De la génération des vers dans le corps de l’homme (1741)/Chapitre 07

Veuve Alix ; Lambert et Durand (Tome IIp. 421-444).


CHAPITRE VII.

De la sortie des Vers, & des prognostics qu’on en doit tirer.



Nous ne parlerons dans ce Chapitre, que de la sortie des Vers qui sont dans les intestins : ce qui regarde celle des autres étant peu considérable. Il y a plusieurs circonstances à examiner dans la sortie des Vers ; les unes concernent la personne, les autres le temps, les autres le lieu, les autres les excrémens, les autres les Vers mêmes.

Les circonstances de la personne sont : si elle est en santé ou malade, si elle a pris quelque médicament, ou fait quelque chose à quoi on puisse attribuer la sortie de ces Vers.

Celles du temps : si les Vers sortent dans le commencement, dans l’état, ou dans le déclin de la maladie.

Celles du lieu : s’ils sortent par haut ou par bas, & en cas que ce soit par haut, si c’est par le nez, ou par la bouche.

Celles des excrémens : si les Vers sortent mêlés dans les matieres, ou tout seuls ; & la qualité des déjections qui en ont ou précédé, ou accompagné, ou suivi la sortie.

Celles des Vers : s’ils sortent morts ou vivans, entiers ou rompus, enfermés dans quelque envelope, ou entièrement libres : fondus, ou dans leur forme naturelle, d’une couleur plûtôt que d’une autre, épais ou menus, en grande ou en petite quantité : toutes circonstances nécessaires à remarquer, & que nous allons examiner par ordre.


La Personne.

Si la personne est en santé, & que les Vers soient sortis par la force de quelque médicament, ou pris en dedans, ou appliqué en dehors, il y a lieu de juger que ce n’est point tant la chaleur naturelle toute seule, que le secours étranger qui les a chassés, & par conséquent que le corps dépourvu d’une chaleur naturelle suffisante, pour empêcher la corruption qui entretient ces insectes, est en danger de maladie, si l’on n’a soin de recourir aux évacuans & aux altérans. Si au contraire la personne n’a rien fait qui puisse avoir chassé les Vers, il en faut bien augurer, puisque c’est une marque que la nature a eu assez de force pour se débarrasser elle-même sans être aidée.

Si la personne est malade, & que les Vers sortent d’eux-mêmes, il faut avoir égard à la seconde circonstance, dont nous allons parler, qui est celle du temps.


Du Temps.

S’ils sortent sur le déclin de la maladie, le signe est bon, parce que les forces se rétablissant alors, il y a apparence qu’ils ne sortent qu’à cause de la chaleur naturelle qui s’augmente, & qui ne leur laisse plus assez de corruption pour s’entretenir. S’ils sortent dans le commencement de la maladie, le signe est mauvais, parce que la fermentation des humeurs n’étant pas encore faite, ils ne peuvent guère sortir qu’à cause de l’âcreté de la matiere, ainsi que l’observent la plupart des Médecins.

Levinus Lemnius[1] voulant rendre raison de ce signe, dit que les Vers connoissent par une certaine sagacité naturelle, la ruine prochaine du corps où ils sont, & que c’est pour cela qu’ils abandonnent la place. Il ajoute qu’ils sont en cela semblables aux Loirs & aux Souris, qui prévoyant, dit-il, que la maison où ils sont va tomber, l’abandonnent quelquefois plusieurs mois à l’avance. Sans mentir, Levinus Lemnius juge bien favorablement de la prudence & de la sagesse des Vers, de celle des Loirs, & de celle des Souris ; pour moi, qui ne sçaurois croire que ces animaux soient si intelligens, j’estime qu’il vaut mieux s’en tenir à la raison que nous avons apportée.


Du Lieu.

Dans une maladie le signe est meilleur quand ils sortent par bas, que quand ils sortent par haut, parce que d’ordinaire quand ils sortent par haut, cela vient de l’une de ces deux causes, ou de quelque obstruction considérable dans les gros intestins, laquelle empêche qu’ils ne prennent leur chemin par le ventre, ou de quelque obstruction, soit dans le meat cholidoque, soit dans le pore biliaire, laquelle empêche la bile, qui est si contraire aux Vers, de descendre dans le duodenum, & permet ainsi à ces mêmes Vers de remonter jusques dans l’estomac, & de passer de-là dans la bouche.

Les Vers ne remontent pas seulement des intestins dans la bouche, mais vont quelquefois pendant le sommeil jusques dans le nez lorsque la bouche est close, & sortent par les narrines[2] : ce qui ne doit pas surprendre, ni paroître d’un plus mauvais prognostic, que s’ils sortoient soient par la bouche, vû la communication qu’il y a du fond du palais avec le nez.

