De la monarchie selon la Charte/Chapitre II-27

Garnier frères (Œuvres complètes, tome 7p. 220).

CHAPITRE XXVII.
QUE L’OPINION MÊME DE LA MINORITÉ DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS N’EST POINT EN FAVEUR DU SYSTÈME DES INTÉRÊTS RÉVOLUTIONNAIRES.

Que si l’on s’appuie de l’opinion de la minorité réelle des députés, comme représentant l’opinion générale de la France, je dis encore que cette opinion, à la prendre à son origine, serviroit elle-même à battre en ruine le système des intérêts révolutionnaires.

Quand la chambre s’est rassemblée, elle étoit presque unanime dans ses sentiments. Il a fallu que le ministère travaillât avec une persévérance incroyable pour parvenir à la diviser. On conçoit à peine comment des hommes de sens trouvant sous leur main un instrument aussi parfait, aussi bien disposé pour tous les usages, n’aient pas voulu ou n’aient pas pu s’en servir ; on conçoit à peine que ces hommes de sens aient mis autant de soins à se créer une minorité qu’un ministère en met ordinairement à acquérir la majorité.

Que de mouvements il a fallu se donner en effet, que de démarches, de sueurs répandues, pour avoir le plaisir de voir refaire ou rejeter les lois ! Que d’adresse pour perdre la partie ! Un club n’a d’abord rien produit. La chambre tout entière étoit si franchement royaliste, que ce n’est qu’en abusant du nom du roi, en répétant sans cesse que le roi désiroit, vouloit, ordonnoit ceci, cela, qu’on est parvenu à ébranler quelques hommes. Ces honnêtes gens se sont détachés, comme malgré eux, d’une majorité qu’ils n’ont pas crue assez soumise à la volonté du monarque. Cela est si vrai, que, dans une foule d’occasions, comme dans l’affaire des régicides, ils ont voté par acclamation dans le sens de la majorité. Or, le bannissement des régicides étoit un coup mortel porté aux intérêts révolutionnaires.

Ainsi on ne peut pas même argumenter de l’opinion de la minorité de la chambre des députés en faveur du système de ces intérêts ; car cette opinion, loin d’être l’opinion réelle de la minorité, n’est que la reproduction de l’opinion ministérielle par laquelle elle a été formée.