De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication/Tome I/10

De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication (The Variation of Animals and Plants under Domestication)
Traduction par Jean-Jacques Moulinié.
C. Reinwald (Tom. Ip. 353-395).

CHAPITRE X.

PLANTES (Suite). — FRUITS. — ARBRES D’ORNEMENT. — FLEURS.


FRUITS. — Raisins. — Variations insignifiantes et bizarres. — Mûres. — Oranges. — Résultats singuliers de croisement. — Pêches et brugnons. — Variations de bourgeons. — Variation analogique. — Rapports avec l’amande. — Abricots. — Prunes. — Variation de leurs noyaux. — Cerises. — Variétés singulières. — Pommes. — Poires. — Fraises. — Mélanges des formes primitives. — Groseilles. — Accroissement constant de la grosseur du fruit. — Variétés. — Noix. — Noisettes. — Plantes cucurbitacées. — Leurs variations surprenantes.
ARBRES D’ORNEMENT. — Genre et degré de leurs variations. — Frêne. — Pin d’Écosse. — Aubépine.
FLEURS. — Origine multiple de beaucoup de fleurs. — Variations de particularités constitutionnelles. — Genre de variation. — Roses. — Espèces cultivées. — Pensées. — Dahlias. — Histoire et variation de la jacinthe.


La Vigne (Vitis vinifera). — Tous nos raisins sont, d’après nos meilleures autorités, regardés comme les descendants d’une espèce unique, qui croit encore sauvage dans l’Asie occidentale, existait dans le même état en Italie[1] pendant l’âge de bronze, et a été récemment trouvée fossile dans un dépôt tuffeux du midi de la France[2]. Quelques auteurs toutefois, se basant sur le grand nombre de formes à demi sauvages qu’on trouve dans le midi de l’Europe, et notamment celle provenant d’une forêt en Espagne, décrite par Clemente[3], conçoivent des doutes sur la descendance de toutes nos variétés cultivées d’une souche unique ; mais comme le raisin se sème facilement dans l’Europe méridionale, et que ses formes principales transmettent leurs caractères par la graine[4], tandis que d’autres sont extrêmement variables, il doit certainement y avoir des formes échappées à la culture dans les pays où cette plante a été cultivée dès l’antiquité la plus reculée. La quantité considérable de variétés qui ont pris naissance depuis les plus anciens documents historiques que nous possédions, est une preuve de la variabilité de la vigne lorsqu’elle est propagée de graines. Presque chaque année voit éclore quelques nouvelles variétés de serre, et comme exemple[5] on a tout récemment, en Angleterre, obtenu une variété dorée provenant, sans l’intervention d’aucun croisement, d’un raisin rouge. Van Mons[6] a obtenu de la graine d’une seule vigne, complètement isolée, de manière à exclure toute possibilité de croisement, des plantes présentant les analogues de toutes les sortes, et différant entre elles par presque tous les caractères possibles des fruits et des feuilles.

Les variétés cultivées sont extrêmement nombreuses ; le comte Odart estime qu’il peut en exister 800, peut-être même 1000, mais dont un tiers sont sans valeur. Un catalogue, publié en 1842, des fruits cultivés dans le Jardin d’Horticulture de Londres, en énumère 99 variétés. Partout où la vigne est cultivée, elle en présente ; Pallas en décrit 24 en Crimée, et Burnes 10 dans le Caboul. Leur classification a fort embarrassé les auteurs, et le comte Odart en a été réduit à adopter un système géographique. Sans entrer dans les détails des grandes et nombreuses différences qui existent entre ces variétés, je me bornerai à signaler quelques particularités curieuses, uniquement pour montrer la variabilité dont la plante est susceptible, et que j’emprunterai toutes à l’ouvrage très-estimé d’Odart[7]. La vigne a été groupée par Simon sous deux divisions principales, comprenant celle à feuilles tomenteuses et celle à feuilles glabres ; mais il admet que dans une variété, la Rebazo, les feuilles peuvent être l’un ou l’autre, et Odart (p. 70) constate que dans quelques variétés, les nervures seules, et dans d’autres les jeunes feuilles, sont tomenteuses, tandis qu’elles sont glabres dans les vieilles. Le raisin Pedro-Ximenes (Odart, p. 397) se laisse reconnaître, parmi une foule d’autres variétés, par la particularité que, lorsqu’il approche de sa maturation, les nervures de ses feuilles et même leur surface entière, deviennent jaunes. Le Barbera d’Asti offre quelques caractères bien marqués (p. 426), entre autres celui de quelques-unes de ses feuilles, toujours les plus basses, devenant subitement d’un rouge foncé. Plusieurs auteurs ont, dans leurs essais de classification, fondé leurs divisions principales sur la forme ronde ou oblongue des grains du raisin, et Odart admet la valeur de ce caractère, bien qu’il y ait une variété, le Maccabeo (p. 71), chez laquelle on trouve souvent sur la même grappe, des grains petits et ronds avec d’autres gros et oblongs. Les raisins de la variété Nebbiolo (p. 429), se reconnaissent au caractère constant d’une légère adhérence de la partie de la pulpe qui entoure les pépins, au reste de la baie, lorsqu’on coupe celle-ci en travers. Il mentionne une variété Rhénane (p. 228) qui aime un sol sec ; le raisin mûrit bien, mais se pourrit facilement quand il pleut beaucoup lors de sa maturation ; une variété Suisse (p. 243) est d’autre part estimée, parce qu’elle résiste bien à une humidité prolongée. Cette dernière variété pousse tardivement au printemps, mais mûrit tôt ; d’autres (p. 362) ont le défaut d’être trop excitées par le soleil d’avril, et souffrent par conséquent du gel. Une variété Styrienne (p. 254) a ses pédoncules très-cassants, et ses grappes sont facilement arrachées par les forts vents ; on dit aussi qu’elle attire tout particulièrement les guêpes et les abeilles. D’autres variétés ont les pédoncules robustes, et résistent bien au vent. Parmi les innombrables variations qui pourraient encore être signalées, celles que nous venons d’indiquer suffisent pour montrer combien la vigne peut varier par mille détails de conformation. Pendant la durée de la maladie de la vigne en France, il est des groupes entiers de variétés[8] qui ont souffert infiniment plus que d’autres, de l’envahissement de l’oïdium. Ainsi le groupe du Chasselas, si riche en variétés, n’a pas offert un seul cas d’une exception heureuse, tandis que d’autres, comme le vieux plant de Bourgogne par exemple, ont relativement échappé à la maladie, et le Carminat y a bien résisté. Les vignes américaines, qui appartiennent à une espèce distincte, n’ont nullement été affectées par la maladie en France. Il semblerait donc que les variétés européennes qui ont le mieux résisté au mal, ont dû acquérir dans une certaine limite les particularités constitutionnelles de l’espèce américaine.

Mûre blanche (Morus alba). — Je mentionne cette plante parce que par certains caractères, tels que la texture et la qualité de ses feuilles, elle présente des variations de nature à les approprier à la nourriture des vers à soie, différentes de celles qu’on observe dans d’autres plantes, et qui n’ont été que le résultat d’une sélection de certaines variations du mûrier, qu’on a ainsi rendues à peu près constantes. M. de Quatrefages[9] a décrit brièvement six sortes de cette plante qu’on cultive dans une seule vallée en France ; l’amouroso produit d’excellentes feuilles, mais est actuellement en voie d’être abandonnée parce qu’elle donne trop de fruits ; l’antofino porte des feuilles profondément découpées et de qualité très-fine, mais en quantité faible ; on recherche la variété claro à cause de la facilité avec laquelle on peut récolter ses feuilles ; enfin la var. roso donne en abondance des feuilles fortes et robustes, mais qui ont l’inconvénient de ne bien convenir aux vers qu’après leur quatrième mue. MM. Jacquemet-Bonnefont, de Lyon, dans leur catalogue de 1862, font toutefois remarquer qu’on a confondu sous le nom de roso deux sous-variétés, dont l’une a les feuilles trop épaisses pour les vers, tandis que l’autre est précieuse parce qu’on peut facilement en cueillir les feuilles sur les branches, sans déchirer l’écorce de celles-ci.

Dans l’Inde, le mûrier a aussi donné naissance à un grand nombre de variétés. Plusieurs botanistes considèrent la forme Indienne comme une espèce distincte ; mais, ainsi que le fait remarquer Royle[10], la culture a fait naître une telle quantité de variétés, qu’il est difficile de déterminer si toutes appartiennent à une seule espèce ; car elles sont presque aussi nombreuses que les variétés du ver à soie.

Groupe des Oranges. — La plus grande confusion règne dans ce groupe quant à la distinction spécifique et l’origine de ses diverses formes. Gallesio[11], qui a presque consacré sa vie à l’étude de ce fruit, y reconnaît quatre espèces, qui sont, les oranges douces, les amères, les limons et les citrons, et dont chacune a donné naissance à des groupes nombreux de variétés, de monstruosités, et de métis supposés. Une autre autorité compétente[12], regarde ces quatre formes réputées espèces, comme des variétés du Citrus medica sauvage, et pense que le Citrus decumana (Pamplemousse) qu’on ne connaît pas à l’état sauvage, forme une espèce distincte, fait dont doute fortement un autre écrivain, le Dr Buchanan Hamilton. D’autre part, Alph. de Candolle[13], — et on ne saurait trouver un juge plus compétent, — apporte des preuves, à son avis suffisantes, pour établir que l’orange, (la spécificité des sortes amères et douces lui paraissant douteuse), le limon et le citron ayant été trouvés sauvages, doivent par conséquent être considérés comme des formes distinctes. Il mentionne comme espèces incontestables, deux formes cultivées au Japon et à Java ; mais parle avec doute de l’orange pamplemousse, qui varie beaucoup, et n’a pas été trouvée sauvage ; il regarde enfin quelques formes, telles que la pomme d’Adam et la Bergamotte, comme étant probablement des hybrides.

J’ai donné un rapide aperçu de ces diverses manières de voir, pour faire comprendre à ceux qui ne se sont jamais occupés de pareils sujets, combien ils sont embarrassants et douteux. Il est donc tout à fait inutile d’entrer dans plus de détails sur les différences qui s’observent entre les diverses formes, dont un assez grand nombre, qu’on ne peut considérer que comme des variétés, transmettent cependant intégralement leurs caractères par graine. Les oranges amères et douces ne diffèrent aucunement par d’autres caractères que celui de leur saveur, et d’après Gallesio[14], se propagent toutes les deux d’une manière constante par graine, d’où, conséquent avec son principe, il les considère comme formant deux espèces distinctes ; ce qu’il fait aussi pour les amandes douces et amères, et pour la pêche et le Brugnon (pêche lisse), etc. Cependant, comme il admet que la variété du Pin à graines à coque tendre, produit non-seulement des Pins à coque tendre, mais souvent aussi des Pins à coque dure, il en résulterait d’après sa règle, qu’il suffirait d’un peu plus de force dans l’hérédité, pour ériger le Pin à graines à coque tendre à la dignité d’espèce primitive. L’assertion de Macfayden[15], qu’à la Jamaïque, les pépins de l’orange douce produisent des oranges tantôt douces et tantôt amères, suivant le sol dans lequel on les sème, doit probablement être erronée, car j’apprends de M. de Candolle que, depuis la publication de son grand ouvrage, il a reçu de la Guyane, des Antilles, et de l’île Maurice, des renseignements qui constatent que, dans ces localités, l’orange douce transmet rigoureusement son caractère à ses descendants. Gallesio a constaté que l’oranger à feuilles de saule, ainsi que le petit oranger chinois, reproduisent bien leurs feuilles et leurs fruits, mais que les plantes levées de semis ne sont pas tout à fait égales en mérite à leurs parents. L’orange à pulpe rouge ne transmet pas cette particularité. Gallesio a aussi observé que les graines de plusieurs autres variétés singulières reproduisaient bien des arbres ressemblant partiellement à la forme parente, mais ayant tous une physionomie spéciale. Un oranger à feuilles de myrte (que tous les auteurs regardent comme une variété, bien que l’ensemble de son aspect soit très-distinct) qui se trouvait dans la serre de mon père, après avoir végété pendant bien des années sans produire de graines, en donna enfin une fois, et l’arbre provenant du semis de l’une d’elles fut identique avec le premier.

Il est encore une autre circonstance plus sérieuse, et qui rend fort difficile la détermination des différentes formes, c’est la fréquence avec laquelle elles se croisent entre elles ; ainsi Gallesio[16] a constaté que les plantes du limonier (C. lemonum), croissant mélangées avec celles du citronnier (C. medica), qu’on regarde généralement comme une espèce distincte, ont donné naissance à une série de formes parfaitement graduées et intermédiaires entre les deux premières. Une pomme d’Adam a été produite de la graine d’une orange douce, qui avait crû dans le voisinage de limoniers et de citronniers ; mais des faits de ce genre ne peuvent guère nous aider à fixer la valeur de ces formes comme espèces ou variétés, car on sait maintenant que des espèces incontestées de Verbascum, Cistus, Primula, Salix, etc., se croisent fréquemment dans la nature. Si cependant on pouvait prouver que les plantes produites par ces croisements étaient même partiellement stériles, ce serait un argument puissant en faveur de leur spécificité. Gallesio affirme que cela est bien le cas, mais il ne distingue pas entre la stérilité résultant de l’hybridité, et celle qui provient des effets de la culture ; et il détruit la force de sa première assertion par celle-ci[17], qu’ayant fécondé des fleurs de l’oranger commun, par du pollen pris sur des variétés incontestables de la même plante, il obtint des fruits monstrueux ne contenant que peu de pulpe, et quelques graines imparfaites ou même point.

Nous rencontrons dans ce groupe de plantes deux cas de faits remarquables au point de vue de la physiologie végétale. Gallesio[18] ayant fécondé les fleurs d’un oranger par du pollen de limonier, le fruit de l’oranger présenta un segment un peu saillant, dont l’écorce avait la couleur et le goût de celle du limon, la pulpe étant celle de l’orange et ne renfermant que des pepins incomplets. Cette possibilité d’une action directe et immédiate du pollen d’une espèce ou variété, sur le fruit produit par une autre espèce ou variété, est un fait que je discuterai à fond dans le chapitre suivant.

Le second fait remarquable est celui de deux hybrides[19] supposés (car on n’a pas vérifié s’ils l’étaient réellement), entre un oranger et un limonier ou un citronnier, ayant produit sur le même arbre, des feuilles, des fleurs et des fruits appartenant aux formes pures des deux parents, parmi d’autres de nature croisée et mixte. Un bourgeon pris sur une branche quelconque et greffé sur un autre arbre, peut produire ou une des formes pures, ou un arbre produisant capricieusement les trois sortes. J’ignore si le cas du limon doux, contenant dans le même fruit des segments de pulpe de goûts différents[20] est un cas analogue. Mais j’aurai à revenir sur ce sujet.

Je termine par la description d’une variété fort singulière de l’orange commune, empruntée à l’ouvrage de A. Risso[21]. C’est le Citrus aurantium fructu variabili, dont les jeunes tiges poussent des feuilles ovales arrondies, piquetées de jaune, à pétioles pourvus d’ailettes cordiformes ; après leur chute, elles sont remplacées par des feuilles plus longues et plus étroites, à bords ondulés, d’un vert pâle bigarré de jaune, portées sur des pétioles non ailés. Pendant qu’il est jeune, le fruit est piriforme, jaune, longitudinalement strié et doux ; en mûrissant, il devient sphérique, d’un jaune plus rouge, et amer.

Pêches et Brugnons. (Amygdalus Persica). — Les meilleures autorités sont unanimes à reconnaître que la pêche n’a jamais été rencontrée sauvage. Importée un peu avant l’ère chrétienne de Perse en Europe, il n’en existait alors que peu de variétés. Alph. de Candolle[22] croit que ce fruit, ne s’étant pas répandu depuis la Perse à une époque plus reculée, et n’ayant aucun nom sanscrit ou hébreu pur, ne doit pas être originaire de l’Asie occidentale, mais probablement de la terre inconnue, la Chine. L’hypothèse que la pêche serait une amande modifiée, ayant acquis ses caractères actuels à une époque relativement récente, pourrait, à ce qu’il me semble, rendre compte de ces faits ; car, la pêche lisse, qui descend de la pêche, a aussi fort peu de noms indigènes, et n’a été connue en Europe que bien plus tard encore.

André Knight[23], ayant obtenu de la fécondation d’un amandier par le pollen d’un pêcher, une plante dont les fruits furent semblables à des pêches, fut conduit par là à soupçonner que le pêcher est un amandier modifié, opinion qu’ont partagé plusieurs auteurs[24]. Une pêche de bonne qualité, presque sphérique, pourvue d’une pulpe douce et molle, enveloppant un noyau très-dur, fortement sillonné et légèrement aplati, diffère certainement beaucoup d’une amande, dont le noyau très-aplati, allongé, tendre et à peine sillonné, est entouré d’une pulpe dure, amère et verdâtre. M. Bentham[25] a surtout insisté sur l’aplatissement remarquable de l’amande comparée au noyau de pêche. Mais le noyau de l’amandier varie beaucoup par sa forme, sa dureté, sa grosseur, le degré de son aplatissement et la profondeur de ses sillons, suivant ses diverses variétés, comme le montrent les figures que je donne ci-dessous (fig. 4–8), des différentes sortes que j’ai pu recueillir. Le degré d’allongement et d’aplatissement paraît aussi varier dans les noyaux de pêche (fig. 1–3), car on voit que celui de la pêche-miel de Chine (fig. 3) est plus long et plus comprimé que le noyau de l’amande de Smyrne (fig. 8).

