De la génération des vers dans le corps de l’homme (1700)/Chapitre 09


Chapitre IX.

Des remedes propres contre toutes sortes de Vers qui s’engendrent dans le corps humain.



COmme les Vers du corps humain ne naissent pas tous dans les intestins, ainsi que nous l’avons observé, mais que plusieurs s’engendrent dans le foye, plusieurs dans la tête, plusieurs dans le cœur, &c. Nous partagerons ce Chapitre en deux Articles. Dans le premier, nous marquerons les remedes propres contre les vers engendrez hors des intestins ; & dans le second, les remedes propres contre ceux des intestins.


Article Premier.

Remedes contre les Vers qui naissent hors des intestins.



LEs Vers, qui s’engendrent hors des intestins, sont, comme nous l’avons vû, les Encephales, les Rinaires, les Auriculaires, les Dentaires, les Pulmonaires, les Epatiques, les Cardiaires, les Sanguins, les Vesiculaires, les Spermatiques, les Elcophages, les Cutanées, les Umbilicaux, & les Veneriens. Nous allons rapporter par ordre les remedes propres contre tous ces vers.


Contre les Encephales.

Les Encephales, qui s’engendrent dans le cerveau, quelquefois sur les meninges, & quelquefois sous la pie mere, sont des vers dont il est tres-difficile de délivrer les malades, veu qu’ils ne peuvent sortir par le nez, qui est la seule issuë qu’ils pourroient avoir, s’ils en avoient quelqu’une ; d’un autre côté, si par l’effet de quelque remede ils viennent à mourir dans la tête, ils n’y peuvent causer qu’une corruption capable de tuer les malades ; ainsi de quelque maniere que l’on considere la chose, ce mal est d’une difficile guérison, cependant il n’est pas toûjours incurable, & un des meilleurs remedes contre ces vers est le vin de Mauves, dans lequel ont boüilly des raifforts ; on en fait boire au malade une suffisante quantité à jeun. Nous avons parlé de ce remede dans l’Article premier du Chapitre troisiéme[1]. De sçavoir comment il peut tuer le ver, sans que la mort de cet animal cause aucune corruption dans le cerveau, c’est ce qu’il est difficile d’expliquer.


Contre les Rinaires.

Les Rinaires, qui sont ceux qui s’engendrent dans la racine du nez, sont aisément chassez par des Errhines, le suc des feüilles de betoine, tiré par le nez, est un bon remede pour cela, aussi bien que la poudre de betoine.


Contre les Auriculaires.

Quant aux vers des oreilles, il n’y a rien de meilleur, pour les tuer & pour les chasser, que le jus d’oignon, ou quelques goutes de vieille urine mêlée de miel, ou, comme l’enseigne Dioscoride, Galien & Aetius, un peu de suc Calamenthe. Je me suis servy de ce dernier avec succès dans plusieurs occasions ; le lait de femme rayé dans l’oreille est encore tres-bon pour les faire sortir ; les fumées des choses ameres, reçûës par le nez & par la bouche, sont aussi de bons secours : je l’ay éprouvé avec succés en quelques malades. Salmult[2] rapporte que ces fumées firent sortir un jour à un malade onze vers par les oreilles. On peut faire des parfums avec la semence de Jusquiame & la Cire reduites en petites bougies, qui étant jettées sur les charbons, rendent une fumée excellente contre ces vers ; on la reçoît par les oreilles. Ce remede est dans Etmuler.


Contre les Dentaires.

Le meilleur remede contre les vers des dents, est de tenir les dents propres, de se les laver tous les matins, & aprés les repas ; & s’il y a des croutes sur les dents d’ôter ces écailles, ou avec un fer, ou avec quelques goutes d’esprit de sel dans un peu d’eau. La racine de plantain mâchée est encore un bon remede. Quelques Auteurs conseillent de brûler des graines de Jusquiame, & d’en faire aller la fumée aux dents, & disent qu’on void sortir aussitôt de la bouche, des vers, que cette fumée emporte en l’air ; mais ce fait est une pure fable. Forestus[3] dit que ces prétendus vers ne sont qu’une apparence de vers, laquelle se void toûjours dans la fumée de la graine de jusquiame. J’ay voulu en faire l’essay, & je n’ay point vû cette apparence de vers. Forestus a sans doute rapporté ce fait sans l’avoir éprouvé ; mais ce qui me surprend, est qu’un autre Auteur assûre en avoir fait l’experience, & avoir vû effectivement ces apparences de vers. Voicy comme il s’explique : « Souvent les mains demangent fort à cause de petits cirons & tignes qui s’y nourrissent, & causent ce prurit. Pour les faire choir, j’ai vû prendre de la graine de cette herbe, que pour l’amour de cela ils nomment tignée, c’est la hanebane ou jusquiame, qui a de petits godets pleins de petits grains, & on en usoit de cette façon. Ayant des charbons allumez en un réchaud, & tout auprés un bassin plein d’eau, on jettoit cette graine sur le feu, & on mettoit les mains à la fumée, puis aprés que l’on les avoit tenuës assez à cette fumée, on les trempoit en l’eau froide, & incontinent paroissoient en la superficie de l’eau une infinité de vermisseaux, & disoit-on affirmativement que ces Vers étoient les tignes qui étoient sorties de la peau. Quand j’eus bien considéré cet effet, & vû de prés les mains, où il n’y avoit aucune apparence que cela fût avenu, je fis tant que je découvris la finesse. Je pris une petite piece de bois, que je mis à cette fumée de jusquiame, puis je la trempay en l’eau, & il en sortit aussi des vers tout de même que l’autre fois : j’y présentay aussi une pantoufle, une piece de fer & plusieurs autres choses, qui toutes enfin rendoient le même effet ; car ayant mis ma main, où je ne sentois aucune incommodité, je vis qu’il en sortoit autant que de celle de ceux qui étoient tourmentés de démangeaison : je pris resolution que cecy étoit une imposture, & cependant je concluds que ces grains étant en fumée, il y avoit en icelle une humeur crasse prête à se congeler, qui se gêloit à la froideur de l’eau, & qu’ainsi il sembloit que ce fussent tignes. »

J’ay fait l’experience de cela, & elle ne m’a nullement réüssi ; j’ay eu beau presenter à cette fumée toutes sortes de choses, & puis les mettre dans un bassin d’eau, il n’y a paru dans l’eau aucune apparence de vers. J’ay voulu essayer la chose sur les mains d’une personne qui avoit la galle, & rien n’a paru non plus. Voila comme les Auteurs sont remplis de fables.

Les remedes que j’ay rapportez sont inutiles dans les grandes douleurs de dents, veu que les vers des dents ne causent qu’une douleur sourde, assez legere, accompagnée de démangeaison, comme nous l’avons remarqué ailleurs, ainsi il faut dans les grands maux de dents recourir à d’autres moyens, plusieurs se les font arracher, pour se délivrer de ces douleurs, mais il ne faut recourir à ce remede que lorsque les dents branlent d’elles-mêmes ; c’est pour ce sujet, à ce que remarque Erasistrate, que dans le Temple d’Apollon étoient suspenduës des pincettes de plomb à arracher les dents, afin de nous marquer par-là, dit-il, que lorsqu’on les veut enlever, il faut qu’elles se puissent ôter sans effort.


Contre les Pulmonaires.

Les vers, qui s’engendrent dans la poitrine, & qui causent des toux violentes, ainsi que nous l’avons observé ailleurs, sont tres-difficiles à chasser ; il y a un remede cependant que divers Medecins ont éprouvé heureusement, pour les faire sortir par le cracher ; c’est de donner au malade du suc de marrube mêlé avec un peu de miel, & de lui faire succer un peu d’oxymel scyllitique en forme de looch.


