De la monarchie selon la Charte/Chapitre II-6

Garnier frères (Œuvres complètes, tome 7p. 200).

CHAPITRE VI.
PREMIER PROJET DU SECOND MINISTÈRE.

Le conseil installé, il falloit qu’il adoptât une marche ; le nouveau ministre admis voulut lui faire prendre la seule possible dans ses intérêts particuliers. Il sentoit l’incompatibilité de son existence ministérielle avec le jeu de la monarchie représentative. Il comprit très-bien que si la force armée illégitime et la force politique pareillement illégitime n’étoient pas conservées, sa chute étoit inévitable. Il savoit qu’on ne lutte pas contre la force des choses ; et comme il ne pouvoit s’amalgamer avec les éléments d’un gouvernement légal, il voulut rendre ces éléments homogènes à sa propre nature.

Son plan fut sur le point de réussir : il créa une terreur factice avant que la cour entrât dans Paris. Supposant des dangers imaginaires, il prétendoit forcer la couronne à reconnoître les deux chambres de Buonaparte, et à accepter la déclaration des droits qu’on s’étoit hâté de finir. Louis XVIII eût été roi par les constitutions de l’empire ; le peuple lui auroit fait la grâce de le choisir pour chef ; il eût daté les actes de son gouvernement de l’an Ier de son règne ; les gardes du corps et les compagnies rouges eussent été licenciés, l’armée de la Loire conservée, et la cocarde blanche, arrachée à quelques soldats fidèles arrivés de l’exil avec le roi, eût été remplacée par la cocarde tricolore des rebelles, encore armés contre le souverain légitime.

Alors la révolution eût été en effet consommée ; la famille royale fût restée là quelque temps, jusqu’au jour où le peuple souverain et les ministres, plus souverains encore, eussent jugé bon de changer et le monarque et la monarchie. À cette époque la faction révolutionnaire murmuroit même quelques mots de la nécessité d’exiler les princes ; le projet étoit d’isoler le roi de sa famille.