Rev. W. T. Bree, dans Loudon’s Gard. Magazine, vol. VIII, 1832, p. 93.
  32. J. Salter, The Chrysanthemum, its history and culture, 1865, p. 41, etc.
  33. Bree, O. C., p. 93.
  34. Bronn, Geschichte der Natur, vol. II, p. 123.
  35. T. Rivers, Rose Amateurs Guide, 1837, p. 4.
  36. M. Shailer ; cité dans Gard. Chron., 1848, p. 759.
  37. Trans. Hort. Soc., vol. IV, 1822, p. 137. — Gardener’s Chron., 1842, p. 422.
  38. Loudon, Arboretum, etc., vol. II, p. 780.
  39. J’ai emprunté ces faits sur l’origine des diverses variétés de la rose mousse à Mr  Shailer, qui s’est occupé, avec son père, de leur propagation originelle, Gardener’s Chron., 1852, p. 759.
  40. Gardener’s Chronicle, 1845, p. 564.
  41. Trans. Hort. Soc. vol. II, p. 242.
  42. Schriften der Phys. Oekon. Gesellschaft zu Koenigsberg, 3 fév. 1865, p. 4. — Dr Caspary dans Transactions of Hort. Congress of Amsterdam, 1865.
  43. Gardener’s Chronicle, 1852, p. 759.
  44. Transact. Hort. Soc., vol. II, p. 242.
  45. Sir R. Schomburgk, Proc. Linn. Soc. Bot., vol. II, p. 132.
  46. Gard. Chronicle, 1862, p. 619.
  47. Hopkirk, Flora anomala, p. 167.
  48. Sur la production et la fixation des variétés, 1865, p. 4.
  49. Journal of Horticulture, 1865, p. 233.
  50. Gardener’s Chronicle, 1843, p. 135.
  51. Ibid., 1842, p. 55.
  52. Ibid., 1867, p. 235.
  53. Gärtner, Bastarderzeugung, p. 305.
  54. D. Beaton, Cottage Gardener, 1860, p. 250.
  55. Gardener’s Chron., 1850, p. 536.
  56. Braun, Ray Soc. Bot., Mem. 1853, p. 315. — Hopkirk, O. C., p. 164. — Lecoq, Géog. Bot. de l’Europe, t. III, 1854, p. 405. — et de la Fécondation, 1862, p. 303
  57. O. C., p. 5.
  58. W. Mason, Gardener’s Chronicle, 1843, p. 878.
  59. Alex. Braun, O. C., p. 315. — Gardener’s Chron., 1841, p. 329.
  60. Dr  M. T. Masters ; Royal Institution Lecture ; mars 16, 1860.
  61. W. K. Bridgeman, Ann. and Mag. of Nat. Hist., déc. 1861 ; et J. Scott, Bot., Soc. Edinburgh ; juin 12, 1862.
  62. Journal of Hort., 1861, p. 336. — Verlot, O. C., p. 76.
  63. Verlot, O. C., p. 74.
  64. Gardener’s Chronicle, 1844, p. 86.
  65. Ibid., 1861, p. 968.
  66. Ibid., 1861, p. 433. — Cottage Gardener, 1860, p. 2.
  67. M. Lemoine (cité dans Gardener’s Chronicle 1867, p.74) a récemment observé que le Symphitum à feuilles panachées ne peut pas être propagé par division des racines. Il a aussi trouvé que sur cinq cents plantes d’un Phlox à fleurs rayées qui avaient été propagées par division des racines, sept ou huit seulement eurent des fleurs rayées. Voir aussi pour les Pélargoniums rayés, Gard. Chron., 1867, p. 1000.
  68. Anderson, Recreations in Agriculture, vol. v, p. 152.
  69. Gardener’s Chronicle, 1857, p. 662.
  70. Ibid., 1841, p. 814.
  71. Ibid., 1857, p. 613.
  72. Ibid., 1857, p. 679. — Phillips, Hist. of Végétables, vol. II, p. 91, pour d’autres cas semblables.
  73. Journ. of Proc. Linn. Soc., vol. II, Botany, p. 132.
  74. Loudon, Gard. Mag. vol. VIII, p. 832, p. 94.
  75. Gardener’s Chron., 1850, p. 536 ; et 1842, p. 729.
  76. Des Jacinthes, etc. Amsterdam, 1768, p. 122.
  77. Gardener’s Chron., 1845, p. 212.
  78. Loudon, Encyc. of Gardening, p. 1024.
  79. O. C., p. 63.
  80. Gardener’s Chron., 1841, p. 782 ; — 1842, p. 55.
  81. Gardener’s Chronicle, 1849, p. 565.
  82. Trans. Linn. Soc., vol. II, p. 354.
  83. Godron, O. C., t. II, p. 84.
  84. M. Carrière, dans Revue Horticole, 1er  déc. 1866, p. 547, décrit un cas fort curieux. Ayant, à deux reprises, greffé l’Aria vestita sur des Épines croissant en vases, ses greffes donnèrent des jets dont l’écorce, les bourgeons, les feuilles, pétioles, pétales et pédoncules de fleurs furent tous très différents de ceux de l’Aria. Les tiges greffées furent aussi plus robustes et fleurirent plus tôt que celles de l’Aria non greffé.