Fig. 42. — Noyaux de pêches et d’amandes, grandeur naturelle, vus de côté. — 1. Pêche anglaise commune. — 2. Pêche chinoise double, à fleurs cramoisies. — 3. Pêche-Miel chinoise, — 4. Amande anglaise. — 5. Amande de Barcelone. — 6. Amande de Malaga. — 7. Amande à coque molle. — 8. Amande de Smyrne.

M. Rivers de Sawbridgeworth, horticulteur expérimenté, à qui je suis redevable de quelques-uns des échantillons ci-dessus figurés, m’a signalé plusieurs variétés qui relient le pêcher et l’amandier. Il y a en France une variété nommée la pêche-amande, que M. Rivers a cultivée autrefois, et qui est décrite dans un catalogue français comme ovale et renflée, ayant l’aspect d’une pêche, et contenant un noyau dur entouré d’une enveloppe charnue qui est quelquefois mangeable[26]. M. Luizet a publié récemment dans la Revue Horticole[27] le fait remarquable d’un pêcher-amandier greffé sur un pêcher, qui ne porta en 1863 et 1864 que des amandes, et donna en 1865, six pêches et point d’amandes. M. Carrière, commentant ce fait, cite un cas d’un amandier à fleurs doubles, qui, après avoir donné durant plusieurs années des amandes, produisit pendant les deux années suivantes, des fruits sphériques charnus et semblables à des pêches, puis revint, en 1865, à son état précédent, et donna de grosses amandes.

M. Rivers m’apprend que les pêchers chinois à fleurs doubles ressemblent aux amandiers par leur mode de croissance et leurs fleurs ; leur fruit est très-allongé et aplati, sa chair à la fois douce et amère, n’est pas immangeable, mais paraît être de meilleure qualité en Chine. Un pas de plus nous amène aux pêches inférieures que nous obtenons parfois de graine. Ainsi M. Rivers ayant semé des noyaux de pêches importés des États-Unis, obtint ainsi quelques plantes qui produisirent des pêches très-semblables à des amandes, par leur petitesse, leur dureté et la nature de leur pulpe, qui ne s’attendrissait que fort tard en automne. Van Mons[28] a aussi vu un arbre provenant d’un noyau de pêche, qui ressemblait exactement à une plante sauvage et donna des fruits analogues à l’amande. Depuis les pêches inférieures, telles que celles que nous venons de décrire, on peut trouver toutes les transitions, passant par les pêches à noyau adhérent à la pulpe, jusqu’à nos variétés les plus succulentes et les plus savoureuses. Je crois donc que, vu ces gradations, la brusquerie de certaines variations, et l’absence de toute forme sauvage, il est fort probable que la pêche provienne de l’amande, améliorée et modifiée d’une manière étonnante.

Il est cependant un fait qui paraît contraire à cette conclusion. Un hybride obtenu par Knight de l’amandier doux par le pollen d’un pêcher, produisit des fleurs n’ayant que peu ou point de pollen, et qui donnèrent des fruits, mais apparemment sous l’action fertilisante d’un pêcher lisse voisin. Un autre hybride de l’amandier doux, fécondé par le pollen d’une pêche lisse, ne donna, pendant les trois premières années, que des fleurs incomplètes, mais ensuite elles devinrent parfaites et riches en pollen. Si on ne peut rendre compte de cette faible stérilité, par leur jeunesse (circonstance qui souvent occasionne une diminution de la fertilité), par l’état monstrueux de leurs fleurs, ou par les conditions dans lesquelles ces plantes se sont trouvées, ces deux cas fourniraient une objection assez forte contre l’admission de la descendance du pêcher de l’amandier.

Que le pêcher provienne ou non de l’amandier, il a certainement donné naissance aux pêches lisses ou nectarines, comme on les appelle en Angleterre. La plupart des variétés des unes et des autres se reproduisent exactement de graine. Gallesio[29], dit l’avoir vérifié pour huit races de pêchers. M. Rivers[30] en donne des exemples frappants, et il est notoire que dans l’Amérique du Nord, on élève constamment de graine de très-bons pêchers. La plupart des sous-variétés américaines restent constantes ; on connaît cependant un cas de pêcher à chair adhérente au noyau, ayant produit un arbre dont le fruit était non adhérent[31]. On a remarqué qu’en Angleterre, les plantes provenant de semis héritaient de leurs parents des fleurs de même grosseur et couleur. D’autres caractères, contrairement à ce qu’on aurait pu croire, ne sont pas héréditaires, tels que la présence et la forme des glandes des feuilles[32]. Quant aux pêches lisses, tant celles à noyau adhérent que non adhérent, elles se reproduisent par graine dans l’Amérique du Nord[33]. En Angleterre, la pêche lisse blanche nouvelle provient de la graine de l’ancienne variété du même nom ; M. Rivers[34] donne d’autres cas analogues. Bien que les pêchers ordinaires et lisses[35] ne présentent pas de différences, et ne peuvent même être distingués les uns des autres lorsqu’ils sont jeunes, il n’est pas étonnant, vu la force d’hérédité qui s’observe chez les uns et les autres, leurs quelques diversités de constitution, et surtout la différence considérable qui existe dans l’aspect et le goût de leurs fruits, que quelques auteurs les aient regardés comme formant deux espèces distinctes. Gallesio n’en doute nullement ; Alph. de Candolle ne paraît pas convaincu de leur identité spécifique, et un botaniste éminent[36] a tout récemment soutenu l’opinion que le pêcher lisse constitue probablement une espèce à part.

Il ne sera donc pas inutile de donner tous les faits que nous possédons sur l’origine du pêcher lisse, car outre l’intérêt qu’ils peuvent avoir par eux-mêmes, ils pourront nous servir dans la discussion importante sur la variation par bourgeons, dont nous aurons à nous occuper plus tard. On assure que la pêche lisse de Boston[37] fut le produit d’un noyau de pêche, et se reproduisit ensuite par elle-même de graine[38]. M. Rivers[39] a obtenu de trois noyaux de variétés distinctes du pêcher, trois formes distinctes de pêchers lisses, et dans un des cas il n’y avait dans le voisinage du pêcher qui avait fourni le noyau, aucun pêcher lisse. M. Rivers a encore dans un autre cas, obtenu d’un noyau de pêche ordinaire, un pêcher lisse, et de ce dernier, à la génération suivante, un autre pêcher lisse[40]. J’ai eu connaissance d’autres cas encore qu’il est inutile de donner ici. M. Rivers a constaté six cas incontestables du fait inverse, soit la production de pêchers proprement dits, tant à noyaux adhérents que non adhérents, provenant de noyaux du pêcher lisse ; dans deux de ces cas les pêchers lisses parents provenaient eux-mêmes de semis d’autres pêchers de la même variété[41].

Quant au cas très-curieux de pêchers adultes produisant subitement par variation de bourgeons, des pêches lisses, les exemples surabondent, ainsi que ceux d’un même arbre produisant à la fois des pêches proprement dites et des brugnons, ou même des fruits, dont une moitié était pêche, et l’autre brugnon.

P. Collinson[42] a en 1741 signalé le premier cas d’un pêcher produisant une pêche lisse, et il en a décrit deux autres cas en 1766. L’éditeur, Sir J. E. Smith, décrit dans le même ouvrage le cas plus curieux encore d’un arbre dans le Norfolk, qui donnant habituellement à la fois des pêches proprement dites et des pêches lisses, produisit pendant deux saisons consécutives un certain nombre de fruits de nature mixte, c’est-à-dire étant moitié l’un moitié l’autre.

M. Salisbury a signalé en 1808[43] six cas d’arbres pêchers ayant donné des pêches lisses, et appartenant aux variétés Alberge, Belle Chevreuse, et Royal George ; cette dernière manquait rarement de produire les deux sortes de fruits. Il cite encore un autre cas d’un fruit mixte.

Dans le Devonshire, à Radford[44], un pêcher lisse à noyau adhérent fut planté en 1815, et après avoir d’abord donné des pêches proprement dites, il porta en 1824 sur une seule branche, douze pêches lisses ; en 1825 la même branche donna vingt-six pêches lisses ; et en 1826, trente-six pêches lisses avec dix-huit pêches ordinaires. Une de celles-ci avait un côté presque aussi uni que les pêches lisses. Ces dernières étaient plus petites mais aussi foncées que la pêche « Elruge. »

À Beccles, un pêcher « Royal George[45] » produisit un fruit, pêche pour les trois quarts et pêche lisse pour un quart, les deux portions étant tout à fait distinctes par l’apparence et le goût. La ligne de séparation était longitudinale. À cinq mètres de distance de l’arbre croissait un pêcher lisse.

Le professeur Chapman[46] a constaté en Virginie la présence fréquente de pêches lisses sur de très-vieux pêchers ordinaires.

On trouve dans le Gardener’s Chronicle[47] le cas d’un pêcher planté depuis quinze ans, qui produisit une pêche lisse entre deux vraies pêches ; un arbre à fruits lisses croissait dans le voisinage.

En 1844[48] un pêcher variété « Vanguard » donna parmi ses fruits ordinaires une seule pêche lisse Romaine rouge.

M. Calver[49] a planté aux États-Unis un pêcher provenant de semis, qui donna comme produit un mélange de pêches proprement dites et de pêches lisses.

Près de Dorking[50], une branche de la variété de pêcher « Téton de Vénus, » qui se reproduit exactement de graine[51], porta, outre son fruit si particulier par sa forme, une pêche lisse un peu plus petite, mais tout à fait ronde et bien conformée.

À tous ces cas relatifs à des pêchers produisant subitement des pêches lisses, ajoutons encore le cas unique qui s’est présenté à Carclew[52], d’un pêcher lisse provenant de semis, planté vingt ans auparavant, et qui, sans avoir jamais été greffé, produisit un fruit moitié pêche et moitié pêche lisse, et ultérieurement une pêche parfaite.

Pour résumer les faits qui précèdent ; nous avons des preuves nombreuses, — que les noyaux de pêche produisent des pêchers lisses, et que les noyaux de ces derniers peuvent produire de vrais pêchers, — qu’un même arbre peut porter de vraies pêches et des pêches lisses, — que les pêchers produisent par variation de bourgeons et brusquement, des pêches lisses (celles-ci se reproduisant par leur graine), et même des fruits mixtes, étant partiellement pêches et partiellement pêches lisses, et qu’enfin un pêcher lisse, après avoir donné des fruits mixtes, finit par donner de vraies pêches. La pêche proprement dite ayant existé avant la pêche lisse, on devait s’attendre à ce qu’en vertu du principe du retour, les pêchers lisses donnassent naissance par variation de bourgeons ou par graine à de vraies pêches, plus souvent que les pêchers ordinaires à des pêches lisses ; cela n’est pourtant point le cas.

On a proposé deux explications pour rendre compte de ces conversions. La première est que, dans tous les cas, les arbres parents ont dû être des hybrides[53] du pêcher proprement dit et du pêcher lisse, et sont revenus à une de leurs formes parentes pures, soit par variation de bourgeons, soit par graine. Cette manière de voir n’est pas en elle-même improbable ; car la pêche « Mountaineer » que Knight a produite en fécondant la fleur du pêcher muscade rouge, par le pollen de la pêche brugnon violette hâtive[54], donne des pêches, mais qui se rapprochent quelquefois par le goût et la nature de leur surface unie, des pêches lisses. Nous remarquons que dans les faits que nous avons rapportés plus haut, pas moins de six variétés connues de pêches et plusieurs autres sans nom, ont produit tout à coup par variation de bourgeons, des pêches lisses parfaites ; et il serait difficile de supposer que toutes ces variétés de pêches, qui ont été cultivées depuis bien des années, et dans une foule d’endroits, sans montrer de traces d’une parenté mélangée, pussent être néanmoins des hybrides. Une seconde explication consiste à admettre une action directe exercée sur le fruit du pêcher, par le pollen du pêcher lisse ; mais bien que cette action soit possible, nous n’avons pas la moindre preuve qu’une branche ayant porté des fruits directement affectés par du pollen étranger, puisse être assez profondément affectée pour produire ensuite des bourgeons qui continuent à développer des fruits de la forme nouvelle et modifiée. Or, il est connu que quand un bourgeon de pêcher a une fois porté une pêche lisse, dans plusieurs cas la même branche a continué pendant plusieurs années consécutives, à produire des fruits de même nature. Le pêcher lisse de Carclew, d’autre part, a produit d’abord des fruits mixtes, puis ultérieurement de vraies pêches. Nous pouvons donc admettre l’opinion commune, que le pêcher lisse est une variété du vrai pêcher, provenant soit d’une variation par bourgeons, soit de graine. Nous donnerons dans le chapitre suivant plusieurs exemples analogues de variations par bourgeons.

Les variétés du pêcher proprement dit et du pêcher lisse marchent parallèlement. Dans les deux catégories, les fruits diffèrent par la couleur de la pulpe, qui peut être blanche, rouge ou jaune ; par le noyau, qui peut ou non être adhérent à la pulpe ; par les dimensions de la fleur, et quelques autres particularités caractéristiques ; dans les deux, les feuilles peuvent aussi être dentelées sans glandes, ou crénelées et pourvues de glandes sphériques ou réniformes[55]. C’est à peine si ce parallélisme peut s’expliquer par la supposition que chaque variété de pêcher lisse provienne d’une variété correspondante du pêcher ; car bien que les pêchers lisses descendent de plusieurs formes de pêchers, un grand nombre d’entre eux proviennent directement de la graine d’autres pêchers lisses, et ils varient si considérablement lorsqu’on les reproduit ainsi, que l’explication n’est guère admissible.

Depuis l’ère chrétienne, époque à laquelle on n’en connaissait que deux ou cinq[56] (la pêche lisse étant inconnue), le nombre des variétés du pêcher a considérablement augmenté. Actuellement, outre un grand nombre qu’on dit exister en Chine, Downing décrit, dans les États-Unis, soixante-dix-neuf variétés de pêches tant indigènes qu’importées ; il y a peu d’années, Lindley[57] en comptait cent soixante-quatre cultivées en Angleterre, tant pêches proprement dites que pêches lisses. J’ai déjà signalé les différences principales qui existent entre les diverses variétés. Les pêches lisses, provenant même de variétés de pêches distinctes, conservent toujours leur goût particulier, et sont petites et unies. Dans les pêches qui diffèrent par l’adhérence ou la non-adhérence de la pulpe au noyau, ce dernier présente des caractères spéciaux ; il est plus profondément sillonné dans les fruits fondants, chez lesquels il se détache facilement de la pulpe, et les bords de ses sillons sont plus lisses que dans les fruits à noyau adhérent. Les fleurs varient, non-seulement de grosseur, mais les pétales affectent une forme différente dans les fleurs plus grandes, et sont plus imbriqués, généralement rouges au centre et pâles vers les bords, tandis que dans les fleurs plus petites, les bords des pétales sont généralement plus foncés. Une variété a ses fleurs presque blanches. Les feuilles sont plus ou moins dentelées, et tantôt ont des glandes rondes ou réniformes, tantôt en sont dépourvues[58] ; chez quelques pêchers, comme le Brugnon, on trouve sur le même arbre des glandes sphériques et d’autres réniformes[59]. D’après Robertson[60], les arbres à feuilles glandulées sont fréquemment pustulés, mais peu sujets au blanc, tandis que les arbres dépourvus de glandes sont plus exposés au blanc et aux pucerons. Les variétés diffèrent par l’époque de leur maturation, par la facilité de conservation du fruit et par leur rusticité, point auquel, aux États-Unis surtout, on attache une grande importance. La pêche plate de la Chine est la plus remarquable de toutes ; elle est si fortement déprimée au sommet, qu’en ce point le noyau n’est recouvert que d’une pellicule rugueuse, sans pulpe interposée[61]. Une autre variété chinoise, la Pêche-miel (Honey-peach), est remarquable par la forme du fruit qui se termine par une longue pointe aiguë ; ses feuilles sont sans glandes et largement dentelées[62]. Une troisième variété singulière, la pêche « Empereur de Russie, » a les feuilles doublement et profondément dentelées ; le fruit est fortement divisé en deux parties inégales, dont l’une l’emporte considérablement sur l’autre ; elle a pris naissance en Amérique, et ses rejetons, produits de graine, héritent de ses feuilles[63].

La Chine a donné naissance à une petite classe d’arbres estimés comme ornement, qui ont les fleurs doubles ; on en connaît actuellement en Angleterre cinq variétés, qui varient du blanc pur, au rouge vif passant par le rose[64]. L’une d’elles, dite « à fleurs de camélias, » porte des fleurs de plus de 2 pouces 1/4 de diamètre, tandis que dans les variétés à fruits, elles ne dépassent jamais 1 pouce 1/4. Les fleurs des pêchers à fleurs doubles ont la propriété singulière de produire des fruits souvent doubles ou triples[65]. En somme, il y a de bonnes raisons pour croire que la pêche est une amande profondément modifiée, mais quelle qu’ait pu être d’ailleurs son origine, il est certain que pendant les dix-huit derniers siècles elle a donné naissance à bien des variétés, dont quelques-unes, appartenant tant à la forme des pêches ordinaires qu’à celle des pêches lisses, sont nettement et fortement caractérisées.

