De la morale naturelle/XXVII
CHAPITRE XXVII.
Inégalité des conditions.
L’enfant qui arrange sa toupie,
celui qui joue avec sa poupée,
le héros méditant de vastes conquêtes,
la femme voulant captiver
l’hommage et les vœux
de tout ce qui l’entoure, le philosophe
assignant aux planètes
leur cours, l’administrateur serrant
dans ses mains les rênes
d’un grand empire, le magistrat
croyant résister à l’autorité, le
pauvre empressé de prodiguer sa vie pour conquérir la subsistance
de quelques journées, le
riche plus tourmenté du besoin
de grossir son trésor, tous sont
conduits par le même penchant,
tous cèdent au même attrait,
celui d’essayer leur pouvoir. Qui
l’exerce assez facilement, jouit ;
trop facilement, s’ennuie ; trop
difficilement, souffre : c’est à ces
trois manières d’être qu’on peut
réduire, ce me semble, la fortune
de tous les hommes, l’inégalité
réelle de toutes les conditions.
Sous ce point de vue la première de toutes les conditions est celle des hommes sains et robustes de corps et d’esprit. Toutes les autres lui sont inférieures, car toutes les autres en sont plus ou moins dépendantes.