Contre les Epatiques.

Il n’y a rien de meilleur contre les vers du foye, que de prendre plusieurs matins de suite dans un boüillon douze grains de poudre de cloportes.


Contre les Cardiaires.

Contre les vers du cœur faites boire du suc d’ail, de raiffort, & de cresson, ou bien prenez racine de gentiane & de pivoine de chacune deux gros, myrrhe un gros, mêlez le tout en poudre subtile, & mettez-en une pincée dans une goute d’eau, & frottez de cette eau les lévres du malade plusieurs matins de suite. Hebenstreit dans son Traité de la Peste, dit que l’ail tout seul est le plus prompt de tous les remedes contre cette maladie, & il rapporte là-dessus une experience assez remarquable. Un grand Seigneur, dit-il, étoit tourmenté de plusieurs maux qu’on attribuoit au cœur, & comme il ne recevoit aucun soûlagement, un jeune homme, qui étudioit en Medecine, & qui étoit connu du Medecin ordinaire, étant venu, dit qu’il se souvenoit d’avoir lû qu’il y avoit un genre de ver, qui se trouvoit quelquefois au cœur, & contre lequel la plûpart des remedes étoient inutiles excepté l’ail, que ce Seigneur pouvoit bien avoir un ver semblable, & qu’on devoit tenter ce remede, le malade ne tint nul compte de l’avis d’un jeune homme sans experience ; il s’opiniâtra à vouloir être traité à l’ordinaire, & il mourut ; on l’ouvrit, & on lui trouva dans le cœur un ver tout blanc, qui avoit une tête longue dure comme de la corne ; on prit le ver tout vivant, & on le mit sur une table au milieu d’un cercle, qu’on décrivit avec du suc d’ail. Le ver commença à se traîner de côté & d’autre, s’éloignant toûjours de la circonference du cercle, & enfin chassé par l’odeur de l’ail, se retira au milieu du rond, où il mourut par la force de cette odeur.


Contre les Sanguins.

Rien n’est meilleur contre les vers, qui s’engendrent dans le sang, que le jus de cerfeüil ; on en peut prendre un demi verre trois fois par jour pendant une Semaine, le matin à jeun, l’après midy deux heures après le dîné, & le soir un peu avant que de se coucher.


Contre les Vesiculaires.

Le Sel vegetable est bon contre les vers qui sont dans les reins & dans la vessie ; on en peut prendre un demy gros le matin dans un boüillon.


Contre les Elcophages.

Le suc de Calamenthe y est bon, & l’huile d’amendes ameres.


Contre les Cutanées.

Les Cutanées, comme nous avons vû, sont les Crinons, les Cirons, les Bouviers, les Soyes & les Toms.

Il n’y a pas de meilleur remede contre les Crinons, que de baigner le malade dans de l’eau tiede, puis de le frotter de miel auprés du feu, & de passer ensuite sur le corps un linge un peu rude.

Pour faire sortir les Crinons, il faut laver les pustules avec de l’eau où l’on aura mis du fiel de bœuf, ou bien les bassiner avec ce qui suit. Prenez six dragmes d’eau de millepertuis, une demie dragme de miel commun, & une dragme de poivre, mêlez le tout ensemble.

Il est à propos quelquefois, pour se défaire des Cirons, d’en venir aux remedes intérieurs, & cela pour corriger l’acidité & la viscosité du sang, & des autres liqueurs nourricieres, laquelle entretient ordinairement ces insectes. Ces remedes sont, de mettre dans son vin un peu de tartre soluble, avec un peu d’oxymel scillitique ; de prendre quelquefois dans du vin d’Espagne, ou dans de l’hydromel, un demy gros de la composition suivante : Deux dragmes d’élixir de vie, une dragme d’extrait d’absynthe, une dragme d’yeux d’Ecrevisse, sept à huit goutes d’huile de sassafras, remuer le tout jusqu’à ce qu’il soit bien mêlé.


Contre les Bouviers.

Il faut employer les mêmes remedes qui conviennent contre les Cirons. Quant aux Soyes & aux Toms, j’ai rapporté dans le Chapitre troisiéme par quel moyen on s’en guérit.


Contre les Umbilicaux.

Voyez la page 72. Chapitre III.

Contre les Vénériens.

L’Aquila alba, est un excellent remede contre ces vers ; la doze est depuis six jusqu’à trente grains en pillules. Nous avons remarqué dans le Chapitre IV. Article premier, comme le Mercure n’est peut-être si efficace contre les maux vénériens, qu’à cause de la vertu qu’il a contre les vers.


Contre les Spermatiques.

Quant aux Spermatiques, je ne proposeray aucun remede contre ces vers, puisque, comme nous l’avons remarqué, ils ne sont point une maladie.

J’ay dit dans le Chapitre second, que le Solium, dont nous avons donné la figure, pouvoit être entré dans le corps avec le sang du Pere dés le tems de la conception, & j’ay apporté pour raison, que l’humeur Spermatique de l’homme est toute remplie de vers : cela semble combattre ce que je dis icy, sçavoir que les vers Spermatiques ne sont pas une maladie ; mais j’avertis que quand j’ay parlé ainsi dans le Chapitre second, j’ay prétendu supposer qu’avec ces vers Spermatiques, il s’en pouvoit trouver quelques-uns d’une autre espece, comme on void des animaux de differentes sortes naître & se nourrir sur d’autres animaux ; & aprés tout il n’y a presque point d’animal, pour petit qu’il soit, qu’il n’en ait d’autres sur luy, ainsi que le microscope le fait voir.


Article II.

Remedes contre les Vers des intestins.



JE ne m’attacheray point icy à copier personne, je diray seulement ce qui m’a réüssi, sans me mettre en peine si d’autres l’ont écrit ou non. Je commenceray par les remedes contre les vers longs & ronds, je viendray ensuite à ceux des ascarides, & je finiray par ceux du Solium.

Il y a des remedes qui tuent les vers sans les chasser, & d’autres qui les tuent, & qui les chassent en même tems. Des premiers les uns se prennent en dedans, & les autres s’appliquent en dehors. Ceux qui se prennent en dedans sont, le vin blanc, la biere, le verjus, le pourpier, la graine de pourpier, celle de chou, de citron, l’écorce d’orange amere, l’ail, les oignons, la poudre de racine de gentiane, l’eau dans laquelle on a fait boüillir legerement de la même racine, la coraline, la rasure de corne de cerf & d’yvoire, la corne de cerf brûlée, les trochisques de corail & de corne de Cerf, le beurre, l’huile, la moutarde, la graine de tanacet dans un peu de syrop violat, le bol d’armenie, l’eau à la glace, &c.

On peut prendre l’une de ces choses, ou quelques-unes ensemble, comme graines de citron & de pourpier de chacune trois gros ; rasure de corne de cerf & d’yvoire, de chacun un scrupule ; eau de pourpier un petit verre, boire cela le matin à jeun.

Ou bien.

Graines de chardon, de citron, d’ozeille, de pourpier, de coriandre préparée, de chacunes un gros. Poudre de diamargaritum froid un demi gros, rasure d’yvoire & de corne de cerf de chacun demi scrupule, sucre rosat une once ; & s’il y a un cours de ventre qu’il soit à propos de moderer, corail & poudre de roses, de chacun un demi gros, mêler le tout en poudre subtile, & en faire une opiat avec de l’oxysaccharum, & de la conserve de roses & de chicorée.