Abricot (Prunus armeniaca). — On admet généralement que cet arbre descend d’une seule espèce, qu’on trouve sauvage dans les régions caucasiennes[66]. À ce titre, ses variétés méritent attention, car elles présentent des différences auxquelles quelques botanistes ont cru devoir attribuer une valeur spécifique dans les amandiers et les pruniers. Dans son excellente monographie sur l’abricot, M. Thompson[67] en décrit dix-sept variétés. Nous avons vu que les pêchers vrais et les pêchers lisses varient d’une manière tout à fait parallèle, et nous rencontrons dans l’abricot, qui appartient à un genre très-voisin, des variations analogues à celles des pêches, ainsi qu’à celles des prunes. Les variétés diffèrent beaucoup par la forme de leurs feuilles qui sont dentelées ou crénelées, quelquefois garnies à leur base d’appendices auriformes, et portent des glandes sur le pétiole. Les fleurs se ressemblent ordinairement, mais sont petites dans la variété « Masculine. » Le fruit varie de grosseur, de forme, par une suture peu marquée et souvent absente, par la peau lisse ou duveteuse comme dans l’abricot-orange ; enfin par l’adhérence de la pulpe au noyau comme dans la variété que nous venons de nommer, ou par sa non-adhérence comme dans l’abricot de Turquie. Nous voyons dans ces différences une grande analogie avec les variations des pêches et des brugnons, mais le noyau en présente de bien plus importantes encore, car elles ont même été considérées comme ayant une valeur spécifique dans le cas de la prune. Quelques abricots ont le noyau presque sphérique, il est très-aplati dans d’autres, tantôt tranchant en avant, ou mousse à ses deux extrémités, quelquefois creusé sur le dos ou présentant une arête tranchante sur ses deux bords. Dans l’abricot « Moorparke, » et généralement chez le « Hemskirke, » le noyau offre le singulier caractère d’être perforé, la perforation étant traversée de part en part par un faisceau de fibres. D’après Thompson, le caractère le plus constant et le plus important, est celui de la douceur ou de l’amertume de l’amande ; cependant nous avons, sous ce rapport, des gradations insensibles, car l’amande est très-amère dans l’abricot « Shipley, » moins dans le « Hemskirke » que dans quelques autres sortes ; très-peu amère dans le « Royal, » et douce comme une noisette dans les variétés Breda, Angoumoise et d’autres. Quelques autorités ont, à propos de l’amandier, considéré l’amertume comme signe d’une différence spécifique.

Dans l’Amérique du Nord, l’abricot Romain résiste à des expositions froides et défavorables où aucune autre variété, la Masculine exceptée, ne peut réussir, et ses fleurs supportent sans souffrir un gel rigoureux[68]. D’après M. Rivers[69], les abricotiers de semis ne dévient que peu des caractères de leur race ; en France, la variété Alberge s’est constamment reproduite ainsi avec fort peu de variation. À Ladakh, d’après Moorcroft[70], on cultive dix variétés fort différentes d’abricots, qui toutes, à l’exception d’une qu’on a coutume de greffer, sont propagées par graine.

Prunier (Prunus insititia). — On croyait autrefois voir dans le prunellier, P. spinosa, l’ancêtre de tous nos pruniers, mais actuellement on accorde généralement cet honneur au P. insititia, qui se trouve sauvage dans le Caucase et dans les parties nord-ouest de l’Inde, et qui a été naturalisé en Angleterre[71]. D’après des observations faites par M. Rivers[72], il n’est pas improbable que ces formes, que quelques botanistes regardent comme appartenant à une seule espèce, soient toutes deux les ancêtres de nos pruniers domestiques. Une autre espèce supposée parente, le P. domestica, se trouve sauvage dans le Caucase. Godron[73] remarque qu’on peut distinguer dans les variétés cultivées, deux groupes principaux, qu’il rattache chacun à une souche primitive et qui se distinguent, l’un par ses fruits oblongs, à noyaux pointus à chaque extrémité, à pétales étroits et branches relevées ; l’autre, par ses noyaux mousses, à pétales arrondis et branches étalées.

Fig. 43. — Noyaux de prunes, grand. nat., vus de côté. — 1. Prune Bullace. — 2. Shropshire Damson. — 3. Blue Gage. — 4. Orléans. — 5. Elvas. — 6. Denyer’s Victoria. — 7. Diamant.

D’après ce que nous avons vu de la variabilité des fleurs dans le pêcher, et des divers modes de croissance de nos arbres fruitiers, nous ne pouvons guère accorder beaucoup d’importance à ces derniers caractères. La forme du fruit est excessivement variable, Downing[74] a figuré les fruits provenant de deux pruniers de la variété Reine-Claude levés de semis, et tous deux sont plus allongés que cette dernière, dont le noyau est très-gros et mousse ; dans la prune Impériale il est ovale et pointu à ses deux extrémités. Les arbres diffèrent aussi par leur mode de croissance : le prunier Reine-Claude est un arbre qui croît lentement et qui s’étale en restant bas ; le prunier Impérial qui en provient, croît facilement, s’élève rapidement et pousse des rameaux longs et foncés. Le prunier Washington porte un fruit globuleux, mais celui d’un de ses descendants, « l’Emerald drop, » est presque aussi long que la prune « Manning, » la plus allongée de toutes celles figurées par Downing. J’ai recueilli les noyaux de vingt-cinq variétés et y ai trouvé toutes les nuances de gradation, depuis les plus ronds et mousses jusqu’aux plus tranchants. J’ai figuré ici les formes de noyaux les plus distinctes parmi celles que j’ai eues à ma disposition, vu l’importance systématique des caractères tirés de la graine ; on voit combien ils diffèrent par la grosseur, la forme, l’épaisseur, la saillie des arêtes et la nature de leur surface. La forme du noyau n’est pas toujours rigoureusement en corrélation avec celle du fruit : ainsi la prune Washington, qui est sphérique et déprimée au sommet, a le noyau un peu allongé, tandis que la prune Goliath, plus longue, a un noyau qui l’est moins que celui de la prune Washington. Les prunes Victoria de Denyer et Goliath se ressemblent beaucoup mais ont des noyaux fort dissemblables ; inversement, les prunes « Harvest et Black Margate, » qui sont fort différentes en apparence, renferment cependant des noyaux presque identiques.

Les variétés de prunes sont nombreuses, et diffèrent grandement entre elles par la grosseur, la forme, la qualité et la couleur, — celle-ci pouvant être d’un jaune vif, verte, presque blanche, bleue, pourpre ou rouge. Il en est de fort curieuses, telles que la prune double ou Siamoise, la prune sans noyau, dans laquelle l’amande est logée dans une cavité spacieuse, et entourée directement de la pulpe. Le climat de l’Amérique du Nord paraît être tout particulièrement favorable à la production de bonnes et nouvelles variétés ; Downing n’en décrit pas moins de quarante, dont sept de première qualité ont été récemment importées en Angleterre[75]. Il apparaît occasionnellement des variétés qui sont tout particulièrement adaptées à certains sols, et cela d’une manière aussi prononcée que pour les espèces naturelles, croissant sur les formations géologiques les plus distinctes ; ainsi en Amérique, la prune Impériale, au contraire de presque toutes les autres variétés, s’accommode à merveille de sols secs et légers, où beaucoup de variétés laissent tomber leur fruit, tandis que dans un sol riche elle ne donne que des produits insipides[76]. Dans un verger sablonneux près de Shrewsbury, le prunier « Wine-sour » (Vin aigre), n’a jamais pu donner même une récolte moyenne, tandis qu’il produit abondamment dans d’autres parties du même comté, et dans celui du Yorkshire dont il est originaire. Une personne de ma connaissance a aussi essayé en vain d’élever cette variété dans un district sablonneux du Staffordshire.

M. Rivers[77] a recueilli un grand nombre de faits intéressants, montrant que plusieurs variétés peuvent se propager par graines, et transmettre exactement leurs caractères. Ayant semé environ vingt boisseaux de noyaux de Reine-Claude, et observé toutes les plantes levées de ce semis, il a constaté que toutes avaient les tiges lisses, les bourgeons saillants, et les feuilles luisantes de la Reine-Claude, mais que dans la plupart, les feuilles et les épines étaient plus petites. Il y a deux sortes de pruniers de Damas, celui du Shropshire à tiges tomenteuses, et celui de Kent à tiges lisses, les deux ne différant d’ailleurs pas sous d’autres rapports ; M. Rivers ayant semé quelques boisseaux de noyaux du dernier, obtint des plantes toutes à tige lisse, avec fruits ovales dans les unes, ronds dans les autres, petits dans quelques individus, et, sauf la douceur, très-semblables à ceux du prunellier sauvage. Le même auteur donne encore d’autres exemples frappants d’hérédité ; ainsi il a levé de semis quatre-vingt mille plantes de la prune « Quetsche » d’Allemagne, sans en trouver une présentant la moindre variation. La petite Mirabelle a fourni des faits analogues, et cependant cette forme (aussi bien que la Quetsche du reste), a donné naissance à quelques variétés bien constantes, mais qui, selon M. Rivers, appartiennent toutes au même groupe qu’elle.

Cerisiers (Prunus cerasus, avium, etc.). — Les botanistes admettent que nos cerises cultivées proviennent de une, deux, quatre ou même davantage de souches sauvages[78]. Nous pouvons croire à l’existence d’au moins deux souches primitives, d’après les faits de stérilité observés par Knight sur vingt hybrides provenant de la variété Morello, fécondée par le pollen de la variété « Elton, » et qui ne produisirent entre eux tous que cinq cerises, dont une seule contenait une graine[79]. M. Thompson[80] a classé les variétés en deux groupes principaux, d’après des caractères tirés des fleurs, des fruits et des feuilles ; mais quelques-unes d’entre elles, qui dans cette classification se trouvent très-éloignées, sont parfaitement fertiles lors qu’on les croise. C’est d’un croisement entre deux formes qui sont dans ce cas, que provient la cerise noire précoce de Knight.

M. Knight assure que les cerisiers levés de graine sont beaucoup plus variables que les semis d’aucun autre arbre fruitier[81]. Dans le catalogue pour 1842, de la Société d’horticulture, on trouve énumérées quatre-vingts variétés. Quelques-unes offrent des caractères singuliers ; ainsi la fleur de la cerise « Cluster, » renferme jusqu’à douze pistils, dont la plupart avortent, et elles produisent généralement de deux à cinq ou six cerises réunies sur le même pédoncule. Dans la cerise Ratafia, plusieurs pédicelles floraux partent d’un pédoncule commun ayant plus d’un pouce de long. Le fruit du cerisier « Gascoigne’s Heart » a son sommet terminé par un globule, celui du « Hungarian Gean » a la chair presque transparente. La cerise Flamande a une apparence bizarre, elle est fortement aplatie au sommet et à sa base, qui est profondément sillonnée, et portée sur un gros pédoncule fort court. Dans la cerise de Kent, le noyau adhère assez fortement au pédoncule pour s’arracher avec ce dernier, ce qui rend cette variété très-propre à la préparation des cerises sèches. Le cerisier à feuilles de tabac, d’après Sageret et Thompson, produit des feuilles gigantesques, ayant de un pied à dix-huit pouces de long, et un demi-pied de large. Le cerisier Pleureur, d’autre part, n’est qu’un arbre d’ornement, et, d’après Downing, un charmant petit arbre à branches minces et tombantes, couvertes d’un feuillage très-petit et myrtiforme. Il existe aussi une variété à feuillage de pêcher.

Sageret a décrit une variété remarquable, le griottier de la Toussaint, qui porte en même temps, jusqu’en septembre, des fleurs et des fruits à tous les degrés de maturité. Ces derniers, de qualité inférieure, sont portés par des pédoncules longs et très-minces, mais le fait le plus curieux est que tous les rameaux foliifères partent des anciens bourgeons floraux. Enfin il y a une distinction physiologique importante entre les cerisiers qui portent leur fruit sur le jeune bois ou sur le vieux ; mais Sageret affirme positivement avoir vu dans son jardin un Bigarreau portant fruit également sur l’un et l’autre[82].

Pommiers (Pyrus malus). — Relativement à l’origine du pommier, les botanistes éprouvent quelques doutes sur le point de savoir si, outre le P. malus, quelques autres formes sauvages voisines, les P. acerba, praecox, ou paradisiaca, ne devraient pas être considérées comme des espèces distinctes. Le P. praecox est par quelques auteurs[83] supposé être la souche des pommiers Paradis, dont on se sert si largement pour la greffe, à cause de leurs racines fibreuses qui ne pénètrent pas profondément en terre, mais, à ce qu’on assure, ne peuvent pas se propager exactement par graines[84]. Le pommier commun sauvage varie beaucoup en Angleterre, mais on croit que plusieurs de ses variétés sont des sauvageons échappés de culture[85].

Tout le monde connaît les différences qui existent dans les innombrables variétés du pommier, entre leur mode de croissance, leur feuillage, leurs fleurs, et surtout leurs fruits. Les graines ou pepins diffèrent également par la forme, la couleur et la grosseur. Les pommes peuvent se conserver quelques semaines ou deux ans. Dans quelques sortes, le fruit est couvert d’une sécrétion pulvérulente, ou fleur, comme celle des prunes, et il est remarquable que cette particularité caractérise surtout les variétés cultivées en Russie[86]. Une autre pomme russe, l’Astracan blanche, a la propriété singulière, lorsqu’elle est mûre, de devenir transparente. L’Api étoilé a cinq côtes saillantes auxquelles il doit son nom ; l’api noir est presque noir ; le Twin Cluster Pippin porte souvent des fruits réunis par paires[87]. Les différentes variétés diffèrent beaucoup quant à l’époque où elles poussent leurs feuilles et fleurs ; j’ai eu dans mon jardin un Court-pendu plat qui se feuillait si tardivement, que pendant plusieurs printemps je l’ai cru mort. Le pommier « Tiffin » n’a presque pas une feuille lorsqu’il est en pleine floraison ; le pommier de Cornouailles par contre est à ce moment si couvert de feuilles, qu’on en voit à peine les fleurs[88]. Quelques pommiers mûrissent au milieu de l’été, d’autres tard en automne. Ces différences dans les époques de feuillaison, floraison et maturation des fruits ne sont pas nécessairement en corrélation entre elles, car, comme A. Knight le fait remarquer[89], on ne peut nullement, par la floraison précoce d’un jeune pommier levé de graine, ou par la chute hâtive ou le changement de couleur de ses feuilles, préjuger l’époque de la maturation de ses fruits.

La constitution des variétés diffère considérablement ; il est notoire que pour la reinette Newtown[90], la merveille des vergers de New-York, les étés ne sont pas assez chauds en Angleterre ; il en est de même de plusieurs variétés importées du continent. D’autre part, notre « Court of Wick » réussit bien sous le climat rigoureux du Canada. La Calville rouge de Micoud donne parfois deux récoltes dans l’année. La variété « Burr Knot » est couverte de petites excroissances qui poussent si facilement des racines, qu’une branche à bourgeons floraux plantée, prend racine et donne quelques fruits dès la première année[91]. M. Rivers[92] a récemment décrit quelques plantes levées de graine, avantageuses parce que leurs racines couraient sous terre près de la surface. L’une d’elles était remarquable par sa petite taille, car elle ne formait qu’un buisson haut de quelques pouces seulement. Quelques variétés sont particulièrement sujettes à être rongées des vers dans certains sols. La variété « Majetin » d’hiver présente la particularité constitutionnelle remarquable de n’être pas attaquée par le coccus ; Lindley[93] assure que dans un verger de Norfolk infesté de ces insectes, le Majetin était resté intact, bien que greffé sur une souche qui en portait. Knight a fait une observation analogue sur un pommier à cidre, et ajoute qu’il n’a vu qu’une fois ces insectes précisément au-dessus de la souche, mais qu’ils avaient entièrement disparu trois jours après. Ce pommier était le résultat d’un croisement entre le « Golden Harvey » et le pommier sauvage de Sibérie, lequel est regardé par quelques auteurs comme une espèce distincte.

N’oublions point le fameux pommier de Saint-Valery ; sa fleur présente un double calice à dix divisions, quatorze styles surmontés de stigmates obliques très-apparents, mais est dépourvue d’étamines et de corolle. Le fruit est étranglé au milieu, et est formé de cinq loges à pépins, surmontées de neuf autres[94] Étant privé d’étamines, une fécondation artificielle est nécessaire, et les filles de Saint-Valery vont chaque année « faire leurs pommes, » chacune marquant ses fruits avec un ruban, et comme on emploie différents pollens, les fruits diffèrent ; nous avons donc là un exemple de l’action directe d’un pollen étranger sur la plante qui porte le fruit. Ces pommes monstrueuses renferment, comme nous l’avons vu, quatorze loges à graine ; la pomme Pigeon[95], d’autre part, n’en a que quatre au lieu de cinq, qui est le nombre ordinaire ; il y a donc certainement là une différence remarquable.

