De la République, Texte établi par NisardDidot (p. 335-339).

LIVRE QUATRIÈME


I. [Je vais essayer, puisque j'ai parlé du corps et de l'âme, d'expliquer, autant que l'insuffisance de mon esprit le permettra, en quoi l'un et l'autre consistent. C'est une tâche que je crois d'autant plus nécessaire d'entreprendre, que Cicéron, ce grand génie, l'a abordée lui-même dans le quatrième livre de la République, et a réduit aux plus étroites proportions un sujet si vaste, dont il effleure à peine les sommités. Et qu'on ne croie pas qu'il a laissé volontairement son ouvrage imparfait; il atteste lui-même qu'il y a apporté tout le soin possible. Dans le premier livre des Lois, où la matière est encore superficiellement touchée, il dit: C'est là un sujet qui a été, ce me semble, assez complètement traité par Scipion dans les livres que vous avez lus.] Lactance, de Opif. div., i. [Et l'intelligence elle-même qui prévoit l'avenir se souvient du passé.] Nonius, ix, 8. Voici une belle pensée de Cicéron: S'il n'est pas un homme, dit-il, qui n'aimât mieux mourir que de revêtir la figure d'un animal, tout en conservant une âme humaine, quel plus grand malheur n'est-ce pas que de cacher sous la figure d'un homme l'âme d'une bête féroce? Autant l'âme l'emporte sur le corps, autant, à mon avis, ce second destin est plus cruel que le premier. Lactance, v, 11. [Cicéron dit quelque part qu'il ne croit pas que le souverain bien soit le même pour un bélier et pour Scipion l’Africain. S. Augustin, contra Julian., iv, 12. Elle produit par son interposition l’ombre et la nuit, et nous permet ainsi de compter les jours et de nous reposer de nos travaux. Nonius, IV, 2. En automne la nature dispose la terre à recevoir la semence, en hiver elle la laisse reposer pour que les graines puissent germer, en été elle mûrit les fruits, adoucit les uns, cuit les autres. Nonius, iv, 293. Quand ils emploient les bergers à la garde des troupeaux. Nonius, ii, 691. Cicéron, dans le quatrième livre de la République, dit que bouvier vient de bœuf (armentum, et abeo armentarius.) Priscien.

II…… Quelle sagesse dans cette division des citoyens par ordres, par âges, par classes ; dans cet établissement des chevaliers, qui peuvent décider la majorité des suffrages ; dans cette constitution du sénat ! Trop de gens veulent aujourd’hui renverser follement ces utiles barrières. Que dirons-nous de ces promoteurs d’un plébiscite qui ordonnerait de rendre les chevaux à l’État ? N’est-ce pas une nouvelle occasion de prodigalités qu’ils recherchent ?

III. Considérez maintenant combien tout le reste est sagement disposé pour assurer aux citoyens Ce bonheur public et à l’État cette pratique des vertus civiles, double but de toute société, et qu’une république doit perpétuellement s’efforcer d’atteindre parle secours des institutions et des lois. Examinons en premier lieu l’éducation de nos fils, c’est là un point sur lequel les Grecs ont essayé bien des tentatives impuissantes, et le seul à propos duquel Polybe notre hôte accuse la négligence de nos institutions. Nos lois n’ont rien décidé à cet égard ; l’éducation chez nous n’est ni publique, ni commune : nos ancêtres l’ont ainsi voulu……(LACUNE) Cicéron nous apprend que les jeunes gens qui vont à la guerre sont mis sous la garde d’un surveillant qui les dirige pendant la première année. Servius, ad Æneid., v, 540.