Le jus de plantain, la vieille theriaque, les amandes ameres, le suc de grenade mêlé avec de l’huile d’olives, sont encore de bons remedes. L’esprit de nitre, celuy de souphre, l’esprit de sel dulcifié réüssissent heureusement, on en peut prendre quatre ou cinq goutes des uns ou des autres dans un peu d’eau commune, évitant de mêler ces esprits ensemble. L’huile de bois de geniévre pris à jeun, est très bon contre les vers, celle de bois de coudrier est un remede certain, on en donne quatre ou cinq goutes dans un peu de vin, & davantage, si c’est pour des personnes avancées en âge.

Quand les enfans ont de la fiévre, voicy un julep qu’on leur peut donner pour tuer leurs vers, eaux de pourpier & de chicorée, de chacun deux onces, confection d’hyacynthe un scrupule, poudre coraline autant, corail préparé demi scrupule, syrop de limon demi once, mêler le tour, & le donner à boire.

Quand la fiévre est maligne, & qu’il y a lieu de craindre qu’il n’y ait des vers, comme cela arrive d’ordinaire, & comme l’experience me l’a fait voir dans les dernieres fiévres malignes qui ont couru, il faut faire ce qui suit : Prendre une suffisante quantité d’eau de scorsonaire, de scabieuse & de pourpier, six gros de syrop de limon, demi scrupule de poudre de vipere, & autant de poudre coraline, demi gros de sel de prunelle, un scrupule de confection d’hyacynthe, & faire de tout cela un julep.

Si avec les vers & la fiévre il y a convulsion & vomissement, il faut faire le remede suivant.

Prendre quatre onces d’eau de pourpier, trois gros d’eau theriacale, un scrupule de confection d’hyacynthe, & autant de poudre coraline, mêler le tout ensemble, & en faire une potion que l’on prendra en une fois ou en deux, selon l’âge du malade. La coraline, dont nous avons parlé, est si bonne contre les vers, qu’il arrive souvent qu’un seul gros pris dans du vin, les tuë & les chasse en même tems.

La vertu de cette herbe a été inconnue à Dioscoride, à Galien, & à tous les anciens. Nous en devons la connoissance aux Modernes, qui en ont fait diverses expériences. Mathiole, Antonius Musa, Mercurialis, relevent l’excellence de ce remede par dessus celle de tous les autres, & en rapportent plusieurs effets surprenans, dont ils ont été les témoins.

Pour moy, je puis dire que je me suis servy de ce simple avec succés en plusieurs rencontres, & que ce que j’en ay vu de mes yeux, fait que je ne m’étonne point de tout ce que rapportent sur la vertu de la coraline la plûpart des Auteurs qui en ont écrit.

L’huile est un excellent remede contre les vers, il en faut prendre quelques cuilleres à jeun ; je dis à jeun, parce qu’alors l’estomach & les intestins étant vuides, cette huile embrasse les vers plus facilement, & les étouffe, chose qui m’a réüssi en un grand nombre de malades attaquez de vers.

On peut connoître la force de ce remede sur toutes sortes d’insectes, comme vers de terre, vers à soye, sauterelles, grillons, &c. en les oignant d’huile avec un pinceau le long du corps, sans même qu’il soit necessaire de toucher à la tête ; car on les verra aussitôt perdre tout mouvement & mourir, sans que rien les puisse reveiller. La raison de cet effet, est que le ver meurt sitôt qu’il ne peut plus respirer ; or, il ne respire que par le moyen de certaines petites trachées, qui sont rangées le long de son corps, en sorte que si l’on bouche ces trachées avec quelque chose d’onctueux, qui empêche le commerce de l’air, il faut necessairement que l’animal meure faute de respiration, sans même que la tête, & tout ce qui n’est pas trachée, soit frottez. Cela est si vray, que si l’on met de l’huile à un ver ailleurs qu’aux trachées, sans même épargner la tête, le ver vivra, & aura son mouvement ordinaire. Si on en met à quelques trachées seulement, on verra les parties, où seront ces trachées, devenir sans mouvement propre ; & si on en met à toutes les trachées, le ver demeurera immobile, & mourra presque sur le champ.

M. Malpighi a fait toutes ces expériences ; j’en dis autant du beurre, lequel produit le même effet, & qui étant pris à jeun, tuë les vers mieux que ne fait l’ail. Nous pouvons remarquer icy que l’effet de l’huile sur les vers n’est point une chose, que les Modernes ayent découvert les premiers, les Anciens l’ont reconnuë comme nous ; & Aristote dit en termes exprés dans le Chapitre 27. du huitiéme Livre de son Histoire des Animaux, que tous les insectes meurent quand ils sont touchez d’huile ; il ajoûte même une chose, dont il est facile de faire l’experience, qui est que si l’on ne se contente pas de toucher tout le corps avec de l’huile, mais qu’on en touche aussi la tête ; & qu’ensuite on expose le ver au Soleil, il meurt encore plus promptement, Pline écrit la même chose.

Si au lieu de frotter les vers avec l’huile ou le beure, on les noye dans l’eau, & qu’on les y laisse plusieurs heures, ils demeurent comme morts ; mais en les exposant à sec au Soleil, ou en les arrosant de vinaigre, ils reviennent au bout de quelque tems ; au lieu qu’étant frottez d’huile ou de beurre, ils ne reviennent jamais, quelque chose qu’on fasse ; on peut voir là-dessus M. Malpighi dans son Traité du ver à soye. De toutes les huiles ordinaires, celle de noix est la meilleure contre les vers, & à Milan les meres ont coûtume de donner une ou deux fois la Semaine à leurs petits enfans des roties d’huile de noix, avec un peu de vin, pour faire mourir leurs vers. Nous remarquerons icy que l’huile d’amandes douces ne fait pas sur les vers un effet si prompt, ainsi qu’on le peut voir par l’experience que nous avons rapportée dans le Chapitre huitième : ce qui vient sans doute de ce que les parties de cette huile sont plus poreuses ; & par consequent moins capables d’empêcher l’entrée de l’air dans le corps du ver.

Une goute de vin le matin à jeun est bonne contre les vers, sur tout il n’est pas à propos, quand on est attaqué de cette maladie, de boire de l’eau pure à ses repas, il faut y mêler un peu de vin, pourvû toutefois que ce ne soit pas du vin verd ; car celuy-là, loin d’être contraire à la vermine, est capable d’en engendrer, ainsi que nous l’avons vû dans le Chapitre IV. Il vaut bien mieux boire de l’eau seule, que d’y mêler du vin qui n’ait pas assez de maturité. Au moins l’eau seule, pourvû qu’elle soit bien pure, est point mal-faisante, & c’est une erreur grossiere de penser que ce breuvage, quand il est ordinaire, rende les gens chagrins & de mauvaise humeur, comme se l’imaginoient les Grecs, qui traitoient Demosthene d’homme épineux & difficile, parce qu’il ne beuvoit que de l’eau ; car c’est le reproche qu’ils faisoient à cet Orateur, lorsqu’il leur representoit un peu vivement leur devoir. Si l’on y fait reflexion, on verra que le vin a dérangé bien des cerveaux, qu’il a abruti bien des gens d’esprit, & souvent chargé en ferocité les mœurs les plus douces. Aussi les personnes les plus Sages ont toûjours été sobres sur le vin. Demosthene, dont nous venons de parler n’en beuvoit point, & on l’appelloit le beuveur d’eau, comme il le témoigne luy-même sur la fin de sa seconde Philippique. Ciceron en beuvoit très-peu aussi : En effet le vin peut fournir quelques bons mots, il rend quelquefois les gens agreables dans les repas, il donne de la facilité dans les conversations, ainsi que le remarque le même Ciceron[4] ; mais comme l’insinuë si bien cet Auteur, il y a bien de la difference entre ce qui fait un homme de compagnie, & ce qui fait un homme veritablement sage & sensé. Lors donc que je conseille le vin contre les vers, je prétends qu’on en use sobrement, & qu’on le regarde comme un breuvage, sur lequel il faut beaucoup se ménager.