La Société d’horticulture énumère dans son catalogue de 1842 huit cent quatre-vingt-dix-sept variétés, mais n’offrant pour la plus grande partie que des différences de peu d’intérêt, car elles ne se transmettent pas rigoureusement. Ainsi on ne peut pas obtenir de la graine de la « Ribston Pippin » un arbre de même nature, et on dit que la « Sister Ribston Pippin » était une pomme blanche demi-transparente et acide, comme une pomme sauvage un peu grosse[96]. Ce serait cependant une erreur de croire que dans la plupart des variétés, les caractères ne soient pas, jusqu’à un certain point, héréditaires. Sur deux lots de plantes levées des graines de deux variétés bien marquées, on en trouvera certainement un plus ou moins grand nombre sans valeur, ressemblant à des sauvageons ; mais en somme, non-seulement les deux lots différeront l’un de l’autre, mais encore ressembleront, dans une certaine mesure, à leurs parents. Cela se voit très-nettement dans divers sous-groupes[97] actuels, qu’on sait être provenus d’autres variétés portant les mêmes noms.

Poiriers (Pyrus communis). — Je n’ai que peu de chose à dire de cet arbre qui, déjà à l’état sauvage et à un degré extraordinaire à l’état cultivé, varie par ses fruits, ses fleurs et son feuillage. M. Decaisne, un des plus célèbres botanistes de l’Europe, en a étudié avec soin les nombreuses variétés[98], et bien qu’autrefois il ait cru à leur provenance de plusieurs espèces, il est actuellement convaincu qu’elles descendent toutes d’une seule. Il a été conduit à cette conclusion par la gradation parfaite entre les caractères les plus extrêmes qu’il a trouvés chez les diverses variétés, et qui est si complète, qu’il regarde comme impossible de les classer par aucune méthode naturelle. M. Decaisne a élevé de graines un grand nombre de plantes appartenant à quatre formes distinctes, et a décrit avec soin les variations de chacune. Malgré leur haut degré de variabilité, on sait maintenant positivement que plusieurs variétés reproduisent par graine les caractères saillants de leur race[99].

Fraises (Fragaria), — Ce fruit est remarquable par le nombre des espèces qui en ont été cultivées, et par les améliorations rapides qu’elles ont éprouvées dans ces cinquante ou soixante dernières années. Il suffit de comparer les fruits des grosses variétés qu’on voit dans nos expositions, à ceux du fraisier sauvage des bois ou à ceux du fraisier sauvage de la Virginie, qui est un peu plus gros, pour pouvoir juger des prodiges effectués par l’horticulture[100]. Le nombre des variétés a également augmenté avec une rapidité extraordinaire. En France, où ce fruit a été cultivé depuis longtemps, on n’en connaissait, en 1746, que trois sortes. En 1766 on y avait introduit cinq espèces, les mêmes qu’on cultive aujourd’hui, mais on n’avait produit que cinq variétés, avec quelques sous-variétés, de la Fragaria vesca. Actuellement les variétés de ces différentes espèces sont presque innombrables. Les espèces sont : 1o le fraisier des bois ou des Alpes cultivé, provenant de la F. vesca, originaire d’Europe et de l’Amérique du Nord. Duchesne admet huit variétés européennes sauvages de la F. vesca, mais dont plusieurs sont regardées par quelques botanistes comme espèces distinctes ; 2o les fraisiers verts, provenant de la F. collina d’Europe, peu cultivés en Angleterre ; 3o les Hautbois, descendant de la F. elatior d’Europe ; 4o les Écarlates, descendant de la F. Virginiana, originaire de toute l’Amérique du Nord ; 5o le fraisier du Chili, provenant de la F. Chiloensis, originaire de la côte occidentale des parties tempérées des deux Amériques ; 6o enfin les Carolines, que la plupart des auteurs ont regardées comme une espèce distincte, sous le nom de F. grandiflora, et qu’on dit habiter Surinam ; mais il y a là une erreur évidente. Cette forme, d’après M. Gay, une autorité compétente, ne doit être considérée que comme une race prononcée de la F. Chiloensis[101]. Ces cinq ou six formes sont regardées par la plupart des botanistes comme spécifiquement distinctes, mais on peut avoir quelque doute à ce sujet, car A. Knight[102], qui a opéré sur les fraises plus de quatre cents croisements, affirme que les F. Virginiana, Chiloensis et grandiflora, se reproduisent entre elles indistinctement, et a reconnu, ce qui est conforme au principe des variations analogiques, qu’on peut obtenir de la graine de chacune de ces formes, des variétés semblables.

Depuis l’époque de Knight, nous avons de nombreuses et nouvelles preuves[103] de l’étendue des croisements qui peuvent avoir lieu spontanément parmi les formes américaines ; c’est même à ces croisements que nous devons la plupart de nos variétés actuelles les plus exquises. Knight n’avait pas réussi à croiser la fraise des bois européenne avec l’Écarlate américaine ou avec les Hautbois. M. Williams de Pitmaston y est parvenu ; mais les produits métis des Hautbois, quoique développant bien leur fruit, n’ont donné qu’une fois de la graine, qui a reproduit la forme hybride parente[104]. Le major R. Trevor Clarke m’apprend qu’il a croisé deux membres de la classe des Carolines avec les fraisiers Hautbois et l’ordinaire, et n’a obtenu dans chaque croisement qu’une seule plante, dont une donna des fruits, mais fut stérile. M. W. Smith, de York, a essayé de faire des hybrides semblables, mais avec aussi peu de succès[105]. Ceci nous montre[106] qu’on ne peut croiser que difficilement les espèces européennes et américaines, et qu’il est peu probable qu’on puisse jamais produire par ce moyen des métis assez fertiles pour qu’ils soient avantageux à cultiver ; mais ce fait est étonnant, car ces formes sont peu différentes par leur conformation, et d’après les renseignements que m’a donnés le professeur Asa Gray, sont souvent reliées les unes aux autres, dans les localités où elles croissent à l’état sauvage, par des formes intermédiaires embarrassantes. Ce n’est que depuis peu que la culture de la fraise a pris un grand développement, et dans la plupart des cas on peut encore classer les variétés cultivées sous l’une des cinq espèces décrites précédemment. Les fraises américaines, grâce à la facilité avec laquelle elles se croisent spontanément, ne tarderont sans doute pas à se confondre d’une manière inextricable. Déjà les horticulteurs ne sont plus d’accord sur le groupe auquel il faut rattacher un certain nombre de variétés, et un auteur dit, dans le Bon Jardinier de 1840, qu’autrefois on pouvait encore les rapporter toutes à une des espèces connues, mais que cela est devenu impossible depuis l’introduction des formes américaines, les nouvelles variétés anglaises ayant comblé toutes les lacunes qui pouvaient exister entre elles[107]. Nous voyons donc actuellement s’opérer dans nos fraisiers le mélange intime de deux ou plusieurs formes primitives, fait qui, nous avons toute raison de le croire, a dû avoir lieu chez plusieurs de nos productions végétales anciennement cultivées.

Les espèces cultivées présentent des variations dignes d’attention. Le « Prince-Noir, » produit de graine de « l’Impérial Keen » (ce dernier étant lui-même le produit de graine d’une fraise blanche, la Caroline blanche), est remarquable par sa surface polie et foncée, et par son apparence, qui ne ressemble en rien à celle d’aucune autre[108]. Bien que dans les diverses variétés le fruit diffère beaucoup par sa forme, sa grosseur, sa couleur et sa qualité, ce qu’on appelle la graine, est d’après Jonghe[109] la même dans toutes, ce qui peut s’expliquer par le fait que la graine, n’ayant aucune valeur, n’a pas été l’objet d’une sélection. Le fraisier est normalement trifolié, mais en 1761 Duchesne a élevé une variété du fraisier des bois à une feuille, que Linné avait regardé, mais avec doute, comme une espèce. Les produits de graine de cette variété, comme toutes celles qui n’ont pas été fixées par une sélection continue, reviennent souvent à la forme ordinaire, ou présentent des états intermédiaires[110]. Une variété, produite par M. Myatt[111], appartenant probablement à une des formes américaines, a présenté une variation opposée, car elle avait cinq feuilles ; Godron et Lambertye mentionnent aussi une variété à cinq feuilles de la F. collina.

La variété de fraisier des Alpes à buisson rouge (Red Bush Alpine), appartenant à la section de la F. vesca, ne produit pas de coulants, modification qui se transmet par graine. Une autre sous-variété, le fraisier des Alpes à buisson blanc, qui a le même caractère, change souvent lorsqu’on la reproduit de graine, et donne alors des plantes pourvues de coulants[112]. Un fraisier de la section américaine des Carolines donne aussi des jets latéraux, mais en petit nombre[113].

On a beaucoup écrit sur le sexe du fraisier ; le vrai Hautbois porte les organes mâles et femelles sur des plantes distinctes[114], et a été pour cette raison nommé dioïque par Duchesne, mais il donne souvent des plantes hermaphrodites ; Lindley[115] ayant propagé celles-ci par stolons, en supprimant en même temps les mâles, a fini par obtenir une plante pouvant se reproduire par elle-même. On remarque souvent chez les autres espèces une tendance à une séparation imparfaite des sexes, ainsi que je l’ai observé sur des fraisiers forcés en serre. Plusieurs variétés anglaises, qui dans leur pays ne manifestent pas cette disposition, produisent fréquemment des plantes à sexes séparés, lorsqu’on les cultive dans l’Amérique du Nord[116] et dans un sol riche. Ainsi, aux États-Unis, on a observé un acre entier planté du fraisier « Keen Seedling, » resté stérile par suite du défaut de fleurs mâles, bien qu’en général ce soient les plus abondantes. Quelques membres de la Société d’horticulture de Cincinnati, chargés d’approfondir ce sujet, ont rapporté que peu de variétés paraissent avoir les organes des deux sexes complets. Les cultivateurs les plus heureux de l’Ohio plantent pour chaque sept lignes de plantes femelles, une d’hermaphrodites, qui fournissent du pollen aux deux sortes ; mais ces dernières, vu leur dépense de pollen, donnent moins de fruit que les femelles.

Les variétés diffèrent par leur constitution. Quelques-unes de nos meilleures fraises anglaises, telle que les « Keen Seedlings, » sont trop délicates pour certaines parties de l’Amérique du Nord, où d’autres variétés anglaises et américaines réussissent à merveille. La belle variété « British Queen » ne réussit que dans peu d’endroits tant en Angleterre qu’en France, mais ceci paraît dépendre plutôt de la nature du sol que de celle du climat ; et un horticulteur expérimenté a dit qu’il serait impossible de faire réussir la British Queen dans le parc de Shrubland, sans changer entièrement la nature de son sol[117]. La « Constantine » est une des variétés les plus robustes, et peut supporter les hivers de Russie, mais elle est facilement brûlée par le soleil, ce qui l’empêche de réussir dans certains sols en Angleterre et aux États-Unis[118]. Le fraisier « Filbert Pine » exige plus d’eau qu’aucune autre variété, et est à peu près perdu, dès qu’il a une fois souffert de la sécheresse[119]. Le fraisier « Prince Noir de Cuthill » est tout particulièrement sujet aux moisissures, on a cité pas moins de six cas dans lesquels cette variété a souffert fortement de l’invasion de ces cryptogames, à côté d’autres variétés traitées de la même manière, et qui n’ont nullement été atteintes[120]. L’époque de la maturation du fruit varie aussi beaucoup ; certaines variétés de fraisiers des bois et des Alpes pouvant donner, dans le courant de l’été, une série de récoltes.

Groseiller épineux (Ribes grossularia). — Personne, que je sache, n’a encore mis en doute la provenance de toutes les formes cultivées, de la plante sauvage qui porte ce nom, et qui est commune dans le centre et le nord de l’Europe ; il sera donc utile d’examiner les points peu importants d’ailleurs, qui ont subi des variations ; et, si on admet que leurs différences soient dues à la culture, on sera peut-être moins prompt à affirmer pour nos autres plantes cultivées, l’existence d’un grand nombre de souches primitives inconnues. Les auteurs de la période classique ne parlent pas du groseiller. Turner en fait mention en 1573 ; Parkinson, en 1629, en signale huit variétés ; le catalogue de la Société d’horticulture pour 1842 en donne 149 ; et les listes des pépiniéristes du Lancashire renferment plus de 300 noms[121]. Dans le « Registre du producteur de Groseilles » pour 1862, je trouve qu’à diverses époques 243 variétés distinctes ont reçu des prix ; il faut donc qu’on en ait exposé un nombre considérable. Il n’y a sans doute que peu de différences entre un grand nombre d’entre elles, mais M. Thompson, en les classant pour la Société d’horticulture, a trouvé dans leur nomenclature beaucoup moins de confusion que dans tous les autres fruits, fait qu’il attribue à l’intérêt qu’ont les horticulteurs à dénoncer les formes dont les noms sont incorrects, ce qui prouve que toutes, si nombreuses qu’elles puissent être, sont reconnaissables d’une manière certaine.

Les buissons du groseiller diffèrent par leur mode de croissance, et sont dressés, étalés, ou pendants. Les époques auxquelles ils prennent leurs feuilles et leurs fleurs varient soit absolument, soit relativement les unes aux autres. Ainsi le « Whitesmith » produit des fleurs précoces qui, n’étant pas protégées par le feuillage, ne produisent pas leurs fruits[122]. Les feuilles varient, par la grandeur, la teinte, la profondeur des lobes ; elles sont lisses, tomenteuses, ou velues sur leur surface supérieure ; les branches sont plus ou moins velues ou épineuses ; la variété « Hérisson » doit probablement son nom à l’état particulièrement épineux de ses pousses et de ses fruits. Les branches du groseiller sauvage sont, à ce que je remarque, lisses, à l’exception des épines de la base des bourgeons. Les épines elles-mêmes peuvent être petites, rares et simples, ou très-grosses et triples ; elles sont quelquefois réfléchies et très-dilatées à leur base. Le fruit varie, dans les différentes variétés, par son abondance, par l’époque de sa maturation ; en se ridant pendant qu’il pend encore à la branche, par sa grosseur ; dans quelques-unes les groseilles atteignent de fortes dimensions déjà longtemps avant leur maturité, chez d’autres elles restent petites jusqu’à ce qu’elles soient presque mûres. Le goût du fruit varie, ainsi que sa couleur ; il est rouge, jaune, vert ou blanc, — il existe une groseille d’un rouge foncé dont la pulpe est teintée de jaune ; — il peut être lisse ou velu, — ce qui est surtout le cas des groseilles blanches, et plus rare chez les rouges, — et être tellement épineux qu’on a pour cette raison donné à une variété le nom de Porc-épic de Henderson. Deux variétés ont leur fruit mûr couvert d’une fleur pulvérulente. Le fruit varie encore par l’épaisseur et le veinage de sa peau, et enfin par sa forme, qui peut-être sphérique, oblongue ou ovalaire[123].

J’ai cultivé cinquante-quatre variétés du groseiller, et, vu les différences énormes qui existent entre les fruits, j’ai été frappé de la grande similitude de toutes leurs fleurs. Je n’ai pu trouver que dans un petit nombre quelques traces de différence dans la grosseur et la couleur de la corolle. Le calice diffère un peu plus, étant plus rouge dans quelques groseillers que dans d’autres, surtout dans un groseiller blanc où il était particulièrement coloré ; il diffère encore par la partie basilaire du calice, qui peut être lisse ou velue, ou couverte de poils glanduleux. Je dois signaler, comme contraire à ce qu’on aurait pu attendre de la loi de corrélation, la présence d’un calice très-velu chez un groseiller rouge à fruit lisse. Les fleurs du « Sportsman » sont pourvues de grandes bractées colorées ; c’est la plus singulière déviation de structure que j’aie observée. Elles variaient encore beaucoup par le nombre des pétales, parfois par celui des étamines et des pistils, et avaient donc une conformation un peu monstrueuse, quoique produisant beaucoup de fruit. M. Thompson a remarqué sur le groseiller « Pastime » la présence fréquente de bractées supplémentaires attachées sur les côtés du fruit[124].

Le point le plus intéressant de l’histoire du groseiller est l’augmentation soutenue de la grosseur de son fruit. C’est Manchester qui est le grand centre des producteurs, et chaque année on donne des prix de cinq shellings à dix livres sterling pour les fruits les plus lourds. Le Registre du Producteur de Groseilles se publie toutes les années, le plus ancien porte la date de 1786, mais on est certain que des réunions pour la distribution de prix avaient déjà eu lieu quelques années auparavant[125]. Celui de 1845 rend compte de 171 expositions de groseilles, qui eurent lieu cette année-là en différents endroits ; ce fait montre sur quelle vaste échelle on a dû se livrer à cette culture. Le fruit du groseiller sauvage[126] pèse, dit-on, environ un quart d’once (grammes 7,77) ; en 1786 on en exposait qui pesaient le double ; en 1817, on avait atteint le poids de 1 once 1/3 (gr. 41,67) ; après un temps d’arrêt on parvint en 1825 à celui de gr. 49,21 ; en 1830, la groseille « Teazer » pesait gr. 50,57 ; — en 1841, « Wonderful » gr. 50,76 ; — en 1844, « London » gr. 55,16, et atteignit l’année suivante gr. 56,88 ; enfin en 1852, dans le Staffordshire, le fruit de cette même variété avait atteint le poids étonnant de gr. 57,94[127], c’est-à-dire de sept à huit fois celui du fruit sauvage. Je trouve que c’est exactement le poids d’une petite pomme ayant 6 pouces 1/2 de circonférence. La groseille « London, » qui en 1862 avait déjà gagné 343 prix, n’a jamais dépassé le poids auquel elle était parvenue en 1852. Le fruit du groseiller est probablement arrivé au poids maximum possible, à moins que par la suite il n’apparaisse une nouvelle variété.