  85. Transact. Hort. Soc. vol. II, p. 160.
  86. Alph. de Candolle, Bibl. Univ. Genève, nov. 1862 pour le chêne ; — et Loudon’s Garden Magazine, vol. XI, 1835, p. 503, pour le tilleul, etc.
  87. Braun, Rejuvenescence dans Ray Soc. Bot. Mem., 1853, p. 320 ; — et Gardener’s Chronicle, 1842, p. 397.
  88. Journ. of Hort. Soc., vol. II, 1847, p. 100.
  89. Transact. of Hort. Congress of Amsterdam, 1865 ; la plupart des renseignements m’ont été transmis par le prof. Caspary.
  90. Nouvelles Archives du Muséum, t. I, p. 143.
  91. Ibid. p. 141.
  92. Le Dr Lindley admet cette assertion, Gard. Chron., 1857, p. 382, 400.
  93. Braun, O. C., 1853, p. xxiii.
  94. Ce métis n’a jamais été décrit. Par son feuillage, l’époque de sa floraison, les stries foncées de la base de l’étendard, les villosités de l’ovaire et presque tous ses autres caractères, il est exactement intermédiaire entre les C. laburnum et alpinus, mais s’approcha plus du premier par la couleur, tout en ayant des grappes plus longues. Nous avons vu plus haut que 20,3 pour cent de ses grains de pollen sont difformes et inefficaces. La plante, quoique croissant à peu de distance des deux espèces parentes, ne donna point de bonnes graines pendant plusieurs saisons ; mais, en 1866, elle se montra fertile, et ses longues grappes produisirent de une à quatre siliques, dont plusieurs ne contenaient point de bonnes graines, mais d’autres en renfermaient une ou deux, et une seule en avait trois. Quelques graines ont germé.
  95. Annales de la Soc. d’Hort. de Paris, t. VII, 1830, p. 93.
  96. Ann. et Mag. of Nat. Hist., mars 1848.
  97. Pomologie physiologique, 1830, p. 126.
  98. Gallesio, Gli Agrumi dei Giard. Bot. Agrar. di Firenze, 1839, p. 11.
  99. Gard. Chron., 1835, p. 628. Voir prof. Gaspary, Transact. Hort. Congress of Amsterdam, 1865.
  100. Gard. Chron., 1851, p. 406.
  101. Gärtner, Bastarderzeugung, p. 549. — Il est toutefois encore douteux si ces deux plantes doivent être regardées comme des espèces ou variétés.
  102. Gärtner, Bastarderzeugung, p. 550.
  103. Journ. de Physique, t. XXIII, 1783, p. 100. — Act. Acad. Saint-Pétersbourg, 1781, t. I, p. 249.
  104. Nouvelles Archives du Muséum, t. I, p. 49.
  105. L’Hermès, janv. 14, 1837, cité dans Loudon’s Gard. Mag., vol. XIII, p. 230.
  106. Comptes rendus, t. xxxiv, 1852, p. 746.
  107. Geog. Bot. de l’Europe, t. III, 1854, p. 405. — De la Fécondation, 1862, p. 302.
  108. Traité du Citrus, 1811, p. 48.
  109. Transact. Linn. Soc., vol. IX, p. 268.
  110. Gärtner, O. C., p. 611, donne beaucoup de renseignements sur ce point.
  111. Bradley, Treatise on Husbandry, 1724, vol. I, p. 199, mentionne un cas très-analogue.
  112. Loudon, Arboretum, etc., vol. IV, p. 2595.
  113. O. C., p. 619.
  114. Amsterdam, 1768, p. 124.
  115. Gardener’s Chronicle, 1860, p. 672, avec figure.
  116. Philosophical Transact., vol. XLIII, 1744–45, p. 525.
  117. Mr  Swayne, Trans. Hort. Soc., vol. v, p. 234. — Gärtner O. C., 1849, p. 81 et 499.
  118. Gardener’s Chron., 1854, p. 404.
  119. Id., 1866, p. 900.
  120. Voir le travail de cet observateur lu devant le Congrès international horticole et botanique de Londres, 1866.
  121. Traité du Citrus, p. 40.
  122. Transact. Hort. Soc., vol. IV, p. 318, — et vol. v, p. 65.
  123. Prof. Asa Gray, Proc. Acad. Sc. Boston ; vol. IV, 1860, p. 21.
  124. Proc. Hort. Soc., vol. I, 1866, p. 50, pour le cas français ; — pour celui d’Allemagne, Mr  Jack, dans Henfreys Bot. Gazette, vol. I, p. 277. Un cas arrivé en Angleterre a été récemment communiqué à la Société d’horticulture de Londres, par le Rév. J. M. Berkeley.