J’ajoûteray icy que le vin d’Alican est tres-bon contre les vers, ainsi que je l’ay reconnu par l’experience suivante.

Le 22. de May de cette année 1699. chez Monseigneur l’Abbé de Soubize, je donnay pour les vers à un malade, nommé M. Pinguet, que je traitois depuis long-tems d’un abcès dans la poitrine. Il rendit trois heures aprés par les selles plusieurs petits vers blancs, de la longueur du petit doigt, & qui paroissoient morts ; j’en pris deux, que j’enveloppay dans du papier, & que je mis dans ma poche. Quand je fus arrivé chez moy, j’ouvris le papier, & ces vers, que j’avois crû morts, se trouvèrent pleins de vie, & tout remuans : ce que j’attribuay à la chaleur de la poche qui les avoit réveillez. Aussitôt je m’avisay d’en jetter un dans du vinaigre, il n’y fut pas plûtôt, que je courir dedans comme un poisson, & comme on y void courir ceux qui s’y trouvent ordinairement, alors j’y jettay l’autre, qui en fit de même ; je les y laissay deux heures, pendant lesquelles ils ne faisoient que courir de çà & de-là ; ensuite je les mis dans de l’eau de la Reine de Hongrie, où ils furent moins vifs, mais où ils ne laisserent pas de se mouvoir ; je les tiray un quart d’heure aprés, & les remis dans le vinaigre, où ils reprirent leur premiere vigueur ; je fis reflexion alors que je faisois boire à mon malade du vin d’Alican, dont il se trouvoit extrêmement soulagé, cela fut cause que je voulus mettre les vers dans quelques goutes de ce vin, pour voir s’ils y mouroient, ils n’y furent pas plûtôt, qu’ils y perdirent tout mouvement, & tomberent morts au fond du vaisseaux ; je les remis promptement dans le vinaigre, pour voir s’ils se reveilleroient comme auparavant, mais cela ne servit de rien, ils ne revinrent point. Cette expérience merite d’autant plus d’être remarquée, qu’on croiroit aisément que le vin d’Alican, à cause de sa douceur, seroit moins contraire aux vers que tout autre.

Il est important de remarquer icy, que lorsqu’on veut faire de ces sortes d’experiences, pour connoître ce qui peut tuer les vers du corps, il ne les faut jamais faire sur des vers de terre ni sur d’autres qui n’ayent pas été engendrez dans le corps humain : Et voicy une experience que j’ay faite, qui le montre évidemment.

Le 25. de May de cette année 1699. je mis du vinaigre sur des vers de terre, & je jettay dans de l’huile d’autres vers de terre, ceux sur lesquels je jettay du vinaigre, bien loin de vivre, moururent plûtôt que ceux que j’avois jettés dans l’huile ; d’où je concluds que tout ce qui fait mourir les vers de terre, ne fais pas mourir les vers du corps humain, & que les experiences, que l’on fait sur les uns, ne doivent pas toûjours nous faire tirer des inductions pour les autres.

La graine de chanvre est encore extrémement bonne contre les vers ; on la pile bien, & on la jette dans une suffisante quantité d’eau, puis on la remuë jusqu’à ce qu’elle fasse une espece de pâte, ensuite on passe le tout à travers un linge, & il en sort un lait, dont il faut prendre un verre à jeun. Ce breuvage tue les vers promptement.

Le mille-pertuis est admirable contre les vers, il en préserve même le fromage, si l’on a soin de l’envelopper de cette herbe. Quercetan rapporte ce remede, que j’ay trouvé vray par l’experience. La maniere de prendre le mille-pertuis est de le faire bouillir dans de l’eau, & de boire de cette eau avec un peu de sucre. On en peut faire aussi du syrop.

En voila bien assez pour ce qui regarde les remedes qui se prennent en dedans, venons à ceux qui s’appliquent en dehors.

Remedes extérieurs ou topiques.

Les remedes, qui s’appliquent au dehors, sont le fiel de bœuf, l’huile d’absynthe, celuy de rhuë, ou d’amandes ameres, avec quoy on peut mêler de la poudre de cumin, de la poudre d’aloës, ou de celle de petite centaurée, ces topiques se mettent sur le nombril. L’emplâtre suivant est encore fort bon.

Farine d’orge, suc de vermicularis, de chac. une livre ; vinaigre blanc quatre onces, faire de cela un emplâtre, qui s’appliquera sur le nombril. Cet emplâtre ne tuë pas seulement les vers, il éteint aussi la fiévre. Tous ces remedes tuent les vers, mais ils ne les chassent pas toûjours. Venons à ceux qui les tuent, & qui les chassent en même tems.

Remedes qui tuent & qui chassent les vers.

Les remedes, qui tuent & qui chassent les vers, sont l’aloës, l’hiere-picre, la poudre d’écorce d’orange amere, la rheubarbe, &c. On dissout l’hiere-picre dans un peu de vin blanc, ou bien on la mêle avec un peu de diaphœnix, ou on en fait des pilules avec un peu d’agaric & de syrop d’absynthe. La poudre d’orange amere se prend dans du vin. Borel la recommande fort, & il dit avoir vû un Ethique abandonné de tous les Médecins, auquel ce remede pris jusqu’à trois fois, fit rendre force vers, & procura la guerison ; la doze est un gros chaque fois. Ce que dit Borel[5], je l’ay vû arriver, il n’y a pas long tems, en la personne d’un malade âgé de vingt six ans, lequel desséchoit tous les jours, & qui fut gueri par le même remede, qui luy fit rendre une quantité prodigieuse de vers.

Pour les enfans bien jeunes, on peut faire infuser dans l’eau de pourpier quatre scrupules de rheubarbe avec six grains de canelle, passer le tout à travers un linge, & dans la colature dissoudre une once de syrop de chicorée simple, & avant que l’enfant prenne ce breuvage, luy donner un lavement de lait, pour attirer les vers par le bas.

Ou bien.

Faire infuser un gros & demi de rheubarbe dans un verre d’eau de pourpier, passer cela à travers un linge le lendemain matin, & le donner à boire à l’heure ordinaire du réveil ; réïtérer le breuvage deux fois par Semaines, jusqu’à ce que la corruption du corps soit évacuée ; on peut ajoûter à cette purgation, pour la rendre plus forte, une once de syrop de chicorée, composé de rheubarbe ; si c’est un enfant délicat, il suffira de demi once. Le suc de verveine est encore un bon remede[6].

J’ay mis le sucre au rang des choses qu’il faut éviter, pour se garantir des vers ; mais cependant quand il est pris en grande quantité, il ne laisse pas quelquefois de tuer les vers, & de les chasser. Aldrovandus parle d’une petite fille, qui pour en avoir mangé un gros morceau, rendit un grand nombre de vers par le bas. J’ay vu arriver la même chose à un petit garçon, qui avoit mangé force confitures ; le miel fait le même effet quand il est pris à pleine cuiller, on peut composer une sorte de pain d’épices, qui tuera & chassera les vers, il faut faire paîtrir la pâte du pain d’épice avec de l’eau de pourpier, & de la graine de cette plante.