Cet accroissement graduel, mais soutenu, du poids de la groseille depuis la fin du siècle dernier jusqu’à l’année 1852, est probablement dû en partie à l’amélioration des méthodes de sa culture, à laquelle on donne de grands soins, tant au terrain qu’on fume avec des composts, qu’aux plantes auxquelles on ne laisse qu’un petit nombre de baies sur chaque buisson[128] ; mais il doit être surtout attribué à la sélection soutenue des plantes, qui se sont montrées les plus aptes à produire des fruits aussi extraordinaires. Il est certain qu’en 1817 le « Highwayman » ne pouvait donner des fruits comme le « Roaring Lion » en 1825, ni ce dernier, quoique élevé dans beaucoup de localités et par bien des personnes, atteindre au triomphe obtenu en 1852 par la groseille « London. »

Noyer (Juglans regia). — Cet arbre ainsi que le noisetier, sont dignes d’attention comme appartenant à un ordre bien différent des précédents. Le noyer croît sauvage dans le Caucase et l’Himalaya, où le Dr Hooker[129] a trouvé les noix de belle grandeur, mais très-dures. En Angleterre le noyer présente des différences considérables, dans la forme et la grosseur de la noix, l’épaisseur du brou et la minceur de la coquille, qualité qui se trouve surtout dans une variété dite à coquille mince, et très-estimée pour ce motif, mais aussi très-exposée aux attaques des mésanges[130]. L’amande remplit plus ou moins la coquille suivant les variétés. On connaît en France une variété de noyer à grappes, sur lequel les noix poussent en bouquets de dix, quinze, ou même vingt ensemble. Une autre variété porte sur le même arbre des feuilles de formes différentes, comme le Charme hétérophylle, et est remarquable aussi par ses branches pendantes, et ses noix grandes, allongées, et à coquille mince[131]. M. Cardan[132] a décrit quelques particularités physiologiques singulières d’une variété qui se feuille en juin, et produit ainsi ses feuilles et ses fleurs quatre ou cinq semaines plus tard, mais conserve ses feuilles et fruits plus longtemps en automne que les variétés ordinaires, et se trouve en août exactement dans le même état qu’elles. Ces particularités constitutionnelles sont rigoureusement héréditaires. Enfin, chez les noyers qui sont normalement monoïques, il y a quelquefois absence complète de production de fleurs mâles[133]

Noisetiers (Corylus avellana). — Les botanistes font pour la plupart, rentrer toutes les variétés sous l’espèce commune du noisetier sauvage[134]. L’involucre varie beaucoup, étant très-court dans la variété « Barr » espagnole, et fort long dans l’aveline, où il est contracté de manière à empêcher la noisette de tomber. Ce genre d’enveloppe paraît protéger son contenu contre les oiseaux, car on a remarqué que les mésanges[135] laissaient de côté ces formes pour se porter sur les noisettes ordinaires croissant dans le même verger. Dans le noisetier pourpre, l’involucre est de cette couleur ; il est bizarrement lacinié dans le noisetier crépu ; dans le noisetier rouge, le tégument de l’amande est rouge. La coquille est épaisse dans quelques variétés, mince dans la noisette « Cosford, » et bleuâtre dans une autre. La noisette diffère par sa grosseur et sa forme, elle peut être ovale, comprimée et allongée, ou presque ronde et grosse dans les noisettes d’Espagne, oblongue et longitudinalement striée dans les « Cosford, » et obscurément cubique dans la noisette « Downton Square » carrée.

Cucurbitacées. — Ces plantes ont longtemps fait le désespoir des botanistes ; beaucoup de variétés ont été regardées comme des espèces, et, ce qui est plus rare, des formes auxquelles on doit actuellement accorder une valeur spécifique ont été classées comme des variétés. Mais les recherches expérimentales récentes d’un botaniste distingué, M. Naudin[136], sont venues jeter un grand jour sur les plantes de cette famille. Cet observateur a, pendant nombre d’années, observé et fait des expériences sur 1 200 échantillons vivants, réunis de toutes les parties du globe. On admet maintenant dans le genre Cucurbita six espèces, dont trois seulement ont été cultivées et nous concernent, ce sont, les C. maxima et pepo, qui comprennent tous les potirons, courges, etc. ; et le C. moschata, ou melon d’eau. Ces trois espèces sont inconnues à l’état sauvage, mais Asa Gray[137] donne d’excellentes raisons qui permettent de supposer que quelques courges sont originaires de l’Amérique du Nord.

Les trois espèces que nous venons d’énumérer sont très-voisines et ont le même facies général, mais on peut, d’après Naudin, toujours distinguer leurs innombrables variétés par certains caractères presque fixes, et ce qui est plus important, par leurs croisements, qui ne donnent pas de graines, ou des graines stériles ; tandis que leurs variétés se croisent réciproquement et spontanément avec la plus grande facilité. Naudin (page 15) remarque que, bien que ces trois espèces aient considérablement varié dans beaucoup de caractères, elles l’ont fait d’une manière assez analogue, pour qu’on puisse ranger leurs variétés suivant des séries à peu près parallèles, comme nous l’avons déjà vu dans le froment, les deux classes principales des pêches, et dans quelques autres cas. Quoique quelques variétés aient des caractères inconstants, il en est d’autres qui, cultivées à part et maintenues dans des conditions extérieures uniformes, sont, suivant les propres paroles de Naudin, « douées d’une stabilité presque comparable à celle des espèces les mieux caractérisées. » Une d’elles l’Orangin (p. 43, 63), a la propriété de transmettre ses caractères propres avec une énergie telle que, lorsqu’on la croise avec d’autres variétés, la grande majorité des métis reproduisent son type. À propos du C. pepo, Naudin (p. 47) dit que ses races « ne diffèrent des espèces véritables qu’en ce qu’elles peuvent s’allier les unes aux autres par voie d’hybridité, sans que leur descendance perde la faculté de se perpétuer. » Si, laissant de côté l’épreuve de la stérilité, on s’en rapportait aux seules différences extérieures, on pourrait établir, aux dépens des variétés de ces trois espèces de Cucurbita, une foule d’autres espèces. Beaucoup de naturalistes actuels négligent trop, à mon avis, ce critérium de la stérilité : il n’est cependant pas improbable qu’après une culture prolongée et les variations qui en sont la suite, la stérilité réciproque d’espèces végétales bien distinctes ait pu diminuer, comme cela paraît avoir été le cas chez plusieurs animaux domestiques. Nous ne serions pas non plus justifiés à affirmer que, dans les plantes cultivées, les variétés ne puissent jamais acquérir un faible degré de stérilité, comme nous le verrons par la suite, à propos de quelques faits signalés par Gärtner et Kölreuter[138].

Naudin a groupé sous sept sections les diverses formes de C. pepo, chacune comprenant des variétés qui leur sont subordonnées. Il regarde cette plante comme peut-être de toutes la plus variable. Les fruits de l’une des variétés (p. 33, 46), peuvent acquérir un volume deux mille fois plus grand que ceux d’une autre. Lorsqu’ils atteignent de grandes dimensions, ils sont peu nombreux (p. 47), et inversement, ils sont abondants quand ils sont petits. Les variations dans les formes des fruits ne sont pas moins étonnantes (p. 33) ; la forme typique est ovoïde, mais elle peut s’allonger en cylindre, ou s’aplatir en disque. L’état de leur surface et leur couleur varient à l’infini, ainsi que la dureté de leur enveloppe, la fermeté de la pulpe et son goût, qui peut être doux, farinacé ou légèrement amer. Les pepins diffèrent un peu par la forme, mais beaucoup par la grosseur (p. 34), et peuvent varier de six à sept à plus de vingt-cinq millimètres de longueur.

Dans les variétés montantes, qui ne grimpent ni ne traînent par terre, les vrilles, quoique inutiles (p. 31), peuvent être présentes ou représentées par des organes semi-monstrueux, ou manquer tout à fait. Les vrilles font quelquefois défaut dans des variétés rampantes, qui ont les liges très-allongées. Il est curieux que dans toutes les variétés à tige naine (p. 31) les feuilles se ressemblent beaucoup par la forme.

Les naturalistes qui admettent l’immutabilité de l’espèce soutiennent souvent que, même dans les formes les plus variables, les caractères qu’ils regardent comme ayant une valeur spécifique sont immuables. En voici un exemple tiré d’un auteur consciencieux, qui, s’appuyant sur les travaux de M. Naudin, dit à propos des espèces de Cucurbita : « Au milieu de toutes les variations du fruit, les tiges, les feuilles, les calices, les corolles, les étamines, restent invariables dans chacune d’elles[139]. » Cependant, décrivant le Cucurbita pepo, voici ce qu’en dit M. Naudin (p. 30) : « Ici, d’ailleurs, ce ne sont pas seulement les fruits qui varient, c’est aussi le feuillage et tout le port de la plante. Néanmoins je crois qu’on la distinguera toujours facilement des deux autres espèces, si l’on veut ne pas perdre de vue les caractères différentiels que je m’efforce de faire ressortir. Ces caractères sont quelquefois peu marqués ; il arrive même que plusieurs d’entre eux s’effacent presque entièrement, mais il en reste toujours quelques-uns qui remettent l’observateur sur la voie. » L’impression que peut produire sur notre esprit, quant à l’immutabilité de l’espèce, ce passage de M. Naudin, est certes bien autre que celle qui résulte de l’affirmation de M. Godron.

Je ferai encore une observation ; les naturalistes affirment toujours qu’aucun caractère important ne varie, tournant ainsi, sans s’en douter, dans un cercle vicieux ; car si un organe, quel qu’il soit, varie beaucoup, on le considère comme peu important, ce qui est correct au point de vue systématique. Mais tant qu’on prendra pour critère de son importance la constance d’un organe, il est évident que de longtemps on ne pourra établir l’inconstance d’un organe essentiel. On doit regarder l’agrandissement des stigmates et leur position sessile au sommet de l’ovaire, comme des caractères importants, et Gasparini s’en est servi pour grouper certaines courges sous un genre distinct ; mais Naudin (p. 20) déclare que ces parties n’ont rien de constant, et reprennent quelquefois leur conformation ordinaire dans les fleurs des variétés Turban du C. maxima. Encore dans ce même C. maxima, les carpelles (p. 19) qui forment le turban font saillie des deux tiers de leur longueur, au dehors du réceptacle, qui se trouve réduit ainsi à une sorte de plate-forme ; mais cette structure remarquable, qui ne se trouve que dans quelques variétés, passe par des gradations qui reviennent à la forme commune, où les carpelles sont presque entièrement enveloppés dans le réceptacle. Dans le C. moschata, l’ovaire (p. 50) varie beaucoup de forme, et peut être ovale, presque sphérique, cylindrique, plus ou moins renflé à sa partie supérieure, ou étranglé au milieu, droit ou recourbé. La structure intérieure de l’ovaire ne diffère pas de celle des C. maxima et pepo, lorsqu’il est court et ovale ; mais, quand il est allongé, les carpelles n’en occupent que la partie renflée et terminale. Dans une variété du concombre, (Cucumis sativus), le fruit contient régulièrement cinq carpelles au lieu de trois[140]. Je crois qu’on ne pourra contester que ce ne soient là des cas de variabilité considérable dans des organes d’une haute importance physiologique, et appartenant à des plantes occupant dans la classification un rang élevé.

Sageret[141] et Naudin ont constaté que le concombre (C. sativus) ne se croise avec aucune autre espèce du genre ; il n’y a donc pas à douter qu’il ne soit spécifiquement distinct du melon. Cette assertion peut paraître superflue, mais Naudin[142] nous apprend qu’il existe une race de melons dont le fruit, tant extérieurement qu’intérieurement, est si semblable à celui du concombre, qu’il est presque impossible de les distinguer autrement que par les feuilles. Les variétés du melon paraissent être infinies, car Naudin n’a pu en six années d’étude en venir à bout ; il les divise en dix sections, comprenant d’innombrables sous-variétés, qui s’entre-croisent toutes avec la plus grande facilité[143]. Les botanistes ont fait trente espèces distinctes des formes regardées par Naudin comme des variétés, et n’avaient aucune connaissance de la foule de formes nouvelles qui ont apparu depuis. L’établissement de tant d’espèces n’a rien d’étonnant, si on considère combien toutes ces formes transmettent rigoureusement leurs caractères par graines, et diffèrent entre elles par leur apparence : « Mira est quidem foliorum et habitus diversitas, sed multo magis fructuum, » dit Naudin. Le fruit étant la partie recherchée est aussi, suivant la règle habituelle, celle qui est la plus modifiée. Quelques melons ne sont pas plus gros que des prunes, d’autres pèsent jusqu’à soixante-six livres. Une variété porte un fruit écarlate ; dans une autre variété où il n’a guère qu’un pouce de diamètre, le fruit atteint quelquefois plus d’un mètre de longueur, et est tordu comme un serpent. Dans cette dernière variété, il est singulier que certaines parties de la plante, comme les tiges, les pédoncules des fleurs femelles, les lobes médians des feuilles, et surtout l’ovaire ainsi que le fruit mûr, présentent tous une forte tendance à l’allongement. Plusieurs variétés du melon présentent la particularité intéressante de revêtir les traits caractéristiques d’espèces distinctes du genre, et même d’espèces appartenant à des genres différents mais voisins ; ainsi le melon-serpent ressemble un peu au fruit du Trichosanthes anguina. Nous avons vu que d’autres variétés ressemblent aux concombres ; quelques variétés d’Égypte ont les pepins adhérents à une portion de la pulpe, fait qui caractérise certaines formes sauvages. Enfin une variété d’Alger annonce sa maturation par une dislocation subite et spontanée, le fruit se fissure brusquement et tombe en morceaux ; ce qui arrive aussi au C. momordica sauvage. Finalement, c’est avec raison que Naudin a fait remarquer que cette production extraordinaire de races et de variétés par une seule espèce, et leur constance lorsqu’il n’intervient pas de croisements dans le cours de leur reproduction, sont des phénomènes qui doivent faire réfléchir.

ARBRES UTILES ET D’AGRÉMENT.

Les arbres méritent une mention en raison des nombreuses variétés qu’ils présentent, et qui diffèrent par leur précocité, leur mode de croissance, leur feuillage et leur écorce. Ainsi le catalogue de MM. Lawson, d’Édimbourg, comprend vingt et une variétés du frêne commun (Fraxinus excelsior), dont quelques-unes diffèrent par l’écorce, qui est jaune, marbrée de blanc rougeâtre, pourpre, verruqueuse, ou fongueuse[144]. Dans la pépinière de M. Paul[145], on trouve alignées non moins de quatre-vingt-quatre variétés de houx. Autant que j’ai pu m’en assurer, toutes les variétés d’arbres enregistrées ont surgi soudainement et ont été le résultat d’une seule variation, mais le temps nécessaire pour élever un certain nombre de générations, et le peu de valeur que peuvent avoir les variations de fantaisie, expliquent pourquoi on n’a pas accumulé par voie de sélection les modifications qui ont pu occasionnellement se présenter, et aussi pourquoi nous ne rencontrons pas dans ce cas des sous-variétés subordonnées à des variétés, ou celles-ci à des formes d’ordre supérieur. Cependant sur le continent, où on a plus de soin des forêts qu’en Angleterre, Alph. de Candolle[146] assure que tous les forestiers recherchent toujours les graines des variétés qu’ils estiment avoir le plus de valeur.

Nos arbres utiles ont rarement été soumis à des changements considérables dans leurs conditions extérieures, ils n’ont pas reçu de riche fumure, et les espèces anglaises croissent dans leur propre climat. Cependant, lorsqu’on examine dans les pépinières des semis considérables de jeunes plantes, on peut généralement y constater des différences importantes ; et, en parcourant l’Angleterre, j’ai été frappé de la diversité d’apparence qu’une même espèce peut présenter dans nos bois et nos haies. Mais comme les plantes varient déjà beaucoup à l’état vraiment sauvage, il serait difficile, même à un botaniste habile, de décider si, comme je le crois, les arbres des haies varient davantage que ceux qui croissent dans les forêts. Les arbres plantés par l’homme dans les bois ou les haies, ne poussent pas là où ils pourraient naturellement conserver leur place et lutter contre tous leurs concurrents, et ne sont, par conséquent, pas dans des conditions tout à fait normales, et un pareil changement, quoique faible, doit probablement suffire pour déterminer quelque variabilité dans les rejetons provenant de leurs graines. Que nos arbres à demi sauvages d’Angleterre soient ou non, d’une manière générale, plus variables que ceux qui croissent naturellement dans les forêts, il n’en est pas moins certain qu’ils ont donné naissance à un beaucoup plus grand nombre de variétés, caractérisées par des conformations singulières et bien accusées.

