De la monarchie selon la Charte/Chapitre I-9

Garnier frères (Œuvres complètes, tome 7p. 168).

CHAPITRE IX.
CE QUI RÉSULTE DE L’INITIATIVE LAISSÉE AUX CHAMBRES.

D’ailleurs l’initiative laissée aux chambres est manifestement dans les intérêts du roi : la couronne ne se charge alors que de la proposition des lois populaires, et laisse aux pairs et aux députés tout ce qu’il peut y avoir de rigoureux dans la législation. Ensuite, si la loi ne passe pas, le nom du roi ne s’est pas trouvé mêlé à des discussions où souvent le mouvement de la tribune fait sortir de la convenance. D’une autre part, les ministres ne viendront plus violenter votre conscience, en s’écriant : « C’est la proposition du roi, c’est sa volonté ; jamais il ne consentira à cet amendement. »

Enfin si les ministres sont habiles, l’initiative des chambres ne sera jamais que l’initiative ministérielle, car ils auront l’art de faire proposer ce qu’ils voudront. C’est l’avantage de l’anonyme pour un auteur : si l’ouvrage est bon, l’auteur le réclame après le succès ; s’il ne réussit pas, il le laisse à qui la critique veut le donner. Encore le ministre est-il mieux placé que l’auteur ; car, bonne ou mauvaise, la loi que ce ministre a chargé ses amis de proposer doit toujours passer aux chambres, à moins qu’il n’ait adopté le système de la minorité, si ingénieusement inventé dans la dernière session. Renoncer à la majorité, c’est vouloir marcher sans pieds, voler sans ailes ; c’est briser le grand ressort du gouvernement représentatif : je le montrerai plus loin.