Les pommes douces, nommées en Latin melimela, font faire aussi beaucoup de vers ; les raisins séchez au Soleil ont la même vertu, étant pris à jeun en grand nombre.

J’ay vû réüssir ce remede en plusieurs enfans, & je ne m’étonne pas que Levinus Lemnius dise que c’est une experience qu’il a faite avec succés[7], la raison de cela est, que les vers attirez par cette nourriture douce, s’en remplissent si fort, qu’ils sont obligez de crever ; & comme les choses douces, étant prises avec abondance, lâchent le ventre, il faut necessairement que les vers sortent ou morts ou mourans.

On parle d’un certain moyen, pour tirer du corps les vers, comme on tireroit des poissons de l’eau, c’est d’attacher à un fil quelque appas, qui attire les vers, & puis de faire avaler cet appas, ayant soin auparavant que le malade demeure quelque tems sans manger, pour affamer les vers, & les obliger à venir à ce qui se presente, on tire ensuite le fil, & le ver vient, dit on, avec l’appas.

Schenchius rapporte un exemple de cet artifice, & dit qu’on tira un jour par ce moyen un serpent du corps d’une femme, en se servant d’un appas composé de miel & de farine ; mais il ajoûte qu’on y mit un ameçon. Cet expedient peut être bon, pour tirer de l’estomach des animaux entrez par la bouche, comme il en est entré quelquefois à quelques personnes en dormant sur l’herbe ; mais pour tirer des vers engendrez dans le corps, c’est une pratique sur laquelle je ne veux rien dire ; quelques personnes assûrent l’avoir vû réüssir depuis peu, en mettant pour appas des cœurs de pigeons ; mais ce que je puis assûrer aussi, est qu’il s’est vû des Charlatans imposer au peuple, en cachant adroitement des vers dans le prétendu appas qu’ils faisoient avaler.

Contre les vers dans la jaunisse.

Dans la maladie de la jaunisse les intestins sont souvent remplis de vers, parce que la bile, qui est si contraire à ces animaux, ne se décharge pas alors dans les intestins ; le meilleur remede contre ces vers est de prendre plusieurs matins de suite un verre de la décoction suivante. Chelidoine, une poignée ; feüilles & fleurs de millepertuis, de chacunes demi poignée, rasure d’yvoire, fiente d’oye pulverisée, de chacun trois gros, safran un demi gros, ces deux derniers dans un noüet, jetter le tout dans un pot où il y ait une chopine de vin blanc, & une chopine d’eau d’absynthe, mettre le pot sur le feu, & quand cela aura bien boüilli, le passer, & dans la colature dissoudre une once de bon sucre ; il y en aura là pour trois matins. La bile, qui tombe dans le duodenum, est souvent ce qui empêche les vers de monter jusqu’à l’estomach, mais dans la jaunisse comme cette bile est retenuë au foye, ils vont plus facilement dans le ventricule, c’est ce qui fait que quand on donne contre les vers à ces sortes de malades, ils en rendent quelquefois par le haut. Le 17. de Juillet de l’année 1699. chez M. Dugono, Secretaire du Roy, vers S. Landry, un Domestique que je traitois qui avoit une jaunisse universelle, en vomit un fort gros après avoir pris d’un syrop contre les vers ; c’est une chose dont je pourrois citer un grand nombre d’exemples. Il faut avoir soin dans ces occasions de donner des lavemens de lait, pour attirer les vers par le bas ; car il faut les empêcher autant qu’on peut de monter dans l’estomach, parce qu’alors ils sont plus difficiles à chasser, & qu’ils peuvent nuire davantage.

Contre les vers qui produisent la Pleuresie.

Quand la pleuresie est causée par des vers, ce qui arrive souvent, comme nous l’avons remarqué, il faut suivre la pratique qu’observoit Rulandus[8], & que Quercetan[9] recommande si fort, qui est de commencer d’abord par la purgation, c’est là principalement que doit avoir lieu l’Aphorisme d’Hippocrate[10], que lorsqu’il est besoin de purger dans une maladie, il faut le faire dans le commencement. On ne manque point en suivant cette methode, d’avoir un succés heureux, et l’experience que j’en ay faite moy même plusieurs fois, ne me permet pas de conseiller à personne une autre conduite. Les fréquentes saignées en cette occasion sont très dangereuses, il n’en est pas de même dans les autres pleuresies.

Remedes contre les Ascarides.

Les Ascarides sont des vers difficiles à chasser, & cela pour plusieurs raisons. La premiere, c’est que ces animaux sont fort éloignez du ventricule, en sorte que les remedes perdent leur force avant que de parvenir jusqu’où sont les vers. La seconde, c’est que les ascarides sont enveloppez dans des humeurs visqueuses, qui empêchent l’action des medicamens. La troisiéme, c’est que ces vers montent quelquefois dans le cœcum ; or, cet intestin étant en forme de cul de sac, les ascarides s’y tiennent comme retranchez ; quoi qu’il en soit, il vaut mieux les attaquer par bas, & pour cela il n’y a rien de meilleur que de mettre au fondement un suppositoire de cotton, trempé dans du fiel de bœuf, ou dans de l’aloës dissout. Une chose, qui m’a réüssi en plusieurs malades, est de faire mettre dans le fondement un petit morceau de lard attaché à un fil ; on l’y laisse quelque temps, & aprés on le retire tout remply de vers ; on peut, au lieu de lard, prendre de la vieille chair salée. Les lavemens de décoction de Gentiane sont merveilleux contre les ascarides, on peut joindre à la Gentiane l’Aristoloche, la Chicorée, le Tanacet, la Persicaire, l’Atriplex, & en faire la décoction avec de l’eau & du vin blanc ; quand elle est faite, il est bon d’y joindre un peu de confection d’hiere.

Pour les enfans, voicy le lavement qu’on peut faire.

Prendre feüilles de mauves & de violiers, de chacunes une poignée ; feüilles de choux, une ou deux ; graines de coriandre & de fenoüil, de chac. deux gros ; fleurs de camomille & de petite centaurée, de chac. une pincée, faire une décoction du tout avec du lait, & dissoudre dans la colature une once de miel commun, & deux gros de confection d’hiere.

Hippocrate[11] conseille, pour chasser les ascarides, de prendre de la semence d’agnus castus, de la bien broyer avec un peu de fiel de bœuf, puis de dilayer le tout avec un peu d’huile de cedre, ensuite d’en faire un suppositoire avec de la laine grasse.

Remedes contre le ver solitaire.

Les remedes, que nous avons rapportez jusques icy, sont inutiles contre le Solium. Les autres vers sortent quelquefois d’eux-mêmes, mais le solitaire ne sort presque jamais de luy-même ; &, comme le remarque Hippocrate[12], quand on ne le chasse par aucun remede, il vieillit avec ceux dans lesquels il est. Avicenne dit qu’il resiste à l’absynthe, & qu’on ne peut le chasser qu’avec la fougere. L’huile, qui tuë si facilement les autres vers, ne fait rien à celuy-cy, parce qu’il est trop grand pour que cette liqueur puisse boucher toutes les trachées qui sont le long de son corps ; en sorte que quand on avale de l’huile, il arrive tout au plus à ce ver ce qui arriva à ces vers à soye, que M. Malpighi[13] oignit d’huile avec un petit pinceau, depuis le milieu du corps jusqu’à la tête ; car aprés avoir perdu le mouvement dans la partie, qui avoit été frottée d’huile, ils revinrent, & eurent leur mouvement ordinaire, au lieu qu’étant frottez tout entiers, ils moururent, sans que ni le vinaigre, ni autre chose, les pût rappeller.