Quant au mode de croissance, nous avons les variétés pendantes ou pleureuses, de saule, de l’ormeau, du chêne, de l’if et d’autres arbres : et ce facies est quelquefois, quoique d’une manière capricieuse, héréditaire. Dans le peuplier de Lombardie, et dans certaines variétés fastigiées ou pyramidales d’épines, genévriers, chênes, etc., nous avons un mode de croissance opposé. Le chêne hessois[147], célèbre par son port fastigié et sa taille, n’a presque aucune ressemblance apparente avec le chêne ordinaire, ses glands ne produisent pas toujours sûrement des plantes du même facies, quoique cela puisse arriver. Un autre chêne de même apparence a été, dit-on, trouvé sauvage dans les Pyrénées, et ce qui est surprenant, c’est qu’il transmet généralement si bien ses caractères par graine, que De Candolle l’a regardé comme spécifiquement distinct[148]. Le Genévrier fastigié (J. suecica) transmet également ses caractères par graine[149]. J’apprends du Dr Falconer que dans le Jardin botanique de Calcutta, sous l’action de l’excessive chaleur, les pommiers deviennent fastigiés, ce qui nous montre que les effets du climat et une tendance spontanée innée, peuvent produire les mêmes résultats[150].

Les feuilles sont quelquefois panachées, caractère qui est souvent héréditaire ; d’un pourpre foncé ou rouge, comme dans le noisetier, l’épine-vinette et le hêtre. Dans ces deux derniers arbres, la couleur peut être fortement ou faiblement héréditaire[151] ; les feuilles peuvent être profondément découpées, ou couvertes de piquants, comme dans la variété ferox du houx, qui peut se reproduire par graine[152]. En fait, presque toutes les variétés particulières manifestent une tendance plus ou moins prononcée à se propager par graine[153]. C’est d’après Bosc[154], jusqu’à un certain point, le cas pour trois variétés de l’ormeau, celle à feuilles larges, à feuilles de tilleul, et l’ormeau tordu ; dans ce dernier les fibres du bois elles-mêmes sont tordues. Même chez le charme hétérophylle (Carpinus betulus), qui porte sur chaque rameau des feuilles de deux formes, la particularité s’est conservée sur plusieurs plantes levées de graine[155]. Un cas encore de variation remarquable du feuillage est celui de deux sous-variétés du frêne, dont les feuilles sont simples au lieu d’être pennées, et qui transmettent généralement ce caractère par graine[156]. L’apparition de variétés pleureuses ou fastigiées, de feuilles profondément découpées, panachées, rouges, etc., sur des arbres appartenant à des ordres très-différents, prouve que de pareilles modifications dans la structure doivent être le résultat de lois physiologiques très-générales.

De bons observateurs ont été conduits à considérer comme des espèces distinctes, sur des différences pas plus considérables que celles qui précèdent, plusieurs formes que nous savons aujourd’hui n’être que de simples variétés. Un platane cultivé depuis longtemps en Angleterre a été regardé généralement comme une espèce américaine ; on s’est actuellement assuré, par d’anciens documents, à ce que m’apprend le Dr Hooker, que ce n’est qu’une variété. De même de bons observateurs, tels que Lambert, Wallich et d’autres, ont établi la spécificité du Thuya pendula ou filiformis ; mais on sait maintenant que les plantes primitives, au nombre de cinq, ont surgi brusquement au milieu d’un semis de T. orientalis, dans la pépinière de M. Loddige ; et le Dr Hooker a apporté la preuve qu’à Turin des graines du T. pendula ont reproduit la forme primitive, le T. orientalis[157].

On a souvent remarqué avec quelle régularité certains arbres prennent ou perdent individuellement leurs feuilles plus tôt ou plus tard que d’autres de la même espèce. C’est le cas du marronnier des Tuileries, célèbre par la précocité de sa floraison ; il y a aussi près d’Édimbourg un chêne qui conserve ses feuilles très-tard dans l’arrière-saison. Quelques auteurs ont attribué ces différences à la nature du sol dans lequel ces arbres sont plantés ; mais l’archevêque Whately, ayant greffé une épine précoce sur une tardive, et vice versâ, les deux greffes conservèrent leurs périodes respectives, qui différaient d’une quinzaine de jours, comme si elles croissaient encore sur leurs propres souches[158]. Une variété de l’ormeau provenant de Cornouailles est presque toujours verte, et ses rejets sont si délicats qu’ils périssent souvent par le gel ; parmi les variétés du chêne Cerris (Q. cerris), on peut distinguer des formes à feuillage caduc, et d’autres chez lesquelles il est presque toujours, ou toujours vert[159].

Pin d’Écosse (Pinus sylvestris). — Je mentionne cet arbre comme jetant quelque jour sur la question de la plus grande variabilité qu’offrent des arbres disséminés un peu partout, comparés à ceux qui se trouvent plus strictement dans leurs conditions naturelles. Un auteur[160] bien informé assure que, dans les forêts écossaises où il est indigène, le pin d’Écosse ne présente que peu de variétés, mais qu’il se modifie beaucoup dans son aspect et son feuillage, la grosseur, la forme et la couleur de ses cônes, lorsqu’il a été, pendant plusieurs générations, éloigné de son endroit d’origine. Les variétés des régions basses et celles des parties élevées diffèrent, sans aucun doute, par la qualité de leur bois, et peuvent se propager par graine, ce qui justifie la remarque de Loudon, qu’une variété est souvent aussi importante qu’une espèce, et parfois bien davantage[161]. Je signalerai un point assez important qui varie chez cet arbre : dans la classification des Conifères, on a établi des sections sur l’inclusion de deux, trois ou cinq feuilles dans la même gaîne ; le pin écossais n’en renferme que deux habituellement, mais on en a observé des exemplaires dans les gaînes desquels se trouvaient trois feuilles[162]. À côté de ces différences dans le pin d’Écosse à demi cultivé, il y a dans diverses parties de l’Europe des races naturelles ou géographiques, que quelques auteurs ont érigé en espèces distinctes[163]. Loudon[164] considère comme étant des variétés alpines du pin d’Écosse, le P. pumilio, avec ses sous-variétés, Mughus, nana, etc., qui diffèrent beaucoup suivant le sol où elles croissent, et ne se reproduisent qu’à peu près par graine ; si le fait venait à être prouvé, il serait intéressant comme montrant que le rapetissement des arbres, par suite d’une longue exposition à un climat rigoureux, est jusqu’à un certain point héréditaire.

L’Aubépine (Cratægus oxyacantha). — Cette plante a beaucoup varié ; sans parler de variations légères et innombrables dans la forme des feuilles, dans la grosseur, la dureté et la forme des baies, Loudon[165] en énumère vingt-neuf variétés bien marquées. À côté de celles qu’on cultive pour leurs jolies fleurs, il en est dont les fruits sont jaune d’or, noirs ou blanchâtres ; d’autres ont la baie cotonneuse, ou les épines recourbées. Loudon a remarqué avec raison que le principal motif pour lequel l’aubépine a fourni plus de variétés que la plupart des autres arbres, est celui que les pépiniéristes ont soin de faire choix de toutes les variétés saillantes qui peuvent surgir dans les vastes semis qu’ils lèvent continuellement pour faire des haies. Les fleurs de l’aubépine renferment habituellement de un à trois pistils ; mais dans deux variétés, nommées Monogyna et Sibirica, il ne s’en trouve qu’un ; d’Asso a constaté qu’en Espagne c’est l’état normal de l’aubépine commune[166]. Il existe encore une variété qui est apétale, ou dont les pétales sont rudimentaires. La célèbre aubépine « Glastonbury, » fleurit et pousse des feuilles vers la fin de décembre, époque à laquelle elle porte des baies provenant d’une floraison antérieure[167]. Nous devons encore noter que plusieurs variétés d’aubépine, ainsi que de tilleul et de genièvre, sont très-distinctes par leur feuillage et leur facies pendant qu’elles sont jeunes, mais finissent, au bout de trente à quarante ans, par se ressembler beaucoup[168], ce qui nous rappelle le fait bien connu du Deodora, du cèdre du Liban, et de celui de l’Atlas, qui se distinguent très-facilement dans le jeune âge, mais très-difficilement lorsqu’ils sont vieux.

FLEURS.

Je ne m’étendrai pas longuement sur la variabilité des plantes qu’on ne cultive que pour leurs fleurs. Un grand nombre de celles qui ornent actuellement nos jardins, sont les descendantes de deux ou de plusieurs espèces mélangées et croisées ensemble, circonstance qui à elle seule suffit pour rendre fort difficile l’appréciation des différences qui peuvent être imputables à la variation seule. Ainsi, par exemple, nos roses, pétunias, calcéolaires, fuchsias, verveines, glayeuls, pélargoniums, etc., ont certainement une origine multiple. Un botaniste connaissant bien les formes souches, parviendrait probablement à découvrir chez leurs descendants croisés et cultivés, quelques différences de conformation, et y constaterait certainement quelques particularités constitutionnelles remarquables et nouvelles. Pour en citer quelques cas relatifs au Pélargonium, et que j’emprunte à un célèbre horticulteur, qui a spécialement cultivé cette plante, M. Beck[169] : quelques variétés exigent plus d’eau que d’autres ; il en est qui, empotées, montrent à peine une racine à l’extérieur de la motte de terre ; une variété doit avoir été empotée pendant quelque temps avant de pousser une tige à fleur ; quelques-unes fleurissent au commencement de la saison, d’autres à la fin ; il en est une[170] qui supporte une température très-élevée sans être éprouvée, et la « Blanche-fleur » semble faite pour pousser l’hiver, comme beaucoup de bulbes, et se reposer l’été. Ces particularités constitutionnelles permettraient donc à une plante de croître, à l’état de nature, dans des circonstances extérieures et sous des climats fort différents.

Au point de vue qui nous occupe, les fleurs n’ont que peu d’intérêt, car on ne leur a appliqué la sélection que pour leurs belles couleurs, leur grosseur, la perfection de leurs formes et leur mode de croissance, et sous ces différents rapports, il n’y a pas une seule fleur cultivée depuis longtemps, qui n’ait présenté des variations considérables. Le fleuriste ne s’inquiète guère de la forme et de la structure des organes de la fructification, à moins cependant qu’ils ne contribuent à la beauté des fleurs, et alors celles-ci se modifient sur des points importants : les étamines et pistils se convertissant en pétales, le nombre de ceux-ci se trouve augmenté, ce qui arrive dans les fleurs doubles. On a plusieurs fois enregistré les procédés par lesquels, au moyen d’une sélection suivie, on a rendu les fleurs graduellement de plus en plus doubles, chaque progrès acquis étant transmis par hérédité. Dans ce qu’on appelle les fleurs doubles des composées, les corolles des fleurons centraux ont subi de fortes modifications, qui sont également héréditaires. Dans l’ancolie (Aquilegia vulgaris), quelques étamines se transforment en pétales ayant la forme de nectaires, s’ajustant les uns dans les autres, et dans une variété elles se convertissent en pétales simples[171]. Dans quelques tubéreuses, le calice prend de vives couleurs et s’agrandit de manière à ressembler à une corolle, et M. W. Wooler m’apprend que ce caractère est transmissible ; car ayant croisé une tubéreuse commune avec une autre à calice coloré[172], plusieurs des plantes levées de la graine héritèrent pendant environ six générations du calice coloré. Dans une marguerite, la fleur principale est entourée de petites fleurs provenant de bourgeons placés sur les aisselles des écailles de l’involucre. On a décrit un pavot remarquable par la conversion de ses étamines en pistils, et cette particularité se transmit si fortement, que sur 154 plantes levées de sa graine, une seule fit retour au type ordinaire[173]. On rencontre chez la Crête de Coq (Celosia cristata) qui est annuelle, plusieurs races chez lesquelles les tiges florales sont comprimées, et on en a exposé une qui mesurait dix-huit pouces de largeur[174]. On peut propager par graines les races péloriques de Gloxinia speciosa et d’Antirrhinum majus, qui diffèrent étonnamment par leur conformation et leur aspect, de la forme typique.

Sir William et le Dr Hooker[175] ont signalé une modification bien plus remarquable chez le Begonia frigida. Cette plante produit normalement des fleurs mâles et des fleurs femelles sur le même fascicule, le périanthe étant supérieur dans ces dernières ; à Kew, ils en ont observé une qui, à côté des fleurs ordinaires, produisit d’autres fleurs passant graduellement à une structure hermaphrodite, et chez lesquelles le périanthe était inférieur. L’importance, au point de vue de la classification, d’une pareille modification est telle que, pour emprunter les paroles du professeur Harvey : « si elle se fût présentée à l’état de nature, et qu’une plante ainsi conformée eût été recueillie par un botaniste, il ne l’eût pas seulement classée dans un genre distinct des Begonia, mais très-probablement considérée comme le type d’un nouvel ordre naturel. » On ne peut pas, dans un sens, considérer cette modification comme une monstruosité, car des conformations analogues se rencontrent naturellement dans d’autres ordres, comme les Saxifrages et les Aristoloches. Le cas est d’autant plus intéressant que M. C. W. Crocker, ayant semé de graines provenant des fleurs normales, obtint parmi les plantes levées de ce semis, des individus qui produisirent dans à peu près la même proportion que la plante mère, des fleurs hermaphrodites ayant le périanthe inférieur. Les fleurs hermaphrodites fécondées par leur propre pollen furent stériles.

Si les fleuristes avaient porté leur attention sur d’autres modifications de structure que celles intéressant la beauté de la fleur, s’ils leur avaient appliqué la sélection et qu’ils eussent cherché à les propager par graines, ils auraient certainement donné naissance à une foule de variétés curieuses, qui auraient probablement transmis leurs caractères avec constance. Les horticulteurs se sont quelquefois occupés des feuilles de leurs plantes, et ont ainsi produit des dessins symétriques et fort élégants de blanc, de rouge, de vert, qui sont quelquefois, comme dans le Pélargonium, strictement héréditaires[176]. Du reste, il suffit d’examiner, dans les jardins et les serres, toutes les fleurs très-cultivées, pour y voir d’innombrables déviations de structure dont la plupart ne sont, il est vrai, que des monstruosités, mais n’en sont pas moins intéressantes en ce qu’elles fournissent une preuve de la grande plasticité que peut acquérir l’organisation végétale soumise à la culture. À ce point de vue, les ouvrages comme la Tératologie du professeur Moquin-Tandon sont éminemment instructifs.

Roses. — Ces fleurs offrent l’exemple d’un certain nombre de formes généralement regardées comme espèces, telles que R. centifolia, gallica, alba, damascena, spinosissima, bracteata, Indica, semperflorons, moschata, etc., qui ont été entrecroisées et ont beaucoup varié. Le genre Rosa est un des plus difficiles, et, bien que quelques-unes des formes ci-dessus soient considérées par tous les botanistes comme des formes distinctes, il en est qui sont douteuses ; ainsi, dans les formes anglaises, Babington admet dix-sept espèces, et Bentham cinq seulement. Les hybrides de quelques-unes des formes les plus distinctes, — par exemple ceux de la R. Indica fécondée par le pollen de la R. centifolia, — produisent abondamment de la graine, fait que j’emprunte avec tous ceux qui vont suivre à l’ouvrage de M. Rivers[177]. La plupart des formes originelles importées de divers pays ayant été croisées et recroisées, il n’est pas étonnant, comme le fait remarquer Targioni-Tozzetti à propos des roses communes des jardins d’Italie, qu’il y ait beaucoup d’incertitude sur le lieu d’origine et les formes précises des types sauvages de la plupart d’entre elles[178]. M. Rivers, néanmoins, parlant de R. Indica, croit qu’une observation attentive permet de reconnaître les descendants de chaque groupe (p. 68) ; il croit aussi que les roses ont subi quelque métissage, mais il est évident que, dans la plupart des cas, les différences dues à la variation et à l’hybridisation ne peuvent être distinguées avec certitude.

Les espèces ont varié tant par graine que par bourgeons, et j’aurai, dans le chapitre suivant, l’occasion de montrer que les variations par bourgeons peuvent être propagées non-seulement par greffes, mais aussi souvent par graines. Lorsqu’une nouvelle rose présentant quelque caractère particulier apparaît, comme qu’il soit produit, M. Rivers (p. 4) dit qu’elle peut devenir la souche d’un type nouveau, si elle donne de la graine. Quelques formes ont une tendance si prononcée à la variation (p. 16), que, plantées dans des sols différents, elles présentent des couleurs assez diverses pour qu’on les prenne pour des formes distinctes. Le nombre des formes de roses est immense, et M. Desportes dans son Catalogue pour 1829, en énumère 2562 cultivées en France ; mais il est probable qu’un grand nombre d’entre elles ne sont que nominales.

Ne voulant point détailler ici les divers points sur lesquels portent les différences entre toutes les variétés, je me contenterai de mentionner quelques particularités constitutionnelles. Plusieurs roses françaises ne réussissent pas en Angleterre (Rivers, p. 12), et un horticulteur[179] a remarqué que souvent, dans un même jardin, on voit une rose, qui ne donne rien contre un mur tourné au midi, réussir contre un mur tourné au nord. C’est le cas ici pour la variété Paul-Joseph. Elle croît vigoureusement et fleurit supérieurement près d’un mur exposé au nord, et sept rosiers situés derrière un mur au midi n’ont rien produit pendant trois ans. Il est des roses qu’on peut forcer, tandis que c’est impossible pour d’autres ; dans le nombre se trouve la variété « Général Jacqueminot[180]. » M. Rivers prévoit avec enthousiasme que, par les effets du croisement et de la variation (p. 87), le jour viendra où toutes nos roses auront un feuillage toujours vert, des fleurs éclatantes et parfumées, et fleuriront de juin en novembre : prévision éloignée, il semble ; mais la persévérance du jardinier peut faire des merveilles, car certes elle en a déjà fait.

