De la monarchie selon la Charte/Chapitre II-49

Garnier frères (Œuvres complètes, tome 7p. 249).

CHAPITRE XLIX.
SYSTÈME D’ADMINISTRATION À SUBSTITUER À CELUI DES INTÉRÊTS RÉVOLUTIONNAIRES.

D’après les principes que je viens de rappeler, voici le système à suivre pour sauver la France. Il faut conserver l’ouvrage politique, résultat de la révolution, consacré par la Charte, mais extirper la révolution de son propre ouvrage, au lieu de l’y renfermer, comme on l’a fait jusqu’à ce jour.

Il faut, autant que possible, mêler les intérêts et les souvenirs de l’ancienne France dans la nouvelle, au lieu de les en séparer ou de les immoler aux intérêts révolutionnaires.

Il faut bâtir le gouvernement représentatif sur la religion, au lieu de laisser celle-ci comme une colonne isolée au milieu de l’État.

Ainsi je veux toute la Charte, toutes les libertés, toutes les institutions amenées par le temps, le changement des mœurs et le progrès des lumières, mais avec tout ce qui n’a pas péri de l’ancienne monarchie, avec la religion, avec les principes éternels de la justice et de la morale, et surtout sans les hommes trop connus qui ont causé nos malheurs.

Quelle singulière chose de prétendre donner à un peuple des institutions généreuses, nobles, patriotiques, indépendantes, et d’imaginer qu’on ne peut établir ces institutions qu"en les confiant à des mains qui n’ont été ni généreuses, ni nobles, ni patriotiques, ni indépendantes ! de croire qu’on peut former un présent sans un passé, planter un arbre sans racines, une société sans religion ! C’est faire le procès à tous les peuples libres ; c’est renier le consentement unanime des nations, c’est mépriser l’opinion des plus beaux génies de l’antiquité et des temps modernes.

Mon projet a du moins l’avantage d’être conforme aux règles du sens commun et d’accord avec l’expérience des siècles. L’exécution en est facile ; il vaut la peine d’être essayé. Qu’avons-nous gagné à suivre l’ornière où nous nous tramons depuis trois ans ? Tâchons d’en sortir. Nous avons déjà brisé le char une fois ; si nous nous obstinons de nouveau, nous n’arriverons pas au terme du voyage.