Le remede, auquel le solitaire ne resiste point, est celuy par le moyen duquel nôtre malade a été délivré. Ce remede ne chasse pas seulement le ver dont nous parlons, mais encore tous les autres ; & en cas qu’on n’ait point de vers, il empêche d’en avoir, parce qu’il purge les humeurs qui en pourroient engendrer. Voicy quel est ce remede, que j’ay promis de declarer.


Remede qui a fait sortir le ver, dont la figure est en grand dans ce Livre.

Prenez Diagrede, crême de Tartre, Diaphoretique mineral, de chac. demi scrupule. Rhubarbe récemment pilée, demi gros. Racine de fougere femelle pulverisée, autant. Feüilles & fleurs de Tanaisie, aussi reduites en poudre, une pincée. Ecorce de racine de meurier, encore reduite en poudre, & cueillie avant que les meures soient en maturité, un gros. Mêler le tout, & le prendre dans un boüillon gras le matin, à l’heure ordinaire du réveil. Il faut augmenter ou diminuer la doze selon l’âge & le temperamment ; on doit prendre un bouillon deux heures aprés ; & si ensuite de ce remede on a envie de dormir, il ne faut point s’en empêcher.

Remarque sur ce remede.

Il est bon de choisir la Tanaisie la plus champestre, parce qu’elle a plus de vertu. Et generalement parlant, on peut dire que les herbes de la campagne ont plus de force : ce qui a fait dire à un Auteur[14], que la nature est la mere des plantes qui croissent dans les champs, & la marâtre de celles qui croissent dans les Villes. Il faut prendre l’écorce de la racine de meurier avant que les meures soient en maturité, parce que le fruit étant meur, l’écorce est privée d’une portion de l’humeur qu’elle contenoit auparavant : ce qui s’accorde avec ce que dit Pline, qu’il est constant que les racines ont moins de vertu étant cueillies après la maturité des fruits, que devant[15].

Autre maniere de faire ce remede.

Si l’on n’est pas en lieu où l’on puisse avoir tout ce qui entre dans ce remede, on peut se contenter de la seule racine de fougere, dont on donnera deux gros broyez avec du miel, ou bien, on en donnera trois gros dans un verre de vin blanc.

Remarque sur ce remede.

Ce remede n’étant composé que de fougere & de miel, tuë le ver, mais il ne le chasse pas, ainsi j’avertis qu’il faut se purger le lendemain, autrement il y auroit du danger, à cause de la corruption que ce ver mort pourroit causer. J’avertis encore que ce remede ne réüssit pas toujours la premiere fois, & qu’il est à propos de le réïtérer jusqu’à trois ou quatre fois, laissant un jour entre deux, & se purgeant toujours le lendemain.

Autre maniere.

On peut se contenter encore de trois gros & demi d’écorce de racine de meurier, que l’on fera boüillir dans une chopine d’eau commune pendant demi heure, on donnera cela à boire le matin à jeun en deux prises, d’une demi heure à l’autre.

Remarque sur ce remede.

Il n’en est pas de la racine de meurier comme de la racine de fougere, laquelle ne purge pas. Celle de meurier est purgative, & lâche doucement le ventre, son écorce a le même effet, en sorte qu’on peut se passer de se purger le lendemain, mais ce remede ne chasse pas le ver à la premiere prise, il faut le réïterer comme l’autre.

Autre manière pour les enfant à la mammelle.

On peut donner aux enfans à la mammelle un demi gros de poudre de racine de fougere, le matin dans un peu de lait, ou de boüillie, en deux prises, d’une heure à l’autre, ayant soin de les purger le lendemain avec quelque chose qui ne soit pas violent.

Autre pour les enfans un peu grands.

S’ils sont un peu grands, on peut leur donner cette poudre dans un peu de syrop de fleur de pescher, ou dans de l’eau de centinode, ou de plantain, selon les circonstances que nous allons marquer.

Remarque sur ce remede.

Si les enfans ont le ventre resserré, il faudra mettre la poudre dans le syrop de fleur de pescher : Mais s’ils ont le cours de ventre, il faudra la leur donner dans l’eau de centinode, ou de plantain ; car il faut observer, quand on veut chasser les vers, de mêler des astringens avec les remedes qu’on donne, lorsque le ventre est trop libre, parce que sans cela le medicament sortant trop-tôt, n’a pas le tems d’agir sur les vers. On peut faire de l’eau de racine de fougere, distilée au bain marie, laquelle aura le même effet que la poudre.

Remarque sur la racine de fougere.

La racine de fougere est une des choses les plus propres contre les vers plats, elle a cela d’avantageux, qu’elle convient à toutes sortes de personnes, à ceux qui ont la fiévre, comme à ceux qui ne l’ont pas, aux femmes grosses, & à celles qui ne le sont pas, aux enfans, aux jeunes gens, & aux vieillards, elle adoucit tous les symptomes des maladies, & procure une tranquillité extraordinaire ; elle fait venir outre cela le lait aux nourrices. Quelques Auteurs ont écrit qu’elle étoit dangereuse aux femmes grosses, mais ils se sont trompez, comme le fait voir Spigelius dans son Traité de Lumbrico lato.

Opiate contre le même ver.

Voicy une opiate, dont je me suis servy avec succés en quelques occasions, & par le moyen de laquelle j’ay fait sortir il n’y a pas long-tems un solitaire comme celuy dont on void icy la figure, mais beaucoup plus court & plus étroit : La racine de fougere & l’écorce de racine de meurier entrent dans la composition de cette opiate, & c’est à cela principalement que j’attribuë la vertu qu’elle a contre les vers plats.

Prenez coraline, verveine, scordium, pouliot, origan, de chacun une demie poignée ; racine de dictamne blanc, de fougere, d’angelique, & de gentiane, de chacun deux gros ; écorce de racine de meurier, un gros & demi ; graines de moutarde, de pourpier & de cresson, de chacun un gros ; poivre un demi gros, safran un demi scrupule, faire de tout cela une poudre, & avec du miel écumé mêler le tout en forme d’opiat, à quoy on peut ajouter un demi scrupule d’huile de vitriol, la doze est un demi gros, un gros, ou un gros & demi, le matin à jeun.

Ces remedes ne sont pas les seuls qu’on puisse employer contre le Solium, mais ce sont ceux que j’ay éprouvé, & qui m’ont réüssi. Guill. Fabricius, Philibert Sarrazenus, Jean-Jacques Crafftius, rapportent quelques exemples de vers semblables, qu’ils assûrent avoir fait sortir, &, comme ils disent, les remedes dont ils se sont servis, & en même tems les symptomes différens des malades, avec plusieurs circonstances utiles à sçavoir, je crois qu’on ne sera pas fâché de voir icy les Lettres que ces Auteurs ont écrites sur ce sujet. Les voicy traduites en François.

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LETTRE DE G. FABRICIUS[16],
A PHILIBERT SARRAZENUS,
traduite du Latin.