Il ne sera pas inutile de donner ici un rapide aperçu de l’histoire bien connue d’une classe de roses. Quelques roses d’Écosse sauvages (R. spinosissima) furent, en 1793, transplantées dans un jardin[181] ; l’une d’elles portait des fleurs faiblement teintées de rouge, et donna de graine une plante à fleurs demi-monstrueuses, aussi teintées de rouge ; les produits de sa graine furent demi-doubles, et, grâce à une sélection continue, au bout d’une dizaine d’années, elle avait donné naissance à huit sous-variétés. Dans le cours de moins de vingt ans, ces roses doubles d’Écosse avaient tellement varié et augmenté de nombre, que M. Sabine a pu en décrire vingt-six variétés bien marquées, groupées dans huit sections. En 1841[182] on pouvait s’en procurer dans les pépinières près de Glasgow, trois cents variétés, rouges, écarlates, pourpres, marbrées, bicolores, blanches et jaunes, et différant beaucoup par la grosseur et la forme de la fleur.

Pensées (Viola tricolor, etc.). L’histoire de cette fleur paraît être assez bien connue ; elle a été cultivée, en 1687, dans le jardin d’Evelyn, mais on n’est occupé de ses variétés que depuis 1810–1812, époque à laquelle lady Monke s’adonna à leur culture avec le concours d’un horticulteur très-connu, M. Lee, et au bout de quelques années, il en existait déjà une vingtaine de variétés[183]. Vers la même période, en 1813 ou 1814, lord Gambier ayant recueilli quelques plantes sauvages, les fît cultiver par son jardinier, M. Thomson, avec les variétés communes, et obtint ainsi de grandes améliorations. Le premier changement important fut la conversion des lignes foncées du milieu de la fleur en une tache centrale ou œil, qui n’existait pas auparavant, et est actuellement considérée comme une des premières conditions de la beauté de la pensée. On a publié, en 1835, un ouvrage consacré tout spécialement à cette fleur et, à cette même époque, quatre cents variétés distinctes étaient en vente. Cette plante me paraît digne d’être étudiée, en raison du contraste qui existe entre les fleurs petites, allongées et irrégulières de la pensée sauvage, et ces magnifiques fleurs plates, ayant plus de deux pouces de diamètre, symétriques, circulaires, veloutées, si splendidement colorées des belles pensées qu’on expose dans nos concours. Mais en examinant le sujet de plus près, je trouvai que, malgré l’origine récente de toutes les variétés, la plus grande confusion règne au sujet de leur parenté. Les fleuristes font descendre les variétés[184] de plusieurs souches sauvages, V. tricolor, lutea, grandiflora, amœna, et Altaica, plus ou moins entrecroisées, et sur la spécificité desquelles je ne trouve dans les ouvrages de botanique que doute et confusion. La Viola Altaica paraît être une forme distincte, mais je ne sais quelle part elle peut avoir prise à la formation de nos variétés ; on dit qu’elle a été croisée avec la V. lutea. Tous les botanistes regardent aujourd’hui la V. amœna[185] comme une variété naturelle de la V. grandiflora, qu’on a montré être, ainsi que la V. sudetica, identique à la V. lutea. Babington regarde cette dernière, avec la V. tricolor et sa variété V. arvensis, comme des espèces distinctes, c’est aussi l’opinion de M. Gay[186], qui a spécialement étudié le genre ; mais la distinction spécifique entre la V. lutea et tricolor est principalement basée sur ce que l’une est complètement vivace, et l’autre moins, ainsi que sur quelques autres différences insignifiantes dans la forme de la tige et des stipules. Bentham réunit les deux formes, et M. H. C. Watson[187] remarque que, tandis que la V. tricolor passe à l’arvensis d’une part, elle se rapproche tellement d’autre part de la V. lutea et Curtisii, qu’il n’est pas facile d’établir une distinction entre elles.

Donc, après avoir comparé de nombreuses variétés, je renonçai à la tentative comme trop difficile pour quiconque n’est pas botaniste de profession. La plupart des variétés présentent des caractères si inconstants que, lorsqu’elles poussent dans des sols pauvres, ou fleurissent hors de leur saison ordinaire, elles produisent des fleurs plus petites et différemment colorées. Les horticulteurs parlent souvent de la constance de telle ou telle forme, mais ils n’entendent pas par là, comme dans d’autres cas, que la plante transmet exactement ses caractères par graine, mais seulement que la plante considérée individuellement ne change pas par la culture. Cependant, même pour les variétés fugitives de la Pensée, le principe d’hérédité tient bon jusqu’à un certain point ; car, pour obtenir de bons résultats, il faut toujours semer la graine des bonnes sortes. Toutefois, dans un semis considérable, on voit souvent apparaître par retour quelques plantes presque sauvages. Si on compare les variétés les plus modifiées avec les formes sauvages qui s’en rapprochent le plus, outre les différences de grandeur, de forme et de couleur des fleurs, les feuilles varient quelquefois aussi de forme, et le calice peut différer par la longueur et la largeur des sépales. Il faut noter particulièrement les variations dans la forme du nectaire, parce qu’on s’est servi des caractères tirés de cet organe pour la distinction de la plupart des espèces du genre Viola. J’ai trouvé par la comparaison, en 1842, d’un grand nombre de fleurs, que dans la plupart, le nectaire était droit ; dans d’autres son extrémité était recourbée en crochet en dessus, en dessous, ou en dedans ; ou bien, au lieu d’être en crochet, il se dirigeait d’abord en bas, puis en arrière et en dessus ; dans d’autres l’extrémité était fort élargie ; enfin dans plusieurs le nectaire, déprimé à sa base, devenait latéralement comprimé vers son extrémité. D’autre part, je n’ai trouvé presque aucune variation dans le nectaire sur une grande quantité de fleurs que j’eus occasion d’examiner en 1856, et provenant d’une partie différente de l’Angleterre. M. Gay assure que, dans certaines contrées comme l’Auvergne, le nectaire de la V. grandiflora sauvage varie de la manière que je viens de décrire. Devons-nous conclure de là que les variétés cultivées que nous avons mentionnées en premier, descendent toutes de la V. grandiflora, et que le second lot, quoique présentant la même apparence générale, soit descendu de la V. tricolor, dont le nectaire, selon M. Gay, ne varie que peu ? Ou n’est-il pas plus probable que les deux formes sauvages, se trouvant dans d’autres conditions, puissent varier d’une manière analogue, et montrer ainsi qu’elles ne doivent pas être considérées comme étant spécifiquement distinctes ?

Le Dahlia a été mentionné par tous les auteurs qui ont traité de la variation des plantes, parce qu’on croit que toutes ses variétés descendent d’une espèce unique, et ont toutes apparu depuis 1802 en France et 1804 en Angleterre[188]. M. Sabine remarque qu’il semble qu’il ait fallu quelque temps de culture avant que les caractères fixes de la plante primitive aient cédé, et commencé à présenter tous les changements que nous recherchons actuellement[189]. La forme des fleurs, d’abord plate, est devenue globulaire ; il est apparu des races semblables aux anémones et aux renoncules[190], différant par la forme et l’arrangement des fleurons ; des races naines, dont l’une n’a que dix-huit pouces de haut. Les graines varient beaucoup de grosseur. Les pétales sont, ou uniformes de couleur, ou piquetés et rayés, et peuvent présenter une diversité presque infinie de nuances. On a pu lever, de la graine d’une même plante, quatorze[191] couleurs différentes, bien qu’en général les plantes provenant de semis suivent la couleur de la forme parente. L’époque de floraison a été considérablement avancée, ce qui est probablement le résultat d’une sélection continue. Salisbury, qui écrivait en 1808, dit qu’ils fleurissaient alors de septembre à novembre ; en 1828 on vit fleurir en juin quelques variétés naines nouvelles[192] ; et M. Grieve m’apprends que la Zelinda pourpre naine est en pleine floraison dans son jardin au milieu de juin, et quelquefois même plus tôt. On a remarqué chez quelques variétés des différences constitutionnelles ; ainsi il en est qui réussissent mieux dans une partie de l’Angleterre que dans une autre[193], et on a constaté que certaines variétés exigent plus d’humidité que leurs congénères[194].

Certaines fleurs, comme les Œillets, la Tulipe et la Jacinthe, qu’on croit provenir chacune d’une seule forme sauvage, présentent des variétés innombrables, différant presque toutes uniquement par la forme, la grandeur et la couleur des fleurs. Ces plantes, avec quelques autres très anciennement cultivées, qui ont été longtemps propagées par rejetons, bulbes, etc., deviennent si excessivement variables, que presque chaque plante levée de graine forme une variété nouvelle dont la description, comme l’écrivait Gerarde en 1597, serait un vrai travail de Sisyphe, et aussi impossible que de vouloir compter les grains de sable de la mer.

Jacinthe (Hyacinthus orientalis). — L’histoire de cette plante qui vient du Levant, et fut introduite, en 1596, en Angleterre[195], a quelque intérêt. D’après M. Paul, les pétales de la fleur primitive furent étroits, ridés, pointus, et d’une texture molle ; actuellement ils sont larges, solides, lisses et arrondis. La largeur, la position, la longueur de tout l’épi et la grosseur des fleurs ont augmenté, les couleurs se sont diversifiées et ont acquis plus d’intensité ; Gerarde, en 1597, en compte quatre, et Parkinson, en 1629, huit variétés. Aujourd’hui elles sont, très-nombreuses et l’ont été encore davantage il y a un siècle. M. Paul remarque qu’il est intéressant de comparer les Jacinthes de 1629 avec celles de 1864, et de constater les améliorations. Il s’est écoulé depuis lors deux cent trente-cinq ans, et cette simple fleur offre une excellente démonstration du fait, que les formes primitives de la nature ne demeurent pas stationnaires ni fixes, du moins lorsqu’elles sont soumises à la culture. En envisageant les extrêmes, il ne faut jamais oublier qu’il y a eu des formes intermédiaires qui sont perdues pour nous ; car si la nature peut quelquefois se permettre un saut, sa marche ordinaire est lente et graduelle. Il ajoute que l’horticulteur doit avoir dans son esprit un idéal de beauté, vers la réalisation duquel il travaille de la tête et de la main, ce qui nous montre combien M. Paul, un des plus heureux cultivateurs de cette fleur, apprécie l’action de la sélection méthodique.

Dans un ouvrage curieux publié à Amsterdam[196], en 1768, il est signalé près de deux mille sortes de Jacinthes connues alors ; mais, en 1864, M. Paul n’en a trouvé que sept cents dans le plus grand jardin d’Haarlem. L’ouvrage constate qu’il n’y a pas eu un seul cas connu d’une variété s’étant reproduite exactement de graine ; cependant maintenant les Jacinthes blanches donnent presque toujours des Jacinthes blanches[197], et les variétés jaunes paraissent aussi se transmettre. La Jacinthe est remarquable en ce qu’elle a donné naissance à des variétés bleues, roses et jaunes. Ces trois couleurs primaires ne se rencontrent pas dans les variétés d’aucune autre espèce, et bien rarement dans les espèces distinctes d’un même genre. Quoique les diverses sortes de Jacinthes ne diffèrent que peu les unes des autres, la couleur exceptée, chaque sorte a cependant son caractère individuel et peut être reconnue par un œil exercé ; ainsi l’auteur de l’ouvrage d’Amsterdam dit (p. 43) que quelques horticulteurs expérimentés, comme le célèbre G. Voorholm, pouvaient, dans une collection de douze cents variétés, reconnaître sans se tromper, chacune d’elles par son bulbe seulement ! Le même auteur signale quelques variétés singulières : ainsi la Jacinthe porte ordinairement six feuilles, mais il y en a une (p. 35) qui n’en a presque jamais que trois, une autre jamais plus de cinq ; enfin il y en a qui portent sept ou huit feuilles. Une variété, la Coriphée, produit invariablement (p. 116) deux tiges florales, réunies ensemble et enveloppées dans la même gaîne. Dans une autre sorte, la tige florale (p. 128) sort de terre avec une gaîne colorée, et avant les feuilles, ce qui l’expose à souffrir du gel ; une autre variété encore pousse toujours une seconde tige florale après que la première a commencé à se développer. Enfin les Jacinthes blanches à centre rouge, pourpre ou violet (p. 129), se pourrissent facilement. Nous voyons donc que, comme beaucoup d’autres plantes, les Jacinthes, après une culture prolongée, offrent un grand nombre de variations singulières.


J’ai donné dans ces deux chapitres, avec quelques détails, l’étendue de la variation et l’histoire d’un certain nombre de plantes cultivées dans divers buts. J’ai dû toutefois laisser de côté quelques-unes des plantes les plus variables, telles que les Haricots, Piments, Millets, Sorghos, etc., dont les souches primitives sauvages sont inconnues, et au sujet desquelles les botanistes ne peuvent s’accorder pour déterminer quelles formes doivent être regardées comme espèces ou comme variétés[198]. Beaucoup de plantes cultivées depuis longtemps dans les pays tropicaux, telles que la Banane, ont produit de nombreuses variétés, que nous avons dû laisser de côté, parce qu’elles n’ont jamais été décrites avec quelque soin. Toutefois nous avons donné un nombre de faits plus que suffisant pour permettre au lecteur de juger par lui-même de la nature et de l’importance des variations qu’ont pu éprouver les plantes cultivées.



