chez Volland, Gattey, Bailly (p. 197-200).


CHAPITRE XLII.

Crainte de la mort.



Les anciens philosophes semblent n’avoir été occupés qu’à combattre la crainte de la mort. On pourrait répéter ici tout ce qu’ils ont dit, qu’il ne faut point craindre ce qui n’est que la privation de tout sentiment etc. ; j’aimerais autant dire comme ce Capucin, que c’est une grande attention de la nature, d’avoir placé la mort à la fin de la vie[1].

Ce qui me paraît assez généralement vrai, quelque horreur que nous inspire à tous ce terme toujours si prochain de notre destruction, c’est que lors même que nous touchons à ce terme, nous sommes encore loin de nous en douter, ou bien réduits à l’envisager comme le seul soulagement qui nous reste. Dans l’ordre naturel des choses, il est donc bien peu de morts qui ne soient ou fort désirées ou fort imprévues. La distance de la vie à la mort nous paraît toujours infinie ; ce sont deux points que sépare à jamais l’immensité du néant.

Mylord Stanhope se flattait qu’on retrouverait quelque jour le secret de vivre plus long-tems, et de tous les secrets de l’antiquité, c’était bien celui qu’il regrettait le plus. Je ne sais si cette espérance est près de s’accomplir, mais ce que je crois bien, c’est que la plupart des hommes meurent d’une mort prématurée, dans la jeunesse, de folie ; dans un âge plus avancé, plus communément encore de paresse et d’ennui.

Il y a donc plus de vérité qu’on n’est tenté d’en trouver d’abord dans le mot de madame Geoffrin : On ne meurt que de bêtise.

  1. On prétend qu’il est si difficile de mourir, disait une femme naïve, je vois pourtant que tout le monde s’en tire. — Racine, qui avait eu long-tems des frayeurs horribles de la mort, l’envisagea dans sa dernière maladie avec beaucoup de tranquillité. — Je ne me sens, dit Fontenelle peu d’instans avant de mourir, je ne me sens qu’une difficulté d’être.