  125. Philosoph. Transact., vol. XLVII, 1751–52, p. 206.
  126. Gallesio, Teoria della Riproduzione, 1816, p. 95. — Le Dr Hildebrand de Bonn, par lettre du 2 janvier 1868, m’informe qu’il a récemment croisé un maïs jaune avec un rouge, et a obtenu les mêmes résultats que le Dr Savi, avec la particularité que, dans un cas, l’axe qui porte les graines, était taché de couleur brune. Le Dr Hildebrand me signale aussi quelques cas remarquables relatifs au pommier, et analogues à ceux dont il est question plus loin. Ces faits intéressants seront prochainement publiés dans le Bot. Zeitung.
  127. Il peut être utile de rappeler ici les différents modes suivant lesquels les fleurs et fruits deviennent rayés ou pommelés : 1o par l’action directe du pollen d’une autre variété ou espèce, comme dans les cas donnés ci-dessus pour l’orange et le maïs ; 2o par des croisements de la première génération, lorsque les couleurs des parents ne s’unissent pas franchement, comme dans les croisements des Mirabilis et Dianthus ; 3o par des plantes croisées d’une génération suivante, par retour, tant par variation de bourgeons que par génération séminale ; 4o par retour à un caractère provenant non pas d’un croisement, mais depuis longtemps perdu, comme pour les variétés à fleurs blanches, qui, ainsi que nous le verrons, deviennent souvent rayées d’une autre couleur. Enfin, il y a des cas, comme celui des pêches portant une moitié ou un quart de pêche lisse, où le changement paraît dû à une simple variation, soit par bourgeon, soit par génération ordinaire.
  128. Transact. Hort. Soc., vol. v, p. 69.
  129. Journal of Horticult., 20 janv. 1863, p. 46.
  130. Prof. Decaisne, traduit dans Proc. Hort. Soc., vol. i, 1866, p. 48.
  131. Vol. XLIII, 1744–45, p. 525 ; vol.xlv, 1747–48, p. 602.
  132. Trans. Hort. Soc., vol. v, p. 63 et 68. — Puvis, de la Dégénération, 1837, p. 36, cite aussi plusieurs cas, mais il n’est pas toujours possible de distinguer entre l’action directe du pollen étranger et celle des variations par bourgeons.
  133. T. de Clermont-Tonnerre, Mém. Soc. Linn. de Paris, t. III, 1825, p. 164.
  134. Trans. Hort. Soc., vol. v, p. 68.
  135. Beiträge zur Kenntniss d. Befruchtung, 1844, p. 347–351.
  136. Die Fruchtbildung der Orchideen, ein Beweis für die doppelte Wirkung des Pollen ; Botanische Zeitung, no 44 et seq., oct. 30, 1863 et 1865, p. 249.
  137. Philos. Transact., 1821, p. 20.
  138. Alex. Harvey ; A remarkable effect of Cross-Breeding, 1851. — Physiology of Breeding, par R. Orton, 1855. — Intermarriage, par A. Walker, 1837. — L’Hérédité naturelle, par Dr  P. Lucas, tom. II, p. 58. — W. Sedgewick, dans British and Foreign Medico-Chirurgic. Review, 1863, p. 183. — Bronn, Geschichte der Natur, 1843, vol. II, p. 127, a recueilli plusieurs cas sur les juments, les truies et les chiens. — M. W. C. L. Martin (Hist. of the Dog, 1845, p. 104), donne plusieurs observations personnelles sur l’influence du premier mâle, sur les portées faites ultérieurement par la femelle et par des autres mâles ; Jacques Savary, poëte français, qui a écrit, en 1665, sur les chiens, paraît avoir connu ce fait singulier. — Le Dr  Bowerbank me communique le cas frappant suivant : une chienne turque noire et sans poils, ayant été accidentellement couverte par un épagneul métis à longs poils bruns, mit bas cinq petits, dont trois furent sans poils et deux couverts d’un poil brun et court. Livrée ensuite à un chien turc également noir et sans poils, les petits de cette seconde portée furent pour moitié semblables à la mère, c’est-à-dire turcs purs, l’autre moitié des produits ressemblant tout à fait aux chiens à poils courts provenant du premier père.
  139. Le Pigeon voyageur belge, 1863, p. 59.
  140. Flora anomala, p. 164.
  141. Schriften d. Phys.-OEkon. Gesell. zu Königsberg, vol. VI, 1865, p. 4.