chez Volland, Gattey, Bailly (p. 148-150).


CHAPITRE XXVI.

Société.



Le besoin rapproche les hommes, l’inconstance ou l’ennui les éloigne. Dans l’état social comme dans les bois, les hommes ne sont faits que pour se rencontrer. Il n’est peut-être aucune liaison, quelque intime qu’elle puisse être, où il soit permis d’oublier une vérité que l’expérience a trop souvent justifiée… Voyez la loi des mariages dans l’austère Lacédémone.

Le plus doux de tous les rapports que l’on puisse avoir avec ses semblables, c’est celui de la bienveillance. Des services rendus sans aucun espoir d’intérêt ou de reconnaissance, sont des liens dont il est toujours facile de relâcher les nœuds, et qui ne laissent ni souvenirs, ni regrets trop pénibles.

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Idée des liaisons dont on s’honore dans une grande ville.

Le vieux comte de P*** était assis au coin de la cheminée de sa vieille amie, madame la Marquise du ***. Savez-vous bien, lui dit-elle, après un de ces silences qui reposaient souvent l’ennui de leurs entretiens, savez-vous bien qu’il y a quarante ans que nous nous connaissons ? — Il est vrai, Madame. — Et que nous avons été constamment liés ? — Oui, Madame. — Ce qui doit étonner encore plus, c’est que dans un si long intervalle, jamais aucune brouillerie n’a troublé notre amitié. — J’en suis surpris comme vous. — Mais cela ne viendrait-il pas, mon cher Comte, de ce que nous avons toujours été assez indifférens l’un à l’autre ? — Cela se pourrait fort bien…

Quelque connue que soit la vérité de cette anecdote, j’aime à penser qu’il est un pays où l’on aura plus de peine encore à la croire qu’à la comprendre.