De la monarchie selon la Charte/Chapitre II-22

Garnier frères (Œuvres complètes, tome 7p. 213-214).

CHAPITRE XXII.
OBJECTION RÉFUTÉE.

Un homme d’esprit, consulté sur l’opinion de la France, après avoir dit que les royalistes sont les meilleures gens du monde, qu’ils sont pleins de zèle et de dévouement (précaution oratoire à l’usage de tous ceux qui veulent leur nuire), ajoutoit : Mais ces honnêtes gens sont en si petit nombre, ils sont si peu de chose comme parti, qu’ils n’ont pas pu, le 20 mars, sauver le roi à Paris, ni défendre Madame à Bordeaux.

Eh, grand Dieu ! quels sont donc ceux qui emploient de tels raisonnements pour prouver la minorité des royalistes ? Ne seroient-ce point des hommes qui chercheroient une excuse à des événements qui les condamnent ? Ne seroient-ce point des administrateurs auteurs et fauteurs du merveilleux système qu’il faut gouverner dans les intérêts révolutionnaires, par conséquent ne placer que des amis de Buonaparte, que des élèves de la révolution ?

Quoi ! c’est vous qui refusiez de croire à tout ce qu’on vous dénonçoit ; qui traitiez d’alarmistes ceux qui osoient vous parler des dangers de la France ; qui n’ouvriez pas même les lettres qu’on vous écrivoit des départements ; qui n’avez pas pu garder un bras de mer avec toute la flotte de Toulon ; qui vous êtes montrés si pusillanimes au moment du danger, si incapables de prendre un parti, de suivre un plan, de concevoir une idée ; qui n’avez su que vous cacher en laissant 35 millions comptant à l’usurpateur, tant il vous sembloit difficile de trouver quelques chariots ! C’est vous qui reprochez aux royalistes écartés, désarmés par vous, de n’avoir pas pu sauver le roi ! Ah ! qu’il vaudroit mieux garder le silence que de vous exposer à vous faire dire que tous les torts viennent de vous, de vos funestes systèmes ! Si vous n’aviez pas mis des révolutionnaires dans toutes les places, si vous n’aviez pas éloigné les royalistes de tous les postes, l’usurpateur n’auroit pas réussi. Ce sont vos préfets révolutionnaires, vos commandants buonapartistes qui ont ouvert la France à leur maître. Ne lui aviez-vous pas ingénieusement envoyé des maréchaux de logis dans tout le midi, en semant sur son chemin ses créatures ? Il avoit raison de dire que ses aigles voleroient de clocher en clocher : il alloit de préfecture en préfecture coucher chaque soir, grâce à vos soins, chez un de ses amis. Et vous osez vous en prendre aux royalistes ! Qui ne sait que dans tout pays ce sont les autorités civiles et militaires qui font tout, parce qu’elles disposent de tout ; que la foule désarmée ne peut rien ? Où l’usurpateur a-t-il rencontré quelque résistance, si ce n’est là même où, par hasard, il s’est rencontré des hommes qui n’étoient pas dans les intérêts révolutionnaires ? Vos agents, ces habiles que vous aviez comblés de faveurs pour les attacher à la couronne, arrêtoient les royalistes, empêchoient les Marseillois de sortir de Marseille. Vous sied-il bien de mettre sur le compte de la prétendue foiblesse des sujets fidèles ce qui n’est que le fruit de la pauvreté de vos conceptions ? Abandonnez un moyen de défense aussi maladroit qu’imprudent, puisqu’au lieu de prouver la bonté de votre système il en démontre le vice.