De la génération des vers dans le corps de l’homme (1700)/Conclusion


Conclusion de l’ouvrage.



VOila ce que je m’étois proposé d’écrire sur les vers qui s’engendrent dans le corps humain ; j’aurois pû rapporter un grand nombre de remedes qui sont répandus dans la plûpart des Livres de Medecine, & remplir ce Traité de plusieurs formules differentes, que je n’y ay point mises ; mais j’ay crû qu’il valloit mieux rapporter peu de remedes, & en rapporter de bons, que de faire un amas de receptes, qui auroient rendu ce Livre plus gros sans le rendre meilleur. D’ailleurs, comme le remarque si bien M. Hecquet dans une These, qu’on ne sçauroit trop lire[1], ce n’est pas la quantité des remedes qui fait la richesse de la Medecine, il vaut mieux s’attacher au choix qu’à l’abondance des choses ; & l’on ne peut assez loüer la sage simplicité d’Hippocrate, qui avec un petit nombre de remedes qu’il connoissoit à fond, ne trompoit jamais l’attente de ses malades, & n’étoit jamais trompé par les accidens des maladies[2].

Les remedes que j’ay rapportez sont seurs, & la connoissance que j’ay de leur vertu, n’est point l’effet de mon raisonnement, mais de mes observations ; ainsi j’espere que ceux qui les pratiqueront en auront un succés heureux. Je dis que cette connoissance n’est point le fruit de mon raisonnement, parce qu’en effet elle ne l’est pas, & que de plus, à bien prendre les choses, elle ne sçauroit l’être ; car en fait de remedes nous n’avons pas d’autre chemin à suivre, que la voye des observations, & vouloir découvrir par la raison seule la vertu des medicamens, c’est ne vouloir jamais trouver ce qu'on cherche. Attachons-nous donc à l’experience, & laissons ces chicanes & ces vaines subtilitez, qui, selon la pensée de Quintilien[3] nous rendent semblables à ces petits insectes, qui ne se plaisent que dans les brossailles ; évitons cette Medecine Scholastique, qui n’est bonne que pour la dispute, & faisons nous une Medecine positive, qui nous puisse servir dans la pratique. Par une Medecine positive, je n’entends pas une positive d’autoritez, laquelle consiste à sçavoir les sentimens de divers Auteurs sur un même point, comme est la positive de Theologie : j’entends une positive de faits, laquelle nous apprenne ce qui a réüssi le plus souvent dans les mêmes circonstances, & je dis que cette Medecine positive, reglée par la methode, est la véritable Medecine.

La Medecine Scholastique nous rend habiles à la repartie, pour nous tirer adroitement d’un point de controverse, & l’autre nous rend sensez & prudens, pour ne rien ordonner que de convenable : l’une fait des entêtez & des opiniâtres, l’autre des Medecins de bonne foy, qui ne cherchent qu’à s’instruire & à être utiles. L’une ne s’applique qu’à forger des systemes, & l’autre s’étudie principalement à regler sa conduite : l’une cherche des détours, pour se défendre, & l’autre des remedes, pour guerir les maladies : l’une consulte ses idées, & l’autre consulte la ration & l’experience : l’une fait des pedans, & l’autre fait des Médecins.

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  1. An remediorum curta supellex ? These soutenue sous la Présidence de M. Hecquet aux Ecoles de Medecine de Paris le 6. de Fevrier de l’année 1698.
  2. Interea abunde nobis erit aurea divini senis simplicitas. Illius amamus pauperiem, qui parvo contentus, nec laborantium vota fallere, nec morborum insidiis falli potuit. Illius adeuntes fortunam, curæ rerum potiùs insistimus quàm copiæ. In eadem Thesi, ad calcem.
  3. Reperias quosdam in disputando mire callidos, cum ab illâ cavillatione dicesserint, non magis sufficere in aliquo graviore actu, quam parva quædam animalia quæ in angustiis mobilia campo deprehenduntur. Quint. inst. orator. lib. 12. cap. 2.