IV…… Il était interdit au jeune homme de se montrer nu en public, tant on était jaloux de sauver la pudeur et de ne pas lui porter la moindre atteinte ! Chez les Grecs, au contraire, quelle inconvenance dans les exercices du gymnase ! que de coupables légèretés dans ces troupes de jeunes gens ! que de rapports licencieux ! que de liberté dans les amours ! Je passe sous silence Elis et Thèbes, où les plus incroyables débauches sont publiquement autorisées. Lacédémone, qui, à cet égard, donne toutes licences aux jeunes gens, sauf la dernière, élève un bien faible rempart entre ce qu’elle permet et ce qu’elle défend ; autant vaudrait mettre un voile entre taureaux et génisses. — Lélius : Je vois, Scipion, que, dans cette censure des mœurs grecques, vous aimez mieux vous attaquer aux cités les plus célèbres qu’à votre cher Platon ; vous le respectez religieusement……

V. A tel point que Cicéron dit dans sa République que c’était un opprobre pour un jeune homme de n’avoir point d’amant…… Servius, ad Æneid., x, 325.

Non-seulement comme à Sparte, où les enfants apprennent à voler et dérober. Nonius, i, 72. Notre Platon va plus loin encore que Lycurgue ; il veut que tout soit en commun sans exception, et qu’un citoyen ne puisse dire absolument d’aucune chose qu’elle est sienne et lui appartient. Id., iv, 346. Pour moi, de la même manière que Platon renvoie de sa ville idéale Homère couronné de fleurs et couvert de parfums…… Id., iv, 201.

VI. Le jugement du censeur n’inflige guère à celui qu’il frappe d’autre châtiment que la honte. C’est pourquoi, comme il n’en résulte qu’une tache pour le nom, on dit que c’est une ignominie. Id., i, 93. Leur sévérité inspira d’abord une sorte d’épouvanté à la république. Id. v, 7. Qu’il n’y ait point, comme chez les Grecs, d’officier préposé à la surveillance des femmes, mais que le censeur apprenne aux hommes à les gouverner. Id., ix, 7…… Tant cette sage et puissante discipline donne de retenue ; toutes les femmes s’abstiennent de vin. Id., i, 14. Si quelque femme avait une mauvaise réputation, ses parents lui refusaient toute marque de tendresse. Id., iv, 193. Du mot petere on a formé petulantia, et de procure, c’est-à-dire poscere, procacitas. Id., i, 89.

VII. Je ne veux pas que le même peuple soit le maître et le courtier du monde. Je crois que le meilleur revenu pour les familles et pour les États, c’est l’économie. Id., 165. Il me semble que la bonne foi (fides) est ainsi nommée de ce que par elle l’on fait (quum fit) ce qu’on a dit. Id., i, 94. Dans un citoyen d’un rang élevé et de grande naissance, la flatterie, le faste, l’ambition, sont des marques d’un pauvre caractère. Id., III, 27. Voyez dans les livres de la République comment un bon citoyen doit se dévouer sans bornes à son pays ; voyez quels grands éloges Cicéron y donne à la frugalité et à la tempérance, à la chasteté, à l’honnêteté, à la pureté de mœurs. Saint-Augustin, Ep. xci, 3.

VIII. J’admire non-seulement la sagesse de ces dispositions, mais l’heureux choix des termes. S’ils ont un différend, dit la loi. Un différend n’est pas une querelle d’ennemis, mais un léger nuage entre amis. La loi pense donc qu’il peut y avoir entre des voisins quelque différend, mais jamais de querelle. Nonius, v, 34. Ils ne pensaient pas que la vie de l’homme se terminât avec ses soins terrestres ; de là, dans le droit des pontifes, la sainteté de la sépulture. Id., ii, 805. Les Athéniens envoyèrent au supplice leurs généraux innocents, parce qu’ils n’avaient point donné la sépulture à ceux que la violence de la tempête les avait empêchés de retirer des flots. Id., iv, 158. Dans cette lutte fameuse, je n’ai point embrassé la cause du peuple, mais celle des gens de bien. Id., xii, 4. On ne résiste pas facilement à un peuple puissant, soit qu’on ne lui accorde aucun droit, soit qu’on lui en donne trop peu. Priscien, xv, 4, 20. Fassent les Dieux, pour son bonheur, que ma prédiction soit vraie ! Nonius, vii, 7.