Quand la personne est en santé, il n’y a pas lieu de croire qu’il puisse y avoir de telles obstructions, puisque ces obstructions causent toujours de grandes incommodités, ainsi il est à juger que si les Vers sortent alors par haut, cela peut venir de ce qu’on aura été trop long-temps sans manger, ce qui oblige les Vers, malgré le fiel qui se décharge dans le duodénum, de remonter jusques dans l’estomac, pour y chercher à manger, & de sortir ensuite par sa bouche. Levinus Lemnius[3] dit avoir vu plusieurs fois des Vers remonter ainsi, & sortir par le nez ; mais il ajoute que ç’a toujours été avec danger dans les malades, & sans péril dans les personnes en santé.

Quelquefois les Vers sortent par haut, attirés dans l’estomac par les alimens qu’ils y trouvent, & un exemple, que nous rapporterons plus bas d’une Religieuse, qui en vomissoit presque tous les jours quand l’heure de ses repas approchoit, en est une marque assez évidente. On lit dans le Voyage de Rassilly, qu’en Afrique on voit des Serpens, qui aux heures des repas viennent dans les maisons manger ce qui tombe sous la table, & s’en retournent après sans faire mal à personne ; c’est ainsi que les Vers viennent quelquefois dans l’estomac chercher à ces mêmes heures de quoi manger. Quant au vomissement qui arrive alors, il est facile de voir qu’il vient du picotement que ces animaux affamés font à cette partie.


Les Déjections.

Il vaut toûjours mieux que les Vers sortent avec les déjections que tout seuls, lorsque c’est dans le commencement, ou dans l’état de la maladie. La raison en est, que quand ils sortent avec les excrémens, il est à croire que ce n’est pas par l’âcreté seule des humeurs, mais par le mouvement même des matieres qui les entraînent, au lieu que quand ils sortent seuls, on ne peut guère soupçonner autre chose que la malignité de l’humeur ; il n’en va pas de même quand c’est dans le déclin de la maladie ; il n’en faut tirer alors, selon Hippocrate, aucun mauvais augure[4].

Il arrive quelquefois qu’après avoir jetté des Vers par haut ou par bas, on vomit une matiere noire semblable à de l’encre, ce signe est mortel, sur-tout au commencement de la maladie. Quand les Vers sortent mêlés dans les excrémens, & que ces excrémens qui les accompagnent sont jaunes, le signe est bon, soit dans la santé, soit dans la maladie, pourvu toutefois qu’en maladie, ce ne soit pas au commencement. Ce qui fait que ce signe est bon, c’est que la jauneur des matieres marque que c’est la bile qui a chassé les Vers, & par conséquent que cette humeur étant dans sa force naturelle, peut réparer le vice des autres. Je dis la même chose des matieres, qui précédent la sortie des Vers.

Quand les Vers sortent seuls, dans une maladie, & que c’est par l’effort de quelque médicament, le signe est bon ; nous remarquerons que c’est ainsi qu’est sorti le Solium, représenté dans la Planche 1. Il vint seul & sans aucun mêlange d’excrément.


Les Vers.

Quant aux circonstances qui regardent les Vers mêmes, la premiere que nous avons rapportée, est s’ils sortent morts ou vivans, & c’est par celle-là que nous commencerons.


Morts ou vifs.

On ne sçauroit tirer de cette circonstance aucun prognostic, sans avoir égard à celles qui regardent l’état de la personne, & en cas que la personne soit malade, à celles qui regardent le temps de la maladie. Voici donc ce qui est à observer. Si la personne se porte bien, il n’importe que les Vers soient morts ou vivans, parce qu’il est à juger, s’ils sortent morts, que c’est faute d’avoir trouvé assez de corruption pour vivre ; & s’ils sortent vivans, que c’est pour chercher ailleurs la nourriture corrompue qu’ils ne trouvent pas. Si la personne est malade, il faut examiner les divers temps de la maladie, & sçavoir que dans le déclin du mal, les Vers peuvent sortir morts ou vivans sans rien présager de mauvais, & cela pour les mêmes raisons que lorsqu’ils sortent du corps de ceux qui se portent bien ; mais dans le commencement de la maladie, ou dans l’état, il en va tout autrement ; car alors c’est toûjours un plus mauvais signe de les voir sortir morts que vivans, y ayant apparence, que c’est plûtôt le venin de la maladie qui les a tués, que la force de la chaleur naturelle qui les a chassés.


Entiers ou rompus.