A mon retour de Lyon, je vis icy un ver plat d’une longueur surprenante ; comme le fait est curieux, je me ferai un plaisir de vous le rapporter. Une Dame de cette ville, âgée d’environ 20. ans, d’une complexion assez délicate, avoit de grandes douleurs de ventre, des foiblesses d’estomach, des nausées, des rapports, & un dégoût general pour tous les alimens ; elle me fit appeller sur la fin du mois d’Avril de cette année 1609. Je lui fis prendre le premier jour de May d’une poudre composée de rheubarbe, de turbith, & de senné, à quoi j’ajoûtai du syrop de rose laxatif composé de rheubarbe, d’agaric, & de senné. Ce remede lui fit rendre par le bas un ver plat, qu’elle me montra, & dont je fus étonné, car il avoit vingt palmes de long, étoit large de six grains, & épais de deux ; maintenant qu’il est desseché, il n’est pas si large, il a des interstices tout le long du corps, & ces interstices sont de l’espace de deux grains, & élevez d’un côté en forme de dents de scie, quand on touche le corps du ver de haut en bas, on le sent glissant ; mais si l’on passe le doigt de haut en bas, on le sent raboteux ; il est tout blanc, & a au milieu de ces interstices de petites tâches noires, une des extrêmitez est mince comme un fil, & l’autre large comme le reste du corps ; je n’y ai point vû de tête, & je n’en ai jamais trouvé à ces sortes de ver. Aprés que le ver fut sorti, je purgeay la malade, & lui ayant donné ensuite pendant quelques jours, des fortifians, elle se rétablit entierement. Elle est à present dans une santé entiere ; pour le ver je le conserve desséché, & le regarde comme une des choses les plus rares que j’aye. Voila, Monsieur, l’histoire succincte de ce Lumbric, dont j’oppose la description à ce bruit faux & ridicule, qui s’est répandu dans la Suisse, & jusques dans la Bourgogne, du monstre de Payerne. Adieu. A Payerne ce 28. Août 1609.

Il y a apparence que ce ver étoit un Solium non entier. Quant aux tâches noires qu’il avoit, il n’y a rien en cela de particulier, veu que quand ce ver est trop remply de nourriture, ces tâches paroissent dans de certains endroits, comme le remarque Sennert[17], & lorsqu’il n’est plus si plein, elles disparoissent. Il y a une chose à observer icy, c’est le dégoût qu’avoit la malade pour toute sorte de nourriture, la plûpart de ceux qui ont ce ver étant tourmenté d’une faim extraordinaire.


RÉPONSE
DE PHILIBERT SARRAZENUS,
A G. FABRICIUS.

Quand j’ay reçû la Lettre, où vous me parlez de ce ver plat, j’avois en même temps une malade attaquée de la même maladie, comme j’attendois le succés des remedes que je lui faisois, j’ai differé à vous écrire jusqu’à ce que je pûsse vous en donner des nouvelles. Voicy en peu de mots ce que j’ai observé dans cette maladie, & la conduite que j’y ay tenuë. La malade est âgée de trente-quatre ans, assez pleine, & a été dans ses premieres années si sujette aux vers, qu’elle en rendoit souvent par le bas de tout plats, longs d’une aulne, d’une aulne & demie, quelquefois de davantage, & larges du doigt ; quand elle a été mariée, elle a eu plusieurs enfans, qui sont tous morts peu de mois aprés leur naissance, ce que nous avons attribué à la mauvaise disposition de la mere. Ce fond de vermine s’est acru en elle à un point, que ces dernieres années elle en a rendu par le bas, par la bouche, & par le nez. Quand il en devoit sortir, le ventre de cette femme enfloit, & souffroit les mêmes mouvemens que celui d’une femme grosse, lorsque le fœtus vient à changer de place ; peu de temps aprés ils montoient à la bouche, & elle en tiroit avec les doigts des longueurs considerables ; ce mouvement de ventre perseveroit quelquefois, & alors la Malade tomboit en délire : C’est quelque chose d’incroyable que le nombre de remedes qu’on luy a faits, les fréquentes medecines, l’ail, la coraline, la poudre à vers, la theriaque, l’absynthe, tout a été mis en usage, mais inutilement. Cette pauvre femme affligée de souffrir si long-temps, m’envoya querir il y a quelques jours, je luy ordonnay l’apozeme suivant.

R. Racine de dictamne, de fougere, de polypode de chesne, de chacune une once ; écorce de racine de caprier, de tamarisch, & medietatis fraxini, de chacune six gros ; germandrée, chamæpitis, absynthe, sauge, de chacune un manipule ; petite centaurée, une pincée ; graines d’anis, de citron, de pourpier, semen contra, de chacun deux gros ; coraline, une demi pincée ; senné, semence de carthame, de chacune deux onces ; agaric trochisqué, une demie once ; écorce de mirobolans citrins, de chacun trois gros : Faire une décoction du tout, dans une suffisante quantité d’eau, reduire le tout jusqu’à dix onces de liqueur, dans la colature dissoudre une once & demie de syrop de chicorée composé de rheubarbe, autant de syrop de fleurs de pescher, oxymel scyllitique, une once, mêler le tout, en faire un apozeme pour quatre dozes, mettre sur le tout quatre scrupules de poudre de diamargaritum froid ; user de cet apozeme quatre matins de suite, une doze chaque fois, dans laquelle on dissoudra cinq gros de diacarthami, & une once de syrop de chicorée, composé de rheubarbe.

Trois heures aprés avoir pris de cet apozeme, je luy faisois mettre sur le ventre bien chaudement, un peu de l’onguent suivant.

Onguent d’Agrippa, trois onces ; pulpe de coloquinte pulverisée, six gros ; scammonée, demie once ; myrrhe, aloës, de chacun trois gros ; fiel de bœuf tout récent, deux gros ; agaric blanc, cinq gros ; poudre de racine de cyclamen, un gros & demi ; safran, autant ; huile d’amandes ameres, six onces ; suc d’ail & de scordium, de chacun demie once ; mêler le tout sur le feu jusqu’à consomption des sucs, y ajoûtant une once de petrolœum, avec une suffisante quantité de cire, & en faire un onguent.

Sur le soir je luy faisois prendre un lavement de lait, composé de plusieurs choses douces propres à attirer les vers en bas.

Les vers ainsi attaquez de tous côtés, sont sortis en pelottons, il y avoit des longueurs qui passoient vingt pieds, la malade depuis ce tems-là se porte mieux, elle a meilleure couleur, ses douleurs de ventre sont appaisées, elle dort, & ne tombe plus en délire.

Outre tous ces remedes, je luy ay fait prendre un gros & demi de mercure en substance, tout pur, & passé à travers le cuir, & depuis ce tems-là, elle n’a plus été tourmentée de vers : Mais voicy une chose à remarquer au sujet du mercure, c’est que la malade, qui portoit alors un emplâtre pour la matrice, trouva peu de temps aprés cet emplâtre tout remply de mercure : ce qui fait voir combien les parties du mercure sont subtiles, pour traverser ainsi les intestins, les muscles, & tous les tegumens ; nous avons conseillé à present à la malade de manger du pain de segle, d’user de theriaque de tems en tems, & de prendre des pilules suivantes.

R. Masse de pilules d’Hiere, composée d’agaric, demi once ; extrait d’esula, deux gros ; myrrhe, un gros & demi ; coraline, quatre scrupules ; safran, un scrupule ; reduire le tout en masse avec du syrop de chicorée composé de rheubarbe, faire cinq pilules d’une dragme, & prendre deux de ces pilules de deux jours l’un le matin à jeun. Adieu, je vous manderay quel sera le succés de tout cecy ; j’attends de vous un peu d’extrait d’Esula de vôtre façon. A Lyon ce 12. Décembre 1609.


AUTRE LETTRE
DE G. FABRICIUS
A CRAFFTIUS.