IX. C’est en vain que Cicéron s’écriait en parlant des poètes : Quand ils sont couverts d’applaudissements et excitent l’enthousiasme du peuple, que leur vanité regarde comme un si grand maître et un juge si éclairé, quelles ténèbres ils répandent sur les esprits ! quelles terreurs ils font naître ! que de passions ils enflamment ! Saint Augustin, de Civit. Dei, ii, 14. Cicéron dit qu’alors même qu’il vivrait deux fois l’âge d’un homme, il n’aurait pas un moment pour lire les poètes lyriques. Sénèque, Ep. 49.

X. Scipion dit dans le traité de la République : Comme nos ancêtres attachaient une idée déshonorante à la profession de comédien et à la vie d’un homme de théâtre, ils voulurent que ces sortes de gens fussent privés des honneurs du citoyen romain ; et plus encore, que le censeur les chassât ignominieusement de leur tribu. Saint Augustin, de Civit. Dei, ii, 13. Cicéron nous fait connaître le sentiment des anciens Romains sur le théâtre dans ses livres de la République, où Scipion s’exprime ainsi : « Jamais la comédie, si les mœurs ne l’avaient autorisée, n’aurait pu faire applaudir sur le théâtre ses infâmes licences. Les anciens Grecs affichaient au moins ouvertement leur goût dépravé ; chez eux une loi permettait à la comédie de tout dire et de nommer tout le monde. » Aussi l’Africain ajoute-t-il : « Quel homme n’a-t-elle pas atteint ? sur qui n’a-t-elle pas frappé ? qui a-t-elle épargné ? Elle s’est attaquée, me dira-t-on, à d’indignes flatteurs du peuple, à des méchants, à des citoyens séditieux ; elle a déchiré un Cléon, un Cléophonte, un Hyperbolus. On ne peut lui en savoir mauvais gré ; quoiqu’il eût mieux valu que de tels hommes fussent notés par un censeur que par un poëte. Mais que Périclès, un si grand capitaine, un si fameux politique, l’âme et la gloire de sa patrie depuis tant d’années, ait été outragé dans des vers et ces vers récités sur la scène, cela n’est-il pas aussi révoltant que si Publius et Cnéius Scipion eussent été publiquement calomniés par Plaute ou Névius, et Caton par Cécilius ? » Et quelques lignes après : « Nos lois des douze Tables, au contraire, qui prononcent en si peu de cas la peine capitale, ont voulu que le dernier supplice fût infligé à celui qui réciterait publiquement ou composerait des vers injurieux et diffamatoires. Rien de plus sage ; car notre vie doit être soumise au jugement des magistrats, à leurs sentences légitimes, et non aux fantaisies des poètes ; et s’il est permis de nous attaquer, c’est à la condition que nous puissions répondre et nous défendre devant un tribunal. » J’ai pensé que je devais reproduire ici ce passage du quatrième livre de la République, en supprimant toutefois quelques détails et en donnant un autre tour à quelques idées, pour en rendre l’intelligence plus facile. Cicéron ajoute encore de nouveaux développements, et termine en montrant que les anciens Romains ne voulaient qu’aucun homme vivant fût loué ou blâmé sur la scène. Saint Augustin, de Civil. Dei, ii, 9.

XI. Cicéron dit que la comédie est l’imitation de la vie, le miroir des mœurs, l’image de la vérité. Donat, de com. et trag. Dans le même livre de la République, on rapporte que chez les Athéniens, Eschine, un de leurs orateurs, après avoir joué des tragédies pendant sa jeunesse, prit part au gouvernement de la république ; et qu’un autre acteur tragique, Aristodème, fut envoyé souvent près de Philippe, pour traiter avec lui, au nom d’Athènes, les importantes questions de paix et de guerre. Saint Augustin, de Civit. Dei, ii, 10.