Il n’arrive guère qu’aux Vers plats de sortir rompus, & même ils ne viennent presque jamais autrement ; mais pourvu que la tête ne reste pas dans le corps, il n’en faut point tirer de mauvais augure, parce que ce qui est resté meurt bientôt, & est ensuite entraîné par les matieres, ou par quelque léger purgatif, au lieu que quand la tête demeure, le Ver reprend de nouvelles forces, & croît toûjours. J’ai quelques-uns de ces Vers, où l’on voit manifestement par certaines marques, qu’ils ont été rompus, & qu’ils ont recrus à peu près comme les plantes qui repoussent à côté de l’endroit où on les a coupées.


Enfermés dans des envelopes.

S’ils sortent enfermés dans une envelope, c’est un bon prognostic, parce que d’ordinaire ils se trouvent tous ensemble dans ces envelopes, sans qu’il en reste aucun autre dans le corps : de maniere que quand ils sortent ainsi sur le déclin d’une maladie, on en doit bien augurer. Aussi remarque-t’on que les Malades qui rendent de ces poches de Vers, pourvu que ce ne soit pas dans le commencement de la maladie, se rétablissent quelquefois plus promptement que ceux qui les rendent seuls & séparés. Un enfant de quatre ans réduit à l’agonie, & dès auparavant abandonné des Médecins[5], rendit tout à coup par les selles, sans qu’on s’y attendît, une vessie de la grosseur d’une bale de Jeu de Paume, dans laquelle se trouvèrent des milliers de Vers ; après quoi il se rétablit promptement. Il arrive quelquefois qu’au lieu de trouver plusieurs Vers dans ces envelopes, on n’en trouve qu’un, mais le signe n’en est pas toûjours plus mauvais pour cela, vû qu’il arrive souvent qu’un seul Ver produit d’abord cette envelope ; & qu’après y avoir été enfermé seul quelque temps, il y engendre ensuite d’autres Vers, qui font cette fourmilliere qu’on y découvre : ensorte que quand il ne s’y en trouve qu’un, cela peut souvent venir de ce que le Ver n’y a pas été enfermé assez long temps, pour y en engendrer d’autres. Benivenius[6] dit, qu’un Médecin étant tourmenté d’une grande douleur d’estomac, & faisant tâter par un de les Confreres, l’endroit de sa douleur, rendit par le vomissement un morceau de chair fait comme une petite boule, dans lequel se trouva enfermé un Ver, comme une graine dans sa gousse, & dont la sortie lui procura une prompte guérison. Gabucinus[7] rapporte un exemple semblable d’une Dame de qualité.

Ces vessies sortent quelquefois sans renfermer des Vers, ce qui est un mauvais signe, à moins que le Malade n’ait rendu des Vers auparavant, ou n’ait pris quelque médicament qui puisse faire juger que si l’on n’a pas remarqué des Vers dans ses déjections, c’est qu’ils ont été tués dans le corps par l’action du médicament, & sont ensuite sortis en colle, & hors d’état d’être remarqués ; car il faut observer ici que quand ces corps membraneux, que le vulgaire appelle poches à Vers, sortent seuls ensuite d’un médicament propre contre les Vers, il est à juger que ces corps membraneux se sont rompus & déchirés par l’action du remede ; que les Vers contenus dedans, étant fondus par la force du même médicament, sont sortis par les selles sans avoir figure de Vers ; mais quand ces membranes sortent d’elles-mêmes sans être détachées par aucun médicament, il est à craindre que les Vers mêmes n’ayent percé la membrane, ne se soient répandus dans la capacité des intestins, & que cette membrane ne se soit séparée d’elle-même à force de vieillir, comme on voit de vieilles peaux se lever quelquefois de dessus les mains. Or, je dis qu’alors, le prognostic est mauvais, parce que c’est une marque que les Vers se sont engagés ailleurs dans les intestins ; & qu’ayant eu assez de force, pour percer la membrane qui les renfermoit, ils peuvent faire des érosions dangereuses dans les parties où ils sont allés.

Ces corps membraneux sont tissus par les Vers comme la toile de l’Araignée est tissue par l’Araignée, comme la coque du Ver à soie, est tissue par le Ver à soie, & comme les envelopes, dans lesquelles on trouve les petits des Chenilles, sont tissues par les Chenilles mêmes. Ces membranes, comme le remarque Hollier[8], tiennent quelquefois toute l’étendue des intestins ; en sorte qu’elles couvrent les extrémités des veines lactées, empêchent par-là le chyle d’entrer dans ces vaisseaux, & par conséquent privent le corps de sa nourriture, ce qui est souvent cause de la maigreur extraordinaire, où tombent ceux qui ont des Vers ; de maniere que quand ces corps membraneux sortent, le Malade en retire toujours cet avantage, que les veines lactées n’étant pas recouvertes, la distribution du chyle n’est plus empêchée.