Il faut que je vous communique ce que j’ay observé sur les vers plats. En 1604. la fille d’un Bourgeois de cette Ville, nommé Daniel Romay, âgée de neuf ans, étoit malade d’un Bubonocelle : comme je voulois faire incision à la partie, je préparay le corps à cette opération par des apozemes & des medecines ; & ayant donné à la malade un breuvage fait avec le syrop de rose laxatif, composé de rheubarbe, d’agaric & de senné, elle rendit par le bas un morceau de ver plat, long de sept palmes environ. Peu de jours aprés, qui étoit le 8. de Novembre, je fis l’operation, & ayant conduit la playe à une parfaite guerison, l’enfant se rétablit, & elle s’est toûjours bien portée depuis. J’ay chez moi ce ver tout desseché, & je le conserve avec soin dans mon Cabinet.

L’année derniere une Dame de qualité de cette Ville me consulta sur un mal de matrice qu’elle avoit, elle me dit qu’elle sentoit un froid incommode à la region de l’umbilic, & au bas ventre ; comme elle se plaignoit outre cela d’une douleur de tête, je luy ordonnay des pilules cephaliques, qui la purgerent bien, & luy firent rendre par le bas un morceau de ver plat long de neuf palmes, de la même largeur, & de la même figure que celuy que je vous ay décrit dans ma premiere Lettre.

Il y a quelques années que je délivray d’une dangereuse & longue maladie une petite fille, qui fit un ver tout semblable, la negligence de ceux qui étoient auprés d’elle, fut cause qu’on jetta une partie de ce ver, dont il ne resta qu’une portion, qui est venuë jusqu’à moy ; quand on passe le doigt sur ces sortes de vers, on les sent raboteux d’un côté, & unis de l’autre : il ne m’est jamais arrivé d’en voir d’entiers. Je passe plusieurs exemples semblables, à cause de mon peu de loisir. Adieu.


TROISIÉME LETTRE
DE G. FABRICIUS
A CRAFFTIUS.

Pour ne pas vous écrire sans vous rien mander de particulier, il faut que je vous fasse part à present de ce que je n’eus pas le tems de vous marquer dans ma derniere Lettre, au sujet des vers plats. Je vous diray donc qu’une Dame, nommée Madame Mace, à present veuve de M. Rohault, qui étoit un celebre Apoticaire de Lausanne, fut fort sujette pendant sa jeunesse à des palpitations de cœur, à des foiblesses d’estomach, & à des obstructions de visceres ; elle fit divers remedes par l’ordonnance des Medecins, & de tems en tems aprés un certain purgatif, qu’elle prenoit quelquefois, elle rendoit des morceaux de vers plats assez longs. Quand elle fut mariée, & qu’elle eût commencé à avoir des enfans, ses palpitations cesserent, son visage devint meilleur, mais elle demeura incommodée d’une lienterie, pendant laquelle elle rendoit quelquefois par le bas des morceaux de vers rompus, qui étoient longs, les uns de six palmes, les autres de neuf, les autres de dix. Or, ce qui est à remarquer, c’est que toutes les fois qu’elle en rendoit, elle les sentoit se rompre dans ses intestins. Cela ne l’empêcha pas d’avoir plusieurs enfans, & sur tout des garçons, dont plusieurs vivent. Un certain jour après avoir pris une Medecine, elle rendit un morceau de ver qui avoit sept aulnes, mesure de Lausanne, c’est-à-dire, six palmes, le reste du ver demeura dans le corps, mais peu de jours aprés elle en rendit la plus grande partie sans sentir comme auparavant que rien se rompît : ce qui luy fit juger qu’elle étoit entierement délivrée de ce ver ; en effet, il ne luy est plus rien arrivé de semblable depuis ce tems-là, & même le flux de ventre, dont elle avoit toûjours été incommodée, s’arrêta : ensorte que depuis douze ans, elle a toûjours été en santé. J’ay appris cela de son mary même, qui me le dit en presence de sa femme ; ils m’ajoûterent l’un & l’autre, que si tous les morceaux qu’elle avoit rendus étoient joints ensemble, ils feroient plus de vingt aulnes.

Chez M. de Villadin le Gouverneur, il y a une Servante, âgée de trente-un ans, laquelle est tourmentée depuis long-tems par cette sorte de ver plat : & ce qui est digne de remarque, c’est que depuis quelques années elle ne manque point tous les ans, vers la S. Jean-Baptiste, d’en rendre des morceaux fort longs.

Madame Marguerite de Mullinen, femme de M. de Villadin, que je viens de nommer, me montra en 1607. trois de ces morceaux de vers plats, que cette Servante avoit rendus, lesquels faisoient plus de six aulnes. Je n’oublieray pas de vous dire, que cette Servante sent continuellement dans le ventre un certain froid qui l’incommode beaucoup, souvent aussi elle est attaquée de Diarrhée, & quelquefois elle est trop resserrée, à cela près, elle est d’une assez bonne santé, elle est robuste, & ne s’inquiete pas beaucoup de son mal ; je l’ay purgée quelquefois avec des pilules faites d’aloës, de rheubarbe, d’agaric, & d’extrait de coloquinte ; je lui ay fait prendre aussi d’une poudre, pour tuer & pour chasser les vers : mais une chose surprenante, c’est qu’un certain Empirique luy ayant fait boire trois ou quatre fois d’une ptisanne faite avec la seule coloquinte, elle fut purgée violemment sans rendre aucun ver ; & cependant lorsque la S. Jean approche, ces morceaux de ver sortent d’eux mêmes comme par un mouvement critique de la nature. Adieu.


REMARQUE
Sur ce que dit Fabricius, qu’il n’a jamais vû de tête aux Vers plats.

Fabricius dit qu’il n’a jamais vû de tête à ces sortes de vers, c’est que cette partie s’en sépare ordinairement, & reste dans le corps. Quand cela arrive, il faut avoir soin de réïterer le remede, dont on s’est servy pour chasser le ver, & la tête ne manque presque jamais de sortir. Il y a deux mois que je délivray une Demoiselle de condition d’un ver solitaire, qui luy causoit des incommoditez considerables, ce ver sortit en trois morceaux, qui faisoient ensemble la valeur d’une aulne & demie ; le lendemain je réïteray le remede que j’avois fait prendre, & la malade rendit un quatriéme morceau de la longueur d’un tiers, où étoit la tête, aprés quoy elle se trouva guerie. Il m’est arrivé plusieurs cas semblables, que je passe à dessein, pour n’être pas long.


  1. Schenck. lib. 1. observ. medic de Capit. dolore observ. 4.
  2. Salmut. cent. 2. observ. 39.
  3. Forest. de ægritud. dentium lib. 14. observ. 7. in Schol. pag. 96. columnâ secundâ.
  4. Cicer. pro Cœlic. versus finem.
  5. Borell. observ. medicophy. cent. 1. observ. 90.
  6. Monard. lib. 3. simpl. medicam. ex novo orbe delator. cap. de verbenâ.
  7. Levin. Lemn. de occult. natur. mirac. lib. 1. cap. 21.
  8. Ruland. centur.
  9. Quercetan. rediviv. tom. 3. de pleuritide.
  10. Aph. 29. sect. 3.
  11. Hip. περὶ γυναικείων Β. 66.
  12. Hip. lib. 4. de morb. art. 27.
  13. Malp. de Bomb.
  14. Dici solet tellurem esse matrem Sylvestrium, noveream autem urbanorum. Alexandri Aphrodisei problemat. lib. 2. problem. 52.
  15. Ne illud quidem dubitatur omnium radicum vim effectusque minui si fructus priùs maturescant. Plin. hist. natur. lib. 27. cap. ultim.
  16. Guilhelm. Fabr. cent. 2. observ. 70.
  17. Senn. lib. 3. part. 2. sect. 1. cap. 5.