De la monarchie selon la Charte/Chapitre II-7

Garnier frères (Œuvres complètes, tome 7p. 200-201).

CHAPITRE VII.
SUITE DU PREMIER PLAN DU SECOND MINISTÈRE.

Cependant on continuoit d’être la dupe de tout ce qu’il plaisoit au parti de débiter. Les plus chauds royalistes accouroient pour nous dire, de la meilleure foi du monde que, si le roi entroit dans Paris avec sa maison militaire, cette maison seroit massacrée ; que si l’on ne prenoit pas la cocarde tricolore, il y auroit une insurrection générale. En vain la garde nationale passoit par-dessus les murs de Paris pour venir protester de son dévouement : on assuroit que cette garde étoit mal disposée. La faction avoit fermé les barrières pour empêcher le peuple de voler au-devant de son souverain : il y avoit conjuration autant contre ce pauvre peuple que contre le roi. L’aveuglement étoit miraculeux ; car alors l’armée françoise, qui auroit pu faire le seul danger, se retiroit sur la Loire ; cent cinquante mille soldats étrangers occupoient les postes, les avenues et les barrières de Paris, où ils alloient entrer dans vingt-quatre heures par capitulation, et l’on prétendoit toujours que le roi, avec ses gardes et ses alliés, n’étoit pas assez fort pour pénétrer dans une ville où il ne restoit pas un soldat, où il n’y avoit plus que des bourgeois fidèles, très-capables à eux seuls de contenir une poignée de fédérés, si ceux-ci s’étoient avisés de vouloir faire un mouvement.

Il se passa cependant quelque chose de bien propre à dessiller les yeux : le gouvernement provisoire fut dissous, mais il le fut par une espèce d’acte[1] d’accusation contre la couronne ; c’étoit la pierre d’attente sur laquelle on espéroit bâtir la révolution à l’avenir. Quelques personnes furent un peu étonnées ; mais le ministre ayant assuré qu’il n’avoit pas eu d’autre moyen de dissoudre le gouvernement provisoire, on le crut. Or, remarquez que le ministre lui seul avoit toute la puissance dans ce gouvernement, et que s’il avoit voulu laisser faire, ces directeurs, si difficiles à chasser avec cent cinquante mille alliés et toute la maison du roi, auroient été jetés dans la Seine par cinquante hommes de la garde nationale.

  1. J’ai acheté dans les rues de Paris cet acte imprimé pour le peuple, sur papier à l’aigle, avec deux ou trois phrases qui ne sont pas dans le Moniteur, et où il est dit que les honnêtes gens, forcés de s’éloigner, doivent garder leurs bonnes intentions pour de plus heureux jours.