  1. Heer, Pflanzen der Pfahlbauten, 1866, p. 28.
  2. Alph. de Candolle, Géog. bot., p.872. — Dr Targioni-Tozzetti, Jour. Hort. Soc., vol. ix, p. 133. Pour la vigne fossile trouvée par le Dr Planchon, voir Hist. nat. Review, 1865, p. 224.
  3. Godron, de l’Espèce, t. ii, p. 100.
  4. Expériences de M. Vibert, décrites par A. Jordan, Mém. de l’Acad. de Lyon, 1852. t. ii, p. 108.
  5. Gardener’s Chronicle, 1864, p. 488.
  6. Arbres fruitiers, 1836, t. ii, p. 290.
  7. Ampélographie universelle, 1849.
  8. Bouchardat, Comptes rendus, 1er déc. 1851.
  9. Études sur les maladies actuelles du ver à soie, 1859, p. 321.
  10. Productive Resources of India, p. 130.
  11. Traité du Citrus, 1811. — Teoria della riproduzione vegetale, 1816, ouvrage que je cite surtout. En 1839, Gallesio a publié Gli Agrumi dei Giard. Bot. di Firenze, dans lequel il donne un tableau curieux des rapports supposés de parenté qui relient entre elles les diverses formes.
  12. M. Bentham, Journ. of Hort. Soc., vol. ix, p. 133.
  13. Géog. Bot., p. 863.
  14. O. C., p. 52–57.
  15. Hooker, Bot. Misc., vol. i, p. 302, vol. ii, p. 111.
  16. O. C., p. 53.
  17. Ibid., p. 69.
  18. Ibid., p. 67.
  19. Ibid., p. 75–76.
  20. Gardener’s Chronicle, 1841, p. 613.
  21. Ann. du Muséum, t. xx, p. 188.
  22. O. C., p. 882.
  23. Transact. of Hort. Soc., vol. iii, p. 1, et vol. iv, p. 369, accompagné d’un dessin colorié de cet hybride.
  24. Gardener’s Chronicle, 1856, p. 532. Un auteur, qui est probablement M. Lindley, fait remarquer la série parfaite qui relie l’amande et la pêche. M. Rivers, dont l’autorité et l’expérience sont incontestables, (Gardener’s Chronicle, 1863, p. 27), croit que les pêchers, abandonnés à eux-mêmes, finiraient par ne donner que des amandes, couvertes d’une pulpe épaisse.
  25. Journ. of Hort. Soc., vol. ix, p. 168.
  26. Je ne sais si cette variété est la même qu’une récemment mentionnée par M. Carrière, dans Gardener’s Chronicle, 1865, p. 1154, sous le nom de Persica intermedia, qui est, par tous ses caractères, intermédiaire entre la pêche et l’amande, et produit, suivant les années, des fruits très-différents.
  27. Cité dans Gardener’s Chronicle, 1866, p. 800.
  28. Journ. de la Soc. imp. d’Agriculture, 1855, p. 238.
  29. O. C., 1816, p. 86.
  30. Gardener’s Chronicle, 1862, p. 1195.
  31. M. Rivers, Gardener’s Chronicle, 1859, p. 774.
  32. Downing, Fruits of America, 1845, p. 475, 489, 492, 494, 496, — Michaux, Travels in America, p. 228. — Godron, O. C., t. II, p. 97.
  33. Brickell, Nat. Hist. of N. Carolina, p. 102. — Downing, O. C., p. 505.
  34. Gardener’s Chronicle, 1862, p. 1196.
  35. La pêche lisse et la pêche ordinaire ne réussissent pas également bien dans le même sol. Lindley, Horticulture, p. 351.
  36. Godron, O. C., t. II, p. 97.
  37. Transact. Hort. Soc., vol. VI, p. 394.
  38. Downing, O. C., p. 502.
  39. Gardener’s Chronicle, 1862, p. 1195.
  40. Journ. of Hortic., 1866, p. 102.
  41. Rivers, Gardener’s Chronicle, 1859, p. 774 ; 1862, p. 1195 ; 1865, p. 1059, et Journ. of Hortic., 1866, p. 102.
  42. Correspondance of Linnæus, 1821, p. 7, 8, 70.
  43. Trans. Hort. Soc., vol. I, p. 103.
  44. Loudon, Gardener’s Mag., 1826, I, p. 471.
  45. Id., ibid., 1828, p. 53.
  46. Id., ibid., 1830, p. 597.
  47. Gardener’s Chronicle, 1841, p. 617.
  48. Gardener’s Chronicle, 1844, p. 589.
  49. Phytologist, vol. IV, p. 299.
  50. Gardener’s Chronicle, 1856, p. 531.
  51. Godron, O. C., t. II, p. 97.
  52. Gardener’s Chronicle, 1856, p. 531.
  53. Alph. de Candolle, O. C., p. 886.
  54. Thompson, dans Loudon’s Encyclop. of Gardening, p. 911.
  55. Catalogue of fruit in Garden of Hortic. Soc., 1842, p. 105.
  56. Dr Targioni-Tozzetti, Journ. Hort. Soc., IX, p. 167. Alph. de Candolle. O. C., p. 885.
  57. Trans. Hort. Soc., vol. v, p. 554.
  58. Loudon’s Encyc. of Gardening, p. 907.
  59. M. Carrière, Gard. Chron. 1865, p. 1154.
  60. Trans. Hort. Soc., vol. iii, p. 832. — Gardener’s Chron., 1865, p. 271. — Journ. of Hort., 1865, p. 254.
  61. Trans. Hort. Soc., vol. IV, p. 512.
  62. Journ. of Horticult., 1863, p. 188.
  63. Trans. Hort. Soc., vol VI, p. 412.
  64. Gardener’s Chron., 1857, p. 216.
  65. Journ. of Hort. Soc., vol. II, p. 283.
  66. Alph. de Candolle, O. C., p. 379.
  67. Transact. Hort. Soc. (2e série), vol. I, 1835, p. 56. — Cat. of Fruit in Garden of Hort. Soc., 3e édit., 1842.
  68. Downing, O. C., p. 157, — p. 153 pour l’abricot Alberge en France.
  69. Gardener’s Chronicle, 1863, p. 304.
  70. Travels in the Himalayan Provinces, 1841, vol. I, p. 275.
  71. Hewitt C. Watson, Cybele Britannica, vol. IV, p. 80.
  72. Gardener’s Chronicle, 1865, p. 27.
  73. O. C., t. II p. 94. — Alph. de Candolle, O. C., p. 878. — Targioni-Tozzetti, Journ. Hort. Soc., vol. IX, p. 164. — Babington, Manual of British Botany, 1851, p. 87.
  74. Fruits of America, p. 276, 278, 284, 310, 314. — M. Rivers, Gardener’s Chron., 1863, p. 27, a levé de la graine d’une prune-pêche, qui porte de grosses prunes rouges sur des tiges fortes et robustes, une plante dont les tiges grêles et pendantes portaient des fruits ovales et plus petits.
  75. Gardener’s Chronicle, 1855, p. 726.
  76. Downing, O. C., p. 278.
  77. Gardener’s Chronicle, 1863, p. 27. — Sageret, Pomologie phys., p. 346, énumère en France cinq variétés qui se propagent par graine. — Voir aussi Downing, O. C., p. 305, 312, etc.
  78. Alph. de Candolle, O. C., p. 877. — Bentham et Targioni-Tozzetti, Hort. Jour. vol. IX, p. 163. — Godron, O. C., t. II, p. 92.
  79. Trans. Hort. Soc., vol. v, 1824, p. 295.
  80. Ibid., (2e série) vol. I, 1835, p. 248.
  81. Ibid., vol. II, p. 138.
  82. Tous ces faits sont empruntés aux quatre ouvrages qui suivent, et qui méritent, je crois, toute confiance : — Thompson, ouvrage cité ci-dessus. — Sageret, O. C., p. 358, 364, 367, 379. — Cat. of Fruit in Garden. Hort. Soc., p. 57–60. — Downing, O. C., p. 189, 195, 200.
  83. Dans Flora of Madeira (cité dans Gard. Chron., 1862, p. 215), M. Lowe dit que le P. Malus, à fruit presque sessile, s’étend plus au sud que le P. Acerba à longs pédoncules, qui manque à Madère, aux Canaries et peut-être au Portugal. Ceci appuierait l’opinion que les deux formes méritent d’être regardées comme espèces. Mais les caractères qui les séparent sont de peu d’importance, et sont de la nature de ceux qui varient dans d’autres arbres cultivée
  84. Journ. of hort. Tour, par Deputation of the Caledonian Hort. Soc., 1823, p. 459.
  85. Watson, Cybele Britannica, vol. I, p. 334.
  86. Loudon, Gardener’s Mag., vol. VI, p. 83, 1830.
  87. Cat. of Fruit, etc., 1842, et Downing, O. C..
  88. Loudon, O. C., vol. IV, 1828, p. 112.
  89. The Culture of the Apple, p. 43. — Van Mons a fait la même observation sur le poirier, Arbres fruitiers, t. II, p. 414, 1836.
  90. Lindley, Horticulture, p. 116. — Knight, Trans. of Hort. Soc., vol. VI, p. 229.
  91. Transact. of Hort. Soc., vol. I, p. 120, 1812.
  92. Journal of Horticulture, 1866, p. 194.
  93. Trans. of Hort. Soc., vol. IV, p. 68, et vol. VI, p. 547. Lorsque le coccus parut pour la première fois, il est dit (vol. II, p. 163) qu’il nuisait plus aux souches du pommier sauvage qu’aux plantes qu’on greffait sur elles.
  94. Mém. de la Soc. Linn. de Paris, t. III, 1825, p. 164. — Seringe, Bull. Bot., 1830, p. 117.
  95. Gardener’s Chronicle, 1849, p. 24.
  96. Ibid., 1850, p. 788.
  97. Sageret, Pomologie physiologique, 1830, p. 263. — Downing, O. C., p. 130, 134, 139, etc. — Loudon, O. C., vol. VIII, p. 317. — Alexis Jordan, de l’Origine des diverses variétés, dans Mém. de l’Acad. imp. de Lyon, t. II, 1852, p. 95, 114. — Gardener’s Chronicle, 1850, p. 774, 788.
  98. Comptes rendus, 6 juillet 1863.
  99. Gardener’s Chronicle, 1856, p. 804 ; — 1857, p. 820 ; — 1862, p. 1195.
  100. La plupart des plus grandes fraises cultivées proviennent des F. grandiflora ou Chiloensis, mais je n’ai vu aucune description de ces formes à leur état sauvage. La fraise « Methuen’s scarlat » (Downing, p. 527), dont le fruit est énorme, appartient à la section descendant de la F. Virginiana, et j’apprends du professeur A. Gray que le fruit de cette espèce n’est qu’un peu plus gros que celui de notre fraise commune des bois, la F. vesca.
  101. Le Fraisier, par le comte L. de Lambertye, 1864, p. 50.
  102. Transact. of Hort. Soc., vol. III, p. 207, 1820.
  103. Gardener’s Chronicle, 1862, p. 335, et 1858 p. 172. — Barnet, Transact. of Hort. Soc., 1826, vol. VI, p. 170.
  104. Transact. of Hort. Soc., vol.v, 1824, p. 294.
  105. Journ. of Hort., 1862, p. 779. — Prince, même ouvrage, 1863, p. 418.
  106. Journ. of Hort., 1862, p. 721.
  107. Comte L. de Lambertye, O. C., p. 221, 230.
  108. Trans. of Hort. Soc., vol. vi, p. 200.
  109. Gardener’s Chronicle, 1858, p. 113.
  110. Godron, O. C., t. I, p. 161.
  111. Gardener’s Chronicle, 1851, p. 440.
  112. F. Gloede, Gardener’s Chronicle, 1862, p. 1053.
  113. Downing, O. C., p. 532.
  114. Barnet, Hort. Transact. vol. VI, p. 210.
  115. Gardener’s Chronicle, 1847, p. 539.
  116. Pour les fraisiers d’Amérique, Downing, O. C., p. 524. — Gardener’s Chronicle, 1843, p. 188 ; — 1847, p. 539 ; — 1861, p. 717.
  117. M. Beaton, Cottage Gardener, 1860, p. 86 ; — ibid., 1855, p. 88. — Pour le continent, F. Gloede, dans Gardener’s Chronicle, 1862, p. 1053.
  118. Rev. W. F. Radcliffe, Journ. of Hort., 1865, p. 207.
  119. M. H. Doubleday, Gardener’s Chronicle, 1862, p. 1101.
  120. Gardener’s Chronicle, 1854, p. 254.
  121. Loudon, Encyc. of Gardening, p. 930. — Alph. de Candolle, O. C., p. 510.
  122. Loudon’s Gardener’s Magazine, vol. IV, 1828, p. 112.
  123. Les renseignements les plus complets sur le groseiller se trouvent dans le travail de M. Thompson, Trans. Hort. Soc., vol. I (2e série), 1835, p. 218, auquel j’ai emprunté la plupart des faits donnés ci-dessus.
  124. Catalogue of Fruits of Hort. Soc., 1842.
  125. M. Clarkson, de Manchester, sur la culture de la groseille, dans Loudon’s Gardener’s Magazine, vol. IV, 1828, p. 482.
  126. Downing, O. C., p. 213.
  127. Gardener’s Chronicle, 1844, p. 811, avec une table, et 1845, p. 819. — Pour les poids maxima atteints, voir Journal of Hort., 1864, p. 61.
  128. M. Saul, de Lancaster, dans Loudon’s Gardener’s Magazine, vol. III, 1828, p. 421, et vol. x, 1834, p. 42.
  129. Himalayan Journals, 1854, vol. II, p. 334. — Moorcroft, Travels, vol. II, p. 146, décrit quatre variétés cultivées au Kaschmir.
  130. Gardener’s Chronicle, 1850, p. 723.
  131. Traduit dans Loudon’s Gardener’s Magazine, 1829, vol. V, p. 202.
  132. Cité dans Gard. Chron., 1849, p. 101.
  133. Gardener’s Chronicle, 1847, p. 541 et 558.
  134. Les détails sont empruntés au Cat. of Fruits, 1842, in Garden of Hort. Soc., p. 103, et à Loudon’s Encyclop. of Gardening, p. 943.
  135. Gardener’s Chronicle, 1860, p. 956.
  136. Ann. des Sciences nat. — Botanique, (4e série), 1856, vol. VI, p. 5.
  137. American Journ. of Science, (2e série), vol. XXIV, 1857, p. 442.
  138. Gärtner, Bastarderzeugung, 1849, p. 87 ; — p. 169, pour le maïs ; — p. 92 et 181, pour le verbascum. — Voir aussi son Kenntniss der Befruchtung, p. 137. — Pour la nicotiane, voir Kölreuter, Zweite Fortsetz., 1764, p. 53, quoique le cas soit un peu différent.
  139. Godron, O. C., t. II, p. 64.
  140. Naudin, Ann. Sciences nat. — Botan., (4e série), t. XI, 1859, p. 28.
  141. Mémoire sur les Cucurbitacées, 1826, p. 6, 24.
  142. Flore des serres, 1861, cité dans Gard. Chron., 1861, p. 1135. J’ai encore emprunté quelques faits au mémoire de Naudin sur les Cucumis, dans Ann. Sciences nat. (4e série), t. XI, 1859, p. 5.
  143. Sageret, O. C., p. 7.
  144. Loudon’s Arboretum et Fruticetum, vol. II, p. 1217.
  145. Gardener’s Chronicle, 1866, p. 1096.
  146. O. C., p. 1096.
  147. Gard. Chron., 1842, p. 36.
  148. Loudon’s Arboretum, etc., vol. III, p. 1731.
  149. Id., ibid., vol. IV, p. 2489.
  150. Godron, O. C., t. II, p. 91, décrit quatre variétés de Robinia remarquables par leur mode de croissance.
  151. Journal of hort. Tour, by Caledonian Hort. Soc., 1823, p. 107. — Alph. de Candolle, O. C., p. 1083. — Verlot, sur la Production des variétés, 1865, p. 55, pour l’épine-vinette.
  152. Loudon’s Arboretum, etc. vol. II, p. 508.
  153. Verlot, O. C., p. 92.
  154. Loudon, O. C., vol. III, p. 1376.
  155. Gardener’s Chronicle, 1841, p. 687.
  156. Godron, O. C., t. II, p. 89. — Loudon’s Gardener’s Mag., vol. XII, 1836, p. 371, décrit un frêne touffu et à feuilles panachées simples, qui provenait d’Irlande.
  157. Gardener’s Chronicle, 1861, p. 575.
  158. Cité dans Gard. Chron., 1841, p. 767.
  159. Loudon’s Arboretum, etc., pour l’ormeau, t. III, p. 1376 ; — pour le chêne, p. 1846.
  160. Gardener’s Chronicle, 1849, p. 822.
  161. Loudon, O. C., vol. IV, p. 2150.
  162. Gardener’s Chronicle, 1852, p. 693.
  163. Dr Christ, Beiträge zur Kenntniss Europœischer Pinus Arten-Flora, 1864. Il montre que dans la haute Engadine, des formes intermédiaires relient entre eux les P. sylvestris et montana.
  164. O. C., vol. IV, p. 2159 et 2189.
  165. O. C., vol. II, p. 830. — Loudon’s Gardener’s Mag., vol. VI 1830, p. 714.
  166. Loudon’s Arboretum, etc., vol. II, p. 834.
  167. Loudon’s Gardener’s Mag., vol. IX, 1833, p. 123.
  168. Loudon’s Gardener’s Mag., vol. XI, 1835, p. 503.
  169. Gardener’s Chron., 1845, p. 623.
  170. Dr Beaton, Cottage Gardener, 1860, p. 377. — M. Beck, sur la Queen Mab, dans Gardener’s Chronicle, 1845, p. 226.
  171. Moquin-Tandon, Éléments de Tératologie, 1841, p. 213.
  172. Cottage Gardener, 1860, p. 133.
  173. Cité par Alph. de Candolle, Bibl. universelle, novembre 1862, p. 58.
  174. Knight, Transact. Hort. Soc., vol. IV, p. 322.
  175. Botanical Magazine, tab. 5160, f. 4. — Dr Hooker, Gard. Chron., 1860, p. 190. — Prof. Harvey, dans Gard. Chron., 1860, p. 145. — M. Crocker, Gard. Chron., 1861, p. 1092.
  176. Alph. de Candolle, O. C., p. 1083, Gard. Chron., 1861, p. 433. L’hérédité des zones blanches et dorées du Pélargonium dépendent beaucoup de la nature du sol. Voir Dr Beaton, Journal of Horticulture, 1861, p. 64.
  177. Rose amateur’s Guide, T. Rivers, 1837, p. 21.
  178. Journal Hort. Soc., vol. IX, 1855, p. 182.
  179. Rev. W. F. Radclyffe, Journ. of Hort., 14 mars 1865, p. 207.
  180. Gard. Chronicle, 1861, p. 46.
  181. M. Sabine, Trans. Hort. Soc., vol. IV, p. 285.
  182. Encyclop. of Plants, by J. C. Loudon, 1841, p. 443.
  183. Loudon’s Gard. Mag., vol. XI, 1835, p. 427. — Journ. of Hort., 14 avril 1863, p. 275.
  184. Loudon, ibid., vol. VIII, p. 575 ; vol. IX, p. 689.
  185. Sir J. E. Smith, English Flora, vol. I, p. 806. — H. C. Watson, Cybele Britannica, vol. I, 1847, p. 181.
  186. Cité des Annales des Sciences dans Companion to the Bot. Mag., vol. I, 1835, p. 159.
  187. Cybele Britannica, vol. I, p. 173. — Dr Herbert, Transact. Hort. Soc., vol. IV, p. 19, sur les changements de couleur dans les individus transplantés, et sur les variations naturelles de la V. grandiflora.
  188. Salisbury, Transact. Hort. Soc., vol. I, 1812, p. 84–92. Une variété demi-double a été produite en 1790 à Madrid.
  189. Trans. Hort. Soc., vol. III, 1820, p. 225.
  190. Loudon’s Gardener’s Magaz., vol. VI, 1830, p. 77.
  191. Loudon’s Encyclop. of Gardening, p. 1035.
  192. Trans. Hort, Soc., vol. i, p. 91. — Loudon’s Gard. Mag., vol. iii, 1828, p. 179.
  193. M. Wildman, Gard. Chron., 1843, p. 87.
  194. Collage Gardener, 8 avril 1856, p. 33.
  195. M. Paul de Waltham, Gardener’s Chronicle, 1864, p. 342 ; la meilleure et la plus complète description de la jacinthe que je connaisse.
  196. Des Jacinthes, de leur anatomie, reproduction et culture, Amsterdam, 1768.
  197. Alph. de Candolle, O. C., p, 1082.
  198. Alph. de Candolle, O. C., p. 983.