Quelquefois ces membranes s’engendrent sans qu’il y ait des Vers dans les intestins ; alors c’est toûjours un bon signe qu’elles sortent de quelque manière que cela se fasse, soit d’elles-mêmes, soit par l’action de quelque purgatif. Fernel[9] parle d’un Ambassadeur de Charles-Quint, qui après avoir été incommodé pendant six ans d’une tumeur, qui alloit depuis l’hypocondre droit, jusqu’à l’hypocondre gauche, & avoir tenté inutilement toutes sortes de remedes, rendit enfin, par le moyen d’un fort lavement, un corps dur & ferme de la longueur d’un pied, cave dans le milieu, que les Assistans prirent d’abord pour une portion des intestins, mais que le prompt soulagement du Malade, fit voir n’être qu’un corps étranger. Le même lavement fut réitéré, & le Malade rendit un autre corps membraneux comme le premier, après quoi il recouvra la santé. Paul Pereda[10] assure avoir vu une semblable membrane, laquelle avoit une aulne de long, & étoit d’une cavité à y mettre la main : j’en conserve une qui a environ un tiers d’aulne, laquelle est faite comme un boyau, & a une cavité à y mettre le pouce. Elle a été rendue sans douleur, par M.** demeurant chez M. de Ferrari, Avocat au Conseil, rue des Noyers lequel m’envoya querir sur le champ. Celui qui l’a rendue se porte bien, & ce n’est pas la seule qui soit sortie de son corps. Ceux qui ont lu la vie de Jean Heurnius, sçavent ce qui y est rapporté de Juste Lipse, qui après une médecine fut délivré d’une longue & fâcheuse maladie, par la sortie d’un corps membraneux fait comme un intestin, & qui lui donna d’abord tant de frayeur, que sans Heurnius qui le rassura, il ne croyoit pas devoir compter sur un moment de vie.

Il ne faut pas oublier de remarquer qu’il arrive aussi quelquefois que ces membranes sont une portion des intestins rongés par quelque humeur âcre ; signe très-dangereux dans les dyssenteries, & presque toujours mortel. Je conserve dans de l’eau-de-vie une membrane de cette sorte, qui a été rendue dans une dyssenterie invétérée, sans que le Malade qui l’a rendue ait pu échaper par aucun remede.


Fondus ou entiers.

Les Vers du corps se fondent quelquefois de telle maniere après être sortis, qu’il n’en reste pas la moindre apparence ; ce qui est souvent cause, selon la remarque de Monardus[11], que les Gardes voulant montrer aux Médecins les Vers qu’elles ont remarqués dans les déjections de leurs Malades, ne trouvent plus rien quand elles les cherchent. Lorsque cela arrive, c’est une marque que les Vers ne sont pas d’une substance forte, & qu’ainsi ceux qui restent dans le corps, céderont aisément à l’action des médicamens.

Quelquefois ils peuvent se fondre dans le corps même par le moyen de certains remedes, & sortir ensuite tout en colle & en glaires. Que les Vers se puissent ainsi fondre, l’expérience le fait voir, & voici un fait qui ne permet pas d’en douter. M. de Caën, Docteur de la Faculté de Médecine de Paris, m’a raconté qu’une Religieuse, qui presque tous les jours, un peu avant les repas, vomissoit une grande quantité de Vers, le vint un jour consulter aux Ecoles de Médecine, où il étoit de visite avec feu M. Perreau de l’Académie des Sciences, Docteur de la même Faculté ; que comme elle y fut arrivée, elle vomit en leur présence beaucoup de Vers : que M. Perreau en emporta quelques-uns dans une boëte, qu’il mit dans sa poche ; que quand il fut arrivé chez lui, il trouva que ces Vers, réveillés par la chaleur de la poche, étoient plus vifs qu’auparavant : qu’alors il essaya divers remedes sur ces insectes, pour voir ce qui les pourroit tuer le plus promptement ; & qu’ayant jetté de la glace sur quelques-uns, ceux-là coulerent aussitôt en eaux, & disparurent presque dans le moment. Il rapporta ce fait dans l’Académie des Sciences, comme une chose digne d’être remarquée, & M. Duhamel, membre célébre de cette Académie, m’a dit avoir été présent à ce récit.


La couleur.

Les Vers sortent ou rouges, ou blancs, ou jaunes, ou livides ; les rouges sont d’un mauvais prognostic ; parce que cette couleur dénote qu’ils se sont nourris de sang, & qu’ainsi ils ont fait érosion à quelque portion des intestins ; ce qui ne sçauroit avoir que des suites fâcheuses. Les blancs ne présagent ni bien ni mal, les jaunes & les livides, sont d’un mauvais augure ; car il faut remarquer que les Vers se teignent ordinairement de la couleur des choses, dont ils se nourrissent.

Les Chenilles qui viennent sur l’écorce des arbres, sont grises ; celles qui mangent les herbes sont vertes ; celles qui naissent sur les fleurs sont de diverses couleurs, selon la couleur des fleurs, où elles ont pris naissance. Il en est ainsi des Vers du corps ; ceux qui se nourrissent de sang sont rouges ; ceux qui se nourrissent de chyle ou de pituite sont blancs ; ceux qui se nourrissent de bile sont jaunes & livides. Or, comme la bile est une humeur que les Vers fuyent, & que cette bile est un baume, qui empêche toutes les autres humeurs de se corrompre, il est impossible, que les Vers se nourrissant de bile, ce baume ne soit corrompu & affadi ; & qu’ainsi le Malade n’ait tout à craindre, puisqu’il n’y a point de corruption plus dangereuse & plus difficile à corriger, que celles des choses, qui servent à conserver les autres.


Minces ou épais,

S’ils sont fort gros, c’est une marque qu’ils n’ont pas manqué de nourriture & qu’ainsi la corruption ayant été fort grande, il est difficile qu’elle ne le soit encore & que le Malade n’en reçoive du dommage, si on n’a pas soin d’évacuer promptement.

La grosseur des Vers, vient aussi très-souvent de ce qu’ils en contiennent d’autres dans le ventre : ce qui se peut connoître en les ouvrant, ou en les écrasant. Quand cela est, le signe est encore plus mauvais, parce qu’il dénote une plus grande pourriture ; aussi la plûpart de ceux qui rendent de ces sortes de Vers meurent peu après.

Amatus Lusitanus[12] parle d’une petite fille, qui rendit un Ver long & rond que l’on écrasa avec le pied, & du ventre duquel sortirent aussi-tôt plusieurs autres Vers ; il ajoûte que la fille ne vécut pas long-temps après.

Panarolus[13] rapporte deux exemples de la même nature, l’un d’un jeune homme de seize ans, & l’autre d’un jeune homme de trente ; il dit que le premier devint hectique, & mourut après avoir rendu quatre mois auparavant, un Ver, dans le ventre duquel s’en trouva un autre enfermé : que le second tomba dans une fievre tierce, & mourut au bout de dix-sept jours, après avoir été délivré d’un semblable Ver. Nous avons rapporté dans le Chapitre III. Art. I. quelques exemples de Vers ainsi remplis d’autres Vers.


En grande, ou en petite quantité.

Quand ils sortent en grand nombre, le signe est bon & mauvais, tout ensemble ; il est bon, en ce que c’est toûjours autant de corruption de sortie, & mauvais en ce que ce grand nombre de Vers ne peut avoir été dans le corps, sans que quelques-uns ayent fait érosion aux intestins : je dis, ayent fait érosion, parce que quand les Vers sont en si grand nombre, ils s’affament les uns les autres, & que les plus affamés ne manquent guère de s’en prendre au lieu qui les renferme.

Après avoir parlé des moyens de se garantir des Vers, & avoir rapporté les prognostics qu’on peut tirer de la sortie de ces Animaux, il nous reste à marquer les remedes propres pour s’en délivrer. Nous observerons qu’entre ceux qu’on a coûtume d’employer pour cela, il y en a de bons, & de dangereux ; c’est pourquoi nous ferons un Chapitre exprès des remedes qu’il faut éviter, & un autre de ceux que l’on peut pratiquer avec succès.




  1. Levin. Lemn. de occultis naturæ mirac. lib. 1. cap. 22.
  2. Fernel. de morb. intestin. de Lumbr.
  3. Levin. Lemn. lib. 1. cap. 22. de occult. naturæ mirac.
  4. Hipp. Prænot. art. 10.
  5. Amat. Lusit. cent. 1. cur. 40.
  6. Beniv. cap. 88. de abditis.
  7. Gabuc. Comment. de Lumbr. Cap. 13.
  8. Hollier, de Morb. intern. Lib. 1. Cap. 54.
  9. Fernel de Morb. intestin. in initio.
  10. Petr. Paul Pereda, Schol. ad method. curand. Joann. Mich. Paschal. Lib. 7. c. 15.
  11. Monard. Epist. Lib. 4.
  12. Amat. Lusit. cent. 5. curat. 46.
  13. Panar. Pentecost. 5. Observ. 50.